La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à la discussion unique sur l'exécution budgétaire de la mission Relations avec les collectivités territoriales et le compte de concours financier Avances aux collectivités territoriales (MM. Joël Giraud et Emmanuel Mandon, rapporteurs spéciaux).
Notre ordre du jour appelle l'examen des politiques publiques relatives à la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) et au compte spécial Avances aux collectivités territoriales. Je rappelle que notre discussion portera uniquement sur l'exécution budgétaire 2023.
Je suis très heureuse d'être de retour parmi vous pour ce temps parlementaire devenu incontournable s'agissant du contrôle et de l'évaluation de la politique menée par le Gouvernement. Cette audition, qui constitue indéniablement un temps fort de l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, nous offre l'occasion de vous présenter l'exécution budgétaire 2023 de la mission Relations avec les collectivités territoriales et de tracer plus largement, en ce qui concerne la situation des collectivités territoriales, quelques perspectives financières.
L'exécution budgétaire 2023 a été maîtrisée et conforme à l'autorisation donnée par le Parlement. En effet, la consommation annuelle des crédits a été quasiment intégrale et les sous-consommations sont aisément explicables.
Comme vous le savez, la mission RCT est composée de deux programmes budgétaires ayant vocation à soutenir l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales. Le programme 119, Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements, porte les dotations de soutien à l'investissement local, les dotations générales de décentralisation et plusieurs dotations particulières, pour la biodiversité ou les titres sécurisés. Le programme 122, Concours spécifiques et administration, rassemble notamment la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC), le fonds d'accompagnement des collectivités touchées par les violences urbaines de juin 2023, les crédits liés au fonds exceptionnel faisant suite aux intempéries du mois de novembre, le plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus et les subventions exceptionnelles aux collectivités en difficulté financière.
L'État vise dans ce cadre trois objectifs principaux. Le premier est d'accompagner l'investissement local, notamment dans les territoires les plus fragiles, en milieu rural comme dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Le second objectif est d'attribuer des ressources, de fonctionnement, par exemple, aux collectivités territoriales qui permettent en particulier de soutenir les territoires les plus fragiles ou en difficulté – je pense à la DSEC, aux aides d'urgence ou encore à la dotation pour les titres sécurisés (DTS). Il s'agit, en dernier lieu, de compenser les charges transférées aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation ou les pertes de produit fiscal induites par les réformes des impôts locaux.
En ce qui concerne l'exécution du principal élément de la mission budgétaire, le programme 119, qui regroupe près de 95 % des crédits, la consommation s'est établie en 2023 à 4,375 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui représente un taux d'exécution de 99,95 % des crédits délégués et de 99,93 % des crédits ouverts. À l'échelle du programme, le volume total des engagements a toutefois baissé de 57,1 millions d'euros par rapport à 2022. Cette évolution s'explique par deux raisons. La première est le retour de la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) de droit commun à son niveau de 2021 – 570 millions d'euros –, l'abondement exceptionnel de 303 millions d'euros en loi de finances pour 2022 n'ayant pas été reconduit. Il s'est ajouté à cela l'extinction, d'une part, de la dotation de 51,6 millions d'euros créée en loi de finances pour 2022 au profit des départements au titre de la compensation des effets de la baisse des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties et, d'autre part, de la compensation des contributions fiscalisées, à hauteur de 91,3 millions d'euros, qui avait été créée en loi de finances rectificative du 16 août 2022.
Je tiens à souligner, par ailleurs, que les dotations de soutien à l'investissement des collectivités – DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux), DSIL, DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements) et DPV (dotation politique de la ville) – ont été quasi intégralement engagées par les préfets, le reliquat de fin d'année représentant moins de 0,05 % des crédits ouverts. L'engagement des dotations d'investissement s'est maintenu tout au long de l'année à un niveau supérieur à celui constaté les années précédentes. Les préfets ont mis en œuvre les nouvelles dispositions législatives leur faisant obligation de notifier au moins 80 % de leur enveloppe pour l'exercice en cours avant le 30 juin. Ces chiffres confirment les besoins en investissement des collectivités territoriales, qui ont également bénéficié pour la première fois en 2023 des crédits du Fonds vert, à hauteur de 2 milliards d'euros.
Les dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales sont un levier puissant pour l'accélération et l'orientation de l'investissement local. En 2023, l'État a accordé 1,892 milliard d'euros de subventions aux collectivités locales, qui ont permis de soutenir plus de 24 000 projets, pour un investissement total de 8,426 milliards d'euros. L'effet de levier est de près de quatre, c'est-à-dire très élevé : 1 euro investi par l'État génère 4 euros d'investissement dans les territoires.
Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter que la transition écologique des territoires reste la priorité de ces dotations : elles ont permis de soutenir 8 206 projets favorables à l'environnement en 2022, pour un montant total de 628 millions d'euros. En 2023, au moins 25 % des crédits de la DSIL devaient être consacrés à des projets favorables à l'environnement et inscrits au budget vert de l'État. Cette démarche est approfondie en 2024 : au moins 30 % des crédits de la DSIL devront être accordés à de tels projets, ainsi que 25 % des crédits de la DSID et 20 % de ceux de la DETR. Il est important que les objectifs soient atteints au niveau national, mais il ne s'agit pas d'un fléchage des crédits des dotations d'investissement.
Les dotations classiques sont néanmoins polyvalentes. Elles ont vocation à financer de nombreuses politiques : rénovation thermique des bâtiments publics, création de services publics locaux, mise en accessibilité des bâtiments publics, accès aux soins, mobilités, entretien des réseaux d'eau et d'assainissement, préservation du patrimoine ou encore équipements sportifs.
Enfin, le soutien de l'État est ciblé sur les zones les plus fragiles, notamment les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les communes rurales. En 2023, la DETR a permis de soutenir 19 536 projets dans les territoires ruraux.
En ce qui concerne les crédits de paiement (CP) du programme 119, 4,145 milliards d'euros ont été consommés au 31 décembre 2023, soit 99,68 % des crédits délégués et 99,54 % des crédits ouverts.
À l'échelle du programme, le volume total des paiements a augmenté de 155 millions d'euros par rapport à 2022, ce qui représente une hausse de 3,9 %, sous l'effet du dynamisme des dotations de soutien à l'investissement. Je pense à l'évolution des décaissements au titre des dotations de soutien à l'investissement des collectivités, qui a progressé de 8,1 % par rapport à 2022, à la réalisation des opérations de rénovation du bâti scolaire marseillais et aux majorations de la DTS, à hauteur de 4,4 millions d'euros, et de la dotation pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales, de 17,3 millions d'euros en loi de finances initiales pour 2023, puis de 27,6 millions dans la loi de finances de fin de gestion de 2023, ce qui a conduit à une hausse de 49,8 millions des paiements par rapport à l'exercice 2022.
J'en viens à l'exécution du second programme de la mission budgétaire, dédié notamment aux dotations exceptionnelles.
Au 31 décembre, la consommation des crédits du programme 122 s'élevait à 242,4 millions d'euros en AE et à 286,4 millions d'euros en CP, ce qui représente respectivement 52 % des AE et 53 % des CP disponibles au titre de la gestion 2023.
Le disponible budgétaire non consommé, 227 millions d'euros en AE et 259 millions d'euros en CP, correspond aux crédits ouverts principalement au titre des aides exceptionnelles pour les communes en difficulté financière – 9,9 millions d'euros en AE et en CP ont été reportés en 2024 –, des aides aux communes pour restructuration de la défense, dans le cadre du FSCT (Fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées), à hauteur de 0,3 million d'euros en AE et en CP, de la DSEC – 4,8 millions d'euros en AE et 49,6 millions d'euros en CP, dont 37,6 millions destinés à la reconstruction des Alpes-Maritimes à la suite de la tempête Alex, ces crédits ayant été intégralement reportés sur 2024 en AE et partiellement en CP –, de fonds exceptionnels dédiés, là aussi, à la réparation des dégâts causés par la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes, pour 56 millions d'euros en AE et 61,2 millions d'euros en CP – le disponible important résulte de la forte mobilisation des équipes de la préfecture des Alpes-Maritimes pour le traitement prioritaire des dossiers relevant du FSUE (Fonds de solidarité de l'Union européenne) et d'une transmission ou validation tardive de certains dossiers, qui n'a pas permis leur engagement ou mandatement en 2023, de sorte que les crédits ont été reportés à 2024 –, du Faru (Fonds d'aide pour le relogement d'urgence), à hauteur de 1,3 million d'euros en AE et 1,4 million d'euros en CP, ces crédits ayant été obtenus en report au regard des besoins d'aide au relogement d'urgence dans le Pas-de-Calais à la suite des intempéries de la fin de l'année 2023 et, enfin, du Fonds violences urbaines, pour 87,1 millions en AE et 48,7 millions en CP, en raison de la mise en œuvre du dispositif en fin d'année et de la mise à disposition de crédits en fin d'année, là encore, notamment ceux ouverts par la loi de finances de fin de gestion du 30 novembre 2023 – ces crédits ont également été obtenus en report sur 2024.
Au-delà de l'exécution budgétaire 2023 de la mission RCT, je souhaite profiter de ce moment partagé avec vous pour vous présenter les premiers éléments de la situation financière des bénéficiaires de la mission budgétaire, à savoir les collectivités territoriales (CT).
Leur situation a été globalement positive en 2023, bien que leur capacité d'autofinancement et leur trésorerie aient connu une baisse de 8,3 % par rapport à 2022. Cela ne doit pas masquer de fortes disparités entre les strates de CT : la situation est globalement favorable au sein du bloc communal ; celle des régions est stable, leurs recettes et leurs dépenses d'investissement étant en hausse ; on observe, en revanche, une forte dégradation de la situation des départements.
L'investissement, quant à lui, a atteint 80,5 milliards d'euros, ce qui constitue un record.
La loi de finances pour 2024 prévoit notamment, pour soutenir les collectivités, une nouvelle hausse de la DGF (dotation globale de fonctionnement), de 230 millions d'euros, ce qui représente une hausse exceptionnelle de 640 millions d'euros en deux ans.
Nous devons partager, dans un contexte budgétaire contraint – 5,5 % de déficit et 110,6 % de dette –, l'objectif de redressement des comptes publics à l'horizon 2027, qui nécessite une mobilisation de tous les responsables publics, à la hauteur de leur contribution respective au déficit. Dans les 5,5 % de déficit, le besoin de financement des collectivités contribue à hauteur de 0,2 %. Je sais que nous pouvons y travailler ensemble de façon constructive.
J'espère aussi que ce tableau vous a permis d'avoir une bonne image de l'exécution financière de la mission RCT en 2023 et de la situation financière des collectivités territoriales début 2024. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
En ce qui concerne l'exécution des crédits de la mission RCT, Joël Giraud et moi-même souhaitons souligner, tout d'abord, l'importance des crédits dévolus au soutien aux collectivités territoriale : en 2023, 4,4 milliards d'euros de CP ont été consommés. Il s'agit d'un niveau historique pour ces crédits, en progression continue – ils ont augmenté de 4 % par rapport à 2022 et de 6 % par rapport à 2021.
Nous saluons, de plus, la qualité de la gestion en 2023. Le programme 119, qui regroupe les principales dotations d'investissement des collectivités territoriales, n'a pas connu de sous-budgétisation et les crédits ouverts ont été quasiment équivalents à ceux prévus en loi de finances initiale. Surtout, les montants consommés des dotations d'investissement – DETR, DPV, DSIL, DSID et DSIL exceptionnelle – ont encore progressé par rapport à 2022, puisqu'ils se sont établis à près de 1,9 milliard d'euros en CP, soit une hausse de 8 %.
Le programme 122 a fait l'objet de reports significatifs, mais ils sont principalement dus à d'importantes ouvertures de crédits fin 2023, en loi de fin de gestion, et à l'écoulement progressif des crédits destinés à soutenir les réparations dans les collectivités après la tempête Alex.
Je laisse maintenant mon éminent collègue Joël Giraud vous présenter quelques points d'attention plus particuliers.
Je me concentrerai, compte tenu du temps très limité dont nous disposons, sur les éléments qui nous paraissent essentiels.
Je me félicite, tout d'abord, que 42 millions d'euros de la dotation pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales aient été consommés par les collectivités en 2023, étant entendu que le montant a été porté à 100 millions d'euros en 2024 – merci, Madame la ministre. C'est une dotation importante, pas seulement parce que je l'ai créée, mais aussi parce qu'elle constitue un apport considérable pour les communes rurales. Seules celles classées rurales au sens où l'entend l'Insee en sont désormais bénéficiaires.
Les collectivités plébiscitent cette dotation qui pourrait jouer un rôle encore plus important – c'est un peu un rééquilibrage pour la ruralité. Que pensez-vous, Madame la ministre, d'une extension du champ de cette dotation aux forêts de protection et à celles relevant des séries d'intérêt écologique ? Cela permettrait de valoriser l'apport écologique des forêts, improprement qualifiées de non-productives. Je rappelle qu'une telle disposition avait été adoptée par notre commission lors de l'examen du budget pour 2024, mais non retenue dans le cadre du 49.3.
Il semble également que les espaces naturels sensibles ne soient pas intégrés dans le champ de la dotation pour la biodiversité. Ne serait-ce pas là aussi une extension pertinente ? Qu'un espace soit géré par le département ou par l'État me semble assez équivalent.
Par ailleurs, quand cette dotation sera-t-elle versée cette année aux communes en bénéficiant ? Cette information est capitale pour le budget de beaucoup de collectivités locales – parfois, la dotation globale de fonctionnement peut ainsi être doublée. Avoir un calendrier de versement permettrait d'anticiper un peu, même si les budgets sont déjà votés depuis longtemps.
Je salue, avec M. Mandon, le verdissement des dotations d'investissement, qui financent toujours davantage de projets écologiques, notamment par le biais du Fonds vert. Nous regrettons toutefois que ce fonds, constitué de crédits de soutien à l'investissement des collectivités, ne figure pas dans les crédits de la mission RCT, alors qu'elle concerne justement la politique de soutien de l'État aux investissements locaux. Que pensez-vous d'un périmètre qui permettrait d'avoir une vision d'ensemble de ces crédits ? Il nous semble que ce serait particulièrement logique et pertinent.
Merci d'avoir rappelé que d'excellents amendements adoptés en commission n'ont pas été retenus dans le cadre du 49.3.
Messieurs les rapporteurs spéciaux, je salue votre engagement, qui n'est plus à démontrer, en faveur des communes rurales, singulièrement celles qui soutiennent, entretiennent et développent les aménités rurales. Ces dernières permettent une reconnaissance des services rendus à la biodiversité et au bien-être des habitants.
Comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement a souhaité porter à 100 millions d'euros en 2024 la dotation pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales, ce qui représente plus qu'un doublement : on peut désormais parler d'une véritable péréquation environnementale. J'ai souhaité, et je sais que vous partagez ce principe, réserver le bénéfice de la dotation aux communes rurales – cela figure désormais dans la loi. La méthode que nous avons retenue, avec Christophe Béchu, a été d'aligner le périmètre de la dotation sur les zonages des indicateurs dits surfaciques de la stratégie nationale pour les aires protégées, la Snap. Les forêts de protection et les espaces naturels sensibles font partie des espaces qui peuvent être reconnus comme zones de protection forte, après analyse, au cas par cas. Ils sont d'ores et déjà inclus dans le cadre de la dotation.
Un élargissement ultérieur du périmètre à d'autres zonages sera étudié. Dans un contexte budgétaire contraint, attention toutefois à ne pas trop réduire le montant moyen pour les communes. Pour être incitative, la dotation doit être ciblée. Plutôt qu'une nouvelle augmentation de la dotation, je préfère explorer de nouveaux moyens de financement des services rendus par les collectivités à la biodiversité, en s'inspirant, tout en le simplifiant, du mécanisme des fonds carbone et en mobilisant d'autres financements innovants. Nous sommes en train d'y travailler. Mon cabinet, en lien avec les services de Christophe Béchu, ne manquera pas de vous consulter en amont des discussions budgétaires de l'automne 2024.
S'agissant du calendrier de mise en œuvre du décret relatif aux aménités rurales, vous avez raison : ce dernier tarde à être publié. Je m'engage à ce qu'il paraisse d'ici à juillet et surtout à ce que le versement que vous appelez de vos vœux ait lieu avant la fin de ce mois-là.
S'agissant du Fonds vert, j'ai envie de vous dire qu'il serait logique, comme vous l'avez souligné, que le périmètre de la mission relative aux relations avec les collectivités territoriales soit étendu. Cela n'a pas été fait pour l'instant, mais je ferai remonter cette proposition pertinente à Christophe Béchu et je pourrai vous répondre dans un bref délai.
On sait que les collectivités territoriales réalisent près de 70 % de l'investissement public et que ces dépenses doivent plus que doubler si on veut éviter de subir le coût de l'inaction climatique. Dans le même temps, vous réduisez le soutien qu'apporte l'État. Les dotations de soutien à l'investissement du programme 119 stagnent en valeur et se réduisent donc en volume. S'agissant du Fonds vert, les rapporteurs spéciaux de la mission Écologie, développement et mobilité durables ont montré que non seulement les autorisations d'engagement mais aussi les crédits de paiement ont été tellement réduits en 2024 que leur niveau est désormais inférieur de 20 % aux montants ouverts en LFI pour 2023 et je n'ai pas été convaincu, je dois le dire, lorsque votre collègue Christophe Béchu a expliqué que les mesures d'économies prévues, à hauteur de 10 milliards d'euros, n'auraient aucun impact sur ce fonds.
Pour ce qui est, plus globalement, de l'ensemble des transferts aux collectivités, je rappelle que ces dernières éprouvent des difficultés financières de plus en plus importantes. Une des raisons est la recentralisation et la réduction de leurs ressources. Alors que la dotation globale de fonctionnement atteignait 41,5 milliards d'euros en 2013, elle ne représente désormais plus que 27 milliards d'euros et cette baisse est aggravée par l'absence d'indexation sur l'inflation : l'augmentation de la DGF que vous avez évoquée est inférieure à l'inflation en 2024. À cela s'ajoute la sous-compensation de la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), estimée à 750 millions d'euros par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité. Cette suppression est compensée par une affectation de plus d'un quart des recettes de TVA, lesquelles représentent désormais plus de 50 % du produit de fonctionnement des collectivités.
Cette décision a un coût élevé pour les finances de l'État. Je m'inquiète, personnellement, de la dépendance de plus en plus forte à la TVA qui est liée aux transferts – cela vaut aussi pour la taxe d'habitation. Cela nous rend dépendants d'un impôt qui fluctue considérablement et qui, par ailleurs, est des plus injustes. On doit s'interroger sur cette manière de mal baisser les impôts en général, et particulièrement ceux des collectivités locales. Cela devrait amener l'Assemblée nationale à mener une réflexion globale sur la fiscalité dans les semaines à venir. J'ai vu les pistes proposées par Éric Woerth : elles sont ce qu'elles sont – je ne les partage pas –, mais je crois qu'il est urgent d'ouvrir un chantier global sur cette question.
Je ne partage pas totalement vos analyses. Quand vous dites que les collectivités locales rencontrent des difficultés financières, la réalité est qu'elles ont 30 milliards d'euros d'épargne et que tout n'est pas également réparti. Des collectivités souffrent, mais on ne peut pas dire globalement que leur santé n'est pas bonne. Je les suis comme le lait sur le feu, et je sais qui va bien ou non au niveau des départements, des régions et des intercommunalités.
Quand vous dites que l'augmentation de la DGF ne suit pas l'inflation, c'est la réalité, mais il faut aussi considérer l'état des finances de notre pays. Qui mieux que vous, Monsieur le président de la commission des finances, sait à quel point il est endetté ? Nous devons tenir, vis-à-vis de l'Europe, notre trajectoire si nous ne voulons pas, que nous soyons l'État ou les collectivités, voir les taux d'intérêt augmenter. Je suis fière d'appartenir à un gouvernement responsable, qui avance sur un chemin de crête consistant à vouloir aider significativement les collectivités locales, en fonctionnement et en investissement, tout en essayant de tenir notre trajectoire, qui est impérative.
Vous avez regretté que beaucoup de suppressions d'impôts – la taxe d'habitation ou la CVAE – donnent lieu à un remplacement par de la TVA. Il s'agit, vous le savez, d'un impôt extrêmement dynamique. Vous pouvez ne pas partager nos politiques, mais vous savez qu'elles sont menées au bénéfice des collectivités. Vous appelez de vos vœux une réflexion globale sur la fiscalité : je suis évidemment tout à fait prête, à l'issue de la remise du rapport d'Éric Woerth au Président de la République et à la suite des orientations que nous donnerons à ce rapport, à venir échanger, travailler avec vous, à votre convenance.
La mission Relations avec les collectivités territoriales représente une petite part des financements de ces dernières : son examen donne toutefois l'occasion de mener un débat plus large. La ministre déléguée l'a dit, la situation financière des collectivités territoriales est très contrastée : celle des départements est en recul par rapport à 2022 ; a contrario, le bloc communal est en excellente santé financière. Sa capacité d'autofinancement, qui a augmenté de 10 % en 2023, atteint un niveau record.
Nous avons augmenté la DGF – moins que le niveau de l'inflation, mais nous l'avons augmentée. En 2018, tous les partis, à l'exception de la majorité, ont voté contre l'indexation de la taxe foncière, la principale recette des collectivités territoriales, qui leur permet d'assurer les services publics locaux.
L'ensemble de la politique d'investissement a permis aux collectivités territoriales d'atteindre un niveau record d'investissements, de plus de 80 milliards d'euros en 2023. Où en est-on du verdissement de la DETR et du budget vert pour les collectivités territoriales ?
Historiquement, un délai séparait le vote et l'exécution des budgets, avec une assez forte déperdition de crédits. Les montants des AE et des CP semblent montrer le contraire : a-t-on réussi à diminuer le taux des projets qui n'aboutissent pas dans le cadre de la DETR ?
En ce qui concerne le verdissement de la DETR, la part des projets consacrés à l'environnement se voit attribuer un objectif de 30 % en 2024, qui semble raisonnable. Les collectivités territoriales sont satisfaites de ne pas avoir à verdir la totalité des investissements de la DETR et de la DSIL soit 2 milliards d'euros, le Fonds vert représentant lui aussi 2 milliards d'euros. Nous progressons cependant : la part de la dotation consacrée aux projets environnementaux, qui était de 20 % en 2022 et de 29 % en 2023, pourrait atteindre 30 % ou 35 % à l'horizon 2024, sans contraindre personne.
En 2023, les dépenses d'investissement ont atteint un niveau record de 80 milliards d'euros, en augmentation de 5,4 % par rapport à l'exercice 2022. Les investissements sont donc confortés malgré les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités territoriales confrontées au renchérissement des coûts de chantier, à l'allongement des délais ou à l'augmentation des taux d'emprunt. Ces dernières ont notamment bénéficié de l'effort de l'État, qui, en 2023, a consacré plus de 4 milliards d'euros à l'investissement local. Nous avons ainsi conforté les dotations de soutien à l'investissement local, qui atteignent 1 milliard d'euros pour la DETR et 570 millions d'euros pour la DSIL. Bien qu'il ne soit pas inclus dans le périmètre du programme 119, le Fonds vert consacre 2 milliards d'euros à l'accélération de la transition écologique dans les territoires.
Le 4 avril dernier, célébrant la première année d'application de la charte de la planification des normes, le Premier ministre a réaffirmé sa volonté de simplifier et de réduire le stock de normes. L'inflation normative représente un coût financier pour nos collectivités, les conduisant trop souvent à annuler des projets. Alors que nous travaillons à simplifier les normes pour les entreprises, quelles pistes sont envisageables pour les collectivités, en particulier pour qu'elles réalisent des économies ?
En avril 2024, le Premier ministre a convoqué les ministres à un comité interministériel de la transformation publique, demandant à chacun de nous de proposer une dizaine de mesures de simplification. Nous avons donc retenu et soumis dix propositions, émanant notamment d'associations d'élus.
Dans le cadre de l'agenda territorial que le Premier ministre m'a confié, nous continuons également à travailler, d'ici à la fin du mois de juin, à d'autres mesures visant à simplifier l'action des collectivités territoriales.
L'an dernier, j'ai fait parvenir aux préfets une instruction de simplification et de dématérialisation des demandes de subventions, pour qu'un seul logiciel traite toutes les subventions qui relèvent de la mission Relations avec les collectivités territoriales. Ce n'est qu'un pas, mais nous avançons.
Enfin, Thomas Cazenave et moi-même avons confié à Boris Ravignon une mission sur le coût des normes, mission complémentaire à celle dont le Président de la République a chargé Éric Woerth. Il semble que ce coût, bien supérieur aux 2 milliards d'euros estimés, conduise à réaliser des simplifications, dont on mesurera l'efficacité. Nous sommes donc au milieu du chemin. Je m'engage d'ici à la fin de l'année à présenter un document, comme l'a fait Bruno Le Maire pour simplifier les contraintes visant les entreprises, notamment les formulaires Cerfa. Nous devons faire de même ; vous pouvez compter sur moi.
Les économies nécessaires doivent en effet résulter de la simplification, non des efforts des collectivités territoriales. Cela étant, depuis trente-cinq ans que j'entends parler de simplification, les normes se complexifient toujours à la fin. Il faut aussi réfléchir à la simplification du système institutionnel – on verra ce que dira le rapport Woerth sur cette question.
S'agissant des deux principales dotations d'investissement aux collectivités territoriales, la DSIL et la DETR, dont l'effet levier a été souligné, il est positif que les commissions préfectorales se tiennent plus tôt dans l'année qu'il y a quelque temps. Toutefois, contrairement à ce que vous avez dit, les dotations sont de plus en plus fléchées, ce qui ne répond pas aux besoins identifiés des collectivités. Il ne faut surtout pas en rajouter.
Second problème : l'éclatement entre les différentes dotations – le Fonds vert devrait intégrer cette mission voire rejoindre une mission commune, avec la DETR et la DSIL. Avec plusieurs dotations, on multiplie le nombre des dossiers, des examens, des réunions. Dans les préfectures se joue un jeu de bonneteau, où les projets passent d'une commission à l'autre sans que personne n'y comprenne rien. La solution pourrait être une dotation unique, qui comprendrait des garde-fous, comme un pourcentage réservé aux territoires ruraux.
La DSIL et la DETR sont très peu fléchées mais vous avez raison de dire qu'il ne faut pas en rajouter. Les investissements des collectivités territoriales sont en général accompagnés par les préfets.
Vous appelez de vos vœux une dotation unique. Dans le cadre de la réflexion sur la simplification que nous conduisons à la demande du Premier ministre figure la création éventuelle d'un fonds Territoires.
Contrairement à ce que vous avez dit, il n'y a pas plusieurs dossiers : les demandes de DSIL et de DETR sont réunies dans un seul dossier. C'est une première étape ; il faut aller plus loin.
À en croire M. le rapporteur général, les communes se portent bien et n'auraient aucune raison de se plaindre. Pourtant, en examinant la situation de plus près, commune par commune, on voit que leurs marges de manœuvre sont insuffisantes pour qu'elles investissent. Comment comptez-vous aider ces communes à investir dans la transition écologique ?
Pensez-vous que le ciblage du dispositif Villages d'avenir, qui concerne 9 % des villages, permette de couvrir les besoins en ingénierie de 73 % des communes ?
Par ailleurs, selon une étude de La Banque postale, les communes de 3 500 à 100 000 habitants, qui supportent les charges de centralité, ont vu leurs capacités financières fortement diminuer. Touchées par l'austérité gouvernementale, elles se voient reprocher de prendre en charge des dépenses de fonctionnement autrefois assumées par l'État.
Après la suppression de 10 milliards d'euros de DGF lors du quinquennat de François Hollande, sa non-indexation sur l'inflation fait perdre 4 milliards d'euros par an aux collectivités. Sachant que les collectivités représentent 70 % de la commande publique en France, avez-vous évalué, pour l'économie nationale, le coût des non-investissements des collectivités liés à ces baisses de dotations ?
Quand, au lieu de désobéir, vous envisagez d'appliquer le plan d'austérité imposé par la Commission européenne, vous entendez mettre à contribution les collectivités pour diminuer le déficit de l'État, alors que ces dernières sont tenues à un strict équilibre budgétaire.
Quant aux départements, ils connaissent une chute de leurs recettes : celui de l'Aisne, qui fait face à une hausse des dépenses sociales et à une baisse des recettes, a récemment voté un budget en déséquilibre. C'est un acte politique fort. Combien de départements devront suivre cet exemple pour vous faire réagir face à cette situation intenable ?
Les marges de manœuvre dont disposent les collectivités territoriales s'appellent l'autofinancement. Quand une collectivité voit sa capacité d'autofinancement diminuer, elle doit travailler sur son budget de fonctionnement, pour réaliser des économies. Évidemment, c'est contraignant et complexe, mais votre description de la façon dont l'État accompagne les collectivités est injuste.
Bien sûr, le dispositif Villages d'avenir n'accompagne pas la totalité des collectivités, mais nous travaillons sur l'appel à projets pour 2025, qui sera suivi d'autres actions en 2026 : chaque année, le Gouvernement soutient près de 2 000 communes. Il consent un véritable effort pour apporter une ingénierie gratuite à nos collectivités territoriales rurales, en complément de l'ingénierie apportée par les plans Action cœur de ville ou Petites villes de demain. Comment pouvez-vous utiliser le terme d'« austérité gouvernementale » alors que nous avons doublé l'investissement, de 2 à 4 milliards d'euros ? La DGF, qui était stable ou en baisse, augmente, même si elle n'est pas indexée sur l'inflation.
Oui, nous surveillons l'autofinancement des collectivités locales car c'est cela qui leur permet d'investir. Quant au travail que vous appelez de vos vœux avec les départements, nous sommes en permanence en contact avec les exécutifs – j'étais il y a peu avec Jean-René Cazeneuve dans l'Aisne. Nous suivons de très près 14 départements, sur 100, pour définir avec eux les solutions à adopter en 2024 et 2025.
Comme la plupart de mes collègues, je suis interpellée presque quotidiennement sur la question du budget des collectivités. Les maires et les présidents d'intercommunalité du territoire de Haute-Savoie s'interrogent notamment sur l'équilibre de plus en plus précaire du financement de leurs projets. Les impôts directs sur lesquels les collectivités ont réellement la main représentent désormais, pour la majorité d'entre elles, moins de la moitié de leur budget. Pour le reste, elles doivent compter sur les compensations reversées par l'État et, éventuellement, sur les appels à projets – très en vogue – proposés par l'État ou par des partenaires tels que l'Agence de la transition écologique (Ademe). Ce fonctionnement rend le budget instable et dépendant de la consommation des citoyens, puisque lié à la récupération de la TVA.
Parallèlement, les injonctions de l'État aux collectivités sont de plus en plus nombreuses ; les responsabilités que nous leur confions, de plus en plus importantes – elles concernent souvent les projets liés au développement durable, à la transition écologique, ce qui est bienvenu. Alors que les collectivités sont de plus en plus touchées par cette perte d'autonomie financière, comment peuvent-elles relever ces nouveaux défis ?
On ne peut pas parler d'« injonctions de l'État ». Vous n'étiez pas présente lorsque j'ai évoqué l'exécution des crédits en 2023 : nous avons doublé nos investissements, augmenté la DGF, et nous donnons de l'ingénierie gratuite à un grand nombre de communes rurales, après avoir beaucoup fait en la matière pour les villes moyennes. Oui, la situation est difficile pour certaines collectivités : nous les suivons de près. Les lois de finances pour 2023 et 2024 prévoient des dispositions pour ces collectivités en réelle difficulté.
Quand de petites collectivités me disent qu'elles sont passées de 1 million d'euros d'autofinancement à 600 000 euros, je leur rappelle l'état des finances de notre pays – 3 000 milliards d'euros de dette – ou celui des collectivités dans les autres pays européens. L'inflation, la guerre en Ukraine, les coûts de l'énergie font augmenter les dépenses dans les collectivités. Oui, il leur faut revoir leur budget pour trouver des économies en fonctionnement. Cela ne se fait pas en claquant des doigts, mais ne disons pas que l'État n'accompagne pas les collectivités !
Les collectivités doivent être à l'équilibre en ce qui concerne leur fonctionnement. Si un déficit apparaît à ce niveau, il ne provient pas de leur gestion directe.
L'exécution des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales pour 2023 est en hausse par rapport à 2022, où les taux d'exécution étaient déjà très élevés. Cette réussite globale cache cependant des disparités : les crédits du programme 122, qui représente environ 5 % du budget de la mission, connaissent une sous-consommation chronique, qui s'est aggravée en 2023. Elle résulte de la non-utilisation des enveloppes supplémentaires ouvertes en AE et en CP : ces montants ont été demandés par les parlementaires dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour total de 108 millions d'euros, destinés notamment à l'entretien du réseau routier local. Alors que nous avons examiné pour la première fois un projet de loi de finances de fin de gestion en 2023, cette situation doit nous inciter à la prudence pour l'avenir. Il serait imprudent de voter l'ouverture de crédits supplémentaires dont nous savons qu'ils seront difficilement consommés d'ici à la fin de l'année.
Le programme 119 a fait l'objet d'importants reports de crédits de 2022 sur 2023 en raison des retards du plan « Marseille en grand », notamment de son volet de rénovation des écoles. Les retards de 2022 ont-ils été rattrapés et quelles sont les perspectives pour 2024 ?
Nous reviendrons vers vous pour vous préciser les retards d'investissement sur le plan « Marseille en grand », qui représente 254 millions d'euros en AE. En 2023, nous avons consommé plus que les crédits reportés de 2022. Le plan étant pluriannuel, nous continuons d'investir et de reporter les crédits non consommés. Les paiements sont en cours ; les AE non engagées en 2023 le seront en 2024.
La mission Relations avec les collectivités territoriales comporte l'ensemble des dotations d'investissement et de compensation attribuées aux collectivités territoriales. En 2023, les crédits exécutés – 4,48 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,43 milliards d'euros en crédits de paiement – s'approchent de ceux définis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, et témoignent du soutien financier que nous souhaitons apporter aux collectivités territoriales.
Comme chaque année, nous aurons prochainement des débats sur l'articulation de ces dotations avec la dotation globale de fonctionnement, sur la nécessité de conserver des leviers de fiscalité locale ou sur les enjeux d'investissement. La pluriannualité des financements, ou du moins une visibilité accrue sur les dotations des années futures, est un enjeu clé pour toutes les collectivités, notamment pour investir dans la transition écologique. En quoi l'action du Gouvernement pourrait-elle créer les conditions d'une visibilité financière à plus long terme pour les collectivités ?
La pluriannualité des financements est débattue depuis plusieurs mois déjà. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a indiqué qu'il y était attaché, en vue de renforcer le soutien de l'État aux collectivités territoriales en leur donnant de la visibilité. Le projet d'instruction aux préfets, qui demande de renforcer la pluriannualité des dotations d'investissement, fait l'objet d'une concertation avec les associations d'élus. Il figure à l'ordre du jour du groupe de travail chargé des finances locales de l'agenda territorial, qui se tiendra demain.
Lorsqu'ils sont bien construits, les objectifs et indicateurs de performance des documents budgétaires sont essentiels pour apprécier l'efficacité de nos politiques publiques. Ils fixent une cible à atteindre pour l'administration.
Pour plusieurs d'entre eux, malgré des réalisations supérieures, parfois nettement, à la cible fixée pour 2023, l'objectif à atteindre est encore plus bas en 2024 qu'en 2023, voire en 2022. Il est aisé d'atteindre des objectifs nettement inférieurs à la tendance des réalisations passées. Par exemple, pour la part de l'enveloppe attribuée à la DETR, à la DSIL et à la DSID concourant à la transition écologique, la cible était de 27,5 % et le réalisé de 38,3 % en 2023. Pourtant, la cible a été fixée à 20 % seulement pour 2024. Cela vide en partie l'outil de son caractère incitatif pour l'administration et envoie un message étonnant sur les priorités d'investissement.
Face à la dégradation des indicateurs relatifs à la péréquation verticale du bloc communal en matière de résorption des inégalités, il est nécessaire de relancer la péréquation horizontale, notamment, comme je le proposais lors de l'examen du PLF pour 2024, en reprenant la progression du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic).
Depuis plusieurs années, j'appelle votre attention sur l'urgence de réformer la DGF, devenue caduque. Deux décisions du Conseil constitutionnel rendues fin mars et fin avril ont censuré la clé de répartition du prélèvement dû au titre du Fpic au sein de la métropole du Grand Paris et une disposition devenue pérenne de minoration de la dotation d'intercommunalité, du fait de mécanismes ne tenant pas compte de l'évolution des indicateurs financiers et donc de la capacité réelle contributive des collectivités. Qu'en serait-il de la constitutionnalité du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ou de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), si une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) les concernant était déposée ? Ils seraient, structurellement, encore plus caducs. Aux inégalités s'ajoute désormais l'insécurité juridique. Il est urgent de remettre à plat ces dotations ou de dégeler leurs modalités de calcul. Qu'envisagez-vous sur ces trois points ?
Il y a plusieurs raisons à ce que les indicateurs soient peu incitatifs : d'abord, ils concernent la DSIL et la DETR. Les collectivités territoriales sont attachées à être le moins contraintes et à financer leurs projets avec ces dotations. S'agissant de leur ambition, je préfère ne pas fixer de contraintes car les collectivités territoriales progressent d'elles-mêmes en matière de verdissement de leurs dotations. La priorité est donnée au Fonds vert, maintenant qu'il existe, pour atteindre cet objectif.
Nous menons une réflexion sur la réforme de la DGF, à laquelle vous avez été conviée. Pour ce qui est du Fpic, nous prenons acte de la décision du Conseil constitutionnel et nous en tirerons la conséquence dans le PLF. Le Conseil constitutionnel a plusieurs fois validé le fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF). Nous pourrons vous fournir ultérieurement des précisions sur ce point.
La direction générale des collectivités locales (DGCL) alloue des subventions exceptionnelles aux collectivités qui rencontrent des difficultés particulières : pourriez-vous nous communiquer la liste de leurs bénéficiaires en 2024 ?
Un statut spécifique pour la Corse est en cours d'élaboration dans le cadre du processus de Beauvau. Il suppose de reconsidérer les équilibres fiscaux et de remettre à plat les dispositifs. Une démarche responsable consiste à mettre en regard les compétences dont la délégation est demandée et leur financement pérenne.
Depuis des années, je demande en vain que les comptes régionaux de la Corse nous soient transmis. Votre intervention en ce sens auprès de Bercy serait la bienvenue, pour nous permettre de travailler utilement à préparer le statut fiscal de la Corse.
Il me semble que le rapporteur général et moi-même en avons fait la demande conjointement à la suite de notre mission en Corse.
Vous souhaitez des précisions sur l'accompagnement des collectivités locales réellement en difficulté en fin d'année. Les crédits correspondant à ces subventions exceptionnelles avaient été revus à la hausse en 2023, passant de 2 à 10 millions d'euros, et ce montant a été maintenu pour 2024. Nous sommes à votre disposition pour vous indiquer les communes qui ont été aidées et les critères qui ont été pris en considération. Nous menons dès le mois de décembre le travail de recensement des collectivités réellement en difficulté – certaines nous alertent, inquiètes de voir leur autofinancement baisser, alors qu'elles ne connaissent pas de véritables difficultés financières.
S'agissant de la Corse, des crédits spécifiques ont été débloqués dans le cadre de la dotation de continuité territoriale à hauteur de 30 millions d'euros. Je vous invite à solliciter un rendez-vous pour avoir de plus amples informations sur ce point. Quant à la demande de M. le président et de M. le rapporteur général, je m'assurerai qu'une réponse lui soit bien apportée.
En ce qui concerne le programme 119, les rapporteurs spéciaux mentionnent l'annulation par la loi de finances de fin de gestion 2023 de 92 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 89 millions en crédits de paiement mais ils n'en précisent pas les raisons. Cette non-consommation serait-elle le résultat d'un tarissement des projets d'investissements dans nos territoires confrontés à tant de défis écologiques et sociaux ou plutôt le résultat d'une décision de l'État ?
S'agissant du programme 122, la loi de finances de fin de gestion l'a abondé de 172 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 146 millions en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires devaient financer l'entretien du réseau routier local, à hauteur de 60 millions d'euros, ou encore les délégations de service public maritime et aérien de la collectivité territoriale de Corse. Or ces crédits non consommés ont tous été reportés sur l'exercice 2024. Comment comptez-vous remédier à la sous-consommation traditionnelle dans ce programme alors que les besoins sont prégnants ?
Enfin, les fractions de TVA attribuées aux collectivités depuis 2021 au titre de la réforme de la fiscalité directe locale et des impôts de production n'entrent pas dans le périmètre des transferts financiers de l'État aux collectivités, ce que déplore la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire. Comment expliquez-vous cette absence ? Pouvez-vous vous engager à consolider l'ensemble des transferts financiers de l'État aux collectivités, y compris les fractions de TVA, dans le rapport sur la situation des finances publiques locales qui sera annexée au prochain projet de loi de finances (PLF), afin de faciliter le travail parlementaire et celui de tous les organes d'évaluation des politiques publiques ?
Je ne comprends pas à quoi vous faites allusion : il n'y a pas eu d'annulation sèche dans le programme 119 ; des crédits ont été transférés vers le programme 122 afin d'abonder le fonds « violences urbaines ».
Les projets ne manquent pas, bien au contraire. Les communes, notamment rurales, en présentent bien plus que par le passé, ce qui me fait dire qu'elles sont plutôt en bonne santé – elles sont capables de financer les 20 % requis. Compte tenu de la multiplication des projets, et malgré le doublement de la DETR depuis dix ans, il n'est pas possible de tout financer la même année.
Quant à la baisse des engagements par rapport à 2022, elle s'explique par le retour de la DSIL de droit commun à son niveau de 2021, l'abondement exceptionnel de 303 millions d'euros en loi de finances 2022 n'ayant pas été reconduit ; par l'extinction, d'une part, de la dotation de 51,6 millions d'euros, créée en loi de finances pour 2022 et versée aux départements au titre de la compensation des effets de la baisse des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, et, d'autre part, de la compensation des contributions fiscalisées, créée en loi de finances rectificative du 16 août 2022.
En ce qui concerne votre troisième question, je la transmets à mon collègue Thomas Cazenave.
La hausse des principales dotations d'investissement du programme 119 témoigne du soutien de l'État aux collectivités locales, soutien nécessaire pour assurer le financement des équipements et des services publics de proximité essentiels à la vitalité de nos territoires. Par ailleurs, l'Inspection générale des finances évalue à 21 milliards d'euros par an le besoin d'investissements des collectivités dans la transition écologique.
Ce n'est pas le moment, me semble-t-il, de fragiliser les recettes des collectivités car le contexte économique reste incertain. Les recettes fiscales sont moins dynamiques que les dépenses. À cet égard, je souhaite appeler votre attention sur les dépenses contraintes des collectivités. Ainsi, la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique, en juillet 2023, décidée par l'État, représente une dépense supplémentaire pour les collectivités de 2,2 milliards d'euros en année pleine.
Quelle est votre analyse de la responsabilité des collectivités dans la dégradation du solde public en 2023, sachant que, selon l'Insee, leur déficit s'établit à 9,9 milliards d'euros contre 155 milliards d'euros pour celui de l'État ?
La contribution, si je peux employer ce terme, des collectivités locales au déficit représente 0,2 %.
S'agissant des 21 milliards d'euros nécessaires pour accompagner les collectivités locales dans la transition écologique, vous le savez, gouverner implique de suivre un chemin de crête : en l'occurrence, il s'agit de concilier la baisse des dépenses de l'État et des collectivités locales – compte tenu de la dette de notre pays, c'est fondamental – et la planification écologique. Nous ne pouvons pas nous permettre d'injecter plus de 4 milliards d'euros en investissement pour accompagner la transition écologique dans les territoires, mais nous voulons tenir nos engagements en matière de planification écologique – nous l'avons fait puisque les émissions de CO2 ont baissé de 5 %.
Ensuite, vous alertez sur les dépenses contraintes des collectivités territoriales. C'est exact, dans un certain nombre de domaines, l'État décide et les collectivités payent – vous l'avez citée, la hausse du point d'indice en 2023 a considérablement alourdi les dépenses des collectivités alors que les budgets étaient déjà votés. Je ne peux que reconnaître la contrainte que les décisions de l'État font parfois peser sur elles.
70 % des investissements publics et 0,2 % du déficit : ces chiffres sont intéressants à conserver en mémoire.
Philippe Lottiaux a suggéré une solution pour faire des économies sans nuire aux investissements des collectivités territoriales.
Je note depuis deux ans le montant élevé des devis – les maires, les conseillers municipaux, et certaines entreprises, notamment des TPE, partagent mon étonnement. Il semble que les subventions soient anticipées car l'inflation ne suffit pas à expliquer un montant sans rapport avec la réalité des prestations. Dans ma circonscription, des maires ruraux obtiennent régulièrement des devis très inférieurs à ceux reçus par la communauté de communes.
Sans parler de corruption, ni accuser personne, je voulais mettre en lumière ce problème d'intérêt général pour lequel je n'ai pas de baguette magique. Je vous invite à vous intéresser aux abus en matière de devis.
Je souscris totalement à votre observation. Il y a de très gros écarts dans les devis pour les collectivités. Nonobstant l'inflation, les prix sont plus élevés que pour un acteur privé. Je le déplore.
Un acteur public qui noue un dialogue avec son fournisseur et négocie – le droit des marchés publics l'autorise mais les collectivités ne se saisissent pas de cette faculté – obtient des prix parfois plus bas que d'autres collectivités qui se contentent d'ouvrir les plis.
Je partage votre constat mais il ne sera pas facile d'ébaucher des solutions. Je vais soumettre votre question à Bercy.
Personne ne dit que le déficit des finances publiques de notre pays est dû aux collectivités territoriales. Cependant, chacun doit reconnaître que les deux sont liés : les transferts de l'État aux collectivités territoriales représentent 110 milliards d'euros ; si vous les imputez au budget des collectivités, la photographie n'est plus la même – tout cela est théorique évidemment. Le niveau du soutien que l'État apporte aux collectivités a un impact sur le déficit du premier et sur la situation financière des secondes. Attention à ne pas trop schématiser.
Je répète aux ministres qu'ils seraient bien inspirés de lire avec attention les rapports présentés dans le cadre du Printemps de l'évaluation car ils contiennent des propositions concrètes et des observations pertinentes qui pourraient utilement trouver une traduction dans le prochain PLF.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 21 heures 30
Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Stella Dupont, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, M. Mohamed Laqhila, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - Mme Anne-Laure Babault, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Éric Coquerel, M. Tematai Le Gayic, Mme Constance Le Grip, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - M. Gabriel Amard, Mme Anne-Laurence Petel