Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 9h30

La réunion

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La commission a auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire sur le plan EcoPhyto.

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Madame la ministre, nous sommes d'autant plus heureux de pouvoir évoquer avec vous le plan Écophyto 2030 que la question des produits phytosanitaires a été abordée au cours des deux dernières semaines lors de nos débats sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture – alors même que ce texte ne permet pas de légiférer sur cette question, compte tenu de l'objet de ses dispositions ; mais nous serons prochainement appelés à nous pencher sur des textes traitant du sujet.

Le plan Écophyto 2030 que vous avez présenté le 6 mai dernier maintient l'objectif d'une baisse de moitié de l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici à 2030 par rapport à la période 2013-2015, étant précisé que cette baisse sera mesurée en utilisant un indicateur européen reflétant la toxicité de ces produits et facilitant les comparaisons entre pays. Vous pourrez certainement nous apporter des précisions sur cette question sensible, ainsi que sur la mise en place d'un comité des solutions permettant d'étudier, pour chaque type de culture, les options possibles si un produit est interdit. Il faut en effet éviter l'utilisation de produits pouvant être toxiques, mais sans pour autant laisser les agriculteurs concernés sans solution concrète pour continuer à exercer leur activité.

Dans le cadre du plan Écophyto 2030, il est prévu que 50 millions d'euros seront alloués aux agroéquipements et que l'accès à ces fonds sera facilité par la mise en place de guichets. Les industriels des agroéquipements sont toutefois en attente d'informations sur les échéances, les modalités de fonctionnement de ces guichets et le calendrier associé. Pourriez-vous nous indiquer les dates clés, les étapes prévues et les modalités d'accès à ces guichets pour les industriels ?

Pourriez-vous également préciser comment le Gouvernement compte assurer une communication efficace et transparente avec les acteurs concernés, représentés par le syndicat des industriels des agroéquipements, pour soutenir la coordination et l'utilisation efficace des fonds alloués ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Avant de vous présenter la stratégie du Gouvernement en matière de sobriété, d'usage et de réduction des risques des produits phytosanitaires, je rappelle brièvement les autres thématiques de mon portefeuille relatif à la transition énergétique et écologique de notre modèle économique : biomasse, photovoltaïque, méthanisation, sobriété des autres intrants agricoles, tels que l'eau et les engrais, industrie agroalimentaire et bonne mise en œuvre de la loi Egalim pour ce qui est des négociations commerciales et de la restauration collective, et enfin enjeux liés à la recherche, au développement et à l'innovation dans le cadre de la mise en œuvre du plan France 2030. Je répondrai à toute question que vous pourriez également avoir sur ces sujets.

La stratégie du Gouvernement pour réduire les risques et les usages des produits phytosanitaires porte un nom : Écophyto 2030. Je commencerai par rappeler le contexte dans lequel s'inscrit cette politique publique.

Le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité constituent une cause majeure de la crise agricole que traversent la France comme d'autres pays en Europe et dans le monde, tels que le Canada, l'Inde ou le Maroc – autant de pays aux écosystèmes et aux agricultures différents, mais qui connaissent tous une vive inquiétude. Nos agriculteurs sont les premiers témoins et les premières victimes du dérèglement climatique, qui pèse sur leurs rendements et donc sur leurs revenus. Dans ce contexte d'aléas accrus, il est tentant d'utiliser davantage de produits phytosanitaires puissants pour protéger nos cultures des nouveaux ravageurs et des maladies qui arrivent dans nos climats habituellement tempérés. Cependant, cette solution n'est pas viable à long terme, car l'usage de certains produits phytosanitaires a des conséquences sur notre environnement et notre santé, en premier lieu celle des agriculteurs. À moyen terme, il conduit également à une réduction de la production et des rendements, puisqu'il affecte la biodiversité et les pollinisateurs, en affaiblissant les sols. Je précise que notre vision de l'impact des produits utilisés en 2024 n'est pas exhaustive, car la science avance progressivement sur ces sujets.

La stratégie Écophyto 2030 du Gouvernement repose sur trois éléments clés : une ambition environnementale intacte, un financement inédit de 1 milliard d'euros et un changement de méthode.

L'objectif, tout d'abord, est ambitieux : réduire les usages et les risques des produits phytosanitaires de 50 %. Sur ce point, nous ne dévions pas de l'ambition de nos prédécesseurs.

Pour la première fois, en revanche, nous allons allouer des moyens financiers, scientifiques et humains considérables à la recherche et au développement, ainsi qu'à l'accompagnement des agriculteurs. Un montant de près de 1 milliard d'euros va ainsi être consacré à la recherche de solutions alternatives, soit 250 millions par an sur trois ans au titre de la transition agroécologique, et 300 millions au titre de France 2030. Ces montants sont inédits et sans équivalent en Europe.

Par ailleurs, nous faisons évoluer la méthode sur deux points. Tout d'abord, nous allons rassembler l'ensemble des acteurs pour trouver des solutions. C'est dans cet esprit que j'ai lancé le comité des solutions le 15 mars dernier. Celui-ci réunit la recherche, les instituts techniques, les autorités de régulation, les organisations professionnelles et les filières. Il a pour mission d'objectiver et d'apporter des solutions aux difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs en matière de protection des cultures, dès la campagne 2024. Cette initiative repose sur l'examen de toutes les cultures – ail, oignon, cerise, noisette, etc. – d'ici début juillet.

Le comité des solutions identifie également les distorsions de concurrence liées à l'utilisation en France de produits phytosanitaires différents des autres États membres, et sélectionne parmi les produits utilisés par nos voisins ceux qui présentent un profil favorable en matière d'efficacité et de risque et que nous aurions intérêt à rendre accessibles en France, par reconnaissance mutuelle ou par extension d'usage.

La même méthode est mise en œuvre avec le Parsada (plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures). Ce dispositif, doté de 146 millions d'euros par an pendant trois ans, vise à anticiper avec les agriculteurs les risques d'impasse à venir et à développer des solutions. Quatorze thématiques font d'ores et déjà l'objet de dépôts de projets portés par nos organismes de recherche, nos centres techniques et nos filières.

Enfin, travailler ensemble signifie également élargir nos connaissances sur l'impact des produits phytosanitaires sur la qualité de l'eau et de l'air et sur les insectes pollinisateurs, et mieux étudier les « effets cocktails ». Nous consacrons des moyens inédits à tous ces sujets, afin que la boussole soit la science, et non l'émotion ou l'indignation.

Le deuxième changement de méthode majeur consiste à agir en Européen. Cela implique d'utiliser le seul indicateur utilisé par les vingt-six autres États membres de l'Union, à savoir l'indicateur de risque harmonisé HRI 1, et de confier une mission à l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), afin qu'il réfléchisse avec ses homologues européens aux moyens d'améliorer cet indicateur.

Agir en Européen, c'est arrêter de prendre des décisions nationales qui ne correspondent pas au rythme européen, mais aussi encourager l'Europe à prendre les bonnes décisions. Agir en Européen, c'est prôner un agenda ambitieux d'accélération des homologations des solutions les plus prometteuses, telles que les nouvelles techniques génomiques, le biocontrôle et la biostimulation. C'est vouloir une plus grande homogénéisation de la réglementation et l'approbation directe par l'Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) des autorisations de mise sur le marché (AMM). C'est faire des solutions alternatives aux produits phytosanitaires un axe d'investissement prioritaire pour la Commission européenne, comme nous l'avons fait avec la batterie électrique ou l'hydrogène. C'est, enfin, exiger pour les produits importés des clauses miroirs et des clauses de sauvegarde cohérentes avec les contraintes sanitaires et environnementales que nous imposons à nos agriculteurs.

La publication de la stratégie Écophyto 2030 marque ainsi un tournant dans notre façon d'aborder la transition vers une agriculture plus sobre en intrants. Nous avons toutefois encore du travail devant nous.

D'abord, et pour répondre à la volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre, je vous confirme que nous souhaitons qu'un texte législatif vienne rapidement concrétiser nos engagements autour de la séparation entre la vente et le conseil stratégique. Dans la pratique, la vente-conseil présente des limites, car elle ne correspond pas à la réalité des relations entre les agriculteurs et ceux qui les accompagnent au quotidien. Ce fonctionnement n'est pas satisfaisant, car il place les agriculteurs dans une position de risque juridique et nous prive d'un suivi qui nous permettrait de mieux atteindre nos objectifs.

J'ai donc lancé le 18 avril dernier, en lien avec les acteurs du conseil et de la vente ainsi qu'avec les représentants agricoles, une mission visant à proposer un nouveau conseil et à adapter la séparation de la vente et du conseil. Nous proposerons également un nouveau conseil stratégique, facultatif et simple d'accès pour les agriculteurs. Il sera fondé sur une approche plus globale de la transition agroécologique et de la sobriété des intrants, incluant notamment les sujets de décarbonation, de fertilisation, d'usage de l'eau ou d'adaptation au dérèglement climatique.

Ce texte s'appuiera sur les différents travaux parlementaires, notamment le groupe de travail des députés Travert et Potier sur le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques – comme nous l'avons déjà fait dans le cadre de la stratégie Écophyto 2030 en reprenant l'essentiel des recommandations de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires menée par les députés Potier et Descrozaille, que je remercie pour leur investissement et leur expertise sur ces sujets.

Pour mémoire, sur les vingt-six recommandations proposées, six n'ont pas été reprises, principalement parce qu'elles sont suivies en dehors de la stratégie. Il s'agit notamment du registre électronique centralisé, de la loi foncière, de l'adaptation du dispositif HVE (Haute Valeur environnementale), de l'expérimentation phytiatre et de l'anticipation de la révision du plan stratégique national. Deux recommandations sont en cours d'expertise, concernant la possibilité d'utiliser les marchés publics comme levier de la transition agroécologique et la réforme du conseil stratégique. Enfin, dix-huit recommandations ont été intégrées, totalement ou partiellement. C'est le cas des mesures miroirs à défendre au niveau européen. Cette audition est aussi pour moi l'occasion d'écouter les priorités de la représentation nationale sur ces sujets phytosanitaires dans le cadre de la préparation du texte.

Parmi les autres échéances à venir, je signale également la tenue, d'ici l'été, d'un comité d'orientation stratégique Écophyto et le lancement, avec mes collègues chargés de l'environnement et de la santé, d'un travail sur la protection des captages d'eau potable, auquel seront associées les collectivités locales et les autres parties prenantes. C'est un enjeu qui dépasse la stratégie Écophyto 2030, les sources de pollution étant multiples et parfois associées à des politiques du passé. Notre objectif est d'assurer une consommation d'eau potable de qualité dans la durée. Pour cela, il nous faut travailler ensemble à l'anticipation des risques sur les captages autorisés et construire une politique pragmatique de protection et de dépollution.

La nouvelle stratégie Écophyto 2030 fait ainsi le pari de l'intelligence collective et de la mobilisation. Elle permet à notre pays de produire l'alimentation de sa population, tout en protégeant la santé de ses citoyens et l'environnement. Elle positionne la France en leader en matière de transition écologique. C'est en unissant nos forces, en investissant dans la recherche et l'innovation, ainsi qu'en accompagnant nos agriculteurs vers des itinéraires techniques plus respectueux, et en leur faisant confiance que nous pourrons transformer notre système agricole, au bénéfice de tous.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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La question des produits phytosanitaires est extrêmement importante et touche beaucoup d'acteurs dans le pays. Or, les inexactitudes sont nombreuses et il me semble important de prendre le temps de définir le sujet. Merci d'avoir mentionné les travaux du président Travert et de Dominique Potier sur la vente-conseil et ceux de la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de mener avec le même Dominique Potier sur les produits phytosanitaires.

Le comité des solutions me semble être de nature à conjurer le défaut de coordination interministérielle que nous avions relevé, l'action publique étant trop souvent conduite en silo. Pourriez-vous nous en dire plus, même si ce comité est très récent, sur sa composition et ce que vous en attendez en matière de changement de culture ? Certains acteurs ne fonctionnent pas de façon suffisamment coordonnée – il en va ainsi du réseau Dephy avec le réseau des chambres ou l'Office français de la biodiversité. À cet égard, la dimension collégiale du comité me semble très intéressante.

Ma deuxième question porte sur le machinisme. Je crois qu'il faut politiquement assumer, comme le fait le groupe Renaissance, qu'il n'y a pas de renoncement à la compétitivité de notre agriculture et qu'il y aura à l'avenir des investissements. Le mot d'industrialisation est perçu à tort de manière péjorative. Or, au-delà des NBT (New Breeding Techniques) que vous avez citées – sujet important sur lequel les Américains prennent beaucoup d'avance – des solutions comme le désherbage mécanique et la pulvérisation de précision sont aussi des moyens d'atteindre les objectifs d'Écophyto 2030. Les acteurs du machinisme font-ils bien partie du comité des solutions et, plus largement, de la stratégie présentée ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Le comité des solutions réunit l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse de la recherche fondamentale avec l'Inrae, de l'Association de coordination technique agricole, des centres techniques pertinents culture par culture, des organisations professionnelles agricoles, de leurs experts par culture et des filières correspondantes, de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et de la direction générale de l'alimentation, secrétaire du comité.

L'objectif est bien de sortir des postures de chacun, pour étudier de manière froide et clinique la pharmacopée dont dispose l'agriculteur français par type de culture, puis la pharmacopée dont dispose son voisin européen le plus comparable, afin de constater les écarts. Il est à noter que ces derniers ne sont souvent pas d'origine réglementaire française, du moins pas directement, excepté pour les néonicotinoïdes et assimilés. Il s'agira ensuite de voir si les écarts sont justifiés et s'il serait intéressant de proposer des extensions d'usage ou des reconnaissances mutuelles.

Le machinisme fait par ailleurs totalement partie de la stratégie Écophyto 2030.

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La stratégie Écophyto 2030 récemment dévoilée, même si elle marque l'infléchissement bienvenu d'un plan qui équivalait jusqu'à présent à un suicide de l'agriculture française, suscite toujours des interrogations. Nous saluons évidemment l'abandon du Nodu (nombre de doses unités), que vous avez longtemps refusé malgré les faiblesses évidentes de cet indicateur qui, ne distinguant pas les produits phytosanitaires en fonction de leur dangerosité, aboutissait à conclure contre toute évidence que leur usage dans l'agriculture française ne diminuait pas. Le choix a cependant été fait de maintenir l'objectif de réduire de moitié l'usage de produits phytosanitaires dans l'agriculture par rapport à la période 2015-2017, sans que ne soit jamais expliqué ce sur quoi il se fonde scientifiquement, sachant par ailleurs que cet objectif a été abandonné au niveau européen.

Alors que les données relevées par l'Efsa mettent chaque année en lumière un risque sanitaire lié aux produits phytosanitaires proche de zéro pour les consommateurs, quelle est l'utilité de poursuivre cet objectif, dans un contexte où nos agriculteurs sont excédés de se voir demander d'être plus vertueux que ne le sont leurs homologues partout dans le monde ?

À ce sujet, comment justifiez-vous le décalage flagrant du plan Écophyto, même substantiellement amendé, avec l'engagement pris de ne plus opérer de surtransposition des prescriptions européennes dans notre droit français ?

En outre, peut-on toujours s'orienter vers une hypothétique fin du glyphosate, alors qu'aucune autre option satisfaisante ne semble se dessiner dans l'avenir proche, sachant que l'autorisation de cette molécule sur le marché européen a été prolongée jusqu'en 2033 et que, même à terme, sa disparition relève pour l'instant de l'utopie ? Quelle est votre stratégie à ce sujet ?

Enfin, nos agriculteurs sont privés de nombreuses substances, qui ne font l'objet d'aucune interdiction au niveau européen. C'est le cas de l'acétamipride, largement utilisé par nos voisins de la filière betteravière contre le puceron, ainsi que dans de nombreuses autres filières comme celles de la noisette – vulnérable à certains ravageurs tels que la punaise diabolique – ou de certains fruits. L'Italie utilise de l'acétamipride et exporte sur notre sol de la noisette, sans parler de la Turquie. Nos agriculteurs ne peuvent pas continuer ainsi : quel est votre regard sur leurs demandes légitimes ?

Nous appelons à un changement radical, et non à un simple toilettage se contentant de limiter les effets les plus néfastes du plan arrêté lors de la dernière décennie. L'agriculture française est l'une des plus vertueuses au monde et demande avant toute chose ce que vous lui refusez jusqu'à présent, à savoir de la confiance.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Je suis un peu perdue dans vos arguments. Marine Le Pen déclarait le 28 novembre 2017 : « je considère que Monsanto est une entreprise criminelle. Ces entreprises qui, en toute connaissance de cause, empoisonnent notre santé et celle de nos enfants. » Elle disait aussi : « Voyez les pesticides, herbicides et autres phytosanitaires, dont le résultat économique est sans aucun doute négatif une fois pris en compte tous les effets secondaires. » Elle attaquait alors la décision de la Commission européenne de renouveler l'autorisation du glyphosate.

Nous, nous sommes dotés d'une continuité, à la fois idéologique et dans la mise en œuvre de nos politiques. Nous avons retenu le principe « pas d'interdiction sans solution », ce qui impose de travailler sur les solutions et d'anticiper les risques d'interdiction. Concernant le glyphosate, nous avons une approche d'évaluation comparative qui permet d'adapter nos usages à l'émergence de solutions alternatives aux produits utilisés et de renforcer les liens entre les instituts européens. Nous devons également renforcer la recherche, mais en accompagnant les agriculteurs tout le long de la mise au point des solutions alternatives, afin qu'ils puissent passer les une, deux, trois ou quatre années qu'elle durera.

En revanche, vouloir interdire tous les produits phytosanitaires il y a sept ans et vouloir désormais tous les autoriser, ce n'est pas sérieux.

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Les différents plans Écophyto lancés depuis 2008, censés réduire l'usage des produits phytosanitaires, l'ont vu au contraire augmenter. Un rapport du réseau PAN Europe révèle que les quantités de Pfas (substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées) vendues en France ont plus que triplé entre 2008 et 2021 – passant de 700 à 2 300 tonnes. Un rapport du Sénat d'avril 2023 sur l'avenir de l'eau souligne que la principale cause de non-conformité des eaux de surface est la présence de résidus de pesticides. Un article du Monde paru la semaine dernière rapporte que les pesticides et leurs métabolites sont la première source de contamination des eaux souterraines : près de 20 % des stations dépassent les normes autorisées.

Dès 2020, la Cour des comptes confirme l'échec des plans Écophyto, malgré des fonds publics importants, et appelle l'État à peser sur les modes de production et les filières. En avril 2023, le Sénat écrit : « la lutte contre la pollution doit se faire à la source », ce qui passe par « l'édiction de normes strictes ». « Le meilleur moyen de préserver la qualité des eaux de surface comme des eaux souterraines […] est d'abord de ne pas produire de polluants ».

Par ce nouveau plan Écophyto, le Gouvernement n'en prend pas le chemin. Vous dites que l'important n'est pas d'aller vers le zéro pesticide, mais de réduire les produits phytosanitaires les plus à risques. Mais, même à propos de cet objectif, le conseil scientifique et technique du plan Écophyto vous décerne un zéro pointé. Composé de chercheurs et d'ingénieurs nommés pour leur connaissance du sujet, il a rendu en mai une étude sur le nouvel indice européen quantifiant les usages et les risques des pesticides, résumée ainsi : « le HRI n'est un bon indicateur ni du risque, ni des pratiques, donc il ne répond à aucun des critères demandés par la directive européenne ».

Cour des comptes et Sénat incitent à ne plus faire usage des pesticides, mais qu'à cela ne tienne : votre futur plan Écophyto est plus inopérant que ses prédécesseurs. L'ancien indicateur rendait compte de l'usage effectif des produits phytosanitaires, le HRI permettra de vendre une baisse de consommation qui n'existe pas. Vous abandonnez toute ambition de réduction des usages de pesticides, au mépris de la qualité de l'eau, de la santé publique et de la transparence que vous devez aux citoyens. Quand le Gouvernement fera-t-il passer la santé avant les profits ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Contrairement à ce que vous indiquez, le plan Écophyto 2030 prend des mesures inédites, à commencer par la multiplication par six des budgets. Il me semble que c'est une évolution qui mérite d'être reconnue. Lorsqu'une autre majorité, de gauche, était au pouvoir, le budget était donc six fois moins élevé et essentiellement alimenté par la redevance pour pollution – qui, au passage, perdure.

Vous avez évoqué l'édiction de normes strictes. Le comité des solutions montre que, culture par culture, nous avons en France les normes réellement appliquées parmi les plus strictes. La synthèse sera disponible au mois de juillet.

Enfin, vous parlez avec raison de la qualité de l'eau, puisqu'un tiers des captages ont été fermés ces dernières années, ce qui constitue une alerte collective dont doivent se saisir à la fois les collectivités locales, les acteurs potentiellement pollueurs et la puissance publique. Sur ce sujet, nous avons un plan que j'ai déjà évoqué et qui couvre également les situations du passé, car les métabolites que vous avez mentionnés sont issus de produits parfois interdits depuis vingt ou trente ans.

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Le principal problème du plan Écophyto réside dans son indicateur, le Nodu, qui n'est pas utilisé par les autres pays européens. Il ne prend pas en compte la trajectoire de progrès des agriculteurs, alors qu'en dix ans, la profession a réduit de 50 % l'usage des antibiotiques dans l'élevage et de 90 % l'usage des pesticides cancérogènes. Comment réconcilier l'agriculture et l'écologie si nous continuons de stigmatiser une profession qui réalise des efforts constants ?

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France avait déjà pris des initiatives significatives avec le premier plan Écophyto, lancé en 2008 dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Cette approche équilibrée entre ambition environnementale et soutien économique aux agriculteurs avait permis de poser les bases d'une agriculture plus durable, sans compromettre la compétitivité du secteur. Cependant, le plan Écophyto II, lancé en 2015, a échoué à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, démontrant une déconnexion entre les ambitions et les réalités du terrain. Sa rigidité a mis en difficulté de nombreux agriculteurs, à qui il n'offrait pas de solutions alternatives. Il est impératif de ne pas répéter ces erreurs.

Notre groupe insiste sur la nécessité d'une approche pragmatique et réaliste. La mise en œuvre du plan Écophyto tel qu'il était envisagé posait de nombreux défis économiques et techniques aux agriculteurs. Nous devons veiller à ce que chaque interdiction de produit soit accompagnée de solutions alternatives viables, sur le plan tant de l'efficacité que du coût. Il est crucial de ne pas créer de distorsions de concurrence avec nos voisins européens et de préserver notre souveraineté alimentaire. Nous appelons à renforcer significativement les investissements dans la recherche et le développement de solutions alternatives, à accélérer leur mise à disposition et à garantir un accompagnement financier et technique adéquat pour les agriculteurs. Enfin, il est vital de maintenir un dialogue ouvert avec les agriculteurs pour s'assurer que les politiques soient pragmatiques et applicables. Madame la ministre, nous vous exhortons à prendre en compte ces considérations dans la révision du plan.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Il me semble que vos exhortations sont entendues. Un dialogue ouvert avec les agriculteurs est bien l'enjeu du comité des solutions et du travail que nous menons sur le Parsada. Les moyens de la recherche sont bien renforcés, puisque le milliard d'euros que nous y consacrons en trois ans est inédit : ni le plan du président Sarkozy, ni celui du président Hollande n'atteignaient un tel niveau – et les deux ont manqué leur trajectoire. Éviter de créer des distorsions de concurrence est bien un objectif que nous voulons prôner au niveau européen, et j'espère que tous les groupes qui défendent une vision pour les élections européennes auront également à cœur de le promouvoir.

Enfin, vous avez raison d'attirer l'attention sur le fait que le HRI 1 est le seul indicateur utilisé au niveau européen. C'est parce qu'il est imposé depuis 2018 aux vingt-sept pays européens que nous le retenons aujourd'hui. Cela dit, nous en voyons aussi les vulnérabilités. Comme tout indicateur, il est imparfait. Le Nodu l'était également, ce qui explique sans doute que les autres pays européens n'aient pas du tout eu l'intention de le reprendre dans le règlement SUR sur l'usage durable des pesticides. C'est pour cela que nous proposons de charger l'Inrae et ses homologues scientifiques européens d'émettre des propositions afin d'améliorer le HRI 1.

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Dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation agricole que nous avons adopté hier, nous avons réaffirmé l'objectif de 21 % de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique à l'horizon 2030. Nous avons ainsi cinq ans pour doubler les terres cultivées en bio dans un contexte de marché difficile, marqué par l'inflation et une instabilité des cours des matières premières. Alors que la France n'est pas parvenue à atteindre son objectif précédent, de 15 % en 2022, ce vote nous engage et nous oblige à créer les conditions de la réussite de cette transition écologique.

J'aimerais savoir si le Gouvernement a pu élaborer un échéancier annualisé des objectifs et des moyens, ainsi que de l'évaluation qui sera menée au cours des cinq prochaines années. Le cas échéant, serait-il prêt à en répondre chaque année devant le Parlement ?

Enfin, le réseau des fermes Dephy est aujourd'hui un formidable outil pour tester et faire valider des modes d'exploitation sans produit phytosanitaire. Pouvez-vous décrire la manière dont envisagez d'étendre ce modèle à l'avenir ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Le projet de loi d'orientation agricole, dont la première lecture s'est soldée par un vote franc hier, traduit effectivement une ambition pour le déploiement de l'agriculture biologique. Marc Fesneau, qui la défend tout particulièrement, a annoncé des crédits de 90 millions d'euros. L'objectif est de sécuriser les revenus autant que possible – objectif commun avec la loi Egalim –, d'accompagner les agriculteurs avec des aides et de lancer la réflexion sur les difficultés que certains rencontrent dans leur conversion ou leur maintien en bio.

Les fermes Dephy sont effectivement un instrument formidable pour tester certaines solutions en conditions réelles. Nous voulons nous appuyer sur elles, et nous y mettons les moyens : leur développement, comme celui d'autres formes d'associations et de tests, est au programme du milliard d'euros que j'évoquais. L'enjeu est aussi de « dérisquer » les projets, c'est-à-dire de permettre à des agriculteurs de tester des itinéraires techniques nouveaux, en sachant qu'ils seront accompagnés si les résultats ne sont pas au rendez-vous – d'autant que certains de ces itinéraires reposent sur des assolements qui peuvent durer plusieurs années, avec des retours d'expérience sur le temps long.

J'insiste sur le fait que l'on ne remplacera pas une molécule par une molécule. Face à chaque problématique de fongicide, d'herbicide ou de ravageur, il faut des réponses multifactorielles : nouveaux assolements, sélection variétale, pratiques agronomiques révisées, travail sur la qualité des sols, sur le biocontrôle et les biostimulants… Ces sujets sont passionnants du point de vue de l'innovation, mais extraordinairement complexes.

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Je tiens tout d'abord à rappeler la totale disponibilité du groupe socialiste pour coopérer sur ces questions en vue d'atteindre enfin des résultats. En introduction du rapport de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires, on lit : « 2013-2023 : une décennie (presque) perdue ». Notre objectif commun est qu'en 2030, un plan Écophyto 2040 ne soit pas nécessaire parce que nous aurions échoué.

Réussir ensemble suppose un effort de vérité. Première vérité : le contexte. La révision – pour ne pas dire le massacre – du Pacte vert pour l'Europe, opérée il y a moins d'un mois, et le fait que le projet de loi d'orientation agricole fasse l'impasse – voire régresse – sur les questions environnementales, l'adaptation au dérèglement climatique et une régulation du foncier qui porterait en elle la promesse d'une véritable agroécologie, créent un contexte totalement défavorable à la poursuite de l'objectif que vous affichez aujourd'hui.

Le deuxième point d'honnêteté concerne les indicateurs. On ne peut pas prétendre poursuivre le même objectif lorsqu'on change d'indicateur : il faut arriver à s'avouer qu'on a au moins réduit son ambition. On se retrouve automatiquement avec de meilleurs chiffres, mais l'échec reste manifeste, avec un Nodu qui était de 82 millions d'hectares lors du Grenelle de l'environnement et qui est de 83 millions d'hectares en 2024. Je salue le fait que vous engagiez une réforme du HRI 1, dont les défauts sont évidents, mais il fallait maintenir le Nodu pour préserver une traçabilité de nos efforts et une véritable évaluation de nos politiques publiques.

Nous n'avons pas non plus apprécié, dans la communication gouvernementale, les rebasages calendaires qui prêtent à la majorité actuelle des résultats qu'elle n'a pas obtenus depuis 2017. La vérité est que l'évaluation commence à partir du Grenelle de l'environnement et qu'elle est globalement un échec. Chaque gouvernement y a pris sa part. Votre gouvernement n'a pas mieux réussi que les précédents – c'est mieux de le dire.

Enfin, nous nous réjouissons que vous ayez repris de nombreuses propositions de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires et des travaux que nous avons menés avec Stéphane Travert. Toutefois, il est important de faire la vérité sur ce qui est effectivement repris, et nous souhaiterions certains éclaircissements. Qu'appelez-vous des politiques d'évaluation françaises et européennes revisitées ? Les relations entre l'Efsa et l'Anses sont complexes, et il faudra faire la lumière sur ce point, comme sur le slogan délétère et faux « pas d'interdiction sans solution » – car le vrai moteur de la baisse des produits phytosanitaires a résidé dans des interdictions. Enfin, nous aimerions des clarifications à propos de la gouvernance et des financements – les travaux de la commission d'enquête rendent dubitatif sur votre affichage – ainsi que sur le conseil, qui sera l'objet d'un travail législatif auquel j'espère que nous serons associés.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Je suis très ouverte à cet effort de vérité. Par exemple, le Pacte vert pour l'Europe n'est pas remis en question : c'est la politique agricole commune qui connaît des assouplissements. En tant qu'habitante du Pas-de-Calais, territoire qui a connu de fortes inondations, je constate que lorsqu'il pleut continûment du 15 octobre au 15 mars et qu'il est impossible de faire les semis, la couverture d'hiver ou l'entretien des haies, il faut prendre des dérogations pour cas de force majeure. Autrement dit, avoir une ambition environnementale, ce n'est ne pas être procédurier – le projet de loi d'orientation agricole adopte la même démarche. Faciliter et accélérer les recours et les contentieux pour que les porteurs de projet sachent ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, c'est faire gagner du temps à tout le monde. J'ai agi en ce sens dans la loi sur les énergies renouvelables, et je me réjouis que le ministre Fesneau en ait fait de même pour les bâtiments d'élevage et certains ouvrages. Par ailleurs, le droit environnemental n'a pas changé : les évaluations, les autorisations et le principe « éviter, réduire, compenser » figurent toujours dans notre droit. Nous nous donnons simplement les moyens de dire oui ou non à un projet.

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Comme Dominique Potier, je voudrais revenir sur certains points en lien avec la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires.

Vous dites qu'il existe une réflexion concernant le rôle de l'Efsa, en rapport avec l'Anses. Or, les avis scientifiques émis par l'Efsa font ensuite l'objet d'une autorisation de l'Union européenne. À cet égard, le problème de fond est celui des AMM, qui sont prises dans chaque État en fonction du climat, du sol et d'autres critères. Comment voyez-vous cette évolution ?

Avez-vous l'intention de traiter la séparation de la vente et du conseil, qui est bienvenue, dans une proposition de loi ou dans un projet de loi ? La différence est fondamentale. Nous avons besoin de l'étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État, d'autant qu'il existe actuellement un certain flou par rapport aux objectifs en matière de contenu des certificats d'économie de produits phytosanitaires. Jusqu'où doit-on aller ?

Troisièmement, défendrez-vous l'exigence issue de la commission d'enquête d'une réduction de moitié des produits phytopharmaceutiques tels qu'ils sont conçus dans le cahier des charges HVE ?

Aussi, il me semble que vous n'avez pas été très claire à propos du pilotage public. Le comité des solutions sera-t-il rattaché au secrétariat général à la planification écologique (SGPE), sous l'autorité du Premier ministre ? Qui le pilotera ? La commission d'enquête a montré l'importance de ce sujet.

Enfin, l'agroalimentaire et la grande distribution imposent parfois aux producteurs des cahiers des charges incompatibles avec les réglementations. Que pensez-vous de ce problème ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

S'agissant des relations entre l'Efsa et l'Anses, l'objectif, partagé avec l'Anses, est de remonter autant que possible les AMM au niveau de l'Efsa. L'idée est que l'Anses puisse exercer son travail de report et d'analyse auprès de l'Efsa. Cette position n'est pas largement partagée par les autres États membres à ce jour. Cela suppose donc un travail d'alignement important.

Il semble néanmoins possible d'avancer rapidement sur l'accélération des homologations, et peut-être des AMM relatives au biocontrôle et à la biostimulation. Un chapitre du règlement SUR sur ce sujet semblait faire consensus : accélérer sur ce point permettrait d'ouvrir le sujet de l'homogénéisation. Par ailleurs, le guide méthodologique de l'Efsa doit être actualisé avec les dernières innovations, notamment s'agissant de l'agriculture de précision, et être appliqué partout. Nous allons travailler avec la Commission européenne pour essayer de parvenir à des évolutions sur différents sujets.

À propos de la séparation de la vente et du conseil, j'attends le retour du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, prévu pour début juin. Intuitivement, il me semble que nous nous orientons plutôt vers un projet de loi, sauf si la représentation nationale se saisit du sujet.

Concernant le pilotage public, le comité des solutions est aujourd'hui piloté par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, car nous restons dans le cadre des législations existantes.

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À propos du nouvel indicateur européen, vous avez évoqué une mission de l'Inrae visant à proposer des modifications. Avez-vous déjà une idée des éléments que la France défendra à ce sujet ?

À propos de la stratégie globale, outre l'objectif historique de réduction de moitié des produits phytosanitaires, qui n'a encore jamais été atteint, des objectifs plus ciblés sur la réduction des risques pour la santé et l'environnement sont-ils envisagés, comme cela avait été préconisé à l'échelle européenne dans le passé, sans être spécifiquement mis en œuvre dans le plan Écophyto II+ ?

Enfin, les agriculteurs qui nous entendent parler de clauses miroirs et de concurrence lointaine s'interrogent parfois sur la cohérence de tout cela avec la réalité. Il peut exister des usages différents de part et d'autre d'une frontière, entre deux agriculteurs parfois distants de quelques centaines de mètres – nous le voyons tous les deux dans le Nord. Comment entendez-vous conduire les discussions à l'intérieur de l'Union européenne à ce propos ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Tout d'abord, à propos de l'indicateur, je rappelle que nous continuons à calculer le Nodu pour avoir une cohérence statistique intertemporelle. Le HRI 1 est quant à lui retenu comme référence pour notre trajectoire.

Au sujet de la mission de l'Inrae, je n'ai pas d'idée préconçue sur les options qui seront envisagées par les scientifiques. Je sais simplement que le HRI 1 a cela d'intéressant qu'il prend en compte la nocivité des produits. Sa faiblesse est en revanche que les facteurs associés à la nocivité ne sont pas complètement fondés scientifiquement.

À propos des objectifs ciblés de réduction des risques pour la santé et l'environnement, nous suivons particulièrement la réduction des CMR1 et CMR2, les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, qui ont respectivement diminué de 95 % et de 30 % depuis 2015 – attention, je rappelle que les reclassements de CMR1 et de CMR2 modifient parfois les bases de comparaison. En tout état de cause, l'objectif est bien de procéder de façon ciblée et, dans les statistiques que nous continuerons de publier, nous distinguerons bien chacun de ces postes.

Enfin, les usages qui diffèrent au sein de l'Union européenne sont très précisément l'un des enjeux du comité des solutions. Début juillet, nous aurons une vision très claire des écarts entre la pharmacopée d'un agriculteur par exemple belge par rapport à celle d'un agriculteur français. Ces écarts sont souvent liés à des politiques industrielles différentes : ainsi, un industriel peut ne pas avoir déposé une AMM en France, ou ne pas avoir élargi une AMM à telle ou telle culture dans son dossier français. De nombreuses circonstances peuvent expliquer ces écarts, qui ne sont pas voulus par le politique mais tiennent à l'application concrète du processus d'homologation. D'où l'intérêt d'homogénéiser, autant que possible, les AMM, la difficulté résidant dans les différences pédoclimatiques entre les pays.

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« Nous placerons la France en tête du combat contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides. Ils sont l'une des principales causes de l'augmentation des cancers des enfants depuis vingt ans. » « Nous définirons un calendrier prévoyant l'élimination progressive des pesticides. » « Notre agriculture doit réduire sa dépendance aux intrants chimiques qui polluent nos sols, nos cours d'eau et nos nappes. » « Nous avons, sur tous ces sujets, subi ces dernières années trop de pressions, trop d'intérêts cachés et des expertises industrielles qui ne sont en rien des expertises scientifiques. »

« [Le glyphosate,] tout le monde sait que ce n'est pas bon, on le sait très bien. Je veux dire, donnez-moi le rapport qui me dit que le glyphosate est une bonne chose. »

Ainsi parlait Emmanuel Macron récemment. Or, vous venez nous présenter un plan non plus Écophyto, mais « Prophyto » ; une capitulation, dans le prolongement du renoncement à l'interdiction du glyphosate et de votre loi de réautorisation des néonicotinoïdes.

Quelle est l'explication d'un revirement aussi spectaculaire ? Ce n'est pas la science. Il suffit de se référer à la dernière expertise collective de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), aux travaux sur les preuves de l'impact des pesticides sur l'effondrement de la biodiversité, ou encore à l'avis de la majorité des membres du conseil scientifique et technique du plan Écophyto sur le HRI. Ce n'est pas non plus la pression du business et la classique résistance aux changements des lobbys de l'agrochimie – elle n'a jamais cessé depuis l'invention du poison des pesticides de synthèse. Ce n'est pas un changement de position de la FNSEA, qui demande du temps depuis dix-sept ans. Ce ne sont pas non plus les sondages, puisqu'une opinion majoritaire est au contraire pour la sortie des pesticides, et à 80 % pour leur réduction. Parmi les sondés, 66 % trouvent que vous n'agissez pas assez.

Votre retournement total sur le plan des valeurs et du rapport à la science s'explique par votre choix de capituler face à la pression de la droite et de l'extrême droite, et à l'idéologie du backlash environnemental. Ce qui vous a fait changer d'avis, c'est une pression politique, avec sa force de frappe obscurantiste, manipulée par les ingénieurs du chaos de la fachosphère.

Les pesticides sont finalement un miroir terrible pour votre majorité. En une poignée d'années, vous êtes devenus réactionnaires, au sens littéral, c'est-à-dire les partisans d'un retour en arrière. Les conséquences en sont tragiques. C'est une triste évolution pour les parlementaires qui vous soutiennent aveuglément.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Quel qu'eût été le plan Écophyto 2030, je crois que vous auriez rédigé le même texte. J'entends toutefois votre propos et vais vous répondre de manière factuelle.

Ce qui a conduit à nuancer la dangerosité du glyphosate est une méta-analyse de l'Anses, qui ne nous amène pas à revoir notre opinion, mais à adopter une approche comparative : là où nous pouvons nous en passer, nous nous en passons, et là où des solutions alternatives n'ont pas encore été trouvées, nous ne nous en passons pas. Il s'agit bien d'une manière de réduire l'usage des produits phytosanitaires.

Quant à l'absence de résultat, je vous redonne les chiffres : une baisse de 95 % de l'utilisation des CMR1, et de 30 % des CMR2.

Enfin, la science, ce sont les travaux de l'Efsa et de l'Anses, sur lesquels nous nous appuyons. Je ne vois pas de cas où nous nous en soyons éloignés. Les études des lobbys industriels ou écologiques, ce n'est pas la science.

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Vous avez évoqué une enveloppe de 250 millions pour les années 2024 à 2026, dont 146 millions dès la première année dans le cadre du plan Écophyto. En Vendée, dès 2020, la Cavac (Coopérative agricole Vendée approvisionnement céréales) a créé le fonds de dotation indépendant Ohé la Terre, visant à diminuer les intrants chimiques, à financer des actions en faveur de la biodiversité et à aider l'expérimentation de nouvelles pratiques en sécurisant la prise de risque financière. Comment recevez-vous ce genre d'initiatives ? Et pourriez-vous nous faire un point d'étape plus détaillé sur le phasage du plan d'action stratégique ?

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Les députés Perrot et Pilato ont remis en juin 2023 un rapport sur l'usage de l'eau. Dans la proposition n° 24, M. Pilato considère les moyens insuffisants au regard des enjeux et souhaite n'autoriser dans les aires d'alimentation des captages que les projets d'installation en agriculture biologique, afin de limiter le recours aux produits phytosanitaires dans ces zones sensibles. J'aimerais connaître votre avis sur le sujet.

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L'une des principales revendications des agriculteurs lors des manifestations concernait la concurrence déloyale, au niveau européen, entre des pays bien souvent voisins. Notre collègue Francis Dubois fait souvent référence à la filière de la pomme et à l'interdiction de l'acétamipride uniquement en France, mais il y a beaucoup d'autres exemples. Allez-vous permettre à nos agriculteurs d'avoir les mêmes règles que leurs collègues européens ?

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Parmi les outils dont nous disposons pour réduire l'usage des produits phytosanitaires, les PAT (projets alimentaires territoriaux) me semblent intéressants. J'aimerais avoir votre regard sur le sujet.

Par ailleurs, mes collègues ont évoqué à plusieurs reprises la pollution de l'eau et la nécessité de protéger les captages. Ce sujet est important – quinze captages ont été fermés autour de La Rochelle. Le sujet de la pollution de l'air, qui est de la compétence du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, l'est également. Comment travaillez-vous avec eux sur ce point ?

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Nous sortons de l'âge d'or de l'agriculture, issu des grandes lois d'orientation de 1960 et 1962. La société s'est emparée des questions liées à l'agriculture. Face à la baisse des rendements, à l'effondrement de la biodiversité et à la nécessité de protéger la ressource en eau, l'orientation est désormais irréversible : la transition écologique et la production agricole doivent être compatibles.

La stratégie Écophyto 2030 démontre une volonté environnementale et sanitaire, avec l'ambition de réduire de moitié l'utilisation des produits phytosanitaires à l'horizon 2030. Cela ne doit toutefois pas nuire à la souveraineté alimentaire, sacralisée dans la loi d'orientation agricole sous le vocable d'« intérêt général majeur ».

Dans votre propos liminaire, il me semble que vous n'avez pas une seule fois mentionné le terme d'agriculture biologique.

Enfin, je souhaite que l'occasion nous soit donnée de lever le voile, en termes de santé publique, sur les maladies des agriculteurs liées à l'utilisation de produits phytosanitaires.

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La phytopharmacovigilance après une AMM est une innovation française qui a permis de retirer, au-delà des études plus holistiques menées par l'Efsa ou l'Anses, des molécules ayant eu un impact sur la santé ou l'environnement. Pouvez-vous défendre cette idée à l'échelle européenne, comme le proposait la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires ? Vous ne l'avez pas reprise, alors qu'il s'agit d'un véritable trésor français, qui constitue un bon levier de retrait des molécules.

Concernant les clauses miroirs, le groupe socialiste, associé à sept autres, propose une inversion de la charge de la preuve. Êtes-vous prête à étudier cette proposition avec bienveillance ?

Enfin, votre plan vous montre très attachée au techno-solutionnisme. Nous sommes persuadés que 80 % des solutions sont liées à l'agronomie. Avez-vous évalué les montants attribués, dans le cadre du plan France relance, à chaque type d'agriculteurs ainsi que leur efficacité ? Chaque euro compte.

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Les contaminations des cultures biologiques sont l'une des nombreuses difficultés que posent les produits phytosanitaires. Qu'en est-il du fonds d'indemnisation envisagé ? De quelle manière dédommagera-t-on les cultures détruites par des produits aussi volatils que le prosulfocarbe ?

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De nombreux agriculteurs nous interrogent à propos de la lutte contre diverses espèces de pucerons qui ravagent les cultures. Dans un avis en date du 15 mai, l'Efsa a validé le maintien de l'autorisation de l'acétamipride, en recommandant d'approfondir les connaissances techniques sur cette substance et en accentuant le niveau de protection des consommateurs européens. Au regard de cet avis, quelle sera la position de la France ? Surtout, où en est la recherche de solutions alternatives, cruciales pour l'avenir ?

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Lors de l'examen du projet de loi agricole, j'avais proposé de poursuivre une expérimentation autorisée par la loi Egalim, mais arrêtée sans qu'aucun bilan n'ait été effectué. Il s'agit de l'utilisation d'aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne de produits phytosanitaires. Cette expérimentation avait été autorisée jusqu'au 30 octobre 2021. La pulvérisation de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d'une exploitation faisait l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale. Cette possibilité est attendue par les viticulteurs dans certains vignobles difficiles d'accès. Dans le cadre de la nouvelle réglementation des produits phytosanitaires, il me semble que nous devons réfléchir à la possibilité d'intégrer de nouvelles technologies pour soutenir notre agriculture, d'autant que les drones peuvent permettre un épandage plus précis. Le Gouvernement envisage-t-il d'autoriser l'épandage aérien de produits phytosanitaires par drone ?

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Alors que le changement politique en Martinique vers une autonomie alimentaire est en cours, en développant les filières de diversification agroécologique de manière endogène, un constat amer est fait : plus de 80 % de l'aide européenne Posei (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) aux revenus agricoles, soit 95 millions d'euros sur 115, est consacrée à des monocultures de banane et de canne à sucre, contre moins de 5 % pour les productions végétales écoulées sur le marché local. De plus, cette aide profite à moins de 25 % des agriculteurs : 75 % d'entre eux sont abandonnés.

Il est nécessaire de rééquilibrer et de démocratiser l'enveloppe Posei. Cela peut se faire grâce à l'ouverture de l'aide aux revenus au plus grand nombre d'agriculteurs et d'organisations syndicales, à l'expérimentation d'un dispositif d'aide forfaitaire qui encourage l'agroécologie dans l'exploitation de nos terres agricoles, et enfin à la territorialisation de la gestion du Posei, afin de mieux prendre en compte les spécificités locales.

Les modifications du programme Posei sont du ressort de l'État. Mais je dénonce la tentative de blocage du lobby d'agrobusiness Eurodom, qui s'y oppose. Acceptez-vous de nous soutenir et d'accompagner politiquement ces changements ?

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Au sujet du glyphosate, ce n'est pas l'Anses qui fait référence, compte tenu des problèmes déontologiques qu'elle a connus en son sein et de l'incapacité de la France à fournir des données nouvelles dans le cadre de l'Efsa. Le rapport de l'Inserm sur ses impacts sur la santé, lui, est incontestable.

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Les agriculteurs sont les premiers à protéger et à entretenir la nature. Depuis des années, ils réalisent des efforts significatifs pour restreindre l'utilisation des produits phytosanitaires, que nous sommes tous d'accord pour réduire encore dans les usages agricoles. Toutefois, le faire de manière immédiate aurait pour conséquence de fragiliser notre agriculture, d'une part, et de générer de graves distorsions de concurrence avec les pays voisins qui pourraient, eux, continuer à utiliser ces produits. Comme vous l'avez dit, il faut lancer des programmes de recherche et développement pour aider nos agriculteurs dans la réduction ou le remplacement de ces produits par d'autres molécules. Comptez-vous répondre à leurs inquiétudes en inscrivant dans la loi le principe « pas d'interdiction sans solution » ?

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À La Réunion, 15 % des terres sont agricoles, soit environ 39 000 hectares. Les produits phytosanitaires sont utilisés par nos agriculteurs quand ils n'ont pas le choix d'autres méthodes. Néanmoins, La Réunion serait le deuxième territoire de France à utiliser le glyphosate, avec des taux dans l'eau potable vingt à trente fois supérieurs aux normes de l'Organisation mondiale de la santé. Comment comptez-vous aider La Réunion à sortir définitivement du glyphosate, dont on connaît les effets néfastes sur la santé ?

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La contamination des eaux et des sols par les produits phytosanitaires de synthèse est un véritable problème en Bretagne. Le projet Envezh, que j'ai encouragé et qui a été lancé le 22 mars dernier à Ploërmel dans le Morbihan, vise à réduire l'usage de ces produits, tout en préservant la rentabilité des exploitations agricoles. Financé dans le cadre du plan France 2030 et piloté par le CNRS (Conseil national de la recherche scientifique), ce projet unique en France a pu voir le jour grâce à une gouvernance ingénieuse et un cadre d'action inédit. Il réunit vingt-six acteurs publics et privés du Centre Bretagne, impliqués dans les filières agroalimentaires innovantes et faiblement utilisatrices de produits phytosanitaires. Le plan Écophyto 2030 pourrait-il dupliquer ce type d'initiatives locales innovantes, ce qui permettrait de s'adapter aux spécificités des territoires ruraux ?

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Monsieur Buchou, les crédits prévus sont de 250 millions d'euros chaque année pendant trois ans, soit 750 millions au total. Le Parsada représente 146 millions pour la première année et environ autant les suivantes.

J'en profite pour dire au président Travert que j'ai rencontré tout récemment les acteurs des agroéquipements, afin qu'ils soient bien associés à notre démarche. FranceAgriMer a annoncé son planning d'ouverture des différents guichets de soutien à l'agroéquipement le 27 mai, après son conseil d'administration. Le guichet d'aide à l'investissement pour le matériel d'irrigation ouvrira le 30 mai, avec le guichet accompagnant le projet de rénovation des vergers pour développer la production et assurer un renouvellement régulier des espèces et variétés. Un guichet pour le matériel concourant à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires sera ouvert le 3 juin. Un guichet visant à aider à l'achat d'agroéquipements limitant les fuites d'azote ouvrira le 10 juin. Viendront ensuite un guichet pour la décarbonation des serres, puis un guichet concernant les agroéquipements pour les fruits et légumes, le 1er juillet, et enfin un guichet pour les agroéquipements des vergers, le 8 juillet. Ce calendrier d'ouverture très resserré vise à soutenir les investissements des agriculteurs dans les agroéquipements pour contribuer à faire progresser notre trajectoire agroécologique.

J'accueille par ailleurs à bras ouverts l'initiative de la Cavac. Dans le cadre du plan France 2030, nous soutenons des initiatives territoriales qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre ou à améliorer les impacts sur la biodiversité en mettant tous les acteurs autour de la table. L'objectif est bien, Madame Le Peih, d'avoir des cas d'école qui fonctionnent sur des territoires et de les reproduire ailleurs. Comparaison n'est pas raison – les conditions climatiques diffèrent selon les territoires, comme les acteurs – mais ces cas d'école permettent de progresser.

Cela rejoint l'esprit des PAT, au nombre de 400 sur le territoire. Nous avons annoncé au Salon de l'agriculture que nous continuions à soutenir ces plans, en distinguant deux niveaux : ceux qui sont encore en phase d'ingénierie, pour concevoir des politiques intégrées de la ferme à la fourchette, et ceux qui se situent à un niveau plus avancé de mise en œuvre et qui bénéficient de financements renforcés. On voit des réalisations assez exceptionnelles, sur lesquelles il faut pouvoir s'appuyer. Il en sera question lors de la réunion du Conseil national de l'alimentation le 3 juillet prochain. Les enseignements tirés des plans précédents, qui n'ont malheureusement pas atteint leur cible, révèlent en effet que le « faire ensemble » est déterminant. À cet égard, la territorialisation des plans est indispensable.

S'agissant du phasage stratégique, toutes les cultures devraient avoir fait l'objet d'une analyse par le comité des solutions d'ici au début du mois de juillet. Nous serons alors en mesure de partager avec la représentation nationale et l'ensemble des acteurs les pistes de solutions qui se dessinent – reconnaissance mutuelle, extension d'usage… – ainsi que les points de blocage et la réalité des distorsions que les agriculteurs voulaient porter à notre connaissance.

Concernant le Parsada, le guichet d'appel à projets a été ouvert. Quatorze projets ont déjà été retenus en interfilières, notamment autour du désherbage, des ravageurs et des fongicides. D'autres projets sont plus ouverts. Le conseil scientifique du Parsada est en train de les examiner, pour une validation d'ici à l'automne prochain. Le comité d'orientation stratégique du plan Écophyto fera également des points réguliers, le premier étant pour juillet puisque nous devons d'abord renommer ses membres.

J'en profite pour dire que nous publions les données statistiques qui existent, mais que nous fondons notre ambition sur l'indicateur européen. Il s'agit d'une posture politique. On ne peut pas se dire pro-européen en refusant d'adopter l'indicateur européen ; nous acceptons simplement de faire le travail nécessaire pour l'améliorer.

Cela ne signifie aucunement que nous revenons sur notre ambition. En effet, la réduction de 50 % des produits phytosanitaires est une ambition considérable. À la différence des stratégies établies en 2008 et en 2015, elle est étayée par une trajectoire. J'avais procédé de même pour le travail que j'ai mené, sous l'égide de l'ancienne Première ministre, concernant la stratégie nationale bas-carbone, dans le cadre de la planification écologique : on y arrive ou non, mais les objectifs sont fondés. Au contraire, l'objectif de réduction de moitié des produits phytosanitaires était resté purement politique en 2008 et en 2015.

Notre objectif est bel et bien de réduire les usages et les risques liés aux produits phytosanitaires, en conjuguant la protection de notre santé et de notre environnement et le maintien des rendements – étant entendu que le fait d'abîmer les sols et la biodiversité conduit à une baisse des rendements –, ainsi que de réduire notre dépendance aux intrants. Nous menons cette politique avec un plus haut niveau d'ambition que ce qui existait auparavant – et la majorité a prouvé qu'elle était capable d'atteindre de tels niveaux : rappelons que la baisse des émissions de gaz à effet de serre s'est établie l'an dernier à 5,8 %, soit un point de plus que pour l'ensemble du quinquennat Hollande.

S'agissant du projet d'autoriser uniquement des projets d'agriculture biologique dans les zones de captage, Monsieur Alexandre, nous y avons bel et bien réfléchi. Cela peut être une perspective, mais je ne pense pas que cela doive être systématique. Les précédentes années ont montré qu'appliquer des réponses standardisées à des sujets agricoles aussi divers, parce qu'ils sont fonction des territoires et des cultures, n'est pas la bonne approche. Par ailleurs, certaines productions peuvent être exemptes de produits phytosanitaires sans être pour autant biologiques : il suffit pour cela qu'elles ne cochent pas tous les critères du cahier des charges de l'agriculture bio. Attention donc au manichéisme. Inversement, l'agriculture biologique utilise, elle aussi, des produits à risque. Je ne pense pas tant à la bouillie bordelaise – le sujet est instruit, et l'Anses va faire des propositions – qu'au spinosad, un perturbateur endocrinien qui semble plus risqué que certains correspondants de synthèse. À ce sujet, il faut reconnaître que la vérité scientifique s'impose à nous et que nous devons faire preuve d'humilité. Nous ne pouvons pas avoir la prétention de détenir l'ensemble du savoir qui sera accumulé dans les années à venir.

Au sujet de l'acétamipride et de l'homogénéisation des règles au niveau européen, Monsieur Bourgeaux, je rappelle que nous avons formalisé notre position. Dans son avis, l'Efsa préconise de réduire drastiquement les limites de résidus, tout en maintenant la suggestion de réautorisation. Cet avis a fait l'objet d'une note of concern de la Commission européenne, ce qui est très rare. Cela signifie que cette dernière souhaite que l'on approfondisse la question, compte tenu du niveau de risque. Les autorités françaises ont posé plusieurs questions à l'Efsa sur les sujets qui semblaient moins documentés que d'autres dans l'analyse, notamment à propos du rôle éventuel de perturbateur endocrinien de l'acétamipride et de son effet sur les pollinisateurs. Nous en sommes là.

Madame Babault, j'ai répondu à votre question sur les PAT. À propos de la pollution de l'eau et de l'air, il est exact de dire que le ministère de l'agriculture est chargé de la première et le ministère de la transition écologique de la seconde, mais la stratégie Écophyto 2030 est construite en interministériel. Nous avons comme objectif d'améliorer la connaissance de la pollution due aux produits phytosanitaires à la fois dans l'eau et dans l'air, ainsi que celle des effets cocktails. C'est un enjeu essentiel, nous devons renforcer la recherche en la matière.

S'agissant des maladies des agriculteurs liées aux produits phytosanitaires, Monsieur Villiers, le plan Écophyto prévoit un fonds d'indemnisation. Depuis 2020, 1 798 dossiers ont été traités, aboutissant à une indemnisation pour 70 % des agriculteurs. Une étude est prévue pour étendre ce fonds d'indemnisation aux autres personnes en contact avec les produits phytosanitaires. Cela fait partie de l'approche rigoureuse qui est la nôtre.

La phytopharmacovigilance post-AMM, Monsieur Potier, est un point très intéressant, qui doit être lié au registre numérique que souhaite mettre en place la Commission européenne à partir de 2026. Cela figure en creux dans les propositions avancées, mais cela correspond à notre ligne d'ensemble, qui consiste à bien identifier les risques, à les mesurer et à les associer, afin de pouvoir se décider en fonction d'une balance bénéfices-risques.

Les pratiques agronomiques font bien sûr partie des itinéraires techniques testés, notamment dans le cadre des fermes Dephy. Je ne peux pas vous donner le détail des exploitations soutenues et des résultats, puisque les budgets démarrent seulement. Les affectations d'enveloppe du plan France relance sont encore très récentes – entre 2023 et 2024. Ce n'est pas sur une demi-saison que l'on peut mesurer l'impact d'une pratique agronomique. Nous n'en sommes qu'au stade de la validation scientifique des projets. Nous procéderons avec plaisir à l'évaluation, mais en son temps.

À ce propos, j'insiste sur le fait que quand on teste, il faut accepter de se tromper. Certains projets ne mèneront nulle part, mais on peut penser qu'ils nous apprendront des choses. Cela soulève des questions très générales. Ainsi, tout un mouvement se développe actuellement autour de la régénération des sols, contre la pratique du labour, qui est acceptée dans les pratiques bio ; or, pour ne pas labourer, il faut utiliser, même de manière très résiduelle, des produits phytosanitaires. Il faut donc évaluer toutes les pratiques avec nuance. Aucune ne se distingue de manière évidente comme étant la seule à privilégier, même s'il est possible de les hiérarchiser en fonction de leur ambition environnementale.

Ce qui nous fait revenir à une question du président Chassaigne : oui, il faut travailler aussi avec l'industrie agroalimentaire et les distributeurs. Je les incite fortement à adopter des cahiers des charges qui rémunèrent la transition écologique, du point de vue de la décarbonation bien sûr, mais aussi, et à égalité, de la biodiversité. Il est vrai qu'il est beaucoup plus facile de mesurer les tonnes équivalent CO2 évitées – nous disposons d'un thermomètre raisonnablement fiable – que d'évaluer la biodiversité, qui est multifactorielle. En la matière, l'outil le plus solide est celui du Muséum national d'histoire naturelle, mais il requiert une évaluation quasiment pratique par pratique des bénéfices attendus pour la biodiversité. Quoi qu'il en soit, nous poussons à ce que des primes et de la visibilité soient données aux agriculteurs qui s'engagent dans des trajectoires de réduction des produits phytosanitaires et des intrants de type engrais, ou en faveur de la régénération des sols ou des pollinisateurs. C'est l'un des enjeux de la loi Egalim. Des expériences fonctionnent très bien avec des industriels qui ont des contrats pluriannuels rémunérant correctement ces pratiques.

À propos de l'état de la recherche sur les solutions alternatives à l'acétamipride, Madame Marsaud, nous avons à ce jour des pistes sur l'arboriculture et la betterave. Nous réalisons une expérimentation de biocontrôle Agriodor qui est sans équivalent sur le plan européen, sur 500 hectares de betterave sucrière. Elle devrait se poursuivre avec 500 hectares de betterave porte-graine. Je souhaite poursuivre de telles expérimentations en grandeur réelle, qui permettent de disposer rapidement de données. Concernant l'arboriculture, la réponse sera multifactorielle. Il s'agit d'additionner des dispositifs qui éloignent les ravageurs, des filets de sécurité, des biostimulants… Nous commençons à disposer de sommes de solutions permettant de réduire le risque, même si le travail est à poursuivre. Arrêter maintenant, ce serait renoncer à tout ce qui a été fait.

Concernant les dispositifs de traitement par drones, je comprends, Madame Duby-Muller, qu'une proposition de loi a été déposée par la majorité dans le cadre de la semaine de la simplification. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est favorable à la poursuite de cette expérimentation.

À propos du Posei, Monsieur Hajjar, le rapport de la Cour des comptes considère que les soutiens doivent être rééquilibrés en faveur des filières de diversification, avec deux recommandations : introduire une dégressivité des aides et les conditionner aux efforts agroécologiques, d'une part, et favoriser l'organisation des producteurs engagés dans une démarche de diversification, d'autre part. Cette deuxième recommandation est d'ores et déjà mise en œuvre avec un renforcement du programme Posei, dédié aux actions en faveur des productions végétales de diversification. Le Président de la République a annoncé, lors du Salon de l'agriculture, que les crédits passeraient de 45 à 60 millions d'euros, avec un premier étage de la réforme Posei engagé par le lancement d'un cycle de concertations avec les professionnels, appuyé par l'Odeadom (Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer). À l'issue de ces concertations, un diagnostic sera établi à propos de la répartition des aides.

Je prends acte, Madame Batho, des doutes déontologiques que vous avez sur l'Anses. Pour ma part, je faisais référence à une méta-analyse, autrement dit à un travail scientifique. Je vous renvoie par ailleurs aux travaux de l'Efsa. S'ils soulèvent eux aussi des problèmes déontologiques, nous aurons un gros souci, parce que l'Efsa et l'Anses sont nos boussoles en matière scientifique.

Monsieur Vigier, c'est bien le principe « pas d'interdiction sans solution » qui nous guide. C'est pour cette raison que nous avons accéléré la recherche de solutions sur des molécules non interdites. C'est tout l'enjeu du Parsada et du changement de méthode que nous adoptons. Pour éviter des interdictions futures, il faut trouver des solutions aujourd'hui et identifier les molécules qui pourraient faire l'objet d'interdictions demain, par exemple en prêtant attention aux signaux faibles qui pourraient laisser présager un impact supérieur à ce qui est pour l'instant connu. Il s'agit d'une course contre la montre dont l'objet est aussi bien la protection sanitaire des consommateurs et des agriculteurs que celle de l'environnement, étant donné que certains polluants sont quasi éternels, comme le Bonalan.

Monsieur Naillet, je reviendrai vers vous avec mes conseillers sur le sujet de l'accompagnement de La Réunion pour sortir du glyphosate. La politique du glyphosate ainsi que l'évaluation comparative s'appliquent Outre-mer : dès qu'on a une solution, on remplace. Le Parsada dispose d'une équipe dédiée aux outre-mer et nous avons isolé les cultures de ces territoires, afin d'éviter que leurs spécificités soient écrasées par la politique nationale.

Madame Le Peih, je crois avoir répondu à vos questions.

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Je souhaite apporter quelques précisions. Tout d'abord, ce n'est pas moi qui remets en cause la déontologie de qui que ce soit : il existe un rapport officiel du comité de déontologie de l'Anses sur les difficultés qu'a rencontrées l'Agence dans le cadre du glyphosate. Je vous rappelle que l'auteur du cahier des charges avait été sélectionné pour réaliser des études. En outre, le Centre international de recherche sur le cancer a fait face à de si nombreux problèmes déontologiques concernant les demandes qu'il recevait sur le sujet, qu'il s'est désisté.

Votre propos sur l'Anses et l'Efsa est en parfaite opposition avec ceux que j'ai cités d'Emmanuel Macron. Sur la problématique des agences réglementaires vis-à-vis des travaux scientifiques indépendants, je vous renvoie à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 avril 2024, qui souligne l'importance de prendre en compte ces travaux scientifiques.

Enfin, je n'ai pas bien compris votre réponse sur l'acétamipride. Le problème concerne surtout les oiseaux et les vers de terre, ainsi que la persistance des métabolites. Je voudrais juste comprendre si vous envisagez de changer la loi française.

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J'ai le plus grand respect pour la réflexion d'une grande rigueur que conduit Mme Batho sur ces sujets, mais une audition tenue dans le cadre de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires amène à la nuance. Laurence Huc, chercheuse à l'Inrae, qui conduit des collectifs anti-pesticides, a montré combien la complexité du sujet oblige à reconnaître plusieurs points de vue. Même l'adjectif « cancérigène » fait débat parmi les scientifiques ! Selon le profil des interlocuteurs, l'approche diffère : des toxicologues vont admettre le caractère cancérigène du glyphosate en se fondant sur la perturbation du métabolisme cytoplasmique, alors que des cancérologues rejetteront le terme du fait de l'absence d'altération de l'ADN nucléique. Pardon pour ce jargon, mais il est nécessaire si l'on se place du point de vue scientifique.

Cette complexité nous persuade qu'il n'y aura pas d'agriculture sans une certaine forme de soin et de santé des plantes.

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Ma question, Madame la ministre, ne portait pas sur l'indemnisation des agriculteurs contaminés par les produits phytosanitaires, mais des cultures en agriculture biologique qui le sont. À défaut d'interdire le prosulfocarbe, il faudrait au moins indemniser les producteurs victimes de ce produit extrêmement volatil.

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Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Une mission a été lancée pour travailler à la création d'un fonds pérenne à destination des agriculteurs bio dont les cultures sont contaminées par des traitements opérés par d'autres qu'eux.

Parallèlement, un travail sur l'utilisation d'équipements qui limitent la dérive des produits a été mené ; nous souhaitons qu'il soit pris en compte dans les travaux d'homologation de l'Anses ou de l'Efsa. Nous avons saisi l'Anses, et l'Efsa se donne jusqu'en 2025 pour étudier cela. Nous soutenons ce type d'équipements pour rendre notre approche plus préventive. Les buses anti-dérives, par exemple, permettent de limiter la volatilité aérienne des produits. Notre but est à la fois de traiter ce qui s'est passé et de faire en sorte que cela ne se reproduise pas.

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Merci, Madame la ministre. Je pense que nous avons besoin d'un véritable projet de loi sur ce sujet : d'abord, cela nous donnera le temps de débattre et surtout, l'étude d'impact sera la base dont nous avons besoin pour orienter notre réflexion.

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Informations relatives à la commission

La commission a annoncé la création d'une mission d'information consacrée à l'avenir de la couverture mobile du territoire dans le cadre du New Deal mobile.

Elle a désigné MM. Jérôme Nury (LR) et Éric Bothorel (Renaissance), comme co-rapporteurs.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 9 h 30

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Maud Bregeon, M. Stéphane Buchou, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, Mme Virginie Duby-Muller, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Johnny Hajjar, M. Alexis Izard, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Hélène Laporte, M. Pascal Lavergne, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, Mme Anne-Laurence Petel, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Danielle Simonnet, M. Matthias Tavel, M. Stéphane Travert, M. Jean-Pierre Vigier, M. André Villiers, M. Stéphane Vojetta

Excusés. – M. Julien Dive, M. Francis Dubois, M. Perceval Gaillard, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, M. Luc Lamirault, M. Éric Martineau, M. Max Mathiasin, M. David Taupiac, Mme Aurélie Trouvé