France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Après la promulgation, vendredi, de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, voici venu le temps de vous prononcer sur le deuxième pilier de la stratégie du Gouvernement en matière de transition énergétique, consacré à la relance de notre filière nucléaire. Ces deux textes ont pour point commun de répondre à une seule et même ambition : faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles, et avoir la main sur notre destin énergétique.
Cette ambition doit être notre seule boussole et guider notre action dans la période difficile que vivent nos concitoyens. Cette période est celle d'une crise énergétique, qui tire ses origines d'un conflit aux portes de l'Europe, et celle d'une crise climatique, qui a provoqué des mégafeux, des inondations, des sécheresses et des records de chaleur l'été dernier, et qui menace déjà l'été à venir.
Mettre fin à l'utilisation du gaz, du pétrole et du charbon : voilà le combat de notre siècle. C'est le seul combat qui vaille, tant pour des raisons climatiques et de concorde sociale, que pour des raisons d'indépendance économique, et donc politique. C'est le seul combat qui vaille pour convertir les énergies fossiles, qui représentent les deux tiers de notre mix énergétique, en énergies décarbonées.
Ce combat doit reposer sur la science et ne doit pas laisser la place aux croyances ni à l'idéologie dogmatique. Il ne doit laisser aucune place à ceux qui veulent nous entraîner dans l'opposition stérile entre énergies renouvelables et énergie nucléaire. Ce combat n'est ni de droite ni de gauche. Je le répète, il est le combat de notre temps – le temps de l'écologie. Oui, maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre constitue le combat écologique de ce siècle.
Accélérer les énergies renouvelables, c'est être écologiste. Relancer notre filière nucléaire, c'est être écologiste. Car comment peut-on se dire écologiste en préférant les énergies fossiles aux énergies décarbonées ?
Comment se dire écologiste lorsqu'on ne vote pas le texte accélérant le déploiement des énergies renouvelables, lorsqu'on répète ad nauseam que le nucléaire émet plus de carbone que l'éolien ou le photovoltaïque,…
…lorsqu'on vante le modèle allemand qui repose sur le charbon, lorsqu'on refuse les conclusions des experts du Giec – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – et du Haut Conseil pour le climat (HCC), lesquelles soulignent que le nucléaire est l'un de nos leviers pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Or lorsqu'on parle d'énergie, la culture scientifique doit être entendue. Ainsi est-ce bien sur la science que s'appuie la stratégie énergétique du Président de la République, énoncée à Belfort. Celle-ci repose sur trois indissociables piliers, chers à la Première ministre, à la majorité et à moi-même.
Il s'agit d'abord de la réduction de la consommation d'énergie, ce qui passe par la sobriété et l'efficacité énergétiques.
Si nous voulons atteindre la neutralité carbone, les experts de RTE – Réseau de transport d'électricité – nous le disent, nous devrons réduire de 40 % notre consommation d'énergie d'ici à 2050.
Le plan de sobriété que j'ai présenté en octobre dernier constitue la première brique de cette trajectoire de long terme. Grâce à la mobilisation des grandes entreprises, des grandes collectivités et des grandes administrations, et plus largement des Françaises et des Français, ce plan a permis à notre pays de réduire de 10 % sa consommation combinée de gaz et d'électricité cet hiver, ce qui équivaut à la production de sept réacteurs nucléaires.
Nous avons su faire en trois mois ce que notre pays, en dépit de certaines lois, n'a pas su faire en trente ans.
Par ailleurs, notre stratégie énergétique repose sur l'augmentation massive et durable de notre production d'énergie décarbonée. Dans ce domaine, je l'ai dit, nous n'avons pas le luxe du dogmatisme. Nous devons accélérer la production de toutes les énergies décarbonées disponibles, dès lors qu'elles sont compatibles avec notre indépendance énergétique et qu'elles contribuent à fournir à nos concitoyens une énergie abondante et abordable.
Notre stratégie implique donc de développer massivement les énergies renouvelables et de relancer l'énergie nucléaire. Sur ce point, assumons de l'affirmer sans détour, notre pays a un lien historique avec la technologie nucléaire, lien qui est le fruit d'une volonté politique forte et ambitieuse : celle du général de Gaulle et de ses successeurs.
C'est bien dans cet héritage politique que s'inscrit le programme de relance nucléaire défendu par le Président de la République.
Des activistes comme Zion Lights, ancienne figure d'Extinction Rebellion, ou Greta Thunberg reconnaissent l'importance du nucléaire pour sortir des énergies fossiles. Et des personnalités politiques comme Alexandria Ocasio-Cortez vantent la filière française de recyclage nucléaire.
Plus de 75 % des Français se disent favorables à la relance du nucléaire – adhésion qui est plus forte encore chez les citoyens qui habitent à proximité des réacteurs.
Certains de nos partenaires européens affichent désormais une stratégie similaire à la nôtre. La Suède, les Pays-Bas, la République tchèque ou encore la Roumanie, pour ne citer que ces pays, ont manifesté le souhait de se doter de nouvelles capacités de production nucléaire, ou de prolonger l'utilisation de leurs capacités nucléaires existantes. J'ai d'ailleurs lancé, avec onze de mes homologues européens, une alliance européenne du nucléaire afin de renforcer nos coopérations et de conforter notre autonomie stratégique dans ce secteur. Cette alliance vise à insister sur l'importance du nucléaire pour la réalisation de nos objectifs climatiques et pour la sécurité énergétique de notre continent : c'est absolument stratégique étant donné que l'avenir du nucléaire se joue aussi au niveau européen.
Nous avons remporté une première bataille s'agissant de la taxonomie européenne et nous devons remporter la deuxième qui se joue cette semaine avec la proposition de règlement pour une industrie à zéro émission nette. Vous pouvez compter sur ma détermination pour défendre cette position auprès de mes homologues.
Avec ce projet de loi, que j'ai l'honneur de présenter, notre objectif est d'anticiper et d'être prêts si, après les concertations, les débats publics et les débats parlementaires qui s'imposent, nous décidions d'avancer dans l'application du nouveau programme nucléaire français.
Celui-ci s'inscrit dans la droite ligne de notre action depuis le début du premier quinquennat.
Ah bon ? Macron avait pourtant dit qu'il fallait réduire la part du nucléaire !
Dès 2018, nous avons commandé à EDF une étude sur un nouveau programme nucléaire. En 2019, nous avons commandé à RTE une étude sur notre futur énergétique. Nous avons mobilisé les filières de l'amont à l'aval avec le plan de relance et le plan France 2030. Nous avons mené une concertation sur notre mix énergétique. Nous avons lancé le débat public sur les nouveaux réacteurs, placé sous l'égide de la CNDP – Commission nationale du débat public. Sans parler du Conseil de politique nucléaire, que préside le chef de l'État. Tout est fait avec ordre et dans l'ordre…
…pour que la décision définitive que nous prenons soit la plus éclairée, la plus concertée et la mieux préparée possible.
J'ai entendu de nombreuses approximations lors de nos débats en commission des affaires économiques. Il est d'abord inexact et malhonnête de prétendre que le Gouvernement enjamberait le débat public avec ce projet de loi.
Deux débats publics relatifs, d'une part, à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et, d'autre part, à la construction de nouveaux EPR2 – réacteurs pressurisés européens de deuxième génération –, se sont déroulés sous l'égide de la CNDP et sont désormais achevés.
J'avais d'ailleurs personnellement convié chacun des membres de la commission des affaires économiques et de celle du développement durable et de l'aménagement du territoire à la conclusion de la concertation sur le mix énergétique lors d'un forum qui a réuni 200 jeunes de tout le pays tirés au sort. Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, alors que vous ne cessez de réclamer davantage de débat public, je note que pas un seul d'entre vous ne nous a fait l'honneur de sa présence, excepté ceux de la majorité, notamment M. le président Kasbarian.
Des questions ont été posées par les participants de ces débats sur la technologie nucléaire la plus pertinente, sur les coûts du programme, sur la gestion des déchets et sur la disponibilité des compétences. Nous devons leur apporter des réponses, et nous y travaillons : c'est notre responsabilité. C'est pourquoi j'ai lancé une revue du nouveau programme nucléaire, qui nous permettra, d'ici à la fin de l'été, de connaître les coûts actualisés, et de disposer d'une évaluation des choix technologiques, d'un état des lieux industriel de la filière et d'un bilan sur les besoins en compétences.
Il n'en demeure pas moins que nous assumons de défendre un projet de relance du nucléaire, car la raison d'être d'un débat public est justement de débattre d'un projet clairement identifié.
Au-delà de son caractère technique, ce texte reflète aussi notre ambition politique pour la filière du nucléaire : en l'occurrence celle d'une grande aventure scientifique, industrielle et humaine, qui rassemblera des hommes et des femmes, des industries et des savoir-faire au service d'un projet national stratégique. C'est un projet pour renouer avec l'esprit de la France des bâtisseurs, un projet pour la fierté de notre pays.
Je puis d'ailleurs témoigner que c'était bien de la fierté que j'ai vue dans les yeux des salariés de Framatome au Creusot et des jeunes qui y suivent une formation grâce aux bourses d'étude lancées par le plan France relance lorsque j'ai annoncé la relocalisation d'un atelier industriel pour la fabrication de pièces critiques des futurs réacteurs.
Avec ce projet de loi, ce n'est ni plus ni moins que le fil de la plus grande aventure industrielle française depuis les années 1970 que nous renouons. Ce texte est une brique technique au service d'une ambition politique assumée.
L'adoption de plus de 170 amendements en commission a permis d'améliorer la rédaction du texte, tout en maintenant son objectif d'améliorer l'efficacité des procédures. Je tiens à remercier Mme la rapporteure Maud Bregeon, Mme la rapporteure pour avis Christine Decodts, ainsi que M. le président de la commission des affaires économiques Guillaume Kasbarian et M. le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire Jean-Marc Zulesi pour leur travail précieux sur ce texte.
Ce travail en commission a permis de retirer du texte tous les objectifs programmatiques qui n'y ont pas leur place. À cet égard, la position du Gouvernement est très claire : ni plancher, ni plafond. Nous devons envoyer un signal à notre filière, qui a trop longtemps souffert de recevoir des injonctions contradictoires, sachant que ces objectifs programmatiques seront discutés dans les prochains mois, dans le cadre de l'examen de la première loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC).
Ce texte renforcera également la sûreté. Je tiens à être très claire et très ferme sur ce point : l'accélération de la production d'énergie nucléaire ne se fera pas au détriment de la sûreté de nos installations présentes et futures.
Contrairement à ce qu'on peut entendre, le projet de loi ne touche pas à une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire.
Alors que la charge de travail est appelée à croître, il est proposé d'élargir les missions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – qui peut être contre ? – et de réunir, comme elles le sont au Canada ou aux États-Unis, ses compétences et celles de l'IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – sous le statut protecteur d'autorité administrative indépendante. Voilà la réalité de ce projet de loi ! De cette manière, l'ASN deviendrait la deuxième autorité de sûreté au monde en termes de moyens humains et financiers, et ce avec une crédibilité scientifique que je souhaite intacte.
À cet égard, je considère comme parfaitement légitime la volonté de renforcer le contrôle du Parlement et de l'Opecst – Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – sur le Gouvernement dans la conduite de la réforme. Je donnerai donc un avis favorable aux amendements déposés en ce sens par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) et par M. le député Fugit.
Le projet de loi devra également garantir la ligne rouge que j'ai fixée en matière de transparence de notre système de sûreté, grâce à un amendement du groupe Renaissance que présentera la rapporteure, et renforcer l'attractivité des métiers. Le Gouvernement était d'ailleurs favorable à un amendement relatif au recrutement des personnels de recherche, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable.
Ainsi ce texte est-il le deuxième texte énergétique à être soumis au Parlement en trois mois, ce qui témoigne de la détermination du Gouvernement et de la majorité de construire ensemble l'avenir énergétique de notre pays ; de notre détermination à mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles vis-à-vis de puissances étrangères parfois hostiles, grâce à la production d'énergies décarbonées sur notre territoire ; de notre détermination à répondre aux enjeux de pouvoir d'achat des Français et de compétitivité des entreprises ;…
…et enfin de notre détermination, toujours avec la majorité, à faire de la France un grand pays énergétique, souverain dans les technologies qu'il emploie et capable de les exporter. Car la France, j'en ai la conviction profonde, est une grande nation nucléaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Il y a un peu plus d'un an, le discours de Belfort du Président de la République dressait les ambitions de la majorité présidentielle en matière de nucléaire. L'heure est venue de concrétiser ensemble ces engagements en actes. L'objectif est simple : accélérer la relance du nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs, sans consentir à aucun compromis sur la sûreté. Avec ce texte, nous assumons pleinement notre ambition pour cette filière, là où d'autres voudraient en sortir à tout prix.
Je commencerai par là.
Nous supprimons – enfin ! – le plafond qui limite la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique et la limite de capacité installée ; deux dispositions introduites sous le quinquennat de François Hollande pour affaiblir la filière, sur la base de considérations idéologiques et sur fond d'accord politicien avec les Verts. Pourtant, le nucléaire est une part de notre histoire nationale qu'aucun président de la V
C'est dans un contexte assez similaire à celui d'aujourd'hui – prix de l'énergie qui s'envolent, besoins majeurs d'électrification à assouvir, choix industriels forts – qu'il y a environ cinquante ans, la France prenait ce virage. Le 6 mars 1974, Pierre Messmer annonçait, au 20 heures de l'ORTF (Office de radiodiffusion télévision française), la construction du parc électronucléaire. Celui-ci produit encore aujourd'hui près de 70 % de notre électricité. Pourtant, et j'en ai bien conscience, on touche là à un sujet qui suscite des positions très antagonistes…
…que je respecte et que je peux parfois comprendre, à condition qu'elles s'appuient sur des arguments fondés et étayés. Mais comment ne pas déplorer que, chez certains, les croyances aient, peu à peu, pris le pas sur la science ?
Force est de constater que, parfois, tous les arguments sont bons, peu importent les faits, tant qu'ils servent le dogme antinucléaire. Pourtant, notre politique énergétique et écologique doit répondre à des considérations objectives
Nous connaissons l'impact de la sortie du nucléaire : les résultats sont sans appel. Il suffit d'observer nos voisins. Il reste en Allemagne 40 gigawatts (GW) de charbon, soit l'équivalent des deux tiers de notre parc nucléaire…
…et nos voisins viennent d'annoncer le doublement de leur capacité en gaz, avec des impacts climatiques évidents.
Ma conviction, au fond, c'est que les vrais écologistes aujourd'hui sont pronucléaires. Les Français l'ont d'ailleurs bien compris puisque, dans une large majorité, ils soutiennent désormais cette énergie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le solaire, l'éolien, sur terre comme en mer, l'hydraulique et le développement des capacités des stations de transfert d'énergie par pompage (Step) : toutes ces formes de production d'énergie sont nécessaires pour relever le défi du climat. S'opposer au développement de l'une d'entre elles serait incohérent et irresponsable alors que les énergies fossiles représentent 60 % de l'énergie consommée en France et 85 % dans le monde.
Pour en revenir au cœur technique du projet de loi, la première partie du texte crée des dispositions temporaires pour accélérer le renouvellement de notre parc historique. Si certains délais sont évidemment justifiés, tels que ceux de l'instruction de l'autorisation de création, sur lequel ce texte ne revient pas, d'autres peuvent être résorbés. La construction de réacteurs électronucléaires est doublement encadrée à l'article 1er : d'une part, dans l'espace, ces dispositions ne valant que pour les réacteurs installés à proximité d'installations existantes ; d'autre part, dans le temps, ces mesures n'étant applicables que pour une durée limitée de vingt ans, délai sur lequel nous avons trouvé un accord avec le Sénat.
Comme dans d'autres secteurs, nous avons, depuis plusieurs années, suradditionné les contraintes administratives et juridiques.
Il est temps de se donner les moyens de nos ambitions. À titre d'exemple, l'article 2 accélère la procédure de mise en compatibilité de documents d'urbanisme avec les projets de construction, tout en associant les collectivités. L'article 3 intègre le contrôle de la conformité aux règles d'urbanisme des nouveaux réacteurs à l'autorisation environnementale, permettant ainsi de supprimer l'étape des autorisations d'urbanisme, au profit d'un contrôle global et rigoureux par l'autorité environnementale. L'article 4, une des dispositions les plus importantes du texte, permet de commencer les travaux hors îlot nucléaire dès la délivrance de l'autorisation environnementale. Cette anticipation, qui ne concerne pas le cœur de l'installation et les systèmes de sûreté, permettra au maître d'ouvrage de prendre de l'avance sur certaines étapes du chemin critique du planning, donc de limiter les risques de retard en cascade.
La seconde partie du projet de loi porte, quant à elle, sur les installations nucléaires existantes et intègre ni plus ni moins que des mesures de bon sens. Je pense notamment à l'article 10, qui supprime la mise à l'arrêt automatique d'une installation nucléaire de base lorsqu'elle n'a pas fonctionné depuis deux ans.
Quand une voiture n'a pas fonctionné pendant deux ans, elle doit passer le contrôle technique.
La mise à l'arrêt automatique n'a pas de sens si l'exploitant souhaite redémarrer l'installation, mais doit, à la suite d'incidents, prolonger la durée de l'arrêt, comme cela est arrivé à Bugey ou à Paluel. Ce n'est pas à un gouvernement, quel qu'il soit, de juger de la sûreté d'une installation ni de sa capacité à produire en fonctionnement normal.
Les amendements du Gouvernement votés en commission nous donnerons l'occasion d'avoir le débat sur le rapprochement de l'ASN et de l'IRSN.
J'entends les interrogations légitimes d'une partie de cette assemblée. Nous y avons répondu en commission…
…et nous continuerons à le faire dans cet hémicycle. Il est simplement proposé de réunir des compétences essentielles à la sûreté au sein d'une autorité indépendante, ce que n'est pas l'IRSN aujourd'hui. Je l'ai dit en commission : depuis sa création, aucun grief ne peut être retenu contre l'ASN sur sa gestion rigoureuse de la sûreté.
L'ASN a démontré que la sûreté primait sur tout le reste, y compris sur la production. C'est ainsi qu'elle a pu exiger la mise à l'arrêt temporaire des réacteurs, malgré l'impact de cette décision sur l'équilibre du réseau ou sur les prix de marché. Les exemples ne manquent pas : renforcement de la digue du Tricastin, exigences sismiques à Cruas, traitement de la ségrégation carbone sur le parc en 2019, portage du niveau de sûreté des réacteurs de deuxième génération au plus près de ceux de troisième génération. Les faits parlent d'eux-mêmes.
On en parlera après.
Mes exigences, tant comme rapporteure que comme ancienne ingénieure du secteur, demeurent inchangées : faire ce qu'il y a de mieux pour garantir l'excellence et l'indépendance de la filière de sûreté. C'est précisément ce que prévoit la réforme.
Enfin, et comme j'ai l'habitude de le faire quand je m'exprime sur ce sujet, je terminerai en disant qu'une stratégie énergétique ne se résume pas à des mégawatts et à des règles d'exploitation. Ce qui fait notre fierté, ce sont avant tout des femmes et des hommes : ceux-là même à qui l'on doit d'avoir pu passer l'hiver et qui travaillent dur sur les chantiers de maintenance pour produire l'électricité qui nous alimente tous.
La filière a été construite au lendemain de la seconde guerre mondiale, sous la houlette de Marcel Paul, et dont le but était avant tout de pouvoir fournir du courant et de l'énergie au plus grand nombre. Le nucléaire, comme le service public de l'électricité…
…n'est ni de droite ni de gauche. C'est un savoir-faire français mondialement reconnu, défendu, depuis des décennies, par des générations d'ouvriers, de techniciens et d'ingénieurs, et que tout député sincèrement attaché au climat, à notre souveraineté énergétique et au pouvoir d'achat devrait défendre au sein de cette assemblée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Chers collègues, seul M. Guillaume Kasbarian a la parole.
Depuis 2017, notre majorité agit pour renouer durablement avec la croissance, le plein emploi et la réindustrialisation du pays. Pour atteindre ces objectifs économiques, la mère des batailles, c'est celle de l'énergie. Notre pays doit être capable de produire plus d'électricité décarbonée, grâce au renouvelable et grâce au nucléaire – en même temps !
Alors que la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables vient d'être promulguée, le 10 mars, nous débutons aujourd'hui l'examen du projet de loi permettant d'accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires.
Je souhaite, à cet égard, saluer le formidable travail de notre excellente rapporteure Maud Bregeon, lors des auditions et pendant les dix-sept heures où notre commission des affaires économiques a siégé.
Le nucléaire repose sur un savoir-faire français qui a fait notre fierté des années 1970 aux années 2000. Toutefois, depuis lors, la stratégie énergétique de notre pays a connu quelques errements, bien illustrés par les auditions menées par la commission d'enquête en cours visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. Je salue les travaux de cette commission, ainsi que son rapporteur, M. Antoine Armand et son président, M. Raphaël Schellenberger.
Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, il faut que les travaux du nouveau nucléaire, annoncés par le Président de la République dans le discours de Belfort en février 2022, puissent se dérouler dans un calendrier libéré d'embûches administratives.
C'est exactement l'objet de ce projet de loi : accélérer, accélérer, accélérer,
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
notamment pour gagner deux ans dans le calendrier de réalisation des trois premières paires d'EPR.
Chers collègues, je sais que vous avez du mal avec l'accélération. Vous n'avez pas voté le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et vous n'allez pas voter celui-ci, relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. Nous avons compris que vous ne souhaitiez pas accélérer !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
En votant ce texte, vous donnez toutes les chances à notre pays de réussir à mettre en service les prochains réacteurs dès 2035. Le retour d'expérience de la construction de l'EPR de Flamanville 3 – Stéphane Travert en parlera probablement – a mis en lumière plusieurs pistes d'amélioration.
En premier lieu, les difficultés techniques ont établi la nécessité de recruter et former dans des métiers spécialisés à haute valeur ajoutée. C'est un chantier qui a déjà débuté, ce qu'a illustré la première semaine des métiers du nucléaire la semaine dernière.
En même temps, Flamanville a montré l'enjeu de l'organisation logistique des travaux et du bon déroulement de la maîtrise d'œuvre, qui a engendré plusieurs retards dans les premières années de ce chantier. Sur des projets aussi colossaux, l'échéancement des travaux doit être pensé avec précision.
L'article 4 du projet de loi permettra, dès la délivrance de l'autorisation environnementale, dont la demande devrait être déposée par EDF à la fin du premier semestre de cette année pour Penly 3, de démarrer les travaux préparatoires d'aménagement des terrains. Ce démarrage anticipé pourrait permettre, par rapport au droit actuel, de gagner dix-huit mois. La construction des bâtiments de l'îlot nucléaire pourrait commencer après la délivrance de l'autorisation de création d'une installation nucléaire, dont l'instruction prend entre trois et cinq ans et dont la demande sera déposée en même temps que celle de l'autorisation environnementale. Le premier béton nucléaire pourrait donc être coulé, selon les estimations, au premier semestre 2027.
Voilà ce qui vous importe : couler le béton pour que l'installation puisse être inaugurée par le prince Macron !
Pour les paires de réacteurs ultérieures, l'article 2 permettrait un gain de temps sur les procédures administratives de l'ordre de six mois, en accélérant la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec le projet, tout en garantissant l'association des collectivités concernées. Il s'agit de processus extrêmement lourds et complexes, qui impliquent des milliers d'acteurs, et nous nous réjouissons que le texte contribue à la fois à la simplification administrative et à la sécurisation du chemin critique des projets.
Il en va ainsi de la suppression de l'autorisation d'urbanisme, fusionnée avec l'autorisation environnementale à l'article 3 du texte.
Ces mesures prises dans leur ensemble, c'est-à-dire en englobant celles qui permettent de mieux sécuriser le parc existant – je pense à l'article 10 –, doivent nous permettre de conforter pour l'avenir la sécurité de notre approvisionnement électrique. C'est pourquoi je me réjouis de la large majorité trouvée en commission des affaires économiques pour voter ce texte, moyennant les évolutions importantes que nous avons adoptées, toujours dans le sens de la simplicité et de l'efficacité des procédures.
Sur les 543 amendements examinés en commission, nous en avons adopté un tiers, soit 172 amendements, de tous les bancs, dont 23 % ont été déposés par des membres de l'opposition. Nous avons conservé cinq des huit articles ajoutés au Sénat, ceux qui allaient dans le sens de la simplification et de l'efficacité. Nous en avons ajouté cinq, qui vont aussi dans ce sens. J'espère que nous saurons en séance publique continuer à enrichir et améliorer le texte en gardant à l'esprit nos objectifs.
Comme je l'ai déjà affirmé en commission, je ne doute pas qu'il existe dans cet hémicycle une large majorité de députés qui n'ont pas le nucléaire honteux !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'ai reçu de M. Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Jamais, depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les enjeux énergétiques n'auront pris une place si importante dans le débat public et le quotidien de nos concitoyens : des enjeux de sobriété et de décarbonation pour faire face aux défis de la transition écologique et de l'adaptation au changement climatique ; un enjeu de diversification pour gagner en résilience et retrouver une souveraineté, alors que la guerre en Ukraine a cruellement mis en lumière nos dépendances ; un enjeu de régulation, enfin, afin de relever tous ces défis en protégeant nos biens communs que sont la ressource en eau, les sols et notre biodiversité et en préservant le pouvoir d'achat des Françaises et des Français, la compétitivité de nos entreprises et les moyens de nos collectivités territoriales.
Depuis 2019, il est prévu qu'une vision holistique de ces défis et des solutions permettant de les relever soit définie dans un outil législatif, la loi de programmation sur l'énergie et le climat, que le Gouvernement doit déposer devant le Parlement au plus tard le 1er juillet 2023. Or le Gouvernement a choisi d'inverser l'ordre d'examen de ces questions et de les traiter en silo : nous avons ainsi débattu d'un plan de sobriété énergétique, puis d'un projet de loi sur les énergies renouvelables, avant d'en arriver à ce texte sur le nucléaire, qui sera suivi d'une loi de programmation.
Alors que l'électrification des usages fera augmenter la consommation électrique durant les vingt prochaines années, la sobriété constitue le premier pilier d'une stratégie énergétique cohérente. Durant l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le groupe Socialistes et apparentés, comme les autres groupes de gauche, a proposé des investissements majeurs, à la hauteur des enjeux, pour la rénovation énergétique des bâtiments et le développement du réseau ferroviaire, qui auraient été financés par la taxation des superprofits et l'abandon de certains cadeaux fiscaux. Le Gouvernement les a rejetés et il a fallu compter sur le sens des responsabilités des Français pour constater, au moins cet hiver, une moindre consommation énergétique.
Le second pilier est celui de la diversification. Vous avez présenté à l'automne un projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Lors des débats sur ce texte, qui fut promulgué vendredi dernier, nous avions déjà formulé notre insatisfaction concernant cet ordonnancement législatif. Cependant, il est vrai que la France est déjà très en retard sur ses objectifs et engagements internationaux en la matière. C'est d'ailleurs le seul pays de l'Union européenne dans cette situation. De plus, quel que soit le scénario de mix énergétique retenu parmi ceux proposés par RTE dans le rapport Futurs énergétiques 2050, la production d'énergie solaire doit être multipliée au moins par sept et celle d'énergie éolienne terrestre au moins par deux et demi pour faire face à des besoins d'environ 750 térawattheures par an. Notre groupe a donc pris toute sa part dans le renforcement de ce texte, que nous avons voté.
Il en va cependant très différemment concernant la production électronucléaire. Sur les six scenarios de RTE, trois permettent d'atteindre la neutralité carbone en 2050, sans nouvelle installation nucléaire. Les trois autres envisagent, outre la prolongation du parc historique prévue dans cinq des six scenarios, un mix comptant entre 26 % de nucléaire, avec huit nouveaux réacteurs, et 50 % de nucléaire, avec quatorze nouveaux réacteurs et quelques SMR – petits réacteurs modulaires.
On comprend mieux ainsi nos débats en commission et le texte qui en résulte. Celui-ci conserve une partie des dispositions de programmation introduites par les sénateurs du groupe Les Républicains, parmi lesquelles la suppression de l'objectif de plafonner la part du nucléaire à 50 % de notre mix énergétique et l'évaluation des conséquences de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires, prévue à l'article 1er D.
En décembre, le Gouvernement, comme les rapporteurs du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables avaient rejeté l'inclusion de dispositions de programmation dans ce dernier texte, afin de ne pas préempter le débat sur le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat prévu pour l'été. Nous avions donc retiré nos amendements.
Or vous avez adopté la position inverse lors de l'examen du présent texte en commission, en assumant la fixation d'un nouveau programme électronucléaire dans celui-ci. Pourquoi le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables n'a-t-il donc pas pu refléter notre vision, potentiellement différente de la vôtre ?
Pour nous, il faut viser un mix énergétique diversifié et composé à 100 % d'énergies renouvelables dès que possible, en adoptant une approche pragmatique, scientifiquement éclairée et en restant conscient des contraintes industrielles et humaines. À cet égard, au vu des retards pris dans le développement des énergies renouvelables et dans l'effort de sobriété, le scénario dans lequel nous aurions besoin de l'énergie nucléaire de transition fournie par la prolongation du parc existant pendant cinquante voire soixante ans et par la construction d'un nombre à définir de nouveaux réacteurs électronucléaires devient de plus en plus certain. Toutefois, bien entendu, les décisions qu'il implique ne peuvent être prises qu'à partir d'une vision globale, en tenant compte de l'ensemble des énergies et dans le cadre de la loi de programmation.
Elles ne peuvent être prises qu'en tenant compte des interrogations légitimes que nous avons exprimées en commission sur notre capacité ou plus précisément sur celle d'EDF à mener à bien et de manière concomitante la conception et la construction de nouveaux réacteurs, le grand carénage pour prolonger le parc existant et une campagne de réparations de défauts majeurs de corrosion sous contrainte et de fatigue thermique dont les ramifications semblent s'étendre chaque semaine.
Au-delà des contraintes industrielles, disposerons-nous des moyens humains suffisants, en particulier pour les ouvriers spécialisés ? Bien peu a été fait pour satisfaire les besoins d'enseignement et de formation, y compris ceux liés au parc actuel. Quelle est votre stratégie pour gérer le combustible et les déchets de l'amont à l'aval, sans dépendre d'États comme la Russie ? Conservons-nous l'objectif d'enfouissement définitif en couche géologique profonde des déchets ultimes ? Vous défendez un nouveau programme électronucléaire avant que le Parlement n'ait pu débattre de toutes ces questions.
Nous avons déposé des amendements pour instaurer une réelle programmation stratégique sur le combustible et les déchets mais aussi pour développer les moyens humains, pas seulement dans le secteur nucléaire mais aussi pour l'ensemble de notre stratégie en matière d'énergie et de climat.
Vous avez préféré des amendements déposés par les membres du groupe Les Républicains et ceux de votre majorité qui ne considèrent le problème qu'en silo, sous le seul prisme nucléaire, car vous oubliez qu'entre votre future loi sur l'industrie verte, celle relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et le présent texte sur les besoins du secteur nucléaire, les tensions sur les métiers, les compétences et les matières premières seront énormes et les ambitions en concurrence.
Votre revirement en matière de planification nous interroge sur le sort même de la loi de programmation sur l'énergie et le climat. Selon des bruits de plus en plus insistants, son examen serait reporté sine die, les modifications apportées au présent texte en commission vous permettent de mener à bien votre projet pour l'énergie nucléaire en vous passant de celle-ci. J'espère que ce ne sont que des bruits.
Sans que vous l'admettiez, le présent projet de loi est calibré sur le scénario N03 de RTE prévoyant un mix composé de 50 % d'énergie nucléaire, grâce à quatorze nouveaux EPR et des SMR, et de 50 % d'énergies renouvelables.
Madame la ministre, prenez-vous l'engagement, au nom du Gouvernement et devant la représentation nationale, que le projet de loi de programmation sera bien déposé avant le 1er juillet 2023 et examiné avant la fin de cette année ? La confiance n'excluant pas le contrôle, nous défendrons un amendement visant à subordonner l'entrée en vigueur du présent texte à la promulgation de la LPEC.
Plusieurs dispositions de ce texte nous semblent poser des difficultés majeures d'un autre ordre. Vous avez réécrit l'article 5 afin de dispenser totalement les installations nucléaires de l'application de la loi « littoral » (relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral), sans prévoir aucun objectif de limitation de l'artificialisation des sols, de préservation des écosystèmes et de compensation, contrairement à nos propositions.
Alors que le rapporteur des parties du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables concernant l'énergie solaire, M. Bothorel, nous avait permis de prendre le temps nécessaire pour trouver un équilibre entre préservation des terres agricoles et production d'énergies renouvelables, vous préférez, pour le nucléaire, la stratégie du bulldozer et nous le regrettons.
Je pourrai développer d'autres exemples, comme l'article 13, mais je souhaite m'arrêter sur des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial, ni dans celui examiné en séance publique par le Sénat d'ailleurs. Il s'agit bien évidemment de la décision présidentielle de refonder l'organisation de la sûreté nucléaire dans notre pays, avec la fusion absorption de l'IRSN par l'ASN.
Disons-le d'emblée, quoi qu'on puisse penser du projet sur le fond, annoncer en comité secret une réorganisation de la sûreté nucléaire au moment où l'opérateur doit faire valider la prolongation de l'exploitation du parc existant et potentiellement un nouveau programme n'est pas de nature à donner confiance aux Français dans la qualité et l'indépendance de ce contrôle. Le faire sans concertation, par amendement en cours de navette, sans étude d'impact et sans avis du Conseil d'État est par ailleurs, à l'égard du Parlement, un affront qui a été dénoncé même au sein de votre majorité ; il ne s'agit pas d'un amendement sur un taux de TVA réduit pour les courses hippiques, mais bien d'un sujet sensible aux conséquences majeures en cas de défaillance.
Sur le fond, nous ne prétendons pas qu'aucune amélioration de l'organisation de la sûreté nucléaire n'est possible – cela mérite bien sûr un débat. Toutefois, nous sommes dubitatifs, car vous justifiez cette réforme par un constat opposé à celui dressé par la Cour des comptes dans son référé de 2021 sur l'IRSN.
En tout état de cause, il est impératif de maintenir une organisation assurant la séparation des missions d'expertise et de décision, indispensable à l'indépendance de la première. Seule la science doit fonder l'expertise. Il appartient ensuite au régulateur d'équilibrer ces prescriptions avec les contraintes économiques, industrielles et budgétaires lorsqu'il rend ses décisions. L'organisation duale de l'ASN et de l'IRSN apporte cette assurance, comme c'est le cas dans le domaine de la santé avec l'Anses – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – et l'Inrae – Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement –, qui ont signé le 3 mars une nouvelle convention quinquennale de collaboration. Cela prouve que les synergies que vous souhaitez entre l'ASN et l'IRSN sont possibles sans fusion.
Il est également essentiel pour la bonne information du public que les avis de l'expertise restent publiés indépendamment de ceux relatifs à la décision afin que tous les éléments des arbitrages soient connus. Si vous avez heureusement abandonné le projet de transférer la recherche au CEA – le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives –, ce qui aurait lourdement affaibli l'expertise à terme, celle-ci demeurera la variable d'ajustement budgétaire d'une entité dont le volume des missions de contrôle va exploser. Enfin, vous n'avez apporté aucune information quant au devenir des activités économiques de l'IRSN, par exemple dans le domaine de la dosimétrie. Supprimons donc les articles 11 bis et 11 ter, ayons un débat public et une concertation véritable sur ce sujet majeur et proposez un nouveau dispositif dans le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat.
Madame la ministre, vous l'avez vous-même indiqué en commission : ce projet de rapprochement ne sera appliqué qu'après quinze à dix-huit mois de concertation. Pourquoi donc agir aujourd'hui, dans la précipitation ? En outre, en ne permettant pas de débat serein et sérieux sur celui-ci, vous renforcez l'idée selon laquelle le projet de loi de programmation ne verra jamais le jour.
Ainsi, le présent projet de loi, tel qu'adopté en commission, préempte le débat sur la loi de programmation sur l'énergie et le climat et entérine un scénario de relance du nucléaire pour que cette énergie représente 50 % du mix énergétique futur, sans débat d'ensemble. Il remet en cause, sans fondement apparent, l'organisation de la sûreté nucléaire en contournant les obligations constitutionnelles qui auraient permis d'éclairer le Parlement sur les conséquences de cette réforme. Enfin, il n'assure pas la proportionnalité entre les enjeux énergétiques et ceux de préservation de l'environnement à valeur constitutionnelle, au vu des atteintes à la loi « littoral » et de l'insuffisante prise en compte du changement climatique, notamment de la disponibilité de la ressource en eau.
Il y a donc lieu, dans l'attente de la présentation du projet de LPEC et puisque nous ne pouvons plus déposer de motion de renvoi en commission, d'opposer une motion de rejet préalable au présent texte de programmation de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires et de réorganisation de la sûreté nucléaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
J'ai été fort surprise du dépôt d'une motion de rejet préalable par les membres du groupe Socialistes et apparentés sur un texte concernant le nucléaire, d'autant que je connais leur opinion positive de notre mix énergétique décarboné et du bras armé de notre politique énergétique, EDF.
Madame la députée, vous vous interrogez sur le périmètre de ce texte, et demandez qu'il soit examiné pour ce qu'il est – un texte d'accélération des procédures administratives d'installation nucléaire. Je suis entièrement d'accord avec vous.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SOC.
Le Gouvernement, la rapporteure et la majorité sont sur la même ligne que vous. Je n'ai cessé de le répéter au Sénat, où je rappelle que des objectifs programmatiques ont été introduits en commission, alors que le Gouvernement n'était pas représenté.
Ce texte n'est pas un texte de programmation énergétique, ce n'est pas la LPEC avant l'heure. J'ai défendu cette position au Sénat, comme en commission à l'Assemblée, pas plus tard que la semaine dernière. Je continuerai de la défendre dans cet hémicycle.
En commission, c'est d'ailleurs cette position qui a conduit le Gouvernement, Mme la rapporteure, la majorité et plusieurs groupes de l'opposition à soutenir des amendements de suppression des éléments programmatiques, en bénéficiant d'un consensus fort. Le symbole en est sans doute l'article 1er B, qui introduisait un plancher de 50 % de nucléaire dans le mix électrique : nous avons pris nos responsabilités en demandant sa suppression.
Vous évoquez la réintroduction du plafond de 50 %, supprimé par le Sénat. Mais cela revient précisément à réinscrire un objectif programmatique et à préempter les débats sur le futur projet de loi de programmation énergétique !
La position du Gouvernement est claire : ni plancher, ni plafond. Il faut envoyer un signal à notre filière qui a longtemps souffert d'injonctions contradictoires. D'ailleurs, les travaux de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France présidée par Raphaël Schellenberger et dont Antoine Armand est le rapporteur…
Vous n'attendez même pas ses conclusions pour faire passer votre projet de loi !
…nous rappellent combien certaines décisions passées ont pu s'apparenter à des coups d'arrêt.
Ne reproduisons pas les erreurs du passé, reconnues par tous, sur tous les bancs.
S'agissant de la fusion entre l'IRSN et l'ASN, je le répète, il s'agit, ni plus ni moins, de regrouper deux entités publiques qui interviennent sur la même mission de service public sous la même bannière publique, qui se trouve être la plus protectrice en termes d'indépendance vis-à-vis du Gouvernement.
Vous ne pouvez pas mentir de cette façon ! Vous déshonorez votre fonction !
Qu'aurait-on entendu si nous avions apporté l'ASN à l'IRSN ? Qu'aurait-on entendu si nous avions demandé à l'ASN de ne plus être une autorité administrative indépendante ?
Contrairement à ce que vous insinuez, ce texte ne modifie pas une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire.
Il faut dire la vérité aux Français : nous ne modifions pas une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire, procédures et autorité reconnues internationalement et qui sont au travail…
Madame la députée, si vous aviez l'amabilité de me laisser parler, vous constateriez que j'essaie de vous écouter et que je réponds à vos questions.
Je le répète une nouvelle fois, il s'agit de défendre l'excellence de notre sûreté nucléaire. C'est d'ailleurs ce qui amène l'ASN à formuler des demandes extrêmement fermes auprès d'EDF.
Quant à vos insinuations sur les fissures…
…il est aussi banal de découvrir des fissures de fatigue thermique sur une tuyauterie que de se rendre compte que des équipements vieillissent ! En outre, les pièces sont remplacées. Il faut faire attention à ne pas jeter le discrédit sur une filière d'excellence et sur 220 000 collaborateurs qui travaillent jour et nuit pour assurer notre résilience énergétique.
C'est inconvenant et inapproprié après l'hiver que nous avons passé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Contrairement à ce que vous indiquez, le projet de loi seul ne contribuera pas à enrichir les missions de l'ASN ou à sécuriser le statut des agents de l'IRSN…
Demain, nous allons réfléchir à la nouvelle organisation, issue de la réforme, afin de trouver les meilleurs voies et moyens pour répondre à nos objectifs de sûreté et d'indépendance nucléaires.
Exclamations de Mme Christine Arrighi.
Enfin, s'agissant des procédures, vous vous étonnez de l'absence de parallélisme avec les procédures prévues par la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Mais il y a une bonne raison à cela : les raccordements existent pour les installations nucléaires et ce que nous faisons a donc beaucoup moins d'impact. À l'inverse – c'est la loi du genre –, les installations d'énergies renouvelables sont atomisées sur le territoire et toutes ne sont pas encore raccordées.
Pour autant, notre objectif reste le même : accélérer le déploiement des énergies renouvelables et relancer le nucléaire au service de nos objectifs climatiques. Je pense donc être du côté de la cohérence politique en matière de lutte contre le changement climatique.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'invite les députés à voter contre votre motion de censure, pardon, de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nous en arrivons aux explications de vote.
La parole est à M. Gérard Leseul.
Vous avez raison, monsieur Leseul, on ne s'entend pas, et vous ne m'entendez pas parler… Chers collègues, seul M. Leseul a la parole.
Madame la ministre, l'accélération que vous proposez ne doit pas conduire à la précipitation. Votre projet de loi se focalise sur la construction des EPR, sans poser la question plus large de la filière nucléaire, qui va de l'approvisionnement – avec l'uranium –, à la production d'énergie et à la gestion des risques qui l'entoure, jusqu'à celle des déchets, dont les plus dangereux sont radioactifs pour des millions d'années.
On ne peut restreindre le sujet du nucléaire à l'accélération des procédures de construction des EPR. En outre, cela laisserait penser que le débat est clos, et que la question du mix énergétique français est déjà tranchée avant l'examen de la loi de programmation sur l'énergie et le climat.
Par la voie précipitée d'amendements adoptés en commission, le projet de fusion entre l'IRSN et l'ASN est venu polluer le débat et nos sereines réflexions. C'est donc sans insinuation que nous dénonçons l'absence d'étude d'impact sur cette fusion, sans doute envisagée dans les bureaux de l'Élysée, l'absence d'avis du Conseil d'État, l'absence de présentation argumentée – que nous vous avions demandée – sur les avantages et les inconvénients d'une telle fusion, l'absence de prise en compte de l'avis des organisations syndicales et des travailleurs du nucléaire – que nous saluons pour leur sérieux
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
–, l'absence d'avis des entités concernées.
C'est également pourquoi nous vous appelons, chers collègues, à voter pour cette motion de rejet de projet de loi non d'accélération, mais de précipitation.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous contestons fortement l'opportunité de ce projet de loi car il va bien au-delà de son objet initial. En maintenant la suppression de nos objectifs de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, et en y inscrivant votre volonté de construire quatorze EPR, vous foulez du pied vos engagements de respecter le débat sur la programmation énergétique à venir.
De surcroît, vous piétinez les conclusions des débats publics qui viennent de s'achever. C'est profondément antidémocratique !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Vous nous mettez, comme nos concitoyens, devant le fait accompli. C'est inacceptable ! Vous nous demandez de débattre d'un texte actant, de force, une relance du nucléaire, alors que la filière va extrêmement mal : les piscines de déchets débordent, les opérateurs du nucléaire sont fragilisés par des déboires industriels en cascade, en France comme à l'étranger, et nos centrales vieillissent mal.
Exclamations de Mme Perrine Goulet.
… et de nouvelles fissures, d'une ampleur inédite, ont été retrouvées sur d'autres réacteurs.
Vous misez tout sur la même case. C'est un pari technologique plus que risqué, que l'on ne sait même pas comment financer, puisque l'entreprise EDF est endettée à hauteur de 65 milliards d'euros, plus que France Télécom avant que celle-ci ne sabre dans deux tiers de ses effectifs. Et que dire de la robustesse des centrales face au changement climatique ? Vous vous accrochez à ce mantra quoi qu'il en coûte ; c'est totalement irresponsable !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Autre illustration de votre volonté de passage en force : vous profitez de cette loi pour démanteler de force l'IRSN avec l'aide de l'extrême droite…
C'est ce même Rassemblement national qui propose de démanteler les éoliennes et de construire plus de vingt nouveaux réacteurs dans notre pays en treize ans alors qu'absolument tout le monde – industriels, scientifiques – estime que c'est impossible.
En outre, vous ne réfléchissez pas aux conséquences d'une telle fragilisation de notre modèle robuste de sûreté. C'est une fuite en avant extrêmement grave, irresponsable et dangereuse. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – NUPES votera avec force la motion de rejet préalable et invite tous les députés, qu'ils soient pour ou contre le nucléaire, à faire de même.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Certains des propos de notre collègue socialiste Battistel sont justes et légitimes et nous partageons certaines de ses analyses. C'est vrai, le Gouvernement s'y prend à l'envers. Nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises : nous aurions souhaité un débat démocratique sur l'épaisseur du mix énergétique, sur son étendue, sur les enjeux stratégiques de politique énergétique, intégrant sobriété, économies d'énergie et structuration des filières.
Et le débat démocratique aurait dû précéder l'examen de ces projets de loi techniques, qui visent à atteindre ces objectifs.
C'est notre sentiment, celui des élus sur les bancs de gauche. D'ailleurs, cela aurait dû conduire nos collègues socialistes à ne pas voter la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables puisqu'elle précédait le débat démocratique sur la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Ce qui fait la richesse de la gauche, je le dis tranquillement, c'est sa diversité sur ce sujet – cette diversité va s'exprimer au cours de nos débats –, mais ce qui fait la cohérence de la gauche, c'est qu'elle réaffirme constamment son attachement à plusieurs principes.
Le premier, c'est que l'énergie doit échapper à la logique de marché. Or, de nombreux gouvernements ont abîmé la maîtrise publique de l'énergie, et je leur en veux.
Le second, c'est qu'il faut veiller à ce que le niveau de sûreté et de sécurité nucléaires ne fasse pas débat. Or, la fusion de l'IRSN avec l'ASN, qui tombe comme un cheveu sur la soupe, nous préoccupe et rouvre d'ailleurs la boîte de Pandore contenant les arguments de ceux qui s'opposent à la filière nucléaire.
M. Julien Bayou applaudit.
Nous souhaitons donc que le débat apporte des éclaircissements. C'est la raison pour laquelle, dans sa majorité, le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES s'abstiendra sur cette motion.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau et Mme Marie Pochon applaudissent également.
Comme M. Jumel, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage une partie du constat de Mme Battistel, et s'interroge sur le calendrier du Gouvernement, sur sa méthode et sur ses choix parfois surprenants, pour ne pas dire hasardeux. Nous aurons l'occasion d'en débattre et, peut-être sereinement, de lutter pied à pied contre les dispositions ajoutées par voie d'amendements, notamment sur la fusion de l'IRSN avec l'ASN. Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à nos questions sur le sujet : pourquoi maintenant ? Pourquoi comme cela ? Quelles difficultés vous ont conduit à prendre cette décision ?
Néanmoins, notre groupe considère que le texte initial visant à l'accélération des procédures relatives aux installations nucléaires comporte des éléments intéressants, que nous souhaitons examiner.
C'est pourquoi nous plaidons pour que la discussion ait lieu, dans la diversité, mais aussi dans la construction d'un objectif partagé, sans revenir sur l'absence de loi de programmation, puisque nous aurons sans doute l'occasion de le faire à l'occasion de la discussion générale et des débats. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet, même si nous partageons certains des objectifs évoqués par notre collègue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Chers collègues socialistes, devant votre volonté de rejeter en bloc, sans débat, ce projet de loi au motif que le Sénat aurait supprimé l'objectif de réduction à 50 % du nucléaire dans le mix électrique, on peut s'interroger. Éprouvez-vous la nostalgie du quinquennat de François Hollande en matière d'énergie nucléaire ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Mais rassurez-vous, chers collègues, même vos anciens camarades sont prêts à tourner la page.
Il se trouve qu'en tant que rapporteur de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, j'ai eu l'honneur d'interroger les anciens dirigeants socialistes sur la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance – vous savez, cette loi qui a consacré la réduction du nucléaire à 50 % du mix électrique. C'était un « accord de coin de table » qui allait affaiblir durablement la filière, selon Arnaud Montebourg, ancien ministre socialiste.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Aucune étude d'impact ne le justifiait, selon l'ancien Premier ministre socialiste, Manuel Valls.
Mêmes mouvements. – Mme Julie Laernoes et M. Matthias Tavel s'exclament.
« Il n'avait pas sa place dans la loi », selon l'ancienne ministre socialiste Ségolène Royal qui a présenté le projet de loi devant notre assemblée.
C'est sans doute la peur de froisser publiquement vos alliés Europe Écologie-Les Verts (EELV) et LFI qui l'explique… En commission des affaires économiques, ils se sont à nouveau illustrés par leur opposition systématique et aveugle à l'énergie nucléaire, au mépris de l'urgence climatique et énergétique.
M. Gilles Le Gendre applaudit. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quand la production d'électricité nucléaire émet soixante-dix fois moins de CO
… quarante fois moins que le gaz, quatre fois moins que le solaire, deux fois moins que l'hydraulique et autant que l'éolien, il est difficile de suivre les méandres de la pensée socialiste, dont le groupe s'est abstenu en commission et vient de déposer une motion de rejet préalable.
Le groupe Renaissance la repoussera. Cette motion vous place une nouvelle fois – et je le regrette – dans le camp de l'obstruction et de l'irresponsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Avec 220 000 emplois, la filière nucléaire constitue la troisième industrie française, derrière l'aviation et l'automobile. En matière énergétique, elle a contribué pendant des décennies à notre indépendance nationale. Nos compatriotes, nos entreprises et notre industrie ont profité de l'électricité la moins chère et la plus abondante d'Europe, si abondante que nous l'avons revendue à nos voisins, y compris à ceux d'outre-Rhin. Qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il vente, l'approvisionnement en électricité était assuré. Les entreprises y gagnaient en compétitivité, quant aux habitants, ils se souviennent avec regret du montant peu élevé de leurs factures.
Rappelons-nous les risques de coupures d'électricité que nous avons connus cet hiver : ils ont révélé le piteux état du secteur énergétique français. C'est le résultat de politiques ultralibérales et européennes, qui ont cassé le service public de l'énergie et déstabilisé les entreprises, notamment EDF. Ceux sur ces bancs qui ont gouverné et qui gouvernent encore portent une lourde responsabilité. Le présent projet de loi va dans le bon sens, mais nous ne pouvons que déplorer le temps perdu à cause de la majorité qui le défend : pendant la précédente législature, elle proposait de réduire la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique.
La situation déplorable que nous connaissons est aussi le triste bilan de ceux qui n'ont cessé de dénigrer le nucléaire, faisant preuve d'autant de constance que d'aveuglement. Chers collègues écologistes, en présentant cette motion de rejet préalable,…
Sourires.
…vous êtes cohérents avec la ligne que vous défendez depuis des décennies – toujours aussi bornés dans votre entêtement à combattre une énergie pourtant décarbonée, toujours aussi prompts à défendre vos saintes éoliennes, qui défigurent nos paysages et ne compensent aucunement la production d'énergie du parc nucléaire.
Mmes Ségolène Amiot et Sandra Regol s'exclament.
Confronté à un tel sectarisme, le groupe Rassemblement national ne votera évidemment pas la motion de rejet. Bien au contraire, ses élus s'attacheront à défendre la relance de notre filière nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le 6 mars 1974, trois semaines avant le décès du président Pompidou, Pierre Messmer, Premier ministre, annonce, sans aucune discussion ni aucun débat, que le pays fait le choix de l'atome. En plein choc pétrolier, l'indépendance énergétique est un argument massue. Si l'on peut comprendre l'opinion pronucléaire d'alors, il est temps, cinquante ans après, d'en finir avec la magie de l'atome.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
S'agissant de sécurité, nous avons connu les catastrophes de 1979 aux États-Unis, de 1986 à Tchernobyl et de 2011 à Fukushima.
L'indépendance est de façade : dès 1975, avec la licence Westinghouse, le made in America fait la gloire du nucléaire français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour retraiter l'uranium, l'industrie française est prise au piège de sa dépendance à la Russie.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Quant à la ressource fossile, la dépendance est totale : l'uranium importé provient principalement du Niger et du Kazakhstan.
Le nucléaire n'est pas bon pour le climat : les milliards investis pour son développement le seront au détriment des énergies renouvelables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et le climat n'est pas bon pour le nucléaire : le manque d'eau remet en cause le fonctionnement des centrales ; la multiplication des événements extrêmes augmente le risque d'inondation des réacteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Thierry applaudit également.
L'industrie atomique est un avion qui a certes des ailes, mais est dépourvu de train d'atterrissage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Bure ne doit pas devenir la déchetterie du nucléaire : je vous invite à imaginer un chantier de 2023 qui aurait commencé en 1871 !
Ce n'est pas sérieux. Ni l'économie ni le climat ne justifient le lancement industriel d'une filière EPR en France.
La production nucléaire ne fournit que 2,5 % de la demande finale mondiale d'énergie ; elle s'oppose à la volonté commune.
Le présent, c'est le soleil, le vent, l'eau, l'océan. Le présent, c'est aussi le changement de nos modes de vie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
La présidente coupe le micro de l'orateur. – Les membres du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent l'orateur. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Décidément, nos collègues du groupe Socialistes sont étonnants. Il y a quelques jours à peine, avec un relent de patriotisme économique qu'on ne leur avait pas connu depuis longtemps, ils défendaient un texte visant à nationaliser EDF,…
Nous avons pensé que c'était formidable, que les communistes, fidèles depuis toujours au consensus national en faveur du nucléaire, avaient dû les ramener sur le droit chemin. Mais patatras, vous voilà replongés dans le scepticisme – sans doute avez-vous, cette fois-ci, écouté davantage vos collègues du groupe Écologiste, qui vous ont applaudi avec frénésie.
Vous nous ressortez votre intention de plafonner la production d'énergie nucléaire à 50 %, comme si ce chiffre avait été gravé par Moïse sur les tables de la loi, alors que nous savons tous désormais qu'il a été griffonné sur un coin de table par François Hollande !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Tout cela est indigne de vous, chers collègues, surtout de vous, chère Marie-Noëlle Battistel, que nous savons si compétente dans le domaine de l'énergie. Vous avez mené un combat si intéressant en faveur de l'énergie hydroélectrique que nous nous en voudrions de ne pas pouvoir vous entendre dans le débat sur la relance du nucléaire.
Aussi, afin de vous laisser vous exprimer et prendre la place qui vous revient dans les discussions sur le texte, le groupe Les Républicains votera contre la présente motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Encore une fois déposée par nos collègues de la NUPES, cette motion de rejet ne nous surprend pas, quand bien même elle constitue un nouveau déni de réalité. Elle révèle une position dogmatique s'agissant du nucléaire, selon laquelle les préoccupations environnementales devraient conduire à s'y opposer, sans faire de hiérarchie dans les difficultés. Or être écologiste ,
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
c'est chercher toutes les solutions pour préserver la planète du changement climatique et de ses effets.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.
Les écologistes n'aiment pas être recadrés, ils sont dans la pensée unique !
Si nous voulons agir de manière responsable, l'urgence de la situation nous empêche de nous passer de l'électricité nucléaire, décarbonée.
Ce déni de vérité n'est pas nouveau. Il y a un peu plus de vingt ans, Dominique Voynet chantait les louanges du gaz, et appelait à doubler la consommation mondiale de gaz naturel. Elle affirmait : « L'Europe a tout intérêt à diversifier son approvisionnement et à jouer un rôle actif dans la construction des grands gazoducs internationaux. » Elle faisait aussi l'éloge du charbon, expliquant que la menace de changement climatique ne devait pas le condamner. De tels propos sont en complet décalage avec la nécessité de trouver des solutions concrètes adaptées au changement climatique. Soyons à la hauteur.
Être démocrate, c'est laisser les parlementaires que nous sommes discuter de ce sujet. Ce débat est indispensable pour l'avenir énergétique du pays, et les Français l'attendent.
Laissons l'examen du texte se dérouler, en rejetant massivement la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 184
Majorité absolue 93
Pour l'adoption 60
Contre 124
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
En décembre dernier, nous examinions le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Quelques semaines plus tard, nous débutons l'examen du présent projet de loi, qui vise à relancer la filière nucléaire. Qu'ont en commun ces deux textes ?
D'une part, ils prévoient un allégement parfois hasardeux des procédures administratives en vigueur, pour faciliter les installations d'énergies renouvelables et nucléaires. D'autre part, ils ont une fâcheuse tendance à préempter le débat relatif aux grandes orientations énergétiques du pays, alors que le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat doit être examiné dans quelques mois. Curieuse façon de concevoir la fabrique de la loi que de vous assurer que rien ne viendra perturber votre dessein, avant même que la stratégie générale de politique énergétique soit établie. Nous ne partageons pas cette conception de l'élaboration de la loi, mais elle est sans doute fidèle à la volonté du Président de la République. N'a-t-il pas décidé seul, il y a à peine plus d'un an, de relancer l'industrie nucléaire ?
Venons-en au projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui. Les besoins mondiaux en électricité vont croissant, or nous disposons dorénavant de moins de trente ans pour atteindre l'objectif de neutralité carbone que nous nous sommes fixé. Dans ce contexte, le groupe Socialistes et apparentés n'est pas antinucléaire par principe. Nous assumons même de considérer qu'il est nécessaire de faire de cette énergie décarbonée et pilotable une énergie de transition, afin d'éviter que le dérèglement climatique ne soit irréversible. Pour autant, nous ne pouvons pas raisonnablement approuver la relance que vous proposez, pour plusieurs raisons.
Premièrement, votre projet se heurtera irrémédiablement à la complexité du réel. La France n'a pas mené de programme de construction quasi simultanée de plusieurs réacteurs depuis plus de vingt ans. Ce constat est d'abord synonyme d'un véritable manque de compétences industrielles, dont Flamanville 3 est certainement le meilleur exemple. Ensuite, l'outil de production est notablement dégradé. Enfin, nous payons collectivement le prix du délitement du tissu de sous-traitance.
Tout cela, l'Autorité de sûreté nucléaire en a parfaitement conscience, raison pour laquelle elle appelle à un plan Marshall qui pourrait se révéler une chimère. L'exploitant EDF ne dit pas autre chose. La pyramide des âges entraînera le départ à la retraite de 70 000 des 220 000 travailleurs de la filière dans les années à venir. Dans le même temps, il faudra quelque 300 000 personnes pour réaliser la relance souhaitée. Il faudra donc trouver et former 150 000 ingénieurs, techniciens et ouvriers au cours des dix prochaines années, dans des secteurs parfois en très forte tension.
Deuxièmement, la relance que vous appelez de vos vœux ne tient absolument pas compte du cycle de vie du combustible, qui constitue pourtant d'ores et déjà un enjeu majeur. Au cours de l'examen du texte, nous proposerons l'élaboration d'une loi de programmation quinquennale entièrement dédiée à cet aspect, ainsi que la remise d'un rapport qui détermine les moyens nécessaires pour garantir la réussite de chaque étape, de l'extraction au stockage définitif, en passant par le recyclage et le retraitement.
Enfin, votre volonté de fusion-absorption de l'IRSN par l'ASN est à la fois grave et préoccupante. Sur la forme, on ne peut prévoir une réorganisation de cette ampleur par voie d'amendement, sans aucune étude d'impact et à rebours des conclusions de la Cour des comptes. Sur le fond, ce que vous considérez comme une fluidification est incompatible avec la possibilité de maintenir une indépendance entre la fonction de régulateur, qui est celle de l'ASN, et la mission d'expertise de l'IRSN, ce qui fait pourtant la force de notre modèle de sûreté.
En tout état de cause, il serait aventureux d'envoyer un tel signal à l'orée d'une prolongation du parc existant et d'une éventuelle relance. En matière de sûreté nucléaire, la France est considérée, à juste titre, comme une référence à travers le monde : notre organisation y participe grandement. Nous veillerons fermement à ce qu'il en aille toujours ainsi car nous ne voulons pas d'un nucléaire low cost. La relance souhaitée par le Président de la République, aussi discutable soit-elle – et nous en discuterons lors de la loi de programmation –, ne doit en aucun cas servir de prétexte au nivellement par le bas de nos normes de sécurité.
Ce projet de loi, comme la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, pose la question bien plus vaste des orientations énergétiques que la représentation nationale souhaite donner à la France pour les prochaines années. En outre, à l'heure où les factures énergétiques des Français s'envolent, nous veillerons légitimement, tout au long de l'examen du texte, à préserver leurs intérêts. Dès lors, notre position dépendra de l'évolution des débats et du sort qui sera réservé à nos amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes constitue l'un des principaux piliers de l'évolution de la stratégie énergétique française. En effet, notre pays veut devenir la première grande nation à sortir des énergies fossiles. Sa stratégie repose d'abord sur un important effort de sobriété énergétique.
Le plan conduit depuis cet automne, visant à réduire de 10 % notre consommation énergétique en deux ans et de 40 % d'ici à 2050, en est la preuve. Au-delà de cet effort de sobriété, il nous faut surtout remplacer dès à présent les énergies fossiles, qui constituent les deux tiers de l'énergie consommée, par des énergies bas-carbone. Le nucléaire répond à ce défi de décarbonation et représente une énergie garante de notre souveraineté.
Le présent projet de loi s'inscrit dans cette démarche. Il prévoit des mesures indispensables pour réunir les conditions juridiques, financières et organisationnelles nécessaires à la relance d'une politique ambitieuse de nucléaire civil. Il programme six nouveaux EPR2, ainsi que l'étude de la construction de huit EPR2 additionnels. Au terme de son examen en commission, ce projet de loi a été enrichi par l'adoption de 172 amendements, dont les douze du groupe Horizons et apparentés. En outre, je me réjouis, madame la ministre et mesdames les rapporteures, de la fluidité de nos échanges.
Mais revenons au texte qui, pour l'essentiel, vise à simplifier les démarches administratives des projets nucléaires construits à proximité immédiate des centrales existantes ou les concernant directement. Certains travaux annexes, qui ne concernent jamais directement l'îlot nucléaire – le défrichement, le terrassement, l'installation de stations de pompage et de bâtiments de traitement des effluents –, pourront débuter en amont, permettant ainsi de gagner jusqu'à deux ans dans la construction d'un nouveau réacteur.
Grâce à des superpositions, ces démarches de simplification et d'accélération des procédures sont permises sans jamais renier le très haut niveau d'exigence que nous appliquons à la sûreté et à la sécurité de la filière nucléaire. À ce titre, la fusion annoncée de l'ASN et de l'IRSN suscite des inquiétudes compréhensibles. Le dispositif français de réglementation, de contrôle, d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est structuré autour de ces deux entités : l'IRSN, un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) placé sous la tutelle de cinq ministères ; l'ASN, une autorité administrative indépendante du gouvernement, ce qui lui garantit un plus grand niveau d'indépendance. Ce statut exclut en effet toute interrogation sur l'interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d'autres tâches que le Gouvernement doit aussi assumer, comme l'approvisionnement énergétique ou son rôle d'actionnaire principal des grands opérateurs du secteur nucléaire.
Cette indépendance a été démontrée ces dernières années, avec notamment les récentes mises à l'arrêt des réacteurs nucléaires, par précaution, dans un contexte de grave crise énergétique et de tensions inédites dans l'approvisionnement en électricité.
Les amendements que nous avons soutenus et adoptés en commission visent à renforcer les moyens de l'ASN et à intégrer en son sein les compétences techniques de l'IRSN. Ce n'est pas une simple absorption de la dernière par la première, mais une opération de fusion que je qualifierais presque de création. Ce rapprochement permettra de fluidifier le processus de décision et d'améliorer la coordination. Les expertises techniques pourront être présentées directement au collège de l'ASN, permettant ainsi des décisions scientifiquement éclairées plus rapides qu'aujourd'hui, en réduisant le temps d'appropriation par l'ASN des avis de l'IRSN.
Bien plus, le rapprochement de ces deux entités se fera dans le respect des statuts de leurs salariés, de sorte que les conditions de travail comme le niveau de rémunération soient préservés. Dans un contexte de forte tension sur les compétences dans la filière, l'attractivité des différents métiers sera renforcée à court terme, compte tenu de la nécessaire montée en puissance des effectifs de contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire. Cette logique de renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection permettra tout à la fois une simplification et une meilleure efficacité opérationnelle de l'ASN. Ce faisant, nous ne retirons aucune des prérogatives des instances de contrôle et nous prenons toutes les précautions pour que les strates de décision et d'expertise soient séparées, afin de garantir le plus haut niveau d'indépendance à chaque étape.
Le groupe Horizons et apparentés tient à saluer l'équilibre de ce texte présenté par le Gouvernement, ainsi que les objectifs et les avancées qu'il comporte, auxquels notre groupe a pris toute sa part. En complément de la loi sur les énergies renouvelables adoptée il y a quelques semaines, ce texte nous permettra de mobiliser l'ensemble des différentes sources d'énergie bas-carbone, afin d'atteindre l'objectif de neutralité carbone que nous nous sommes collectivement fixé et d'assurer la souveraineté énergétique de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur quelques bancs du groupe RE, et sur les bancs des commissions.
Je suis une femme, je ne suis pas ingénieure nucléaire, mais je suis une citoyenne qui s'interroge légitimement sur un sujet sciemment confisqué par des experts, avec des mots toujours rassurants : « Ne vous inquiétez pas : vous ne connaissez pas le sujet, mais tout est sous contrôle ». Vraiment ? Le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à nos frontières ; vraiment ? Si la centrale de Flamanville est un fiasco industriel et financier, c'est la faute des antinucléaires ; vraiment ? Si la moitié des réacteurs étaient à l'arrêt cet été et qu'on a dû recourir au charbon, c'est là encore la faute des antiprogressistes ? L'accumulation des déchets radioactifs, extrêmement dangereux pendant des milliers d'années, ne pose pas de problème ? Le nucléaire, c'est l'indépendance énergétique de la France ; vraiment ?
Les débâcles du nucléaire sont uniquement la faute des écologistes ; vraiment ? Ce sont les mêmes mots depuis des décennies, minimisant les risques et brimant celles et ceux qui posent des questions légitimes. Dans le pays le plus nucléarisé au monde, nous sommes pourtant en droit de nous interroger !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En plus de cinquante ans, l'industrie nucléaire n'a résolu aucun des problèmes qu'elle était censée résoudre. Dans ce contexte, est-il raisonnable de décaler l'âge de départ à la retraite de nos vieux réacteurs, alors qu'ils souffrent déjà de leur vieillissement ?
Mêmes mouvements.
Sourires.
J'en veux pour preuve la découverte de nouvelles fissures d'une ampleur inégalée sur les sites de Penly et Cattenom. Les défaillances graves s'enchaînent ; qui aurait pu les prédire ? Marcel Boiteux, PDG d'EDF jusqu'en 1979. Il expliquait que la longévité des réacteurs a été calculée pour 12 000 cycles thermiques, soit un peu plus de trente ans. La corrosion sous contrainte n'est donc pas le résultat d'un mauvais sort, mais la suite logique du vieillissement des centrales.
M. Jordan Guitton s'exclame.
Et nous voudrions parier sur leur prolongation, sans attendre la validation de l'ASN ? Nous ne sommes plus en 1979, mais en 2023. Est-il vraiment responsable de proposer une relance du nucléaire sans prendre en considération la réalité du changement climatique ? Quand on prévoit de construire de nouveaux réacteurs, n'est-il pas de notre devoir d'étudier le contexte dans lequel ils devront évoluer ? S'ils arrivent à voir le jour, ce ne sera pas avant quinze ou vingt ans. Pourtant le climat s'emballe déjà, avec de plus en plus de sécheresses ! Comment continuer à prélever plus de 26 milliards de mètres cubes d'eau par an sans affecter ni l'agriculture ni notre consommation d'eau potable ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le « glacier de l'apocalypse » fond et fait monter le niveau des mers. Ce n'est pas de la science-fiction ; c'est la réalité !
M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame.
Quid des centrales prévues en zones submersibles ? En commission, vous avez balayé tous nos amendements à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est un acte grave et irresponsable ! Il est d'autant plus grave que vous le justifiez en invoquant l'urgence climatique. Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Tous les scientifiques le martèlent : nous avons sept ans pour agir, alors que les éventuels nouveaux réacteurs ne verront pas le jour avant 2037, au plus tôt. Vous masquez votre inaction climatique derrière une solution prétendument magique, qui n'est qu'un mirage ! On ne sait même pas comment la financer : par des hausses d'impôt, des hausses des tarifs, en piochant dans l'épargne des Français ?
Aucune banque ne veut nous prêter de l'argent pour une technologie aussi hasardeuse !
Je rappelle tout cela, car le texte dont nous allons débattre a profondément changé de nature et aura de graves répercussions. Dans ce texte, selon ce que vous disiez, madame la ministre, il n'était pas question de la place d'un nouveau programme nucléaire. C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit ! Vous choisissez de saboter l'objectif de réduction du nucléaire pour mieux relancer ce dernier ,
M. Jean-Luc Fugit s'exclame
et ce, sans attendre les conclusions des concertations ni apporter au Parlement des éléments sur la future loi de programmation sur l'énergie et le climat, qui doit être publiée d'ici à juillet 2023. Comme si ce mépris pour le processus démocratique ne vous suffisait pas, vous comptez maintenant mettre à terre notre modèle de sûreté, pour que rien n'entrave votre mégalomanie atomique.
Que l'on soit pour ou contre l'énergie nucléaire, notre intérêt est le même : nous devons nous préserver le plus possible d'un accident. Pourtant, en deux amendements, vous actez à la hussarde le démantèlement de l'IRSN. Ce choix de ruiner dans la précipitation un système dual robuste, construit pendant des décennies, est particulièrement irresponsable et dangereux !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes inquiets de la nouvelle teneur de ce texte et atterrés par votre volonté de passer en force et d'imposer le fait accompli. Les décisions relatives à l'avenir du nucléaire seront lourdes de conséquences et engagent les générations futures : elles doivent donc être arbitrées de manière démocratique et ne peuvent plus être concentrées entre les mains de quelques personnes ! Qu'ils soient des hommes ou des femmes, ingénieurs nucléaires ou non, laissez les citoyens conscients, informés et éclairés, décider de leur avenir ! Saisissez-vous de notre proposition de résolution et organisez une convention citoyenne sur la relance du nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
L'énergie est un bien commun de première nécessité. Nous en avons besoin pour vivre, pour nous déplacer, pour faire fonctionner le pays. Par conséquent, les questions liées à l'approvisionnement et au coût pour les usagers – dont 8 millions de précaires énergétiques – et pour l'économie réelle sont primordiales et essentielles, ce sont même des questions de souveraineté.
Dans le même temps, personne ne peut ignorer l'urgence climatique qui bouscule non seulement les équilibres vitaux de la planète, mais aussi nos modes de vie. La lutte contre le réchauffement climatique, la réduction des gaz à effet de serre, l'électrification des usages pour sortir des énergies fossiles, sont d'une urgence telle qu'elles impliquent d'établir enfin une véritable stratégie nationale de l'énergie.
Du point de vue du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES – notamment de sa composante communiste qui, avec le ministre Marcel Paul, a bâti le fleuron industriel EDG-GDF dans le sang, les larmes et l'espérance de la Libération –, cela implique de sortir l'énergie de la logique de marché, du dogme de la libéralisation construit à l'échelle européenne par des renoncements successifs à la souveraineté industrielle.
Je l'ai dit en commission : aucun des gouvernements qui se sont succédé ne peut s'exonérer de sa responsabilité en ce domaine. Nicolas Sarkozy a privatisé EDF et siphonné son modèle de financement avec la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite Nome – le gouvernement Jospin n'est pas pour rien dans les règles que ce texte applique et transpose. L'Arenh – l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique – issu de la loi Nome favorise d'une manière éhontée des concurrents prédateurs. François Hollande, enfermé dans un troc politicien intenable, a été incapable de construire un mix énergétique équilibré. Emmanuel Macron a fermé la centrale de Fessenheim avant de consacrer l'abandon d'Astrid – réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle – au point d'être contraint de rouvrir les centrales thermiques qu'il avait lui-même fermées. Aucun n'est susceptible de donner la moindre leçon.
L'absence d'un État stratège et planificateur pèse lourd dans la situation actuelle, qui est préoccupante. Les énergies renouvelables se sont développées d'une manière anarchique, au gré du marché, sans structuration de filières industrielles françaises, au détriment des territoires – s'agissant de l'éolien terrestre – et des pêcheurs – s'agissant de l'éolien en mer. La politique de stop and go a affaibli nos savoir-faire : le fiasco de Flamanville et les difficultés à faire face efficacement aux corrosions sous contrainte en sont les plus récentes illustrations.
La crise énergétique et l'explosion des prix, qui fragilisent les artisans, comme nos boulangers, mais aussi les petites et moyennes entreprises et industries, auraient dû vous conduire à remettre les choses à l'endroit, après le virage à 180 degrés opéré à Belfort : rompre l'allégeance à Bruxelles et la soumission à l'Allemagne, afin de déconnecter le prix du gaz de la construction du prix de l'énergie ; réaffirmer la force de la puissance publique par une vraie nationalisation des outils de production, en même temps que le rétablissement dans l'urgence d'un véritable bouclier tarifaire avec des tarifs réglementés ; organiser un véritable débat démocratique autour d'un mix énergétique décarboné, équilibré, consenti parce qu'intelligent, comme les communistes l'ont défendu lors des dernières campagnes électorales – de Fabien Roussel à Fabien Gay en passant par moi-même ; se doter des outils pour atteindre ces objectifs en réalisant un plan de rénovation thermique, en développant les énergies renouvelables dans le respect des territoires et en relançant une filière nucléaire avec un haut niveau de recherche et de sûreté.
En inversant le calendrier, vous enfoncez un coin dans cette logique. En entachant votre politique énergétique d'une malformation congénitale, le projet de loi relatif aux énergies renouvelables a laissé la part belle au marché. Deux points nous semblent problématiques : ce texte est débattu alors que la programmation pluriannuelle de l'énergie n'est pas réexaminée ; vous remettez en cause l'originalité du modèle français en matière de sûreté et de sécurité, avec la fusion brutale de l'IRSN et de l'ASN.
Le député de Penly vous le dit : notre rapport de confiance avec le nucléaire n'est pas béat ou naïf. Il est exigeant, porteur d'un haut niveau de revendications sociales et environnementales, celles-là mêmes qui sont remises en cause par votre projet de fusion.
Le député de Penly vous le dit : notre rapport de confiance avec EDF justifie notre attachement au statut des électriciens-gaziers, en première ligne contre la réforme des retraites, afin de renforcer l'attractivité des métiers de l'énergie.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Notre rapport de confiance impose de mieux encadrer la sous-traitance, de mieux anticiper les problèmes posés par un chantier EPR en matière de formation, de santé, d'aménagement du territoire – je pense aux problèmes de foncier propres aux projets d'intérêt national.
Notre rapport de confiance conduit à la nécessaire réaffirmation du rôle d'un État stratège, planificateur, garant d'une énergie sûre, décarbonée, à bas coût, sous maîtrise publique – nos amendements visent cet objectif. Voilà l'état d'esprit qui animera le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES durant les débats.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
En toile de fond, la question qui n'est pas posée, mais à laquelle il faut répondre pour les semaines, mois et années qui viennent, est : quelle est la politique énergétique espérée, souhaitée, préparée par la France ?
Comme nous l'avons fait lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, nous examinons ce texte sans avoir fixé de cadre. À ce titre, la motion de rejet préalable, défendue par Mme Battistel, a au moins le mérite de souligner à quel point nous sommes en désaccord avec la méthode que vous avez choisie, laquelle nous interroge. Finalement, l'objectif que fixe le Gouvernement se résume à ces mots : « faire […] de la France, le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles ». Il faut donc chercher à atteindre cet objectif, en espérant que chacun trouve sa place.
Nous sommes aujourd'hui amenés à parler du nucléaire et de l'accélération des procédures, après que nous avons eu à examiner et à traiter la question des énergies renouvelables. Certains auront le loisir de répéter que nous avons mis la charrue avant les bœufs : nous n'avons toujours pas compris pourquoi vous avez choisi ce calendrier, à moins que vous ne craigniez de ne pas disposer de voix suffisantes pour voter ce texte. Nous tenons ardemment à la loi de programmation sur l'énergie et le climat et nous serons attentifs au respect scrupuleux du calendrier que vous avez annoncé à plusieurs reprises, madame la ministre, en commission et dans l'hémicycle.
Dans son discours prononcé à Belfort, nous avons acté du changement de pied du Président de la République. Nous n'entrerons pas dans des débats stériles pour savoir si ce changement de pied est utile – ceux qui critiquent les changements de pied ont parfois tendance à oublier qu'il y a quelque temps, ils ou elles ont également changé d'avis.
En fait, notre position sur la question complexe de l'énergie nucléaire a fluctué presque en même temps et dans le même sens que celle de l'opinion publique. Lorsque nous sommes confrontés à des accidents nucléaires, la question de la sécurité devient évidemment prioritaire et l'opinion publique se demande si nous sommes capables de freiner la production de cette dangereuse énergie. En revanche, lorsque les choses vont bien et que l'énergie nucléaire peut répondre à certains de nos besoins, l'opinion publique y est très favorable.
Les uns et les autres, vous avez choisi de citer le chiffre selon lequel 75 % des Français sont favorables à la production d'énergie nucléaire en France. Très bien. J'espère que le Gouvernement fera toujours preuve de cohérence, en prenant en considération l'opinion publique avant de faire des choix et de prendre des mesures stratégiques. En effet, vous oubliez généralement de citer le chiffre qui atteste de l'opposition nette de l'opinion publique à la réforme des retraites.
Revenons donc à ce texte qui passe par le petit chas de l'aiguille. En effet, il ne nous amène pas à nous interroger sur la politique énergétique, mais vise uniquement à traiter la question initiale de l'accélération des procédures. Du reste, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires a suivi attentivement le parcours du texte initial déposé par le Gouvernement, qu'il a accompagné. Mais – car il y a un mais – le travail réalisé par le Sénat, qui a insidieusement introduit des mesures programmatiques, nous conduit à nous interroger. En effet, étant donné qu'une loi de programmation sur l'énergie et le climat devrait être prochainement déposée, de telles dispositions n'ont pas leur place dans ce texte.
Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.
Or vous avez choisi de faire votre marché et de conserver les mesures qui vous intéressaient, en l'occurrence, la doctrine, rappelée tout à l'heure par Mme la ministre : « ni plancher, ni plafond ». Nous ne comprenons pas pourquoi nous n'attendons pas quelques mois, afin de revenir, dans le cadre de l'examen de la loi de programmation, sur les objectifs fixés lors des précédents quinquennats.
Enfin, je veux revenir sur les questions de sûreté. Je le dis d'autant plus tranquillement que je fais partie des élus considérés comme pronucléaires : ceux qui veulent accélérer les procédures doivent savoir à quel point cette accélération peut susciter une crainte s'agissant de la sûreté. En effet, la fusion de l'IRSN et de l'ASN envoie un contre-message à celles et ceux qui soutiennent la filière nucléaire.
M. Hubert Wulfranc applaudit.
Comme d'autres députés, nous soutiendrons des amendements de suppression de cette mesure. Par ailleurs, nous défendrons le principe de non-régression en matière de sûreté nucléaire. En effet, nous voulons accélérer les procédures en faisant preuve de cohérence, sans envoyer de contre-message à celles et à ceux qui, légitimement, s'inquiètent de savoir si cette accélération ne se ferait pas au détriment de notre santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
Cela fait des années que la filière nucléaire est en proie au doute et attend des pouvoirs publics qu'ils construisent un chemin nouveau pour développer et restaurer la confiance de toute une filière composée d'hommes et de femmes, techniciens et ingénieurs, à qui je veux témoigner de notre soutien et de notre confiance.
Nous sommes ici pour examiner un texte important qui permettra d'accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles centrales. La filière nucléaire est une filière d'excellence qui, depuis de nombreuses années, a connu la défiance politique, a été déconsidérée, provoquant ainsi un déficit d'image, de recrutements, de montée en compétence et de transmission des savoirs. Ces atermoiements nous coûteront cher car, depuis la fin des années 1990 et jusqu'en 2007, aucune centrale n'a été construite. Départs à la retraite ou vers d'autres filières : le savoir-faire se perd.
Alors que la filière est affaiblie, débutera la construction de l'EPR 3 de Flamanville, tête de série, qui, à force de retards, ne sera achevé définitivement qu'au début de l'année 2024. Nous devons donc y remédier.
Dans son discours de Belfort, le Président de la République a réaffirmé l'ambition de « faire […] de la France, le premier grand pays à sortir des énergies fossiles », grâce à la construction de six nouveaux réacteurs. Le nucléaire, énergie décarbonée, est un atout pour la France. Nous avons été nombreux à saluer l'engagement politique très fort d'Emmanuel Macron en faveur d'une filière modernisée, qui contribue à l'émergence et à l'image des savoir-faire français.
Le nucléaire est la première source de production et de consommation d'électricité. Le parc français est le plus puissant au monde. Après celui des États-Unis, il est aussi un modèle reconnu en matière de sûreté et de sécurité. Alors que la guerre en Ukraine a provoqué la flambée des prix du mégawattheure et mis l'Europe sous tension, EDF n'a jamais aussi peu produit qu'en 2022, du fait des arrêts pour maintenance et, plus récemment, de problèmes de corrosion sous contrainte. Près de la moitié des cinquante-six réacteurs ont été immobilisés au moment où nous avions tant besoin de produire de l'électricité. Rappelons que, grâce à l'énergie nucléaire, la France a longtemps disposé d'une électricité dont le prix était l'un des moins élevés et, qui plus est, décarbonée.
La relance de notre filière nucléaire est indispensable pour garantir notre souveraineté énergétique. C'est pourquoi nous devons d'abord moderniser le parc français, afin de permettre l'électrification des usages et décarboner notre mix énergétique. Aujourd'hui, la construction d'une centrale est soumise à de nombreuses formalités. Nous devons accélérer la construction de nouvelles centrales, en simplifiant certaines procédures tout en garantissant la sûreté et la sécurité des installations et en ne modifiant pas les procédures relatives à la délivrance des autorisations nécessaires.
Il s'agit d'anticiper le démarrage des travaux qui ne revêtent aucun caractère sensible ; de créer des procédures spécifiques permettant de qualifier par décret les projets de réacteurs nucléaires de projets d'intérêt général ; de mettre en compatibilité les documents d'urbanisme avec le projet ; de dispenser des projets de construction de permis de construire ; de sécuriser juridiquement le développement de réacteurs en bord de mer, en inscrivant dans le droit une dérogation à la loi « littoral », pour les installations nucléaires de base ; enfin, de supprimer les dispositions du code de l'environnement qui prévoient qu'un réacteur est réputé fermé dès lors qu'il a cessé de fonctionner pendant plus de deux ans.
Après le travail des sénateurs en première lecture, des modifications ont été apportées en commission des affaires économiques, notamment celles qui visent, à la demande du Gouvernement, à introduire des dispositions législatives tendant à fusionner l'ASN et l'IRSN. La commission a également supprimé la disposition qui prévoit que les collectivités font parvenir leurs observations au préfet sur la mise en compatibilité.
Ce texte doit nous permettre de ne plus faire fi des enjeux climatiques ni de ceux relatifs à l'indépendance énergétique ou de la nécessité de reconstruire notre souveraineté. Je sais les désaccords qui peuvent nous opposer, je les respecte. Néanmoins, ce débat mérite que nous discutions du fond, en faisant preuve d'exigence, et il ne saurait faire l'objet d'approximations. Il convient de ne pas convoquer les peurs comme cela a pu être parfois le cas en commission.
Le Président de la République a indiqué que, dans le cadre du plan France 2030, 1 milliard d'euros sera alloué à la filière pour construire des mini-réacteurs. Madame la ministre, je salue votre écoute et votre engagement, afin de trouver les voies qui permettront d'écrire la nouvelle page de la filière, faite de confiance et qui satisfera, dans nos territoires, l'exigence de sécurité, de sûreté et de transparence des installations que nous devons à l'ensemble de nos concitoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le groupe Rassemblement national ne cachera pas sa satisfaction de constater sa totale victoire idéologique s'agissant de la relance de la filière nucléaire.
Murmures sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pendant des années, cette assemblée, à l'exception notable des communistes et des Républicains, a été soumise au pire obscurantisme possible, préférant, de son propre aveu, la sorcellerie à l'ingénierie nucléaire.
Enfin, une majorité de forces politiques reviennent dans le camp de la raison. Bienvenue à vous !
Je ne reviendrai pas sur l'état déplorable de notre filière nucléaire, résultat de trente ans de dérives et d'erreurs de gouvernements successifs, en particulier depuis qu'Emmanuel Macron est entré en politique. Les Français ont tout vu, ils en tireront les conséquences lors de leurs futurs choix électoraux. Nous choisissons d'aller de l'avant et de soutenir toutes les mesures qui évitent le pire, animés, comme toujours, par le seul intérêt national.
Néanmoins je ne bouderai pas mon plaisir d'entendre Mme la rapporteure Maud Bregeon, dont je salue la qualité du travail réalisé avec le président Kasbarian, affirmer que la relance du nucléaire, que nous devons réaliser pour réindustrialiser la France, améliorer le niveau de vie des Français et réussir la transition énergétique, doit s'apparenter à un nouveau plan Messmer.
Pendant la campagne présidentielle, la Macronie n'avait pas de mots assez durs quand nous annoncions un vrai plan Messmer 2, que nous avions dénommé Marie Curie,…
… en hommage à la plus grande scientifique que notre pays a eu l'honneur de compter. Car en renouant avec la filière nucléaire, la France renoue avec son destin de puissance scientifique, humaniste et prométhéenne.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous avouez ne plus vouloir persévérer dans l'erreur. Reste à savoir s'il s'agit encore de belles paroles car, pour le moment, vos actes restent bien faibles et, parfois, contradictoires. La fin du mensonge d'État des 50 % de production nucléaire dans notre mix électrique est un premier pas. Néanmoins, le choix de ne lancer que six, puis huit réacteurs d'ici à 2050, ne permet ni de produire assez d'électricité ni de rebâtir une filière industrielle forte et durable. Une fois encore, ce gouvernement fait malheureusement les choses à l'envers.
Dans un véritable plan de filière, le droit, les moyens techniques, les ressources humaines doivent tous être mis au service d'objectifs industriels précis et définis en amont. Or, nous discutons de nouveau d'un texte dont les objectifs n'ont pas été fixés car nous subissons les contraintes et la tutelle d'une programmation pluriannuelle de l'énergie, qui prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs nucléaires.
Vos perspectives de consommation pour 2050 sont irréalistes, avec des ambitions de sobriété irrationnelles qui ne se traduiront qu'en pénuries pour les Français. Vous n'ambitionnez pas d'augmenter la part de l'industrie dans le PIB pour 2050 de plus d'un à deux points. Or les importations industrielles représentent 50 % de l'empreinte carbone de la France. Sans relocalisation, la France ne sera pas prospère et ne respectera pas les engagements de l'accord de Paris auquel vous tenez tant. Seul le Rassemblement national prend et propose des mesures pour relocaliser au moins dix points d'industrie dans notre PIB.
En fait, vous restez prisonniers des dogmes qui nous ont conduits à la catastrophe.
Ainsi, vous continuez à faire du rapport de RTE votre bible alors que la Première ministre a reconnu sous serment que les auteurs de ces rapports s'étaient trompés sur toute la ligne pendant vingt ans.
Vous continuez de croire qu'il ne faut pas opposer nucléaire et renouvelable, alors que la complémentarité entre le nucléaire, l'hydraulique, les Step et l'hydrogène est évidente – c'est même le pilier de notre plan Marie Curie.
En revanche, nous contestons le développement massif des énergies intermittentes ; elles sont tellement contraires au bon fonctionnement du couple nucléaire-hydraulique que vous devez changer la priorité d'accès au réseau et moduler nos réacteurs, de sorte que vous vous retrouvez sans autre ressource que le charbon et le gaz quand il n'y a ni vent ni soleil. J'attends toujours de savoir quelle solution technique vous proposez pour atteindre la neutralité carbone dans une telle situation…
Je vous demande donc de prendre enfin en considération nos propositions.
S'il faut lancer le programme EPR2, il ne faut aucun creux nucléaire. Nous maintenons qu'il faut lancer dès maintenant des EPR en se fondant sur les retours d'expérience acquis sur les chantiers britanniques actuels. Il faut relancer immédiatement le programme Astrid et ses projets satellites pour rendre opérationnel un réacteur commercial de génération 4 en 2040.
Vous devez accepter de rouvrir le dossier de Fessenheim. Abandonnez cette fierté mal placée ! Nous savons que vous avez commis une erreur. La France ne peut se permettre de sacrifier cet outil industriel qui peut être relancé pour 60 à 80 ans et démontrer la faisabilité pour l'ensemble de notre parc.
Acceptez notre proposition de lancer massivement la cogénération nucléaire, une solution qui permettra de réindustrialiser la France avec une chaleur urbaine peu chère. Il est ahurissant que nos amendements sur ce sujet aient été rejetés. Enfin, il faut relancer en urgence les Step et l'optimisation de nos barrages.
Cette majorité est celle qui a mis notre filière nucléaire dans la pire impasse possible. L'occasion historique d'en sortir vous est offerte. La France ne peut se permettre de la gâcher. S'il vous plaît, ne la gâchez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
De Gaulle est mort ; c'était au XX
Un passage en force qui s'inscrit dans un calendrier abscons. Qu'on en juge. En janvier, le Parlement adoptait une loi sur les énergies renouvelables, qui les freine plus qu'elle ne les encourage. Quant au projet de loi que nous examinons, il prévoit la construction de 14 réacteurs, mais cette relance du nucléaire passerait par le développement de technologies telles que l'EPR2, dont l'ingénierie n'est toujours pas aboutie, ou le SMR, qui est encore à l'état de prototype, et s'accompagnerait de la prolongation des centrales existantes de 10, 20 ou 30 ans.
En même temps s'est tenu un débat public sur la construction de nouveaux réacteurs à Penly, débat qu'il est impossible d'achever sereinement puisqu'entretemps, le monarque a acté la relance de l'atome lors d'un conseil de politique nucléaire à sa main pendant que le Sénat détricotait l'actuelle PPE en préemptant les débats à venir sur la prochaine loi de programmation sur l'énergie et le climat, mais après une concertation sur le mix énergétique confidentielle, un alibi dont les conclusions ont été rendues… la semaine dernière !
Ce texte impose d'abord un coup de force réglementaire, avec un seul objectif : permettre au Président de couper le ruban du chantier d'une centrale avant la fin de son mandat. Recentralisation des procédures d'urbanisme, contournement des procédures environnementales et de participation du public : autant de mesures dérogatoires dont on attend un gain de temps que le Conseil d'État estime impossible à évaluer avec certitude.
Pire, le texte impose un passage en force sur la sûreté nucléaire au détour d'un amendement gouvernemental qui contient un projet de démantèlement de l'IRSN, amendement qui n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact. Il est pourtant essentiel de maintenir notre système dual, qui sépare recherche et expertise, d'une part, contrôle et décision, d'autre part.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes particulièrement inquiets d'un potentiel changement de doctrine dans l'appréciation du risque.
Il faut rappeler que le nucléaire repose sur un certain nombre de mythes, et son éventuelle relance sur des paris risqués.
Il y a d'abord le mythe de la souveraineté. De fait, l'uranium ne pousse pas dans nos jardins : il nous vient de pays comme le Niger, le Kazakhstan ou la Russie.
Il y a ensuite le mythe d'une énergie peu chère. Flamanville 3, qui n'est toujours pas en service, est un véritable gouffre financier : son budget a déjà été multiplié par six ! Le coût des mesures contenues dans le projet de loi est, quant à lui, estimé à 250 milliards d'euros, mais qui peut dire quel sera le montant de cette facture au bout du compte, et qui la paiera ?
Selon un autre mythe, la technologie nucléaire serait parfaitement maîtrisée. Personne n'a pourtant vu venir les problèmes de corrosion sous contrainte, si bien que vingt-six réacteurs ont dû être arrêtés cet hiver, nous exposant à un risque de blackout. Pire, les fissures profondes découvertes à Penly et ailleurs ces derniers jours conduisent EDF à vérifier en urgence plus de deux cents soudures. Qui peut affirmer que les nouveaux réacteurs ne connaîtront pas les mêmes problèmes ?
Que dire par ailleurs du mythe d'une énergie propre ? Les centrales déversent quotidiennement des éléments radioactifs dans nos cours d'eau
Exclamations sur les bancs du groupe RN
et les tâches de maintenance exposent nécessairement les agents aux rayonnements. Comment expliquer, d'ailleurs, que les sous-traitants reçoivent 80 % des doses annuelles radioactives ?
L'adjectif « propre » ne sied pas davantage à une industrie qui produit chaque année des milliers de tonnes de déchets radioactifs, pour le traitement desquels il n'existe toujours aucune solution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que nos capacités d'entreposage sont déjà arrivées à leur limite, que ferons-nous de milliers de tonnes de déchets supplémentaires ?
Enfin, il y a toujours le risque d'accident, que nous devrions tous avoir à l'esprit au moment où nous commémorons la catastrophe de Fukushima. Combien de pilules d'iode devrons-nous encore distribuer dans le périmètre des centrales ? Le risque d'accident nucléaire est évidemment décuplé dans un monde en guerre, comme nous le rappelle en ce moment même la situation de la centrale de Zaporijjia en Ukraine, située non loin de celle de Tchernobyl, dont le cœur brûle depuis trente-sept ans !
Qu'on entende ou non ces arguments, il faut admettre que la relance de l'industrie nucléaire ne résoudra ni le problème de nos besoins énergétiques à moyen terme ni celui de l'indispensable lutte contre le réchauffement climatique. Alors que le Giec nous donne trois ans pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il faudra attendre quinze années, au bas mot, avant que le premier nouveau réacteur produise son premier kilowattheure.
Par ailleurs, le pompage par les centrales nucléaires représente déjà le deuxième poste de consommation en eau de notre pays. Qu'en sera-t-il dans le cas d'une augmentation des températures de quatre degrés ?
On le voit, la relance de l'atome est clairement climato-schizophrène !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans son sixième rapport, le Giec insiste sur la nécessité de disposer d'options financièrement accessibles et rapides à déployer, ce dont le nucléaire est incapable. Un scénario « 100 % renouvelables » n'est pas une utopie : c'est une nécessité, à condition d'avoir le courage d'organiser un grand débat sur la sobriété.
Nous refusons de donner un blanc-seing au délire jupitérien, approuvé dans une grande communion par la minorité présidentielle, la droite et le Rassemblement national. Nous affirmons au contraire qu'il est urgent de planifier démocratiquement une sortie raisonnée et maîtrisée du nucléaire, pensée avec les salariés.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, l'Assemblée nationale va se prononcer sur un texte visant à relancer le nucléaire ! Enfin, la France va reprendre le fil de l'histoire écrite par le général de Gaulle qui, dès la Libération, a voulu doter le pays des moyens de son indépendance énergétique.
Longtemps, le nucléaire a fait, dans notre pays, l'objet d'un consensus national, grâce au général de Gaulle…
…mais aussi à Frédéric Joliot, prix Nobel de chimie, premier haut-commissaire à l'énergie atomique – et prix Lénine, aurais-je pu ajouter. La France avait raté les deux premières révolutions industrielles faute d'énergies fossiles – charbon ou gaz – en quantité suffisante ; le nucléaire nous a offert une énergie abondante, propre et bon marché.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Puis intervient la rupture avec cette ambition nucléaire. En 2012, le président François Hollande a sacrifié ce consensus…
…en décidant d'abaisser à 50 % la part du nucléaire dans notre production d'électricité. Pourquoi 50 % ? Il ne s'agit sans doute pas d'autre chose que d'une poire électorale coupée en deux sur un coin de table avec les Verts.
Mais c'est bien sous la présidence d'Emmanuel Macron que les décisions les plus fatales à la filière nucléaire ont été prises : la décision de fermer quatorze réacteurs est prise en novembre 2018, alors que Jean-Martin Folz avait remis, trois mois plus tôt, à Nicolas Hulot et à Bruno Le Maire un rapport invitant le Gouvernement à décider urgemment la construction de six nouveaux EPR ; le projet Astrid, le réacteur de quatrième génération, est abandonné ; la branche énergie d'Alstom est vendue à l'américain General Electric, et la centrale de Fessenheim est définitivement fermée en juin 2020.
Quelle étrange défaite : nous renonçons au nucléaire et nous démobilisons toute la filière.
Et puis, un beau jour de février 2022, à deux mois de l'élection présidentielle, le président Macron réalise un des plus spectaculaires tête-à-queue de notre histoire politique : il n'est plus question de fermer quatorze réacteurs mais d'en construire quatorze ! Quel cirque ! Si le groupe Les Républicains est évidemment favorable à ce revirement de l'histoire, au nom de la souveraineté énergétique de la France, de la compétitivité de notre économie et au nom du climat, vous comprendrez, madame la ministre, que nous sommes peu enclins à faire une confiance aveugle à ceux qui se sont le plus trompés.
Je citerai cinq principaux points de vigilance.
Premièrement, votre méthode relève, comme toujours, d'une politique de gribouille. Vous nous proposez un texte qui traite d'urbanisme, des permis de construire, sans rien nous dire des besoins de production nécessaires à notre pays dans les trente à quarante prochaines années. Pourtant, on a tellement tordu le bras à RTE dans le passé pour lui faire dire ce que l'on avait envie d'entendre qu'on aurait dû commencer par une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie.
Deuxièmement, nous devons y voir clair sur les choix technologiques. L'EPR de Flamanville, dont, à droite, nous assumons et revendiquons fièrement la paternité, est un prototype. Force est de constater qu'il ne fonctionne pas encore. On évoque un EPR2, inspiré du modèle de Taishan, mais on nous dit qu'il faudra sans doute attendre un EPR3 pour disposer d'une version industrielle. Quelles solutions allez-vous retenir ?
Sur cette question, nous demandons un rapport au Gouvernement pour éclairer la représentation nationale. Je crois, en outre, que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques devrait être régulièrement associé aux choix qui seront faits.
Troisièmement, il en va de même pour les SMR. Oui, la France possède ce savoir-faire, que nous exploitons pour notre porte-avions et nos sous-marins. Oui, il y a une compétition mondiale pour développer ces technologies. Mais quels sont précisément vos objectifs en la matière ? L'exportation ? L'alimentation électrique de sites industriels spécifiques ? La production d'hydrogène ? Nous n'en savons rien.
Quatrièmement, se pose la question essentielle de la quatrième génération, celle des réacteurs à neutrons rapides, qui ont le tort de priver les antinucléaires de leur principal argument puisqu'ils utilisent les déchets nucléaires comme combustibles.
L'arrêt de Superphénix a été la première trahison ; celui d'Astrid, la seconde. Résoudre à la fois la question du combustible et des déchets est un enjeu formidable. La quatrième génération est celle du nucléaire durable.
Enfin, il y a enfin la question du financement du futur nucléaire. Il y va de l'avenir d'EDF, du tarif de l'Arenh et du dispositif qui lui succédera. Il faut avoir, à l'égard du Gouvernement, la docilité du président de la commission des affaires économiques pour considérer que des amendements sur l'Arenh sont hors sujet.
Vous me taquinez, monsieur le président. Je vous répondrai tout à l'heure !
Il y va également de la taxonomie : l'exclusion du nucléaire de la liste des énergies utiles à la décarbonation de l'industrie européenne est inacceptable pour la France et doit être refusée par le Président de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Encore faudrait-il, madame la ministre, que vous en soyez vous-mêmes convaincue, ce qui ne semble pas être le cas puisque le ministère de l'écologie a créé un label public, Greenfin, qui est délivré aux fonds qui investissent dans toutes les activités, sauf le nucléaire.
Nous nous méfions des nouveaux convertis. Le chemin est encore long, de l'exercice de communication au recouvrement de notre souveraineté énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Eu égard aux événements qui se déroulent depuis un an – je pense à la guerre en Ukraine et à ses conséquences sur l'ordre mondial et la vie quotidienne des Français –, notre responsabilité la plus urgente est de reprendre en main notre souveraineté, notamment notre souveraineté énergétique, garante de nos libertés, que nous devons assurer à long terme.
Lors de l'accord de Paris, l'engagement a été pris de limiter l'augmentation de la température moyenne de la planète à moins de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels. Tel est l'objectif qui doit nous réunir, quel que soit notre bord politique. Concrètement, cet engagement se traduit par une maîtrise de notre empreinte carbone à environ 2 tonnes de CO
Pour atteindre cet objectif, des efforts importants doivent être consentis. La politique des petits gestes n'est pas suffisante ; nous avons besoin d'une politique volontariste.
Le groupe Démocrate souscrit à la double exigence de sobriété et de décarbonation de nos modes de vie. La sobriété est la mère des priorités. Mais elle ne peut être acquise sans technologie et sans innovation, et elle ne saurait menacer nos libertés individuelles. Du reste, une part incompressible de nos activités nécessite une consommation d'énergie.
Notre deuxième priorité est donc de décarboner notre économie. Pour ce faire, la fin de notre dépendance aux énergies fossiles et l'électrification de nos usages sont indispensables. Il y va également de notre souveraineté économique.
Face à cette double exigence de sobriété et de décarbonation, nous devons collectivement nous donner les moyens d'atteindre nos objectifs climatiques. Or les solutions ne se comptent pas par milliers. C'est dans ce cadre que le groupe Démocrate accueille favorablement le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et au fonctionnement des installations existantes. Ce texte s'inscrit dans la continuité de l'action engagée depuis 2017 par le Gouvernement et ceux qui l'ont précédé afin de se doter de tous les outils pour remplir nos ambitions climatiques.
Je souhaite ici rappeler la ligne politique du groupe Démocrate sur le nucléaire. Nous sommes pro-climat ; nous ne sommes pas dogmatiques et nous avons bien conscience des difficultés et interrogations légitimes que soulève le nucléaire. Cependant nous sommes pragmatiques. Sur les différents scénarios proposés par RTE, ceux qui sont exclusivement composés d'énergies renouvelables présentent bien trop d'incertitudes quant à leur réel achèvement. Il est donc nécessaire d'avoir une part de nucléaire dans notre mix énergétique.
En ce qui concerne les dispositions prévues par ce projet de loi, nous nous accordons sur le fait que l'extension des sites nucléaires existants doit être facilitée au maximum : le temps industriel étant long, les délais de construction ne doivent pas être rallongés en raison de difficultés administratives. Les mesures proposées dans ce projet de loi auront des effets sur les délais de mise en service et, en conséquence, sur le coût des futurs réacteurs. Pour résumer, notre ligne directrice sur ce texte demeure l'accélération des procédures partout où cela est possible, sans jamais rogner sur nos exigences en termes de concertation et surtout de sûreté.
Sur ce dernier sujet, nous devons souligner un point essentiel. L'examen en commission du projet de loi a été marqué par l'adoption d'un amendement réunissant les compétences de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire. Notre groupe n'a pas apporté son soutien à cette mesure lors de l'examen en commission, car nous regrettions le manque de temps et de concertation et nous nous interrogions sur la pertinence de réunir les missions d'expertise et de recherche avec celles de décision au sein d'une même structure. La capacité d'écoute de Mme la ministre face à notre appel à la vigilance a permis un débat apaisé et rationnel.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi dans notre hémicycle, le groupe Démocrate propose par voie d'amendement la création d'un comité de suivi de cette réforme, composé de parlementaires, afin de veiller au respect de certains principes, parmi lesquels le maintien des compétences, la séparation des expertises et la garantie d'un dialogue et d'une bonne information de la population.
Pour conclure, ce projet de loi ne sera pas l'unique occasion de parler du développement du nucléaire en France cette année, notamment parce que la programmation pluriannuelle de l'énergie sera débattue cet été. Toutefois, il n'en demeure pas moins que ce projet de loi est un signal fort envoyé à la filière du nucléaire en France. Il témoigne en effet de notre volonté de retrouver l'outil et la culture industrielle nécessaires à la réussite de grands projets nucléaires. Afin de lancer le chantier industriel de ce siècle, il est nécessaire d'avoir un cap, une vision et une détermination clairs. Le groupe Démocrate y est engagé et notre main ne tremblera pas en votant en faveur de ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Évoquer la question du nucléaire français, c'est parler d'une vision mais aussi d'un fiasco. En cela, vous avez raison, madame la rapporteure, quand vous soutenez en commission que « ce n'est pas en se refilant la patate chaude concernant l'état de la filière qu'on fera avancer le débat ». Cependant, la commission d'enquête en cours sur la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France montre d'ores et déjà combien les politiques publiques ont manqué, en la matière, de clairvoyance, d'ambition et de courage. Personne n'a rien vu, personne ne se souvient de rien, mais tout le monde savait. Dommage pour les Français qui payent chaque jour au prix fort une errance faite d'idéologie, de pusillanimité, d'atermoiements, de compromissions et, j'ose le dire, de veulerie. Et cela dure depuis trente ans.
Faut-il égrener ici la litanie des décisions désastreuses qui ont conduit la France à la situation dans laquelle elle se trouve ? Il y a encore vingt ans, grâce au plan Messmer, EDF était le champion mondial du nucléaire, la France bénéficiait d'une électricité parmi les moins chères au monde, et, de plus, d'une énergie décarbonée. Alors que nous aurions dû actuellement engranger des superprofits, il ne nous reste que des pertes records, qui se sont élevées à 19,7 milliards d'euros en 2022.
L'arrêt en 1997 de Superphénix, sans concertation et pour des motifs plus ou moins valables, fut le premier coup porté à notre souveraineté énergétique. Non seulement l'arrêt de ce programme a coûté une fortune, mais il a mis un terme à des années de recherche et de savoir-faire dans le retraitement et l'utilisation des déchets. Il était l'avenir du nucléaire et nous l'avons bradé.
Ensuite, ce fut au tour de Nicolas Sarkozy et de Jean-Louis Borloo d'expliquer que la France n'avait pas besoin de nouvel EPR. Vinrent ensuite François Hollande et son mix énergétique, puis Nicolas Hulot pour lequel le nucléaire était « une folie » – sans parler de la fermeture de Fessenheim décidée par François Hollande et réalisée par Emmanuel Macron, ni de la mise à mort programmée du projet Astrid qui est de toute évidence un immense gâchis.
En février 2022, le Président de la République a annoncé, à grand renfort de communication, un vaste plan de relance qui implique la construction de six voire de quatorze réacteurs de dernière génération d'ici à 2050. Cette bonne nouvelle ne peut rester à l'état d'annonce. Il est urgent d'agir et, en cela, le projet de loi que nous examinons va dans le bon sens, parce qu'il témoigne de cette volonté de faciliter le développement du nucléaire.
Toutefois, je ne peux que m'interroger sur la méthode : pourquoi dissocier énergies renouvelables, nucléaire et programmation pluriannuelle de l'énergie ? Pourquoi ce saucissonnage qui nous empêche d'avoir une vision d'ensemble indispensable pour assurer notre souveraineté énergétique ? Supprimer les articles programmatiques introduits par les sénateurs n'a pas de quoi nous rassurer. De même, nous devons évidemment conserver l'objectif « zéro artificialisation des sols » tout en protégeant non seulement le développement de notre énergie nucléaire, mais aussi, plus généralement, le déploiement de gigafactories d'envergure nationale capables de développer de l'hydrogène bas carbone, par exemple.
Par ailleurs, votre projet de loi reste muet sur l'impact des décisions européennes sur la dépendance énergétique de la France. Entre le marché européen de l'énergie et le mécanisme absurde de l'Arenh, nous sommes devenus les idiots utiles de l'énergie européenne. Il est urgent d'en sortir : la compétitivité de la France est en jeu. En témoignent les récents blocages de l'Union européenne, en particulier avec l'Allemagne et l'Espagne, sur l'hydrogène bas-carbone produit à partir du nucléaire qui, pour l'instant, n'est pas inclus dans la directive européenne révisée sur les énergies renouvelables.
Nous avons les capacités de nous relancer dans la course au nucléaire. Neutrons rapides, sels fondus, fusion nucléaire : ces alternatives existent pour rendre l'énergie atomique encore plus sûre. Et que dire de quelques fleurons français de pointe comme Jimmy Energy, Naarea, Transmutex, Renaissance Fusion ou Genvia à Béziers dans le domaine de l'hydrogène décarboné justement ?
Ce projet de loi peut être une seconde chance pour notre nucléaire. Jean-Bernard Lévy, aux commandes d'EDF de 2014 à 2022, déplorait : « Nous, avec la filière, nous n'avons pas embauché de gens pour construire douze centrales, nous avons embauché pour en fermer douze. » Il est plus que temps d'inverser la vapeur, si j'ose dire, en espérant naturellement qu'il ne soit pas trop tard.
M. Olivier Marleix applaudit.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je souhaite d'abord répondre à M. le président du groupe Les Républicains Olivier Marleix qui a évoqué ma prétendue « docilité » sur la question de la recevabilité des amendements.
Monsieur le président Marleix, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, vous avez souhaité refaire le débat sur l'Arenh…
Lors de l'examen en commission des affaires économiques, j'ai considéré qu'il n'y avait pas de lien direct ou indirect entre les amendements que vous défendiez et le projet de loi.
Monsieur le président Marleix, que vous contestiez ma décision relative à la recevabilité de ces amendements en commission, à la limite, ça fait partie du jeu : chaque groupe conteste régulièrement l'irrecevabilité de ses amendements. Il se trouve que vous avez déposé les mêmes amendements pour l'examen du texte en séance publique, et que la séance a jugé exactement comme moi et les a considérés comme des cavaliers législatifs.
Son analyse est exactement la même que la mienne. J'ajoute que le groupe Les Républicains défendait un amendement de M. Julien Dive sur la suppression de la CNDP, que, à titre personnel, j'avais déclaré recevable en commission, car j'estimais qu'il y avait un lien indirect avec le projet de loi. Vous avez déposé de nouveau cet amendement en vue de l'examen en séance publique, mais la séance l'a jugé irrecevable. Vous voyez, au lieu de mettre en cause mon impartialité sur la recevabilité, vous auriez pu me remercier de la mansuétude dont j'ai fait preuve en commission à l'égard des amendements du groupe Les Républicains. J'ai toujours agi avec honnêteté et indépendance sur le sujet, et je trouve un peu cavalier de votre part, monsieur le président Marleix, de remettre en cause cette dernière.
Je veux également répondre à notre collègue écologiste, Mme Laernoes, sur la question de la légitimité démocratique de ce texte. Vous avez contesté le fait que nous passions par un projet de loi pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs.
Je crois que, pour débattre de cette question, nous avons tous une part de légitimité populaire : nous avons tous abordé lors des élections législatives la question du nucléaire.
Nous avons tous exprimé des positions assez claires, certains se déclarant hostiles au nucléaire, d'autres favorables à la construction de nouvelles centrales.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je trouve curieux que des parlementaires remettent en cause l'indépendance, le pouvoir du Parlement et sa légitimité démocratique en considérant que seul un référendum permettrait de valider des choix démocratiques. Ce n'est pas le cas.
Les Français ont été consultés quatre fois en 2022. Le sujet du nucléaire a été largement débattu.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons tous ici une légitimité pour aborder ce sujet, pour défendre une position politique, l'assumer et la revendiquer, y compris sur la question du nucléaire.
Mme la rapporteure applaudit.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l'amendement n° 243 portant article additionnel avant l'article 1er A.
En préambule, je voudrais dire à M. le président de la commission des affaires économiques qu'il n'a manifestement pas écouté assez attentivement ce que j'ai dit, puisque je n'ai pas parlé de référendum mais d'une proposition de résolution que j'ai déposée pour solliciter l'organisation d'une convention citoyenne sur l'opportunité de relancer le nucléaire.
Il me semble que nous étions convenus que ce projet de loi était d'ordre procédural, or ce n'est pas le cas du texte que nous examinons.
L'amendement n° 243 prend acte du changement de nature du projet de loi. Il vise à modifier le titre de l'article 1er A, en prenant acte du fait qu'il ne s'agit plus de mesures « liées à la production d'électricité à partir d'énergie nucléaire » mais d'« objectifs programmatiques pour la relance du nucléaire ». Ce dernier intitulé me semble en effet plus fidèle à ce que vous avez fait du texte, même si cette évolution ne correspond pas à notre volonté. Pour ne pas avoir le nucléaire honteux, monsieur le président de la commission des affaires économiques, il vaut mieux nommer un chat un chat.
Avis défavorable. On ne va pas débattre pendant des heures sur le titre de l'article 1er A. Je propose que nous discutions du fond de cet article en examinant les amendements suivants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Avis défavorable.
Je rappelle que la convention que vous appelez de vos vœux s'appelle le forum des jeunesses. Le débat s'est tenu du 19 au 22 janvier sous l'égide de la Commission nationale du débat public. Vous y étiez invitée comme membre de la commission des affaires économiques, mais vous n'êtes pas venue. Le débat a donc eu lieu et la CNDP a rendu ses conclusions jeudi dernier. Elles sont très intéressantes. Je vous invite à lire le rapport.
Je trouve réellement problématique que vous vous refusiez à nommer ce qui est réellement dans le texte. Vous avez d'abord invoqué un texte technique mais, en réalité, il s'agit d'un texte extrêmement politique qui acte une relance sans précédent du nucléaire alors que vous ne disposez pas réellement d'étude d'impact sur le sujet et que vous n'avez pas consulté la population.
Non, madame la ministre, ce n'est pas la même chose d'organiser un forum des jeunesses et d'organiser une convention citoyenne en bonne et due forme sur le nucléaire dont on a du mal à débattre en France, laquelle permettrait d'exposer des arguments étayés de part et d'autre. Il me semble que, pour obtenir une légitimité réelle pour un programme aussi ambitieux que celui-là, il faut commencer par déclarer ses objectifs. Je ne comprends pas votre mépris. J'ai l'impression que vous cachez le fait que ce projet de loi contient des objectifs programmatiques. Vous en auriez honte, en quelque sorte, et c'est pour cela que vous refusez de donner un titre adéquat au contenu de l'article 1er A que vous avez pourtant vous-mêmes élaboré par voie d'amendement.
L'amendement n° 243 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 2 et suivants, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er A.
La parole est à M. Alexandre Loubet.
L'énergie nucléaire garantit la souveraineté énergétique de la France en lui offrant une électricité décarbonée, compétitive, pilotable et sûre. Malheureusement, au cours de la dernière décennie, la gauche et ses héritiers macronistes ont saccagé la filière nucléaire. Par idéologie et clientélisme électoral, la gauche a ainsi décidé, arbitrairement et en dépit de toute rationalité scientifique, d'imposer une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique français.
Entendu par les membres de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, l'ancien ministre Arnaud Montebourg a reconnu que le fleuron nucléaire français et notre sécurité d'approvisionnement électrique avaient été saccagés pour des raisons politiciennes – un accord électoral conclu en 2011 entre le parti socialiste et les écologistes. Emmanuel Macron a malheureusement poursuivi cette politique antinucléaire infondée : en 2018, il a ainsi annoncé la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires d'ici à 2035, décision ayant conduit à fermer la centrale de Fessenheim, dont la production s'élevait à 1 800 mégawatts. Une décision – et, plus largement, une politique – aussi inconsciente qu'irresponsable.
Malheureusement, il aura fallu attendre que la France risque de se retrouver dans le noir, que les particuliers et les entreprises soient contraints à la sobriété, et que la relance d'une centrale à charbon soit nécessaire pour pallier le risque de pénurie, pour qu'enfin le Gouvernement décide de supprimer l'absurde plafond limitant à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique française. Que de temps perdu !
Les députés du Rassemblement national voteront évidemment en faveur de cet article, qui permet enfin de relancer le nucléaire dans notre pays. Néanmoins, ils ne manqueront pas, tout au long de l'examen du texte, de dénoncer la responsabilité du Gouvernement et de ses prédécesseurs – macronistes et socialistes – dans la crise énergétique que traverse notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Alors que la part du nucléaire dans le mix électrique est actuellement limitée à 50 % et la capacité installée à 63 gigawatts, l'article 1er A vise à supprimer ces plafonds. Ce faisant, vous faites ni plus, ni moins, qu'atomiser la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) !
Je rappelle que lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, chaque fois que nous avons voulu fixer des objectifs, on nous a expliqué que ce n'était pas le bon moment, qu'il fallait d'abord examiner le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat – son examen était annoncé pour juillet, on nous parle maintenant de l'automne : espérons que nous en discuterons bel et bien un jour. Nous proposons donc de faire les choses dans l'ordre : discutons d'abord de la LPEC, puis déclinons les objectifs qui y seront inscrits dans la PPE et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), avant de décider des moyens pour les atteindre.
D'ailleurs, avant même une loi de programmation sur l'énergie et le climat, c'est surtout d'un grand débat sur nos besoins collectifs, dans lequel on aborde notamment la question de la sobriété, que nous aurions besoin. En effet, RTE suggère une réduction de 40 % de notre consommation d'énergie finale. Or, le nucléaire en représente 20 % : en ne parcourant que la moitié du chemin, nous pourrions donc d'ores et déjà nous passer du nucléaire. Ce grand débat pourrait également être l'occasion d'aborder la question de l'efficacité. Seulement, cela nécessite des moyens, et vous vous y refusez – d'autant qu'il faudrait ensuite organiser un grand débat sur les technologies nécessaires et les scénarios à suivre pour atteindre les objectifs de production d'énergie. La CNDP s'était essayée à l'exercice, organisant un débat portant sur l'ensemble des scénarios développés par RTE. En privilégiant la relance du nucléaire, vous avez, pour votre part, décidé de n'en retenir qu'un seul – le dernier.
En commission, madame la ministre, vous nous avez dit en somme : ni plancher, ni plafond. Vous êtes, au fond, pour la croissance sans limite : je crois que vous vivez dans un monde sans fin.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Introduit dans le texte suite à l'adoption d'un amendement sénatorial, l'article 1er A vise notamment à supprimer le plafond d'énergie nucléaire dans le mix électrique, fixé à 50 %, d'ici à 2035. Alors que l'urgence climatique s'impose de plus en plus à la société, le nucléaire est le meilleur allié des énergies renouvelables pour aller vers une société décarbonée, fondée sur un mix énergétique bas-carbone robuste qui permette d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.
Les décisions prises depuis dix ans en matière de nucléaire, d'abord par les gouvernements du président Hollande, puis par ceux du président Macron, menacent l'héritage du général de Gaulle, qui voulait garantir notre souveraineté énergétique.
Depuis quelques mois, nos concitoyens comme nos entreprises – je pense notamment à celles qui consomment beaucoup d'énergie, comme les boulangeries et les artisans, mais aussi, par exemple, les PME de forge et de fonderie –, paient au prix fort ces mauvaises décisions. Si le nucléaire n'avait pas été sabordé depuis dix ans, la guerre en Ukraine ne menacerait pas des pans entiers de notre économie et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Le temps perdu ne sera jamais rattrapé, mais nous saluons votre prise de conscience – même si elle est bien tardive.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je l'ai dit en commission : j'aborde les questions énergétiques de manière pragmatique et sans affect.
Tout le monde s'accorde à dire qu'il est urgent de nous débarrasser de notre dépendance au pétrole et, plus largement, aux énergies fossiles. J'avais d'ailleurs rappelé que, faute d'une stratégie, nous avions été contraints de rouvrir des centrales thermiques que nous avions pourtant fermées. Il est urgent, aussi, d'électrifier les usages, notamment de soutenir le virage du véhicule thermique vers le véhicule électrique, même si, parfois, les conséquences sociales de cette transition ne sont pas sans m'inquiéter.
Mais, pour cela, il est impérieux de disposer d'une énergie décarbonée et, surtout, pilotable, car on a tous besoin de courant en même temps : quand on rentre du boulot le soir et le matin avant de partir, et un peu plus en hiver qu'en été – encore que la clim en nécessite aussi, même si ce n'est pas bien de la faire fonctionner. Si j'admets volontiers qu'il est nécessaire d'économiser l'énergie, et donc de développer des plans de rénovation thermique des bâtiments et des plans de mobilité, par exemple, le nucléaire n'en reste pas moins nécessaire dans le mix énergétique : il faut donc relancer sa production. Je rappelle qu'en ce début de législature, faute de pouvoir assurer une production électrique couvrant nos besoins, nous avons risqué des délestages tout l'hiver.
Telles sont les considérations qui animent la volonté du groupe communiste. Sans un mix énergétique équilibré, intelligent, consenti, public, qui garantisse une énergie à bas coût, nous ne pourrons pas assurer la sécurité de l'approvisionnement de ce bien de première nécessité qu'est l'énergie. C'est pourtant urgent.
Lorsqu'on s'engage dans une procédure technique visant à accélérer le développement du nucléaire, on ne supprime pas des objectifs programmatiques fixés démocratiquement par le Parlement après un débat, et inscrits dans une loi de programmation. C'est pourtant l'objet de l'article 1er A, qui, non content d'inverser le calendrier, prévoit la suppression des objectifs inscrits dans une loi dont ils étaient l'unique raison d'être. Cet article change donc la nature du texte.
Il est beaucoup question de l'accord ayant abouti à la diminution à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix électrique. Je tiens à le recontextualiser : cet accord a été conclu en 2012, soit un an après la catastrophe de Fukushima.
À l'époque, l'opinion publique n'était pas favorable au nucléaire, tout comme certains ici qui, aujourd'hui, prônent pourtant sa relance. En effet, nous avions pris conscience des dangers inhérents à l'énergie nucléaire, qui valaient aussi pour la France. Nous avions également compris que nous étions beaucoup trop dépendants d'une seule énergie, et qu'il était donc nécessaire de diversifier notre mix. Loin d'avoir été conclu dans une logique purement électoraliste, l'accord de 2012 répondait donc aussi aux aspirations de l'opinion publique, qui avait ouvert les yeux sur les conséquences et les dangers du nucléaire.
Enfin, s'agissant du climat, je rappelle que si nous avons été contraints de rouvrir des centrales à charbon cet hiver pour assurer notre approvisionnement électrique, c'est bien parce que la moitié du parc nucléaire était à l'arrêt cet automne.
Le fonctionnement du nucléaire implique – et a toujours impliqué – le recours aux énergies fossiles : prétendre qu'il nous permettra de nous en passer est faux, et nous en avons d'ailleurs eu la preuve cet hiver.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
En toute logique, nous souhaitons que le processus démocratique soit respecté, c'est-à-dire que nous discutions d'abord d'un projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat, avant de fixer des objectifs dans la loi si cela se révèle nécessaire.
Nous vous demandons de revenir à la raison, et de respecter le Parlement et notre pays. Certes, nous vivons une crise énergétique sans précédent, et l'emballement du réchauffement climatique rend absolument nécessaire d'une part, la sécurisation de l'approvisionnement énergétique, à un prix acceptable, pour les Françaises, les Français et les entreprises, et, d'autre part, la diminution drastique de nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à sept ans. Mais le nucléaire n'est pas la solution, et vous le savez très bien : il ne permettra pas d'économiser le moindre gramme d'énergie fossile, et ses effets ne seront visibles qu'à trop long terme.
Nous vous demandons simplement de remettre les choses dans l'ordre, afin que nous puissions débattre sereinement. L'énergie est un bien commun essentiel et vital : nous devons évidemment le préserver, mais pas à la hussarde en soutenant, comme vous le faites, le développement d'une énergie dangereuse, qui nous mène droit dans le mur.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Comme je l'ai longuement expliqué en défendant notre motion de rejet préalable, il tend à supprimer l'article 1er A introduit par le Sénat.
Vous me répondiez, madame la ministre, en me disant que ce texte n'était « pas un texte de programmation », mais revenir sur les objectifs fixés dans une loi de programmation, c'est bien faire de la programmation !
Quant à mon collègue Antoine Armand, dont la réponse à mes remarques n'était pas exempte d'un peu de mauvaise foi, je ne lui ferai pas l'affront de penser qu'il n'a pas compris le sens de mon propos : sans doute n'a-t-il tout simplement pas écouté.
Sourires.
Je rappelle que l'article 1er A ne figurait pas dans le projet de loi initial et qu'il a été adopté par le Sénat en séance publique le 17 janvier, c'est-à-dire alors que le débat organisé par la Commission nationale du débat public n'était pas terminé. La présidente de la CNDP, Mme Chantal Jouanno, et le président du débat public, M. Michel Badré, l'avaient alors déploré, expliquant que ce type de disposition conduisait à soustraire le débat sur le nucléaire à la société civile – et au Parlement, ajouterai-je. C'est donc l'une des deux principales objections qui fondent notre rejet du texte – l'autre concerne la fusion de l'IRSN et de l'ASN. Censé être technique et réglementaire, le texte se révèle programmatique, et il introduit un énorme cavalier législatif. Nous l'avons dit, et nous n'aurons de cesse de le répéter tout au long des débats : les objectifs de programmation en matière d'énergie auraient mérité un texte dédié.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 58 .
C'est un amendement de cohérence.
On ne cesse de nous répéter qu'il s'agit d'une loi technique : dans ce cas, il aurait fallu renvoyer à plus tard, à l'examen de la loi de programmation, les grands débats sur la politique énergétique française. Or, comme je l'ai dit dans mon intervention tout à l'heure, le Gouvernement a bel et bien choisi de conserver cet article, qui change pourtant totalement la donne puisqu'il remet en question des objectifs déjà fixés. Je suis déjà fatigué d'entendre ceux qui réécrivent l'histoire : peut-être – sans doute, même, et M. Montebourg l'a d'ailleurs dit en commission d'enquête – la diminution de la part du nucléaire dans le mix énergétique est-elle la conséquence d'un accord politique. Mais personne ne peut nier que cette décision a été prise après l'accident à Fukushima.
Et les plus grands défenseurs du nucléaire aujourd'hui, dont je suis, ont parfois tendance à oublier certains changements de pied : Mme Le Pen, par exemple, qui était encore sur ces bancs il y a quelques minutes, avait déclaré qu'il fallait sortir du nucléaire, car c'était une énergie dangereuse.
« N'importe quoi ! » sur plusieurs bancs du groupe RN. – « Si, si ! » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je veux bien qu'il y ait des amnésies passagères, mais il y a des limites à l'incohérence.
Aujourd'hui, le vent souffle favorablement pour le nucléaire, et certains auront donc le destin des feuilles mortes. Mais soyons clairs et cohérents : les objectifs ne peuvent être remis en question que dans le cadre d'un projet de loi de programmation. Vous nous dites que celui-ci sera débattu dans quelques mois. Très bien. Qui croit qu'à ce moment-là, la situation aura remis en question le débat sur le plafond des 50 % ? Personne ! Et d'ailleurs, personne ne le dit. Soyons cohérents : attendons avec sagesse et envie la loi de programmation, qui nous permettra d'ouvrir un grand débat et de fixer un nouvel objectif.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La réduction à 50 % de la part de l'atome dans la production d'électricité en France a été gravée dans le marbre en 2015. L'objectif était de diversifier notre mix énergétique, afin de le rendre plus résilient face aux conséquences des choix que nous devrons faire, et d'encourager l'accélération du développement des énergies renouvelables, car la France reste le seul pays européen à n'avoir pas atteint ses objectifs en la matière.
Par ailleurs, même dans la perspective du projet de loi, réduire la part du nucléaire à 50 % de la production demeurerait pertinent : la dizaine de réacteurs dont vous espérez voir un jour la construction se terminer ne remplacera pas les cinquante-six actuellement en activité, à moins que votre projet soit tout autre. Pourquoi donc vouloir faire disparaître cette disposition, alors même que la révision de nos objectifs énergétiques n'a pas lieu d'être discutée maintenant, mais lors de l'examen du prochain projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat ? Le présent texte était censé ne viser qu'à la suppression de contraintes procédurales ou techniques, de même que celui consacré aux énergies renouvelables dans lequel vous avez refusé de fixer le moindre objectif.
Cet article court-circuite les débats et les concertations publiques qui auraient dû nous éclairer sur la volonté démocratique de relancer ou ne pas relancer le programme nucléaire. Il n'a pas sa place au sein du texte : c'est pourquoi nous vous proposons de le supprimer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l'amendement n° 326 .
Ce que l'on veut nous imposer, c'est à la fois un changement de cap majeur en matière de politique énergétique et une remise en cause de la PPE. Considérée comme un fait accompli par Emmanuel Macron et son gouvernement, la relance du nucléaire balaie les débats publics organisés par la CNDP. Le lobby de l'industrie nucléaire est manifestement très fort pour nous faire oublier les risques liés à l'exploitation de cette énergie ! Parmi les gens qui s'efforcent de les rappeler, Kenzaburo Oe, lauréat du prix Nobel de littérature tout récemment décédé, avait, en juin 2012, présenté au Premier ministre japonais une pétition en faveur de l'abandon du nucléaire : elle avait recueilli plus de 7 millions de signatures.
Malgré le déni qui gangrène l'esprit de nos dirigeants, nous continuons de nous souvenir. Hier, nous étions rassemblés place de la République, à Paris, afin de commémorer la catastrophe de Fukushima : lorsque nous en parlons, on nous répond qu'elle n'a fait aucun mort, entraîné aucun cancer. Est-ce de la bêtise ou du cynisme ? Quand Placoplatre s'apprête à exploiter une carrière de gypse au fort de Vaujours, sans souci des matières radioactives qui pullulent dans les sols, est-ce du cynisme ou de la bêtise ? Quel désastre vous faudra-t-il, chers collègues, pour comprendre que, si nous voulons un avenir, il nous faut programmer notre sortie d'une énergie du passé, et qu'il n'y aurait donc aucun sens à supprimer l'objectif de réduction de la part du nucléaire ? Je ne doute d'ailleurs pas que ceux qui pensent autrement se porteront volontaires pour accueillir le surplus des déchets radioactifs dans leur jardin !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement n° 473 .
En tant que ministre de la transition écologique, j'ai été très heureuse de contribuer au discours prononcé le 10 février 2022, à Belfort, par le Président de la République, qui a enfin imprimé une vraie direction à notre pays en matière énergétique. En tant que députée, quelques années plus tôt, je ne me réjouissais pas moins de voir acter qu'il revenait aux parlementaires d'adopter une loi de programmation énergétique ,
Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Gérard Leseul applaudissent
laquelle a conforté les décisions annoncées ensuite par le Président.
Il importe d'agir de façon cohérente ; c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement. Une loi de programmation est prévue dans quelques mois, un débat public a été lancé afin d'éclairer à ce sujet la discussion parlementaire : nous devons travailler à cette future loi, qui sera fort importante. Par conséquent, je souhaite la suppression de l'article 1er A. S'agissant de la forme, il n'a pas lieu d'être au sein d'un texte censément technique, destiné à nous aider à accélérer, dans la logique du discours de Belfort. S'agissant du fond, quel message enverrions-nous en disposant que l'électricité d'origine nucléaire peut continuer de représenter plus de 50 % de notre production, voire dépasser 63,2 gigawatts de puissance installée, et en critiquant ceux qui ont travaillé en 2015 « sur un coin de table »,…
…alors que parmi les scénarios – notre base de réflexion – élaborés deux ans durant, avec des milliers d'intervenants, par RTE,…
…le plus nucléarisé ne prévoit que 50 % et 51 gigawatts ? Pourquoi toucher à des maximums qui ne seront pas atteints ? Je ne comprends pas !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 626 .
Mme Pompili vient de démontrer clairement pourquoi, sur le fond, il convient de supprimer cet article ; je m'en tiendrai donc à la forme. N'ayant pas en tête le même modèle énergétique, nous débattrons certainement du fond d'une manière dense et vivante, mais du moins pouvons-nous tous reconnaître la nécessité de traiter le sujet autrement qu'à la hussarde ? Profiter d'un texte dont ce n'était pas la vocation, d'un texte technique, pour revenir, hors projet de loi de programmation, sur des objectifs fixés en matière énergétique constitue une erreur. Je le répète, discutons du fond ; établissons nos désaccords, assumons-les, mais évitons la fuite en avant ! Ce qu'expriment les amendements de suppression de l'article, c'est le fait que ce débat est trop important pour que nous négligions de prendre le temps nécessaire – pour que nous rédigions sur un coin de table.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je ne vous surprendrai pas : avis défavorable. Certes, ce texte est éminemment technique, mais non moins éminemment politique, puisqu'il traite d'énergie. Nous n'allons pas nous excuser de cette dimension politique dans l'enceinte de l'Assemblée ! Par ailleurs, en déplafonnant le recours au nucléaire, nous ne faisons que nous souvenir qu'il constitue une énergie décarbonée, comme les renouvelables, dont la part n'est pas limitée, qu'il s'agisse de l'hydraulique ou des énergies provenant d'autres sources. Alors que 60 % de l'énergie consommée en France, 80 % dans le monde, provient de sources fossiles, quel sens y aurait-il à freiner le développement des solutions alternatives ? Vous vous trompez de combat ; vous vous trompez d'ennemi, d'autant plus que la limite déterminée par un pourcentage est toujours idéologique.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La production d'électricité ne s'exprime pas en pourcentages, mais en térawattheures : il faut mettre les besoins en regard des moyens et en finir avec le dogmatisme !
Au fil des interventions, j'ai relevé quelques incohérences. Premièrement, nous aurions dû, à vous entendre, à la fois nous occuper avant toute autre chose de la future loi de programmation …
« Oui » sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
…et attendre pour le faire la fin du débat public – lequel vient de se terminer, je le rappelle. Il était en cours lorsque nous élaborions ce projet de loi et il s'est du reste très bien passé.
Deuxièmement, pour reprendre les propos de M. Laisney, il faudrait également un débat public touchant la sobriété, l'efficacité, le financement. Là encore, j'ai l'impression de vivre dans un monde parallèle,…
…car ce débat a déjà eu lieu. Vous pouvez sourire : je constate que vous remettez en cause le sérieux de la CNDP .
Protestations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
Le débat a duré quatre mois et il a porté très précisément sur ces questions – consommation, sobriété, efficacité. Je ne peux que vous inviter à consulter le site de la CNDP afin d'y prendre connaissance de ce qui a été fait, de ce qu'ont déclaré les citoyens, les jeunes, au lieu de prétendre connaître mieux qu'eux leur propre avis !
Troisièmement, concernant le fond, vos amendements reviendraient à écrire que « la politique énergétique nationale a pour objectifs […] de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2035 ». N'est-ce pas là un objectif programmatique ?
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Barbara Pompili s'exclame également.
Vous citez seulement un texte déjà vigueur ! Si nous adoptons les amendements de suppression, nous ne touchons à rien !
Vous citez seulement un texte déjà vigueur ! Si nous adoptons les amendements de suppression, nous ne touchons à rien !
Merci de me confirmer que ce texte n'est pas destiné à en établir !
Il ne s'agit pas d'établir ! Nous voulons maintenir la loi telle qu'elle est !
Chers collègues, vous êtes nombreux à demander la parole. Notre règlement n'impose que deux orateurs – un pour, un contre – après les avis de la commission et du Gouvernement sur un amendement, mais ce débat est d'une telle importance qu'il convient que chacun puisse s'exprimer. Je vous invite toutefois à vous organiser entre vous afin de limiter les interventions à une par groupe.
Le temps que les membres du groupe Écologiste – NUPES se concertent, la parole est à M. Olivier Marleix.
Je souhaite tout d'abord inviter Barbara Pompili à suivre les travaux de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France : elle mesurera ainsi à quel point l'objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique français fut bien déterminé, à l'initiative de M. Hollande, sur un coin de table. Le témoignage d'Arnaud Montebourg, alors ministre de l'économie, est à cet égard fort intéressant. Les Verts voulaient 100 % d'énergies renouvelables ; il s'est dit que 50 % les satisferaient, et voilà où nous en sommes.
Mme Barbara Pompili s'exclame.
Effectivement, vous n'avez plus touché à ce chiffre : le coin de table était devenu table de la loi !
Par ailleurs, nous avons là une belle illustration du défaut de méthode du Gouvernement : l'article 1er A constitue le reliquat d'un amendement adopté par le Sénat, lequel vous avait demandé de commencer par le commencement et d'élaborer une nouvelle PPE avant de nous soumettre des dispositions visant à relancer le nucléaire – nous sommes tous d'accord pour estimer que cela aurait été autrement cohérent. Vous avez fait supprimer par la commission les apports des sénateurs, sauf un petit bout d'alinéa qui vous arrange : c'est vraiment là une politique de Gribouille !
Toutefois, soucieux de rattraper le temps perdu depuis dix ans, notamment grâce à quelques personnes dont je ne répéterai pas le nom, nous ne voterons pas en faveur de ces amendements.
L'énergie constitue un sujet sérieux, surtout lorsqu'il donne lieu à un débat public ; or la présidente de la CNDP dit elle-même n'avoir pas pu aller au bout de cette concertation. En effet, tant qu'elle dure, il importe de s'abstenir de tout commentaire : quand le Sénat, dans le cadre de l'examen du texte qui nous est soumis, adopte des objectifs programmatiques, quand le Président de la République annonce en personne la relance du nucléaire et le nombre des réacteurs prévus, les citoyens qui participaient de bonne foi à une telle consultation ne se sentent pas respectés, si bien que le processus n'est pas mené à son terme.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas saisir l'occasion d'un texte technique pour réviser les objectifs inscrits dans la législation. Méconnaître la loi est quelque chose d'assez perturbant ! Monsieur Marleix, dans la commission d'enquête, chacun voit ce qu'il veut : l'audition de M. Montebourg a tout simplement révélé que, sous la présidence de François Hollande, le Gouvernement comptait des partisans du nucléaire. Ce n'est pas là une grande surprise, non plus que le fait qu'ils aient tout mis en œuvre afin de saboter la réduction de la part du nucléaire et par contrecoup l'avènement des énergies renouvelables – d'où la situation qui est aujourd'hui la nôtre !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Il est tout de même incroyable qu'à gauche, les responsables de cet objectif, de ce mensonge d'État, osent faire les malins…
En 2012, votre mouvement aussi soutenait qu'il fallait sortir du nucléaire !
…alors même que tous les acteurs impliqués dans ce dossier ont reconnu sous serment – je le répète, sous serment ! – qu'il n'y avait pas eu d'étude d'impact, que le chiffre de 50 % ne reposait sur rien, et qu'il en était résulté des conséquences en cascade sur la sécurité énergétique et sur le montant des factures des Français ! Vous continuez pourtant à prétendre que la réduction à 50 % de la part du nucléaire est possible, que l'opinion contraire ne serait qu'une lubie des pronucléaires ; vous êtes des menteurs,…
…vous continuez de mentir à nos compatriotes, les yeux dans les yeux, comme vous le faites depuis presque dix ans, alors que plus personne ne cautionne votre mensonge. Cela suffit : il est grand temps de retirer celui-ci de nos textes !
Mmes Julie Laernoes et Aurélie Trouvé s'exclament.
En revanche, Mme Pompili a raison sur un point : la trajectoire choisie par la nouvelle minorité présidentielle ne remet pas cet objectif en cause, puisque vos six puis huit réacteurs, s'ils arrivent un jour, représentent un amoindrissement durable de la capacité nucléaire installée. Tout dépend en fait de la durée de vie des réacteurs déjà en activité, que vous ne prenez pas vraiment de dispositions pour prolonger. Une fois encore, vous êtes donc pris en flagrant délit de contradiction entre la queue de comète, si je puis dire, de votre mensonge d'État et votre refus de construire vingt réacteurs, mesure préconisée par le Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la ministre, vous n'avez fourni aucune réponse à notre question : pourquoi anticiper sur la future loi de programmation énergétique ? Ce n'est pas un délai de six mois qui va changer la face des choses ! Pourquoi donc se précipiter ?
Madame la rapporteure, vous avez dit que les pourcentages en eux-mêmes ne signifiaient pas grand-chose et relevaient plutôt de l'idéologie. Dès lors, pourquoi les remplacer par d'autres ? En vue de servir une autre idéologie ?
Enfin, je sais qu'il nous est interdit de nous interpeller entre collègues, mais M. Tanguy a l'oreille sélective : les travaux de la commission d'enquête ont révélé que la perte de notre souveraineté avait de nombreuses causes, parmi lesquelles celle sur laquelle il a concentré son propos ne jouait pas un rôle essentiel.
Puisque dans notre pays, on part souvent dans tous les sens, il ne faut pas s'étonner qu'on aille dans le mur ! C'est parfois d'ailleurs une insulte à l'intelligence collective ! Barbara Pompili, qui fut une excellente ministre, l'a très bien dit : il faut toujours commencer par le commencement. Mettons-nous d'accord sur les grands objectifs et le reste en découlera naturellement.
Bien entendu, il faut augmenter la production d'électricité dans notre pays – et certainement la doubler d'ici à 2050. Bien entendu, nous aurons besoin de davantage d'énergie nucléaire et, bien entendu, de plus d'énergies renouvelables aussi. C'est clair ! Si le prix de l'électricité est si élevé dans notre pays, c'est parce que l'offre est inférieure à la demande et que nous sommes de ce fait tributaires des marchés extérieurs, notamment de l'Allemagne. Nous devons donc produire davantage.
Mais pour nous engager dans un débat cohérent, encore faut-il que nous nous mettions d'accord sur les objectifs – qui découlent de la stratégie nationale française sur l'énergie et de la PPE. Sans doute faut-il revoir cette dernière car je ne suis pas certain, par exemple, que nous atteignons nos objectifs en matière d'économies d'énergie : le débat doit être posé et nous devons ensuite nous pencher sur les moyens pouvant être mis en œuvre.
Vous savez bien, madame la ministre, que si nous avions discuté de la stratégie nationale de l'énergie et de la PPE avant de discuter de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, nous n'en serions pas arrivés au débat hallucinant que nous avons eu, avec l'extrême droite refusant par exemple les énergies renouvelables ! On marche sur la tête !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Et si nous avions eu ce débat en amont, nous n'entendrions pas non plus certains nous dire qu'il faudra à l'avenir se passer du nucléaire !
On marche sur la tête ! Nous avons réellement besoin d'avoir ce débat avant de décliner, ensuite, les projets de lois techniques. Si ce texte reste technique, madame la ministre, nous vous suivrons.
Je vous remercie. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, monsieur Pancher.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, de notre règlement, relatif à la mise en cause personnelle – de groupe, en l'occurrence. Nous avons fait l'objet de différentes accusations, nourries par le mythe selon lequel les difficultés du nucléaire seraient dues à un accord électoral souscrit par les écologistes. Il me semble important de répondre aux propos que j'ai entendus sur les bancs de la droite et du Rassemblement national.
Je vous interromps, cher collègue. Ce n'est pas un rappel au règlement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. Maxime Laisney qui s'exprime sur les amendements de suppression.
Je vous remercie de me donner la parole, madame la présidente, même si votre interprétation du rappel au règlement est sans doute un peu personnelle.
Je voudrais m'exprimer sur deux points. S'agissant du débat public, d'abord, il me semble que la ministre a quelque peu mélangé les choses dans sa réponse. Il convient de rappeler qu'une concertation publique a prétendument eu lieu, non pas menée par la CNDP mais organisée sous son égide – ce qui est légèrement différent. Cette concertation s'est déroulée essentiellement par voie numérique, ce qui l'a rendue quasiment confidentielle ; les Français informés de sa tenue ne sont sans doute pas plus de 15 000. Aujourd'hui, cette concertation vous sert d'alibi et vous nous reprochez de ne pas avoir participé à la grand-messe finale ! Mais si nous n'y sommes pas allés, c'est parce qu'un débat public, ce n'est pas une grand-messe !
La CNDP s'est en revanche bien saisie du débat public sur l'opportunité de relancer la construction d'EPR, notamment à Penly, mais pour déplorer deux choses qui ont été rappelées par ma collègue Julie Laernoes : d'abord, que le Sénat ait adopté les amendements dont vous proposez aujourd'hui l'inscription dans le projet de loi, dispositions qui feraient exploser l'actuelle PPE ; ensuite, que le 3 février dernier, lors du Conseil de politique nucléaire, le Président de la République ait décidé tout seul de relancer le nucléaire et, par la même occasion, de dissoudre l'IRSN.
Ensuite, madame la rapporteure, vous nous accusez de faire de la programmation énergétique. Or ce que nous vous disons, c'est que le projet de loi dont nous débattons actuellement ne peut avoir pour objet de modifier la programmation : c'est à l'occasion de l'examen de la PPE et de la LPEC que nous pourrons en discuter. Nous avons bien compris que M. Macron était pressé de pouvoir couper le ruban du premier chantier d'une centrale nucléaire – plus précisément, de la partie non nucléaire des installations – avant la fin de son mandat : il veut laisser son nom dans l'histoire pour le meilleur et pour le pire. Mais nous pensons quant à nous que nous ne sommes pas à six mois près pour lancer la construction de réacteurs qui ne verront pas le jour avant quinze ans, au bas mot.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je voudrais répondre factuellement. Le débat public que vous évoquez, monsieur le député, a été organisé sous l'égide de la CNDP et a abordé toutes les questions relatives à la consommation et au financement. Il a duré quatre mois et a fait l'objet de réunions dans l'ensemble des régions, y compris dans les outre-mer. Il s'est conclu enfin par un forum des jeunesses réunissant 200 jeunes, tirés au sort dans l'ensemble du territoire métropolitain et d'outre-mer. Ceux-ci ont travaillé quatre jours sur les sujets du mix énergétique, de la sobriété, de l'efficacité et du financement. Je suis donc désolée de vous dire qu'il y a bien eu un débat public associant les Français, qu'il s'agisse de la démarche, des garanties ou de sa durée, plutôt plus largement que la Convention citoyenne pour le climat.
Vous ne pouvez pas opposer votre proposition, monsieur le député, à celle qui découle du débat public. Je peux comprendre que les conclusions de celui-ci ne vous conviennent pas, puisqu'elles prônent un mix énergétique diversifié, mais cela ne remet pas en cause pour autant le sérieux de la concertation qui a été menée. Vos propos, je le répète, constituent une mise en cause de la CNDP.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quant au deuxième débat que vous mentionnez, je tiens à souligner qu'il a également été mené à son terme. J'ajoute que vous ne pouvez pas reprocher au Gouvernement d'avoir été battu au Sénat, alors qu'il n'y disposait pas de la majorité ! Nous pouvons tout entendre, mais pas ça ! Il se trouve que la commission des affaires économiques du Sénat a imposé une réécriture des articles ; je n'y peux rien !
Oui, nous proposons de corriger la réécriture en évitant de voter cette année des planchers ou des plafonds. En effet, comme Mme la rapporteure l'a très bien dit, l'enjeu est de permettre le développement des énergies décarbonées et de sortir des énergies fossiles. Si nous fixions un plafond pour les énergies fossiles, on pourrait en discuter ! Mais en l'occurrence, c'est vous qui proposez de plafonner ou de fixer des seuils minimaux pour ces énergies précieuses que sont le nucléaire et les énergies renouvelables, alors que nous avons besoin des deux ! Votre position va à l'encontre de toute volonté réelle de lutter contre le réchauffement climatique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 42
Contre 88
Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas 2 à 4 de l'article 1er A et à rétablir ainsi le plafonnement à 50 % de la part d'électricité d'origine nucléaire d'ici à 2035, comme le prévoit la loi programmatique en vigueur, votée à l'époque par l'Assemblée nationale. Je voudrais ajouter, madame la ministre de la transition énergétique, que vous n'avez pas démontré la même ferveur lors de l'examen de la loi relative aux énergies renouvelables,…
…notamment lorsque notre groupe a proposé des amendements visant à imposer de nouvelles installations sur le bâti existant ou des parkings. Vous les avez refusés en arguant que la filière est saturée et qu'elle ne pouvait pas faire plus.
Ils votent contre la loi puis donnent des leçons de morale, encore une fois !
M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame.
Que dire de la filière nucléaire aujourd'hui ? N'est-elle pas saturée ? Nos industriels s'inquiètent. Le PDG d'EDF ne sait pas annoncer combien de réacteurs nucléaires pourront être construits, et l'on ne sait pas comment les financer. Le « deux poids, deux mesures », s'agissant du traitement réservé aux énergies renouvelables et au nucléaire, est particulièrement frappant et éloquent, d'autant plus que l'on ne sait pas si les nouveaux réacteurs fonctionneront un jour alors que les énergies renouvelables, elles, fonctionneront toujours et seront même de plus en plus performantes et de moins en moins chères.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je ne sais pas si les énergies renouvelables fonctionneront toujours mais je sais, madame Laernoes, que le groupe Écologiste – NUPES a voté contre le projet de loi présenté par le Gouvernement pour assurer leur développement
« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous êtes aussi très nombreux, chers collègues de la NUPES, à vous y être opposés. Pour le reste, mes arguments seront les mêmes que sur les amendements précédents : encore une fois, vous vous trompez de combat. Nous avons besoin du nucléaire et des énergies renouvelables. Le problème, ce sont les énergies fossiles. Il est dommage que vous ne l'entendiez pas.
Il est défavorable. Je ne peux pas vous laisser dire, madame la députée Laernoes, que nous n'avons pas fait preuve d'ambition avec le projet de loi relatif aux énergies renouvelables !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est tout à fait faux ! Ce qui est vrai, en revanche, c'est que nous avons fixé les objectifs s'agissant des installations d'énergies renouvelables sur les ombrières et les toitures et s'agissant de l'éolien marin, tandis que vous, vous n'étiez pas au rendez-vous !
« Exact ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je commencerai par un premier élément factuel : nous n'avons pas voté contre la loi relative à l'accélération de la production d'ENR !
Si nous n'avons pas soutenu ce projet de loi, c'est parce qu'il était dépourvu d'ambition !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Aujourd'hui, vous fixez des objectifs chiffrés s'agissant du nucléaire. C'est bien la preuve que votre objectif, madame la ministre, c'est de faire du tout nucléaire et non pas de développer de manière forte et énergique les énergies renouvelables ! Sinon, vous auriez rendu obligatoires les installations photovoltaïques sur les toitures des centres commerciaux ; ç'aurait été du simple bon sens ! Nous avons proposé des obligations et des objectifs pour le développement des ENR, mais vous les avez refusés. Aujourd'hui, nous assumons le fait de nous être abstenus quand nous constatons la farce qu'est devenu le projet de loi relatif au nucléaire, au détour duquel vous revenez sur un objectif important qui était gravé dans la loi de 2015.
Il est regrettable que nous ne puissions pas entamer un débat de fond avec Mme la rapporteure, qui recourt systématiquement à de faux arguments ou bien nous accuse de dogmatisme – la version XXL étant le Rassemblement national qui parle de mensonge d'État. La commission d'enquête qui a été évoquée s'est révélée très intéressante et je voudrais citer François Brottes – dont vous pourrez constater, en lisant l'intégralité de son audition, qu'il n'était pas très favorable à la réduction à 50 % de la part d'électricité d'origine nucléaire.
M. Jean-Philippe Tanguy s'esclaffe.
Il dit en effet que, même si la loi de 2015 avait engagé le doublement du parc nucléaire, nous ne nous serions pas retrouvés dans une situation différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. Dans la situation actuelle, le nucléaire produit 41 gigawatt d'électricité alors que le plafond maximal, comme cela a été rappelé, est fixé à 63,2 gigawatt de puissance installée. Nous sommes donc bien en deçà du plafond. La situation ne serait pas différente d'abord parce que construction de réacteurs prend énormément de temps, ensuite parce que la réalité est têtue : ce ne sont pas les écologistes qui sont responsables de la corrosion sous contrainte ou qui empêchent l'eau de couler dans les rivières ! Aujourd'hui, le nucléaire ne fonctionne plus ! La démagogie est de votre côté !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il faudrait savoir, mes chers collègues, si vous voulez accélérer la lutte contre le réchauffement dont vous parlez tant !
« Vous, beaucoup moins ! » sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Seul le nucléaire le permettra.
Je voudrais évoquer deux exemples. Le célèbre écologiste Yann Arthus-Bertrand, dont chacun dans cet hémicycle a certainement pu voir les très beaux reportages, a très longtemps été antinucléaire avant de reconnaître finalement, en juillet 2021, qu'il ne pourrait y avoir de transition énergétique durable sans nucléaire, puis de déclarer que la construction d'installations nucléaires prenait beaucoup de temps et que nous prenions un retard inouï. Je le cite : « Si on le fait, il faut commencer maintenant. » C'est un premier argument.
Pire encore ! J'en viens à la position du Giec, que vous évoquez lors de toutes les réunions de la commission du développement durable, chers collègues. En 2018, le Giec a reconnu lui aussi – et l'a fait de nouveau récemment – que pour lutter contre une augmentation de la température mondiale, il était nécessaire d'utiliser l'énergie décarbonée qu'est le nucléaire. Vos voitures électriques et vos trottinettes ont besoin d'électricité et votre vent seul ne suffira pas à les pousser !
« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Les véhicules électriques, ce n'est pas ça la sobriété ! Mieux vaut prendre le train.
L'amendement n° 68 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 327 et 474 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l'amendement n° 327 .
Avec ce texte technique, vous opérez en catimini un changement de cap majeur dans la politique énergétique du pays. Il faut dire que l'abandon de l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire s'inscrit dans une certaine continuité, puisqu'il survient peu de temps après la décision absurde de reporter la réalisation de cet objectif à 2035 – la loi relative à la transition énergétique l'avait fixée à 2025.
Alors que les effets du dérèglement climatique sont plus que jamais sensibles, cette décision lourde de sens est incompréhensible, d'autant qu'elle bafoue le débat démocratique engagé par la Commission nationale du débat public.
Votre empressement à faire adopter ce projet de loi ne laisse rien présager de bon. Certes, nous sommes habitués à votre exercice vertical du pouvoir mais nous espérions que sur ce sujet majeur touchant à la sûreté et à la sécurité de la population, un débat démocratique et contradictoire pourrait se tenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous souhaitons que l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici à 2035 soit maintenu et que les initiatives de la CNDP soient pleinement soutenues.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 474 de Mme Barbara Pompili est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Il faut arrêter de dire que, lorsque le Parlement s'exprime, le débat démocratique est bafoué ! C'est la Commission nationale du débat public qui, seule, a décidé d'interrompre un débat qui se déroulait bon an mal an. Le Sénat a pris une décision, il a voté librement. Cessez donc de dire que le Parlement bafoue la démocratie !
Sourires.
Vous parlez du peuple et du débat public. La gauche s'est largement prévalue du fait que 80 % des Français étaient défavorables à la réforme des retraites, à laquelle nous sommes aussi opposés. Mais un sondage indique que 75 % des Français sont favorables à la relance du nucléaire, que nous soutenons également. La différence entre la gauche et nous, c'est qu'elle est avec le peuple quand ça l'arrange, tandis que nous, nous sommes tout le temps à ses côtés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme il y a eu deux prises de parole contre les amendements, je rétablis l'équilibre.
La parole est à M. Charles Fournier.
Madame la ministre, je ne peux pas vous laisser dire que nous faisons, avec les débats de la CNDP, comme ça nous arrange ! La vocation de la CNDP, dont j'ai été membre, n'est pas de trancher une question mais de nourrir la réflexion, en permettant aux différentes positions de s'exprimer. Si, dans ce rapport, certains avis sont défavorables à l'éolien, ce n'est pas pour autant que vous arrêterez cette production ! Les conclusions existent donc, elles sont parues le 10 mars – bien après, soit dit en passant, que le Sénat a voté ces dispositions –, ce qui nous a laissé peu de temps pour nous en emparer et en débattre.
Je rappelle par ailleurs que le débat public a été moins ample que prévu, que des séquences ont été annulées, comme à Tours, dans ma circonscription, et que, sur les EPR, il s'est tenu dans des conditions très difficiles. Enfin, ce n'est pas en organisant des réunions le lundi matin à 9 heures qu'on attire grand monde ! Pour avoir participé à certaines d'entre elles, je peux vous dire que les salles n'étaient pas pleines.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Nous soutiendrons ces amendements pour une raison simple : nous n'avons pas eu de débat. Certes, un débat public s'est tenu mais la CNDP rappelle que le projet de loi « comporte des dispositions modifiant les orientations de la politique nucléaire, qui devaient relever initialement de la loi de programmation énergétique prévue pour l'été 2023. » Nous ne pouvons donc pas considérer que nous sommes suffisamment éclairés pour décider d'une part du nucléaire qui pourrait être, comme Mme la rapporteure l'a dit tout à l'heure avec désinvolture, de 40 %, de 50 % ou de 60 %, peu importe. Le débat est nécessaire, car il peut faire changer certains avis. J'en veux pour preuve la position officielle du RN sur l'éolien, qui, depuis 2011 et les déclarations de sa présidente, a évolué. Acceptons donc de débattre, ne suivons pas le vent !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 39
Contre 91
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 193 , 164 et 184 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 193 fait l'objet d'un sous-amendement n° 701 et l'amendement n° 164 d'un sous-amendement n° 702 .
Les amendements n° 164 et 184 sont identiques.
La parole est à M. Franck Allisio, pour soutenir l'amendement n° 193 .
Le 10 février 2022, à Belfort, Emmanuel Macron a prononcé un grand discours de campagne sur la politique énergétique. Il a présenté la relance de la filière nucléaire comme un objectif prioritaire. Sur ce point, à moins de faire preuve du même aveuglement idéologique que celui dont souffrent nos collègues d'extrême gauche, il est bien difficile de lui donner tort. Mais il est également bien difficile de ne pas pointer l'hypocrisie de celui qui, après avoir fermé Fessenheim, se pose désormais en grand défenseur de l'industrie nucléaire ! Rappelons que la programmation pluriannuelle de l'énergie de 2020, adoptée par la majorité, prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs, en sus de ceux de Fessenheim. Comment pourrions-nous accorder le moindre crédit à une majorité et à un exécutif capables d'un tel revirement en moins de deux ans ? Comment la filière nucléaire peut-elle s'y retrouver et s'organiser en conséquence ? Sur les questions énergétiques et tant d'autres, le « en même temps » macronien est devenu un grand « n'importe quoi » opportuniste !
Nous proposons une mesure qui tombe sous le bon sens, réviser rapidement la programmation pluriannuelle de l'énergie afin de la rendre conforme aux déclarations et aux objectifs affichés par la majorité. Collègues macronistes, vous avez supprimé cette disposition en commission, faisant la preuve de votre parfaite insincérité sur le sujet. Nous vous laissons une dernière chance de vous montrer cohérents.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir le sous-amendement n° 701 .
Pour une raison que j'ignore, le service de la séance a jugé irrecevables plusieurs de nos amendements sur le développement de la cogénération nucléaire. Par le biais de ce sous-amendement, je rappelle qu'il existe un consensus sur la possibilité technique de récupérer une part considérable de chaleur fatale, ce qui constitue d'ailleurs une réponse aux questionnements de nos collègues de la NUPES sur la gestion de l'eau. La cogénération est un système gagnant pour tout le monde, car elle permet d'envisager la réindustrialisation tout en alimentant le chauffage urbain grâce à une énergie abondante et très peu chère. J'aimerais recueillir l'avis de la rapporteure et de la ministre sur l'opportunité d'ouvrir ce dossier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 164 .
Compte tenu de la nécessité d'y intégrer la relance du nucléaire, la programmation pluriannuelle de l'énergie doit faire l'objet d'une révision simplifiée. Rappelons qu'elle prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs nucléaires d'ici à 2035, hors ceux de Fessenheim, à rebours du discours de Belfort. Il faut aussi la mettre en conformité avec la construction, ou la prolongation, de réacteurs électronucléaires prévues par le présent texte.
La révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie, en supprimant les verrous législatifs et réglementaires, permettrait de replacer l'énergie nucléaire au cœur de la planification énergétique. Il s'agit de donner un cadre cohérent à la relance du nucléaire en revenant sur l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire, la fermeture de douze réacteurs et le plafonnement à 63,2 gigawatts a priori des autorisations d'installation de production d'électricité d'origine nucléaire.
Le sous-amendement n° 702 de M. Jean-Philippe Tanguy est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de réviser la PPE et de la mettre à jour. On a supprimé une limite qui concerne le nucléaire, il faut désormais discuter plus globalement de ce que nous voulons faire des différents moyens de production d'énergie. L'hydroélectricité, qui n'est pas si neutre car elle peut impliquer de déplacer des populations, en fait partie. Toutefois, cela mérite que nous nous penchions sur le sujet, que nous ayons une discussion éclairée et plus approfondie, au terme de laquelle chacun se fera, bien évidemment, son avis. Je suis donc défavorable à ces trois amendements et aux deux sous-amendements.
Cela étant posé, je dis trois fois oui à l'intégration de la cogénération dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et la future LPEC. C'est l'un des grands apports des SMR que de la rendre possible.
Avis défavorable. Je le répète, ce texte ne contient aucun objectif programmatique sur le nucléaire. Nous entendons supprimer les dispositions qui ont été introduites en ce sens, et rejeter celles qui sont proposées, sous prétexte de revenir à la PPE. Ce dont nous discutons aujourd'hui, en 2023, n'a pas la même valeur qu'en 2019, mais l'objectif de 50 %, qu'il s'agisse d'un plancher ou d'un plafond, reste de nature programmatique. L'introduire dans la PPE de façon accélérée serait, par ailleurs, une façon de confisquer le débat.
La cogénération nucléaire, une technique de valorisation de la chaleur renouvelable utilisée notamment à la centrale de Chinon, fera partie, évidemment, des sujets dont nous discuterons dans le cadre de la fameuse programmation pluriannuelle de l'énergie.
Décidément, madame la ministre, vous êtes fâchée avec la réalité. Il est dommage que j'aie à vous le rappeler mais les dispositions en vigueur au moment où nous entamons la discussion de ce projet de loi en séance publique fixent l'objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % à l'horizon de 2035. Ce devrait être celui qui guide votre feuille de route, or nous voyons bien que ce n'est pas le cas. Vous entendez même le supprimer à travers cette loi dite procédurale.
Quant aux amendements, nous voterons contre.
Celui de Mme Ménard vise à simplifier la révision de la PPE pour favoriser la mise en service de nouveaux réacteurs nucléaires. C'est bien évidemment la logique inverse qu'il faut suivre, en fixant d'abord des objectifs à travers la PPE, puis en déterminant les moyens de les atteindre.
Quant à M. Allisio, il insinue dans l'exposé sommaire de son amendement que la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et de d'indépendance énergétique de la France, dont je suis membre, aurait établi que « les mesures antinucléaires prises ces dernières années n'ont résulté que de considérations idéologiques et d'arrangements politiciens ».
Je l'incite à se livrer à un examen plus approfondi des comptes rendus des 120 à 140 heures d'auditions qu'elle a menées, en particulier celle de M. Proglio et de Mme Lauvergeon. Il constatera que les grandes difficultés auxquelles est confrontée la filière nucléaire sont bien loin de s'expliquer par les positions des antinucléaires, que j'aurais aimé davantage alimenter. Simplement, elle a recouru de manière massive à la sous-traitance,…
…n'a pas réussi à exporter, s'est livrée à une guerre interne, ce qui a abouti à sa propre faillite. Arrêtez de mentir et balayez devant votre porte sans repousser la poussière chez votre voisin.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les réponses apportées à nos amendements et celui du groupe LR ne sauraient nous satisfaire, tout simplement parce que le temps presse. Vous ne pouvez pas renvoyer la programmation du nombre de réacteurs nucléaires à plus tard et vous contenter d'une loi purement juridique. Le discours de Belfort remonte à près d'un an et depuis lors, il ne s'est pas passé grand-chose. Si ces amendements sont rejetés, la PPE ne va pas être modifiée avant six mois. Quand connaîtra-t-on le nombre exact de nouveaux réacteurs ?
En outre, la trajectoire de programmation annoncée dans le discours de Belfort repose sur une diminution de la capacité nucléaire installée à partir de 2040. Or, vous savez très bien qu'à cette date, nous aurons besoin de capacités nucléaires pilotables. Vos huit nouveaux réacteurs ne permettront pas d'éviter une baisse de la capacité installée due à l'effet falaise que vous connaissez parfaitement. Vous ne m'avez pas répondu à ce sujet tout à l'heure, madame la rapporteure, et c'est bien dommage.
Ensuite, madame la ministre, si nous voulons développer la cogénération, il ne faut pas se contenter de l'utiliser par-ci par-là pour chauffer des serres ou des installations de pisciculture. Il importe de recourir massivement à la vapeur d'eau à 300 degrés pour chauffer des agglomérations entières, comme Paris ou Lille, et installer plusieurs dizaines d'usines totalement décarbonées.
Votre texte n'est pas à la hauteur et surtout nous inquiète sur votre capacité à relancer le nucléaire. Le fait qu'aucune programmation ne soit prévue dans les six mois à venir ne peut qu'alimenter les craintes sur les bancs pronucléaires, ceux des groupes LR et RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le sous-amendement n° 701 n'est pas adopté.
L'amendement n° 193 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 702 n'est pas adopté.
Il est de repli. En donnant un avis défavorable à nos précédents amendements sur l'article 1er A, madame Pannier-Runacher, vous avez clairement indiqué ne pas vouloir atteindre les objectifs fixés en matière de parts respectives du nucléaire et des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Nous prenons acte du fait qu'en tant que ministre de la transition énergétique, vous ne souhaitez pas en tenir compte.
Nous proposons ici de supprimer l'alinéa 6, qui vise à abroger l'article L. 311-5-5 du code de l'énergie, lequel fixe le plafond de la capacité totale autorisée de production d'électricité d'origine nucléaire à 63,2 gigawatts. Il nous paraît inutile de revenir sur ce seuil alors que nous savons que nous ne le dépasserons pas. Il convient plutôt de prendre en compte les incidences de l'effet falaise, comme certains de nos collègues l'ont souligné, et de prévoir le démantèlement des centrales dont nous ne savons pas à quel âge vous prévoyez de repousser le départ à la retraite alors qu'elles ne vont déjà pas très bien.
La suppression de cet alinéa s'impose aussi parce que celui-ci fixe un nouvel objectif programmatique dans ce projet de loi mais, visiblement, la hiérarchie des normes et le respect de la démocratie ne sont pas votre tasse de thé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l'amendement n° 328 .
Nous souhaitons maintenir dans le code de l'énergie le plafond de capacité totale de production nucléaire. La super-relance atomique souhaitée par le président Macron…
…aurait dû être inscrite dans la loi de programmation sur l'énergie et le climat que nous examinerons dans quelques semaines ou dans quelques mois. En supprimant l'objectif des 50 % comme en abrogeant cet article du code de l'énergie, vous court-circuitez les décisions que nous sommes appelés à prendre lors de l'examen de ce projet de loi et ce faisant, vous court-circuitez la PPE. De la même façon, vous court-circuitez le débat public au sein de la CNDP. Vous faites le choix du scénario le plus nucléarisé qui soit avant toute discussion. C'est pour nous un grand déni démocratique.
Par ailleurs, on peut se demander pourquoi vous avez choisi d'inscrire ce projet de loi à l'ordre du jour au moment où la mobilisation contre la réforme des retraites bat son plein. C'est à croire que vous souhaitez qu'il passe sous les radars.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Croyez-moi : pendant ces trois jours, nous ferons tout pour avoir un véritable débat sur cette super-relance atomique qui court-circuite tous les débats publics que nous aurions dû avoir !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 476 de Mme Barbara Pompili est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Sans surprise, j'émettrai un avis défavorable pour des raisons que j'ai déjà exposées.
Madame Laernoes, vous invoquez le respect de la démocratie.
Emmanuel Macron a très clairement annoncé dans son discours de Belfort du 10 février 2022 qu'il souhaitait relancer le nucléaire. Les élections présidentielles ont ensuite eu lieu.
Et ne vous en déplaise, aucun candidat antinucléaire n'a été qualifié au second tour. En outre, l'électorat antinucléaire n'est pas majoritaire, loin de là.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les élections législatives sont intervenues et les députés ont tous été élus en défendant des positions différentes en ce domaine mais qu'ils affichaient. Le Sénat, saisi d'abord du texte, l'a adopté en commission comme en séance publique. La commission des affaires économiques de notre assemblée a, à son tour, voté en sa faveur. La démocratie, c'est vraiment quand ça vous arrange !
Quand un vote va dans votre sens, vous trouvez ça bien, mais de tout le reste, vous ne voulez pas entendre parler.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Défavorable !
Il est compliqué pour nous d'intervenir de manière sérieuse dans un débat tronqué qui souffre, je le répète, de malformations congénitales. Chez moi, on dirait que vous vous y êtes pris comme des manches. Vous auriez dû organiser un vrai débat démocratique sur l'élaboration d'une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie, ce qui nous aurait épargné un débat sans fin sur les outils nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.
Vous avez fait le choix de laisser le Sénat examiner ce projet de loi en premier, pour des raisons qui m'échappent. Ce faisant, vous lui avez offert la possibilité de retoquer la PPE qu'il avait refusé d'adopter en 2015. Là encore, vous vous y êtes pris comme des manches.
Enfin, je précise que j'ai participé activement au débat public, peut-être suis-je même le député qui a le plus participé aux débats autour de l'EPR de Penly, ce qui est normal car je suis plus concerné que les autres. Il n'est pas juste, chers collègues, de dire qu'il n'y avait personne dans les salles. Le débat était sérieux et se nourrissait vraiment de confrontations de points de vue. J'ai même souligné dans le cahier d'acteur que j'ai remis combien je regrettais que la CNDP ait été méprisée.
Je le dis aussi très tranquillement, je n'ai envie ni que l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Chantal Jouanno, décide de la politique énergétique de la France, ni d'ailleurs que Barbara Pompili en fasse autant demain alors que les choix en ce domaine relèvent des prérogatives du Parlement. Entretenir l'illusion que la CNDP fixe les orientations énergétiques de la France est, à mon avis, une pure hypocrisie.
En revanche, j'estime que le débat public crée les conditions d'une discussion contradictoire, éclairée et transparente. C'est pourquoi j'y ai participé.
Sur l'article 1er A, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 126 .
Nous avons intégré dans cet amendement des modifications afin de nous montrer constructifs, loin de toute position caricaturale. Dans sa version initiale examinée en commission, nous avions proposé de remplacer, au premier alinéa de l'article L. 311-5-7 du code de l'énergie, le mot « diversification » par le mot « décarbonation ». Vous aviez émis un avis défavorable au nom de vos certitudes en matière de transition écologique. Ici, nous proposons d'ajouter la décarbonation à la diversification de façon que la diversification de la production d'électricité ne menace pas la décarbonation.
Dans l'attente de la solution technique magique qui permettrait à la production d'électricité intermittente de venir combler les besoins au beau milieu des nuits d'hiver, il nous faudrait compter sur le maintien des centrales au gaz ou pire encore sur le recours aux importations d'énergie produite par les centrales à charbon. Nous vous proposons donc de montrer votre bonne foi en acceptant que soit précisé que la diversification du mix énergétique français doit être liée à la logique de décarbonation. La fausse doctrine selon laquelle il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ne doit pas nous conduire, comme l'Allemagne, à prolonger notre dépendance à l'égard des énergies fossiles.
Votre amendement me paraît satisfait mais je comprends votre préoccupation. Votre logique répond à celle que nous avons introduite à l'article 1er C par lequel nous avons modifié l'article L. 100-1 A du code de l'énergie en ajoutant la diversification aux objectifs de décarbonation du mix de production d'électricité.
Avis de sagesse mais, à titre personnel, je le voterai.
En français dans le texte, il s'agit d'un amendement de coordination. Il reprend en effet la rédaction de l'article L. 100-1 A que Mme la rapporteure vient d'évoquer. Avis de sagesse.
L'amendement n° 126 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 69 .
Cet amendement est simple, et plus bête que méchant. Il vise à repousser l'entrée en vigueur du présent article au 1er juillet 2023. Tout le monde s'est évertué à montrer que la méthode suivie n'était pas la bonne. Si toutefois nous retenions cette nouvelle date, cela laisserait le temps à la CNDP de rendre son rapport sur les nouveaux réacteurs et cela nous permettrait d'attendre le débat sur la loi de programmation.
Je le redis, la loi en vigueur fixe comme objectif une réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50 %.
Alors que le Gouvernement aurait pu déposer un amendement de suppression de l'article 1er A introduit par le Sénat, il a laissé passer cette disposition et accepté de modifier les règles. Résultat : nous avons désormais une sorte de no man's land, qui incite certains à vouloir inscrire dans la loi les nouveaux réacteurs. C'est l'heureux bazar !
Par cet amendement, nous proposons donc de reporter l'application du présent article au 1er juillet 2023, ce qui permettra au Parlement, aux députés notamment, de se saisir de la loi de programmation – ce que nous espérons tous, même si nous commençons collectivement à douter.
Nous n'avons pas « laissé passer » cette disposition du Sénat : nous la soutenons au contraire et serons très heureux de la voter ! Il ne vous aura pas échappé que ni le président Kasbarian ni moi-même ne comptons nous excuser de la relance du nucléaire, qui est voulue par les deux assemblées parlementaires.
En cohérence avec cette position et mes convictions, que vous connaissez, j'émets un avis défavorable.
Je ne comprends pas bien le sens de votre amendement, qui consiste à décaler de trois mois l'application de cette disposition, ce qui n'est pas très opérationnel. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Nous comprenons bien, en ce qui nous concerne, le sens de cet amendement, madame la ministre : c'est à la date du 1er juillet 2023 que devrait être présentée la loi de programmation sur l'énergie et le climat. Toutefois, ce qui m'ennuie, c'est que si vous ne respectez pas cet engagement et que vous déposiez la loi de programmation après cette date – ou que vous ne la déposiez jamais –, le présent article sera tout de même appliqué au 1er juillet 2023, alors même que nous n'aurons pas débattu de la LPEC.
Depuis le début de notre discussion, nous assistons à une scission entre les pronucléaires et les antinucléaires. Je fais partie de ceux qui sont plutôt attentifs au développement de la filière nucléaire, voire à son accélération, tout en restant attaché au respect des règles que nous fixons ensemble. Les seuils en vigueur sont issus d'une loi que le Parlement a adoptée en 2019 – plusieurs d'entre vous l'ont votée. Faisons preuve d'un minimum de cohérence : ne défaisons pas une loi de programmation par une simple loi technique. Je ne conteste pas que le Sénat ait intégré cette abrogation ; néanmoins, je note que cela vous arrange bien et que le parallélisme des formes n'est pas respecté. Même si je suis favorable à la filière nucléaire, je condamne votre méthode, qui n'a aucun sens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
J'entends les réticences vis-à-vis de mon amendement et je veux faire confiance à la ministre, qui nous annonce une loi de programmation avant juillet. Il n'y aurait donc pas a priori d'embouteillage dans le calendrier.
L'amendement n° 69 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 97
Contre 36
L'article 1er A, amendé, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, RN et LR.
Sur l'amendement n° 426 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l'amendement n° 508 .
Il constitue un premier pas afin de donner à la politique énergétique un nouvel élan, bien loin des hésitations et du manque d'ambition dont fait preuve le Gouvernement. Il part d'une idée essentielle, selon laquelle, pour reprendre la formule de M. Montebourg, la production de l'énergie est « l'industrie de l'industrie ». Le message est clair : nous ne pourrons pas réindustrialiser la France si la filière nucléaire n'est pas suffisamment développée. Il s'agit là d'un cercle vertueux et d'un projet cohérent que le Rassemblement national promeut au service des entreprises et des ménages français.
À titre d'exemple, la centrale de Nogent-sur-Seine, située dans ma circonscription, est un acteur majeur et essentiel du territoire, en matière tant de retombées économiques que d'attractivité. Or les difficultés actuelles auxquelles la filière est confrontée sont identifiées : du vieillissement du parc nucléaire au manque de main-d'œuvre, aux prévisions défaitistes ou aux importations massives, nous répondons présents. Autonomie énergétique, innovation technologique, investissements massifs dans le nucléaire, notre programme est simple, ambitieux et efficace.
Cet amendement vise donc à graver dans la politique énergétique un objectif de réindustrialisation, passant par un développement de la filière nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avis défavorable à double titre : d'une part, l'article du code de l'énergie que vous voulez modifier précise déjà que la politique énergétique « assure la sécurité d'approvisionnement et réduit la dépendance aux importations » ; d'autre part, la rédaction que vous proposez entre particulièrement dans le détail – ce qui n'est pas l'objet du présent article –, sans d'ailleurs être exhaustive.
Même avis.
Je ne conteste pas votre argumentaire, mais vous ne répondez pas à la question de fond que pose le Rassemblement national à travers cet amendement d'appel : les perspectives que vous ouvrez permettent-elles, oui ou non, de réindustrialiser la France ? Nous l'avons posée à plusieurs reprises, sans aucune volonté de polémiquer, dans le but d'éclairer l'Assemblée nationale.
Je souhaite revenir sur les deux scénarios centraux de RTE que vous avez choisis : soit vous maintenez la part de l'industrie dans le PIB français à un niveau stable, établi à 10 % ; soit vous engagez ce que vous appelez une réindustrialisation massive, en prévoyant une part fixée à 12 % ou 13 % du PIB. Nous sommes donc très loin des 20 % du PIB que représentait encore la part de l'industrie en France dans les années 1990 ! Or vous savez que si l'on augmente la part de l'industrie dans le PIB, les besoins en énergie électrique seront considérables.
Je conçois votre argumentaire légistique. Cependant, pourriez-vous répondre, madame la rapporteure et madame la ministre, à notre question de fond concernant la perspective de réindustrialisation de la France et ses capacités de production énergétique pour y parvenir, tout en décarbonant notre économie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet amendement pose la question de la souveraineté énergétique. Rappelons qu'il y a, à ce sujet, beaucoup de manipulations : une vieille règle statistique française consiste à tenir compte, en matière d'indépendance énergétique, de l'endroit où est fabriquée l'énergie mais pas de l'origine du combustible. De ce fait, on estime que l'indépendance énergétique de la France serait de l'ordre de 50 % ; toutefois, si l'on prend en compte l'origine du combustible, ce chiffre tombe à 12 %.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Telle est la réalité. Si l'on y ajoute les liaisons dangereuses entre la Russie et Framatome, on constate bien que nous n'allons pas dans le sens de la souveraineté !
Ensuite, cet amendement évoque une accélération complètement folle du nucléaire, qu'aucun industriel n'imagine possible dans notre pays : le Rassemblement national propose un nombre d'EPR2 irréalisable, alors même que l'EPR n'existe pas encore en France ou, tout au moins, fonctionne mal. Aucun industriel ne vous suivrait donc en la matière. Cette position, très idéologique, n'est pas sérieuse.
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 508 n'est pas adopté.
Lors de la dernière campagne présidentielle, Marine Le Pen a défendu, faisant preuve sur le sujet d'une parfaite constance dont bien peu de responsables politiques peuvent se targuer ,
Murmures de protestation sur plusieurs bancs
la nécessité absolue d'une relance plus qu'ambitieuse de la filière nucléaire en France, ce pour une raison très simple. En effet, comme le précise le code de l'énergie, la politique énergétique doit suivre six objectifs : favoriser la compétitivité de l'économie ; assurer la sécurité d'approvisionnement et réduire la dépendance aux importations ; maintenir un prix de l'énergie compétitif et stable ; préserver la santé humaine et l'environnement ; garantir la cohésion sociale et territoriale ; lutter contre la précarité énergétique.
À ce jour, le seul modèle capable de répondre efficacement à ces objectifs est celui qui a fonctionné durant des décennies, à savoir l'alliance du nucléaire et de l'hydroélectricité. Malheureusement, cédant au délire idéologique de l'extrême gauche, soi-disant écologiste, les gouvernements successifs ont abandonné ce modèle, privilégiant le développement massif d'énergies intermittentes et non pilotables, à commencer par l'éolien, véritable arnaque, source d'insécurité énergétique et de dépendance aux énergies fossiles importées, notamment au gaz, dont la part dans le mix de production électrique français n'a cessé de croître mécaniquement, comme en Allemagne.
Par cet amendement, nous proposons de faire fi des mensonges proférés par les antinucléaires et d'inscrire dans la loi que notre politique énergétique doit privilégier le mix nucléaire et hydraulique et, surtout, abandonner au profit de modèles parfaitement efficients cette arnaque que constitue l'éolien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On peut tout à fait être très pronucléaire et ne pas être opposé à l'énergie éolienne et aux énergies renouvelables. Les deux vont ensemble. L'énergie éolienne, je viens de le vérifier, représente actuellement 24 % de notre production d'électricité, ce qui n'est pas négligeable. Autant nous pouvons débattre de la façon de sortir de la dépendance au gaz, au charbon ou au fioul, question qui constitue un vrai enjeu, autant il est illogique et incohérent d'opposer entre elles des énergies décarbonées. Avis défavorable.
Nous devrons sans doute le répéter tout au long de cette discussion : les énergies renouvelables ne s'opposent pas à l'énergie nucléaire. Le combat consiste à sortir des énergies fossiles, qui ont une empreinte bien supérieure à celle du nucléaire. S'agissant de la valeur ajoutée de chaque filière, il faut reconnaître qu'il existe davantage de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles dans le secteur du nucléaire que dans celui du photovoltaïque – croyez bien que je le déplore.
Pour construire une politique digne de l'attente des Français, il faut partir de la réalité, sortir d'une espèce de Pravda – pardonnez-moi cette expression peut-être inadaptée par rapport à votre passé politique, messieurs du Rassemblement national – sur les énergies intermittentes et tourner le dos à certaines contrevérités en matière d'énergie nucléaire.
Rappelons que l'électricité utilisée en France provient à 70 % du nucléaire et que nous sommes bien contents d'en bénéficier. C'est une force pour notre pays et je ne peux pas continuer à entendre répéter çà et là que la filière nucléaire française est affaiblie et au plus bas, alors qu'elle produit 70 % de notre mix électrique. Soyons sérieux.
Faisons en sorte que notre débat s'appuie sur des faits, sur la science et la réalité du combat contre le réchauffement climatique et la sortie des énergies fossiles. Avis défavorable.
Je souhaite intervenir contre cet amendement, qui est férocement hostile aux énergies renouvelables, et soutenir le maintien de la limitation à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité.
Revenons d'abord sur le mythe selon lequel le nucléaire aurait souffert d'un accord électoral ou d'un mensonge d'État. Pour avoir dirigé le parti Europe Écologie-Les Verts, je peux affirmer que nous n'avons pas un tel pouvoir d'influence. Comme cela a déjà été rappelé, si la moitié des réacteurs étaient récemment à l'arrêt, ce n'est pas de la faute des Verts, mais bien parce que cette énergie est devenue intermittente du fait de ses propres insuffisances ; si les centrales sont à l'arrêt, c'est en raison de malfaçons et non à cause des Verts ; si l'EPR ne fonctionne pas, ce n'est pas de la faute des Verts ;
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et LR
si le nucléaire est en perte de vitesse dans le monde entier, ce n'est pas de la faute des Verts, mais bien parce que cette énergie est de plus en plus chère et de moins en moins fonctionnelle ,
Mêmes mouvements
contrairement aux énergies renouvelables qui se révèlent meilleures et moins onéreuses. Le pragmatisme consisterait à engager une vraie loi de programmation et à s'y tenir, la filière ayant besoin de stabilité.
Deuxièmement, nous devons développer l'éolien et le photovoltaïque, car nous avons besoin d'énergies pilotables et moins coûteuses.
Troisièmement, attendons qu'un EPR fonctionne avant d'envisager d'en construire quatorze autres ! Le contraire n'aurait pas de sens ou serait pur dogmatisme.
Nos collègues du Rassemblement national font pire encore. Ils vont loin dans l'idéologie. Qualifier la loi de mensonge d'État, il faut oser ! L'objectif est inscrit dans la loi. Je sais que vous avez un problème avec les lois de la République, mais tout de même !
Vous ne cessez de faire la promotion de Marine Le Pen, mais elle a d'abord défendu la sortie du nucléaire, avant d'être favorable à la création de vingt réacteurs : où est la constance ? Demain, elle changera à nouveau d'avis, telle une girouette. Ne nous donnez pas de leçons de constance !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous avez affirmé, madame la rapporteure, que l'éolien produirait 24 % de l'électricité française. D'où vient ce chiffre ? Je viens de vérifier : cette part est de 8 % – étant entendu qu'en raison de son inefficacité et de son caractère non pilotable, l'éolien est suppléé par les centrales à charbon ; vous en avez d'ailleurs rouvert une récemment.
Mme Julie Laernoes s'exclame.
L'insuffisance de l'éolien, associée à une gabegie en matière de nucléaire, nous conduit à importer dans des proportions non négligeables de l'électricité allemande ultracarbonée, produite par des centrales à charbon. Dès lors, comment croire que 24 % de l'électricité française provient des éoliennes ?
Quant au groupe Écologiste – NUPES, il exerce depuis des années un lobbying antinucléaire.
Vous avez affaibli la filière nucléaire en faisant fermer le réacteur Superphénix, par l'entremise de votre ministre Dominique Voynet.
Superphénix assurait pourtant un meilleur traitement des déchets. En définitive, votre idéologie antinucléaire a considérablement réduit le pouvoir d'achat des Français, puisque notre énergie nucléaire était non seulement la plus décarbonée, mais aussi la moins chère d'Europe. Vous êtes responsables de la situation actuelle. Tout au long de la semaine dernière, vous avez proféré des inepties en commission. Faites profil bas : même Greta Thunberg et Yann Arthus-Bertrand vous lâchent !
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les parlementaires écologistes sont le village gaulois qui résiste encore contre ses propres alliés et contre l'opinion publique !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je ne voudrais pas laisser cette question sans réponse. Je vous conseille de vous rendre sur l'application éCO
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous avez demandé des réponses, Mme la rapporteure vous les apporte : merci de l'écouter.
À l'heure où je vous parle, l'électricité française provient à 24 % de l'éolien : c'est un fait.
L'amendement n° 192 n'est pas adopté.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l'amendement n° 426 .
Il vise à accélérer les procédures, conformément à l'objectif visé par le projet de loi. Actuellement, la création d'une nouvelle centrale est soumise à deux autorisations administratives : une autorisation initiale, puis une autorisation d'exploiter remise au plus tard dix-huit mois avant la livraison finale. Ce délai nous semble trop long, d'autant que la seconde autorisation peut faire l'objet de recours. Aussi proposons-nous de ne retenir que la première autorisation administrative – étant entendu qu'un programme de mise en service répondant aux normes de l'Agence internationale de l'énergie atomique doit être respecté. Les procédures sont déjà abondantes ; elles peuvent être quelque peu simplifiées.
Je n'ai pas un mot à retirer à cet amendement, qui relève du bon sens et permettra de gagner du temps. D'ailleurs, la limitation de la puissance nucléaire installée n'ayant plus cours, les dispositions qui existaient jusqu'à présent ne se justifient plus. Avis favorable.
Même avis : cet amendement est parfaitement cohérent avec le projet de loi.
Une fois encore, vous proposez d'alléger et d'accélérer les procédures. C'est tout le problème du projet de loi : au nom de l'accélération de la relance atomique, vous ne cessez de vouloir affaiblir le droit de l'urbanisme et le droit de l'environnement, au détriment de la santé, des habitants et de la nature.
C'est d'ailleurs au nom de l'accélération de la relance atomique que vous proposez de démanteler l'IRSN. Votre volonté effrénée de relance ne justifie pas que l'on s'assoie sur les progrès qui ont été réalisés en matière de sûreté et de protection de la nature et des habitants.
Le groupe La France insoumise – NUPES s'opposera évidemment à l'amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur l'amendement n° 343 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
Vous aurez beau répéter dix fois une contre-vérité, elle restera une contre-vérité. Cet amendement ne change strictement rien : il ne supprimera pas une ligne, pas un contrôle, pas une étude d'impact environnemental, pas une minute de débat public.
Vous n'êtes pas capables de dire ce qu'il change, parce qu'il ne change rien. Comme vous le savez, l'autorisation de création incorpore tous les éléments de l'autorisation d'exploiter : il s'agit de la même chose. Auparavant, quand un réacteur était prêt, le respect du plafond obligeait à attendre pour lui accorder l'autorisation d'exploiter. Voulez-vous que nous marchions sur la tête ? Nous devons produire de l'électricité décarbonée : tel doit être notre objectif. Embarquez dans ce bateau si vous voulez mener un combat climatique, plutôt que de vous concentrer sur des arguties qui ne tiennent absolument pas la route d'un point de vue législatif et réglementaire !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 97
Contre 26
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 343 .
Nous pourrions considérer qu'il s'agit d'un amendement de précision, tant il a vocation à recueillir un consensus sur tous les bancs. On ne produit pas de l'énergie nucléaire comme on fabrique des bonbons – tout le monde en conviendra – ; c'est un sujet sérieux, dans lequel les questions d'expertise, de sécurité et de sûreté sont déterminantes. En la matière, nous sommes attachés à la maîtrise publique : cela devrait faire consensus, d'autant qu'EDF est appelée à être détenue à 100 % par l'État.
Par cet amendement, nous souhaitons affirmer qu'en cas de construction ou d'exploitation d'un réacteur, il incombera à EDF d'en assumer la responsabilité : cela va de soi. Il ne s'agit que d'apporter une précision, mais celle-ci a toute son importance pour contrer les volontés de libéralisation du secteur qui s'expriment depuis vingt ans.
Bien que je partage votre attachement pour le service public de l'électricité, je suis défavorable à votre amendement, pour une raison précise : le projet de loi inclut notamment des petits réacteurs modulaires, dits SMR. Or d'autres acteurs pourraient intervenir sur les SMR, comme des start-up, même à petite échelle.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela ne change rien au fait que le parc historique, tout comme les futurs EPR2 – qu'ils soient six, huit, dix ou quatorze – relèveront d'EDF pour la maîtrise d'ouvrage comme pour l'exploitation. Cependant, dans la mesure où le projet de loi ne se limite pas aux EPR2, l'amendement n'est pas opportun.
Les exercices de sûreté sont les mêmes, qu'il s'agisse des SMR ou d'autres types de réacteurs électrogènes. Ne mélangeons pas tout. Une fois de plus, je déplore votre volonté de brouiller les cartes et de proférer des contre-vérités. Nous nous contentons de dire que des start-up pourraient développer des projets indépendamment d'EDF. Si, à l'avenir, une start-up arrive à développer un réacteur de quatrième génération – pour ne prendre que cet exemple –, je ne vois pas pourquoi nous nous priverions de cette technologie.
Avis défavorable.
Mme Battistel et M. Jumel ont demandé la parole. Lequel des deux veut intervenir ?
Je souhaite que Mme Battistel intervienne aussi, mais il s'agit de mon amendement. Quoi qu'il en soit, sur un sujet aussi sérieux, et en réponse aux arguments de Mme la rapporteure, il ne me paraîtrait pas choquant que chaque groupe exprime son point de vue – j'ai vu que M. Marleix avait demandé la parole.
EDF, forte de son expertise et de son statut – que nous voulons public –, forte de l'intelligence de ses ingénieurs et de ses techniciens, forte de ses mécanismes de contrôle – y compris au sein de son conseil d'administration, où la présence de l'État, des administrateurs et des associations d'usagers devrait être renforcée –, offre des garanties de sûreté, de sécurité et de maîtrise. En conséquence, la construction et l'exploitation des réacteurs, quels qu'ils soient, doivent être placées sous son égide. Cela évitera que la logique d'actionnaires, incompatible avec un haut niveau de maintenance, de sécurité et de sûreté, ne s'immisce dans l'exploitation : les actionnaires – y compris des start-up – exigent en effet une rentabilité à court terme.
Je le dis à mes collègues pour emporter leur conviction, mais ils ne semblent pas avoir de doutes : j'ai défendu la même analyse pour les énergies renouvelables. Quand la logique d'actionnaires s'empare des énergies vertes, elle s'exerce au détriment des territoires et des acteurs, et réduit le niveau d'exigence de ceux qui assurent la production. Voilà pourquoi notre amendement est si important, y compris en ce qui concerne les futurs SMR – au sujet desquels l'expertise doit encore être consolidée.
Je propose de donner la parole à deux intervenants favorables à l'amendement et à deux intervenants défavorables, en vous demandant d'être brefs, de sorte que nous votions avant la levée de la séance.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Nous soutiendrons l'amendement de M. Jumel, car nous défendons depuis toujours une maîtrise publique de l'énergie – plus encore dans le nucléaire que dans d'autres domaines. La maîtrise d'ouvrage doit être assurée par EDF, ce qui ne l'empêchera pas de travailler avec qui elle souhaite, y compris des start-up. Si nous allions en sens contraire, nous mettrions en cause le principe de l'Arenh, fondé sur le monopole d'EDF en matière de nucléaire – les députés LR l'ont évoqué. Nous souhaitons qu'EDF ait la maîtrise de tous les projets nucléaires qui seront validés en France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Au risque de vous décevoir, madame la présidente, je suis pour l'amendement, mais je promets d'être très bref. Je pense que M. Jumel a raison et que les arguments de Mmes la rapporteure et la ministre ne tiennent pas. Dans le cadre d'un projet de SMR mené par une start-up, EDF peut très bien envisager une prise de participation capitalistique visant à contrôler une start-up ou à la financer par des capitaux propres. En effet, étant donné que la construction d'un prototype nécessite dans tous les cas une entrée massive de capitaux, nous préférons que ceux-ci proviennent d'EDF plutôt que d'une entreprise privée sur laquelle l'État n'a aucun contrôle.
Je rappelle surtout que la commission d'enquête sur les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France a permis de constater, ce qui est accablant pour les Républicains et pour la Macronie, le bordel – il n'y a pas d'autre mot – auquel a mené la volonté d'ouvrir le secteur nucléaire à d'autres acteurs. Total a souhaité investir dans le projet d'EPR2 à Penly, ce qui a mis un bordel monstrueux ; finalement, cela s'est très mal passé et n'a abouti à rien. Pire encore, la décision d'Areva de remplacer EDF comme maître d'ouvrage de l'EPR d'Olkiluoto en Finlande a entraîné de grandes difficultés pour la filière française du nucléaire. Comme l'a dit Mme Battistel, nous sommes tous revenus au bon sens en laissant à EDF la maîtrise d'ouvrage en France : restons sur cette ligne. Ce faisant, nous enverrons en outre un signal de confiance au groupe communiste. Il importe que nous votions en confiance cette loi importante visant à renforcer le service public de l'électricité.
À ce stade, je ne suis ni pour ni contre cet amendement, mais j'estime qu'il soulève une question fondamentale. Le Gouvernement ne saurait annoncer la construction de six EPR et envisager d'en construire huit autres d'ici à 2050 sans ouvrir un tant soit peu le débat quant aux modalités de leur financement et de leur exploitation. Bien sûr, EDF constitue la référence absolue en la matière et dispose d'un incontestable savoir-faire. D'autres acteurs nationaux sont également présents, comme Engie, qui exploite des centrales nucléaires en Belgique ,
Mme Christine Arrighi s'exclame
ou encore Total, qui, dans le cadre d'un partenariat avec EDF, pourrait faire un usage utile et patriotique de ses bénéfices. Je trouve néanmoins ubuesque d'aborder un débat aussi crucial sans avoir reçu du Gouvernement le moindre élément de cadrage ou de réflexion : cela tient de la politique de gribouille, comme je l'ai souligné tout à l'heure. Nous ne vous demandons pas toutes les réponses, mais permettez-nous au moins d'étudier la question !
Vous avez su demander au contribuable de voler au secours d'EDF, ce que nous avons été très nombreux à voter, reconnaissant la nécessité de consolider le capital d'EDF. Dès lors, vous ne devez pas lancer un tel chantier sans éclairer un minimum la représentation nationale sur la gestion des futures centrales.
J'entends votre questionnement, monsieur le président Marleix, mais il me semble que le sujet de l'amendement n'est pas le financement. Il s'agit plutôt de savoir qui dispose de la maîtrise technologique nécessaire à la construction d'un réacteur. En l'occurrence, Orano, société qui n'est ni inconnue ni prédatrice, travaille au développement d'un réacteur au thorium. Devrions-nous nous priver de cette technologie ? Le CEA mène également ses propres études.
Mme Christine Arrighi s'exclame.
Nous devons faire preuve d'humilité en reconnaissant que, si EDF est clairement capable de construire des EPR2 ou encore des SMR – grâce à la technologie Nuward –, d'autres acteurs, dont certains sont des sociétés à capital entièrement public, voire des établissements publics, le sont tout autant. C'est pourquoi je vous invite à rejeter cet amendement qui mettrait un terme à des projets innovants développés en France.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 118
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 57
Contre 61
L'amendement n° 343 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra