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Intervention de Benoît Vallet

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 9h00
Commission des affaires sociales

Benoît Vallet :

Je vous remercie de m'accueillir devant vous.

Je souhaiterais commencer par évoquer le travail de l'ANSES. Relevant des ministères chargés de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, de la consommation et du travail, l'Agence a une vocation interministérielle. Créée il y a douze ans, elle est relativement jeune et elle regroupe sur seize sites près de 1 400 agents, ce qui en fait une structure importante. Elle dispose de neuf laboratoires de recherche. Elle a recours à environ 800 experts extérieurs issus d'universités et d'organismes de recherche français ou étrangers.

La première mission de l'Agence consiste à apporter aux décideurs publics des repères scientifiques, à leur présenter des recommandations pour mieux protéger la santé humaine contre les risques liés à l'alimentation, à l'environnement et au travail ou qui affectent la santé des animaux et des plantes. Les travaux de l'ANSES contribuent à l'élaboration de dispositions législatives et réglementaires ; ils aident les pouvoirs publics dans leur prise de décision.

De plus, l'ANSES intervient en opérateur et financeur de la recherche publique. L'Agence coordonne plusieurs dispositifs de vigilance, tels que la toxicovigilance, qui s'appuie sur les centres antipoison, la phytopharmacovigilance et la nutrivigilance. Elle assure aussi des missions de surveillance et d'alerte quant aux risques émergents ou récurrents.

L'ANSES joue également un rôle de sécurité sanitaire essentiel en garantissant la qualité des analyses officielles dans les domaines de la santé animale, de la santé des plantes et de la sécurité sanitaire des aliments, à l'instar des laboratoires nationaux de référence qui interviennent pour la santé humaine.

En outre, l'examen des demandes de mise sur le marché a été confié à l'Agence pour plusieurs familles de produits réglementés ayant des enjeux sanitaires spécifiques, comme les produits phytopharmaceutiques, les biocides et les médicaments vétérinaires.

Enfin, et ce point est important, l'ANSES participe aux travaux de nombreuses instances européennes et internationales, notamment en ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments, le risque chimique, la santé et le bien-être animal. Elle détient de nombreux mandats de laboratoire de référence de l'Union européenne, et elle représente la France à la demande du Gouvernement. Un rôle de coordonnateur lui a été confié pour l'ambitieux partenariat européen pour l'évaluation des risques liés aux substances chimiques (PARC), lancé lors de la présidence française de l'Union européenne, en mai 2022, et financé à hauteur de 400 millions d'euros. Le PARC associe près de deux cents partenaires, vingt-huit pays et trois agences européennes ; il incarne bien le rôle que l'Agence doit jouer pour stimuler la recherche internationale dans ses domaines d'expertise et pour exercer une influence sur ces graves questions de santé.

Je suis donc candidat à la direction générale de l'ANSES. Plusieurs éléments de mon parcours me semblent correspondre aux compétences requises. Tout d'abord, je suis un médecin formé à la recherche, qui a poursuivi jusqu'à ce jour son activité de chercheur et d'enseignant au profit de la santé publique et de la santé mondiale. De plus, j'ai géré plusieurs organisations de santé : le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, la direction générale de la santé (DGS) et l'agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France.

En tant que directeur général de la santé, j'ai contribué en 2016 à la mise en place des agences sanitaires selon un système reposant sur trois piliers. Le premier est la veille et la surveillance épidémiologique de la population, dont s'occupe Santé publique France (SPF). Le second repose sur les pratiques de santé et les produits, placés sous l'égide de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM). Enfin, le troisième consiste dans l'évaluation scientifique des risques sanitaires nouveaux ou mal cernés, notamment environnementaux, dont se charge l'ANSES. Ces trois agences ont vocation à collaborer de façon étroite.

En tant qu'autorité de tutelle, j'ai eu l'occasion de saisir l'ANSES et d'apprécier la pertinence de ses réponses scientifiques. J'ai aussi participé à l'élaboration de son contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2018-2022.

Par ailleurs, je me suis engagé en faveur de la déontologie et de la prévention des conflits d'intérêts, conditions nécessaires à la confiance en la décision publique. J'ai ainsi œuvré à la mise en place du site unique de déclaration publique d'intérêts, dans le cadre de la loi dite Touraine, qui renforce la transparence sur les liens d'intérêts en santé.

Au cours de mon expérience interministérielle, j'ai également contribué à la mise en œuvre de politiques de santé publique et de cadres structurants pour l'action de l'ANSES. J'ai ainsi travaillé sur le plan Chlordécone 3, le plan national Santé environnement 3, le plan national de santé au travail 3 et les questions d'antibiorésistance.

Grâce à mes expériences de membre du conseil exécutif de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2014 à 2017, d'artisan de la mise en place de l'académie de l'OMS à Lyon à partir de 2019, d'acteur de la gestion de la crise du covid-19 aux côtés du coordinateur de la stratégie nationale de déconfinement, puis de directeur de l'ARS Hauts-de-France depuis 2020, je me suis familiarisé avec une vision globale et transversale de la santé, à l'échelle régionale, nationale et mondiale, qui est cohérente avec la stratégie One Health de l'ANSES.

En outre, j'assure depuis 2020 la présidence du conseil d'administration de l'ANSES, une fonction non exécutive. J'ai pu avoir un panorama privilégié des activités de l'Agence, apprendre ses valeurs et voir l'attention dont elle fait preuve à l'égard de ses administrateurs – qu'ils représentent l'État, les organisations professionnelles et syndicales, la société civile ou les personnels. J'ai aussi constaté son ouverture aux préoccupations et aux attentes de notre société. Grâce à cette fonction, j'ai pu appréhender le rôle de l'Agence : comprendre les défis sanitaires qu'elle contribue à résoudre, mais aussi identifier les compétences requises pour être son directeur général. L'ANSES est une instance de référence dans le paysage français et européen. Son périmètre de compétences est cohérent avec le regard global que nous posons sur les enjeux de santé depuis la pandémie et avec notre prise de conscience progressive des défis sanitaires dus à l'impact des activités humaines sur la planète.

J'ai aussi mesuré l'attention que porte l'ANSES à la bonne compréhension de ses travaux par l'ensemble des décideurs et des parties prenantes, faute de quoi son action resterait peu utile. Les échanges que l'Agence entretient avec vous, parlementaires, sont soutenus. Une trentaine d'auditions ont lieu chaque année dans les deux assemblées. Je sais combien la direction et les experts de l'ANSES ont à cœur de répondre à vos demandes, qui contribuent à la mission d'appui de l'Agence à la prise de décision en matière de politique publique. J'ai notamment remarqué les nombreuses interactions entre l'Agence et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Au cours des réunions du conseil d'administration auxquelles j'ai participé, j'ai noté le souci d'écoute et de dialogue dont fait preuve l'ANSES, en aval comme en amont de son action. Intervenant sur de nombreuses questions sanitaires nouvelles ou encore mal appréhendées qui suscitent de fortes inquiétudes – je pense aux pesticides, aux nanotechnologies, aux biotechnologies ou aux ondes –, l'Agence a institué sur ces sujets des comités de dialogue permanents avec la société civile.

Enfin, un dernier point saillant dans l'évolution de l'ANSES mérite d'être mentionné : son implication forte et grandissante dans les dispositifs européens de mutualisation des efforts scientifiques en vue de renforcer la sécurité sanitaire de l'Union européenne.

En tant que directeur général, il m'importera de consolider la force et la réputation de l'ANSES sur ces piliers que constituent son excellence scientifique et la confiance suscitée par son action. Je m'attacherai aussi à accroître la capacité de l'ANSES à alerter et à agir avec un temps d'avance. Je veillerai à ce qu'elle occupe pleinement sa place d'agence de référence sur les scènes française, européenne et internationale.

En ce qui concerne les orientations de mon action, j'insisterai sur cinq priorités.

La première est la reconnaissance du rôle et de l'expérience de l'ANSES dans la mise en œuvre d'une approche décloisonnée, de type One Health, des santés humaine, animale et végétale. Sur ce point, je remarque que nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux la création de lieux où médecins, vétérinaires et chercheurs de différentes obédiences pourraient dialoguer et travailler ensemble afin d'éviter, par exemple, de nouvelles pandémies. Je serai attentif à ce que l'expérience de l'ANSES soit prise en compte alors que se mettent en place des structures capitalisant sur les leçons du covid – notamment le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires qui a remplacé le Conseil scientifique. Il m'importera également de renforcer les liens avec les organisations professionnelles de la santé humaine et les cursus de formation, afin que l'on s'approprie mieux les travaux de l'Agence ainsi que les enjeux de santé environnementale et de santé au travail.

Ma deuxième priorité serait d'entretenir un vivier d'experts scientifiques motivés par un travail interdisciplinaire au service des questions sanitaires. Cela implique une reconnaissance de ce type de missions du côté des parcours des chercheurs et des potentialités de publications scientifiques. En la matière, des progrès peuvent sans doute être faits, et je suis prêt à m'engager dans un dialogue avec les opérateurs et le ministère compétent en vue de renforcer l'attrait, la connaissance et la reconnaissance des missions d'expertise. Je rappelle que huit cents experts extérieurs contribuent aux travaux de l'Agence.

J'en viens à ma troisième priorité : l'extension pérenne des capacités d'expertise de l'ANSES en matière de sciences humaines, économiques et sociales. L'Agence a souhaité renforcer cette année ses capacités d'analyse socioéconomique afin de mieux cerner les comportements exposant le plus à certains risques sanitaires, de prendre en compte les dimensions économiques et sociales de différentes options d'action ou encore de préciser la balance bénéfices-risques de certaines situations. J'encouragerai ces nouveaux développements, qui améliorent la pertinence des réponses de l'Agence.

Ma quatrième priorité concerne l'accès aux données. En effet, une expertise scientifique peut se bâtir de façon d'autant plus robuste et rapide qu'elle repose sur un accès simple, riche et qualitatif aux différents types de ressources : publications scientifiques internationales, résultats de surveillances épidémiologiques, indicateurs relatifs à l'usage de telle substance ou de tel produit, résultats de contrôles sanitaires, etc. Les références sont très nombreuses. L'interconnexion des bases de données massives des acteurs de la santé et de la recherche, en incluant tous ceux qui sont pertinents et utiles, représente un enjeu important qui pourrait figurer dans le prochain COP.

Enfin, je veillerai à maintenir au plus haut niveau de qualité l'écoute et le dialogue que l'ANSES a instaurés avec les parties prenantes, et qu'elle ne cesse de renforcer. Je serai attentif à la bonne mise en route du comité de dialogue sur les biotechnologies, qui débutera ses travaux cet automne. En outre, je soutiendrai les initiatives d'association du public dans le cadre de la recherche ouverte, ainsi que le développement des relations de l'Agence avec les deux organisations nationales de référence que sont la Commission nationale du débat public et le Conseil économique, social et environnemental.

Pour conclure, je suis sensible à l'attention que l'ANSES porte au monde dans lequel nous vivons et à son sens du service public. Si vous m'accordez votre confiance, je serai fier de promouvoir son action au profit de toutes les santés et de m'engager à ce qu'elle continue de mettre à l'épreuve les barrières parfois hissées entre les disciplines sanitaires et scientifiques, entre les registres de l'action publique, nationaux et internationaux, entre la science et la confiance.

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