Je suis très heureuse d'être de retour parmi vous pour ce temps parlementaire devenu incontournable s'agissant du contrôle et de l'évaluation de la politique menée par le Gouvernement. Cette audition, qui constitue indéniablement un temps fort de l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, nous offre l'occasion de vous présenter l'exécution budgétaire 2023 de la mission Relations avec les collectivités territoriales et de tracer plus largement, en ce qui concerne la situation des collectivités territoriales, quelques perspectives financières.
L'exécution budgétaire 2023 a été maîtrisée et conforme à l'autorisation donnée par le Parlement. En effet, la consommation annuelle des crédits a été quasiment intégrale et les sous-consommations sont aisément explicables.
Comme vous le savez, la mission RCT est composée de deux programmes budgétaires ayant vocation à soutenir l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales. Le programme 119, Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements, porte les dotations de soutien à l'investissement local, les dotations générales de décentralisation et plusieurs dotations particulières, pour la biodiversité ou les titres sécurisés. Le programme 122, Concours spécifiques et administration, rassemble notamment la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC), le fonds d'accompagnement des collectivités touchées par les violences urbaines de juin 2023, les crédits liés au fonds exceptionnel faisant suite aux intempéries du mois de novembre, le plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus et les subventions exceptionnelles aux collectivités en difficulté financière.
L'État vise dans ce cadre trois objectifs principaux. Le premier est d'accompagner l'investissement local, notamment dans les territoires les plus fragiles, en milieu rural comme dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Le second objectif est d'attribuer des ressources, de fonctionnement, par exemple, aux collectivités territoriales qui permettent en particulier de soutenir les territoires les plus fragiles ou en difficulté – je pense à la DSEC, aux aides d'urgence ou encore à la dotation pour les titres sécurisés (DTS). Il s'agit, en dernier lieu, de compenser les charges transférées aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation ou les pertes de produit fiscal induites par les réformes des impôts locaux.
En ce qui concerne l'exécution du principal élément de la mission budgétaire, le programme 119, qui regroupe près de 95 % des crédits, la consommation s'est établie en 2023 à 4,375 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui représente un taux d'exécution de 99,95 % des crédits délégués et de 99,93 % des crédits ouverts. À l'échelle du programme, le volume total des engagements a toutefois baissé de 57,1 millions d'euros par rapport à 2022. Cette évolution s'explique par deux raisons. La première est le retour de la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) de droit commun à son niveau de 2021 – 570 millions d'euros –, l'abondement exceptionnel de 303 millions d'euros en loi de finances pour 2022 n'ayant pas été reconduit. Il s'est ajouté à cela l'extinction, d'une part, de la dotation de 51,6 millions d'euros créée en loi de finances pour 2022 au profit des départements au titre de la compensation des effets de la baisse des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties et, d'autre part, de la compensation des contributions fiscalisées, à hauteur de 91,3 millions d'euros, qui avait été créée en loi de finances rectificative du 16 août 2022.
Je tiens à souligner, par ailleurs, que les dotations de soutien à l'investissement des collectivités – DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux), DSIL, DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements) et DPV (dotation politique de la ville) – ont été quasi intégralement engagées par les préfets, le reliquat de fin d'année représentant moins de 0,05 % des crédits ouverts. L'engagement des dotations d'investissement s'est maintenu tout au long de l'année à un niveau supérieur à celui constaté les années précédentes. Les préfets ont mis en œuvre les nouvelles dispositions législatives leur faisant obligation de notifier au moins 80 % de leur enveloppe pour l'exercice en cours avant le 30 juin. Ces chiffres confirment les besoins en investissement des collectivités territoriales, qui ont également bénéficié pour la première fois en 2023 des crédits du Fonds vert, à hauteur de 2 milliards d'euros.
Les dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales sont un levier puissant pour l'accélération et l'orientation de l'investissement local. En 2023, l'État a accordé 1,892 milliard d'euros de subventions aux collectivités locales, qui ont permis de soutenir plus de 24 000 projets, pour un investissement total de 8,426 milliards d'euros. L'effet de levier est de près de quatre, c'est-à-dire très élevé : 1 euro investi par l'État génère 4 euros d'investissement dans les territoires.
Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter que la transition écologique des territoires reste la priorité de ces dotations : elles ont permis de soutenir 8 206 projets favorables à l'environnement en 2022, pour un montant total de 628 millions d'euros. En 2023, au moins 25 % des crédits de la DSIL devaient être consacrés à des projets favorables à l'environnement et inscrits au budget vert de l'État. Cette démarche est approfondie en 2024 : au moins 30 % des crédits de la DSIL devront être accordés à de tels projets, ainsi que 25 % des crédits de la DSID et 20 % de ceux de la DETR. Il est important que les objectifs soient atteints au niveau national, mais il ne s'agit pas d'un fléchage des crédits des dotations d'investissement.
Les dotations classiques sont néanmoins polyvalentes. Elles ont vocation à financer de nombreuses politiques : rénovation thermique des bâtiments publics, création de services publics locaux, mise en accessibilité des bâtiments publics, accès aux soins, mobilités, entretien des réseaux d'eau et d'assainissement, préservation du patrimoine ou encore équipements sportifs.
Enfin, le soutien de l'État est ciblé sur les zones les plus fragiles, notamment les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les communes rurales. En 2023, la DETR a permis de soutenir 19 536 projets dans les territoires ruraux.
En ce qui concerne les crédits de paiement (CP) du programme 119, 4,145 milliards d'euros ont été consommés au 31 décembre 2023, soit 99,68 % des crédits délégués et 99,54 % des crédits ouverts.
À l'échelle du programme, le volume total des paiements a augmenté de 155 millions d'euros par rapport à 2022, ce qui représente une hausse de 3,9 %, sous l'effet du dynamisme des dotations de soutien à l'investissement. Je pense à l'évolution des décaissements au titre des dotations de soutien à l'investissement des collectivités, qui a progressé de 8,1 % par rapport à 2022, à la réalisation des opérations de rénovation du bâti scolaire marseillais et aux majorations de la DTS, à hauteur de 4,4 millions d'euros, et de la dotation pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales, de 17,3 millions d'euros en loi de finances initiales pour 2023, puis de 27,6 millions dans la loi de finances de fin de gestion de 2023, ce qui a conduit à une hausse de 49,8 millions des paiements par rapport à l'exercice 2022.
J'en viens à l'exécution du second programme de la mission budgétaire, dédié notamment aux dotations exceptionnelles.
Au 31 décembre, la consommation des crédits du programme 122 s'élevait à 242,4 millions d'euros en AE et à 286,4 millions d'euros en CP, ce qui représente respectivement 52 % des AE et 53 % des CP disponibles au titre de la gestion 2023.
Le disponible budgétaire non consommé, 227 millions d'euros en AE et 259 millions d'euros en CP, correspond aux crédits ouverts principalement au titre des aides exceptionnelles pour les communes en difficulté financière – 9,9 millions d'euros en AE et en CP ont été reportés en 2024 –, des aides aux communes pour restructuration de la défense, dans le cadre du FSCT (Fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées), à hauteur de 0,3 million d'euros en AE et en CP, de la DSEC – 4,8 millions d'euros en AE et 49,6 millions d'euros en CP, dont 37,6 millions destinés à la reconstruction des Alpes-Maritimes à la suite de la tempête Alex, ces crédits ayant été intégralement reportés sur 2024 en AE et partiellement en CP –, de fonds exceptionnels dédiés, là aussi, à la réparation des dégâts causés par la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes, pour 56 millions d'euros en AE et 61,2 millions d'euros en CP – le disponible important résulte de la forte mobilisation des équipes de la préfecture des Alpes-Maritimes pour le traitement prioritaire des dossiers relevant du FSUE (Fonds de solidarité de l'Union européenne) et d'une transmission ou validation tardive de certains dossiers, qui n'a pas permis leur engagement ou mandatement en 2023, de sorte que les crédits ont été reportés à 2024 –, du Faru (Fonds d'aide pour le relogement d'urgence), à hauteur de 1,3 million d'euros en AE et 1,4 million d'euros en CP, ces crédits ayant été obtenus en report au regard des besoins d'aide au relogement d'urgence dans le Pas-de-Calais à la suite des intempéries de la fin de l'année 2023 et, enfin, du Fonds violences urbaines, pour 87,1 millions en AE et 48,7 millions en CP, en raison de la mise en œuvre du dispositif en fin d'année et de la mise à disposition de crédits en fin d'année, là encore, notamment ceux ouverts par la loi de finances de fin de gestion du 30 novembre 2023 – ces crédits ont également été obtenus en report sur 2024.
Au-delà de l'exécution budgétaire 2023 de la mission RCT, je souhaite profiter de ce moment partagé avec vous pour vous présenter les premiers éléments de la situation financière des bénéficiaires de la mission budgétaire, à savoir les collectivités territoriales (CT).
Leur situation a été globalement positive en 2023, bien que leur capacité d'autofinancement et leur trésorerie aient connu une baisse de 8,3 % par rapport à 2022. Cela ne doit pas masquer de fortes disparités entre les strates de CT : la situation est globalement favorable au sein du bloc communal ; celle des régions est stable, leurs recettes et leurs dépenses d'investissement étant en hausse ; on observe, en revanche, une forte dégradation de la situation des départements.
L'investissement, quant à lui, a atteint 80,5 milliards d'euros, ce qui constitue un record.
La loi de finances pour 2024 prévoit notamment, pour soutenir les collectivités, une nouvelle hausse de la DGF (dotation globale de fonctionnement), de 230 millions d'euros, ce qui représente une hausse exceptionnelle de 640 millions d'euros en deux ans.
Nous devons partager, dans un contexte budgétaire contraint – 5,5 % de déficit et 110,6 % de dette –, l'objectif de redressement des comptes publics à l'horizon 2027, qui nécessite une mobilisation de tous les responsables publics, à la hauteur de leur contribution respective au déficit. Dans les 5,5 % de déficit, le besoin de financement des collectivités contribue à hauteur de 0,2 %. Je sais que nous pouvons y travailler ensemble de façon constructive.
J'espère aussi que ce tableau vous a permis d'avoir une bonne image de l'exécution financière de la mission RCT en 2023 et de la situation financière des collectivités territoriales début 2024. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.