Mes chers collègues, comme vous, je me réjouis de ce débat, qui met déjà en évidence un net consensus s'agissant du diagnostic – c'est une première victoire.
Madame Rilhac, j'ai parlé dans mon intervention liminaire des raisons pour lesquelles je me suis limité au second degré et annoncé que j'étais favorable à vos amendements qui étendent le dispositif au premier degré.
En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur la concertation : elle dure depuis des mois ; à un moment, il faut agir. Une mesure comme celle que je propose met elle-même des mois à être traduite dans les faits : si elle n'est pas engagée dans les prochains mois, elle ne sera pas mise en œuvre pendant le quinquennat. Depuis que nous sommes élus, il n'y a pas eu de projet de loi en matière scolaire. À nous, députés, de provoquer ces décisions et ces votes, d'autant qu'il est fondamental que le Parlement débatte de l'école, premier budget de la nation comme des collectivités. Sinon, à quoi servons-nous ?
J'ai précisé dans un amendement que la voie d'accès à bac + 3 s'ajoute aux autres. Il faut à la fois accroître le vivier et accélérer le recrutement à court terme. Voilà pourquoi j'indique par voie d'amendement que la possibilité de passer le concours à bac + 5 reste ouverte. Mais il y a urgence et il faut une réponse immédiatement opérationnelle, pour la session 2025. Je suis très inquiet concernant les perspectives de recrutement à la fin du mandat. Cette réponse à court terme s'ajoute aux éléments budgétaires, salariaux ou de conditions de travail dont on peut débattre par ailleurs. Il ne faut pas s'interdire ces voies nouvelles dès lors qu'elles permettent de capter de nouveaux publics.
Monsieur Chudeau, le recrutement au niveau licence, qui vous inquiète, se pratique déjà à Mayotte et existait ici avant 2009. Je n'ai pas le souvenir que nous connaissions alors une pénurie d'enseignants ni que nos enseignants étaient si mal formés. Des générations d'enseignants ont été recrutées au niveau licence ; parfois, ils échouaient au concours la première année, poursuivaient en master, repassaient le concours ensuite et demandaient un report pour finir leur master. Pour les élèves des écoles normales supérieures, le concours de recrutement d'enseignants était inséré dans un cursus de formation modulable et souple. Je le répète, il s'agirait d'une voie en plus.
J'ai été sensible aux interrogations de M. Vannier sur les effets contre-productifs de ma démarche. À l'écoute des personnes auditionnées comme de mes collègues, j'ai tenté d'en corriger certains par voie d'amendement.
L'enseignement est un métier, ce qui implique savoir et savoir-faire. Dans l'article 2, j'ai souhaité insister sur la dimension pédagogique, car c'est dans ce domaine que les difficultés sont les plus grandes, ou vécues comme telles par les nouveaux enseignants. Il serait dommage de laisser entendre que le texte revient sur les contenus disciplinaires : rien n'empêche – je le précise par amendement – d'ajouter des compléments disciplinaires dans la formation à l'Inspé. Cela dit, nous, représentants de la nation, devons dire clairement ce que nous attendons non seulement de l'école, mais aussi des concours de recrutement des enseignants. Si nous estimons qu'il y a une défaillance en matière pédagogique et didactique, c'est notre rôle de le dire et d'être plus ambitieux dans ce domaine.
J'ai fait le choix d'une rédaction resserrée, car on ne peut pas tout écrire dans la loi. J'ai confié au ministre le soin de préciser les modalités d'application du texte et, éventuellement, d'affiner certaines choses par décret.
Monsieur Gaultier, vous avez raison de souligner que le texte ne propose en aucun cas une formation au rabais. Pour renforcer la formation, notamment dans le domaine de la pédagogie, il faut améliorer l'organisation du parcours de formation. Le texte introduit un rééquilibrage, tout en maintenant globalement l'équilibre du cursus de formation actuel, qui se caractérise par la succession de la dimension disciplinaire, au cours des années de licence, et de l'aspect pédagogique pendant le master, qu'il porte sur les Meef (métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) ou sur la recherche.
S'agissant du statut des élèves admis au concours, le texte ne déroge pas à la règle en vigueur. Je souhaite simplement que les fonctionnaires stagiaires passent non pas un, mais deux ans au sein d'un Inspe, au cours desquels ils seront évidemment rémunérés.
Pour lever toute ambiguïté, je préciserai, par l'amendement AC32 – même si, à mon sens, cette précision relève du décret – que les étudiants ne pourront être titularisés à la sortie de l'Inspé que s'ils sont titulaires d'un master. Le master apporte non seulement une reconnaissance sociale et universitaire mais peut aussi permettre la poursuite d'études, par exemple dans une filière doctorale, ou la reconversion professionnelle.
Madame Folest, à écouter les étudiants mais aussi des institutions telles que le réseau des Inspé, le Conseil supérieur des programmes (CSP) ou France Universités, nos jeunes enseignants ne pèchent pas par le niveau disciplinaire. Ce qui manque, ce n'est pas le savoir mais le savoir-transmettre. Je dirai donc, répondant ainsi également à Mme Keloua Hachi, que c'est en ce domaine que nous devons muscler notre formation. Un savant peut être un piètre pédagogue. Le métier d'enseignant est spécifique et ne convient pas nécessairement à des personnes qui se destinent plutôt à la recherche.
La proposition de loi ne conduit pas à abaisser le niveau de formation. À l'entrée dans le dispositif, les élèves devront être titulaires d'une licence, condition nécessaire à l'obtention ultérieure d'un master. Or, avant 2009, c'est bien une licence qui était exigée, et je ne crois pas que les étudiants de l'époque étaient si mal formés que cela : nous comptions alors dans nos rangs un certain nombre de médailles Fields et nous occupions la tête de plusieurs classements. C'est plutôt au cours des dernières années que nous avons dégringolé.
Je suis tout à fait d'accord avec vous quant à la nécessité d'avoir une programmation en matière scolaire. Je regrette que l'on ne dispose plus d'une stratégie de long terme en ce domaine, alors que l'on consacre un budget considérable à la formation sur le temps long. On ne peut pas se permettre de changer les règles du jeu chaque année. Il nous faut une loi de programmation, étant rappelé que la dernière en date remonte à 2013.
Madame Carel, je ne pense pas que ces dispositions devraient faire l'objet d'un texte réglementaire. D'une part, il me semble important que les députés s'expriment sur ce qu'ils attendent de l'école, des enseignants et du système qui les forme. D'autre part, on ne peut pas faire de la loi un instrument à géométrie variable et n'y recourir que lorsque cela nous arrange. En 2019, vous avez été un certain nombre à voter la loi Blanquer, qui définissait de manière assez précise le statut des Inspé et des formations qui y sont dispensées. Pourquoi ce qui valait en 2019 ne vaudrait-il plus en 2023 ?
Madame Descamps, les adaptations liées à l'immersion dans les établissements relèvent, pour le coup, d'un niveau de détail qui justifie un texte réglementaire. L'essentiel, à mes yeux, est d'acter dans la loi le principe d'une immersion progressive, qui est au cœur des enjeux de la professionnalisation des enseignants. La rédaction proposée laisse le sujet totalement ouvert.
Je suis tout à fait prêt à ce que l'on reconnaisse la singularité de l'agrégation au regard de son statut et de son histoire, mais aussi pour des raisons très pratiques : c'est le concours pour lequel on rencontre le moins de difficultés de recrutement.
Je ne touche pas, dans ce texte, au concours interne ni au troisième concours, comme je le préciserai par mon amendement AC26.
Madame Anthoine, je souscris totalement au principe de la revalorisation. Il est fondamental que, dans les années à venir, notamment dans le cadre de la loi de programmation que nous appelons de nos vœux, on donne des perspectives de long terme aux enseignants en poste et à ceux qui hésiteraient à s'engager dans la voie du professorat. Ces derniers doivent savoir ce que l'on attend d'eux mais aussi connaître les moyens que l'on compte mettre à leur disposition et les perspectives de carrière qu'ils peuvent espérer. Cela passe par une revalorisation non pas ponctuelle – comme cela s'est produit à plusieurs reprises au cours des dernières années – mais sur une durée au moins décennale.