La réunion commence à neuf heures cinq.
La commission entend, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Benoît Vallet, dont la nomination en qualité de directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail est envisagée par M. le Président de la République.
Par courrier du 31 août dernier, la Première ministre a fait savoir à la présidente de l'Assemblée nationale que, conformément aux dispositions des articles L. 1313-4 et R. 1313-17 du code de la santé publique, la nomination de M. Benoît Vallet à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) était envisagée par le Président de la République. Nous sommes donc réunis ce matin pour émettre un avis sur cette proposition, conformément aux dispositions de l'article 13 de la Constitution. Il s'agit d'une première puisque c'est en vertu de la loi organique du 30 mars 2020 que la direction générale de l'ANSES compte désormais parmi les fonctions faisant l'objet de cette procédure d'avis.
L'article 29-1 du Règlement de l'Assemblée nationale est applicable. Notre commission doit nommer un rapporteur appartenant à un groupe d'opposition ou minoritaire. Hier soir, nous avons désigné nos référents appelés à exercer, le moment venu, les fonctions de rapporteur pour ces propositions de nomination. Notre collègue Bénédicte Auzanot, référente de la commission pour l'ANSES, sera donc notre rapporteure aujourd'hui.
Monsieur Vallet, je vous souhaite la bienvenue devant la commission des affaires sociales. Je vous demanderai d'abord de vous présenter et de nous donner quelques orientations sur la manière dont vous envisagez les fonctions pour lesquelles vous êtes proposé, sachant que les commissaires ont eu communication de votre curriculum vitae. Ensuite, après avoir entendu les questions de notre rapporteure, vous pourrez lui répondre. Je donnerai alors la parole aux orateurs des groupes politiques, puis aux députés qui le souhaiteront, pour deux minutes. Comme il est convenu que la commission des affaires sociales du Sénat se livre au même exercice en fin de matinée, j'appelle chacun à un strict respect des temps de parole.
Une fois l'audition terminée, nous voterons sur cette proposition de nomination, hors la présence de M. Vallet et au cours d'un scrutin secret pour lequel, selon l'article 13 de l'instruction générale du bureau, « les délégations du droit de vote ne peuvent avoir effet ». Le dépouillement des bulletins n'interviendra que lorsque les sénateurs auront également voté. J'invite deux collègues ou plus, de la majorité et des oppositions, à se faire connaître pour assurer le rôle de scrutateurs lors du dépouillement.
Je rappelle enfin que le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ces deux commissions.
Je vous remercie de m'accueillir devant vous.
Je souhaiterais commencer par évoquer le travail de l'ANSES. Relevant des ministères chargés de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, de la consommation et du travail, l'Agence a une vocation interministérielle. Créée il y a douze ans, elle est relativement jeune et elle regroupe sur seize sites près de 1 400 agents, ce qui en fait une structure importante. Elle dispose de neuf laboratoires de recherche. Elle a recours à environ 800 experts extérieurs issus d'universités et d'organismes de recherche français ou étrangers.
La première mission de l'Agence consiste à apporter aux décideurs publics des repères scientifiques, à leur présenter des recommandations pour mieux protéger la santé humaine contre les risques liés à l'alimentation, à l'environnement et au travail ou qui affectent la santé des animaux et des plantes. Les travaux de l'ANSES contribuent à l'élaboration de dispositions législatives et réglementaires ; ils aident les pouvoirs publics dans leur prise de décision.
De plus, l'ANSES intervient en opérateur et financeur de la recherche publique. L'Agence coordonne plusieurs dispositifs de vigilance, tels que la toxicovigilance, qui s'appuie sur les centres antipoison, la phytopharmacovigilance et la nutrivigilance. Elle assure aussi des missions de surveillance et d'alerte quant aux risques émergents ou récurrents.
L'ANSES joue également un rôle de sécurité sanitaire essentiel en garantissant la qualité des analyses officielles dans les domaines de la santé animale, de la santé des plantes et de la sécurité sanitaire des aliments, à l'instar des laboratoires nationaux de référence qui interviennent pour la santé humaine.
En outre, l'examen des demandes de mise sur le marché a été confié à l'Agence pour plusieurs familles de produits réglementés ayant des enjeux sanitaires spécifiques, comme les produits phytopharmaceutiques, les biocides et les médicaments vétérinaires.
Enfin, et ce point est important, l'ANSES participe aux travaux de nombreuses instances européennes et internationales, notamment en ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments, le risque chimique, la santé et le bien-être animal. Elle détient de nombreux mandats de laboratoire de référence de l'Union européenne, et elle représente la France à la demande du Gouvernement. Un rôle de coordonnateur lui a été confié pour l'ambitieux partenariat européen pour l'évaluation des risques liés aux substances chimiques (PARC), lancé lors de la présidence française de l'Union européenne, en mai 2022, et financé à hauteur de 400 millions d'euros. Le PARC associe près de deux cents partenaires, vingt-huit pays et trois agences européennes ; il incarne bien le rôle que l'Agence doit jouer pour stimuler la recherche internationale dans ses domaines d'expertise et pour exercer une influence sur ces graves questions de santé.
Je suis donc candidat à la direction générale de l'ANSES. Plusieurs éléments de mon parcours me semblent correspondre aux compétences requises. Tout d'abord, je suis un médecin formé à la recherche, qui a poursuivi jusqu'à ce jour son activité de chercheur et d'enseignant au profit de la santé publique et de la santé mondiale. De plus, j'ai géré plusieurs organisations de santé : le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, la direction générale de la santé (DGS) et l'agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France.
En tant que directeur général de la santé, j'ai contribué en 2016 à la mise en place des agences sanitaires selon un système reposant sur trois piliers. Le premier est la veille et la surveillance épidémiologique de la population, dont s'occupe Santé publique France (SPF). Le second repose sur les pratiques de santé et les produits, placés sous l'égide de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM). Enfin, le troisième consiste dans l'évaluation scientifique des risques sanitaires nouveaux ou mal cernés, notamment environnementaux, dont se charge l'ANSES. Ces trois agences ont vocation à collaborer de façon étroite.
En tant qu'autorité de tutelle, j'ai eu l'occasion de saisir l'ANSES et d'apprécier la pertinence de ses réponses scientifiques. J'ai aussi participé à l'élaboration de son contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2018-2022.
Par ailleurs, je me suis engagé en faveur de la déontologie et de la prévention des conflits d'intérêts, conditions nécessaires à la confiance en la décision publique. J'ai ainsi œuvré à la mise en place du site unique de déclaration publique d'intérêts, dans le cadre de la loi dite Touraine, qui renforce la transparence sur les liens d'intérêts en santé.
Au cours de mon expérience interministérielle, j'ai également contribué à la mise en œuvre de politiques de santé publique et de cadres structurants pour l'action de l'ANSES. J'ai ainsi travaillé sur le plan Chlordécone 3, le plan national Santé environnement 3, le plan national de santé au travail 3 et les questions d'antibiorésistance.
Grâce à mes expériences de membre du conseil exécutif de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2014 à 2017, d'artisan de la mise en place de l'académie de l'OMS à Lyon à partir de 2019, d'acteur de la gestion de la crise du covid-19 aux côtés du coordinateur de la stratégie nationale de déconfinement, puis de directeur de l'ARS Hauts-de-France depuis 2020, je me suis familiarisé avec une vision globale et transversale de la santé, à l'échelle régionale, nationale et mondiale, qui est cohérente avec la stratégie One Health de l'ANSES.
En outre, j'assure depuis 2020 la présidence du conseil d'administration de l'ANSES, une fonction non exécutive. J'ai pu avoir un panorama privilégié des activités de l'Agence, apprendre ses valeurs et voir l'attention dont elle fait preuve à l'égard de ses administrateurs – qu'ils représentent l'État, les organisations professionnelles et syndicales, la société civile ou les personnels. J'ai aussi constaté son ouverture aux préoccupations et aux attentes de notre société. Grâce à cette fonction, j'ai pu appréhender le rôle de l'Agence : comprendre les défis sanitaires qu'elle contribue à résoudre, mais aussi identifier les compétences requises pour être son directeur général. L'ANSES est une instance de référence dans le paysage français et européen. Son périmètre de compétences est cohérent avec le regard global que nous posons sur les enjeux de santé depuis la pandémie et avec notre prise de conscience progressive des défis sanitaires dus à l'impact des activités humaines sur la planète.
J'ai aussi mesuré l'attention que porte l'ANSES à la bonne compréhension de ses travaux par l'ensemble des décideurs et des parties prenantes, faute de quoi son action resterait peu utile. Les échanges que l'Agence entretient avec vous, parlementaires, sont soutenus. Une trentaine d'auditions ont lieu chaque année dans les deux assemblées. Je sais combien la direction et les experts de l'ANSES ont à cœur de répondre à vos demandes, qui contribuent à la mission d'appui de l'Agence à la prise de décision en matière de politique publique. J'ai notamment remarqué les nombreuses interactions entre l'Agence et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Au cours des réunions du conseil d'administration auxquelles j'ai participé, j'ai noté le souci d'écoute et de dialogue dont fait preuve l'ANSES, en aval comme en amont de son action. Intervenant sur de nombreuses questions sanitaires nouvelles ou encore mal appréhendées qui suscitent de fortes inquiétudes – je pense aux pesticides, aux nanotechnologies, aux biotechnologies ou aux ondes –, l'Agence a institué sur ces sujets des comités de dialogue permanents avec la société civile.
Enfin, un dernier point saillant dans l'évolution de l'ANSES mérite d'être mentionné : son implication forte et grandissante dans les dispositifs européens de mutualisation des efforts scientifiques en vue de renforcer la sécurité sanitaire de l'Union européenne.
En tant que directeur général, il m'importera de consolider la force et la réputation de l'ANSES sur ces piliers que constituent son excellence scientifique et la confiance suscitée par son action. Je m'attacherai aussi à accroître la capacité de l'ANSES à alerter et à agir avec un temps d'avance. Je veillerai à ce qu'elle occupe pleinement sa place d'agence de référence sur les scènes française, européenne et internationale.
En ce qui concerne les orientations de mon action, j'insisterai sur cinq priorités.
La première est la reconnaissance du rôle et de l'expérience de l'ANSES dans la mise en œuvre d'une approche décloisonnée, de type One Health, des santés humaine, animale et végétale. Sur ce point, je remarque que nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux la création de lieux où médecins, vétérinaires et chercheurs de différentes obédiences pourraient dialoguer et travailler ensemble afin d'éviter, par exemple, de nouvelles pandémies. Je serai attentif à ce que l'expérience de l'ANSES soit prise en compte alors que se mettent en place des structures capitalisant sur les leçons du covid – notamment le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires qui a remplacé le Conseil scientifique. Il m'importera également de renforcer les liens avec les organisations professionnelles de la santé humaine et les cursus de formation, afin que l'on s'approprie mieux les travaux de l'Agence ainsi que les enjeux de santé environnementale et de santé au travail.
Ma deuxième priorité serait d'entretenir un vivier d'experts scientifiques motivés par un travail interdisciplinaire au service des questions sanitaires. Cela implique une reconnaissance de ce type de missions du côté des parcours des chercheurs et des potentialités de publications scientifiques. En la matière, des progrès peuvent sans doute être faits, et je suis prêt à m'engager dans un dialogue avec les opérateurs et le ministère compétent en vue de renforcer l'attrait, la connaissance et la reconnaissance des missions d'expertise. Je rappelle que huit cents experts extérieurs contribuent aux travaux de l'Agence.
J'en viens à ma troisième priorité : l'extension pérenne des capacités d'expertise de l'ANSES en matière de sciences humaines, économiques et sociales. L'Agence a souhaité renforcer cette année ses capacités d'analyse socioéconomique afin de mieux cerner les comportements exposant le plus à certains risques sanitaires, de prendre en compte les dimensions économiques et sociales de différentes options d'action ou encore de préciser la balance bénéfices-risques de certaines situations. J'encouragerai ces nouveaux développements, qui améliorent la pertinence des réponses de l'Agence.
Ma quatrième priorité concerne l'accès aux données. En effet, une expertise scientifique peut se bâtir de façon d'autant plus robuste et rapide qu'elle repose sur un accès simple, riche et qualitatif aux différents types de ressources : publications scientifiques internationales, résultats de surveillances épidémiologiques, indicateurs relatifs à l'usage de telle substance ou de tel produit, résultats de contrôles sanitaires, etc. Les références sont très nombreuses. L'interconnexion des bases de données massives des acteurs de la santé et de la recherche, en incluant tous ceux qui sont pertinents et utiles, représente un enjeu important qui pourrait figurer dans le prochain COP.
Enfin, je veillerai à maintenir au plus haut niveau de qualité l'écoute et le dialogue que l'ANSES a instaurés avec les parties prenantes, et qu'elle ne cesse de renforcer. Je serai attentif à la bonne mise en route du comité de dialogue sur les biotechnologies, qui débutera ses travaux cet automne. En outre, je soutiendrai les initiatives d'association du public dans le cadre de la recherche ouverte, ainsi que le développement des relations de l'Agence avec les deux organisations nationales de référence que sont la Commission nationale du débat public et le Conseil économique, social et environnemental.
Pour conclure, je suis sensible à l'attention que l'ANSES porte au monde dans lequel nous vivons et à son sens du service public. Si vous m'accordez votre confiance, je serai fier de promouvoir son action au profit de toutes les santés et de m'engager à ce qu'elle continue de mettre à l'épreuve les barrières parfois hissées entre les disciplines sanitaires et scientifiques, entre les registres de l'action publique, nationaux et internationaux, entre la science et la confiance.
Comme vous l'avez indiqué, madame la présidente, la nomination de M. Vallet ne pourra intervenir qu'après un vote dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le passage d'une simple audition, prévue par le code de la santé publique, à un vote dans le cadre de l'article 13 de la Constitution est loin d'être symbolique. Cela traduit l'importance accrue accordée aux questions sanitaires dans notre pays. Compte tenu de l'étendue des missions de l'ANSES, le Parlement ne pouvait plus être simplement consulté : il devait participer à la décision de nomination. Cela me paraît d'autant plus opportun que l'Agence concourt à la mise en œuvre d'actions de cinq programmes budgétaires relevant des ministères chargés de l'agriculture, de la santé, du travail et de l'environnement. Ceci ne simplifie ni le suivi des dépenses et des recettes, ni la compréhension du mode de financement de l'ANSES.
Monsieur Vallet, votre carrière, longue d'une riche suite de postes à haute responsabilité, semble indiquer, pour un regard extérieur tel que le mien, que vous êtes l'homme de la situation. En tout cas, de façon plus certaine, vous êtes l'homme d'un système, celui de l'appareil d'État et de ses satellites. À cette carrière s'ajoute le fait que vous avez été choisi par le Président de la République. Si cette distinction fait partie de la procédure, elle appelle une première question : en ce qui concerne les sujets intéressant l'ANSES, avez-vous été en désaccord avec une décision majeure du Gouvernement depuis 2017 ? Le cas échéant, laquelle, et pourquoi ?
Depuis 2015, l'ANSES s'est vu confier de nouvelles missions relatives aux produits phytopharmaceutiques, à l'évaluation des risques environnementaux liés à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés ou encore à l'analyse socioéconomique. Le transfert d'une mission concernant la sécurité sanitaire des produits cosmétiques est également envisagé d'ici à 2023, en plus de la reprise de certaines compétences de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur. Comment envisagez-vous de vous acquitter de façon efficace de ces nouvelles tâches ? Par ailleurs, l'Agence a-t-elle les moyens de mettre en œuvre ses missions actuelles ?
Ma troisième question sera aussi d'ordre général. Comment l'ANSES prend-elle en compte les préoccupations des Français ? Quel est le protocole de remontée d'informations ? Vous semble-t-il suffisant ? Sinon, que proposez-vous ?
J'en viens à des questions plus spécifiques. La qualité de l'air est un enjeu majeur de santé publique. L'OMS souligne que la pollution de l'air est la première cause de décès liés à l'environnement dans le monde : elle ferait sept millions de morts chaque année. Selon M. Roger Genet, actuel directeur général de l'ANSES, « l'impact sanitaire majeur de la pollution atmosphérique est incontestable ». Les connaissances scientifiques disponibles permettent d'ores et déjà d'établir que cet impact est avéré, en deçà même des seuils réglementaires, qu'il est multiforme, qu'il est plus important chez des populations vulnérables et qu'un renouvellement de l'action publique en la matière est à la fois indispensable et urgent. Quels seraient les voies et moyens d'y parvenir ? Quelles études et recommandations conduit ou entend conduire l'ANSES, à court terme, sur la problématique des particules fines ?
Toujours en matière de santé publique, il est difficile de faire l'impasse sur l'actualité qui accable les agences régionales de santé, en particulier celle des Hauts-de-France, au sujet de la présence de pesticides et de métabolites de pesticides dans l'eau potable. Les révélations font froid dans le dos. Depuis 2004, la Commission européenne appelle les États membres à prêter une attention particulière à ces questions. Pourtant, on apprend que peu de normes existent concernant les taux minimaux de molécules toxiques dans l'eau. L'ANSES peine à calculer la valeur sanitaire maximale (Vmax) faute d'études fiables alors qu'elle est – je vous cite – « la seule norme sanitaire permettant d'indiquer la concentration dans l'eau de produits toxiques ». Comment entendez-vous remédier à cette difficulté dans un contexte d'urgence sanitaire ? Par ailleurs, la sécheresse et la raréfaction des ressources ont des conséquences en matière de pollution hormonale des eaux. Des études sont-elles en cours ? Quelle est votre position sur l'établissement de normes harmonisées en Europe ? Quels sont les moyens d'y parvenir pour qu'à l'avenir l'eau bue soit de même qualité partout ?
Au cours de votre parcours professionnel, vous avez été amené, vous l'avez dit, à participer à la coordination de la stratégie de déconfinement et à la campagne nationale de vaccination contre la covid-19. L'ANSES travaillera-t-elle sur les éventuels effets secondaires de ces vaccinations ?
Je souhaite également vous interroger sur le comité de déontologie de l'Agence. Pour renforcer l'indépendance des travaux menés et prévenir efficacement les conflits d'intérêts, les possibilités de saisine ne pourraient-elles pas être ouvertes à des tiers ? La composition du comité pourrait-elle être revue ? L'indépendance de l'ANSES à l'égard du politique et des groupes de pression vous semble-t-elle totale ? En qualité de directeur général, quels moyens donneriez-vous à ce comité afin de garantir l'impartialité des études conduites ?
J'aborde à présent un sujet d'actualité puisque le Gouvernement entend accélérer l'implantation des champs d'éoliennes. En matière environnementale, l'OMS a publié dès octobre 2018 un communiqué dans lequel elle affirme que les éoliennes représentent une source de nuisances sonores ; elle demande des études pour apprécier leur impact sur la santé. L'ANSES recommande la poursuite d'études locales systématiques avant l'installation de parcs éoliens. Un tribunal de Toulouse a récemment fait droit à une demande de plaignants en reconnaissant un préjudice au titre du « syndrome éolien ». Que compte faire l'Agence à ce sujet ? Quels engagements prendrez-vous afin que l'ANSES produise, en urgence, des études de cas-témoins concernant l'homme et l'animal, qui seraient ouvertes aux élus locaux ?
Une récente étude, publiée par des scientifiques de l'université de Harvard, affirme que l'alimentation industrielle est potentiellement responsable d'une épidémie mondiale de cancers chez les moins de 50 ans. Qu'en pensez-vous et quel type de prévention l'ANSES pourrait-elle mettre en place ?
J'en viens à une question qui intéresse nos collectivités. Le glyphosate, qui était utile aux communes pour désherber, dans les cimetières par exemple, est désormais interdit. Existe-t-il, pour justifier cette interdiction, des preuves de toxicité faisant l'unanimité ?
Enfin, ma dernière question sera plus personnelle. Une fois à la tête de l'ANSES, conserverez-vous d'autres missions ? Dans cette hypothèse, lesquelles ?
Je répondrai d'abord à la dernière question. Ma fonction à l'ANSES sera exclusive ; je n'exercerai aucun autre mandat. Je dirige encore la thèse d'un étudiant, qui soutiendra en décembre, mais ce sera la dernière. Je mettrai fin à mes activités de recherche – je commence à en avoir l'âge –, même si elles m'ont aidé à comprendre les situations, qu'il s'agisse du soin aux personnes ou de la santé populationnelle, en particulier grâce au système national des données de santé.
En ce qui concerne le déconfinement et la campagne de vaccination qui a suivi, j'aimerais revenir sur deux aspects peu soulignés : le caractère territorialisé de cette campagne et l'homogénéisation en matière de distanciation. Il faut réfléchir à la manière dont les soins sont envisagés compte tenu de la demande en santé de nos concitoyens. L'existence de données massives et fines semble essentielle, j'insiste sur ce point, pour réaliser les bons soins au bon endroit et au bon moment. Quant à la question des effets secondaires de la vaccination, elle relève de l'ANSM et de Santé publique France, plutôt que l'ANSES, sauf cas particuliers concernant des professionnels.
J'en viens au comité de déontologie. Il est très important. En effet, la confiance ne sera pas au rendez-vous si la probité des experts de l'évaluation des risques est questionnée. Il faut travailler sans relâche pour que les informations nécessaires soient publiques. L'ANSES peut être saisie par des tiers, indépendamment de l'État : vous pouvez la saisir, de même que les acteurs de la société civile siégeant au conseil d'administration, même si ces derniers n'ont pas souvent recours à cette prérogative. Pour ce qui est du comité de déontologie, sa saisine se fait à travers la direction, mais il n'y a pas de limite à la capacité de celle-ci à relayer des sujets importants. L'Agence dispose des outils nécessaires pour assurer son impartialité.
En ce qui concerne les éoliennes, on a considéré qu'il pouvait y avoir une pollution sonore ainsi que visuelle. L'ANSES a engagé des travaux qui concernent notamment l'impact sur la faune et la proximité des installations. Je ne peux indiquer ce qui sera fait prochainement, mais je sais que les études sont toujours conduites dans un esprit d'ouverture, en particulier à l'égard des élus, et que des temps d'échange avec les parties prenantes ont lieu.
À la différence de Santé publique France, l'ANSES n'a pas de présence dans les régions. Elle pourrait néanmoins trouver des relais du côté des agences régionales de santé ou des directions régionales compétentes en matière d'alimentation, d'agriculture ou d'environnement, en partenariat avec les préfets, pour investir les politiques publiques territoriales.
S'agissant de la crainte que certains produits, notamment les pesticides, puissent induire une épidémie de cancers, il est nécessaire de croiser les travaux que conduit l'ANSES sur les produits utilisés dans l'environnement avec les données épidémiologiques. Je souligne de nouveau l'importance des données massives, mais aussi celle du repérage dans des sites particuliers. Il existe déjà une mutualisation avec Santé publique France, notamment sur la question des sites et des sols pollués, pour déterminer si l'apparition de certains cancers est liée à la proximité, dans l'environnement, de produits ou d'installations telles que des incinérateurs.
Le glyphosate est sujet de préoccupation au niveau national et européen. La possibilité de son autorisation sera de nouveau examinée après des travaux conduits en 2023. L'ANSES doit y contribuer, notamment par un appel à projets de recherche auquel pourra participer le Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS, que l'Agence finance sur cette thématique.
Un des aspects du débat concerne la manière dont on conduit les appels à projets, en particulier les liens d'intérêts potentiels entre les rédacteurs des appels et ceux qui peuvent en bénéficier. J'ai suivi de près cette question avant de présider le conseil d'administration de l'ANSES. Selon moi, il faut une plus forte participation européenne ou internationale dans l'élaboration des programmes de recherche afin de limiter le risque de conflits d'intérêts.
Je n'ai pas eu, depuis que je préside le conseil d'administration, de désaccord avec les décisions de l'Agence. Depuis 2017, les liens d'intérêts potentiels entre ceux qui préparent les appels à projets et ceux qui y répondent sont le seul point au sujet duquel j'avais pensé, de l'extérieur, que des questions pouvaient se poser. Vous savez, néanmoins, que l'ANSES a fait évoluer ses pratiques. Dans ces domaines, les intervenants sont rares et il faut faire attention. Les résultats ne doivent pas avoir une teinture, sous peine d'être discrédités.
S'agissant de la remontée d'informations vers les Français, je précise que tous les avis de l'ANSES sont publics. Ils sont accessibles sur internet de même que les rapports dont ils sont issus. Néanmoins, ce n'est certainement pas suffisant : consulter un site représente une démarche proactive et lire un rapport d'expertise de l'ANSES reste difficile. Même la lecture des avis, pourtant rédigés de la façon la plus lisible possible, peut être compliquée. Il faut mieux accompagner les informations produites de deux façons. D'abord, on peut agir grâce aux élus lors d'échanges au niveau territorial : ceux qui m'ont connu dans les Hauts-de-France savent la proximité avec les élus au cœur de ma démarche. Par ailleurs, la conférence des parties prenantes qui se tiendra prochainement autour des questions de santé constituera un moment privilégié. Ensuite, il faut s'appuyer sur les professionnels de santé. La crise sanitaire a démontré que les Français avaient confiance en ces acteurs, notamment les médecins généralistes. Nous devons renforcer la connaissance de l'ANSES de ces professionnels. Je ne l'ai moi-même vraiment découverte qu'en devenant directeur général de la santé, alors qu'elle touche à des sujets de préoccupation essentiels pour les médecins de proximité. Il faut les former, leur apprendre ce qu'est l'ANSES et leur faire connaître ses avis pour nourrir leur pratique.
L'ARS Hauts-de-France travaille sur les métabolites de pesticides depuis le début de l'année 2021. L'ANSES a en effet reconnu la possibilité que les métabolites de la chloridazone soient considérés, par précaution et d'une certaine façon par défaut, comme pertinents, c'est-à-dire comme ayant d'éventuels effets en matière de reprotoxicité ou de génotoxicité. Au-delà de la limite de qualité établie au niveau européen, il a fallu définir une valeur de gestion transitoire, dans l'attente d'une Vmax, afin de prendre des décisions, notamment d'éventuelles restrictions de consommation d'eau. Toutefois, je voudrais souligner des éléments très importants. Les sources de distribution d'eau se comptant en milliers, il faut du temps pour un état des lieux des mesures, pour arriver à une stabilité de ces dernières et pour exercer un contrôle. Nous n'avons obtenu un panorama partiel qu'après l'été 2021. Néanmoins, dès le mois de juin, nous avons fixé une valeur de gestion transitoire qui équivaut à la Vmax de la chloridazone divisée par un facteur cinq, ce qui est extrêmement protecteur. Il a en effet été montré, pour neuf métabolites de pesticides actuellement suivis, que leur Vmax est supérieure à celle de la molécule mère ou à peu près du même niveau. La valeur retenue avait été proposée par la DGS. Nous l'avons utilisée en première intention, tout en demandant une valeur nationale. En effet, des travaux interagences montraient que d'autres ARS rencontraient le même problème mais s'apprêtaient à adopter des valeurs différentes. Fin 2021, j'ai saisi le directeur général de la santé et nous avons obtenu une réponse à l'issue d'une saisine du Haut Conseil de la santé publique. Une nouvelle circulaire nous a été adressée en juin dernier.
Nous avons renforcé les mesures dans les unités de distribution concernées, et nous avons observé qu'une centaine de communes devaient être suivies de près. L'ARS a demandé au préfet de prendre des dispositions pour quatre communes si elles ne parviennent pas à trouver des solutions, étant entendu que, pour ces métabolites, les mesures au robinet sont très inférieures à celles des réservoirs. Avant de décider des restrictions, les responsables de la qualité de l'eau cherchent des solutions faisant appel à l'interconnexion, qui permet une dilution des eaux concernées, et à l'usage de charbon actif. Par ailleurs, je voudrais préciser que la valeur retenue, de trois microgrammes par litre, est extrêmement protectrice puisqu'elle est presque cent fois inférieure à la Vmax de la chloridazone. À titre de comparaison, aucune restriction de consommation n'est décidée pour cette valeur en Allemagne, où les autorités se contentent de mesures d'amélioration de la qualité de l'eau. La valeur choisie par nos autorités nationales correspond à l'application du principe de précaution, et elle demeurera en vigueur jusqu'à l'adoption d'une Vmax, si tant est que ces métabolites soient effectivement considérés pertinents à l'issue des travaux engagés.
Je termine par la pollution de l'air, intérieur et extérieur, au sujet de laquelle l'ANSES a publié des avis sur le rôle des particules fines dans le développement de certains cancers et de bronchopathies chroniques. Je rappelle, à ce sujet, que l'ANSES n'est pas une agence de gestion : elle a pour objectif d'évaluer les risques et de fixer certains paramètres ; il revient ensuite aux pouvoirs publics d'agir, par exemple en limitant des pratiques qui entraînent l'émission de particules fines. L'ANSES n'est qu'une sorte d'inducteur, par les normes et les valeurs de référence qu'elle propose. Elle n'est pas un acteur des politiques publiques. Il me semble, en revanche, que les échanges que nous pouvons avoir facilitent la prise de décision et qu'ils permettent d'avancer.
Je vous remercie, monsieur Vallet, pour les réponses que vous avez essayé d'apporter. Elles ne me satisfont pas totalement mais nous aurons l'occasion de développer un lien privilégié qui permettra de poursuivre l'échange.
Nous vous entendons, monsieur Vallet, dans le cadre de l'application de l'article 13 de la Constitution, qui prévoit que certaines nominations, eu égard à leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation, font l'objet d'un avis public de la part des commissions compétentes de chaque assemblée. Je soulignerai d'abord la richesse de votre parcours professionnel et sa pertinence au regard de votre possible nomination. Médecin anesthésiste réanimateur, professeur de médecine en 1998, chef de pôle de 2005 à 2011, président de la commission médicale d'établissement du CHU de Lille de 2011 à 2013, vous avez ensuite occupé la fonction de directeur général de la santé d'octobre 2013 à janvier 2018, et vous avez été particulièrement mobilisé dans la gestion du covid-19, notamment en tant que représentant de la France au conseil exécutif de l'OMS. Vous êtes actuellement directeur général de l'ARS Hauts-de-France. Vous exercez aussi la fonction de président du conseil d'administration de l'ANSES, ce qui vous confère une connaissance approfondie de cette organisation et des enjeux auxquels elle doit répondre. Compte tenu de ce parcours, le groupe Renaissance soutiendra votre nomination.
Je souhaite vous interroger sur les chantiers prioritaires que vous identifiez, notamment dans le cadre de l'appel à projets sur le thème environnement-santé-travail. Plus précisément, quels travaux sont envisagés s'agissant de l'impact du trafic aérien sur la qualité de l'air et le sommeil ? Connaissant votre attachement à l'outre-mer, j'aimerais également savoir quels travaux pourraient porter sur le chlordécone les sargasses. Enfin, comment comptez-vous mieux diffuser les travaux de l'ANSES ?
Pendant la campagne présidentielle, le Rassemblement National n'a eu de cesse de défendre la qualité du travail, de l'environnement et de l'alimentation des Français. Sans doute le Président de la République a-t-il déjà oublié que nous constituons le premier parti d'opposition et que nos propositions sont parmi les plus attendues par nos compatriotes.
Nous ne cesserons de le répéter : il faut augmenter le volume de l'aide alimentaire pour les plus démunis. La paupérisation des Français les plus précaires et l'augmentation brutale du prix des matières premières, alimentaires et énergétiques, privent des millions de citoyens d'une alimentation suffisante et saine. Alors que l'Union européenne a réduit les budgets dédiés à l'aide alimentaire, notre groupe politique défend exactement le contraire. Nous avons cherché à protéger, et nous le ferons toujours, les 10,1 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté. Sachez, monsieur Vallet, que si vous deveniez directeur général de l'ANSES, le RN tiendrait à ce que vous mettiez tout en œuvre pour protéger les plus démunis dans notre pays.
L'enjeu de cet échange est important pour nous puisqu'il s'agit de comprendre dans quelles conditions notre pays est capable de produire des vérités qui dérangent les industriels, de mettre ces derniers sous le contrôle de la nation et de sécuriser nos assiettes.
Ma première question sera d'ordre théorique. S'agissant de l'usage des données toxicologiques et nutritionnelles, quelle place accordez-vous au principe de précaution ?
Quel rapport entretenez-vous avec les autres institutions compétentes, notamment Santé publique France ? Des contradictions peuvent apparaître entre vos recommandations respectives, comme dans le cas des boissons sucrées puisque l'ANSES appelle à la baisse de leur consommation tandis que Santé publique France défend un maximum d'un verre par jour, ce qui est différent. S'agissant du lait, on s'est accordé sur la recommandation d'une consommation suffisante mais limitée : comprenne qui pourra !
En ce qui concerne le nutri-score, l'ANSES s'est bornée à évaluer la faisabilité technique du calcul sans engager de travail sur la pertinence du score nutritionnel en matière d'information des consommateurs, son effet sur les comportements, son incidence sur l'offre alimentaire et les possibles conséquences lorsque des classes d'aliments sont combinées au risque d'obtenir un effet cocktail qui ne correspond pas à l'agrégation des scores de chaque produit. Comment envisagez-vous de poursuivre les travaux sur l'étiquetage nutritionnel ?
L'ANSES a joué un rôle de pionnier concernant le lien entre les nitrites, particulièrement présents dans la charcuterie, et le risque de cancer. Les nitrites tuent, voilà ce qu'affirme l'organisation à la tête de laquelle vous souhaitez être nommé. Et pourtant, le Gouvernement sape des propositions de loi telles que celle du député Richard Ramos, qui souhaitait l'interdiction progressive des nitrites ! Comment protéger nos concitoyens dès lors que vos recommandations, qui pourraient sauver des milliers de vies, ne semblent pas contraignantes ?
Monsieur Vallet, vous semblez avoir le parcours rêvé pour ce poste et nous sommes très heureux de la proposition de vous y nommer. Je voudrais revenir sur certains avis récents de l'ANSES. En premier lieu, l'Agence a confirmé fin septembre la relation causale entre l'exposition à l'amiante et le cancer des ovaires et du larynx. Après avoir consulté un certain nombre de comités d'action, comme celui du nord de l'Isère, il me semble que les risques demeurent méconnus des travailleurs et des professions médicales. Quels efforts déploierez-vous pour permettre l'indemnisation des victimes et la reconnaissance de ces maladies professionnelles ? Par ailleurs, comment informer mieux les travailleurs et les personnels de santé sur les risques encourus ?
J'aimerais aussi revenir sur un rapport de l'ANSES du 12 juillet qui confirme le lien entre consommation de nitrites et risque de cancers colorectaux, à la suite de travaux de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Dans quelle mesure l'ANSES pourrait-elle alerter sur ces risques, sans oublier cependant que les nitrites permettent de réduire la présence de certaines bactéries pathogènes comme la salmonelle, la listeria et la toxine à l'origine du botulisme ?
Monsieur Vallet, votre formation et votre cursus dans le domaine de la santé nous font voir d'un œil favorable votre prochaine nomination.
Ma première question portera sur la prévention, qui fait explicitement partie du portefeuille du nouveau ministre de la santé. Comment comptez-vous articuler les missions indispensables qui vous seront confiées avec le développement de la prévention ?
Par ailleurs, aurez-vous des moyens financiers, humains et organisationnels suffisants pour mettre en œuvre la politique que vous souhaitez conduire à l'ANSES ? S'agissant des ARS, on sait à quel point les moyens de contrôle sont insuffisants.
En ce qui concerne le Parlement – je suis heureux que nous ayons pour la première fois notre mot à dire sur la direction d'une institution aussi importante –, comment envisagez-vous vos liens, au quotidien, avec notre commission ? Nous avons démontré ces derniers mois, à propos des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, notre réactivité.
Vous avez évoqué l'Europe et le monde, avec lesquels les interactions sont fortes mais les différences importantes, dans les domaines de l'alimentaire, du phytosanitaire ou du médicament. Au sujet des normes, je suis toujours étonné de constater que les quantités acceptées en France pour la présence de certains dérivés dans l'eau sont inférieures à ce qui est prévu dans les autres pays. Travaillerez-vous en faveur d'une harmonisation ?
S'agissant des néonicotinoïdes, comment articuler votre mission avec celle de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) ? Il a lancé trente-deux essais sur cette question à la confluence de vos compétences respectives.
Personne ne méconnaît ici l'importance de l'ANSES dans les politiques publiques. Nous sommes donc heureux de vous entendre. Mes questions ne porteront pas tant sur votre candidature que sur ce que le législateur devrait faire évoluer pour permettre à l'ANSES de mieux remplir ses missions.
Cette année, à l'occasion du salon international de l'agriculture, l'Agence a publié un document passionnant, « La science pour une alimentation sûre et saine ». Certains sujets ont déjà été abordés, comme les additifs dans les produits transformés, mais aussi le nutri-score. La bataille pour son élargissement à l'échelle européenne pourrait aider à lever les réticences de certains acteurs de l'agroalimentaire. Quel rôle pourrait jouer l'ANSES dans ce processus ?
En ce qui concerne la nutrivigilance, pour les compléments alimentaires donnés aux animaux mais aussi la limitation des épidémies de zoonoses, qui passe par l'amélioration des conditions de vie des animaux, l'arsenal législatif vous semble-t-il suffisant ?
Enfin, que pensez-vous de la question des microplastiques, qui donne lieu à des plaintes contre des acteurs de l'agroalimentaire, auxquels on demande de réduire leur impact ?
Nous nous réjouissons de vous accueillir devant notre commission. Compte tenu de vos compétences et des fonctions que vous avez exercées, le groupe Horizons et apparentés approuvera la proposition du Président de la République de vous nommer directeur général de l'ANSES.
Le rôle de l'Agence est de donner les moyens de comprendre, de garantir l'accès à un maximum de connaissances fiables afin de permettre à tous, individuellement et collectivement, de choisir et d'agir. À ce titre, l'ANSES contribue notamment à l'amélioration des savoirs sur les impacts sanitaires de la pollution atmosphérique. L'année 2022 a connu de tristes records en matière de feux de forêts et le seuil d'alerte concernant les particules en suspension a été dépassé dans plusieurs régions. Il y a dix ans, l'ANSES publiait un rapport sur les effets sanitaires de la pollution générée par les feux de végétation. Alors que le réchauffement climatique ne devrait pas améliorer de la qualité de l'air, nous souhaitons attirer votre attention sur ce sujet et, en particulier, sur la nécessité de fournir aux élus locaux les connaissances nécessaires pour prendre les bonnes décisions, améliorer le cadre de vie des habitants et se préparer à l'avenir. Au vu de ce qui s'est produit cet été, envisagez-vous de réviser ce rapport afin d'en mettre à jour les conclusions ?
Il y a quelques jours, des journalistes du Monde ont révélé qu'environ douze millions de personnes avaient été concernées en France, en 2021, par des dépassements des seuils de qualité relatifs aux pesticides et aux métabolites. En fonction de la géologie, des pratiques agricoles dominantes et des ressources, les régions sont diversement affectées. On évoque 65 % de la population touchée dans les Hauts-de-France, 43 % en Bretagne et 25 % dans le Grand Est ou les Pays de la Loire. Ce sont des chiffres saisissants. Vous avez indiqué être investi sur ce sujet. En tant qu'écologistes, nous sommes concernés par les questions de santé globale et environnementale, et nous suivrons donc avec attention le travail engagé. Cette affaire pose aussi la question de la stratégie d'anticipation en matière de santé environnementale.
Selon l'OMS, 4,2 millions de décès prématurés seraient imputables chaque année, dans le monde, à la pollution de l'air. En France, Santé publique France a estimé ces décès prématurés à 48 000 par an, dont 600 dans le Grand Paris. Au-delà des sources extérieures de polluants, les appareils à combustion, les matériaux de construction et de décoration ou encore les meubles entraînent une pollution de l'air intérieur, par exemple dans les crèches. Nous savons qu'il en résulte des effets directs sur la concentration, le taux d'absentéisme dans les écoles ou plus généralement le bien-être. Une mauvaise qualité de l'air pourrait favoriser l'apparition de symptômes tels que maux de tête, fatigue et irritation. Il existe de fortes différences au niveau individuel mais certaines populations, comme les enfants, sont plus sensibles que d'autres. Le Gouvernement a-t-il saisi l'ANSES de cette question ?
Enfin, nous avons appris récemment que des taux de plomb très importants avaient été observés autour du site de Metaleurop, en particulier chez des enfants. Prévoyez-vous une surveillance systématique des sites pollués ?
Je voudrais commencer par féliciter l'ANSES pour ses travaux sur l'exposition à l'amiante, qui ont mis au jour un lien direct avec les cancers du larynx et des ovaires. J'espère que ces conclusions auront des conséquences rapides dans les tableaux de maladies professionnelles, qui n'évoluent plus. De quelle façon aborderez-vous les enjeux de santé au travail ? Il faut prendre davantage en compte ces questions, notamment les risques psycho-sociaux.
Je voudrais aussi vous interroger sur le défi que représente la lutte contre la pollution atmosphérique et, plus particulièrement, sur nos connaissances au sujet des particules ultrafines et de l'effet cocktail. Le besoin de connaissances et d'études épidémiologiques est majeur. C'est le représentant d'un territoire touché par ces enjeux, celui du golfe de Fos, qui vous en parle. Comment mieux répondre à la demande citoyenne ? Il faudrait peut-être mieux territorialiser certaines études, et nous serions d'ailleurs candidats au rôle de territoire pilote en ce qui concerne la pollution atmosphérique.
Comment démocratiser le fonctionnement de l'ANSES ? Vous avez prononcé le mot « confiance ». Celle-ci doit se construire en permanence avec nos institutions et avec la recherche.
Tous ces enjeux réclament une meilleure prévention. Cette dimension semble être mise en avant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous sommes saisis, et vous aurez un rôle important à jouer. Il faut changer nos modes de production, de consommation et de vie, ce qui suppose de remettre en cause les intérêts de grands propriétaires. Disposez-vous des moyens suffisants pour mener à bien vos missions ? J'observe que le plafond d'équivalents temps plein a diminué ces derniers temps. Comment faire pour permettre à l'ANSES d'avoir une expertise interne et de maintenir son indépendance ?
La question des perturbateurs endocriniens revient régulièrement dans l'actualité. Entre les polychlorobiphényles, le bisphénol A, les pesticides et les phtalates, le public s'inquiète à juste titre. Chaque jour, nous pouvons les inhaler, les ingérer et les toucher, nous exposant à de graves conséquences telles que des cancers. La France a été le premier pays à mener des travaux sur les perturbateurs endocriniens, qui ont abouti en 2014 à une stratégie de réduction d'exposition du public.
J'aurai trois questions à ce sujet. Les conclusions des travaux de l'ANSES peuvent-elles entrer en conflit avec les intérêts des entreprises, souvent de puissantes multinationales ? Avec quel poids et de quelle manière l'ANSES peut-elle peser face aux groupes de pression ? Enfin, pensez-vous les responsables au sommet de l'État pleinement conscients de la potentielle catastrophe sanitaire à laquelle conduisent les perturbateurs endocriniens ? Si oui, jugez-vous suffisantes les mesures mises en œuvre pour les substances déjà identifiées comme telles ?
Vous êtes depuis deux ans le président du conseil d'administration de l'ANSES. Celui-ci, comme vous l'avez rappelé, fixe les orientations générales de l'Agence : il se prononce sur sa stratégie pluriannuelle, son budget, son programme d'investissement, son programme de travail annuel et les COP conclus avec l'État. Votre rôle a ainsi été de dresser les grandes lignes d'action de l'ANSES. Si vous êtes nommé au poste de directeur général, vous serez amené à exécuter les orientations définies par le conseil d'administration – donc par vous-même. Cela ne pose-t-il pas un problème de déontologie ?
L'ANSES vient de publier les résultats de recherches établissant sans équivoque un lien entre l'exposition à l'amiante et les cancers du larynx et des ovaires. En revanche, l'Agence n'a pas examiné le lien avec d'autres cancers, tels que ceux du pharynx, de l'estomac et du côlon-rectum, alors que cela lui avait été demandé par l'État. La raison serait un manque de moyens et de temps. Comment agiriez-vous sur ce dossier ? Quels moyens manquent et comment les obtenir ?
Je voudrais souligner en préambule que nous n'avons jamais eu autant besoin de science et de rationalité pour répondre aux enjeux de notre société en évitant de céder à l'émotion ou à l'approximation, comme certains sont trop souvent tentés de le faire.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui fait partie du ministère de l'économie, est responsable de la protection et de la sécurité des consommateurs. L'ANSES, placée sous la tutelle des ministères de la santé, de l'agriculture et de l'environnement, établit des rapports concernant les risques sanitaires de nombreux produits. Nous savons que la DGCCRF peut saisir l'ANSES. Quelles sont plus précisément les relations entre les deux structures ? Sont-elles complémentaires ?
Le comité de nutrition de l'ANSES gère l'analyse de la composition des produits dits spéciaux. Leur évaluation a actuellement deux ans de retard, ce qui affecte les possibilités d'amélioration du régime de certains patients. De plus, la quasi-disparition dans les processus de décision des médecins impliqués dans les maladies rares, du fait de la question des liens d'intérêts, prive parfois l'évaluation de ces produits de tout bon sens clinique. Comment faire évoluer le système pour que les évaluations aient lieu plus rapidement et de façon plus cohérente avec la réalité clinique de l'utilisation des produits ?
La Commission européenne tarde de manière inquiétante à définir les perturbateurs endocriniens depuis que la précédente définition de 2017 a été retoquée, ce qui parasite l'élaboration d'une liste. C'est une occasion pour nous, et pour l'ANSES, de nous affranchir des contraintes européennes et d'agir en pionniers. Une définition précise est d'autant plus nécessaire qu'à côté des dangers sanitaires liés à la présence d'une seule substance, l'effet cocktail est de plus en plus avéré, notamment pour les pesticides tels que les néonicotinoïdes. Cela permettrait aussi de lever les suspicions pesant sur des produits probablement visés à tort, comme l'huile essentielle de lavande. Allez-vous donner une définition claire des perturbateurs endocriniens ? Quels moyens accorder aux commissions d'évaluation pour cerner en toute indépendance ce grand problème de santé publique ?
Les territoires ultramarins souffrent d'un taux de pauvreté élevé, entraînant des inégalités de nutrition et de santé. Ainsi, 39 à 45 % des habitants de Guadeloupe, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion souffrent d'hypertension artérielle. Quant au diabète, il touche 10 % des Martiniquais, 11 % des Guadeloupéens et 14 % des Réunionnais contre une moyenne nationale de 5 %. Ces différentes maladies sont en partie dues à la consommation de produits plus sucrés et d'aliments de mauvaise qualité achetés par les consommateurs en raison de leur faible pouvoir d'achat. Face à l'importation de tels produits néfastes, pensez-vous que l'autosuffisance alimentaire soit la solution dans les outre-mer ? La crise sanitaire a mis en avant le bénéfice réel des circuits courts, tant pour la consommation locale que pour l'environnement et la santé.
En outre, comment parler de sécurité sanitaire de l'alimentation quand douze millions de Français subissent une contamination de l'eau du robinet, quand les nappes phréatiques sont polluées par des pesticides de toute sorte, chlordécone aux Antilles ou glyphosate à La Réunion ? Que préconisez-vous à ce sujet ?
Plus globalement, quelles sont vos priorités outre-mer ?
Je souhaite vous interroger sur les effets de l'éolien sur les animaux d'élevage. Plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, l'Australie et le Canada, étudient sérieusement ce sujet qui n'est pas étranger à l'ANSES puisqu'elle a publié en octobre 2021 un avis sur l'imputabilité à un champ d'éoliennes d'effets rapportés dans deux élevages bovins. Cet avis concluait que les résultats obtenus n'étaient pas généralisables. Depuis, les témoignages d'éleveurs s'accumulent. Ils font état d'une modification du comportement des bêtes, qui refusent d'accéder à certains bâtiments ou à certaines pâtures, et d'un stress accru. Ces modifications comportementales s'accompagnent d'une perte de rentabilité pour des éleveurs déjà à la peine. Je pense en particulier à certains producteurs laitiers confrontés à une diminution de la qualité du lait, voire de sa quantité.
La perte de rentabilité ne s'arrête pas là, des éleveurs ayant fait part à plusieurs reprises de l'apparition de pathologies qui entraînent une augmentation des coûts vétérinaires. À cela s'ajoutent l'augmentation du nombre de fausses couches et une surmortalité des animaux. L'avis de 2021 recommande des recherches sur le développement d'outils de simulation et de modélisation pour l'exposition des animaux aux agents physiques générés par les éoliennes. Nous attendons d'autant plus ces recherches que le Gouvernement semble vouloir mener sans concertation un déploiement massif de parcs éoliens. Ce sujet mériterait d'être à nouveau traité, en consultant plus largement les parties concernées et en prenant en compte le souhait des éleveurs d'une expertise rapide. L'enjeu est double : il concerne les éleveurs et leurs exploitations, mais aussi la sécurité sanitaire des consommateurs. Seriez-vous prêt à rouvrir le dossier ?
Il y a deux ans, le comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts de l'ANSES n'a pu exercer sa mission pendant plusieurs mois en raison de graves remous. Depuis cette crise, aucune modification statutaire n'a été annoncée et le comité continue à ne pouvoir être saisi qu'en interne. Selon le code de déontologie, le comité « peut être saisi par le directeur général, par un membre du conseil d'administration, du conseil scientifique, d'un comité d'experts spécialisés ou par un agent de l'ANSES ». Les alertes de l'extérieur peuvent être ignorées. Le règlement intérieur du comité a certes été modifié en janvier 2022, mais le mode de saisine n'a pas été élargi. Quelles mesures ont été modifiées, et pour quels bénéfices en matière de transparence et d'éthique ?
L'accès à une alimentation de bonne qualité est inégal en fonction des revenus. Par ailleurs, nous sommes tous conscients de la précarité et de l'inflation qui pèse sur les denrées alimentaires. Qu'envisagez-vous pour permettre à tous d'avoir accès à une alimentation saine, durable et de bonne qualité ?
L'avis de l'ANSES relatif à l'évaluation des risques sanitaires liés à l'usage de masques contenant du graphène, publié le 28 octobre 2021, souligne le manque de données sur la toxicité de ce produit et le manque de justification de son utilisation. L'ANSES a demandé aux producteurs d'apporter les données nécessaires pour qu'elle puisse juger de la nature exacte du matériau, de son utilité dans le produit, de son innocuité compte tenu des conditions d'utilisation et des éventuelles conséquences sur la fin de vie des masques. De plus, l'Agence a considéré qu'il n'était pas pertinent de mettre sur le marché de tels masques contenant du graphène. Quelles réponses les fabricants ont-ils apportées ?
Je remercie Mme Parmentier-Lecocq pour son intervention. Le programme de recherche environnement-santé-travail porte sur de nombreux sujets, notamment les nanotechnologies, mais je ne saurais dire s'il finance des travaux concernant les effets du trafic aérien et l'invasion de sargasses. Néanmoins, si vous souhaitez des informations précises, la programmation des recherches est accessible à tous. J'ajoute que j'établirai des échanges nourris avec le ministère de la recherche, même si la loi de programmation de la recherche ne semble pas comporter de champ santé-environnement – ce qui peut paraître étonnant.
S'agissant de l'accès à une alimentation de qualité, il ressort d'études en vie réelle qu'il n'existe pas toujours une relation stricte entre la qualité nutritionnelle et le coût : on peut parfois améliorer l'alimentation sans augmentation du coût. On a également observé que la compréhension du nutri-score était la même pour toutes les catégories sociales. L'étiquetage nutritionnel a deux avantages : l'information du consommateur et la reformulation des produits par les industriels afin d'obtenir un meilleur nutri-score. Nous l'avons vite constaté grâce à la table du Centre d'information sur la qualité des aliments. La qualité nutritionnelle est induite par la présence du nutri-score. Celui-ci n'est pas obligatoire mais les industriels doivent le faire figurer sur les produits de leurs gammes, quel que soit le score obtenu, à partir du moment où ils décident d'y avoir recours. La composition des aliments doit être fournie à l'Observatoire de l'alimentation.
Certains d'entre vous ont évoqué les rapports de juillet 2022 sur les nitrites et les nitrates, en particulier sous l'angle de leur impact législatif. Ces travaux importants de l'ANSES montrent de façon nette la relation qui peut exister entre un excès de consommation de nitrites, qui se trouvent plutôt dans la charcuterie, et de nitrates, plutôt présents dans l'eau, et le risque de cancer par une transformation en produits nitrosylés dans l'organisme. N'oublions pas néanmoins, et cela a été rappelé, que ces produits ont aussi un effet bactéricide qui empêche l'apparition de certaines maladies. Il faut trouver un équilibre. La diminution des nitrites dans les années à venir doit réduire le risque d'exposition chronique sans pour autant dégrader la sécurité alimentaire. Comme pour d'autres sujets, il faut tenir compte de la balance bénéfices-risques. Lorsque j'étais directeur général de la santé, on me demandait à la fois ce que je faisais contre la recrudescence de moustiques aux Antilles, en particulier ceux vecteurs de maladies graves, et pour diminuer l'utilisation des biocides...
S'agissant des maladies professionnelles, l'ANSES est chargée de l'expertise au sujet des expositions. Elle ne se prononce pas sur les demandes d'inscription dans les tableaux. Ceux-ci évoluent. Un tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l'exposition professionnelle aux pesticides vient d'être créé. Les relations entre l'ANSES et le ministère du travail sont importantes, et les programmes concernant la santé au travail sont riches. Nous resterons mobilisés sur ces sujets.
La question de la prévention se pose dans le cadre d'une stratégie dépassant les comportements individuels vertueux, comme la consommation d'aliments de qualité et la pratique d'une activité physique adaptée. Il faut intégrer la dimension environnementale. C'est pourquoi le ministre de la santé a proposé de suivre une logique dite One Health, qui consiste à considérer l'ensemble des risques de façon simultanée. La notion d'exposome désigne la somme des expositions au cours d'une vie, à la fois les comportements non favorables et ce qui relève de la santé environnementale. L'ANSES a créé un groupe de travail sur l'exposome ; des bases de données ont vu le jour en France. Les données issues de la biosurveillance – la mesure de certains paramètres dans l'organisme – sont croisées avec des éléments cliniques observés par ailleurs. Ce travail – je pense en particulier à l'étude Esteban – permet de renforcer notre connaissance de risques liés à des expositions chroniques et à l'effet cocktail. Nous avons mis en place le même type de processus pour le chlordécone afin de déterminer des valeurs toxicologiques internes, et pas seulement externes. C'est un guide supplémentaire pour appréhender l'impact réel d'une exposition au niveau individuel.
L'harmonisation au niveau européen est importante, notamment pour les métabolites de pesticides. Cela fait partie des combats de l'ANSES. C'est notamment le sens du projet PARC, dont j'ai déjà parlé. Ce projet est coordonné par l'ANSES qui exerce ainsi une influence essentielle. Par ailleurs, le directeur général de l'ANSES siège au conseil d'administration de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. S'agissant des substances chimiques, l'Agence prendra toute sa part à la révision du règlement REACH.
Des missions nouvelles, comme la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ont été confiées à l'ANSES. Des transferts de moyens ont eu lieu en parallèle. Une de mes responsabilités au conseil d'administration était précisément de m'assurer que l'Agence avait les moyens nécessaires à son action. Sur ce plan, il existe des moyens hors plafond, notamment en matière d'emplois. Plus on obtient des financements de recherche, notamment européens, plus on peut engager des ressources humaines. L'ANSES est très performante pour les appels à projets puisque son taux de succès est d'environ 28 %.
Le conseil d'administration n'a pas de rôle exécutif. Son président n'est pas le directeur de l'agence. Il est là pour s'assurer, avec les représentants de la société civile et de l'État, de moyens suffisants, d'une déontologie respectée et d'un programme d'action suivi.
L'ANSES travaille beaucoup avec l'INRAE, qui fait partie de ses ressources en matière de production scientifique. C'est un aspect essentiel : quand il s'agit de savoir, par exemple, si l'amiante peut être responsable d'autres cancers que ceux du larynx ou des ovaires, on ne peut pas répondre à la question s'il n'existe pas de production scientifique. Il faut alors proposer des travaux de recherche supplémentaires. L'Institut national du cancer et Santé publique France peuvent engager des recherches épidémiologiques. Les cas étant très rares, la plausibilité d'un lien est parfois délicate à établir.
Le bien-être animal est très important pour l'ANSES, y compris en matière de recherche. Nous évitons, au maximum, d'avoir recours à des études animales. Des substitutions peuvent être possibles.
S'agissant des feux de forêt, je ne saurais dire si l'avis d'il y a quelques années doit être revisité et s'il est prévu de le faire. Mais je prends note de la question. Je regarderai, si je suis nommé, s'il faut revoir cet avis compte tenu de l'actualité ou simplement le représenter aux élus locaux. L'augmentation du nombre d'incendies a été exponentielle cette année. C'est un sujet majeur de préoccupation au vu des effets sur la santé humaine, animale et végétale. L'ANSES sera sans doute saisie de cette question dans le cadre de la vision One Health.
L'Agence est partie prenante de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur. Par ailleurs, les travaux relatifs à l'exposome et à la biosurveillance portent notamment sur la pollution de l'air.
Metaleurop est un sujet qui me préoccupe au quotidien. Des lanceurs d'alerte avaient signalé que les sites n'avaient pas été dépollués autant que nécessaire après l'arrêt de la production. Nous avons donc refait une campagne complète de biosurveillance pour mesurer la plombémie, notamment chez les enfants, parce qu'un certain nombre d'écoles étaient à risque. Après plusieurs centaines de mesures, nous avons trouvé quelques cas dans lesquels la valeur de 50 microgrammes de plomb par litre de sang était dépassée – le seuil du saturnisme s'élevait précédemment à 100 microgrammes, mais il a été abaissé en application du principe de précaution. Dans ces quelques cas, la valeur trouvée ne dépasse pas 52 ou 53 microgrammes : on est donc près de la valeur limite. Par ailleurs, on a trouvé d'autres causes comme la peinture utilisée à l'intérieur des habitations. Les médecins informés – nous avons relancé la campagne d'information – ont la possibilité de faire procéder à des examens par des laboratoires de biologie, mais ils ont été systématisés avec l'assurance maladie pour des prises en charge totales.
En ce qui concerne le chlordécone, une restitution importante des travaux de l'ANSES aura lieu en Guadeloupe en décembre, la précédente restitution s'étant tenue en Martinique. Le ministère de la santé y contribuera. Cette restitution portera notamment sur la biosurveillance et l'évolution des responsabilités en matière d'exposition, par exemple dans les jardins, les cultures maraîchères de proximité et la pêche. Tous ces aspects sont suivis depuis plusieurs années dans le cadre des différents plans Chlordécone. Si je suis nommé directeur de l'ANSES, je participerai naturellement à ces travaux. Lorsque j'étais directeur général de la santé et que je m'occupais du plan Chlordécone 3, j'ai souvent indiqué que le chlordécone des bananeraies des Antilles, avec les conséquences que l'on sait pour les sols et l'eau, conduisait à des innovations dans les stratégies suivies, qui serviraient ailleurs sur le territoire national, notamment pour les sites et les sols pollués. On le voit actuellement à propos des métabolites de pesticides, même si la chloridazone n'a jamais été reconnue cause de maladies professionnelles. Dans les Hauts-de-France, j'en profite pour le souligner, plus de 500 produits sont recherchés dans des milliers de points de captage et d'unités de distribution.
Les relations qu'entretient l'ANSES avec la DGCCRF sont celles d'un organisme avec sa tutelle – la directrice générale de la DGCCRF en fait partie. Le groupe des cinq directeurs exerçant la tutelle se réunit plusieurs fois par an. Il établit notamment le COP de l'ANSES, pour s'assurer qu'elle travaille dans le sens voulu par l'État, et le COP est ensuite examiné par le conseil d'administration. La santé des consommateurs est un axe important des travaux demandés par la tutelle. L'ANSES travaille aussi avec les organisations de consommateurs, assez proches de structures faisant de la recherche et développant de l'expertise, dans des domaines tels que l'amélioration de la santé alimentaire, les protections féminines ou les couches pour enfants.
Je ne m'étais pas encore emparé de la question de la composition des produits spéciaux pour les maladies rares, mais je vais le faire. Je regarderai la contribution de l'ANSES.
Nous avons un rôle de chef de file en ce qui concerne les perturbateurs endocriniens. La France a été à l'initiative de tout ce qui a été fait concernant le bisphénol A. La limitation de son usage, lorsque j'étais directeur général de la santé, a été vécue au niveau européen comme une première.
Il peut effectivement être délicat de se trouver, parfois, en contradiction avec les marchés – vous avez évoqué l'influence des industriels au niveau européen. L'Europe est d'abord un marché avant d'être une organisation qui pense à la santé des personnes. Il faut une évolution. L'ANSES a un rôle important à jouer. Nous avons besoin de normes européennes, en particulier une définition des perturbateurs endocriniens, et de stratégies communes.
J'en viens à l'éventuelle contradiction entre certaines recommandations de limitation de la consommation des boissons sucrées et les repères nutritionnels proposés. La convergence entre Santé publique France et l'ANSES au sujet des intérêts nutritionnels est totale. Je pense aux travaux sur l'impact du nutri-score, dans lesquels l'Observatoire des aliments a été totalement impliqué. Je signale aussi avoir travaillé sur la question sensible des sucres ajoutés dans les boissons consommées outre-mer, lorsque j'étais directeur général de la santé, et que les textes réglementaires ont évolué.
L'ANSES continuera à travailler sur l'impact des éoliennes sur la faune sauvage ou les animaux d'élevage. Il y aura de nouvelles expertises mais les décisions de politique publique ne relèvent pas de l'Agence. Ses recommandations peuvent seulement influencer les décideurs.
En ce qui concerne les masques contenant du graphène, l'ANSES ne s'est pas prononcée de façon défavorable. Elle a indiqué que, ne percevant pas leur intérêt, elle recommandait de ne pas les utiliser, les masques chirurgicaux classiques ayant une efficacité reconnue. De plus, l'ajout de graphène n'a pas été justifié par les producteurs chinois.
J'ai tenté de répondre au mieux dans un temps assez restreint à vos nombreuses questions. Je reste à votre disposition pour de nouveaux contacts au rythme qui vous conviendra.
Vous êtes effectivement attendu pour le même exercice au Sénat. Je vous remercie pour la présentation de votre candidature et pour les réponses que vous nous avez apportées.
Délibérant à huis clos, la commission désigne comme scrutateurs Mme Fanta Berete et M. Thierry Frappé, puis elle se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination de M. Benoît Vallet en qualité de directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Puis la commission poursuit l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (n° 219) (M. Marc Ferracci, rapporteur).
Article 4 : Ouvrir la validation des acquis de l'expérience
Amendement AS201 de Mme Annie Vidal
Je le retire pour le redéposer en séance publique et connaître ainsi l'avis de la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.
L'amendement est retiré.
Amendement AS105 de M. Olivier Serva
Lorsque j'ai été membre de jurys de validation des acquis de l'expérience (VAE), j'ai constaté que les professionnels qui y siègent aux côtés de fonctionnaires étaient mal traités : alors qu'ils prennent du temps sur leur travail pour le faire, ils sont mal et tardivement rémunérés, ce qui n'est pas motivant et ralentit les parcours de VAE. Je demande donc que le statut de ces jurys soit revalorisé.
Au cours des auditions, M. Rivoire, coauteur du rapport sur la VAE, nous a en effet expliqué que la faible fréquence de réunion des jurys ralentit le processus et allonge les délais d'accès à la VAE. Néanmoins, votre amendement sera satisfait par un autre à venir, que je vais sous-amender et qui vise à ramener au niveau réglementaire les questions de composition et d'organisation des jurys : elles n'ont pas vocation à être réglées par la loi – c'est au contraire un facteur de rigidité et de complexité. Les dispositions réglementaires qu'envisage le Gouvernement et qui vont dans le sens de la simplification devraient également vous satisfaire.
Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement AS119 de M. Stéphane Viry
Faire de la VAE un véritable outil de promotion ou de reconversion professionnelle pour les salariés nécessite de la rendre plus attractive pour les candidats, donc de simplifier les procédures permettant d'y accéder, qui paraissent insurmontables à bon nombre de nos concitoyens.
Notre amendement AS119 pose les jalons pour simplifier en profondeur l'étape de recevabilité, à l'instar de ce qu'a permis l'expérimentation « Reconnaître et valider » (ReVa). Cette évolution rendra la VAE plus accessible en levant le frein que, dans la procédure actuelle, l'écrit représente pour nombre de candidats, s'agissant notamment de l'accès aux premiers niveaux de qualification.
Il permet en outre d'étendre et d'homogénéiser le périmètre de l'expérience retenue dans le cadre de la validation, afin de mieux tenir compte des périodes de stage, de formation en milieu professionnel ou de mise en situation professionnelle qui ont permis d'acquérir et de développer des compétences.
Enfin, la VAE est souvent vécue par les candidats comme une sanction lorsque leur parcours n'est que partiellement reconnu, alors que le dispositif est censé redonner de la confiance et une vraie capacité d'agir sur son parcours professionnel. L'amendement vise ainsi à faciliter l'accès à une VAE partielle et à en faire plutôt une réussite, en permettant d'acquérir également un bloc de compétences par l'intermédiaire de la VAE.
L'amendement apporte des enrichissements bienvenus au projet de loi, s'agissant en particulier de la recevabilité des blocs de compétences. Il va dans le sens de la simplification et de la fluidification concernant la prise en compte des périodes de mise en situation professionnelle et des données d'expérience.
Avis favorable.
Il est bienvenu de réfléchir aux nécessaires évolutions de la VAE, voie de reconnaissance de l'expérience acquise qui est utile compte tenu de la modification des parcours professionnels, beaucoup plus discontinus qu'auparavant. Mais cette réflexion mérite d'être approfondie : modifier la VAE au détour d'un amendement est un peu limite, d'autant que l'article ne concernait à l'origine que la VAE des proches aidants. Il faudrait de véritables discussions, entre nous, mais pas seulement. L'extension proposée n'a pas fait l'objet d'études.
Il faut se garder de détricoter les qualifications par le biais des compétences – c'était la tentation de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La VAE doit prendre place dans un ensemble plus global.
Nous sommes donc très réservés quant à cet amendement, d'autant que, si j'ai bien compris, il se prépare pour la séance d'autres évolutions qui nous semblent problématiques du point de vue de la méthode de travail.
Dire qu'il n'y a pas eu d'études sur la VAE, c'est oublier le rapport Rivoire et les échanges que nous avons eus lors des auditions avec certaines associations, notamment d'aidants. Je ne dis pas que la réflexion ne doit pas se poursuivre ; améliorer la VAE est un travail au long cours, j'en suis d'accord. Mais nous avons ici une fenêtre d'opportunité, et la mesure est conforme à l'objectif du projet de loi : remédier aux tensions de recrutement et donner des perspectives d'évolution professionnelle à davantage de personnes.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques AS187 de M. Philippe Vigier, AS198 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet et AS205 de M. Frédéric Valletoux, et sous-amendement AS220 de M. Marc Ferracci
La VAE est une autre voie de formation, méconnue comme l'était l'apprentissage, mais une voie extraordinaire, notamment pour les bassins d'emploi où les outils de formation sont éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres ou pour faire le point sur sa progression, et la faire reconnaître, après un parcours dans l'entreprise. Le non-recours au droit à la formation, la méconnaissance du dispositif y font obstacle – dans une entreprise où je me suis rendu récemment, seuls deux salariés sur quatre-vingts étaient au courant de son existence. Ces obstacles sont identifiés.
Notre amendement n'a pas la prétention de tout régler, mais permet d'aller plus loin. La ministre se fixe l'objectif de 100 000 VAE par an ; cela justifie d'étendre la démarche à de nombreux métiers, au-delà des proches aidants. Nous proposons deux mesures : augmenter la durée du congé de VAE, limitée à vingt-quatre heures, et déverrouiller la composition des jurys, ce qui ne veut pas dire que la qualité ne doive pas être au rendez-vous – il faudra aussi résoudre les problèmes d'indemnisation et veiller à faire le lien avec les personnes susceptibles de composer ces jurys. Bref, ouvrons la voie et soyons audacieux !
La révolution culturelle que la France a opérée ces dernières années en matière d'apprentissage, nous devons la faire en matière de VAE. Notre amendement contribue à simplifier le dispositif et à lever certains freins. Toutefois, la loi ne peut pas tout : des éléments très importants relèvent du domaine réglementaire, en lien avec la réactivité des ministères certificateurs – un point essentiel relevé lors des auditions.
Il s'agit de rendre plus efficaces, d'assouplir et de sécuriser les dispositifs de VAE. La résolution des problèmes déjà évoqués concernant les jurys contribuera au renforcement du système.
Les amendements vont dans le bon sens, celui de la simplification. Je suis favorable à la prolongation du congé de VAE comme à l'assouplissement des conditions d'organisation et de constitution des jurys, dont on nous dit sur le terrain qu'elles sont bloquantes et allongent les délais d'accès à la VAE, d'où de nombreux abandons en cours de route alors que 100 000 VAE par an sont visées.
Mon sous-amendement tend à renvoyer explicitement au règlement les conditions d'organisation et de constitution des jurys de VAE. C'est exact, nous avons besoin de réactivité de la part des ministères certificateurs, chargés de l'organisation des jurys, ainsi que d'une adaptation aux spécificités de chaque certification, ce qui implique des modalités propres à chaque certificateur.
L'article 4 était un peu décalé ; je comprends donc que mes collègues aient considéré que, pour atteindre l'objectif du projet de loi, il ne fallait pas s'y limiter à la VAE des proches aidants – qui, d'ailleurs, n'ont pas nécessairement envie d'exercer un métier du soin. Je suis favorable à ce que l'on reconnaisse les acquis de cette expérience, comme de toute expérience professionnelle, personnelle et même militante.
La question est la forme que prend cette reconnaissance et le cadre dans lequel elle s'insère. Il faut que le dispositif s'intègre vraiment dans une logique de qualification, sous peine de déqualification de certains métiers et de dévalorisation de diplômes – ce que personne ne souhaite, du moins je l'espère. Il est nécessaire d'y réfléchir, ainsi qu'à la manière dont la VAE devient un véritable droit, assorti le cas échéant d'un droit à la formation.
Trois amendements identiques ont été déposés par les trois groupes de la majorité, plus ou moins en liaison avec le Gouvernement : on sent bien que celui-ci souhaite aller dans cette direction. Il n'est pas illégitime que Gouvernement et majorité s'interrogent à ce sujet. Mais considérer, comme vous me l'avez dit, monsieur le rapporteur, que, parce qu'il y a une fenêtre d'opportunité, on y va, ce n'est pas la bonne manière de faire. Si vous avez vraiment envie d'avancer sur cette voie, nous pouvons nous donner quelques mois supplémentaires pour avoir une discussion un peu plus fouillée – et, en disant cela, je ne minimise pas le travail utile et intéressant que vous avez accompli en procédant aux auditions.
Il fallait bien trouver un véhicule législatif, et celui-là est le premier qui traite du sujet : que nous mettions le pied dans la porte est une bonne chose.
Il faudra bien aussi que nous soyons un jour capables d'avoir un service public de la VAE.
Malgré la désertification médicale, les praticiens à diplôme hors Union européenne doivent attendre deux ans pour que leur dossier soit étudié faute qu'un jury soit composé. Ouvrons les vannes ! Il ne s'agit pas de remettre en cause les niveaux de qualification, mais de les reconnaître, ce qui va de pair avec le niveau de rémunération.
Les proches aidants nous demandent depuis longtemps la reconnaissance de leurs acquis et une aide au retour à l'emploi après plusieurs années d'aidance. Les représentants de leurs fédérations me l'ont confirmé en audition : de leur côté, la VAE est attendue, et ils comprennent, lorsqu'on le leur explique, qu'à défaut du véhicule initialement souhaité, celui-là leur offre la possibilité d'en bénéficier.
Sans attendre le grand soir de la VAE, nous pouvons déjà lever certains freins. Faisons-le donc, puisque ce texte nous en donne la possibilité ; il nous restera d'autres sujets à discuter.
Les principales associations d'aidants, que nous avons auditionnées, relaient la demande de retrouver le chemin du travail après une interruption professionnelle, mais aussi le souhait de ne pas être enfermé dans les métiers du soin. Ce n'est pas parce que l'on a été aidant familial qu'on a nécessairement envie de le rester. Elles espèrent donc que la VAE inclura la reconnaissance de compétences transverses – capacité à gérer le stress, à être à l'écoute de l'autre –, dont on a besoin dans de nombreux métiers.
La VAE n'est pas un diplôme, mais simplement une validation des acquis. Elle permet d'obtenir certains modules ; il en manquera donc nécessairement un ou deux aux proches aidants, qui devront par conséquent retourner en formation. Il ne s'agit pas de validation au rabais d'un diplôme, et si nous pouvons introduire le dispositif dans le texte, c'est une bonne chose.
Astrid Panosyan-Bouvet a raison, il faut prendre en compte la rupture de parcours professionnel et les désirs – variés – des intéressés. Lors de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, j'avais d'ailleurs réussi – c'était la seule bonne nouvelle dans ce texte – à faire adopter un amendement permettant aux aidants d'abonder de manière particulière leur compte personnel de formation.
Dans les entreprises, la VAE peut aussi permettre d'obliger certains employeurs à reconnaître l'expérience et les compétences acquises par les salariés au cours de leur carrière. C'est également le cas dans les métiers du soin, comme l'a dit Philippe Vigier.
Enfin, les compétences et les qualifications, ce n'est pas la même chose ; voilà pourquoi les qualifications débouchent sur une reconnaissance salariale, ce qui n'est pas obligatoirement le cas des compétences.
La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.
Amendement AS189 de M. Olivier Serva
Les proches aidants ont un niveau de vie et une espérance de vie inférieurs à la moyenne ; ils donnent de leur temps et de leur vie pour aider les autres. Tout ce qui vise à leur faciliter la vie est donc important.
Comme l'a dit Astrid Panosyan-Bouvet, il ne faut pas les enfermer dans le secteur médico-social. Ils peuvent développer des compétences en langue des signes ou encore en langue régionale – souvent la seule parlée par les personnes âgées dans un territoire comme le mien.
Voilà pourquoi je demande un rapport présentant l'état des lieux des certifications qu'ils pourraient obtenir par le biais de la VAE.
L'ensemble des certifications accessibles au titre de la VAE le seront pour les proches aidants si le projet de loi est adopté. Je ne vois pas d'obstacle à ce que l'on poursuive par ailleurs la réflexion sur les pratiques en matière de parcours et de certification des proches aidants, mais votre amendement est satisfait.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Après l'article 4
Amendements AS200 et AS202 de Mme Annie Vidal
L'amendement AS200 tend à ajouter aux missions du conseiller en évolution professionnelle (CEP) l'accompagnement des personnes engagées dans la VAE afin de les aider à s'orienter dans le dispositif et à construire leur parcours.
Quant à l'amendement AS202, qui concerne la phase de recevabilité des dossiers de VAE, je propose de le retirer pour qu'il soit rediscuté en séance.
La possibilité visée par l'amendement AS200 est déjà explicitement ouverte par un arrêté de 2019 qui précise le cahier des charges du CEP. Cet amendement est donc satisfait.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS209 de Mme Sabrina Sebaihi
Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 1er juin 2023, un rapport relatif à l'accessibilité aux personnes bénévoles du dispositif de VAE.
J'ai bien entendu les remarques de M. Dharréville sur le caractère partiel du traitement de la VAE au détour d'un article. Il me semble plus avisé d'attendre que les évolutions en cours de la VAE aient produit leurs effets avant d'entreprendre d'évaluer ces derniers. L'amendement ne me semble donc pas opportun, surtout vu le calendrier proposé.
Vous appelez notre collègue à la patience et à prendre du recul, alors que nous sommes en train de faire exactement l'inverse s'agissant de dispositions qui ne sont pas de simples demandes de rapport, mais bien des décisions concernant l'organisation de la VAE. En outre, j'ai cru comprendre que de nouveaux amendements allaient être déposés en vue de la séance publique pour réécrire presque entièrement les parties des codes du travail et de l'éducation qui concernent la VAE. Que la majorité et le Gouvernement attendent donc les évolutions dont vous parlez avant de prendre des décisions de ce type.
Monsieur le rapporteur, si le calendrier était modifié et la date reportée, seriez-vous favorable à l'amendement ?
Puisqu'il nous faut attendre que les évolutions en question produisent leurs effets, il me semble difficile de fixer un calendrier ; la question pourra être posée à nouveau lors d'autres discussions, concernant des véhicules législatifs traitant de l'emploi – il y en aura en 2023.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 : Ratification de vingt et une ordonnances dans le champ du droit du travail, des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle
Amendements de suppression AS66 de M. Pierre Dharréville et AS184 de Mme Laure Lavalette
Je propose de supprimer l'article 5 pour deux raisons. L'une est de principe : le recours abusif aux ordonnances est pénible ; il faudrait faire comprendre à la majorité et au Gouvernement que les temps, de ce point de vue, doivent changer. La seconde est l'importance des sujets concernés – droits des salariés, droit aux congés, mise en place du temps partiel. Si le Gouvernement envisage des mesures d'envergure en la matière, il serait de bon aloi qu'il revienne devant le Parlement pour que nous en discutions.
La quasi-totalité des ordonnances énumérées dans l'article ont cessé de produire leurs effets. Elles avaient été prises pour aménager les dispositions du droit du travail en réponse à la crise sanitaire. Il est simplement proposé au Parlement de les ratifier, dans le respect de l'article 38 de la Constitution.
Plus généralement, les ordonnances ne visent pas à contourner le Parlement : pour prendre une ordonnance, il faut une loi d'habilitation, discutée et votée au sein de nos assemblées, puis une ratification. Il n'y a donc pas lieu de critiquer ce dispositif, qui apporte la réactivité nécessaire à la prise de décisions importantes pour les Français, comme on l'a vu durant la crise du covid.
Je connais ce dispositif et je sais qu'il est encadré. Le problème, c'est le fait d'y recourir pour autoriser le Gouvernement à légiférer à la place du Parlement, comme cela a été fait de manière massive pendant le précédent quinquennat : il ne s'agit pas là du cadre modeste que vous venez d'indiquer, et nous ne devrions pas l'accepter. C'est bien une volonté de contournement du Parlement qui s'est affirmée à travers cette pratique.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS160 de Mme Karen Erodi
Par cet amendement, nous proposons symboliquement de ne pas ratifier l'ordonnance no 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos.
Une semaine après le premier confinement, le Gouvernement a profité de la déstabilisation du pays pour imposer par ordonnance des dérogations temporaires au code du travail. L'ordonnance en question a permis à l'employeur d'imposer « la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos » ou d'en modifier « unilatéralement les dates ». Dans les « secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale », les employeurs ont pu déroger au repos dominical et profiter d'une hausse de la durée maximale journalière du travail de 10 heures à 12 heures et de la durée hebdomadaire de 48 heures à 60 heures. Ces dispositions antisociales avaient moins pour objet de faire face aux conséquences de l'épidémie que de favoriser, une fois de plus, les intérêts des employeurs.
Je ne me prononcerai pas sur le fond de l'ordonnance, qui a d'ailleurs cessé de produire des effets. Sa ratification vise seulement à respecter la Constitution.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 5 non modifié.
Titre
Amendements AS31 de M. Arthur Delaporte, AS80 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS192 de Mme Laure Lavalette
Nos débats, particulièrement riches, ont révélé deux philosophies antagonistes.
Il y a, d'un côté, celle qui consiste à penser que le chômeur est responsable de la situation du marché de l'emploi. Dans cette logique, le renforcement des contraintes pesant sur le chômeur est compris comme un moyen de parvenir au plein emploi.
De l'autre côté, il y a la philosophie qui consiste à se mettre à la place du chômeur et à considérer, en se fondant sur l'observation objective du marché du travail, que l'on ne saurait accuser les chômeurs d'essayer de rester en dehors de celui-ci en vertu d'un rapport rationnel coûts-avantages.
Non seulement la réforme de 2019 – que vous souhaitez proroger et même aggraver avec ce texte – ne répond à aucune demande émanant du terrain, mais elle ne fait qu'empirer la situation économique. Les organisations syndicales et les chômeurs que nous avons rencontrés nous ont alertés à ce propos.
Même si les débats ont été intéressants, nous ne sommes manifestement pas d'accord, et mon groupe ne pourra pas voter en faveur de ce texte dont il conteste aussi bien les principes que les ambitions.
Je partage votre constat : nos débats ont été riches et intéressants. Je regrette d'autant plus que vous ayez déposé l'amendement AS31, qui vise à substituer au titre du projet de loi un titre dont la rédaction est assez triviale et désinvolte – projet de loi « signant un chèque en blanc au Gouvernement pour détricoter l'assurance chômage ». Nous nous devons tous de considérer la loi avec solennité. La rédaction que vous proposez ne répond pas à cette exigence ; je le regrette. Je suis défavorable à cet amendement ainsi qu'aux deux autres.
Nous avons eu un débat de bon niveau, mais je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Delaporte, que nous ne nous occupons pas des chômeurs. Vous ne vous occupez que des chômeurs, déclarez-vous ; pour notre part, nous essayons d'avoir un spectre aussi large que possible. Ce n'est pas un reproche que je vous adresse ; j'en fais simplement la remarque.
Entre 2007 et 2012, l'indemnisation chômage a atteint un niveau que l'on n'avait pas connu depuis longtemps. Je me souviens également d'un Président de la République expliquant que, contre le chômage, on avait « tout essayé », mais que l'on n'y arrivait pas. Il était d'ailleurs proche de votre sensibilité politique. En la matière, nous devons tous faire amende honorable, rester humbles et essayer de trouver les moyens de parvenir au plein emploi. C'est ainsi que nous satisferons aussi bien les demandeurs d'emploi que les entreprises.
Lors des auditions qui ont précédé l'examen du texte, Stéphane Carcillo, économiste au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques, a proposé des comparaisons, notamment avec le marché de l'emploi dans les pays scandinaves. Or, en matière de revenu de remplacement et de durée d'indemnisation, nous ne faisons que nous rapprocher des règles en vigueur dans ces pays. Je ne vous laisserai donc pas dire, mes chers collègues, que nous détricotons l'assurance chômage. Nous nous inspirons tout simplement des pays sociaux-démocrates. Vous devriez regarder avec attention ce qui s'y passe, notamment en matière de marché de l'emploi et de protection sociale.
Vous reconnaissez donc que vous voulez transformer notre modèle. Quand j'utilise le terme « détricoter », c'est pour rendre le processus visible. C'est aussi une manière de dire que vous transformez en profondeur le modèle assurantiel mis en place sous le général de Gaulle. Vous avez évoqué le système des pays scandinaves, mais là-bas on respecte le dialogue social, ce qui n'est pas le cas en France. Il ressort clairement de nos échanges que les organisations syndicales qui ont été consultées n'étaient pas favorables à ce projet. Des mesures comme celles que vous prenez vont encore accentuer leur faiblesse. Mais c'est précisément, pour vous, un moyen de les supplanter.
Nous devons nous inspirer des pays sociaux-démocrates, mais encore faut-il le faire en ayant à cœur que la parole des syndicats soit entendue et qu'elle nourrisse nos débats et qu'elle inspire les mesures que nous prendrons en faveur de l'assurance chômage.
Je ne saurais laisser planer l'ambiguïté quant à la gouvernance de l'assurance chômage. Certes, nous débattrons dans quelques semaines ou dans quelques mois de cette question, et je n'ai pas l'intention de préempter le sujet, mais je tiens à rappeler que le système français, en comparaison avec d'autres, est celui qui accorde la place la plus importante aux partenaires sociaux, même après la réforme de 2019. Je vous invite à lire, notamment, le rapport que le Conseil d'analyse économique a consacré au sujet. Ce que vous dites est donc inexact, monsieur Delaporte.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La commission procède ensuite à l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation (n° 212) (M. Bruno Fuchs, rapporteur)
Nous en venons à la proposition de loi visant à lutter contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation, qui sera examinée lors de la journée réservée au groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), le jeudi 6 octobre, en séance publique.
Le groupe Démocrate a demandé que ce texte soit examiné sous le régime de la procédure de législation en commission.
C'est avec plaisir que je participe cette semaine aux travaux de votre commission.
Je tiens à saluer Sylvain Maillard et Thomas Mesnier, qui ont cosigné cette proposition de loi, et à féliciter l'administrateur des services de l'Assemblée nationale qui m'a secondé, pour la précision et la qualité de ses apports.
Ce texte est moins politique que le précédent, et je suppose que nous trouverons assez rapidement un consensus. Il bénéficiera directement à nos concitoyens, qui attendent avec une très grande impatience que nous légiférions sur le harcèlement et sur les arnaques au compte personnel de formation (CPF) dont ils sont victimes. Il n'est pas un d'entre nous ou de nos proches qui n'ait subi ce harcèlement ou qui n'ait été victime de telles pratiques frauduleuses.
Depuis 2017, la majorité présidentielle a fait de l'accès à la formation professionnelle pour le plus grand nombre l'une de ses priorités. Cette ambition s'est traduite, tout au long du quinquennat précédent, par un investissement massif dans les divers dispositifs de formation continue. Au-delà de l'effort financier consenti, cette ambition a également entraîné une profonde transformation de l'écosystème de la formation professionnelle, due en partie à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Amélioration de la gouvernance du système, modernisation de l'apprentissage, progrès dans le domaine de l'orientation : toutes ces évolutions sont le fruit de la réforme votée en 2018.
C'est à cette dernière que l'on doit aussi la rénovation en profondeur du CPF, que nous avons souhaité rendre plus simple d'accès et facile d'usage.
En 2017, l'Inspection générale des affaires sociales relevait que l'outil n'avait pas modifié la donne en matière d'accès à la formation professionnelle et que son appropriation par les actifs demeurait superficielle. Cinq ans plus tard, le constat est très différent. Depuis 2018, le nombre de formations suivies dans le cadre du CPF connaît une croissance tout à fait spectaculaire : en 2019, on en recensait 517 000 ; en 2020, 984 000, soit presque le double ; en 2021, la tendance s'est poursuivie, avec un doublement de la consommation de formation – plus de 2,1 millions ; en 2022, le phénomène semble perdurer, et le nombre de dossiers déposés pourrait s'élever à près de 3 millions en fin d'année, selon les informations communiquées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui est chargée de la gestion du CPF.
De l'avis général, ce succès trouve son origine dans l'ouverture du parcours d'achat direct, grâce auquel les bénéficiaires mobilisent leurs droits sans intermédiaire pour acheter une formation. Cet élément est important ; il est au cœur de la proposition de loi. Si l'on ne peut que se féliciter du succès croissant du dispositif, il faut néanmoins veiller à ce que les leviers de développement soient également améliorés – je pense notamment aux possibilités de coabondement, qui ne sont pas suffisamment utilisées, ou encore à la professionnalisation des formations, enjeu sur lequel plusieurs des syndicats auditionnés nous ont alertés. Il faut aussi améliorer le niveau de nombreuses formations et la fiabilité de certaines certifications.
La montée en puissance du CPF s'est accompagnée d'une hausse massive des fraudes et des tentatives de fraude, ainsi que d'un harcèlement insupportable et inacceptable dont nous sommes très nombreux à avoir fait l'expérience. La proposition de loi a pour objet de remédier à ce problème.
Appels téléphoniques, SMS, courriels ou démarchage sur les réseaux sociaux : le phénomène a pris une ampleur considérable depuis plusieurs mois, à tel point qu'il est vécu par nombre de nos concitoyens comme un véritable harcèlement. Pour preuve, les signalements de SMS indésirables ont été multipliés par quatorze entre le premier semestre de l'année 2021 et le premier semestre de cette année. Entre 2020 et 2021, le nombre de déclarations de soupçon liées à une fraude potentielle au CPF a été multiplié par onze et celui des dossiers transmis à la justice par TRACFIN sur ce thème par trois. TRACFIN évalue la fraude à 43,2 millions d'euros en 2021, contre 7,8 millions en 2020. Cela témoigne de l'ampleur du phénomène auquel nous sommes confrontés.
Face à la multiplication des pratiques illégales et abusives, les pouvoirs publics ont réagi avec rapidité et fermeté.
Les services de l'État traitent tous les signalements de fraude en liaison avec la Caisse des dépôts, afin d'identifier les différents types d'usurpation ou d'arnaque. Des plaintes sont systématiquement déposées, des signalements sur la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) effectués et des poursuites judiciaires engagées dès lors que cela apparaît nécessaire. La semaine dernière, pour la première fois, un organisme de formation a été très lourdement condamné par la justice : 3 millions d'euros d'amende, cinq ans d'interdiction d'exercer le métier de formateur et dix ans d'interdiction de gestion de société.
Par ailleurs, le panel des décisions susceptibles d'être prises par la CDC pour sanctionner les manquements des organismes de formation ou ceux des titulaires d'un CPF à leurs engagements respectifs a été enrichi. La CDC possède désormais la faculté de prononcer un avertissement à l'encontre des premiers, de refuser le paiement des prestations et même de suspendre temporairement, avec effet immédiat et jusqu'au terme de la procédure contradictoire, le référencement sur le service dématérialisé en cas de manquement de nature à porter une atteinte grave aux intérêts publics.
Une nouvelle pierre à l'édifice de la prévention des fraudes a été posée en janvier avec l'introduction de l'obligation faite aux organismes de formation présents sur le portail d'obtenir la certification Qualiopi. Ce label de qualité permet de faire la distinction entre les formations de qualité et les autres.
La collaboration entre les acteurs mobilisés dans le combat contre les pratiques illégales ou abusives s'intensifie. Ainsi, la CDC s'est rapprochée de la mission interministérielle de coordination antifraude. Elle échange avec TRACFIN des renseignements opérationnels relatifs à des organismes compromis et collabore de plus en plus étroitement avec l'administration fiscale. La CDC et France compétences partagent régulièrement des informations utiles à l'exercice de leurs missions respectives.
Enfin, un comité de pilotage ministériel chargé de lutter contre le démarchage abusif et la fraude au CPF a été installé au début de l'année, sur l'initiative des ministres chargés du travail et des comptes publics.
Un nombre important de dispositifs a donc été mis en place, mais ils ne sont pas suffisants au regard de l'ampleur de la fraude et des abus. La proposition de loi vise à couvrir un nouveau champ d'interdiction. Elle s'inspire fortement d'un texte déposé au mois de février par Catherine Fabre – dont je salue le travail – et plusieurs de ses collègues. Malheureusement, ce texte n'avait pas trouvé de place dans le calendrier parlementaire avant la fin de la précédente législature, et n'avait donc n'a pas été débattu.
La proposition de loi compte deux articles.
L'article 1er interdit toute prospection commerciale visant les personnes titulaires d'un CPF par téléphone, par SMS, par courrier électronique ou à travers les réseaux sociaux, dès lors qu'elle a pour objet soit de collecter leurs données à caractère personnel – par exemple le montant des droits inscrits sur le compte –, soit de conclure des contrats portant sur des actions de formation éligibles au CPF, à l'exception des sollicitations qui interviendraient dans le cadre des prestations en cours. Il reviendra aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de rechercher et de constater les infractions ou manquements à cette interdiction inscrite dans le code du travail, ainsi que de les sanctionner dans les conditions prévues par le code de la consommation. J'ai déposé un amendement destiné à clarifier et à simplifier la rédaction du texte. Il importe en effet de la rendre incontestable.
Je veux être parfaitement clair quant au sens et à la portée juridique de l'article 1er, car celui-ci suscite de nombreuses interrogations de la part de la profession. Il n'est question ni d'entraver la liberté d'entreprendre ni d'empêcher les nombreux organismes présents sur le marché de communiquer et d'assurer la promotion des formations qu'ils commercialisent. La volonté du législateur est d'interdire le démarchage s'adressant directement aux titulaires de CPF. À cet égard, il convient de rappeler l'objectif du CPF – en l'occurrence, donner à son titulaire la capacité de choisir une formation en se rendant sur la plateforme dédiée, puis de s'adresser à l'organisme. C'est précisément cette logique qui a fait le succès du CPF et a permis d'accroître très fortement le nombre de formations ; il importe de ne pas l'inverser. Il faut rester fidèle à l'intention qui était celle du législateur en 2018. Le CPF est un outil destiné à ceux qui le détiennent, pas aux organismes de formation.
L'article 2 vise à sécuriser sur le plan juridique l'échange d'informations entre les autorités qui interviennent à un titre ou à un autre dans le domaine de la lutte contre la fraude au CPF. En effet, il apparaît que cette collaboration, même si elle se révèle fructueuse, est limitée par l'absence de base juridique autorisant le partage de données susceptibles de revêtir un caractère sensible, notamment celles qui sont couvertes par le secret professionnel.
Il s'agit de permettre à la CDC, à France compétences, aux services de l'État chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et à ceux chargés du contrôle de la formation professionnelle d'échanger, spontanément ou sur demande, tous documents et informations détenus et recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur accomplissement.
D'autre part, l'article 2 reconnaît à TRACFIN le droit de transmettre des informations à la CDC et à l'Agence de services et de paiement.
Ce texte est simple, pragmatique et ferme. Il propose des solutions concrètes pour répondre à une ambition consensuelle, à savoir protéger nos concitoyens contre un phénomène récent et d'une très grande ampleur. Il peut évidemment être encore précisé et amélioré. C'est la raison pour laquelle je donnerai un avis favorable à plusieurs des amendements qui ont été déposés.
Je suis très heureux de défendre cette proposition de loi, à laquelle j'associe Bruno Fuchs et Thomas Mesnier, ainsi que l'ensemble de mon groupe – et même de la majorité, puisque celle-ci soutient le texte.
Cette proposition de loi est attendue car elle vise à répondre aux sollicitations répétées par SMS ou par courriel, au harcèlement téléphonique et aux offres trompeuses promettant une formation gratuite via le compte personnel de formation. Je vous prends à témoin, mes chers collègues : qui, parmi vous, n'a jamais été la cible de ces pratiques commerciales agressives, voire abusives, visant à pousser les gens à acheter des formations ? Malheureusement, les témoignages faisant état de tentatives d'arnaque ou d'escroqueries ayant pour but de dérober les crédits du CPF s'accumulent. Ces pratiques sont intolérables.
Pourtant, la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel visait un objectif clair : faire en sorte que la formation professionnelle soit plus accessible et plus lisible pour les actifs, notamment en convertissant les heures du compte personnel de formation en euros. Cette mesure a permis de démocratiser l'accès à la formation. Trois ans après le vote de la loi, le succès du CPF est incontestable : plus de deux millions de Français se sont inscrits à une formation. La mesure a permis de donner accès à la formation continue à des publics qui en étaient très éloignés, notamment les salariés des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises, ce qui était précisément notre objectif.
Il est toutefois urgent de légiférer contre les pratiques commerciales abusives qui mettent en péril la lisibilité et la crédibilité du dispositif. Nous devons donner plus de moyens à l'État, à la CDC et à France compétences pour contrôler les fraudes. En outre, il convient d'interdire purement et simplement le démarchage abusif par téléphone, par SMS ou par courriel. Il est de notre responsabilité de législateur de protéger nos concitoyens contre les abus et les fraudes.
Depuis plusieurs années, nous recevons tous, régulièrement, des sollicitations au sujet du CPF. Ces appels et SMS publicitaires, ces courriels et, plus récemment, ces contacts à travers les réseaux sociaux – très souvent malveillants – ont été la source de nombreuses désillusions pour nos concitoyens. Grâce à des appels passés à partir de numéros masqués, voire de numéros parfaitement communs, des malfrats, des voleurs et des escrocs ont réussi à récupérer une partie du solde en argent comptant d'un nombre important de nos compatriotes. Ces pratiques sont totalement illégales.
Le rapport de TRACFIN pour l'année 2021 nous apprend que les fraudes de ce type ne cessent d'augmenter : le nombre en a été multiplié par trois depuis 2020, et le montant des enjeux financiers par plus de cinq, passant de 7,8 millions à 43,2 millions d'euros. Bien que les services de renseignements financiers accomplissent un travail remarquable – pour preuve, on compte plus de 2 600 mises en demeure, près de trente dépôts de plaintes pénales et l'exclusion de plus de 150 organismes de formation –, ce fléau continue à frapper nos concitoyens au quotidien.
La proposition de loi suit donc une logique de bon sens en voulant mettre un terme à ces démarches frauduleuses. Afin de compléter le texte, notre groupe propose qu'un rapport soit établi par les autorités compétentes afin de recenser les entreprises susceptibles de faire du démarchage téléphonique. Ce rapport, remis à l'Assemblée nationale, permettrait d'établir une liste officielle des organismes autorisés à effectuer du démarchage téléphonique auprès de toute personne qui y aurait préalablement et expressément consenti.
L'accès à la formation est essentiel, non seulement pour la modernisation du marché du travail, mais aussi pour répondre aux besoins croissants de reconversion professionnelle, dans un marché du travail en perpétuelle évolution.
Créé dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle en 2014, le CPF est un dispositif assurant le financement public de la formation continue. C'est un des rares droits uniquement à la main des salariés. Il est utilisable par tous, tout au long de la vie active – y compris en période de chômage –, pour suivre une formation qualifiante. Le succès du CPF n'est plus à démontrer : en 2021, plus de 2 millions de Français se sont inscrits à une formation sur l'application « Mon compte formation », laquelle a été téléchargée 3,8 millions de fois.
Nous avions examiné, sous la précédente législature, une proposition de loi de ma collègue Valérie Bazin-Malgras qui visait à autoriser le don de droits acquis entre titulaires de CPF afin d'aider les personnes ne possédant pas assez de crédits pour couvrir leur formation, et ainsi mieux répondre aux besoins exprimés par chacun. Nous considérions que ce nouveau mécanisme serait particulièrement bénéfique pour l'ensemble des salariés. Nous trouvions judicieux que les personnes ne souhaitant pas profiter de crédits acquis ou à la veille de la liquidation de leurs droits puissent en faire bénéficier celles n'en ayant pas suffisamment et voulant se former davantage.
La proposition de loi que nous examinons est tout aussi pertinente pour ce qui est de réguler ce dispositif et de prévenir les fraudes et les abus. Le succès du CPF a en effet créé dans son sillage un lot de pratiques commerciales abusives et douteuses : usurpations et détournements des droits, fraudes en tout genre. Preuve du nombre d'abus en perpétuelle augmentation, un guide actualisé de prévention contre les arnaques a été publié sur le site du ministère de l'économie et des finances en juillet, et l'une des fiches est consacrée au CPF. Elle présente les risques et les attitudes à adopter pour se prémunir des escroqueries.
Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi car elle va dans le bon sens. Nous regrettons néanmoins qu'elle ne fasse pas mention de l'offre de formation, qui mériterait d'être développée, améliorée et surtout contrôlée. L'insertion, la formation des jeunes et des seniors, l'accompagnement des actifs, la reconversion professionnelle ou encore la liberté de choisir l'orientation de sa vie professionnelle sont autant de thèmes qui méritent également toute notre attention. Il est de notre devoir d'accompagner tout au long de leur parcours dans le monde du travail les personnes qui le souhaitent.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour cette initiative : la proposition de loi permettra d'adoucir le quotidien de nombre de nos concitoyens. Qui, en effet, n'a jamais été confronté à ce démarchage incessant et intempestif émanant d'organismes qui veulent tout connaître de nos droits à la formation ? De nombreuses personnes ne supportent plus cet acharnement qui finit par nuire à l'image du CPF lui-même.
Pourtant, le CPF est sans doute le plus grand succès de la précédente législature, avec près de 4 millions de formations financées depuis 2019. La formation continue est un formidable vecteur d'émancipation pour des personnes qui engrangent connaissances et compétences, et peuvent ainsi faire évoluer leur vie dans de meilleures conditions.
Malheureusement, le succès du dispositif, couplé à sa monétisation, a un revers : l'émergence d'un démarchage agressif, avec son lot de fraudes. De l'arnaque à l'usurpation d'identité, on estime qu'en 2021 plus de 43 millions d'euros ont été détournés des comptes. Aussi, nous ne pouvons que nous féliciter qu'un texte issu du travail de nombreux députés de la majorité – je me tourne vers Sylvain Maillard, mais j'ai aussi une pensée pour Catherine Fabre – ait pour ambition de limiter les trop nombreuses sollicitations reçues au titre du CPF.
Monsieur le rapporteur, je sais votre attachement à ne pas interdire toute démarche commerciale pour une entreprise de formation qui voudrait de bonne foi faire connaître ses services. Outre l'exception accordée à l'article 1er, dans le cadre d'une prestation en cours entre un individu et un organisme de formation, vous avez indéniablement trouvé un équilibre entre la nécessité de préserver la liberté d'entreprendre et le droit de chacun de jouir de sa tranquillité. Le dispositif est très bien complété par l'article 2, qui garantira, à travers un échange d'informations entre les acteurs institutionnels, que les fraudes et abus seront détectés, garantissant la fin du démarchage incontrôlé.
Cette proposition de loi, très attendue par les Français, est donc essentielle, et le groupe Démocrate la soutiendra.
« Votre solde CPF arrive à échéance, veuillez remplir le formulaire ci-dessous sous vingt-quatre heures afin de convertir vos droits acquis. » « Urgent : vous allez perdre vos droits CPF. » « Important : consultez votre solde CPF. » « Bonjour, pour une prise de contact avec votre conseillé – sic – merci de remplir votre formulaire mon-droit-CPF.fr. » Voilà quelques exemples de SMS comme nous en recevons tous par dizaines depuis plusieurs années. C'est lassant, voire horripilant. Je connais même une mamie, Pauline, qui, âgée de 89 ans, recevait encore des SMS l'invitant à faire usage de son CPF. Peut-être, en tant que parlementaires, avons-nous une obligation de formation, mais vous admettrez que nos concitoyens ont le droit de disposer de leur retraite – en tout cas tant qu'ils en ont une, pour quelques mois encore.
L'arrêt du démarchage intempestif est donc une nécessité, et nous vous remercions d'avoir inscrit la question à l'ordre du jour : c'est une démarche d'utilité publique. Selon TRACFIN, le montant des fraudes serait passé de 7,8 millions en 2020 à 43,2 millions en 2021, ce qui est considérable. Nous devons nous mobiliser contre le phénomène. Il faut aussi accompagner le pouvoir réglementaire, car un grand nombre des mesures permettant de lutter contre la fraude relève de ce domaine. Nous faisons confiance à l'État pour agir dans ce sens.
Cela dit, nous aurions aimé que la proposition de loi soit plus ambitieuse. Il aurait fallu ajouter un dispositif concernant l'usage du CPF. Le ciblage des bénéficiaires et le contrôle des formations dispensées, afin que celles-ci soient plus valorisantes, auraient également dû être améliorés, mais nous pourrons y travailler par la suite.
Nous subissons tous quotidiennement, que ce soit directement, par l'intermédiaire de notre entourage ou dans nos permanences, des sollicitations parasites au sujet du compte personnel de formation. Si le CPF est un bon dispositif, fer de lance de notre action en faveur du plein emploi, les démarches agressives, abusives, voire frauduleuses auxquelles il donne lieu ne peuvent plus durer – je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. C'est pourquoi Bruno Fuchs, Sylvain Maillard et moi-même avons cosigné, au nom de la majorité, la présente proposition de loi.
Je tiens à saluer tout particulièrement l'engagement de notre rapporteur, qui est à l'origine de cette initiative et sans qui nous n'aurions pas pu nous réunir aussi rapidement pour travailler sur le sujet. Nous sommes parvenus, je crois, à établir un texte à la hauteur de l'enjeu : il contient des solutions radicales, mais raisonnées et nécessaires. Nous proposons, d'une part, d'interdire le démarchage téléphonique concernant le CPF dès lors qu'il n'a pas lieu dans le cadre d'une prestation en cours entre un individu et un organisme de formation, d'autre part, de donner compétence à la CDC pour lutter contre ces démarches dans le cadre de sa mission de lutte contre la fraude. En concertation avec les parties prenantes, nous présenterons en outre des amendements, signés par l'ensemble de la majorité, qui visent à étendre l'interdiction de démarchage aux réseaux sociaux et à demander aux organismes de formation de vérifier les données en amont.
J'espère qu'à l'issue de nos discussions, nous conviendrons tous, au-delà de nos divergences politiques, que cette proposition de loi est nécessaire. Nos concitoyens attendent de nous que nous agissions en la matière.
Des messages nous indiquant que notre solde CPF est arrivé à échéance, que notre carte Vitale est expirée, que notre colis est arrivé..., nous en recevons tous. Chaque jour, des messages frauduleux affluent sur nos téléphones portables. C'est insupportable.
Le groupe Écologiste - NUPES salue donc la proposition du groupe Démocrate et du rapporteur Bruno Fuchs visant à interdire le démarchage effectué par des organismes de formation par téléphone, SMS ou courriel, afin de lutter contre la fraude au CPF.
Nous aimerions toutefois aller plus loin et garantir en France le droit de chacune et chacun à la tranquillité à son domicile et interdire le démarchage téléphonique lorsqu'il n'est pas souhaité, en appliquant le principe du consentement actif, tel que prévu par le règlement général sur la protection des données. Ainsi, plus personne ne pourrait faire l'objet d'aucun démarchage téléphonique s'il n'a pas donné son accord préalable, comme c'est déjà le cas pour les SMS et les courriels, ou si l'appel n'entre pas dans le cadre d'une sollicitation directement liée à l'objet d'un contrat en cours. Aucun argument économique ne peut justifier de laisser perdurer des stratégies commerciales fondées sur le harcèlement et l'intrusion dans la vie privée. Tel était l'objet de la proposition de loi déposée par Delphine Batho en 2021.
En attendant de pouvoir en débattre dans l'hémicycle, le groupe Écologiste - NUPES votera en faveur de ce texte.
Avons-nous été surpris de voir fleurir ces derniers mois toutes ces entreprises de démarchage ? Assurément pas. C'était inscrit dans la logique même de la loi qui visait à monétiser le CPF, à marchandiser la formation, à court-circuiter la médiation. Quel autre résultat auriez-vous pu obtenir avec une telle réforme de la formation professionnelle ? Je suis plutôt surpris que certains soient surpris !
Nous allons évidemment soutenir les mesures de lutte contre la fraude que vous proposez, mais cela ne réglera pas le problème fondamental, qui est celui de la manière dont est organisée la formation professionnelle dans notre pays. D'autres biais apparaîtront sans doute. Les entreprises de formation qui le souhaitent pourront continuer à investir des sommes considérables dans des actions de marketing. On m'a raconté qu'une camionnette proposant des formations en langue stationnait dans le parking d'un hypermarché de ma région et proposait un bon d'achat dans le magasin pour toute offre de formation acceptée ! Je vous invite aussi à vous pencher sur le détournement du CPF par certains employeurs, alors qu'il ne peut être utilisé qu'à l'initiative du titulaire – on en a eu quelques exemples récemment.
L'accès à la formation professionnelle est un enjeu de taille, surtout dans un contexte marqué par les difficultés de recrutement, et qui n'a pas été assez traité dans le texte relatif au marché du travail que nous venons d'examiner. Nous soutiendrons néanmoins la proposition du groupe Démocrate d'interdire le démarchage effectué par des organismes de formation par téléphone, SMS ou courriel.
Reste à se donner les moyens de faire respecter cette interdiction. De plus, notre assemblée ne peut se contenter d'interdire le démarchage intempestif secteur par secteur. Nous l'avons fait pour l'isolation des logements et les assurances, mais bien d'autres domaines nous échappent. On voit apparaître de nouvelles arnaques, par exemple aux colis. Une approche globale ne serait-elle pas nécessaire ?
Au-delà de la question des fraudes et des abus, cette proposition de loi est l'occasion de rappeler que le CPF, s'il est utile, demeure perfectible. L'offre n'est pas toujours pertinente, certaines formations étant même inadaptées à l'utilisateur ou au marché du travail. Les plus utilisées sont souvent généralistes ou insuffisamment professionnalisantes. C'est aussi pour cette raison que les abus se multiplient. Il faudrait mieux communiquer sur le CPF, mieux accompagner les utilisateurs et engager une réflexion sur les formations éligibles et disponibles sur l'application. La possibilité de bénéficier d'abondements complémentaires est méconnue ; or les formations les plus qualifiantes et intéressantes sont généralement les plus chères. Enfin, le CPF reste difficile d'accès pour les demandeurs d'emploi et les indépendants ; certains sont en décrochage numérique et peinent à accéder à l'outil. Ce sont autant de pistes de réflexion pour améliorer l'accès à la formation professionnelle.
La commission procède au dépouillement du scrutin sur la nomination de M. Benoît Vallet en qualité de directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opérée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Les résultats du scrutin sont les suivants :
Nombre de votants : 42
Abstentions : 6
Suffrages exprimés : 36
Avis favorables : 29
Avis défavorables : 7
En conséquence, la commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Benoît Vallet en qualité de directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Puis la commission reprend l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation (n° 212) (M. Bruno Fuchs, rapporteur)
Je remercie l'ensemble des intervenants pour leur soutien à cette proposition de loi dont la nature n'est guère politique. Nos concitoyens nous seront reconnaissants de légiférer rapidement pour réagir à des pratiques de plus en plus insupportables.
Ce texte souhaite répondre à une situation précise de harcèlement ; il n'a pas vocation à traiter de la formation professionnelle dans son ensemble ni à couvrir tout le champ des arnaques possibles. Les réflexions, par ailleurs tout à fait pertinentes, de Mme Garin ou de M. Dharéville ne peuvent donc y trouver une place. De même, les suggestions de Mme Valentin sur le partage des droits du CPF ou l'offre de formation, si importantes soient-elles, sortent du champ de la proposition de loi – quand bien même elles seraient d'ordre législatif. Je reviendrai à l'occasion de l'examen des amendements sur la proposition de M. Frappé, ainsi que sur celles de Thomas Mesnier et Sylvain Maillard, que je remercie.
Nous sommes confrontés à un système de fraude ou de harcèlement protéiforme. Certaines personnes sont des escrocs internationaux identifiés, dont les agences, qui n'ont rien à voir avec des organismes de formation, sont basées à l'étranger, dans les pays du Maghreb, en Afrique ou en Israël, par exemple. Leur activité dépasse de loin le CPF – ils font ainsi de la fraude aux colis, à laquelle M. Serva faisait allusion. C'est toujours la même technique qui est utilisée : on prospecte, on identifie les cibles potentielles, on les propose à des organismes de formation. S'il est difficile d'agir à l'extérieur de notre territoire, on peut en revanche toucher les organismes de formation qui utilisent la liste de prospects. Dans certains cas, on va capter tout ou partie du solde du CPF, allant jusqu'à proposer une restitution en argent ou en cadeau au titulaire – qui devient lui-même complice de la fraude. Enfin, troisième type de fraude, les formations « bidon » : on vend des heures de formation sous forme de vidéos ou de diaporamas sans aucune portée qualifiante. Il s'agit d'un simple prétexte pour augmenter ses marges. Sur ce point, nous pouvons travailler utilement avec la CDC et France compétences. Plus généralement, nous souhaitons renforcer les capacités d'intervention des acteurs concernés pour qu'ils puissent agir plus rapidement et avec plus de fermeté.
Article 1er : Interdiction de la prospection commerciale des titulaires d'un compte personnel de formation
Amendement AS9 de M. Bruno Fuchs.
Il s'agit d'un amendement de simplification, visant à supprimer la modification du code de la consommation et à inscrire les peines encourues dans le nouvel article du code du travail, pour plus de clarté et une meilleure cohérence du dispositif, notamment pour ce qui concerne les types de démarchage visés : appels téléphoniques, mais aussi messages provenant d'un service de communications interpersonnelles et courriels.
Comme l'adoption de cet amendement ferait tomber celui de Mme Batho, je dirai quelques mots sur celui-ci. Il me semble qu'il n'entre pas dans le champ du texte puisqu'il tend à interdire toute forme de prospection par voie téléphonique. En outre, la loi de juillet 2020 n'a pas encore été évaluée. Il est un peu tôt, à mon avis, pour s'engager dans cette voie – même s'il s'agit d'une proposition intéressante reprenant nombre de réflexions sur le harcèlement systématique dont nos concitoyens sont victimes.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement AS2 de Mme Delphine Batho tombe.
Amendements identiques AS5 de M. Thomas Mesnier et AS7 de M. Sylvain Maillard.
Nos amendements visent à étendre l'interdiction du démarchage aux vecteurs fréquentés par les plus jeunes et auxquels sont exposés les plus fragiles, comme les réseaux sociaux, et à empêcher les influenceurs qui résident hors du territoire national à promouvoir la fraude au CPF par des messages personnels non sollicités. Ils permettront en outre d'obtenir des réseaux sociaux qu'ils ferment les comptes associés.
Il nous semble en effet indispensable de couvrir l'intégralité des possibilités de harcèlement.
Je suis très favorable à ces amendements qui élargissent le champ du texte à un certain nombre d'escroqueries ou de pratiques non orthodoxes, sans pour autant interdire la promotion et la communication sur internet et les réseaux sociaux.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS10, AS11, AS12 et AS13 de M. Bruno Fuchs.
Enfin, elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Sécurisation de l'échange d'informations entre les autorités mobilisées dans la lutte contre la fraude au compte personnel de formation
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS14 et AS15 de M. Bruno Fuchs.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 (nouveau) : Création d'une procédure de référencement des organismes de formation sur le portail numérique « Mon compte formation »
Amendements identiques AS6 de M. Thomas Mesnier et AS8 de M. Sylvain Maillard, et sous-amendements AS17, AS18, AS19, AS20, AS21, AS22, AS23, AS25 et AS24 de M. Bruno Fuchs.
Nous proposons que les organismes de formation adressent à la CDC une demande de référencement sur la plateforme « Mon compte formation » (MCF).
Pour qu'un organisme de formation professionnelle soit référencé sur la plateforme, il faudra qu'il respecte les obligations imposées aux organismes de ce type – détention d'un numéro d'activité, absence de condamnation pénale, capacité technique et pédagogique à délivrer des formations, transmission à l'administration du bilan pédagogique et financier – ainsi que les conditions d'exercice dans le cadre du service dématérialisé : détention de la certification Qualiopi, habilitation à préparer ou à délivrer une certification professionnelle, éligibilité des actions de formation. Il faudra aussi qu'il ait rempli ses obligations légales fiscales et sociales ; une disposition sera nécessaire afin de rendre possible un échange d'informations entre les services fiscaux et les organismes sociaux chargés du recouvrement au sujet de la situation du stock des organismes de formation sur la plateforme MCF. Il faudra enfin qu'il satisfasse aux conditions générales d'utilisation de celle-ci. La limitation de l'entrée sur la plateforme aux prestataires en situation régulière au regard de leurs obligations fiscales et sociales, condition prévue par l'article L. 2141‑2 du code de la commande publique, vise à réserver le versement des fonds publics aux organismes vertueux. Enfin, nous prévoyons la possibilité pour la CDC de refuser le référencement à un prestataire ayant précédemment fait l'objet d'une sanction de déréférencement en raison d'un manquement aux conditions générales d'utilisation de la plateforme MCF. La CDC pourra procéder aux vérifications nécessaires auprès des organismes de formation déjà référencés sur la plateforme avant la publication de la loi.
Ces amendements répondent à des cas de figure évoqués par certains collègues, comme Pierre Dharréville ou Olivier Serva. Certaines formations ne sont pas assez qualifiantes ou leur qualité est insuffisante. Le dispositif proposé permettrait de créer un filtre et d'empêcher le référencement sur la plateforme MCF des formations ne remplissant pas certains critères.
Les neuf sous-amendements que je propose sont de nature rédactionnelle : j'émets un avis favorable aux amendements sous réserve de leur adoption.
La commission adopte successivement les sous-amendements et les amendements sous-amendés.
Après l'article 2
Amendement AS4 de M. Matthieu Marchio.
L'objectif de la présente proposition de loi doit être de lutter contre les abus et les fraudes, non d'entraver l'activité de formation professionnelle lorsque celle-ci est exercée dans le respect de la législation en vigueur. Il semble légitime pour un professionnel répondant à cette condition de proposer des services de formation professionnelle aux personnes qui y auraient préalablement consenti. C'est pourquoi nous proposons par l'amendement AS4 de dresser un état des lieux des démarcheurs, en distinguant ceux qui sont honnêtes et ceux qui sont malhonnêtes.
Ce que vous proposez là, suivant une mentalité qui est bien française, c'est d'interdire quelque chose, mais en prévoyant des exceptions. Cela me semble en décalage avec l'esprit du texte.
Le principe du CPF, c'est que son titulaire, lorsqu'il ressent le besoin de faire une formation, va sur la plateforme, choisit sa formation et contacte l'organisme. Il serait compliqué d'identifier les bons et les mauvais. Qui le ferait ? Sur quels critères ? Vous ne le dites pas.
Ensuite, il faudrait demander à chaque Français s'il consent à être harcelé – pardon, « démarché ». Cela semble difficile à réaliser en pratique.
Enfin, la rédaction de l'amendement pose des problèmes. « Sur le fondement des données recueillies aux termes de l'article 1er et de l'article 2 du présent texte » : de quelles données s'agit-il, qui les recueille et où sont-elles enregistrées ? Il faudrait en outre informer non seulement l'Assemblée nationale, mais aussi le Sénat et éventuellement la CDC.
Avis défavorable.
Prenons un exemple : si l'on ne m'avait pas téléphoné pour m'informer que je pouvais avoir l'isolation à 1 euro dans ma maison, je ne l'aurais jamais fait – pourtant, il s'agit d'un cas de démarchage, et même de harcèlement.
Je suis d'accord avec vous : si les escroqueries et les fraudes prospèrent parce que le CPF est un outil qui fonctionne bien, à l'inverse, les appels téléphoniques ont permis au CPF de prendre son envol. Mais autant que ce soit fait de manière vertueuse ! Je le répète : nous encourageons la promotion de la formation par toutes formes légales ; ce que nous interdisons, ce sont les démarchages directs auprès des titulaires de CPF dans l'objectif de vider leur compte. Je partage totalement votre volonté de développer au maximum la communication sur la formation. Plus les Français y auront recours, mieux ce sera pour l'emploi.
La commission rejette l'amendement.
Titre
Amendements AS16 de M. Bruno Fuchs et AS3 de M. Arthur Delaporte (discussion commune).
Il convient de modifier l'intitulé de la proposition de loi, qui – d'autres l'ont noté – n'est pas tout à fait juste. Je propose : « visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et interdire le démarchage de ses titulaires ».
Il est en effet nécessaire de clarifier les choses. Dans le nouvel intitulé que vous proposez, vous faites encore référence à la fraude au CPF : cela n'évoque pas nécessairement le démarchage commercial abusif... Néanmoins, vous mentionnez désormais le démarchage, ce qui est le plus important. Quand on lisait l'intitulé initial de la proposition de loi, on pouvait comprendre que c'étaient les titulaires de CPF qui s'inscrivaient – involontairement – dans des dispositifs de fraude. Je retire donc mon amendement.
J'ajoute que parmi les pratiques en ligne notables, il y a un certain nombre d'influenceurs qui ont suivi, volontairement ou non, des logiques de promotion de dispositifs frauduleux.
L'amendement AS3 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS16.
Puis la commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion s'achève à douze heures cinquante-cinq.
Présences en réunion
Présents. – M . Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, M. Victor Catteau, M. Hadrien Clouet, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, M. Bruno Fuchs, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. Sylvain Maillard, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Mesnier, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Olivier Serva, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry, M. Frédéric Zgainski
Excusés. – M . Elie Califer, Mme Caroline Fiat, M. Matthieu Marchio, M. Jean-Philippe Nilor, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, M. Freddy Sertin
Assistait également à la réunion. – M. Dino Cinieri