Voici, après celle du Rassemblement national, une nouvelle proposition de loi visant l'écriture inclusive : mêmes causes, mêmes effets. Nous rappelions il y a peu à quel point il était inutile de légiférer et de polémiquer sur le sujet alors que les circulaires d'Édouard Philippe, Premier ministre, et de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, sont claires : les administrations de l'État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme. Le recours à l'écriture inclusive qui utilise le point médian est en outre proscrit dans le cadre de l'enseignement.
Au-delà de cet argument, la rédaction même de votre texte pose problème. On notera d'abord le paradoxe d'une proposition qui, en inscrivant l'écriture dite inclusive au sein même d'un texte législatif, lui donne en réalité une forme d'existence, de légitimité – pourtant bien discutable, tant ses règles restent floues. « Iel » semble devenir par le truchement de votre loi un mot grammatical ; or n'est-il pas agrammatical quand seul le Robert l'intègre au dictionnaire ? On peut au moins se poser la question.
La fin de l'alinéa est encore plus problématique : on peut se demander si, avec votre rédaction, on pourra saluer dans une assemblée des directrices ou des spectatrices quand existent les génériques directeurs et spectateurs. C'est bien plutôt la coexistence au sein du même mot des désinences masculine et féminine qu'il faudrait pointer.
La langue n'a simplement pas vocation à être réglementée. L'Académie française veille à la clarté de la langue ; elle est une vigie indispensable et reconnue. Malgré tout, le principe reste l'usage, et la liberté d'expression s'impose depuis toujours, l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 instaurant l'emploi de la langue française « et non autrement ».
L'écriture inclusive est un phénomène marqué politiquement. On sait de quel bord viennent ces textes. L'intelligibilité de ces usages est clairement remise en cause – et ne parlons pas de la facilité à l'enseigner. Cela rend très peu probable sa généralisation. Laissons donc notre langue vivre. Sa morphologie et sa syntaxe n'ont jamais été régies par la loi : l'usage est le législateur suprême en ce domaine.