La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les explications de vote.
Je vous rappelle que, sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Renaissance, Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) et Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Pradal.
Il n'est pas là ! On peut passer au vote !
Brouhaha.
Mes chers collègues, si vous souhaitez que nous travaillions à un bon rythme – et je suis persuadé que c'est le cas de certains –, je vous demande un peu de silence.
Désolé, chers collègues, mais je suis bel et bien présent – et comme je vous ai entendu dire, monsieur Jumel, que vous vous étiez moins exprimé aujourd'hui, en tant que rapporteur, que vous ne le faites d'ordinaire, vous me permettrez de prendre un peu de temps pour expliquer le vote de mon groupe – sans nécessairement sombrer dans la redite.
« Excellent ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Les deux objectifs initiaux visés par la proposition de loi, la nationalisation d'EDF et l'incessibilité de son capital, seront largement satisfaits par l'offre publique d'achat (OPA) prévue, qui s'annonce comme une réussite. Elle permettra à la fois de préserver les intérêts de l'entreprise et de ses actionnaires principaux – c'est-à-dire l'État –, et de garantir que le capital de ce fleuron de notre avenir industriel sera, demain, intégralement public. Le groupe disposera donc de tous les éléments nécessaires pour conduire sa stratégie. De ce point de vue, l'objectif de la proposition de loi est donc satisfait.
Une autre question s'est assez largement invitée dans le débat, et nous l'avons abordée de multiples façons : le tarif réglementé de vente d'électricité (TRVE). Intégrer ce sujet dans le texte pose un problème à la fois de forme et de fond.
Sur la forme, l'intégration de l'article 3 bis par voie d'amendement, alors que le sujet n'a qu'un rapport lointain avec la proposition de loi initiale, fragilise le texte. Sur le fond – cela a déjà été dit, mais je me permets d'insister –, l'absence d'explications sur le mode de financement de la mesure engendre lui aussi une double fragilité, à la fois de forme, en raison d'un défaut de rédaction de l'article, et de fond, puisqu'il sera nécessaire, in fine, de trouver ces milliards : prévoir un tarif réglementé sans bouclier tarifaire, comme le propose l'article 3 bis, ne présente en effet qu'un faible intérêt pour les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), puisque son déploiement administratif et technique nécessitera plusieurs mois, et ne réglera donc pas immédiatement le problème des artisans et commerçants.
D'ailleurs, lorsque nous les rencontrons, ils nous parlent plutôt de difficultés d'approvisionnement en matières premières en général – pas exclusivement en énergie, donc –, et nous font aussi part de leurs grandes difficultés de recrutement. Imputer les difficultés des entreprises et leur risque de défaillance au seul coût de l'énergie est donc très réducteur, et, d'une certaine manière, fait fi de l'agilité dont sont capables de nombreux dirigeants d'entreprises de toute taille.
Enfin, nous considérons que cette proposition de loi manque son objectif. L'amélioration de notre compétitivité passera par une réforme complète du marché européen de l'électricité : ce n'est donc pas avec ce texte que nous y parviendrons. La proposition de loi ne fait donc que générer de faux espoirs pour tous ceux qui pensent que son adoption permettrait d'apporter une solution immédiate aux difficultés.
De plus, pour répondre aux enjeux de la transition écologique, notre fleuron industriel, qui doit en être le fer de lance, doit être soutenu et renforcé : cela nécessite des investissements très importants et des solutions concrètes pour assurer son capital. La proposition de loi n'apporte ni l'un, ni l'autre. Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre le texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
…entre les inutiles suspensions de séance de dix minutes, demandées uniquement parce que vous étiez en minorité, les interventions où vous répétez toujours la même chose en boucle, et les interventions où vous vous écoutez parler, votre seule victoire ce soir, après avoir enchaîné les défaites amendement après amendement, aura été d'empêcher que le vote sur cette proposition de loi se tienne avant la levée de la séance à vingt heures. Et je ne parle même pas de M. Lescure qui, se croyant aux Césars,…
…s'est amusé à distribuer des prix aux différents amendements proposant de modifier l'intitulé de la proposition de loi ! Les Français sont vraiment ravis de ce spectacle.
Voilà bientôt un an que nous avons été élus : depuis le début de la législature, le Rassemblement national a toujours voté pour l'intérêt général, pour le bien commun.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est temps que les masques tombent. En public, nous sommes la peste ; vous faites mine de nous rejeter, de ne pas vouloir nos voix. Mais en réalité, il n'y a pas un groupe qui ne soit venu chercher notre appui sur un texte ou s'inquiéter de savoir si nous serions nombreux pour défendre telle ou telle proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur divers bancs.
Pourtant, aucun n'a été capable de s'élever au-dessus des logiques de parti pour voter en faveur du bien commun. Aucun !
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
Chers collègues, la soirée commence très mal : si ça continue ainsi, nous ne pourrons pas travailler sereinement.
Mêmes mouvements.
Inutile de hurler, ça ne changera rien : laissons l'orateur s'exprimer dans le silence…
…et terminons les explications de vote. Si vous continuez comme cela, nous n'y arriverons pas.
Parallèlement, chers collègues de la majorité, vous faites tout un cinéma quand nous votons avec un autre groupe que le vôtre.
Continuez : les Français remarquent votre petit jeu, et ils n'en ont que de plus en plus confiance en nous.
Pour en revenir à la proposition de loi, les Français savent bien que c'est l'UMPS qui a détruit EDF. Dès lors, comment vous croire quand vous affirmez que le projet Hercule est mort et enterré car vous ne travaillez que dans l'intérêt d'EDF ? Hercule est bien né quelque part, et il se trouve que c'est sur vos bancs !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Fanta Berete s'exclame.
À la fin, les Français savent que c'est grâce à nous que ces sujets ont pu avancer à l'Assemblée : ils nous en remercient, et cela commence à se voir nettement dans les sondages.
Le groupe RN votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Ian Boucard, que je vous demande d'écouter dans le silence, chers collègues.
Je serai très bref : le groupe Les Républicains soutiendra la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement. Lors du précédent mandat, nous avions été les premiers à dénoncer le funeste projet Hercule défendu par Bruno Le Maire et la majorité macroniste –…
…dont le Modem et le groupe Agir, car le groupe Horizons n'existait pas alors. Nous sommes favorables à la souveraineté énergétique et industrielle de notre pays, et donc à cette proposition de loi, que nous avons d'ailleurs améliorée en prévoyant que les collectivités de moins de 50 000 habitants auront accès au tarif réglementé de vente d'électricité.
En conclusion, je ne peux passer sous silence l'attitude de la majorité et du ministre délégué, Roland Lescure, cet après-midi : on a assisté à des rappels au règlement, à des reprises d'amendements complètement ridicules, à des manœuvres dilatoires totalement disproportionnées, et même, en fin de séance, à une remise d'Oscars par le ministre délégué chargé de l'industrie. Tout cela pour que le vote n'ait pas lieu avant vingt heures. Mais cela ne changera rien au résultat, chers collègues : comme ce matin, comme depuis la reprise à quinze heures, vous serez battus.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et SOC. – M. Jean-Marc Tellier applaudit également.
Prenez-en l'habitude, car vous le serez de plus en plus souvent : c'est le résultat du mépris que vous affichez depuis 2017 et que les Français ne supportent plus qui s'exprime aujourd'hui de manière criante.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.
J'irai à l'essentiel : le débat sur cette proposition de loi a été une véritable démonstration politique. Nous avons désormais la preuve qu'à partir du moment où la minorité présidentielle perd la main – c'est-à-dire lorsqu'elle ne décide pas de l'ordre du jour –, elle est battue sur ses amendements.
À l'inverse, quand la NUPES a la main – car je rappelle qu'aujourd'hui, nous examinons dans une niche communiste un texte présenté par un député socialiste, enrichi d'amendements défendus par des Insoumis et adoptés avec le soutien des écologistes –, elle est capable de faire adopter des textes qui changent la vie des gens !
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent progressivement et applaudissent. – M. Grégoire de Fournas s'exclame.
Quand la NUPES a la main, elle peut défendre EDF et le service public, faire reculer le marché en prévoyant des tarifs réglementés et ainsi répondre à la détresse des TPE, PME, artisans, commerçants, locataires !
Quel meilleur exemple donner pour le premier anniversaire de la NUPES ? Voilà la preuve que nous pouvons gouverner. Alors, chers collègues, laissez-nous les clés ! Ne vous inquiétiez pas, nous apporterons vite des solutions pour le pays. Faites confiance à la NUPES !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – De nombreux députés du groupe LFI – NUPES se lèvent pour applaudir.
Chers collègues, il va falloir se calmer ; on ne passera pas la soirée comme ça.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le dis à tous les groupes : ce vacarme ne permettra pas de maintenir un rythme de travail qui vous donne satisfaction.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 217
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 127
Contre 89
La proposition de loi est adoptée.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, RN, LFI – NUPES, LR, SOC, et Écolo – NUPES. – Les députés du groupe LFI – NUPES et de nombreux députés du groupe RN se lèvent pour applaudir.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt et une heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante.
La parole est à M. Jean-Marc Tellier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je suis très heureux de vous présenter, à cette heure tardive, la proposition de loi organique relative à l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation. Avant toute chose, je souhaite remercier les groupes parlementaires dont le vote a permis l'adoption de ce texte, le 12 avril, en commission des lois. Seuls les groupes de la majorité relative ont estimé qu'il n'était pas opportun.
Cette proposition de loi organique, émanant du groupe GDR, vise à inscrire la mesure annoncée par son intitulé au sein de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ce qui lui conférerait un statut particulier et assurerait sa pérennité. Principal concours financier de l'État destiné aux communes, intercommunalités et départements, la DGF a vocation, comme son nom l'indique, à doter ces collectivités de ressources suffisantes à leur fonctionnement, c'est-à-dire à garantir leur autonomie financière.
Indexée sur l'inflation jusqu'en 2011, gelée entre 2011 et 2013, elle a entre 2013 et 2017 contribué de manière drastique au redressement des finances publiques en étant diminuée d'environ 11 milliards d'euros.
La Cour des comptes a mis en évidence les effets de cette baisse sur les dépenses d'investissement des collectivités locales, qui, toujours entre 2013 et 2017, ont reculé de 11 %. Enfin, entre 2018 et 2022, le montant de la DGF a été stabilisé à périmètre constant. On pourrait penser que dans un contexte de faible inflation, cela n'aurait guère de conséquences : c'est oublier la nature de la DGF, qui est un dû par l'État, non une subvention.
Vous n'ignorez pas que nos collectivités territoriales connaissent d'énormes difficultés liées à la forte hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation ; en 2022, l'inflation s'est établie autour de 5,2 %, alors que le montant de la DGF, je le répète, restait stable. Les communes sont particulièrement vulnérables. L'indice des prix des dépenses communales augmente bien plus rapidement que celui des prix à la consommation : les dernières enquêtes estiment la hausse du coût du panier du maire à 7,2 % en 2022. Pour être indispensable, la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires n'en pèse pas moins sur le budget des collectivités ; l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) nous signale déjà une contraction de leur investissement pour 2023, en raison de l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt. Or soutenir ces collectivités revient à soutenir la croissance et l'activité économique, puisque l'investissement local représente 70 % de l'investissement public.
Afin de compenser ces surcoûts, le Gouvernement a pris quelques mesures, comme le filet de sécurité ; mais ces dispositifs, mal calibrés, ne profitent finalement qu'à peu de collectivités.
Face à la pression inflationniste, le Gouvernement a été contraint, cette année, d'augmenter la DGF de 320 millions d'euros en vue de financer la progression de la péréquation au sein du bloc communal, ce qui porte son montant à 26,9 milliards. Cette enveloppe supplémentaire demeure bien insuffisante : elle accroît la dotation allouée aux communes de 1,7 %, alors qu'il est prévu 4,2 % d'inflation au cours de l'année. Ces difficultés s'ajoutent à celles qui résultent de la réforme de la fiscalité locale : la suppression progressive de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) influe considérablement sur le niveau des ressources et sur l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Il est urgent d'assurer à ces dernières les moyens de subsister. Le groupe GDR propose donc d'en finir avec les augmentations ponctuelles, conjoncturelles, des dotations, et souhaite une réforme plus juste, qui passe par l'indexation de la DGF sur la prévision d'évolution des prix à la consommation hors tabac, fixée chaque année dans les documents annexés au projet de loi de finances.
Cette mesure est d'autant plus nécessaire qu'il conviendrait que l'avenir de la DGF fasse l'objet d'une réflexion structurelle, maintenant que la Ville de Paris ne perçoit plus de dotation forfaitaire et ne participe donc plus à l'effort de financement des besoins.
Le sujet de cette proposition de loi nous passionne tous : chacun d'entre nous est l'élu d'un territoire composé de collectivités, avec lesquelles nous sommes presque quotidiennement en relation.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Marietta Karamanli applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Enfin, vous allez pouvoir dire que nous avons raison : ça n'arrive pas tous les jours, et je suis très content que cela se produise aujourd'hui. Entre Normands, on se comprend !
Sourires.
Nous examinons ce soir la proposition de loi visant à indexer la dotation globale de fonctionnement des collectivités locales sur l'inflation. Tout en saluant la générosité du groupe GDR ,
Sourires sur quelques bancs du groupe RE
je doute que nous ayons les moyens d'y répondre.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.
Étant particulièrement prévoyant, monsieur le rapporteur, vous souhaitez même inscrire cette mesure dans une loi organique, de manière à la graver dans le marbre – je connais le goût des communistes pour le marbre.
Sourires.
Or la dépense que vous proposez s'élèverait à 6 milliards d'euros entre 2023 et 2027, dont 2,3 milliards pour cette dernière année.
Je suis venu vous dire une chose simple : ces 6 milliards,…
…nous ne les avons pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il nous faut désormais apprendre que lorsque l'argent manque, il ne s'invente pas, ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval.
Pour disposer de cette somme, nous n'aurions le choix qu'entre deux solutions. L'une consisterait à alourdir la fiscalité – vous le feriez sans aucune hésitation, mais je vous rappellerai que la France a le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui ne nous laisse aucune marge de manœuvre.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RE.
L'autre serait de creuser le déficit et d'accroître la dette ;…
…or, compte tenu du niveau de celle-ci, nous n'avons non plus aucune marge de ce côté non plus. La mesure que vous souhaitez est donc tout bonnement impossible, surtout alors que vous venez d'adopter la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement, laquelle – avec cette même générosité dont font preuve les communistes et qu'encore une fois, je salue – prévoit d'étendre aux très petites entreprises (TPE), aux petites et moyennes entreprises (PME) ou encore aux HLM les tarifs réglementés de vente d'électricité.
Ce 4 mai 2023 est une journée à 10 milliards d'euros.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'Assemblée nationale roule carrosse, mais je crains que celui-ci ne se transforme en citrouille
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
quand les agences de notation
« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR – NUPES
auront sonné les douze coups de la réalité !
Cette réalité, c'est celle d'une politique monétaire qui a radicalement changé. Laissez-moi vous rappeler les circonstances actuelles : nous ne sommes plus à l'époque de la crise du covid-19, où l'effondrement de la production nationale nécessitait de protéger les emplois, les compétences, les entreprises et sites industriels, afin d'éviter des réparations bien plus coûteuses encore. Le « quoi qu'il en coûte » était une bonne décision économique, une sage décision budgétaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Lecoq s'exclame.
Mais aujourd'hui,…
Aujourd'hui, nous sommes dans une période de superprofits ! On n'a jamais gagné autant d'argent !
…qu'est-ce qui justifie, alors que la politique monétaire a radicalement changé, d'ouvrir à nouveau tout grand les vannes de la dépense publique ? Rien, trois fois rien.
L'argent était gratuit, il est devenu cher.
Les taux étaient nuls, ils sont remontés à près de 3 %.
La Banque centrale européenne (BCE) était souple, elle a durci les conditions d'octroi du crédit avec un seul objectif : réduire d'inflation qui touche tant nos compatriotes, notamment les plus modestes. J'imagine que vous partagez notre objectif de réduire l'inflation qui touche les ménages les plus modestes de France. Dans ces circonstances, rien ne serait pire que d'appuyer sur l'accélérateur budgétaire quand la BCE appuie sur le frein monétaire : c'est la meilleure façon d'aller droit dans le décor.
Nous, nous préférons rester sur la route que d'envoyer la France dans le décor, comme on nous le propose avec les dépenses inconsidérées votées aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Surtout quand il existe d'autres solutions pour soutenir les collectivités locales. Je ne mésestime absolument pas les difficultés auxquelles celles-ci sont confrontées depuis plusieurs années, depuis qu'elles ont eu à affronter la crise du covid, l'augmentation des prix liée à l'inflation et celle des coûts de la cantine scolaire, de l'énergie et de certains travaux nécessaires dans les établissements publics. Bien sûr que les collectivités locales ont besoin de notre soutien. Bien sûr qu'elles ont besoin de notre attention, surtout les plus fragiles d'entre elles. Et bien sûr qu'elles jouent un rôle absolument majeur dans l'investissement, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Je n'ai jamais mésestimé le rôle clé des collectivités locales pour l'investissement, et donc pour la croissance.
Permettez-moi simplement un petit rappel au sujet de la politique des uns et des autres à l'égard des collectivités locales.
Je rappelle que la décision de désindexer la DGF de l'inflation remonte à 2011…
…et qu'ensuite, de 2012 à 2017, nous avons assisté sous la présidence de François Hollande à une baisse continue et marquée – je salue la vertu budgétaire en la matière – de la dotation globale de fonctionnement.
Il y eut 1,5 milliard d'euros en moins en 2014, puis 3,5 milliards en moins en 2015…
…puis de nouveau en 2016 et en 2017.
Au total, ce sont plus de 11 milliards d'euros qui ont été retirés aux collectivités locales par la baisse la dotation globale de fonctionnement : c'était une purge.
Nous ne voulons pas de purge pour les collectivités locales !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Cette majorité, en revanche, a stabilisé la dotation globale de fonctionnement sur la période 2018-2022. La DGF a même augmenté, alors que ce n'était pas arrivé depuis des années, progressant de 320 millions d'euros en 2023.
Je pense que toute personne honnête ici – c'est-à-dire, j'imagine, toutes les députées et tous les députés sans exception – reconnaîtront que cette majorité a fait des efforts pour les collectivités locales.
Mêmes applaudissements.
J'ajoute que nous avons mis en place un dispositif de filet de sécurité et un amortisseur, qui représentent au total 2,8 milliards d'euros d'aides et de soutien aux collectivités locales. Nous avons toujours soutenu et protégé les collectivités locales, nous continuerons à le faire.
Avec Gabriel Attal, nous sommes en discussions étroites avec l'ensemble de leurs représentants pour essayer de dessiner avec eux un chemin de réduction des finances publiques qui soit compatible avec le maintien de leur capacité d'investissement.
Je parle de finances publiques. Je voudrais profiter de cette proposition de loi, parce que je saisis chaque occasion qui m'est offerte
M. André Chassaigne s'esclaffe
pour rappeler la situation de nos finances publiques. Je le fais partout, tout le temps, à tout moment.
Peut-être serai-je un jour écouté, voire entendu. Je voudrais vous alerter une nouvelle fois sur la gravité de la situation de nos finances publiques.
Je voudrais redire une nouvelle fois la nécessité absolue de rétablir les comptes de la nation française d'ici à 2027.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Nous l'avons décidé avec le Président de la République, mais je sais qu'il est difficile de changer les habitudes profondément ancrées – c'est en effet un mal français, profondément français.
Il n'y a pas eu de budget à l'équilibre depuis 1974.
« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe RN.
Je pense qu'aucune majorité ne peut se glorifier de résultats spectaculaires en la matière.
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
Nous, on n'a pas encore eu le pouvoir : on peut vous montrer comment faire !
L'écart de la dette avec celle de l'Allemagne a été creusé de près de trente points au lendemain de la crise financière de 2010, et nous n'avons jamais rattrapé cet écart.
Cette majorité en revanche, à qui je veux m'adresser,…
…est celle qui pour la première fois depuis des années a rétabli les finances publiques françaises et a fait repasser la France sous les 3 % de déficit.
Ce n'est pas n'importe quoi, monsieur le député, c'est la réalité et cela s'est passé en 2018.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Mais je connais le goût de certains, ici, pour l'illusion, pour les déclarations péremptoires et pour le refus de regarder la réalité. La réalité, monsieur le député, c'est que la France est repassée sous les 3 % de déficit public en 2018 grâce à cette majorité, grâce à son courage et grâce à sa détermination.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La France reviendra de nouveau sous ce seuil en 2027, grâce à son courage, grâce à sa détermination et grâce à sa volonté.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Si nous devons être les seuls à le faire, eh bien nous serons les seuls, mais je souhaite qu'ici les écailles tombent des yeux de certains et qu'ils réalisent enfin que la meilleure façon de protéger la souveraineté de la France…
…ce n'est pas toujours plus de dépenses publiques, monsieur le député : c'est moins de dépenses publiques que de création de richesses. C'est parce que je connais votre attachement à la souveraineté que je me permets de lier souveraineté et désendettement pour vous inviter à soutenir nos propositions de réduction accélérée de la dette française.
Qu'avons-nous fait ensuite ?
Certains diront que nous avons aussi creusé la dette et le déficit entre 2019 et la période actuelle. Oui, parce que c'est le rôle de l'État et des pouvoirs publics…
…de protéger lorsque c'est nécessaire. Nous avons eu à affronter trois crises successives. La crise des gilets jaunes d'abord, puis celle du covid. Je le redis : c'est à ce moment de l'histoire française que notre produit national brut s'est le plus effondré depuis 1929.
Une crise pareille justifiait des moyens exceptionnels : c'est ceux que nous avons mis en place avec le « quoi qu'il en coûte » ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
avec les prêts garantis par l'État que vous avez tous réclamés, avec les subventions pour ceux qui en avaient besoin et avec le chômage partiel qui nous permet aujourd'hui d'avoir le niveau d'emploi le plus élevé depuis quarante ans.
C'est votre succès, mesdames et messieurs les députés de la majorité.
Nous revenons maintenant à une situation normale. L'inflation commence à se stabiliser. Elle doit reculer à partir de l'été prochain – un peu plus tard, sans doute, pour les prix alimentaires. Dans cette situation, il faut aussi que les comptes publics reviennent à la normale. Nous allons donc prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir progressivement mais fermement nos comptes publics.
Je vous remercie de m'interpeller sur ce sujet, madame la députée. Vous dites que nous cassons les services publics.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Lorsqu'on laisse filer la dette, on fait exploser la charge de la dette.
Un point de taux d'intérêt supplémentaire sur un niveau de dette comme le nôtre représente 15 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en charge de la dette, qui sont jetés par les fenêtres
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE – M. Jean-Paul Mattei applaudit également
au lieu d'aller vers les hôpitaux, vers les services d'urgence, vers les collèges, vers les lycées, vers les services publics, vers Pôle emploi, vers tout ce qui aide les Français !
Si vous avez 15 milliards d'euros à jeter par les fenêtres, madame la députée, tant mieux pour vous, mais nous, nous allons les consacrer à l'hôpital, à la santé, à l'éducation nationale et à nos services publics, et les consacrer à l'intérêt général de la nation française.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
C'est toute la différence entre vous et nous !
Nous revenons donc à la normale. Quelle décision allons-nous prendre ?
C'est un grand numéro ! Il vous reste encore deux heures, pour la crise de logorrhée !
Deux heures sur les finances publiques et le rétablissement de nos comptes, monsieur Chassaigne, cela ne me fait pas peur !
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
N'est pas Fidel Castro qui veut et je n'ai pas la prétention d'arriver à votre hauteur en matière de longueur ni de qualité de discours.
M. André Chassaigne mime un joueur de violon.
Mais s'il faut s'étendre deux heures sur les finances publiques, je n'hésiterai pas à le faire !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe GDR.
J'en étais aux moyens que nous allons utiliser…
…pour rétablir nos finances publiques.
Sourires sur divers bancs.
J'ai compris que la meilleure façon de rétablir nos finances publiques consistait, déjà, à faire un long discours !
À 2,7 milliards d'euros, je peux parler très, très longtemps !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Je vais donc poursuivre, puis je laisserai la parole au ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, qui dira de manière beaucoup plus claire ce que je vous expose maintenant.
Nous allons rétablir l'équilibre des comptes publics. D'abord, comme je l'ai déjà indiqué, en retirant progressivement le bouclier énergétique sur le gaz et l'électricité ; ce sera la première étape.
Continuez ! Vous avez déjà été battus deux fois aujourd'hui ; trois fois, ça ferait beaucoup !
Ensuite, en mettant en place une revue des dépenses publiques qui nous permettra d'examiner l'ensemble des dépenses publiques de tous les ministères, sans exception, et que nous reprendrons chaque année. Enfin, en demandant un effort de réduction de la dépense en volume…
…en moyenne, par an, de 0,8 point pour l'État et de 0,5 point pour les collectivités locales. Vous aurez d'ailleurs noté que, par rapport au précédent programme de stabilité, nous demandons un effort beaucoup plus important à l'État qu'aux collectivités locales, preuve supplémentaire que nous voulons les ménager et préserver leur capacité d'investissement.
Pourquoi faisons-nous cela, et pourquoi estimons-nous indispensable de rétablir les finances publiques ?
Quand les ministres empêchent une niche de se dérouler normalement, ce n'est pas bien.
La première raison,…
J'espère que la conférence des présidents se penchera sur ce qui se passe ce soir. Le Parlement est ridiculisé par cette attitude, ce n'est pas de la démocratie.
…comme je l'ai déjà dit en répondant à l'interpellation de Mme la députée Amrani, c'est qu'un ministre des finances n'aime pas jeter l'argent par les fenêtres et que toute dépense excessive ou tout endettement excessif revient à alourdir la charge de la dette à hauteur de plusieurs milliards d'euros. Je le redis : c'est de l'argent dilapidé qui aurait pu servir beaucoup plus utilement au service public et à l'intérêt supérieur de la nation.
La deuxième raison, c'est qu'il est de bonne politique…
M. Sébastien Jumel s'exclame.
Ah, Dieppe ne m'écoute plus.
Il est de bonne politique de rétablir les marges de manœuvre de l'État lorsque nous ne sommes plus en situation de crise, pour pouvoir faire face aux nouvelles crises conjoncturelles qui pourraient se présenter.
La troisième et dernière raison, c'est que nous appartenons à un club, la zone euro, qui possède une monnaie commune, l'euro, qui nous a protégés pendant la crise du covid.
Nous avons pu émettre de la dette en commun à des taux d'intérêt très bas en raison de la solidarité européenne
M. Jean-Philippe Tanguy s'esclaffe
et il est légitime que nous respections les mêmes règles que celles que respectent tous nos partenaires européens membres de la zone euro.
Notre objectif est donc de ramener la dette publique à 108,3 points en 2027…
…et de repasser sous les 3 % de déficit en 2027 – à 2,7 % – afin de tenir nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens et, surtout, de rétablir pleinement et entièrement l'indépendance et la souveraineté financières de la France.
Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur …
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR
…je suis au regret…
…de ne pouvoir approuver votre proposition de loi…
…et d'inviter la majorité à refuser ces dépenses supplémentaires systématiques que nous ne pouvons pas financer : elles alourdiront la charge de la dette publique française et nous priveront des marges de manœuvre et des financements nécessaires pour d'autres priorités que nous avons définies avec le Président de la République et avec la Première ministre. Je compte sur votre soutien pour ne pas laisser passer des dépenses excessives dans cet hémicycle !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Depuis plus d'un an et demi, les collectivités, tout comme les Français et les entreprises, traversent des situations de crise et des difficultés, confrontées qu'elles sont à une hausse importante des prix. Nous avons parfaitement conscience des conséquences de ce choc économique et des inquiétudes légitimes qu'il suscite. Personne, au sein du Gouvernement auquel j'appartiens et de la majorité, n'a jamais sous-estimé la puissance des crises qui ont frappé notre pays au cours des trois dernières années. Nous affirmons, haut et fort, que nous avons tout fait pour protéger au mieux la France face à la hausse des prix ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RE
pour protéger les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales.
Bavardages sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Une analyse de la direction générale du Trésor, publiée fin 2022, montre que l'État a pris à sa charge plus de la moitié du choc énergétique qu'a subi notre pays. Entre les boucliers tarifaires, que nous avons été les premiers à déployer en Europe, la ristourne sur les prix à la pompe, le chèque exceptionnel, la revalorisation des pensions de retraite et des pensions sociales, ce sont près de 110 milliards d'euros d'argent public qui ont été mis sur la table pour protéger les Français.
Selon cette étude, au travers de ces mesures, l'État a assumé 52 % de la perte des revenus liés à l'augmentation des prix de l'énergie, laissant les entreprises en assumer 42 % et les ménages, 6 % – j'insiste sur ce chiffre. Quel pays dans le monde peut revendiquer un tel bilan ?
La première chose que je veux souligner, c'est donc que votre texte, qui soulève par ailleurs de vrais problèmes – je ne méconnais pas vos intentions, nous partageons tous l'ambition de soutenir les collectivités de notre pays –, repose en grande partie sur un narratif qui ne correspond pas à la réalité de notre pays.
Écrire, comme vous le faites, dans l'exposé des motifs, que le Gouvernement serait resté « sourd » aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales est tout simplement une contrevérité ; je me devais de vous le dire.
Ce n'est pas la vérité, et cette affirmation revient à passer sous silence la démarche d'écoute et de dialogue avec les associations d'élus locaux, qui a toujours été la nôtre.
Nous les avons consultées sur la mise en œuvre des dispositifs de soutien que nous avons déployés – je pense notamment au filet de sécurité pour les collectivités. Je vous ai entendu, monsieur le rapporteur, critiquer ce filet, mais d'où vient-il ? D'un amendement de la NUPES, déposé par Christine Pires Beaune.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Les critères et les chiffres qu'il contenait ont fait l'objet d'un travail conjoint de tous les groupes de cet hémicycle et il a finalement été adopté à la quasi-unanimité.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
En disant que le filet de sécurité ne sert à rien, vous critiquez une proposition du groupe Socialistes et apparentés ; ce n'est pas une belle manière de marquer l'anniversaire que vous fêtiez juste avant le début de la séance.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous avons consulté les associations d'élus lorsqu'il s'est agi de mettre en place le meilleur système possible pour compenser la suppression de la CVAE. Nous travaillons main dans la main avec elles pour atteindre les objectifs fixés par le programme de stabilité à horizon 2027. Alors ce mythe d'un gouvernement qui ferait la sourde oreille aux collectivités locales, personne ne peut s'y reconnaître, quels que soient nos désaccords sur les choix politiques qui ont été opérés.
Cela ne signifie pas, bien sûr, que nos collectivités territoriales ne connaissent pas de difficultés. Toutes ne vont pas bien ; mais toutes ne sont pas dans une situation catastrophique non plus. Je me méfie toujours des moyennes, mais rarement de ce que nous dit la Cour des comptes. Fin 2021, au sortir de la crise du covid, elle qualifie la situation financière des collectivités territoriales de « très favorable ».
Aujourd'hui, voilà ce que disent les chiffres – ils sont publics et peuvent être consultés au ministère de l'économie et des finances. L'épargne brute est en moyenne supérieure de 5,9 % au niveau d'avant la crise, ce qui représente une hausse de 2,2 milliards d'euros. L'épargne nette a crû de 8,7 %, soit 1,9 milliard d'euros. Ces chiffres objectifs de la Cour des comptes représentent des moyennes, qui se vérifient dans toutes les strates de collectivités. Le nombre de collectivités dont l'épargne brute ou nette est négative continue de diminuer. Procédons avec précision, méthode et pragmatisme. Les chiffres – c'est factuel – montrent qu'en 2019, il y avait 1 745 communes en situation d'épargne brute négative ; il y en a 1 722 aujourd'hui. Il n'est donc pas exact que le nombre de collectivités territoriales en très grande difficulté a explosé – ce qui ne signifie pas, je l'ai dit, que toutes vont bien. Cela ne signifie pas non plus qu'elles ne s'en sortent que grâce au Gouvernement et à la majorité ; c'est aussi grâce aux maires qui tiennent bon, qui gèrent leurs communes de manière efficace et qui prennent les bonnes décisions – qui sont souvent des décisions difficiles.
Toujours est-il que le tableau uniquement noir que vous dressez…
Sourires.
…n'a rien à voir avec la réalité. Bien sûr que les situations sont disparates, et – je l'ai dit – je me méfie des moyennes ; mais on ne peut pas non plus, à l'inverse, faire abstraction des chiffres et des faits pour construire un récit qui n'y correspond pas. Je comprends qu'on puisse avoir des désaccords, mais essayons quand même de partager un diagnostic.
Je ne comprends pas pourquoi vous tenez absolument à faire croire que la situation serait la même pour tout le monde. Cela va contre l'intérêt des collectivités territoriales elles-mêmes, car pour répondre efficacement aux difficultés qu'elles traversent, il faut nécessairement agir de manière ciblée. Une réponse unique, uniforme, à toutes les collectivités reviendrait à faire du saupoudrage, et donc à prendre le risque d'aider trop la collectivité qui en a le moins besoin et pas assez celle qui en a le plus besoin.
Voilà le problème de la solution que vous proposez. Avec l'indexation automatique de la DGF comme solde de tout compte en matière d'aide aux collectivités territoriales, vous les laisserez dans l'embarras, car cette disposition unique ne suffira pas à résoudre leurs difficultés. En même temps, vous soutiendrez ainsi de façon disproportionnée des collectivités qui peuvent s'en passer. Défendre, comme nous le faisons, l'aide et le soutien ciblés, c'est défendre l'efficacité maximale, pour accompagner au mieux les collectivités qui en ont le plus besoin.
Nous pouvons avoir des désaccords sur le fonctionnement des dispositifs de soutien ou sur leur calibrage ; nous en avons déjà débattu ici au cours des derniers mois, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 ou des deux collectifs budgétaires, de juillet et de novembre. Nous pouvons diverger sur le fonctionnement général des dotations de l'État, qu'il faut sans doute améliorer. Comme vous, comme la majorité des députés de cet hémicycle, je souhaite offrir aux élus locaux davantage de clarté, de rationalité et de visibilité. Pourquoi ne pas organiser une réflexion sur le fonctionnement de la DGF ? Mais cette réflexion a déjà été ouverte dans le passé ; or, jamais, personne n'a réussi à se mettre d'accord, y compris au sein des majorités qui, à l'époque, étaient absolues, et au sein des collectivités territoriales et de leurs associations d'élus.
Nous avons soutenu les collectivités territoriales, et nous l'avons fait mieux que ce que vous auriez fait si j'en crois votre texte et la solution que vous y proposez. En effet, au total, les mesures que nous avons mises en œuvre dans la loi de finances pour 2023 en faveur des collectivités locales représentent 2,8 milliards d'euros ; voilà la réponse du Gouvernement et de la majorité pour soutenir les collectivités territoriales en 2023 !
À l'époque, vous proposiez déjà comme solution alternative ce que vous défendez dans ce texte : l'indexation de la DGF sur l'inflation. Si, au lieu de prendre les mesures que nous avons décidées, nous vous avions suivis, le soutien aux collectivités, cette année, aurait été de 1,1 milliard.
En faisant le choix que nous avons fait, en repoussant votre solution, nous avons soutenu les collectivités près de trois fois plus que ce que vous proposiez, et que vous proposez à nouveau dans ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La différence, c'est que nous acceptons de le faire de manière temporaire, tant que la crise est là, alors que votre solution serait pérenne, ce qui, Bruno Le Maire l'a dit, renchérirait notre dette de 6 milliards d'euros dans les années à venir. Nous avons été aux côtés des collectivités pour les aider à surmonter le choc des prix, comme nous les avions soutenues pendant la crise sanitaire.
Que contiennent ces 2,8 milliards que nous avons mis sur la table au cours des derniers mois ? Laissez-moi vous détailler ce chiffre.
D'abord, il y a le filet de sécurité à destination des collectivités financièrement fragilisées. Ce filet – qui, je le rappelle, a été proposé dans un amendement du groupe Socialistes et apparentés, travaillé par l'ensemble des groupes de l'Assemblée,…
…adopté à la quasi-unanimité, puis retravaillé au Sénat par tous les groupes, et adopté à l'unanimité – a été doté d'une enveloppe prévisionnelle de 1,5 milliard pour 2023. Par rapport aux dispositifs équivalents qui étaient en place en 2022, ce filet de sécurité a été élargi à toutes les catégories de collectivités, et son fonctionnement a été simplifié. Les collectivités doivent désormais répondre à deux critères : avoir un potentiel financier ou fiscal par habitant inférieur au double de la moyenne de la strate ; et constater une perte d'au moins 15 % d'épargne brute en 2023. La dotation est alors égale à la moitié de la différence entre, d'une part, la hausse des dépenses d'énergie et, d'autre part, 50 % de la hausse des recettes réelles de fonctionnement.
Où est Le Maire ? Il est venu parler une demi-heure et il est reparti ?
Vient ensuite l'amortisseur pour les dépenses d'électricité, destiné aux collectivités qui n'étaient pas couvertes par le bouclier tarifaire. Cela représente un engagement de 1 milliard d'euros. Concrètement, l'État intervient directement sur la facture de toutes les collectivités de plus de dix agents : sur la moitié du volume d'électricité consommé, le tarif est plafonné à 180 euros par mégawattheure, sous un plafond maximum de prise en charge de 320 euros par mégawattheure.
Je veux d'ailleurs rappeler que le bouclier tarifaire est maintenu cette année. Il permet de limiter la hausse des prix de l'électricité à 15 % en moyenne pour plus de 80 % des communes, soit près de 30 000 d'entre elles. Dernière précision : ce bouclier s'applique quel que soit le type de contrat souscrit par la commune.
Enfin, pour la première fois depuis treize ans, nous avons acté cette année une hausse de la DGF, à hauteur de 320 millions d'euros.
La dotation de solidarité rurale augmente de 200 millions, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, de 90 millions, et la dotation d'intercommunalité, de 30 millions.
Concrètement, 90 % des communes et 56 % des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – à fiscalité propre voient leur DGF rester stable ou augmenter par rapport à l'année dernière. Voilà le résultat de notre choix.
Tout à l'heure, quand Bruno Le Maire a rappelé ce qui s'est passé sous le quinquennat de François Hollande, avec la saignée de la DGF,…
…j'ai entendu, venant des groupes de la gauche, fuser la question : « Il était où, M. Attal ? » Eh bien, j'étais au Parti socialiste, et je faisais même déjà partie de mon conseil municipal. Savez-vous quel était l'argument du gouvernement et de la majorité de l'époque pour justifier l'amputation massive de la DGF ? Celle-ci ayant été indexée pendant des années sur l'inflation, elle avait trop augmenté et il fallait revenir en arrière !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous êtes en train de proposer de réinstaurer exactement le même mécanisme que celui qui vous a conduits – je rappelle que deux des quatre groupes de la NUPES appartenaient à la majorité d'alors – à opérer cette saignée de la DGF des collectivités territoriales sous le quinquennat de François Hollande.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je ne défends plus cela aujourd'hui ! Manifestement, vous voulez que la DGF des collectivités soit à nouveau amputée dans quelques années. L'indexation que vous proposez est celle-là même qui vous a permis de justifier la saignée qu'elle a subie.
Quand nous sommes arrivés aux responsabilités en 2017,…
…nous avions pris un engagement…
Exclamations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Pardon, mais vous ne pouvez pas, d'un côté, me reprocher de parler trop longtemps et, de l'autre, m'interrompre : cela ne fera qu'allonger mon intervention.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Là encore, vous alimentez vous-mêmes les causes de ce que vous critiquez ensuite.
Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
C'est bon, ça fait une demi-heure qu'il parle ! Respectez les parlementaires !
Quand nous avons été élus en 2017, nous avons pris un engagement : sanctuariser la DGF afin que son montant ne diminue pas pendant le quinquennat. Après ce qui s'était passé lors du quinquennat précédent, peu de collectivités locales y ont cru, mais nous l'avons fait : l'enveloppe globale de la DGF est restée stable. Elle n'a pas diminué, contrairement à ce qui s'était passé auparavant.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Vous savez comment fonctionne la DGF. Il y a une enveloppe forfaitaire et diverses composantes, dont la DSR et la DSU…
Je le suis depuis dix ans, monsieur Jumel ! L'abondement de la DSR et de la DSU se fait par écrêtement de la part forfaitaire de la DGF, et c'est pour des raisons qui tiennent à la péréquation que certaines collectivités locales ont vu leur DGF diminuer alors même que nous avions stabilisé l'enveloppe au niveau global lors du quinquennat précédent.
La décision que nous avons prise d'abonder la DGF de 320 millions d'euros cette année permet à 90 % des communes de bénéficier d'une DGF stabilisée ou en augmentation. C'est la première fois depuis treize ans et c'est cette majorité qui l'a permis !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous sommes convaincus, et vous aussi, même si nous avons des propositions divergentes, que nos collectivités sont des maillons essentiels de notre République. Nous leur avons permis de surmonter la crise, et maintenant, nous voulons aussi les aider à investir massivement en faveur des transitions écologique et énergétique.
Je donnerai l'exemple du fonds vert, doté de 2 milliards d'euros.
Ce fonds constitue un vecteur de financement majeur pour les projets de rénovation thermique de bâtiments publics, de renaturation des villes, d'aménagement des friches ou encore de lutte contre le recul du trait de côte.
Je veux également rappeler que les dotations de droit commun de soutien à l'investissement local sont maintenues à un niveau historiquement haut …
…de près de 2 milliards d'euros, tandis que le fonds de compensation pour la TVA, le fameux FCTVA, s'élève cette année à 6,7 milliards d'euros.
Vous le voyez, ce que nous avons mis en place est plus ample, plus puissant, plus complet, que le seul mécanisme d'indexation que vous proposez pour la DGF, laquelle, je veux le rappeler, ne constitue pas l'alpha et l'oméga : elle ne représente que 15 % des recettes réelles de fonctionnement des communes et des EPCI et seulement 12 % de celles des départements.
Je le redis, nous agissons de manière ambitieuse, mais nous assumons aussi d'agir de manière ciblée. Oui, nous assumons d'aider davantage des collectivités qui sont plus fragilisées sur le plan financier.
C'est une question d'efficacité de la dépense ; c'est aussi une question de justice.
Personne ne comprendrait que nous défendions un soutien indifférencié au bénéfice des collectivités alors que nous prônons un ciblage pour les Français et pour les entreprises.
Je vous l'accorde : indexer la DGF sur l'inflation peut avoir le mérite de la facilité…
…et certains pourraient se dire de prime abord : pourquoi pas ? Mais indexer la DGF, c'est nécessairement aider les communes de manière moins massive que nous ne l'avons fait, je viens de le démontrer. C'est aussi verser de l'argent à des collectivités qui en ont moins besoin au lieu de concentrer les moyens sur celles dont les difficultés sont avérées.
Ce n'est pas ce que j'appelle la justice, ce n'est pas ce que j'appelle une utilisation pertinente de l'argent des Français.
Quel sens cela aurait-il d'augmenter la DGF de collectivités qui ont vu leurs capacités d'autofinancement s'améliorer au cours des dernières années ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il existe, et vous le savez bien, des réalités extrêmement hétérogènes entre catégories de collectivités et au sein de chacune de ces catégories. Votre erreur, face à cette situation, c'est de vouloir traiter tout le monde de la même manière.
Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Allez-vous vous adresser aux collectivités en leur disant que vous ne prendrez pas en compte les spécificités de leur situation, les difficultés particulières qu'elles rencontrent, et que vous espérez qu'elles s'y retrouveront dans l'indexation globale de la DGF ? Je ne crois pas que ce soit faire preuve de respect envers celles qui sont le plus en difficulté. Je le répète, si le dispositif que vous proposez a le mérite de la clarté, il n'est, je le crois très profondément, à la hauteur ni des enjeux ni des attentes de nos compatriotes en ce qui concerne le bon usage de nos deniers publics.
Je veux vous le dire très simplement : je ne comprends pas pourquoi vous voulez inscrire au niveau organique une règle d'indexation. Rappelons de quoi il s'agit sur le plan juridique. Ce que vous proposez, c'est une modification de l'article 6 de la LOLF, qui définit les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales.
Monsieur le président, il y a bien un moyen de l'arrêter ! Ça va provoquer un tumulte !
Vous proposez donc d'indexer la DGF sur l'inflation, avec une garantie de non-baisse en cas d'inflation négative.
Je cite l'article 1er : « Le montant de cette dotation est revalorisé par la loi de finances de l'année sur la base d'un coefficient…
Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Si vous voulez que je termine, laissez-moi parler !
Chers collègues, laissez le ministre délégué terminer son intervention, puis je donnerai la parole au président Chassaigne pour un rappel au règlement.
Manifestement, nos arguments vous dérangent. Vous n'avez pas envie d'entendre que votre texte ne fonctionne pas.
Vives protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.– Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Chers collègues, ce n'est pas la peine de hurler : le ministre terminera son intervention, quel que soit le temps qu'il a prévu d'utiliser.
Il y a des limites, tout de même ! Quel mépris à l'égard des parlementaires ! Mais les députés de la majorité acceptent tout ! C'est insupportable !
Pas au moment où un ministre s'exprime.
Monsieur Peu, monsieur Chassaigne, le ministre délégué termine et vous aurez la parole pour un rappel au règlement.
J'approche de la fin de mon intervention, donc si vous m'empêchez de m'exprimer, nous ne pourrons pas passer à autre chose.
Inscrire dans la LOLF elle-même un principe de ce type, c'est contraindre de manière excessive le législateur à chaque fois qu'il élabore la loi de finances pour l'année suivante.
Brouhaha sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Je parle de ce qu'il y a dans votre proposition de loi ! Si vous ne m'écoutez pas, je serai obligé de le redire après.
Dans votre texte, vous proposez d'inscrire l'indexation automatique dans la loi organique qui s'impose aux lois de finances discutées par le Parlement chaque année.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Autrement dit, si cette proposition de loi organique est votée, chaque loi de finances initiale devra appliquer ce principe d'indexation sous peine d'être contraire à la loi organique.
J'ai bien conscience que c'est l'objectif recherché.
Pour ma part, je trouve très imprudent de nous lier les mains de la sorte et de nous obliger, pour retrouver de la liberté, à passer par une nouvelle modification de la LOLF qui, je le rappelle, n'a fait l'objet que d'une seule modification vingt ans après son adoption.
Les prestations sociales sont revalorisées chaque année en fonction du taux d'inflation ; pourtant, ce mécanisme ne figure pas dans la loi organique.
Une telle indexation peut être adoptée dans le cadre classique de la discussion du projet de loi de finances que nous avons chaque automne.
Pourquoi je n'admets pas cette démarche qui est la vôtre ? Parce qu'avec la proposition que vous faites …
Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Laissez le ministre terminer ! Nous verrons cela après. J'entends tout.
Inscrire dans la loi organique, comme vous le proposez, cette règle qui s'appliquerait à l'ensemble des lois de finances,…
…c'est finalement lier les mains du Parlement.
Chers collègues, pouvez-vous arrêter cinq minutes ? Laissez Gabriel Attal terminer son propos et vous pourrez ensuite vous exprimer.
J'approche de ma conclusion !
Au fond, ce texte…
…revient à vouloir réduire les droits du Parlement. Il ne lui serait plus possible de décider, à travers la loi de finances, des modalités de la DGF, puisque vous l'aurez placée au niveau de la loi organique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Je ne comprends pas cette démarche.
Nous avons besoin de souplesse, nous avons besoin de réactivité.
Nous devons chaque année adapter nos outils en fonction de la conjoncture économique, et bien sûr de la situation financière des collectivités.
Monsieur le président, nous nous faisons insulter : « crapules », « voyous » !
…un tel principe serait très probablement jugé contraire à la Constitution. Compte tenu de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, votre dispositif serait sans doute considéré comme une atteinte excessive à « la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution », c'est-à-dire celui en vertu duquel ce dernier « détermine et conduit la politique de la nation ».
Ce n'est évidemment pas au Gouvernement de se prononcer sur la constitutionnalité de votre proposition, mais si l'on regarde les décisions récentes du Conseil constitutionnel, il est très vraisemblable qu'il jugerait votre proposition de loi organique, si elle était adoptée, contraire à la Constitution et qu'elle serait censurée pour cette raison.
Mesdames et messieurs les députés, votre proposition de loi ne nous permet pas d'être ambitieux. Elle nous empêche d'agir de manière ciblée et nous lie les mains en fixant dans la LOLF un principe d'indexation automatique auquel le législateur ne pourrait plus déroger.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur ce texte et je pense, je l'ai dit à l'instant, que le Conseil constitutionnel, qui en serait saisi en vertu de la Constitution s'il était adopté, le jugerait contraire à la norme suprême.
Nous devons continuer à travailler ensemble pour repenser la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Il y a un piège dans lequel je ne tomberai jamais. Je suis moi-même élu local depuis près d'une dizaine d'années dans ma commune et je ne suis pas capable de scinder mon cerveau en deux hémisphères. Ce piège, c'est celui qui consiste à chercher en permanence à opposer l'État aux collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
C'est une logique binaire dans laquelle je refuse d'être enfermé. Elle constitue une impasse absolue, je le ressens aussi en tant qu'élu local. Il peut y avoir des divergences de vues entre le Gouvernement et telle ou telle association d'élus, des inquiétudes sur la manière de faire face à la flambée des factures ou sur celle dont on définit la trajectoire de maîtrise de la dépense locale. Toutefois, dire qu'il y a l'État d'un côté et les collectivités de l'autre, c'est céder à l'erreur et à la facilité.
L'erreur, c'est de faire croire que deux blocs pourraient s'entrechoquer, avec en haut un État qui n'entend pas et en bas des élus qui parleraient dans le vide. Lorsqu'il s'agit de faire vivre ensemble ce qui structure la République, il ne peut y avoir de confrontation de blocs – d'autant moins, d'ailleurs, que nous n'avons jamais cessé de dialoguer.
Croyez-moi, les associations d'élus avec lesquelles nous échangeons ne nous disent pas que l'État, c'est l'ennemi, que l'État est à pointer du doigt et à critiquer en toutes circonstances.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Non, elles nous disent qu'il nous faut travailler du mieux possible ensemble.
Bruno Le Maire est revenu…
…sur la situation financière et sur le risque d'augmentation des taux d'intérêt. Il faut bien voir que si un dérapage des finances publiques, accompagné d'une explosion des taux d'intérêt, se produisait, les collectivités territoriales en seraient les victimes, car elles ne pourraient plus emprunter dans les mêmes conditions pour investir dans la transition écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quand nous disons que nous devons être responsables sur le plan des finances publiques pour éviter que nos taux d'intérêt explosent, nous ne le faisons pas seulement pour l'État ou les Français, mais aussi pour les collectivités locales, pour qu'elles puissent continuer à emprunter afin d'investir dans les transitions écologique, numérique et démographique, puisque c'est ce dont nous avons besoin.
Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Vous le paierez aux sénatoriales ! Nous allons appeler tous les maires !
La situation est disparate et justifie une approche ciblée. Voilà ma conviction.
Arrêtez-le, monsieur le président : il est fatigué, il va bientôt tomber !
Pour conclure, je dirai que notre pays sera fort si et seulement si l'État et les collectivités travaillent main dans la main.
C'est le sens de l'agenda territorial que nous avons lancé avec Christophe Béchu et Dominique Faure.
Cet agenda territorial, c'est d'abord une méthode de travail pour garantir un dialogue sincère entre le Gouvernement et les élus locaux.
Je n'ai pas bien compris, pourriez-vous détailler un peu l'agenda territorial ?
Grâce à cette méthode, nous avons pu construire, avec les associations d'élus, des avancées inédites : la première hausse de la DGF depuis treize ans, un soutien massif face à la hausse des prix de l'énergie, une hausse des dotations d'investissement ou encore la création du fonds vert pour accélérer la transition écologique.
C'est dans le cadre de cet agenda territorial, mais aussi de la préparation des assises des finances publiques, que nous continuerons d'avancer pour établir un diagnostic partagé sur la situation financière des collectivités et crédibiliser la trajectoire fixée dans le programme de stabilité. Soyons clairs : la maîtrise des finances publiques fait partie des enjeux que nous avons en partage. J'ajoute que cette responsabilité collective ne signifie pas que le principe d'autonomie, inscrit dans notre Constitution, est remis en cause – personne ne cherche à le faire.
Je l'affirme, puisque c'est mon rôle : nous sommes responsables collectivement de la tenue de nos comptes, vis-à-vis des générations présentes et futures, comme de nos partenaires européens.
Est-ce que vous vous rendez compte de ce qui se passe, collègues de la majorité ? Vous l'acceptez ? Cela ne vous gêne pas ?
Je le précise devant vous, alors que je n'ai pas besoin de l'expliquer aux élus que je rencontre, parce qu'ils le savent déjà – ce sont des gestionnaires, des gens pragmatiques et sérieux.
Brouhaha sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Vifs échanges entre les députés du groupe GDR – NUPES et plusieurs députés du groupe RE.
La maîtrise des comptes est une nécessité absolue. Je rappelle, à cet égard, que les contrats de Cahors sont définitivement enterrés. J'ai lu dans votre exposé des motifs que nous serions sur le point de réintroduire un mécanisme de contractualisation ; ce n'est pas le cas et la Première ministre s'est très clairement engagée sur ce point.
Pour conclure, quel est désormais l'enjeu ? Il s'agit de travailler ensemble afin de rendre crédible la trajectoire fixée dans le cadre du programme de stabilité présenté aux associations d'élus le 27 avril.
Ce programme n'a rien à voir avec l'austérité ; il prévoit simplement d'associer les collectivités à l'effort de modération de la dépense publique. Malgré tout, les dépenses des administrations publiques locales continueront d'augmenter : elles progresseront de 11 % entre 2022 et 2027, ce qui signifie que comme le prévoit le programme de stabilité, les collectivités dépenseront 35 milliards d'euros de plus en 2027 qu'actuellement.
C'est l'État qui sera le plus fortement mis à contribution, puisque sa dépense hors charge d'intérêts baissera en moyenne de 0,8 % par an en volume sur la période 2023-2027.
Nous cherchons à partager cette trajectoire des finances publiques et à y travailler, en concertation avec les associations d'élus : des réunions régulières sont organisées par mon cabinet, ainsi que par les équipes de Christophe Béchu et de Dominique Faure. La prochaine et dernière réunion technique aura lieu le 17 mai et sera consacrée aux questions d'investissement en faveur de la transition énergétique. Je recevrai moi-même dans les prochaines semaines, avec Bruno Le Maire, les associations d'élus,…
…afin de faire un point d'étape sur les différents sujets et de préparer au mieux les assises des finances publiques.
Brouhaha.
Nous n'avons donc jamais cessé d'écouter, de dialoguer, de construire avec les collectivités territoriales les solutions les plus pérennes.
C'est comme cela que nous ferons avancer le pays, que nous saurons répondre aux attentes de nos compatriotes, et non, comme vous le faites, en cherchant à empêcher le Gouvernement de s'exprimer et de rendre des comptes devant cette assemblée sur l'action qui est menée ! Nous sommes fiers de cette action au service des collectivités territoriales, des Français et de notre pays !
Applaudissements ironiques sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Plusieurs députés du groupe GDR – NUPES se lèvent et invitent, par un geste de la main, les députés de la majorité à faire de même.
Quand bien même vous cherchez à nous intimider, nous continuerons à vous tendre la main pour travailler ensemble au service des Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – MM. André Chassaigne et Sébastien Jumel, d'un geste de la main, invitent à nouveau les députés de la majorité à se lever.
Rappels au règlement
Dans le calme retrouvé, la parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.
Il se fonde sur l'article 100 de notre règlement, qui concerne le déroulement de la séance.
Nous avions entamé le débat sur les retraites en disant que vous nous faisiez pitié. Ce soir, constatant votre absence de majorité, vous avez eu un comportement pitoyable.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous avions cru comprendre que vous aviez utilisé toutes les ficelles du règlement intérieur et de la Constitution : article 47-1 de la Constitution, procédure accélérée, recours massif aux ordonnances, 49-3. Vous venez ce soir d'inventer, pour refuser de répondre à la réalité des collectivités territoriales, la diarrhée verbale ministérielle !
Applaudissements et sourires sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Cela pourrait être drôle s'il n'y avait pas, derrière cela, des maires à portée d'engueulade, qui sont confrontés à d'extrêmes difficultés pour répondre aux attentes de leurs concitoyens, faire vivre leurs services publics de proximité, éclairer leurs villes ou chauffer leurs cantines…
Monsieur le député, vous vous écartez du rappel au règlement en tant que tel.
Je vous laisse conclure parce qu'il s'agit de votre journée de niche parlementaire, mais restez dans le cadre du rappel au règlement.
Cette manière de procéder de la part des ministres, qui ont fait en sorte de dilater leurs discours, est un mépris pour le Parlement que je tenais à dénoncer devant l'ensemble de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Jean-Philippe Tanguy applaudit également.
La parole est à M. Sylvain Maillard, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement ?
« Non, non ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Nous avons entendu certains, sur les bancs du groupe GDR – NUPES, traiter nos collègues de « petits voyous ».
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Je suppose que cela a été noté et que vous-même, monsieur le président, l'avez entendu. Vous avez cherché à nous intimider en affirmant que nous le payerions cher aux sénatoriales !
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Mais vous-mêmes, êtes-vous tenus par les élections de défendre une telle mesure ? Et je ne répète pas certains mots très désagréables. Mais vous avez en plus menacé les collaborateurs des ministres, qui ne peuvent rien dire. C'est honteux !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, comme vous étiez présents dans l'hémicycle, vous avez assisté au drame qui vient de se dérouler sous nos yeux pendant la suspension de séance. Une fonctionnaire du service du compte rendu a fait un malaise grave dans l'exercice de sa mission. Grâce à l'intervention de M. Julien Rancoule, qui est pompier volontaire, et de Mme Stéphanie Rist, qui est médecin, elle a pu être réanimée très rapidement, ce qui est un facteur d'espoir. Elle a été prise en charge immédiatement par les pompiers de l'Assemblée nationale. Le SAMU est intervenu très rapidement ; ils ont pu stabiliser son état, la sécuriser, et sont en train de l'évacuer vers un hôpital. Nous cherchons à prévenir sa famille. Tous nos vœux l'accompagnent. Nous espérons qu'elle pourra guérir dans les meilleures conditions et que les causes de son accident cardiaque seront vite diagnostiquées.
Je tiendrai les présidents de groupe informés de l'évolution de sa situation. Nous espérons qu'elle recouvrera la santé et qu'elle pourra revenir parmi nous. Je vous propose d'avoir une pensée pour elle et sa famille dans les minutes, les heures et les jours qui vont s'écouler. Nous formons ensemble une grande communauté ; l'Assemblée nationale est forte des membres qui la composent, qu'ils soient élus ou personnel administratif, et nous devons être ensemble dans ces moments si douloureux. Je vous remercie d'avoir été à ses côtés ce soir ; c'est précieux.
Compte tenu de ce qui s'est passé, je vous propose de lever la séance. Nous verrons ultérieurement comment poursuivre nos travaux.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Débat sur le thème : « La crise de l'hôpital public » ;
Débat sur le thème : « Quelles réponses à l'envolée des prix des produits de grande consommation ? »
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra