Comme vous l'avez indiqué, madame la présidente, la nomination de M. Vallet ne pourra intervenir qu'après un vote dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le passage d'une simple audition, prévue par le code de la santé publique, à un vote dans le cadre de l'article 13 de la Constitution est loin d'être symbolique. Cela traduit l'importance accrue accordée aux questions sanitaires dans notre pays. Compte tenu de l'étendue des missions de l'ANSES, le Parlement ne pouvait plus être simplement consulté : il devait participer à la décision de nomination. Cela me paraît d'autant plus opportun que l'Agence concourt à la mise en œuvre d'actions de cinq programmes budgétaires relevant des ministères chargés de l'agriculture, de la santé, du travail et de l'environnement. Ceci ne simplifie ni le suivi des dépenses et des recettes, ni la compréhension du mode de financement de l'ANSES.
Monsieur Vallet, votre carrière, longue d'une riche suite de postes à haute responsabilité, semble indiquer, pour un regard extérieur tel que le mien, que vous êtes l'homme de la situation. En tout cas, de façon plus certaine, vous êtes l'homme d'un système, celui de l'appareil d'État et de ses satellites. À cette carrière s'ajoute le fait que vous avez été choisi par le Président de la République. Si cette distinction fait partie de la procédure, elle appelle une première question : en ce qui concerne les sujets intéressant l'ANSES, avez-vous été en désaccord avec une décision majeure du Gouvernement depuis 2017 ? Le cas échéant, laquelle, et pourquoi ?
Depuis 2015, l'ANSES s'est vu confier de nouvelles missions relatives aux produits phytopharmaceutiques, à l'évaluation des risques environnementaux liés à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés ou encore à l'analyse socioéconomique. Le transfert d'une mission concernant la sécurité sanitaire des produits cosmétiques est également envisagé d'ici à 2023, en plus de la reprise de certaines compétences de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur. Comment envisagez-vous de vous acquitter de façon efficace de ces nouvelles tâches ? Par ailleurs, l'Agence a-t-elle les moyens de mettre en œuvre ses missions actuelles ?
Ma troisième question sera aussi d'ordre général. Comment l'ANSES prend-elle en compte les préoccupations des Français ? Quel est le protocole de remontée d'informations ? Vous semble-t-il suffisant ? Sinon, que proposez-vous ?
J'en viens à des questions plus spécifiques. La qualité de l'air est un enjeu majeur de santé publique. L'OMS souligne que la pollution de l'air est la première cause de décès liés à l'environnement dans le monde : elle ferait sept millions de morts chaque année. Selon M. Roger Genet, actuel directeur général de l'ANSES, « l'impact sanitaire majeur de la pollution atmosphérique est incontestable ». Les connaissances scientifiques disponibles permettent d'ores et déjà d'établir que cet impact est avéré, en deçà même des seuils réglementaires, qu'il est multiforme, qu'il est plus important chez des populations vulnérables et qu'un renouvellement de l'action publique en la matière est à la fois indispensable et urgent. Quels seraient les voies et moyens d'y parvenir ? Quelles études et recommandations conduit ou entend conduire l'ANSES, à court terme, sur la problématique des particules fines ?
Toujours en matière de santé publique, il est difficile de faire l'impasse sur l'actualité qui accable les agences régionales de santé, en particulier celle des Hauts-de-France, au sujet de la présence de pesticides et de métabolites de pesticides dans l'eau potable. Les révélations font froid dans le dos. Depuis 2004, la Commission européenne appelle les États membres à prêter une attention particulière à ces questions. Pourtant, on apprend que peu de normes existent concernant les taux minimaux de molécules toxiques dans l'eau. L'ANSES peine à calculer la valeur sanitaire maximale (Vmax) faute d'études fiables alors qu'elle est – je vous cite – « la seule norme sanitaire permettant d'indiquer la concentration dans l'eau de produits toxiques ». Comment entendez-vous remédier à cette difficulté dans un contexte d'urgence sanitaire ? Par ailleurs, la sécheresse et la raréfaction des ressources ont des conséquences en matière de pollution hormonale des eaux. Des études sont-elles en cours ? Quelle est votre position sur l'établissement de normes harmonisées en Europe ? Quels sont les moyens d'y parvenir pour qu'à l'avenir l'eau bue soit de même qualité partout ?
Au cours de votre parcours professionnel, vous avez été amené, vous l'avez dit, à participer à la coordination de la stratégie de déconfinement et à la campagne nationale de vaccination contre la covid-19. L'ANSES travaillera-t-elle sur les éventuels effets secondaires de ces vaccinations ?
Je souhaite également vous interroger sur le comité de déontologie de l'Agence. Pour renforcer l'indépendance des travaux menés et prévenir efficacement les conflits d'intérêts, les possibilités de saisine ne pourraient-elles pas être ouvertes à des tiers ? La composition du comité pourrait-elle être revue ? L'indépendance de l'ANSES à l'égard du politique et des groupes de pression vous semble-t-elle totale ? En qualité de directeur général, quels moyens donneriez-vous à ce comité afin de garantir l'impartialité des études conduites ?
J'aborde à présent un sujet d'actualité puisque le Gouvernement entend accélérer l'implantation des champs d'éoliennes. En matière environnementale, l'OMS a publié dès octobre 2018 un communiqué dans lequel elle affirme que les éoliennes représentent une source de nuisances sonores ; elle demande des études pour apprécier leur impact sur la santé. L'ANSES recommande la poursuite d'études locales systématiques avant l'installation de parcs éoliens. Un tribunal de Toulouse a récemment fait droit à une demande de plaignants en reconnaissant un préjudice au titre du « syndrome éolien ». Que compte faire l'Agence à ce sujet ? Quels engagements prendrez-vous afin que l'ANSES produise, en urgence, des études de cas-témoins concernant l'homme et l'animal, qui seraient ouvertes aux élus locaux ?
Une récente étude, publiée par des scientifiques de l'université de Harvard, affirme que l'alimentation industrielle est potentiellement responsable d'une épidémie mondiale de cancers chez les moins de 50 ans. Qu'en pensez-vous et quel type de prévention l'ANSES pourrait-elle mettre en place ?
J'en viens à une question qui intéresse nos collectivités. Le glyphosate, qui était utile aux communes pour désherber, dans les cimetières par exemple, est désormais interdit. Existe-t-il, pour justifier cette interdiction, des preuves de toxicité faisant l'unanimité ?
Enfin, ma dernière question sera plus personnelle. Une fois à la tête de l'ANSES, conserverez-vous d'autres missions ? Dans cette hypothèse, lesquelles ?