Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 29 novembre 2023 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à quinze heures

(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)

La commission examine la proposition de loi portant plan d'urgence pour le recrutement et la formation initiale des enseignants du second degré (n° 1799) (M. Alexandre Portier, rapporteur).

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Nos enseignants sont la clé de voûte de notre système scolaire. Malheureusement, notre modèle de recrutement et de formation initiale rencontre des difficultés désormais structurelles.

D'abord, une pénurie de candidats aux concours de l'enseignement : 4 000 postes restaient vacants à l'issue des concours 2022, 3 100 en 2023. Ensuite, une baisse progressive, en conséquence, du niveau des enseignants : les barres d'admissibilité sont tombées à 4,5 sur 20 pour le concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) et à 5,5 pour le Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) de mathématiques. En conséquence également, se développe le recours aux contractuels, moins bien formés ; ils représentent désormais 9 % des effectifs d'enseignants.

C'est une spirale noire à laquelle nous devons, ensemble, mettre un terme, car elle contribue à dégrader notre niveau pédagogique national. Toutes les études montrent le caractère central de la qualité du corps professoral dans un système scolaire ; c'est ce que l'on appelle l'effet maître. C'est à résoudre ce problème que la proposition de loi entend s'atteler.

Elle ne prétend pas être exhaustive. J'ai dit plusieurs fois clairement qu'il faudrait des revalorisations salariales massives pour nos enseignants ; mais cela relève du projet de loi de finances, non d'une proposition de loi. En effet, il y faudrait plusieurs milliards d'euros, à intégrer dans le budget général de l'Éducation nationale et non dans une « niche » parlementaire.

De même, j'aurais aimé pouvoir évoquer les conditions de travail ou la formation continue, qui me tiennent à cœur ; mais, ne pouvant tout aborder dans le cadre d'une proposition de loi devant être examinée pendant une journée d'ordre du jour réservé à un groupe politique, j'ai choisi de prendre à bras-le-corps la question des concours et de la formation initiale, déjà un immense chantier. Si nous pouvions au moins tomber d'accord sur ce point, ce serait une grande avancée collective.

La version initiale de la proposition de loi était plus large : elle traitait aussi du premier degré et du dumping entre titulaires et contractuels, qui contribue lui aussi à la dégradation du système. « Niche » parlementaire oblige, j'ai ramené son champ au second degré, à propos duquel, après des mois de discussions partout en France, j'ai vu se dessiner un vrai consensus. Évidemment, je suis tout à fait favorable à un alignement des règles du premier degré sur celles du second, et je suis prêt à voter les amendements proposés par Mme Rilhac en ce sens.

Le texte vise deux objectifs : accroître le vivier de candidats et améliorer leur formation. Ce n'est pas l'un ou l'autre, ou l'un au détriment de l'autre, mais bien l'un et l'autre, voire l'autre grâce à l'un.

L'article 1er autorise le passage des concours du second degré dès le niveau bac + 3 aux candidats ayant suivi des études dans la discipline du concours visé. Il a pour but de permettre un choc de candidatures à court terme, et non dans dix ou quinze ans. Il assure l'égalité de traitement entre les différentes filières, en particulier générale et professionnelle.

L'article 2 porte à deux ans la durée de la formation comme fonctionnaire stagiaire après l'obtention du concours, pour qu'une plus grande partie du temps de formation des futurs enseignants soit rémunérée. C'est essentiel pour sécuriser les parcours et garantir l'attractivité de la filière. Il faut aussi cesser de confondre l'élève professeur avec un « moyen d'enseignement », pour reprendre le jargon technique du ministère. L'élève professeur, qui est d'abord un apprenti, doit disposer des meilleures conditions pour apprendre le métier.

L'augmentation du temps de formation en Inspé (institut national supérieur du professorat et de l'éducation) doit permettre de renforcer ses acquis pédagogiques et didactiques. Ce n'est pas un petit sujet : 87 % des nouveaux enseignants sont satisfaits de leur formation disciplinaire, mais 33 % se disent insatisfaits de ce qui touche à l'art pédagogique, notamment à la gestion de classe. C'est donc sur cet aspect que nous devons concentrer nos efforts. Dans la formule de formation renforcée que je propose, les nouveaux enseignants seront mieux outillés pour apprendre aux élèves à apprendre, par exemple en faisant plus de place à l'apport des neurosciences ou des sciences cognitives.

Nous pourrons aussi garantir la formation à l'école inclusive dans le second degré. Avec Servane Hugues, j'ai présenté il y a quelques jours, dans le cadre de la délégation aux droits des enfants, un rapport d'information sur l'instruction des enfants en situation de handicap. Si, dans le premier degré, nous avons fait des progrès, grâce aux 25 heures intégrées à la formation initiale, dans le second, la formation des enseignants en la matière n'est pas à la hauteur des enjeux. Nous avons de vraies difficultés à emmener ces enfants jusqu'au lycée et, a fortiori, jusqu'à l'enseignement supérieur. Cet aspect doit faire partie de la formation initiale.

Enseigner est un métier qui s'apprend. Dans le dispositif proposé, les élèves professeurs bénéficieront d'une immersion progressive en établissement au fil des deux ans – c'est tout l'intérêt de la prolongation de cette période – et de stages au volume horaire croissant et non plus en bloc, afin de pouvoir aller et venir entre l'expérience au sein de l'établissement et le travail avec les formateurs en Inspé.

La proposition de loi tend donc non à supprimer la masterisation, mais à optimiser l'organisation du continuum de formation de cinq ans après le bac. C'est la formule très majoritairement adoptée en Europe ; je ne souhaite pas revenir sur ce choix, mais il faut la moduler plus intelligemment. Mon amendement AC32 vise à préciser que le master restera bien le niveau d'intégration de nos enseignants dans le métier.

Tous les acteurs le constatent : la masterisation a fait considérablement chuter le nombre de candidats aux concours et accru les phénomènes d'évaporation d'étudiants qui ne parviennent pas à aller au terme du master pour passer leur concours ; l'année de master 2 est trop chargée pour les futurs enseignants, qui doivent en même temps faire un master, des stages, rédiger un mémoire et passer le concours.

Voilà pourquoi cette proposition de loi peut faire l'objet d'un large consensus. Les auditions et mes échanges avec de nombreux collègues ont montré que des précisions et des propositions étaient attendues ; je les ai intégrées dans mes amendements. Les acteurs interrogés – le Conseil supérieur des programmes, le réseau des Inspé, France Universités – se sont montrés très favorables à ce que je propose. Une partie des syndicats semble ouverte à une évolution qui sécurise le parcours de formation et fait un pas vers le prérecrutement. Les différentes directions ministérielles rencontrées – la Dgesco (direction générale de l'enseignement scolaire), la DGRH (direction générale des ressources humaines), la Dgesip (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle) – ont confirmé que cette proposition était la piste privilégiée par le ministère de l'Éducation nationale ; elle a été évoquée par Pap Ndiaye avant son départ et à nouveau, récemment, par Gabriel Attal.

Il y a un temps pour les discours et un temps pour les actes. C'est aux actes qu'il s'agit de passer par cette proposition de loi.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Merci de nous permettre de débattre à nouveau de l'amélioration des conditions de recrutement et de formation de nos enseignants. Il s'agit d'un facteur déterminant pour renforcer l'attractivité du métier, mais surtout pour que nos élèves bénéficient d'enseignements de qualité.

Personne ne mésestime le problème auquel vous cherchez à apporter des solutions. Toutefois, le groupe Renaissance émet certaines réserves.

Tout d'abord, pourquoi la proposition de loi ne parle-t-elle plus que des enseignants du second degré ? Les cursus et parcours de formation doivent être identiques pour tous les enseignants ; seuls les contenus disciplinaires liés aux savoirs académiques nécessaires à chaque niveau scolaire doivent être particuliers.

De plus, depuis plusieurs mois, le ministère de l'Éducation nationale a engagé des concertations avec les organisations syndicales à propos de la formation, des conditions de travail et des évolutions de carrière des enseignants. Le ministère de l'Enseignement supérieur est également très actif dans ce domaine et travaille avec celui de l'Éducation nationale pour mener une réforme pérenne. Il semble indispensable de préserver la phase de concertation et de discussion avec tous les acteurs concernés si l'on veut proposer aux futurs enseignants une formation attrayante, solide et complète.

L'objectif de l'article 1er, permettre de s'inscrire aux concours du secondaire dès le niveau bac + 3, est partagé par tous, mais votre rédaction interdit aux étudiants de se présenter à plusieurs concours, ce qui réduirait le vivier des candidats.

Quant à l'article 2, il crée un flou en ce qui concerne les deux années après la licence. Quel sera le statut des étudiants après la réussite au concours ? Ces deux ans aboutiront-ils, comme aujourd'hui, à l'obtention d'un master ?

Ces interrogations, ces approximations et la volonté de différencier le recrutement des professeurs des écoles et celui des enseignants du secondaire conduiront mon groupe à voter contre la proposition de loi. Nous restons néanmoins ouverts à la discussion ; je défendrai plusieurs amendements pour que notre commission puisse débattre de ce sujet capital pour notre école.

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J'avais déposé un amendement de suppression, mais je me suis ravisé : il faut que le débat ait lieu, et le texte qui nous est soumis permet d'aborder le sujet que la mission d'information sur la formation des enseignants du second degré va étudier dans les six prochains mois. De ce point de vue, il arrive au bon moment.

Nous avons tous constaté l'effondrement du nombre de candidatures aux concours de recrutement et la baisse du niveau de ces concours – cette année, en mathématiques, on a pris des candidats ayant obtenu moins de 5 sur 20.

La logique de la proposition de loi est d'avancer le moment du concours vers le milieu des années universitaires afin d'augmenter le nombre de candidats. Nous estimons nous aussi que la perspective d'être fonctionnaire stagiaire durant les deux ou trois années qui conduisent au M2 est de nature à susciter des vocations. Cependant, un recrutement situé en fin de deuxième année n'aurait pas le niveau voulu, ni pour le certificat d'aptitude ni – encore moins – pour l'agrégation.

Pour nous, il faut rétablir les Ipes (Instituts de préparation à l'enseignement du second degré), avec un concours de recrutement spécifique à bac + 1. Une mesure de cette nature créerait un appel d'air très vertueux pour le renouvellement du corps enseignant. Elle aurait certes un coût budgétaire non négligeable – raison pour laquelle mon amendement en ce sens a été déclaré irrecevable –, mais qui resterait très inférieur au coût économique global de l'effondrement du recrutement des professeurs.

S'agissant de l'article 2, sur la formation professionnelle initiale, nous avons une position tranchée : les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres), les Espe (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) et les Inspé ont montré leur incapacité à préparer correctement nos futurs professeurs à l'exercice de leur métier et de leurs fonctions. Dans le domaine des valeurs, concernant la défense de la laïcité, le fait que 50 % de nos jeunes collègues considèrent qu'il faut procéder à des aménagements raisonnables vis-à-vis du communautarisme témoigne de la faillite de l'université dans la transmission de l'essence même du modèle républicain français.

Nous amenderons la proposition de loi en ce sens.

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La proposition de loi a le mérite d'aborder un enjeu majeur : la crise chronique de recrutement qui frappe l'Éducation nationale.

Elle s'explique avant tout par la politique d'appauvrissement des professeurs méthodiquement conduite depuis 2010, mais tient également aux conditions de leur recrutement. Nous souhaitons une procédure de prérecrutement permettant d'enrichir le vivier de candidats aux concours enseignants et de le diversifier socialement, la masterisation des concours ayant réduit la part de candidats issus des catégories les plus populaires.

Si elle pose une question à laquelle il nous paraît indispensable et urgent de répondre, la proposition de loi comporte cependant de nombreuses imprécisions ; nous doutons de son caractère opératoire et elle nous semble pouvoir être contre-productive.

En particulier, le rapporteur précise par amendement les conditions de diplôme nécessaires à la titularisation dans un corps de l'enseignement, mais, si cet amendement n'est pas adopté, le texte abaissera le niveau de qualification des futurs professeurs. Cela contreviendrait à l'objectif de relever celui des élèves et pourrait avoir des conséquences négatives pour la carrière des personnels de l'Éducation nationale.

Pour nous, les enseignants sont des experts de la transmission des savoirs, dotés par un parcours universitaire de niveau master d'une solide culture scientifique et pédagogique dont l'acquisition est sanctionnée par la réussite à un concours. L'enjeu est de permettre au plus grand nombre des étudiants le souhaitant de s'y préparer et d'y réussir. Nous proposons donc une procédure de prérecrutement, ouverte dès le niveau bac ou licence et qui offre cinq ou deux années sous statut de fonctionnaire stagiaire, incluant une rémunération, ce que n'indique pas exactement la rédaction actuelle de la proposition de loi.

Là se trouve le fond de notre désaccord : le texte s'attaque à la dimension quantitative de la crise, mais n'apporte pas suffisamment de garanties concernant la qualité. Il faut accroître le vivier tout en assurant le meilleur niveau de qualification des futurs professeurs. La rédaction actuelle de la proposition de loi ne le permet pas.

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L'éducation est au cœur de notre société et de la République. En permettant l'acquisition des savoirs et des valeurs, elle joue un rôle central dans la cohésion et l'ascension sociales. Or on constate, au niveau local et national, un manque criant d'attractivité du métier d'enseignant et une crise des vocations. Le niveau des enseignants nouvellement recrutés baisse et les critères d'admissibilité s'effondrent.

La réponse du Gouvernement, c'est le pacte enseignant, solution miracle, remède universel. Le soutien scolaire ? C'est le pacte. Le dispositif Devoirs faits ? Le pacte encore. Les remplacements ? Le pacte toujours. La crise des vocations ? Le pacte, vous dis-je ! Plus, bien sûr, le recours aux contractuels.

Notre collègue Alexandre Portier a raison de réclamer et de proposer un plan d'urgence pour le recrutement et la formation des enseignants. Je ne comprends pas que certains collègues s'opposent à un texte qui vise à ce que nous disposions de davantage d'enseignants mieux formés. L'ancien ministre partageait le diagnostic ; l'actuel semble lui aussi vouloir avancer dans ce domaine. Pourquoi refuser une démarche constructive s'agissant d'un enjeu majeur pour notre jeunesse ?

Le texte ne propose pas du tout une formation au rabais ; c'est même l'inverse : il s'agit de conserver les mêmes concours, mais d'avoir plus de candidats et de formation à l'issue du concours, grâce à une professionnalisation progressive sur deux ans.

Deux questions pour rassurer ceux qui s'inquiètent : monsieur le rapporteur, pouvez-vous préciser le futur statut des lauréats du concours pendant leur formation de deux ans dans les Inspé ? Et pouvez-vous confirmer que le titre de master sera obtenu à l'issue de la formation ?

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À intervalles réguliers, notre assemblée légifère sur l'avenir de l'école. Ainsi la formation des professeurs a-t-elle été réformée cinq fois au moins depuis 2005, sans que l'on mesure les effets de ces changements ou que l'on en tire un bilan consolidé. Ce sera sans doute l'un des objets de la mission d'information que conduiront nos collègues Rilhac et Chudeau ; nous nous en réjouissons.

Le manque criant d'attractivité du métier d'enseignant, d'une part, la baisse du niveau de recrutement, d'autre part, motivent la présente proposition de loi. Nous ne pouvons que partager ce constat dramatique. Nous approuvons l'orientation générale du texte : le rétablissement du concours au niveau de la licence, pour accroître le vivier de recrutement. Cela permettra en outre d'attirer davantage d'étudiants issus des milieux modestes, qui ne peuvent pas financer cinq ans d'études. Nous approuvons également la volonté de redresser le niveau de recrutement, qui baisse drastiquement depuis des années.

Mais nous craignons que l'accent mis sur la professionnalisation et la pédagogie, certes indispensables à la formation, ne permette pas de relever le niveau disciplinaire des candidats. Qu'en sera-t-il du contenu de la formation et du concours ? Comment enrichir le vivier tout en élevant le niveau des futurs professeurs après trente ans de nivellement par le bas et d'affaissement terrible du niveau général ?

Plus largement, quel rôle donnons-nous à l'école et qu'attendons-nous de ses professeurs ? Sommes-nous d'accord pour considérer que leur mission centrale est d'instruire, c'est-à-dire de transmettre les savoirs fondamentaux ? Cet objectif de bon sens ne va plus de soi. On a donné tant de missions à l'école qu'on en a dilué le sens. Or l'instruction n'est pas une violence, mais la clé de la liberté.

Si ces questions ne sont pas débattues et clarifiées, nous risquons de faire une réforme de plus pour rien. Voilà pourquoi nous ne voterons pas cette proposition de loi, bien que nous en partagions les grandes orientations.

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Nous sommes ravis que nos collègues du groupe Les Républicains aient pris la mesure de la perte d'attractivité du métier d'enseignant, qui entraîne l'amoindrissement, d'année en année, du nombre de candidats aux concours. Le groupe Socialistes et apparentés sonne l'alarme à ce sujet depuis bien longtemps.

Depuis 2017, le nombre de candidats au Capes externe est en chute libre. Il y en avait 37 000 cette année-là, contre 19 000 en 2022. Le problème est réel et il faut agir. Cependant, la proposition de loi ne va pas dans le bon sens.

Elle permettrait à des élèves seulement inscrits en L3, qui n'ont donc validé que deux années de licence, de se présenter au concours, la troisième année de licence devenant une année de préparation aux concours et non d'apprentissage disciplinaire. Suivraient deux années de formation pédagogique, la durée des stages augmentant au fil du cursus.

Dans le second degré, l'attachement des enseignants à la transmission des savoirs disciplinaires est déterminant. Permettre de passer le concours à des étudiants inscrits en troisième année de licence, c'est renoncer à leur enseigner de nombreux savoirs disciplinaires. Autrement dit, le niveau disciplinaire de nos futurs enseignants du secondaire serait revu à la baisse.

Par ailleurs, les concours de l'enseignement seraient non plus à bac + 5 mais à bac + 3. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur la grille salariale des enseignants au cours des prochaines années ?

Enfin, nous sommes favorables au passage à deux ans de la durée de formation initiale des enseignants et au fait de mettre l'accent sur les méthodes pédagogiques. Les stages d'observation sont primordiaux pour apprendre le métier. Les stagiaires ne doivent pas devenir une main-d'œuvre bon marché.

Une programmation pluriannuelle du recrutement, sur le modèle de la prévision de 60 000 postes pendant le mandat de François Hollande, redonnerait de l'attrait à la profession et la valoriserait. Les candidatures n'ont jamais été aussi nombreuses que lorsque ces 60 000 postes ont été annoncés. Nous regrettons que la proposition de loi ne s'accompagne pas d'un plan de recrutement massif inscrit dans une loi pluriannuelle.

Nous voterons contre.

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Le métier de professeur, si essentiel à notre nation et à son avenir, traverse une crise globale, qui concerne surtout l'attractivité : le nombre de candidats et de recrutements est en très nette baisse depuis quelques années.

Il faut agir sur les différentes causes que nous connaissons. D'abord, améliorer les rémunérations ; c'est ce que le Gouvernement a fait en procédant depuis l'an dernier à une revalorisation sans précédent et en lançant le pacte enseignant, qui doit être mieux expliqué.

Il faut également adapter la formation initiale et continue. La proposition de loi a le mérite de soulever ce problème, mais relève sur ce point du pouvoir réglementaire, d'où une certaine insécurité juridique.

De plus, le texte ne vise que les enseignants du second degré.

Par ailleurs, il conduit à revenir sur la possibilité pour un candidat de se présenter à plusieurs concours. Est-ce un bon calcul ?

Surtout, dès sa prise de fonctions, le ministre de l'Éducation nationale a fait de l'attractivité du métier et de la formation un chantier prioritaire. L'adoption de la proposition de loi viendrait ainsi percuter les concertations engagées avec les organisations syndicales dans l'enseignement secondaire et supérieur.

Il est indispensable de réfléchir à la réforme de la formation des professeurs, laquelle n'est plus adaptée compte tenu des enjeux de recrutement et de qualité de l'enseignement, particulièrement pour les professeurs des écoles – que la proposition de loi ne concerne pas.

Former en trois ans, changer les modalités d'accès aux concours, diversifier les missions et les parcours : autant de pistes à explorer. Nous saluons l'ouverture d'un débat sur le sujet, mais ne souhaitons pas préjuger du résultat des travaux issus des concertations en cours, qui aboutiront début 2024.

Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre la proposition de loi.

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Le métier d'enseignant n'attire plus. Les candidats sont de moins en moins nombreux à se présenter aux concours. Cette année encore, les dates limites d'inscription ont dû être repoussées. En outre, les enseignants sont de plus en plus nombreux à démissionner.

Face à ce malaise de la profession, nous devons agir. Mon groupe continue d'appeler à un plan de revalorisation salariale pluriannuel.

Sans aucun doute, une réflexion sur le recrutement doit être menée, s'appuyant sur une évaluation de toutes les réformes précédentes : elles se sont succédé depuis 2010 ; or la crise de l'attractivité et du recrutement naît aussi de l'instabilité.

Il ne faut pas dissocier premier et second degré.

Nous partageons votre point de vue sur la nécessité d'une formation plus professionnalisante, mais comment se matérialisera la professionnalisation progressive que vous préconisez ? Sa mise en œuvre ne risque-t-elle pas de se heurter à des difficultés au sein des établissements ? Un travail de réflexion et de concertation avec le terrain doit être engagé.

Nous nous interrogeons aussi sur le fait que l'abaissement au niveau licence s'applique à tous les types de concours, y compris l'agrégation.

Par ailleurs, si l'on repense l'accès aux concours, ce doit être en lien avec une refonte de la formation. Faire débuter celle-ci au niveau licence implique de bâtir une formation initiale solide, garantissant la maîtrise des disciplines mais aussi de la didactique – nous approuvons le rapporteur quand il insiste sur la pédagogie. Il faut anticiper les conséquences d'une telle réforme sur la rémunération et le statut après le concours et en fin de licence ; sur le contenu du concours et de la formation ; sur la cohabitation avec les autres voies d'accès. En outre, comment intégrer les personnes en reconversion professionnelle ?

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Nous en venons à l'unique question individuelle.

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L'Éducation nationale fait face depuis plusieurs années à une crise du recrutement des enseignants. De façon inquiétante, le nombre de candidats admis est systématiquement inférieur à celui des postes ouverts. À la dernière rentrée, 1 584 postes restaient vacants dans le primaire, 1 850 dans le second degré. Le 8 septembre – une semaine après la rentrée –, de l'aveu même du ministre, 500 postes restaient à pourvoir. À ces chiffres déjà trop élevés, il faut ajouter les doubles admissions et les démissions à venir des enseignants stagiaires. Cette situation dramatique avait déjà été observée en 2021 et 2022.

Après une baisse de 30 % en vingt ans du nombre de candidats dans le primaire, la nouvelle prime d'attractivité n'a pas suffi à inverser la tendance. En plus de ces mesures d'urgence, n'est-il pas indispensable de revaloriser sensiblement et durablement le métier pour mettre fin à cette crise des vocations, qui compromet la qualité des apprentissages ?

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Mes chers collègues, comme vous, je me réjouis de ce débat, qui met déjà en évidence un net consensus s'agissant du diagnostic – c'est une première victoire.

Madame Rilhac, j'ai parlé dans mon intervention liminaire des raisons pour lesquelles je me suis limité au second degré et annoncé que j'étais favorable à vos amendements qui étendent le dispositif au premier degré.

En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur la concertation : elle dure depuis des mois ; à un moment, il faut agir. Une mesure comme celle que je propose met elle-même des mois à être traduite dans les faits : si elle n'est pas engagée dans les prochains mois, elle ne sera pas mise en œuvre pendant le quinquennat. Depuis que nous sommes élus, il n'y a pas eu de projet de loi en matière scolaire. À nous, députés, de provoquer ces décisions et ces votes, d'autant qu'il est fondamental que le Parlement débatte de l'école, premier budget de la nation comme des collectivités. Sinon, à quoi servons-nous ?

J'ai précisé dans un amendement que la voie d'accès à bac + 3 s'ajoute aux autres. Il faut à la fois accroître le vivier et accélérer le recrutement à court terme. Voilà pourquoi j'indique par voie d'amendement que la possibilité de passer le concours à bac + 5 reste ouverte. Mais il y a urgence et il faut une réponse immédiatement opérationnelle, pour la session 2025. Je suis très inquiet concernant les perspectives de recrutement à la fin du mandat. Cette réponse à court terme s'ajoute aux éléments budgétaires, salariaux ou de conditions de travail dont on peut débattre par ailleurs. Il ne faut pas s'interdire ces voies nouvelles dès lors qu'elles permettent de capter de nouveaux publics.

Monsieur Chudeau, le recrutement au niveau licence, qui vous inquiète, se pratique déjà à Mayotte et existait ici avant 2009. Je n'ai pas le souvenir que nous connaissions alors une pénurie d'enseignants ni que nos enseignants étaient si mal formés. Des générations d'enseignants ont été recrutées au niveau licence ; parfois, ils échouaient au concours la première année, poursuivaient en master, repassaient le concours ensuite et demandaient un report pour finir leur master. Pour les élèves des écoles normales supérieures, le concours de recrutement d'enseignants était inséré dans un cursus de formation modulable et souple. Je le répète, il s'agirait d'une voie en plus.

J'ai été sensible aux interrogations de M. Vannier sur les effets contre-productifs de ma démarche. À l'écoute des personnes auditionnées comme de mes collègues, j'ai tenté d'en corriger certains par voie d'amendement.

L'enseignement est un métier, ce qui implique savoir et savoir-faire. Dans l'article 2, j'ai souhaité insister sur la dimension pédagogique, car c'est dans ce domaine que les difficultés sont les plus grandes, ou vécues comme telles par les nouveaux enseignants. Il serait dommage de laisser entendre que le texte revient sur les contenus disciplinaires : rien n'empêche – je le précise par amendement – d'ajouter des compléments disciplinaires dans la formation à l'Inspé. Cela dit, nous, représentants de la nation, devons dire clairement ce que nous attendons non seulement de l'école, mais aussi des concours de recrutement des enseignants. Si nous estimons qu'il y a une défaillance en matière pédagogique et didactique, c'est notre rôle de le dire et d'être plus ambitieux dans ce domaine.

J'ai fait le choix d'une rédaction resserrée, car on ne peut pas tout écrire dans la loi. J'ai confié au ministre le soin de préciser les modalités d'application du texte et, éventuellement, d'affiner certaines choses par décret.

Monsieur Gaultier, vous avez raison de souligner que le texte ne propose en aucun cas une formation au rabais. Pour renforcer la formation, notamment dans le domaine de la pédagogie, il faut améliorer l'organisation du parcours de formation. Le texte introduit un rééquilibrage, tout en maintenant globalement l'équilibre du cursus de formation actuel, qui se caractérise par la succession de la dimension disciplinaire, au cours des années de licence, et de l'aspect pédagogique pendant le master, qu'il porte sur les Meef (métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) ou sur la recherche.

S'agissant du statut des élèves admis au concours, le texte ne déroge pas à la règle en vigueur. Je souhaite simplement que les fonctionnaires stagiaires passent non pas un, mais deux ans au sein d'un Inspe, au cours desquels ils seront évidemment rémunérés.

Pour lever toute ambiguïté, je préciserai, par l'amendement AC32 – même si, à mon sens, cette précision relève du décret – que les étudiants ne pourront être titularisés à la sortie de l'Inspé que s'ils sont titulaires d'un master. Le master apporte non seulement une reconnaissance sociale et universitaire mais peut aussi permettre la poursuite d'études, par exemple dans une filière doctorale, ou la reconversion professionnelle.

Madame Folest, à écouter les étudiants mais aussi des institutions telles que le réseau des Inspé, le Conseil supérieur des programmes (CSP) ou France Universités, nos jeunes enseignants ne pèchent pas par le niveau disciplinaire. Ce qui manque, ce n'est pas le savoir mais le savoir-transmettre. Je dirai donc, répondant ainsi également à Mme Keloua Hachi, que c'est en ce domaine que nous devons muscler notre formation. Un savant peut être un piètre pédagogue. Le métier d'enseignant est spécifique et ne convient pas nécessairement à des personnes qui se destinent plutôt à la recherche.

La proposition de loi ne conduit pas à abaisser le niveau de formation. À l'entrée dans le dispositif, les élèves devront être titulaires d'une licence, condition nécessaire à l'obtention ultérieure d'un master. Or, avant 2009, c'est bien une licence qui était exigée, et je ne crois pas que les étudiants de l'époque étaient si mal formés que cela : nous comptions alors dans nos rangs un certain nombre de médailles Fields et nous occupions la tête de plusieurs classements. C'est plutôt au cours des dernières années que nous avons dégringolé.

Je suis tout à fait d'accord avec vous quant à la nécessité d'avoir une programmation en matière scolaire. Je regrette que l'on ne dispose plus d'une stratégie de long terme en ce domaine, alors que l'on consacre un budget considérable à la formation sur le temps long. On ne peut pas se permettre de changer les règles du jeu chaque année. Il nous faut une loi de programmation, étant rappelé que la dernière en date remonte à 2013.

Madame Carel, je ne pense pas que ces dispositions devraient faire l'objet d'un texte réglementaire. D'une part, il me semble important que les députés s'expriment sur ce qu'ils attendent de l'école, des enseignants et du système qui les forme. D'autre part, on ne peut pas faire de la loi un instrument à géométrie variable et n'y recourir que lorsque cela nous arrange. En 2019, vous avez été un certain nombre à voter la loi Blanquer, qui définissait de manière assez précise le statut des Inspé et des formations qui y sont dispensées. Pourquoi ce qui valait en 2019 ne vaudrait-il plus en 2023 ?

Madame Descamps, les adaptations liées à l'immersion dans les établissements relèvent, pour le coup, d'un niveau de détail qui justifie un texte réglementaire. L'essentiel, à mes yeux, est d'acter dans la loi le principe d'une immersion progressive, qui est au cœur des enjeux de la professionnalisation des enseignants. La rédaction proposée laisse le sujet totalement ouvert.

Je suis tout à fait prêt à ce que l'on reconnaisse la singularité de l'agrégation au regard de son statut et de son histoire, mais aussi pour des raisons très pratiques : c'est le concours pour lequel on rencontre le moins de difficultés de recrutement.

Je ne touche pas, dans ce texte, au concours interne ni au troisième concours, comme je le préciserai par mon amendement AC26.

Madame Anthoine, je souscris totalement au principe de la revalorisation. Il est fondamental que, dans les années à venir, notamment dans le cadre de la loi de programmation que nous appelons de nos vœux, on donne des perspectives de long terme aux enseignants en poste et à ceux qui hésiteraient à s'engager dans la voie du professorat. Ces derniers doivent savoir ce que l'on attend d'eux mais aussi connaître les moyens que l'on compte mettre à leur disposition et les perspectives de carrière qu'ils peuvent espérer. Cela passe par une revalorisation non pas ponctuelle – comme cela s'est produit à plusieurs reprises au cours des dernières années – mais sur une durée au moins décennale.

La commission en vient à l'examen des amendements.

Article 1er : Modification des conditions de diplôme pour présenter les concours de l'enseignement du second degré

Amendement de suppression AC20 de Mme Estelle Folest

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Face à la pénurie de professeurs que nous constatons tous dans l'enseignement secondaire, l'article 1er propose que les concours de l'enseignement du second degré soient accessibles, non plus aux titulaires d'un master, mais aux détenteurs d'une licence ou aux étudiants qui suivent une troisième année de licence, à la condition que les candidats se présentent exclusivement dans la discipline correspondant à leur diplôme. Cette dernière condition me paraît contraire à l'objectif recherché, car elle restreindrait le vivier de candidats. À titre d'exemple, une personne ayant suivi une classe préparatoire scientifique et inscrite en licence de sciences physiques pourrait fort bien enseigner les mathématiques. Pour cette raison, l'amendement vise à supprimer l'article 1er.

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Je vous invite à retirer votre amendement pour que nous puissions poursuivre le débat. La procédure que je propose vise à accélérer le parcours de recrutement et de formation de ceux qui ont déjà un très bon niveau dans un domaine donné. Par mon amendement AC29, je maintiendrai la possibilité actuellement ouverte à un étudiant titulaire d'un bac + 5 de se présenter au concours. J'ajoute que les étudiants passés par les classes préparatoires sont souvent inscrits dans des licences bidisciplinaires, qui permettent de passer le concours dans plusieurs disciplines.

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M. le rapporteur a raison de demander le retrait de l'amendement car un grand nombre de précisions doivent être apportées sur l'article 1er. Pour une fois que nous pouvons discuter du sujet capital de la formation et du recrutement des enseignants, ne nous en privons pas ! Je m'opposerai à l'amendement.

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Je partage le point de vue de M. le rapporteur : il faut démocratiser le débat sur notre école et permettre aux parlementaires de légiférer sur cette question centrale. L'Éducation nationale, qui constitue le premier budget de la nation, devrait être notre principal sujet de préoccupation. Nous sommes frustrés de n'avoir pu en débattre depuis le début de la législature. Les parlementaires n'ont pas à se déposséder de leur pouvoir de décision au profit de l'exécutif. M. le rapporteur a raison de le souligner, même si, de mon point de vue, il fait parfois lui-même trop de concessions au pouvoir réglementaire.

Je veux souligner la qualité de l'écoute de M. Portier, qui a intégré par voie d'amendement une série de dispositions en réponse aux objections ou aux remarques que nous lui avons faites.

Néanmoins, je voterai en faveur de l'amendement, car l'article 1er, dans sa rédaction actuelle, conduirait à abaisser le niveau de qualification des enseignants et n'apporte pas de clarifications suffisantes sur le statut des futurs lauréats du concours.

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Les propos du rapporteur, qui se montre tout à fait ouvert au débat, ainsi que la qualité de nos échanges me conduisent à retirer mon amendement.

L'amendement est retiré.

Amendement AC26 de M. Alexandre Portier

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L'amendement vise à préciser que les concours concernés par le texte sont les seuls concours externes.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC13 de Mme Cécile Rilhac et sous-amendement AC35 de M. Alexandre Portier

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L'amendement vise à supprimer le mot « secondaire » au deuxième alinéa de l'article. Il nous paraît fondamental que les étudiants suivent un cursus similaire, qu'ils se destinent au premier ou au second degré. En conséquence, nous proposons d'ajouter le certificat d'aptitude au professorat des écoles (Cape) à la liste figurant à ce même alinéa.

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Le sous-amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 6 de l'amendement afin de ne conserver que la partie relative au mot « secondaire ». En effet, mon amendement AC25 vise à supprimer la liste des concours mentionnée à l'alinéa 2 pour ne pas corseter la loi et pour laisser une certaine latitude au ministère, notamment dans le cas où l'on souhaiterait ouvrir de nouveaux concours. La disposition proposée par Mme Rilhac étendra tout de même l'application de la proposition de loi au premier degré.

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Nous nous abstiendrons sur votre sous-amendement.

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Je m'inscris en faux contre l'amendement de Mme Rilhac car je considère que la formation professionnalisante initiale des professeurs du premier et du second degré doit être radicalement différente. En effet, ce ne sont pas les mêmes métiers – même s'il n'y a dans mon esprit aucune échelle de valeurs. Il faut, selon moi, s'en tenir à la rédaction initiale.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.

Amendement AC25 de M. Alexandre Portier

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Il s'agit de supprimer l'énumération exhaustive des concours concernés, qui ne paraît pas nécessaire et entraîne de la rigidité. L'article s'appliquerait ainsi à l'ensemble des concours de l'enseignement, tant du premier que du second degré.

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Dans l'hypothèse où mon amendement AC16 tomberait à la suite de l'adoption de l'amendement en discussion, je voudrais rappeler que le concours de l'agrégation est ouvert, à l'heure actuelle, aux titulaires d'un master. Il y a là une différence de grade à laquelle nous sommes attachés. L'agrégation externe n'est pas seulement un concours de recrutement de l'Éducation nationale.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'amendement AC16 de Mme Cécile Rilhac tombe.

Amendements identiques AC10 de Mme Fatiha Keloua Hachi et AC14 de Mme Cécile Rilhac

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L'amendement AC10 vise à supprimer la possibilité offerte à un étudiant inscrit en troisième année de se présenter aux concours de l'enseignement. En effet, nous craignons que cela ne diminue le niveau disciplinaire des candidats, lesquels risquent de passer leur troisième année à bachoter. Je ne crois pas que l'Inspe propose des formations disciplinaires très étendues ; en tout état de cause, une fois que l'on a commencé à enseigner, on a trop à apprendre dans le domaine de la pédagogie pour travailler sa discipline. Il est essentiel que l'enseignant ait un excellent niveau disciplinaire.

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Lors des auditions, les syndicats enseignants ont insisté sur la nécessité de détenir la licence pour présenter le concours.

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Je ne suis pas favorable à ces amendements. Il me semble important que les candidats puissent passer le concours avant d'avoir validé leur licence, étant rappelé qu'ils ne pourront accéder à la formation dispensée en master que s'ils sont titulaires de la licence. Le niveau des enseignants recrutés ne diminuera pas puisque l'on conserve un continuum de formation de cinq ans. Le concours à bac + 3 est une étape qui vise à alléger les deux années de master, ce qui paraît une nécessité, comme en ont témoigné tous les acteurs institutionnels auditionnés. À l'heure actuelle, l'année de master 2 est un véritable marathon, puisque l'étudiant doit rédiger son mémoire, effectuer ses stages, valider le diplôme et passer le concours. Nous souhaitons valider le bagage disciplinaire en amont pour permettre aux élèves de se concentrer sur l'apprentissage du métier à l'Inspe. On a tout intérêt à s'engager dans cette voie.

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Je soutiens ces amendements car la professionnalité d'un professeur repose sur sa parfaite maîtrise de la discipline qu'il va enseigner. Cela ne peut être vérifié, au plus tôt, qu'une fois la licence obtenue. Permettre à un candidat de passer un concours avant même d'avoir validé sa licence, c'est, objectivement, diminuer le niveau du concours.

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Je suis parfaitement d'accord avec M. Portier sur le fait que l'année de master 2 est une année marathon, difficile à vivre et, de surcroît, coûteuse financièrement pour les étudiants. La masterisation a dissuadé un grand nombre d'étudiants de devenir enseignant. Cela étant, il n'est pas souhaitable que, dès la fin de la deuxième année ou le début de la licence, un étudiant se consacre exclusivement à la préparation de son concours. Il serait dangereux de passer du jour au lendemain de bac + 5 à bac + 2,5.

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Si, pendant un siècle et demi, le master avait été exigé pour passer les concours, je comprendrais vos inquiétudes. Or, ce n'était pas le cas avant 2009, et cela a fonctionné ainsi pendant des décennies. Je préciserai par voie d'amendement que les étudiants ne pourront suivre la formation de l'Inspe qu'après avoir validé leur licence. Des générations d'enseignants ont passé leur concours tout en finalisant leur licence. Ce qu'ils apprenaient en licence leur servait d'ailleurs pour passer leurs épreuves.

La commission adopte les amendements.

Amendement AC15 de Mme Cécile Rilhac

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Par cet amendement, je souhaite que les étudiants aient à justifier de la détention de la licence à la date de publication des résultats d'admission du concours – et non, comme prévu dans le texte, à la date des résultats d'admissibilité.

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Votre amendement me surprend car nous n'avons fait que reprendre les dispositions réglementaires actuelles. Cette modification ne me paraît pas indispensable, mais je n'y suis pas pour autant défavorable. Avis de sagesse.

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Avant 2009, les étudiants passaient leur licence puis préparaient le concours pendant un an. Pour votre part, vous proposez que les étudiants aspirants professeurs suivent la troisième année de licence tout en préparant le concours, ce qui rendrait l'un et l'autre objectifs plus difficiles à atteindre. Les étudiants auraient une maîtrise insuffisante de leur discipline car ils se consacreraient davantage au concours. Au-delà de la réponse que vous apportez, il me paraît nécessaire de clarifier les choses sur ce point.

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Ce flou nous empêche de voter l'article 1er, même amendé. L'année de licence devra être construite à la lumière des discussions et des concertations en cours. On pourrait imaginer que, lorsqu'on se trouve dans une filière menant aux concours de recrutement de l'enseignement, on valide la licence en cinq semestres afin de pouvoir se consacrer, au cours du sixième semestre, à la préparation du concours – ce qui éviterait de « perdre » une année. Les deux années que vous appelez de vos vœux pourraient ainsi être mises à profit pour acquérir un niveau de master dans la discipline concernée mais aussi, dans une optique professionnalisante, pour effectuer des stages.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC29 de M. Alexandre Portier

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Cet amendement vise à ce que les candidats détenteurs d'un master puissent se présenter à l'un des concours de recrutement des enseignants, y compris dans une discipline autre que celle qu'ils ont étudiée en licence. Il s'agit de répondre aux inquiétudes qui ont été exprimées, en particulier par Mme Folest.

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On voit ici apparaître l'une des faiblesses de votre texte. Imaginons qu'un étudiant titulaire d'un master 2 de philosophie obtienne le Capes de mathématiques. Pendant deux ans, ce fonctionnaire stagiaire bénéficierait d'apprentissages essentiellement pédagogiques. Autrement dit, son parcours de formation le priverait des apports disciplinaires que son cursus universitaire ne lui a pas apportés. Dans cette hypothèse, on pourrait avoir un doute sur le niveau de qualification de l'intéressé en mathématiques. En raison de ces effets contre-productifs, nous nous opposerons à l'amendement.

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Je suis tout à fait favorable à l'amendement. Il me paraît plus légitime d'ouvrir un concours aux personnes titulaires d'un diplôme d'un certain niveau que d'exclure tous ceux qui n'auraient pas suivi un cursus correspondant exactement à la matière concernée. Les épreuves du concours permettront de s'assurer du niveau de chacun.

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Monsieur Vannier, je ne pense pas que le texte produise des effets contreproductifs. Le lauréat d'un concours qui serait détenteur d'un master dans une autre discipline suivrait une formation complémentaire à l'Inspe dans la matière choisie au concours. On s'assurerait ainsi qu'il a le niveau nécessaire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AC32 de M. Alexandre Portier

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Cet amendement a pour objet de préciser que la titularisation effective des lauréats des différents concours ne pourra intervenir que si ceux-ci valident leurs deux années de formation et obtiennent le diplôme de master à la fin de leur cinquième année d'études supérieures.

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Nous allons voter en faveur de cet amendement, qui apporte une des clarifications que nous attendions, à savoir la garantie du niveau de qualification des futurs enseignants.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC27 de M. Alexandre Portier

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Il s'agit de préciser que l'évolution du niveau de diplôme désormais exigé sera effective à compter de la session 2025 des différents concours de recrutement. Si l'on ne fixe pas un calendrier précis, rien n'avancera.

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Cet amendement a le mérite d'ancrer les dispositions dans le temps. Par ailleurs, je remercie M. le rapporteur d'avoir étendu l'application du texte au premier degré. Cela étant, comme je l'ai dit, il nous semble essentiel de laisser la concertation se dérouler. Nous voterons contre cet amendement compte tenu de notre opposition à l'article 1er, même amendé.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette l'article 1er.

Après l'article 1er

Amendement AC8 de M. Paul Vannier

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Cet amendement a pour objet la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'opportunité de créer une voie de prérecrutement des professeurs des premier et second degrés, afin de répondre à la crise de recrutement qui frappe l'Éducation nationale. La représentation nationale doit être éclairée sur cette question majeure.

Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.

Amendement AC9 de M. Paul Vannier

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Cet amendement vise, là aussi, à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans le but de l'éclairer, un rapport évaluant les conséquences de la perte de pouvoir d'achat des enseignants sur l'attractivité de leur métier. Il s'agit d'étudier les causes de la désaffection à l'égard des concours de l'Éducation nationale.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.

Article 2 : Accroissement de la dimension professionnalisante de la formation des enseignants

Amendement AC23 de M. Roger Chudeau

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S'agissant de la formation initiale professionnalisante prévue à l'article 2 de la proposition de loi, nous considérons que les Inspé ont failli à leur mission, comme le montrent les très nombreuses démissions précoces de jeunes enseignants mal préparés à l'exercice de leur métier. Seul l'employeur, c'est-à-dire le ministère de l'Éducation nationale, doit se voir chargé de la responsabilité de la formation initiale professionnalisante pour que celle-ci soit à la hauteur des enjeux et des spécificités de la fonction enseignante – un décret d'application pourra préciser les modalités de cette formation.

Nous souhaitons substituer à l'actuelle organisation, dans laquelle les études et la formation professionnelle s'effectuent simultanément, un modèle dans lequel la formation ne débuterait qu'une fois les études achevées. Le compagnonnage, système dans lequel la formation est dispensée par des pairs expérimentés, devrait être privilégié ; la fonction de conseiller pédagogique ou de maître formateur dans le second degré pourrait opportunément voir le jour afin de former convenablement les jeunes enseignants.

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L'avis est défavorable, car votre amendement dénature l'intention de l'article 2 en supprimant la référence à la progressivité des stages – qui constitue à mes yeux un point fondamental et non négociable – et en mettant de côté la nécessité d'accorder plus de place à l'apprentissage de la didactique.

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L'amendement de M. Chudeau recèle une ambiguïté, car il fait référence aux écoles académiques de formation ; or les représentants des Inspe et des syndicats auditionnés ont exprimé leur crainte d'un rapprochement étroit entre les instituts et ces écoles, alors que leurs missions sont actuellement très distinctes. Nous nous opposerons également à l'adoption de l'amendement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AC18 de Mme Cécile Rilhac

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Cet amendement propose de préciser que la formation de deux ans aboutit à l'obtention du master. M. le rapporteur ayant clarifié ce point à l'article 1er, je le retire.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel AC28 de M. Alexandre Portier.

Amendement AC21 de Mme Estelle Folest

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Votre proposition de loi ne cherche pas à trouver un équilibre entre l'apprentissage de la pédagogie, évidemment indispensable, et la formation disciplinaire. Je suis en désaccord avec vous quand vous dites qu'il n'y a pas de décrochage de niveau en matière de savoirs fondamentaux jusqu'en licence – vous revenez d'ailleurs en creux sur cette position dans l'exposé des motifs du texte, puisque l'on peut y lire que « la chute du nombre de candidats contribue à réduire fortement la sélectivité des concours. »

Il y a lieu de renforcer le savoir disciplinaire car celui-ci constitue le premier facteur de l'autorité des enseignants, dont il est légitime de se soucier.

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L'avis est défavorable. L'amendement méconnaît la réalité de la formation dans les Inspé, car la majorité de celle-ci est consacrée à l'enseignement disciplinaire ; la dernière maquette des Inspé attribue 45 % du temps de la formation à la construction du cadre de référence et à l'enseignement des savoirs de la discipline ou de la spécialité, et seulement 30 % du temps aux stratégies d'enseignement et d'apprentissage. Un rééquilibrage est nécessaire, d'où la rédaction de l'article 2 ; en effet, les enseignants ne doivent pas être simplement des experts de leur domaine, mais également des pédagogues.

Des compléments disciplinaires peuvent se révéler utiles – nous en avons débattu à propos du master –, au gré des licences obtenues : c'est dans cet esprit que j'ai rédigé l'amendement AC30, qui vise à dispenser des enseignements disciplinaires complémentaires aux candidats qui en auraient besoin.

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L'excellence disciplinaire est validée par l'obtention du concours après la licence. Notre conception du métier d'enseignant du second degré accorde une place trop importante au savoir disciplinaire. Si nous observons le premier degré, nous constatons l'intérêt de valoriser une formation axée autour de la pédagogie ; pour les cours dans les Inspé comme pour la pratique par alternance – élément qu'il conviendrait de renforcer –, le second degré gagnerait à s'inspirer du premier. Il faut intensifier l'enseignement de la pédagogie, dans les cours comme dans la pratique : enseigner est un métier qui ne se résume absolument pas à la maîtrise d'une matière scolaire.

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Il me semble délicat de supprimer toute référence à la priorité de l'apprentissage de la pédagogie dans un texte relatif à la formation professionnelle des enseignants.

Je ne méconnais pas la différence entre la pédagogie générale et la didactique des disciplines, mais cette question ne relève pas du domaine législatif. Il existe déjà un référentiel des métiers et un cahier des charges de la formation : l'amendement me semble donc sévère.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AC30 de M. Alexandre Portier

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Fruit de l'audition du président du Conseil supérieur des programmes (CSP), Mark Sherringham, l'amendement vise à préciser que la formation initiale de deux ans devra, tout en donnant la priorité à l'apprentissage de la pédagogie, permettre aux élèves professeurs qui en auraient besoin d'avoir accès à des compléments d'enseignements disciplinaires, liés notamment au contenu des programmes de collège et de lycée, lesquels peuvent être absents des maquettes universitaires.

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Votre proposition de loi était dédiée aux enseignants du second degré ; l'amendement, dont l'objet relève du pouvoir réglementaire, réserve les stages d'apprentissage de la pédagogie à cette population, alors que cette formation est également fondamentale pour les enseignants du premier degré. Je suis donc opposée à l'amendement et à l'article 2.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AC31 de M. Alexandre Portier

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Cet amendement fera sûrement plaisir à Mme Rilhac, puisqu'il vise à préciser que les modalités de mise en œuvre de la formation initiale des enseignants pourront être fixées par décret.

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J'avais déposé un amendement qui visait à supprimer la mention au second degré : il a été déclaré irrecevable car son adoption aurait apparemment créé une charge. Je reste opposée à l'article 2 en ce qu'il ne s'adresse qu'aux enseignants du second degré et je voterai contre cet amendement, bien qu'il soit en effet normal que ce soit un décret qui fixe les modalités de mise en œuvre de la formation initiale.

La commission rejette l'amendement.

La commission rejette l'article 2.

Article 3 : Gage financier

La commission rejette l'article 3.

Titre

Amendement AC19 de Mme Cécile Rilhac

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Je vais le retirer, puisqu'il est devenu sans objet. Nous souhaitons des dispositions pérennes pour le recrutement et la formation des enseignants, et non un plan d'urgence : telle est l'orientation qui se dégage des concertations en cours au ministère de l'Éducation nationale et à celui de l'enseignement supérieur.

L'amendement est retiré.

La commission rejette l'ensemble de la proposition de loi.

En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir mis ce sujet, sur lequel nous sommes tous d'accord pour avancer, à l'ordre du jour de nos débats.

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Nous regrettons de ne pas débattre davantage des questions liées à l'école en séance publique, donc cette proposition de loi est en quelque sorte un texte d'appel à davantage de discussions.

Chers collègues de la majorité, je préférerais que les décisions en matière de recrutement et de formation fassent l'objet d'un débat parlementaire. Un sujet aussi important ne peut pas être totalement laissé au pouvoir réglementaire : nous avons besoin de propositions du ministre et d'un travail aboutissant à l'émergence d'un consensus politique. Le diagnostic est partagé, reste à réfléchir aux solutions. Je vous remercie tous pour la qualité des échanges que nous avons eus, même si le compromis n'est pas encore parfait.

La commission en vient à l'examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive (n° 1816) (M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur).

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Je me réjouis de rejoindre pour ce texte la commission des Affaires culturelles et de l'éducation et vous remercie de votre hospitalité ; habituellement membre de la commission de la Défense, je ne m'en éloigne à vrai dire pas tant que cela, car c'est pour la défense de la langue française que j'ai le plaisir de me joindre à vous. Nous savons tous depuis du Bellay que la France est la « mère des arts, des armes et des lois ».

L'intelligibilité et la neutralité axiologiques de la langue sont des valeurs qui dépassent tous les clivages politiques : elles sont les clés de la transmission de l'information et de la délibération démocratique.

Chaque fois que nous laissons un langage militant prendre le pas sur cette fonction neutre de communication, nous rendons celle-ci un peu plus difficile. Nous contribuons alors à l'archipélisation d'un langage commun, notre belle langue française, qui est pourtant un lien essentiel de notre communauté nationale.

Cette opinion est si largement partagée, que je me permettrai de rapporter ici les mots prononcés le 30 octobre dernier par le Président de la République à Villers-Cotterêts : « Il faut permettre à cette langue de vivre, de s'inspirer des autres (…), de continuer à inventer, mais d'en garder aussi les fondements, les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe, et de ne pas céder aux airs du temps. Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n'a pas besoin d'y rajouter des points au milieu des mots ou des tirets ou des choses pour la rendre visible. »

Les difficultés liées aux progrès de l'écriture dite inclusive ont déjà fait l'objet de plusieurs propositions de loi visant à établir une base juridique plus solide pour assurer l'emploi d'un français clair et accessible à tous nos concitoyens. Cela témoigne d'un réel besoin de clarification et de l'existence d'un vide juridique que les parlementaires ont à plusieurs reprises tenté de combler. En dépit de ces efforts, qui manifestent une volonté politique venue de rangs très différents, force est de constater que le débat public n'a pas encore permis de donner à la langue française les outils indispensables à sa protection.

La présente proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive, adoptée le 30 octobre 2023 au Sénat – le même jour que le discours de Villers-Cotterêts – constitue une nouvelle opportunité de débattre de ces enjeux, qui sont loin d'être anecdotiques, et d'apporter les solutions législatives nécessaires, en clair, de passer des discours aux actes.

L'apparition et la multiplication des usages de certains outils de l'écriture inclusive conduisent les juridictions à se prononcer de façon croissante sur la validité des textes où ils sont employés. Les décisions judiciaires peuvent avoir des répercussions très concrètes dans la vie de nos concitoyens, dès lors qu'elles concernent la légalité des statuts d'une association aujourd'hui et qui sait, demain, la validité d'un texte d'examen universitaire. Comme cela a récemment été le cas à l'université de Lyon, il arrive en effet que les épreuves d'un diplôme puissent être données en écriture inclusive ou même non-binaire.

Si la jurisprudence est source de droit, elle ne devrait pas avoir pour mission de se substituer à un législateur défaillant. Une jurisprudence hésitante peut en outre se révéler porteuse de grandes insécurités juridiques. Nous devons donc prendre nos responsabilités.

Concernant la protection de la langue française contre certaines pratiques syntaxiques et rédactionnelles nouvelles, qui pourraient mettre en danger l'intelligibilité de la langue, le seul outil normatif existant relève du domaine réglementaire. Les défis que doit relever notre langue, si nous souhaitons qu'elle reste un vecteur de diffusion culturelle et d'influence, sont pourtant divers et nombreux. Ils dépassent largement le champ des circulaires, dont l'efficacité demeure toute relative.

Alors que l'année 2024 sera celle des trente ans de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite loi Toubon, dont le principal objectif était de renforcer l'usage de notre langue face à la diffusion rapide de termes anglophones, il nous faut avoir le courage politique d'affronter les nouvelles menaces de complexification et d'affaiblissement que constituent certaines pratiques de l'écriture dite inclusive.

Un encadrement législatif est plus que jamais nécessaire, non pour restreindre la liberté d'usage des termes qui composent la langue française ou empêcher ses évolutions, mais bien pour préserver les contours de la sphère publique du langage, cet espace commun partagé par tous les Français. Cela passe par la réaffirmation d'une grammaire commune.

Le texte proposé affirme la nécessité de conserver une certaine neutralité de la langue en se conformant aux standards grammaticaux existants, qui permettent à chacun de conserver une forme de neutralité. En ce sens, ce texte est véritablement un texte de liberté. Nos concitoyens peuvent, particulièrement dans certains milieux professionnels, se trouver embarrassés d'avoir à choisir entre utiliser ou non les procédés d'écriture inclusive. Faut-il les employer pour suivre la tendance, même lorsque leur pertinence leur échappe ? Faut-il les éviter, au risque de passer pour un opposant à l'égalité des sexes ? Et que dire des examens ou des lettres de motivation dans lesquels leur emploi ou leur absence conduit à situer le rédacteur, créant de fait un a priori favorable ou défavorable ? C'est pourquoi ce texte est un texte de neutralité : il ôte à nos concitoyens la préoccupation d'opter pour une solution ou une autre en réaffirmant un standard commun, sans brider d'aucune sorte la liberté d'expression. Il évite de devoir choisir, pour complaire à un interlocuteur, l'une ou l'autre forme grammaticale. Il est aussi un texte d'égalité pour tous ceux qui éprouvent déjà certaines difficultés face à la langue française : pensons particulièrement à nos concitoyens en situation de handicap, déficients visuels ou personnes souffrant de troubles dys qu'égare cette nouvelle complexité langagière – nos auditions ont confirmé ce constat. Aider à préserver l'intelligibilité de notre langue, c'est aussi garantir à chacun un meilleur accès aux outils d'émancipation qu'elle propose.

Pour atteindre ces objectifs, la proposition de loi vise à prohiber certaines pratiques de l'écriture inclusive dans tous les cas où l'usage du français est requis, selon les dispositions de la loi Toubon. Dès lors qu'il sera fait usage de « pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes ou à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine », l'obligation d'usage du français sera considérée comme n'ayant pas été respectée. Cette disposition concerne une variété d'actes juridiques dans les domaines de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics.

La loi vise également à interdire les mêmes usages de l'écriture dite inclusive dans les publications, revues et communications mentionnées à l'article 7 de la loi du 4 août 1994, soit « les publications, revues et communications diffusées en France et qui émanent d'une personne morale de droit public, d'une personne privée exerçant une mission de service public ou d'une personne privée bénéficiant d'une subvention publique ». Cette disposition est déterminante, car ces publications sont essentielles pour l'information du public et dans les relations entre le service public et ses usagers. Là encore, il s'agit d'assurer la diffusion d'un français accessible à tous, notamment aux personnes atteintes d'un handicap physique ou cognitif.

Le quatrième alinéa de l'article 1er vise à rendre nul de plein droit tout acte juridique utilisant l'écriture inclusive telle que définie précédemment : cette disposition vise à garantir une pleine effectivité de la loi car la mise en œuvre difficile et souvent lacunaire de la loi Toubon a montré toute la nécessité d'un dispositif de sanction strict.

Le cinquième alinéa de l'article fait de l'article 19-1 de la loi du 4 août 1994 une disposition d'ordre public, ce qui signifie qu'aucune convention ne pourra s'en écarter.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 1er étend cette interdiction à la langue utilisée pour l'enseignement, les examens, les concours, les thèses et les mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement. Là encore, il ne s'agit nullement de chercher à combattre les motivations qui peuvent exister à la promotion de telles pratiques, mais bien de mettre les élèves, candidats et étudiants dans une situation de stricte égalité.

Mes chers collègues, cette proposition de loi n'est pas un texte de combat : elle ne vise aucunement à aller contre la promotion indispensable de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il n'est ainsi nullement question d'aller contre la féminisation des titres et des fonctions, ou d'interdire le « Mesdames, messieurs ».

La proposition de loi dont nous allons débattre s'inscrit dans la droite ligne de la loi Toubon qu'elle vise à enrichir : elle partage avec elle le souci de protéger l'intégrité de la langue et la volonté d'en préserver l'accessibilité. Je crois réellement que nos débats permettront de dégager un accord – nous accepterons de nombreux amendements – fondé sur ces objectifs et de parvenir à un texte concerté pour la défense du patrimoine commun qu'est la langue française, ce trésor que Paul Valéry qualifiait de « saint langage » et « d'honneur des hommes ».

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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L'image la plus exacte de l'esprit français est bien notre langue, qui est à la fois l'instrument de notre cohésion, de nos valeurs et de notre rassemblement ; toujours en évolution, elle se nourrit au contact d'autres cultures. Elle nous relie à 321 millions de francophones et elle permet de se défaire des déterminismes sociaux : elle est le terrain neutre de l'égalité par excellence.

Il n'est jamais évident de légiférer sur notre langue, tant le débat autour de son usage est souvent polémique. L'écriture dite inclusive et l'usage du point médian se développent depuis plusieurs années ; cette écriture, diverse et non stabilisée, pose un problème d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme, notamment pour les lecteurs en difficulté. Il va de soi que cette écriture constitue, pour les personnes dyslexiques ou en situation de handicap cognitif, un frein à la lecture, à la bonne compréhension de l'écrit et à l'étude de la langue.

La circulaire du 21 novembre 2017 du Premier ministre Édouard Philippe prohibe le recours au point médian dans les actes administratifs tout en encourageant la généralisation de la féminisation de la langue : voilà notre position ! Oui, à la féminisation de notre langue mais non, à l'usage du point médian, marqueur idéologique qui fait perdre la neutralité intrinsèque et nécessaire de notre langue. Cette position, qui n'exclut personne, est marquée du sceau de la fermeté et de l'équilibre.

La présente proposition de loi vise à modifier la loi Toubon de 1994 et, dans son article 1er, à interdire l'écriture dite inclusive dans les documents dont le droit exige qu'ils soient rédigés en français. L'article 2 dispose que cette interdiction s'appliquera aux contrats et aux avenants conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

Le groupe Renaissance souhaite améliorer le texte et lui apporter des modifications rédactionnelles, dans un objectif de pragmatisme, d'efficacité et de compréhension ; il votera en faveur de l'adoption de cette proposition de loi, largement soutenue par nos collègues sénateurs, car elle améliore la clarté, l'intelligibilité et la sécurité juridique de la norme.

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L'écriture inclusive est un véritable cancer pour la langue française. Symbole de la déconstruction et du wokisme, elle est utilisée par des militants fanatiques pour détruire chaque jour un peu plus l'héritage de la France ainsi que son patrimoine culturel et naturel. Cette maladie de la déconstruction contamine jusqu'aux écoles et aux universités, elle sévit dans certains manuels scolaires et dans certains cours. Par soumission idéologique ou par effet de mode, certains vont même jusqu'à l'imposer au sein d'entreprises où les salariés sont contraints de capituler.

Ces délires wokistes sont dangereux pour les adolescents et pour les enfants, qui sont déjà confrontés à une baisse généralisée et inquiétante du niveau scolaire. Dans un entretien accordé au journal Le Parisien le 13 novembre dernier, le ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, s'inquiétait du niveau scolaire des collégiens et soulignait que la moitié des élèves de quatrième ne savaient pas lire convenablement.

Lors des débats au Sénat en octobre dernier, la ministre de la Culture a déclaré refuser la police de la langue et a évoqué l'égalité devant la langue française, mais où est l'égalité lorsque des élèves passent, comme à l'université de Lyon-II en juin dernier, un examen rédigé en écriture inclusive, comprenant des pronoms non genrés et des mots inventés et farfelus ? Protéger les élèves et les étudiants de l'endoctrinement idéologique d'extrême gauche doit être une priorité : dans cette optique, l'usage de l'écriture inclusive doit être combattu partout où la République demeure.

Je tiens à rappeler que le groupe Rassemblement national a présenté, lors de sa niche parlementaire du 12 octobre dernier, une proposition de loi visant à interdire l'écriture inclusive dans les éditions, productions et publications scolaires et universitaires, ainsi que dans les actes civils, administratifs et commerciaux : où étiez-vous, chers collègues du groupe Les Républicains ? Où vous cachiez-vous lors du vote de ce texte ? En tout cas, pas dans l'hémicycle ! Le Rassemblement national agit dans le seul intérêt des Français et votera donc en faveur de cette proposition de loi de bon sens.

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Voici donc le grand retour, tant attendu, de l'écriture inclusive. Il faut dire que nous n'en avions pas parlé depuis au moins un mois, et la niche de La France insoumise passe complètement à côté de cet enjeu majeur en se contentant de demander l'indexation des salaires sur l'inflation, le blocage des marges abusives des entreprises de l'agroalimentaire et de la grande distribution et un soutien aux mères isolées, et de défendre l'accueil physique dans les services publics – autant de propositions totalement déconnectées des véritables préoccupations des Français, dont chacun sait qu'ils se réveillent le matin en se demandant quand on va enfin interdire l'écriture inclusive.

Collègues du groupe Les Républicains, je salue votre sens des priorités. Il a fallu du courage pour voter ce texte au Sénat et braver la cure d'austérité normative à laquelle Gérard Larcher vous appelait. Je salue aussi votre sens de la solidarité, de la courte échelle, de la passerelle, loin du barrage : grâce à votre niche, celle du RN gagne une seconde vie et vous la sauvez de son naufrage pathétique sur fond d'imprécations de Marine Le Pen contre les services de l'Assemblée et les tableaux Excel.

Mais votre générosité ne s'arrête pas là : un véritable arc réactionnaire contre l'écriture inclusive offre enfin au Président de la République une majorité qu'il peinait tant à trouver. Car vous faites le trait d'union – je n'ose dire le point médian – entre l'extrême droite et Emmanuel Macron : comme vous l'avez fièrement rappelé, il récupère votre obsession en affirmant que « dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n'a pas besoin d'y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible. »

Comme le Président, vous devriez réviser vos classiques. Le grammairien Vaugelas écrivait que « le genre masculin, étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble ». Vous gagneriez aussi à lire les études d'histoire de la langue et de sociolinguistique qui démontrent que non, le masculin n'est pas neutre, que son usage est le fruit d'un choix idéologique opéré au XVIIe siècle, et qu'il influence les représentations en perpétuant les biais sexistes inconscients. Il n'est pas très étonnant que le monarque présidentiel, ses courtisans et ses alliés se reconnaissent dans les grammairiens masculinistes de l'époque de la monarchie absolue ; vous ne vous étonnerez pas que nous nous reconnaissions plutôt dans le foisonnement et l'inventivité de la période humaniste, dont les expérimentations actuelles sont les héritières.

Nous rejetterons votre lubie autoritaire et resterons dans la tradition d'une langue française riche et inventive.

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Notre rapporteur le disait, le français est la langue officielle de notre nation depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Depuis plusieurs siècles, il est le ciment de la nation et le socle de l'administration ; grâce à lui chacun de nos concitoyens se sent appartenir à la même communauté : la communauté nationale.

Notre langue est confrontée à de multiples défis : baisse du niveau des élèves en lecture et en orthographe, usage croissant de l'anglais et du franglais dans les médias mais aussi dans toute la société, recul de l'apprentissage du français dans le monde et de son usage dans les instances internationales, dans les échanges économiques, dans la recherche et l'enseignement. La langue française est donc fragile.

L'écriture dite « inclusive » a l'ambition de transformer la société en faisant évoluer le langage ; elle déstructure la langue, porte atteinte à sa lisibilité et plus fondamentalement à son universalité. Dans sa lettre ouverte sur l'écriture inclusive publiée en 2021, l'Immortelle Hélène Carrère d'Encausse écrivait : « Une langue procède d'une combinaison séculaire de l'histoire et de la pratique, ce que Lévi-Strauss et Dumézil définissaient comme “un équilibre subtil, né de l'usage”. » En prônant une réforme immédiate, totalisante, de la graphie, les promoteurs de l'écriture inclusive violentent les rythmes d'évolution du langage ; cette injonction brutale, arbitraire et non concertée méconnaît l'écologie du verbe.

Langue de Molière, de Voltaire, d'Aragon, de Duras ou de d'Ormesson, le français est admiré et plébiscité dans le monde. Ce n'est pas pour rien qu'il est encore la langue de la diplomatie. Le français a su évoluer au cours de sa longue histoire, gagner en simplicité et en clarté.

Parce que le français est notre destinée commune et qu'il s'est montré essentiel pour souder la nation et assurer sa pérennité, il semble important au groupe Les Républicains, dans la continuité du travail de nos collègues du Sénat, que le législateur agisse et protège notre langue contre les dérives de l'écriture inclusive.

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Voici, après celle du Rassemblement national, une nouvelle proposition de loi visant l'écriture inclusive : mêmes causes, mêmes effets. Nous rappelions il y a peu à quel point il était inutile de légiférer et de polémiquer sur le sujet alors que les circulaires d'Édouard Philippe, Premier ministre, et de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, sont claires : les administrations de l'État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme. Le recours à l'écriture inclusive qui utilise le point médian est en outre proscrit dans le cadre de l'enseignement.

Au-delà de cet argument, la rédaction même de votre texte pose problème. On notera d'abord le paradoxe d'une proposition qui, en inscrivant l'écriture dite inclusive au sein même d'un texte législatif, lui donne en réalité une forme d'existence, de légitimité – pourtant bien discutable, tant ses règles restent floues. « Iel » semble devenir par le truchement de votre loi un mot grammatical ; or n'est-il pas agrammatical quand seul le Robert l'intègre au dictionnaire ? On peut au moins se poser la question.

La fin de l'alinéa est encore plus problématique : on peut se demander si, avec votre rédaction, on pourra saluer dans une assemblée des directrices ou des spectatrices quand existent les génériques directeurs et spectateurs. C'est bien plutôt la coexistence au sein du même mot des désinences masculine et féminine qu'il faudrait pointer.

La langue n'a simplement pas vocation à être réglementée. L'Académie française veille à la clarté de la langue ; elle est une vigie indispensable et reconnue. Malgré tout, le principe reste l'usage, et la liberté d'expression s'impose depuis toujours, l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 instaurant l'emploi de la langue française « et non autrement ».

L'écriture inclusive est un phénomène marqué politiquement. On sait de quel bord viennent ces textes. L'intelligibilité de ces usages est clairement remise en cause – et ne parlons pas de la facilité à l'enseigner. Cela rend très peu probable sa généralisation. Laissons donc notre langue vivre. Sa morphologie et sa syntaxe n'ont jamais été régies par la loi : l'usage est le législateur suprême en ce domaine.

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À la lecture de ce texte, j'ai eu comme un goût de déjà-vu. Nous étions en effet il y a quelques semaines déjà réunis ici pour débattre d'une proposition de loi du Rassemblement national sur le sujet. Je le redis : la langue est le reflet de la société et de ses évolutions : pas plus révolution que menace, l'écriture inclusive invite à repenser nos représentations. La seule chose mise en danger est la domination du masculin sur le féminin, de l'homme sur la femme ; c'est contre cela, au fond, que vous souhaitez légiférer.

J'étais ce matin en commission des Affaires économiques pour débattre de la proposition de loi de M. Thibault Bazin qui porte sur un vrai sujet : la crise du logement. Mais elle est inscrite bien après votre texte inutile sur l'écriture inclusive. Où sont donc vos priorités, mesdames et messieurs du groupe Les Républicains ?

Pire, alors qu'une large majorité des députés avait voté en commission des Affaires économiques en faveur d'un texte transpartisan destiné à réglementer les meublés de tourisme, sujet important pour les habitants permanents et les élus locaux, soutenus par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, par France urbaine, par les sénateurs LR et par les élus locaux LR, vous avez choisi de refuser la procédure de législation en commission qui aurait permis une adoption rapide du texte. Plutôt que de résoudre les problèmes des Français, vous préférez faire du transpartisan avec le RN. Les principales dérives que je vois ici ne sont pas celles de notre langue, mais celle de votre groupe, qui tangue dangereusement vers l'extrême droite en reprenant ses thèmes de travail.

Le groupe Socialistes votera contre cette proposition.

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La langue française est sans doute notre bien commun le plus précieux, le cœur de notre identité et un patrimoine immatériel qu'il nous faut préserver et transmettre. Dès l'émergence de l'écriture inclusive, les demandes d'interdiction du point médian et de formules grammaticales telles que « iel » se sont multipliées. Ce n'est pas anodin et j'y vois le signe de l'attachement que les représentants de la nation, et à travers eux une majorité écrasante des Français, portent à la langue française.

Or celle-ci, ou plutôt son usage, est mal en point. Le français doit déjà faire face à de multiples écueils : baisse du niveau des élèves en lecture et en orthographe, usage croissant de l'anglais et du franglais dans les médias et dans la société, recul de l'apprentissage du français dans le monde et de son usage dans les instances internationales.

Depuis quelques années, il se trouve devant un nouveau défi : un militantisme impose des usages grammaticaux et typographiques qui enlaidissent notre français, le rendent confus et même impraticable pour toutes les personnes qui rencontrent des difficultés de lecture. Ces formes d'écriture promues par une minorité activiste et lettrée sont tout à fait décalées par rapport aux difficultés quotidiennes des femmes, par exemple, dans notre société. On n'a pas besoin d'ajouter des points au milieu des mots pour rendre la langue française lisible, comme le soulignait le président de la République lors de l'inauguration de la Cité internationale de la langue installée au château de Villers-Cotterêts. Ces règles sont impuissantes à apporter des avancées concrètes pour l'égalité entre les hommes et les femmes, ou encore contre les violences faites aux femmes : leur seul pouvoir est un pouvoir de nuisance pour tous les locuteurs atteints de handicaps et de troubles dys.

Dès 2017, le Premier ministre Édouard Philippe a publié une circulaire relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel qui impose le respect des règles de grammaire et de typographie en vigueur. Ce combat avait été ensuite repris par notre collègue François Jolivet, dont je salue le travail.

Les députés du groupe Horizons sont toujours déterminés à défendre ce patrimoine culturel inestimable et voteront cette proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains. Nous défendrons deux amendements : le premier vise à préserver la liberté d'expression dans l'enseignement supérieur, le deuxième à s'assurer que les personnels, les étudiants et doctorants de ces établissements, qu'ils soient publics ou privés, ne puissent jamais à l'avenir être tenus d'utiliser l'écriture inclusive ni encourir des pénalités s'ils refusent de le faire.

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Une lubie rétrograde, réactionnaire et antiféministe revient une nouvelle fois s'inscrire à l'ordre du jour de notre commission. Nous nous interrogeons sur vos priorités : vous préférez reprendre à votre compte les sujets qui passionnaient l'extrême droite il y a quelques semaines plutôt que de débattre de notre belle langue française et de son évolution.

Il faut donc le répéter : le langage est le reflet des évolutions de notre société ; notre langue est belle lorsqu'elle est en mouvement, lorsqu'elle n'est plus figée, lorsqu'elle s'inscrit dans le sens du progrès : celui de l'égalité et du féminisme. En trois ans, c'est la douzième fois que nous allons débattre de ce qui vous hérisse : ici un point médian, là des néologismes, ailleurs une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine, et j'en passe.

Échangeons sereinement. Une question se pose à nous et aux générations futures : comment enrichir notre langue ? Comment la magnifier, guidés par la boussole de l'égalité ? Voilà quelle devrait être notre aspiration collective. Nous regrettons qu'après le RN et LR, le Président de la République lui-même réaffirme une énormité poussiéreuse et sexiste selon laquelle le masculin ferait le neutre. Vous êtes à côté de la plaque si vous pensez comme lui qu'il ne faut pas céder à l'air du temps. La langue française n'a pas besoin d'être féminisée ; elle est déjà équipée pour l'égalité, notre matrimoine en regorge d'exemples. Et si c'est dans l'air du temps que de vouloir parler de façon moins sexiste en s'appuyant sur de nouvelles ressources, eh bien, un peu de modernité ne fera de mal à personne dans notre institution.

Nous voterons contre cette proposition de loi.

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La position du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires n'a pas évolué depuis un mois. L'expression la plus contestée de l'écriture inclusive, le point médian, a fait l'objet de plusieurs circulaires qui en ont déconseillé ou proscrit l'usage, notamment pour les documents officiels et pour l'enseignement scolaire. Ces dispositions nous paraissent suffisantes.

En outre, la circulaire est ici plus adaptée que la loi, car la langue évolue. Elle permet aussi le respect du principe constitutionnel de liberté d'expression. Par ailleurs, le texte interdit tout aussi bien le point médian que les termes épicènes ou encore les néologismes, qui ne nuisent pourtant pas la compréhension des phrases. La proposition de loi s'applique de manière très large aux contrats de droit privé ainsi qu'à l'enseignement supérieur. C'est pour nous une contrainte disproportionnée à la liberté d'expression.

Nous rappelons enfin que la loi Toubon, que ce texte cherche à compléter, a manqué sa cible : alors qu'elle devait lutter contre l'hégémonie de l'anglais, elle n'a fait obstacle qu'aux langues régionales.

Notre groupe estime que le législateur doit se montrer très prudent lorsqu'il cherche à encadrer l'usage de la langue, au risque de la standardiser et d'en contraindre l'évolution.

Nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

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Je vais donner la parole pour les questions individuelles.

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Je salue l'adoption de ce texte par le Sénat. J'avais moi-même déposé en septembre 2021 une proposition de loi visant à interdire l'usage de l'écriture inclusive par les administrations publiques, les personnes morales en charge d'une mission de service public et les bénéficiaires de subventions publiques. C'est l'intelligibilité de notre langue qui est remise en question par l'écriture inclusive, qui peut difficilement être lue telle qu'elle s'écrit : cette distorsion rend malaisée la verbalisation intérieure et donc l'assimilation du message qui veut être transmis. Pour certaines personnes, elle pénalise gravement la compréhension ; elle discrimine gravement ceux qui sont atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages. Cette écriture n'a donc d'inclusive que son nom ; elle est facteur d'exclusion, là où la République veut rassembler les Français autour d'une même langue compréhensible par tous. La loi Toubon est malheureusement trop peu respectée. Comment s'assurer que l'interdiction de l'usage de l'écriture inclusive le sera ?

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Je précise que cette proposition de loi a été déposée par notre collègue sénatrice Pascale Gruny le 26 janvier 2022. Elle a été adoptée il y a quelques semaines, Cédric Vial, sénateur de la Savoie, en ayant été le rapporteur. Nous n'avons pas attendu le Rassemblement national pour travailler sur ce sujet, et nous n'avons pas de leçons à recevoir.

Il faut en effet consacrer la beauté et la complexité de notre langue, et éviter un dévoiement idéologique. Je suis choquée par les arguments des opposants à ce texte : je suis une femme, membre du groupe Les Républicains, et je prône l'égalité ; je ne me reconnais nullement dans l'idée que maintenir l'intégrité de notre langue et son caractère compréhensible signifierait que nous acceptons une société patriarcale et machiste. Les femmes, chez Les Républicains, ont suffisamment de caractère pour savoir qu'il faut distinguer les problèmes. Mais vous êtes dans l'idéologie.

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L'application de cette loi reposera sur l'idée de statut d'ordre public : le cas échéant, le juge pourra agir et constater par exemple la nullité d'un contrat. Des recours pourront être exercés devant le tribunal administratif contre une autorité publique, une collectivité locale, une société chargée d'une mission de service public. Il n'est pas question d'assortir cette règle de sanctions pénales, même si vous savez comme moi, hélas, ce qu'il en est des règles qui ne sont pas assorties de sanctions. L'application de cette loi repose sur l'idée de risque juridique : un bon avocat ne prendra pas le risque de rédiger un contrat en écriture inclusive.

Je remercie Mme Bonnivard d'avoir rappelé que nous avons été à l'origine de ce texte au Sénat.

La commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er : Interdiction de l'usage de l'écriture dite inclusive dès lors que le droit exige l'utilisation du français

Amendements de suppression AC1 de M. Inaki Echaniz et AC11 de Mme Sarah Legrain

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Vous préférez perdre du temps sur l'écriture inclusive, faux débat et faux problème, plutôt que de laisser la place à votre collègue Thibault Bazin pour évoquer le logement, vrai sujet qui concerne l'ensemble des Français et sur lesquels nous étions prêts à travailler tous ensemble. Le texte sur les meublés touristiques a été plébiscité par les élus locaux LR et les sénateurs LR mais se voit entravé par une poignée de députés LR qui préfèrent protéger leurs privilèges que se mettre au service des habitantes et des habitants de ce pays.

(Vives protestations parmi les députés des groupes LR, RE et HOR.)

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Je demande donc la suppression de cet article.

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Mes chers collègues, chaque groupe est libre de choisir les textes qu'il inscrit à l'ordre du jour de sa niche parlementaire et de s'exprimer comme il l'entend. Je souhaite que nous nous écoutions les uns les autres.

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On comprend bien votre projet : sauver le Rassemblement national. Vous vous focalisez donc sur les néologismes et le point médian pour éviter le ridicule vécu au moment de leur niche. Vous êtes comme eux obsédés par la réglementation de la langue, par la volonté d'interdire, tout en expliquant qu'il ne s'agit nullement de combattre la promotion de telle ou telle pratique, que cette proposition de loi n'est pas un texte de combat et ne vise nullement à s'inscrire contre la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je vous prends au sérieux et j'ai une question simple. Des études mettent en évidence que le langage influence les représentations ; il a aussi été démontré que les graphies qui permettent de mettre en avant les deux genres – double flexion, point médian, majuscules, abréviations de toutes sortes – sont plus efficaces pour lutter contre les biais sexistes inconscients que la graphie neutre qui a plus tendance à les perpétuer. Vous voulez interdire toutes les expérimentations destinées à rendre la langue inclusive : que proposez-vous pour en finir avec les représentations responsables du sexisme et de l'autocensure des femmes charriées par la langue ? Comment entendez-vous garantir la vitalité de la langue française, puisque si vous nous proposez d'interdire des usages, vous ne proposez d'en favoriser aucun ?

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Je sais bien que l'on cite toujours la phrase de Vaugelas, mais je vous rappelle que c'est un texte à peu près isolé, compilation de propos tenus dans les salons où se faisait la culture, et où c'était d'ailleurs généralement les femmes qui donnaient le ton – l'esprit féminin de ce temps était rayonnant. Il ne faut pas sortir les citations de leur contexte.

Plus sérieusement, sur le fond, je vous répondrai que contrairement à ce que vous laissez entendre, en dehors de quelques études bien identifiées idéologiquement, la langue n'est pas une superstructure ; l'usage et la tradition ont formé d'une langue à l'autre des expressions grammaticales qui n'ont rien à voir avec le genre. Je vous disais que je viens de la commission de la Défense : quand on demandait à une estafette d'aller voir une sentinelle, du temps où l'armée n'avait pas été féminisée, ces deux fonctions étaient exercées par des hommes. Pensons à l'Allemagne : en allemand, la jeune fille se dit das Mädchen, un mot neutre ; tout le monde sait pourtant que la jeune fille est du genre féminin. S'agissant des représentations mentales, la puissance et la gloire sont deux termes féminins. Si je vous renvoie à la matrice de l'organisation politique de l'Occident, l'empire romain, l'empereur dispose de la potestas et de l' auctoritas : deux termes féminins. J'ignorais que des femmes avaient exercé l' imperium à Rome ! Cela prouve que les genres n'ont rien à voir avec la langue.

Pour le reste, votre écriture inclusive est en réalité exclusive. J'ai reçu des associations de personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse de handicap visuel ou de dyslexie : cette écriture aggrave considérablement les difficultés qu'elles rencontrent.

Enfin, notre langue est un trésor qui doit être aussi un outil axiologiquement neutre, c'est-à-dire qui ne porte pas une valeur.

Quand vous imposez à des étudiants de répondre en écriture inclusive, ou même quand l'usage en est possible pour les examens, je veux bien croire à la neutralité du professeur mais on sait qu'existera la tentation de prendre une décision en fonction de cela. Il en va de même pour les magistrats. Je m'autorise une anecdote. J'étais avocat avant d'être député ; quand les titres ont été féminisés, dans certaines cours, il fallait dire « madame la présidente » à moins de passer pour un abominable réactionnaire ; dans d'autres, si vous aviez le malheur de dire « madame la présidente », vous vous faisiez allumer. C'est du vécu, des souvenirs cuisants, je vous l'assure. Ne refaisons pas la même chose. Notre langue est un trésor qui ne doit revêtir aucune dimension idéologique.

Je suis bien sûr opposé à ces amendements.

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Je suis opposée à ces amendements. Notre priorité doit être la lisibilité de notre langue ; il ne faut pas laisser de côté des personnes qui rencontrent des difficultés de lecture, qui pourraient être en situation de handicap. Imposer des textes en écriture inclusive aux personnes dys, c'est les exclure. La parité ne passe pas par la typographie d'une langue ou par la remise en cause des règles grammaticales dans une totale anarchie. Interdire la typographie spécifique de l'écriture inclusive, c'est faire montre d'humanisme et de volonté d'inclusion, donc aller dans le sens du progrès et de la liberté.

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Il y a un aveuglement idéologique à laisser croire que la langue serait responsable de tous les maux de la condition féminine. C'est une vue de l'esprit, du militantisme d'extrême gauche. Je rappelle à nos collègues de La France insoumise que Marie Curie n'avait pas besoin de point médian, que Lucie Randoin n'avait pas besoin de tirets, que Simone de Beauvoir n'avait pas besoin de néologismes, de mots inventés, et que Simone Veil n'a jamais revendiqué cette écriture dite inclusive pour mener la carrière qu'elle a menée. La langue n'est responsable ni des inégalités de salaires, ni de la paupérisation des femmes, ni de l'insécurité – que vous refusez de voir, d'ailleurs.

Arrêtez d'instrumentaliser la langue et revenons au concret.

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Vous nous parlez de trésor et de patrimoine comme si notre langue était une pièce de musée alors qu'elle évolue en permanence, et partout dans le monde.

L'utilisation du point médian, c'est un outil d'abréviation. Quand vous lisez « Mme », vous prononcez « madame » ; quand vous lisez « 1er », vous prononcez « premier ». Vous savez lire une abréviation !

En tant que dyslexique, j'avoue peu apprécier de servir d'alibi pour justifier de la non-utilisation d'une abréviation. Vous vous entêtez à ne pas voir l'écriture inclusive comme un outil qui permet à une partie de la population qu'on la considère.

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Je suis pour la suppression de l'article, qui consacre en réalité dans la loi l'existence de l'écriture inclusive.

La proposition de loi est extrêmement mal écrite. Je suis tout de même lettrée, et je ne comprends rien à la définition donnée à l'alinéa 2 : « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes » – je rappelle que les mots grammaticaux, ce sont des mots de liaison. Le point médian n'est même pas mentionné ! Et si nous interdisons, comme le demande cet alinéa, la substitution « à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, [d'] une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine », nous ne pourrons plus saluer ni les spectatrices ni les directrices !

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Monsieur le rapporteur, vous dites que la langue est le fruit des usages et des traditions : cela veut bien dire qu'elle n'est pas le fruit de la loi, mais de rapports sociaux et de mouvements parfois contradictoires. Vaugelas n'était pas du tout isolé dans sa conception du genre masculin ; si vous le voulez absolument, je peux vous citer François-Eudes de Mézeray, de l'Académie française, qui disait « préférer l'ancienne orthographe, qui distingue les gens de lettres d'avec les ignorants et les simples femmes ». Au dix-septième siècle, il y a eu un mouvement qui a voulu reviriliser la langue, les historiens l'ont démontré : des mots féminins ont disparu, et de nouvelles règles d'accord ont été imposées qui n'étaient même pas celles utilisées par Corneille ou Racine. L'évolution pousse aujourd'hui certains et certaines à mener des expérimentations pour rendre la langue plus inclusive. Nous ne vous proposons pas de les inscrire dans la loi, mais de respecter ce que la langue française a toujours été : le fruit de ses usages, mais aussi des tensions et des contradictions qui traversent la société.

Monsieur Odoul, toutes les femmes que vous avez citées ont dû se battre pour obtenir leur place !

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Je suis heureux que nous en soyons à discuter de Vaugelas et de Mézeray en 2023. Une évolution de la langue et des débats ont eu lieu au XVIIIe siècle, mais nous sommes au XXIe siècle.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC5 de Mme Caroline Yadan

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Cet amendement vise à réécrire l'alinéa 2, en supprimant notamment la référence à l'« écriture dite inclusive », en accord avec une approche plus pragmatique et moins idéologique.

Cette rédaction est juridiquement meilleure. On parle aujourd'hui d'écriture inclusive, mais cette écriture spécifique utilisant le point médian pourrait prendre demain un autre nom. L'amendement ne vise pas à changer la portée de l'alinéa, mais à reprendre les termes employés dans la circulaire de 2017.

Le point médian entraîne par définition une double lecture, ce qui est le contraire d'une abréviation.

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L'amendement permet de clarifier la rédaction. Ce texte a vocation à être pratique, à nous réunir et à apporter des résultats.

L'expression « mots grammaticaux », qui désigne une classe de mots par opposition aux mots lexicaux, est familière aux linguistes. Mais elle peut en effet paraître obscure au lecteur des textes, ce qui va à l'encontre des principes d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, auxquels cette proposition montre combien je suis attaché.

Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC6 de Mme Caroline Yadan

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L'alinéa 3 prévoit d'interdire l'usage de pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, dans les publications, revues et communications mentionnées à l'article 7 de la 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, ou « loi Toubon ».

L'amendement propose de limiter cette interdiction aux seules personnes morales de droit public et aux personnes privées exerçant une mission de service public. Nous estimons qu'il n'est pas possible d'étendre une telle interdiction aux personnes bénéficiant d'une subvention publique – et donc aux associations. Une telle mesure serait probablement inconstitutionnelle.

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Comme Mme Amiot a indiqué que ma voix portait, je vais m'éloigner du micro.

Je ne suis pas spontanément convaincu par cet amendement, même si j'admets qu'il peut y avoir un débat sur la constitutionnalité de la mesure. Je crains que la rédaction que vous proposez fasse perdre un peu de son efficacité au dispositif. Mais l'essentiel est de nous rassembler le plus largement possible en faveur de ce texte. Avis de sagesse.

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Je ne souhaite pas que Jean-Louis Thiériot parle moins fort. Je ne crois pas que la même remarque aurait été faite s'il avait été une femme. Cela s'appelle de la misandrie – c'est-à-dire l'inverse de la misogynie.

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Je suis hypersensible au bruit et je me suis sentie physiquement agressée. Je ne vous permets pas de m'accuser de misandrie ! Ma remarque a été formulée de manière bienveillante et hors micro.

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Des collègues féminines ont également la voix qui porte et jamais nous n'aurions osé leur en faire la remarque, car c'est leur façon d'être. Votre observation était d'autant plus déplacée que nous débattons d'égalité.

Pour ma part, je ne souhaite pas que le féminin l'emporte sur le masculin.

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Je remercie Émilie Bonnivard pour ses propos. Rassurez-vous, je n'ai pas eu le sentiment d'être victime de misandrie.

Cela étant dit, nous discutons d'un sujet sérieux auquel il faut apporter des réponses sérieuses. Je propose que l'on continue à avancer. Membre de la commission de la Défense, je suis habitué à des débats sur l'emploi de la force qui sont beaucoup plus calmes…

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC7 de Mme Caroline Yadan

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L'amendement propose de supprimer l'alinéa 4, qui prévoit que tout acte juridique qui comporterait l'usage de l'écriture dite inclusive serait nul de plein droit. Cela contrevient au principe de la liberté contractuelle, définie par l'article 1102 du code civil. Cet alinéa présente le risque d'être inconstitutionnel et il n'est pas opportun de le conserver.

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Avis de sagesse, dans le même esprit que pour les précédents amendements.

Il y a plus que matière à débat sur ce sujet. Je me suis entretenu avec un certain nombre d'avocats et tous m'ont assuré que personne ne prenait le risque de rédiger un contrat en écriture inclusive, car cette langue n'est pas intelligible. Mais ne prenons pas de risque en matière de constitutionnalité.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC8 de Mme Caroline Yadan

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L'article 1er insère un nouvel article au sein de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, et il prévoit que ce même article est d'ordre public – ce que l'article 20 de cette loi prévoit déjà. Il n'est donc pas nécessaire de le préciser de nouveau.

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Vous avez parfaitement raison d'un point de vue légistique, mais cela ne serait pas la première fois qu'un texte comprendrait des redondances. Nous avions choisi de mentionner de nouveau que l'article était d'ordre public du fait de sa portée symbolique forte.

Avis de sagesse.

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Je salue cette belle séquence au cours de laquelle nous avons vu fusionner les forces de la Macronie et celles du groupe Les Républicains, sous les applaudissements du Rassemblement national. Nous voyons bien la manœuvre.

Je constate que des amendements qui ne retirent rien au contenu de cette proposition ont été délibérément déposés pour vous fournir des arguments qui justifient le fait de voter en sa faveur à la fin. Vous obligez le rapporteur à donner des avis favorables ou de sagesse. Il aurait été plus honnête de dire d'emblée que vous êtes d'accord avec sa proposition. Vous retirez la référence à l'écriture inclusive pour vous donner bonne conscience. Assumez vos convergences jusqu'au bout, cela nous fera gagner du temps.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC13 de M. Jérémie Patrier-Leitus et sous-amendement AC17 de M. Jean-Louis Thiériot

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L'interdiction d'utiliser l'écriture inclusive prévue par le sixième alinéa concerne à la fois les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur.

Cette interdiction est pertinente – et même indispensable – dans le primaire et le secondaire, compte tenu des enjeux d'apprentissage et de perfectionnement de la langue française. Mais elle ne l'est pas dans l'enseignement supérieur où, de plus, prime la liberté d'expression des enseignants et des chercheurs – laquelle est consacrée par article L. 952-2 du code de l'éducation.

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L'un des objectifs importants de cette proposition consiste à éviter que l'enseignement supérieur, public ou privé, ne soit pris en otage par des combats idéologiques liés à la langue. Nous sommes bien évidemment favorables à la liberté de l'enseignement, garantie par la Constitution. Nous n'allons pas réglementer la manière dont les professeurs font leur cours.

En revanche, mon sous-amendement propose d'interdire l'utilisation d'une langue et d'une écriture qui ne sont pas axiologiquement neutres lors des examens, des concours ou du contrôle continu.

Avis favorable, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement.

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Je suis contre le sous-amendement et l'amendement.

Il ressort des débats que les actes juridiques ne peuvent pas être nuls s'ils sont écrits en écriture inclusive. L'utilisation de cette dernière demeurerait possible dans l'enseignement supérieur, hormis pour les examens, le contrôle continu et les concours. J'appelle votre attention sur le fait que, de la sorte, vous êtes en train de consacrer l'usage de l'écriture inclusive pour les actes juridiques et à l'université, en dehors des examens et concours.

La loi n'a pas à intervenir sur la manière d'écrire.

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Il faut distinguer entre l'enseignement supérieur, et l'enseignement scolaire. L'amendement a été déposé me semble-t-il pour tenir compte du fait que la liberté des chercheurs universitaires est reconnue par le code de l'éducation.

Il en est de même pour le sous-amendement. Si le Conseil constitutionnel a consacré le principe de liberté des chercheurs à l'université, il faut interdire l'utilisation de l'écriture inclusive pour les examens, les concours et le contrôle continu, afin d'éviter de créer une rupture d'égalité entre les candidats habitués à cette pratique et les autres

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Je vais m'opposer à cet amendement, mais je veux quand même souligner que quelques petites lueurs de bon sens surgissent dans cette commission. Tant mieux.

Je remercie tout d'abord M. Patrier-Leitus de s'être souvenu qu'il existait une chose qui s'appelle la liberté d'expression des enseignants-chercheurs. Il est bon que quelqu'un se le rappelle au sein de la commission des Affaires culturelles et de l'éducation. Je le remercie donc d'avoir déposé cet amendement, même si je suis en désaccord avec l'idée d'interdire l'écriture inclusive dans le primaire et le secondaire.

Je salue Mme Bannier, avec qui nous avons des désaccords sur ce qu'il faut penser de l'écriture inclusive mais qui s'en tient avec bon sens à un principe fondamental qui est en train d'être balayé : la manière d'écrire n'a pas à être fixée par la loi. C'est pourtant ce que vous êtes en train de faire, chers collègues, et c'est délirant.

Nous pourrions avoir des débats passionnants sur les expérimentations linguistiques, leurs champs et leur efficacité. Peut-être pourrait-on organiser une table ronde avec des experts, qui nous parleraient des effets de l'écriture inclusive.

Mais il est incroyable de constater qu'après votre apologie de la sédimentation des usages, vous finissez par décider que la langue française est le produit de la loi – comme si vous étiez des académiciens en herbe.

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Je crois que ce débat montre que l'on confond deux choses : le français comme langue d'enseignement et le français comme objet d'études.

Le premier est la langue de la République. C'est le français courant et il doit être utilisé aussi bien à l'université – sans être maltraité par l'écriture inclusive – que dans l'enseignement primaire et secondaire.

Par ailleurs, il n'y a aucun problème dans le fait que des universitaires décident d'étudier la langue de près, y compris sous l'angle de l'écriture inclusive. Personne ne cherche à s'en prendre aux libertés académiques.

Cet amendement repose sur une confusion et nous nous y opposerons, car nous considérons qu'il ne faut pas permettre de malmener la langue française lorsqu'elle est utilisée comme langue d'enseignement dans le supérieur.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.

Elle adopte l'article 1er modifié.

Après l'article 1er

Amendement AC14 de M. Jérémie Patrier-Leitus

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Depuis 2015, plusieurs établissements d'enseignement supérieur ont instauré l'écriture dite inclusive dans leurs cours ou leur communication interne. À cette fin, des chartes et guides ont été mis à disposition des étudiants et enseignants. Certaines institutions ont voulu aller plus loin dans l'adoption de cette graphie, à l'exemple du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) qui s'est présenté à partir de 2017 comme une école « d'ingénieur·e », en utilisant le point médian.

Cet usage dans les universités a créé de nombreuses polémiques. Si les exemples sont rares, il paraît néanmoins pertinent de se prémunir contre le risque que des établissements soient tentés de contraindre leur personnel enseignant ou administratif à utiliser l'écriture inclusive.

Cet amendement vise donc à empêcher les établissements d'enseignement supérieur publics et privés d'imposer des pratiques telles que le point médian au personnel ou aux étudiants et doctorants, et d'en faire un motif de sanction ou de pénalité.

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Je suis vexé de ne pas avoir pensé à rédiger cet amendement moi-même. Merci pour cette leçon d'humilité. Cette modification est extrêmement utile et permettra de lutter contre un certain nombre de dérives.

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Je suis favorable à cet excellent amendement.

Les dérives existent. Je connais quelqu'un à Sciences Po que l'on l'oblige à utiliser l'écriture inclusive et qui sait qu'elle sera sanctionnée si elle refuse de le faire. Elle résiste pour l'instant, mais sa position est extrêmement délicate.

Il faut donc, bien sûr, éviter que tous ceux qui refusent d'utiliser ce type d'écriture soient sanctionnés.

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Vous montrez toute la défiance dont vous faites preuve envers les enseignants, mais aussi envers les sciences sociales enseignées dans les établissements d'enseignement supérieur que vous avez mentionnés. Elles peuvent précisément conduire à utiliser l'écriture inclusive.

Vous êtes obsédés par la graphie et le point médian, alors qu'en réalité il suffit de développer « d'ingénieur·e » en « ingénieur et ingénieure » – à moins que même « ingénieure » vous pose problème.

En tout cas, bravo pour cette belle jonction entre groupes. Il ne manquait qu'Horizons et apparentés.

Je salue la résistance de nos collègues du groupe Démocrate.

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Soyons précis, madame Legrain. Mon amendement propose simplement de ne pas sanctionner des étudiants ou des enseignants qui n'utiliseraient pas l'écriture inclusive. J'ai présenté auparavant un amendement qui refusait que l'on interdise l'écriture inclusive dans l'enseignement supérieur.

La commission adopte l'amendement.

Article 2 : Création d'un délai d'application pour certaines dispositions de la loi

Amendement AC12 de M. Léo Walter

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Je vais en profiter pour répondre à l'un des arguments qui a été avancé en faveur de cette proposition de loi et qui concerne la situation des personnes en situation de handicap. Elles sont souvent brandies contre l'écriture inclusive, en réduisant cette dernière au seul point médian.

Nous avons auditionné des associations qui représentent ces personnes. Il apparaît que l'apprentissage de la langue peut être rendu plus compliqué à l'école primaire par l'usage du point médian – mais pas par le reste de l'écriture inclusive. Cependant, ce point médian ne présente pas de difficultés pour des adultes qui souffrent ou ont souffert de dyslexie. Ce n'est pas plus compliqué pour eux que de lire des abréviations.

En revanche, beaucoup de représentants d'associations ont indiqué qu'ils trouvaient stigmatisant d'être systématiquement instrumentalisés, tels des boucliers, par les auteurs de propositions de loi qui visent à s'opposer à certains développements du mouvement féministe.

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Avis défavorable.

Je rappelle que nous n'avons pas auditionné des personnes handicapées de manière individuelle. Nous avons reçu des représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Nos idées ne sortent donc pas du chapeau ; elles sont issues des auditions que nous avons effectuées dans le cadre de cette proposition de loi.

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Il est triste que certains collègues nous accusent d'instrumentalisation.

Françoise Garcia, vice-présidente de la Fédération nationale des orthophonistes, estime que « l'écriture inclusive ajoute de la confusion dans la conversion entre ce qu'on entend et ce qu'on écrit », car le travail de conversion graphophonétique est difficile pour les dyslexiques.

Nous n'inventons rien et n'instrumentalisons personne. Cette proposition concerne aussi l'inclusion de tous dans la société, y compris, ne vous en déplaise, ceux qui ont des difficultés d'apprentissage.

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Les organisations représentatives des personnes en situation de handicap sont diverses, comme celles qui représentent les professionnels de santé. Nous avons aussi rencontré des représentants d'associations, et la Fédération française des Dys nous a indiqué que l'écriture inclusive n'était pas forcément un obstacle pour les adultes.

La difficulté soulevée par les orthophonistes tient au fait que dans la langue française l'écart est particulièrement grand entre la phonétique et la graphie – ce qui nous ramène à la question de la simplification de l'orthographe.

Pourquoi ceux qui s'obstinent contre le point médian et font croire qu'il envahit la moindre de nos phrases sont-ils aussi ceux qui s'évanouissent lorsque l'on évoque une éventuelle réforme de l'orthographe ?

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques AC9 de Mme Caroline Yadan et AC15 de M. Jérémie Patrier-Leitus, sous-amendement AC18 de M. Jean-Louis Thiériot

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L'amendement précise que la loi s'appliquera à l'ensemble des documents dont la loi exige qu'ils soient écrits en français, dès lors qu'ils sont rédigés postérieurement à son entrée en vigueur – ce qui correspond aux termes retenus dans la loi Toubon.

En effet, l'article prévoit que la loi s'applique aux contrats et avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur, c'est-à-dire aussi aux actes sous seing privé. Cela contreviendrait sans nul doute au principe de liberté contractuelle. Ne prenons pas de risques.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.

Elle adopte l'article 2 modifié.

Titre

Amendement AC10 de Mme Caroline Yadan

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Comme nous avons pour l'essentiel parlé de l'intelligibilité de la langue française, je propose ce nouveau titre : « Proposition de loi visant à protéger l'intelligibilité de la langue française ».

Cela permettra à chacun de s'approprier cette langue, y compris celles et ceux pour qui c'est plus difficile. Le fait de supprimer la référence à l'écriture dite inclusive permettra de nous protéger de formes d'écritures similaires mais qui ne porteraient pas ce nom.

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Cet amendement de cohérence répond aux remarques de nos collègues selon lesquelles utiliser l'expression « écriture inclusive » contribue à l'introduire dans la loi, donc à la légitimer. Le titre proposé répond à l'esprit de cette proposition de loi, où la liberté et l'intelligibilité priment la polémique. Ainsi, nous n'avons pas à débattre des différentes acceptions que recouvre l'écriture inclusive. L'intelligibilité de la langue française est notre combat, pour le bien de tous. Avis favorable.

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Il faut souligner la beauté de cette démonstration : félicitations à Mme Yadan, qui, par ses amendements, a permis que se rejoignent l'ensemble des groupes macronistes, Modem excepté, le Rassemblement national et Les Républicains. Puisque vous parlez d'intelligibilité, il est plus honnête de dire aux Français que vous êtes en train de « dealer » autour d'une obsession commune de l'écriture inclusive, plutôt que d'essayer de modifier le titre pour faire disparaître le cadeau de noces, si je puis dire.

Tout le monde l'aura compris, je suis contre l'amendement.

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Il faut arrêter de compter les points pour essayer de créer des alliances qui n'en sont pas. Nous ne le faisons pas quand LFI vote différentes propositions de loi avec le Rassemblement national. Nous verrons lors de votre niche quelle position ce groupe adoptera sur vos textes.

Le combat contre l'écriture inclusive a été mené de longue date par Horizons : Édouard Philippe a signé une circulaire sur la question lorsqu'il était Premier ministre ; notre collègue François Jolivet a également déposé une proposition de loi portant interdiction de l'usage de l'écriture inclusive pour les personnes morales en charge d'une mission de service public. Nous continuons donc de défendre la langue française, en parfaite cohérence avec le président et les membres de notre groupe.

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Je suis navrée que vous considériez comme une attaque ce qui n'est qu'une concertation entre les différents groupes, sauf le vôtre, pour faire avancer le débat. En tant que députés, nous devons réfléchir ensemble à faire évoluer la loi, ce qui est notre travail quotidien.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

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Le sens de l'intérêt général a permis de dépasser les clivages. La loi est au service des Français et des Françaises.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq

Présences en réunion

Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Bruno Bilde, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, M. Idir Boumertit, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, Mme Béatrice Descamps, M. Francis Dubois, M. Philippe Emmanuel, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Virginie Lanlo, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, M. Stéphane Mazars, M. Maxime Minot, M. Julien Odoul, M. Nicolas Pacquot, M. Jérémie Patrier-Leitus, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, Mme Eva Sas, Mme Michèle Tabarot, M. Jean-Louis Thiériot, M. Paul Vannier, M. Léo Walter, M. Christopher Weissberg

Excusés. – Mme Béatrice Bellamy, Mme Soumya Bourouaha, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, M. Karl Olive

Assistaient également à la réunion. – M. Inaki Echaniz, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Isabelle Périgault, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Caroline Yadan