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Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 9h30
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée :

Monsieur Buchou, les crédits prévus sont de 250 millions d'euros chaque année pendant trois ans, soit 750 millions au total. Le Parsada représente 146 millions pour la première année et environ autant les suivantes.

J'en profite pour dire au président Travert que j'ai rencontré tout récemment les acteurs des agroéquipements, afin qu'ils soient bien associés à notre démarche. FranceAgriMer a annoncé son planning d'ouverture des différents guichets de soutien à l'agroéquipement le 27 mai, après son conseil d'administration. Le guichet d'aide à l'investissement pour le matériel d'irrigation ouvrira le 30 mai, avec le guichet accompagnant le projet de rénovation des vergers pour développer la production et assurer un renouvellement régulier des espèces et variétés. Un guichet pour le matériel concourant à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires sera ouvert le 3 juin. Un guichet visant à aider à l'achat d'agroéquipements limitant les fuites d'azote ouvrira le 10 juin. Viendront ensuite un guichet pour la décarbonation des serres, puis un guichet concernant les agroéquipements pour les fruits et légumes, le 1er juillet, et enfin un guichet pour les agroéquipements des vergers, le 8 juillet. Ce calendrier d'ouverture très resserré vise à soutenir les investissements des agriculteurs dans les agroéquipements pour contribuer à faire progresser notre trajectoire agroécologique.

J'accueille par ailleurs à bras ouverts l'initiative de la Cavac. Dans le cadre du plan France 2030, nous soutenons des initiatives territoriales qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre ou à améliorer les impacts sur la biodiversité en mettant tous les acteurs autour de la table. L'objectif est bien, Madame Le Peih, d'avoir des cas d'école qui fonctionnent sur des territoires et de les reproduire ailleurs. Comparaison n'est pas raison – les conditions climatiques diffèrent selon les territoires, comme les acteurs – mais ces cas d'école permettent de progresser.

Cela rejoint l'esprit des PAT, au nombre de 400 sur le territoire. Nous avons annoncé au Salon de l'agriculture que nous continuions à soutenir ces plans, en distinguant deux niveaux : ceux qui sont encore en phase d'ingénierie, pour concevoir des politiques intégrées de la ferme à la fourchette, et ceux qui se situent à un niveau plus avancé de mise en œuvre et qui bénéficient de financements renforcés. On voit des réalisations assez exceptionnelles, sur lesquelles il faut pouvoir s'appuyer. Il en sera question lors de la réunion du Conseil national de l'alimentation le 3 juillet prochain. Les enseignements tirés des plans précédents, qui n'ont malheureusement pas atteint leur cible, révèlent en effet que le « faire ensemble » est déterminant. À cet égard, la territorialisation des plans est indispensable.

S'agissant du phasage stratégique, toutes les cultures devraient avoir fait l'objet d'une analyse par le comité des solutions d'ici au début du mois de juillet. Nous serons alors en mesure de partager avec la représentation nationale et l'ensemble des acteurs les pistes de solutions qui se dessinent – reconnaissance mutuelle, extension d'usage… – ainsi que les points de blocage et la réalité des distorsions que les agriculteurs voulaient porter à notre connaissance.

Concernant le Parsada, le guichet d'appel à projets a été ouvert. Quatorze projets ont déjà été retenus en interfilières, notamment autour du désherbage, des ravageurs et des fongicides. D'autres projets sont plus ouverts. Le conseil scientifique du Parsada est en train de les examiner, pour une validation d'ici à l'automne prochain. Le comité d'orientation stratégique du plan Écophyto fera également des points réguliers, le premier étant pour juillet puisque nous devons d'abord renommer ses membres.

J'en profite pour dire que nous publions les données statistiques qui existent, mais que nous fondons notre ambition sur l'indicateur européen. Il s'agit d'une posture politique. On ne peut pas se dire pro-européen en refusant d'adopter l'indicateur européen ; nous acceptons simplement de faire le travail nécessaire pour l'améliorer.

Cela ne signifie aucunement que nous revenons sur notre ambition. En effet, la réduction de 50 % des produits phytosanitaires est une ambition considérable. À la différence des stratégies établies en 2008 et en 2015, elle est étayée par une trajectoire. J'avais procédé de même pour le travail que j'ai mené, sous l'égide de l'ancienne Première ministre, concernant la stratégie nationale bas-carbone, dans le cadre de la planification écologique : on y arrive ou non, mais les objectifs sont fondés. Au contraire, l'objectif de réduction de moitié des produits phytosanitaires était resté purement politique en 2008 et en 2015.

Notre objectif est bel et bien de réduire les usages et les risques liés aux produits phytosanitaires, en conjuguant la protection de notre santé et de notre environnement et le maintien des rendements – étant entendu que le fait d'abîmer les sols et la biodiversité conduit à une baisse des rendements –, ainsi que de réduire notre dépendance aux intrants. Nous menons cette politique avec un plus haut niveau d'ambition que ce qui existait auparavant – et la majorité a prouvé qu'elle était capable d'atteindre de tels niveaux : rappelons que la baisse des émissions de gaz à effet de serre s'est établie l'an dernier à 5,8 %, soit un point de plus que pour l'ensemble du quinquennat Hollande.

S'agissant du projet d'autoriser uniquement des projets d'agriculture biologique dans les zones de captage, Monsieur Alexandre, nous y avons bel et bien réfléchi. Cela peut être une perspective, mais je ne pense pas que cela doive être systématique. Les précédentes années ont montré qu'appliquer des réponses standardisées à des sujets agricoles aussi divers, parce qu'ils sont fonction des territoires et des cultures, n'est pas la bonne approche. Par ailleurs, certaines productions peuvent être exemptes de produits phytosanitaires sans être pour autant biologiques : il suffit pour cela qu'elles ne cochent pas tous les critères du cahier des charges de l'agriculture bio. Attention donc au manichéisme. Inversement, l'agriculture biologique utilise, elle aussi, des produits à risque. Je ne pense pas tant à la bouillie bordelaise – le sujet est instruit, et l'Anses va faire des propositions – qu'au spinosad, un perturbateur endocrinien qui semble plus risqué que certains correspondants de synthèse. À ce sujet, il faut reconnaître que la vérité scientifique s'impose à nous et que nous devons faire preuve d'humilité. Nous ne pouvons pas avoir la prétention de détenir l'ensemble du savoir qui sera accumulé dans les années à venir.

Au sujet de l'acétamipride et de l'homogénéisation des règles au niveau européen, Monsieur Bourgeaux, je rappelle que nous avons formalisé notre position. Dans son avis, l'Efsa préconise de réduire drastiquement les limites de résidus, tout en maintenant la suggestion de réautorisation. Cet avis a fait l'objet d'une note of concern de la Commission européenne, ce qui est très rare. Cela signifie que cette dernière souhaite que l'on approfondisse la question, compte tenu du niveau de risque. Les autorités françaises ont posé plusieurs questions à l'Efsa sur les sujets qui semblaient moins documentés que d'autres dans l'analyse, notamment à propos du rôle éventuel de perturbateur endocrinien de l'acétamipride et de son effet sur les pollinisateurs. Nous en sommes là.

Madame Babault, j'ai répondu à votre question sur les PAT. À propos de la pollution de l'eau et de l'air, il est exact de dire que le ministère de l'agriculture est chargé de la première et le ministère de la transition écologique de la seconde, mais la stratégie Écophyto 2030 est construite en interministériel. Nous avons comme objectif d'améliorer la connaissance de la pollution due aux produits phytosanitaires à la fois dans l'eau et dans l'air, ainsi que celle des effets cocktails. C'est un enjeu essentiel, nous devons renforcer la recherche en la matière.

S'agissant des maladies des agriculteurs liées aux produits phytosanitaires, Monsieur Villiers, le plan Écophyto prévoit un fonds d'indemnisation. Depuis 2020, 1 798 dossiers ont été traités, aboutissant à une indemnisation pour 70 % des agriculteurs. Une étude est prévue pour étendre ce fonds d'indemnisation aux autres personnes en contact avec les produits phytosanitaires. Cela fait partie de l'approche rigoureuse qui est la nôtre.

La phytopharmacovigilance post-AMM, Monsieur Potier, est un point très intéressant, qui doit être lié au registre numérique que souhaite mettre en place la Commission européenne à partir de 2026. Cela figure en creux dans les propositions avancées, mais cela correspond à notre ligne d'ensemble, qui consiste à bien identifier les risques, à les mesurer et à les associer, afin de pouvoir se décider en fonction d'une balance bénéfices-risques.

Les pratiques agronomiques font bien sûr partie des itinéraires techniques testés, notamment dans le cadre des fermes Dephy. Je ne peux pas vous donner le détail des exploitations soutenues et des résultats, puisque les budgets démarrent seulement. Les affectations d'enveloppe du plan France relance sont encore très récentes – entre 2023 et 2024. Ce n'est pas sur une demi-saison que l'on peut mesurer l'impact d'une pratique agronomique. Nous n'en sommes qu'au stade de la validation scientifique des projets. Nous procéderons avec plaisir à l'évaluation, mais en son temps.

À ce propos, j'insiste sur le fait que quand on teste, il faut accepter de se tromper. Certains projets ne mèneront nulle part, mais on peut penser qu'ils nous apprendront des choses. Cela soulève des questions très générales. Ainsi, tout un mouvement se développe actuellement autour de la régénération des sols, contre la pratique du labour, qui est acceptée dans les pratiques bio ; or, pour ne pas labourer, il faut utiliser, même de manière très résiduelle, des produits phytosanitaires. Il faut donc évaluer toutes les pratiques avec nuance. Aucune ne se distingue de manière évidente comme étant la seule à privilégier, même s'il est possible de les hiérarchiser en fonction de leur ambition environnementale.

Ce qui nous fait revenir à une question du président Chassaigne : oui, il faut travailler aussi avec l'industrie agroalimentaire et les distributeurs. Je les incite fortement à adopter des cahiers des charges qui rémunèrent la transition écologique, du point de vue de la décarbonation bien sûr, mais aussi, et à égalité, de la biodiversité. Il est vrai qu'il est beaucoup plus facile de mesurer les tonnes équivalent CO2 évitées – nous disposons d'un thermomètre raisonnablement fiable – que d'évaluer la biodiversité, qui est multifactorielle. En la matière, l'outil le plus solide est celui du Muséum national d'histoire naturelle, mais il requiert une évaluation quasiment pratique par pratique des bénéfices attendus pour la biodiversité. Quoi qu'il en soit, nous poussons à ce que des primes et de la visibilité soient données aux agriculteurs qui s'engagent dans des trajectoires de réduction des produits phytosanitaires et des intrants de type engrais, ou en faveur de la régénération des sols ou des pollinisateurs. C'est l'un des enjeux de la loi Egalim. Des expériences fonctionnent très bien avec des industriels qui ont des contrats pluriannuels rémunérant correctement ces pratiques.

À propos de l'état de la recherche sur les solutions alternatives à l'acétamipride, Madame Marsaud, nous avons à ce jour des pistes sur l'arboriculture et la betterave. Nous réalisons une expérimentation de biocontrôle Agriodor qui est sans équivalent sur le plan européen, sur 500 hectares de betterave sucrière. Elle devrait se poursuivre avec 500 hectares de betterave porte-graine. Je souhaite poursuivre de telles expérimentations en grandeur réelle, qui permettent de disposer rapidement de données. Concernant l'arboriculture, la réponse sera multifactorielle. Il s'agit d'additionner des dispositifs qui éloignent les ravageurs, des filets de sécurité, des biostimulants… Nous commençons à disposer de sommes de solutions permettant de réduire le risque, même si le travail est à poursuivre. Arrêter maintenant, ce serait renoncer à tout ce qui a été fait.

Concernant les dispositifs de traitement par drones, je comprends, Madame Duby-Muller, qu'une proposition de loi a été déposée par la majorité dans le cadre de la semaine de la simplification. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est favorable à la poursuite de cette expérimentation.

À propos du Posei, Monsieur Hajjar, le rapport de la Cour des comptes considère que les soutiens doivent être rééquilibrés en faveur des filières de diversification, avec deux recommandations : introduire une dégressivité des aides et les conditionner aux efforts agroécologiques, d'une part, et favoriser l'organisation des producteurs engagés dans une démarche de diversification, d'autre part. Cette deuxième recommandation est d'ores et déjà mise en œuvre avec un renforcement du programme Posei, dédié aux actions en faveur des productions végétales de diversification. Le Président de la République a annoncé, lors du Salon de l'agriculture, que les crédits passeraient de 45 à 60 millions d'euros, avec un premier étage de la réforme Posei engagé par le lancement d'un cycle de concertations avec les professionnels, appuyé par l'Odeadom (Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer). À l'issue de ces concertations, un diagnostic sera établi à propos de la répartition des aides.

Je prends acte, Madame Batho, des doutes déontologiques que vous avez sur l'Anses. Pour ma part, je faisais référence à une méta-analyse, autrement dit à un travail scientifique. Je vous renvoie par ailleurs aux travaux de l'Efsa. S'ils soulèvent eux aussi des problèmes déontologiques, nous aurons un gros souci, parce que l'Efsa et l'Anses sont nos boussoles en matière scientifique.

Monsieur Vigier, c'est bien le principe « pas d'interdiction sans solution » qui nous guide. C'est pour cette raison que nous avons accéléré la recherche de solutions sur des molécules non interdites. C'est tout l'enjeu du Parsada et du changement de méthode que nous adoptons. Pour éviter des interdictions futures, il faut trouver des solutions aujourd'hui et identifier les molécules qui pourraient faire l'objet d'interdictions demain, par exemple en prêtant attention aux signaux faibles qui pourraient laisser présager un impact supérieur à ce qui est pour l'instant connu. Il s'agit d'une course contre la montre dont l'objet est aussi bien la protection sanitaire des consommateurs et des agriculteurs que celle de l'environnement, étant donné que certains polluants sont quasi éternels, comme le Bonalan.

Monsieur Naillet, je reviendrai vers vous avec mes conseillers sur le sujet de l'accompagnement de La Réunion pour sortir du glyphosate. La politique du glyphosate ainsi que l'évaluation comparative s'appliquent Outre-mer : dès qu'on a une solution, on remplace. Le Parsada dispose d'une équipe dédiée aux outre-mer et nous avons isolé les cultures de ces territoires, afin d'éviter que leurs spécificités soient écrasées par la politique nationale.

Madame Le Peih, je crois avoir répondu à vos questions.

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