Je tiens tout d'abord à rappeler la totale disponibilité du groupe socialiste pour coopérer sur ces questions en vue d'atteindre enfin des résultats. En introduction du rapport de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires, on lit : « 2013-2023 : une décennie (presque) perdue ». Notre objectif commun est qu'en 2030, un plan Écophyto 2040 ne soit pas nécessaire parce que nous aurions échoué.
Réussir ensemble suppose un effort de vérité. Première vérité : le contexte. La révision – pour ne pas dire le massacre – du Pacte vert pour l'Europe, opérée il y a moins d'un mois, et le fait que le projet de loi d'orientation agricole fasse l'impasse – voire régresse – sur les questions environnementales, l'adaptation au dérèglement climatique et une régulation du foncier qui porterait en elle la promesse d'une véritable agroécologie, créent un contexte totalement défavorable à la poursuite de l'objectif que vous affichez aujourd'hui.
Le deuxième point d'honnêteté concerne les indicateurs. On ne peut pas prétendre poursuivre le même objectif lorsqu'on change d'indicateur : il faut arriver à s'avouer qu'on a au moins réduit son ambition. On se retrouve automatiquement avec de meilleurs chiffres, mais l'échec reste manifeste, avec un Nodu qui était de 82 millions d'hectares lors du Grenelle de l'environnement et qui est de 83 millions d'hectares en 2024. Je salue le fait que vous engagiez une réforme du HRI 1, dont les défauts sont évidents, mais il fallait maintenir le Nodu pour préserver une traçabilité de nos efforts et une véritable évaluation de nos politiques publiques.
Nous n'avons pas non plus apprécié, dans la communication gouvernementale, les rebasages calendaires qui prêtent à la majorité actuelle des résultats qu'elle n'a pas obtenus depuis 2017. La vérité est que l'évaluation commence à partir du Grenelle de l'environnement et qu'elle est globalement un échec. Chaque gouvernement y a pris sa part. Votre gouvernement n'a pas mieux réussi que les précédents – c'est mieux de le dire.
Enfin, nous nous réjouissons que vous ayez repris de nombreuses propositions de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires et des travaux que nous avons menés avec Stéphane Travert. Toutefois, il est important de faire la vérité sur ce qui est effectivement repris, et nous souhaiterions certains éclaircissements. Qu'appelez-vous des politiques d'évaluation françaises et européennes revisitées ? Les relations entre l'Efsa et l'Anses sont complexes, et il faudra faire la lumière sur ce point, comme sur le slogan délétère et faux « pas d'interdiction sans solution » – car le vrai moteur de la baisse des produits phytosanitaires a résidé dans des interdictions. Enfin, nous aimerions des clarifications à propos de la gouvernance et des financements – les travaux de la commission d'enquête rendent dubitatif sur votre affichage – ainsi que sur le conseil, qui sera l'objet d'un travail législatif auquel j'espère que nous serons associés.