Je sais bien que l'on cite toujours la phrase de Vaugelas, mais je vous rappelle que c'est un texte à peu près isolé, compilation de propos tenus dans les salons où se faisait la culture, et où c'était d'ailleurs généralement les femmes qui donnaient le ton – l'esprit féminin de ce temps était rayonnant. Il ne faut pas sortir les citations de leur contexte.
Plus sérieusement, sur le fond, je vous répondrai que contrairement à ce que vous laissez entendre, en dehors de quelques études bien identifiées idéologiquement, la langue n'est pas une superstructure ; l'usage et la tradition ont formé d'une langue à l'autre des expressions grammaticales qui n'ont rien à voir avec le genre. Je vous disais que je viens de la commission de la Défense : quand on demandait à une estafette d'aller voir une sentinelle, du temps où l'armée n'avait pas été féminisée, ces deux fonctions étaient exercées par des hommes. Pensons à l'Allemagne : en allemand, la jeune fille se dit das Mädchen, un mot neutre ; tout le monde sait pourtant que la jeune fille est du genre féminin. S'agissant des représentations mentales, la puissance et la gloire sont deux termes féminins. Si je vous renvoie à la matrice de l'organisation politique de l'Occident, l'empire romain, l'empereur dispose de la potestas et de l' auctoritas : deux termes féminins. J'ignorais que des femmes avaient exercé l' imperium à Rome ! Cela prouve que les genres n'ont rien à voir avec la langue.
Pour le reste, votre écriture inclusive est en réalité exclusive. J'ai reçu des associations de personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse de handicap visuel ou de dyslexie : cette écriture aggrave considérablement les difficultés qu'elles rencontrent.
Enfin, notre langue est un trésor qui doit être aussi un outil axiologiquement neutre, c'est-à-dire qui ne porte pas une valeur.
Quand vous imposez à des étudiants de répondre en écriture inclusive, ou même quand l'usage en est possible pour les examens, je veux bien croire à la neutralité du professeur mais on sait qu'existera la tentation de prendre une décision en fonction de cela. Il en va de même pour les magistrats. Je m'autorise une anecdote. J'étais avocat avant d'être député ; quand les titres ont été féminisés, dans certaines cours, il fallait dire « madame la présidente » à moins de passer pour un abominable réactionnaire ; dans d'autres, si vous aviez le malheur de dire « madame la présidente », vous vous faisiez allumer. C'est du vécu, des souvenirs cuisants, je vous l'assure. Ne refaisons pas la même chose. Notre langue est un trésor qui ne doit revêtir aucune dimension idéologique.
Je suis bien sûr opposé à ces amendements.