La réunion

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Jeudi 12 janvier 2023

La séance est ouverte à 9 heures 35.

(Présidence de M. Jean-Félix Acquaviva, président de la commission)

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Nous auditionnons ce matin M. Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire, et M. Thierry Donard, directeur adjoint.

Monsieur le directeur, vous avez été entendu par la commission des lois de notre Assemblée deux semaines après l'agression d'Yvan Colonna, et quelques jours avant son décès. Comme nous l'avons indiqué lors de notre première audition, l'administration pénitentiaire a failli au regard de l'article L.7 du code pénitentiaire.

À la suite des faits commis le 2 mars 2022, l'Inspection générale de la justice a conduit une inspection de fonctionnement à la maison centrale d'Arles. Elle a relevé un certain nombre de manquements, d'insuffisances, de failles au niveau local, à la maison centrale elle-même, mais également au niveau central, au sein de l'administration que vous dirigez.

La mission d'inspection s'interroge en particulier sur l'absence d'orientation de M. Elong Abé en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), conséquence de l'importance excessive donnée par la direction de l'administration pénitentiaire aux avis réservé et très réservé des magistrats antiterroristes du siège et du parquet. L'inspection estime à cet égard que la direction de l'administration pénitentiaire « a commis une erreur d'appréciation » en décidant de ne pas affecter M. Elong Abé en QER sur la base de ces seuls avis défavorables, qui ne la liaient pas.

Au-delà des analyses et des constats formulés par la mission d'inspection, et qui touchent à des aspects très précis et concrets du fonctionnement d'un établissement pénitentiaire, il convient de s'interroger plus largement sur le statut de détenu particulièrement signalé (DPS), sur la procédure et les critères qui président à cette inscription, au maintien ou à la radiation d'un détenu au répertoire des DPS. Dans le cas qui nous occupe, cette réflexion concerne Franck Elong Abé, mais également Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, liés à l'assassinat du préfet Claude Érignac.

Monsieur le directeur, notre rapporteur M. Marcangeli vous a transmis un questionnaire détaillé préalablement à votre audition. Il ne sera évidemment pas possible d'aborder toutes les questions qu'il contient dans le temps qui nous est imparti. Aussi, je vous invite à communiquer ultérieurement les éléments de réponse écrits, ainsi que tout élément d'information que vous jugeriez utile de porter à la connaissance de la commission d'enquête.

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Le questionnaire comprend un certain nombre de demandes de transmission de documents. Ceux-ci sont très utiles à l'appréciation de la commission parlementaire, et sont de nature à nous éclairer sur les décisions relatives aux évaluations de Franck Elong Abé, notamment en ce qui concerne le QER.

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Monsieur Ridel, Monsieur Donard, en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais successivement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous prie d'activer votre micro, de lever la main droite et de dire : « Je le jure ».

(M. Laurent Ridel et M. Thierry Donard prêtent serment.)

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Avant tout, je tiens à vous faire part de la très grande tristesse de l'administration pénitentiaire face à un tel drame. Je souhaite également exprimer toute ma compassion à la famille d'Yvan Colonna, mais aussi à Mme Érignac et à ses enfants, dont la douleur a été ravivée par ce drame.

La mort d'un homme dans de telles circonstances est un échec et n'est pas acceptable. En tant que directeur de l'administration pénitentiaire, j'assume cet échec. Je rappelle que l'article 44 de la loi pénitentiaire de 2009, désormais intégrée au code pénitentiaire, impose à cette administration d'assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux et que même en l'absence de faute, l'administration pénitentiaire – l'État – est tenue de réparer le dommage résultant du décès d'un détenu causé par des violences commises au sein d'un établissement par un autre détenu.

Je rappelle que j'ai été auditionné quelques jours après cette terrible agression, qu'une instruction judiciaire est en cours et qu'une enquête administrative a été diligentée par le Premier ministre. Je vous confirme que les douze recommandations issues de ce rapport ont été mises en œuvre : six par le chef d'établissement d'Arles, quatre par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), une par mon collègue directeur des affaires criminelles et des grâces (DACG) et moi-même, une par la Première ministre consistant à auditer l'ensemble de la politique de lutte contre la radicalisation mise en œuvre par l'administration pénitentiaire.

Je vais répondre avec sincérité à l'ensemble de vos interrogations dans un souci de vérité et de transparence.

Je travaille au sein des services pénitentiaires depuis près de quarante ans, à différents postes opérationnels, en qualité de chef d'établissement, de directeur interrégional et de responsable en administration centrale. Je suis fier de ce parcours et de servir cette administration indispensable au bon fonctionnement de l'État, qui est trop peu connue et reconnue. Peu d'institutions ont autant évolué, se sont autant modernisées, ont autant vu leurs missions s'enrichir depuis une trentaine d'années.

La contribution de cette administration est essentielle à la sécurité de nos concitoyens, à l'équilibre parfois malmené de notre pacte social, à la défense des valeurs de notre République. Il est beaucoup demandé à cette administration. Des obligations de résultats lui sont assignées là où tout le reste a échoué : la famille, l'éducation, les services sociaux, l'hôpital. Les services pénitentiaires se trouvent au bout de la chaîne pénale, à l'extrémité du champ social. Derrière la prison, il n'y a parfois plus rien. Dans ce métier, nous travaillons sur de l'humain extrêmement compliqué et nous touchons à l'essence de la condition humaine, à la vie, et parfois à la mort.

Je tiens à rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui composent ce service public pénitentiaire, et qui tous les jours travaillent avec passion, discrétion et courage pour assurer notre sécurité. En 2022, 5 000 d'entre eux ont été agressés. Plusieurs morts ont été déplorées pendant la crise du covid. Ces agents ont été victimes de quatre attentats terroristes en détention, à Osny-Pontoise en 2016, à Vendin-le-Vieil en 2018, à Condé-sur-Sarthe puis au Havre en 2019.

Depuis que je suis devenu directeur de l'administration pénitentiaire, il y a pratiquement deux ans, je me suis efforcé de mettre en œuvre un certain nombre de missions prioritaires, dans un contexte rendu compliqué par la surpopulation importante, les difficultés d'attractivité d'un métier particulièrement difficile, la pandémie, les violences, l'augmentation croissante des profils à dimension psychiatrique.

Je me suis efforcé de porter la reconnaissance des missions et des métiers pénitentiaires. La société doit assumer ses prisons et ses services pénitentiaires. C'est une condition indispensable pour continuer à moderniser cette administration et à la rendre plus efficace. Je m'efforce également de promouvoir le droit, et de lutter contre toutes les formes de violence. J'ai travaillé l'année dernière à un grand plan de lutte contre les violences, que nous allons mettre en œuvre dès ce mois de janvier. J'ai aussi cherché à intensifier et à actualiser la lutte contre la radicalisation. Aucun autre pays européen n'a été confronté à une telle vague de radicalisation en prison ; aucun pays n'a eu à accueillir autant de terroristes et autant de personnes radicalisées que la France. Nous avons développé en accueillant ces détenus une doctrine qui me paraît équilibrée, qui a apporté un certain nombre de résultats, mais qui n'est pas infaillible.

Ces actions ont répondu à deux principes et à deux exigences. Le premier principe est celui de l'évaluation des politiques. Cette évaluation permet de corriger ou d'enrichir les politiques, parfois d'y renoncer quand elles ne sont pas pertinentes. Le deuxième principe est un ancrage revendiqué au terrain : je ne souhaite pas développer une administration pénitentiaire centrale, virtuelle, dont tous les indicateurs seraient « au vert », mais qui ne tiendrait pas compte de ce qui se passerait sur le terrain.

Je tiens ma légitimité du Président de la République, du garde des Sceaux, du Gouvernement ; je dois rendre compte de mon action devant le Parlement, appliquer la politique définie par ces instances, mais sans prisons, sans services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), il n'y aurait pas de direction de l'administration pénitentiaire. Il y a aussi une légitimité et une crédibilité de terrain à entretenir. J'ai donc souhaité que mes instructions soient les plus claires, les plus lisibles, les plus accessibles possible, pour qu'elles puissent être mises en œuvre sans difficulté sur le terrain. Vous aurez remarqué que l'ensemble des instructions concernant la gestion des DPS, la lutte contre la radicalisation, la doctrine d'armement ont été revues depuis que je suis directeur de l'administration pénitentiaire, et généralement simplifiées dans leur forme.

J'ai également souhaité adapter et enrichir les instructions que je donnais. S'agissant par exemple de la radicalisation, des éléments nouveaux sont apparus depuis deux ans : la prise en compte beaucoup plus importante de la libération de détenus terroristes avec le sujet de leur prise en charge à l'extérieur, en milieu ouvert ; la question de l'évaluation des femmes terroristes, qui ne sont pas des victimes – j'ai ouvert un QER pour femmes à Fresnes, et un quartier de prise en charge de la radicalisation pour femmes à Rennes ; enfin, depuis six mois, la question des returnees, dont beaucoup de femmes, sur lesquels j'ai donné un certain nombre d'instructions.

J'ai demandé à mes services d'animer les réseaux, de sorte qu'il y ait en permanence un lien, un contact entre l'administration centrale, les directions interrégionales, les établissements et les SPIP. Cette animation s'effectue par des réunions régulières de directeurs de maisons centrales, mais aussi par des réunions très régulières des responsables de missions de lutte contre la radicalisation au niveau interrégional.

Ce que je retiens de ces trente-huit ans d'expérience pénitentiaire ponctuées par un certain nombre d'événements difficiles, de drames – et celui-ci en est un –, c'est une grande modestie, une grande humilité. C'est dans cet état d'esprit que je répondrai à vos questions.

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Il n'est fait nul doute, à vous écouter, que vous êtes un haut fonctionnaire attaché à la qualité du service public et de l'administration que vous dirigez. Vous y mettez beaucoup de rigueur, de motivation, d'empathie.

Vous avez parlé des recommandations issues de l'inspection que vous commencez à appliquer. Nous sommes aussi là pour regarder ce qu'il s'est passé et pour faire une œuvre de justice. Vous ne serez pas étonné d'entendre que selon nous, justice n'a pas été faite, que la clarté n'a pas été suffisamment faite sur les dysfonctionnements.

Le rapport de l'Inspection générale de la justice est édifiant, stupéfiant pour des acteurs politiques qui considèrent les administrations dans leur ensemble comme étant très rigoureuses, lorsque l'on voit les réponses apportées à des dysfonctionnements qui nous paraissent être des dysfonctionnements de base.

Cinq commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) ont demandé l'évaluation en QER de Franck Elong Abé : une à Condé-sur-Sarthe, quatre à Arles. Dans l'un des cas, le directeur de l'établissement de Condé-sur-Sarthe suit, accompagne et promeut la CPU « dangerosité » qui, dès 2019, c'est-à-dire à un moment qui n'est pas très éloigné du problème que vous évoquez, lié à la radicalisation, préconise l'évaluation en QER.

L'inspection indique clairement que les avis réservé et très réservé du juge d'application des peines antiterroristes (JAPAT) et du parquet national antiterroriste (PNAT) ne vous liaient pas. Si la circulaire du 1er juillet 2019 prévoit que le PNAT « dispose d'une compétence exclusive pour représenter le ministère public près ces juridictions, tant lors des commissions de l'application des peines que lors des débats contradictoires qu'elles organisent, ou lorsque ces dernières sollicitent son avis, elle ne lui donne pas de compétence en matière post-sentencielle pour émettre un avis sur une proposition d'affectation en QER initiée par un chef d'établissement pénitentiaire ».

Il s'agit d'un dysfonctionnement très grave, d'un parti pris qui ne s'explique pas, car il est l'antithèse de l'article du code de procédure pénale qui justifie l'orientation d'un détenu en QER. Il existe là une zone d'ombre béante. Pourquoi le JAPAT et le PNAT ont-ils insisté pour donner des avis réservé et très réservé en 2019 ? Pourquoi la direction de l'administration pénitentiaire a-t-elle suivi ces avis, alors qu'elle n'était pas liée ?

Dans le deuxième cas, la directrice d'établissement va à l'encontre des quatre procédures de CPU. Dans son rapport, l'inspection évoque « l'effacement d'une ligne hiérarchique ». Vous étiez au courant, notamment par l'intermédiaire de la coordinatrice de la mission locale de lutte contre la radicalisation violente de Marseille, mais aussi par un officier. Nous parlons donc d'un traitement qui n'a pas été effectué.

Je cite la coordinatrice, qui écrit à sa hiérarchie : « Pour Franck Elong Abé, se pose la question d'une nouvelle évaluation. Visiblement, la centrale d'Arles n'a pas la synthèse d'évaluation pour cette personne. Peut-on avoir la confirmation qu'elle a bien été évaluée, et si oui, récupérer la synthèse ? ». Des interrogations vous ont été remontées. L'administration centrale savait, mais n'a pas jugé utile de continuer. Ma première question est la suivante : pourquoi ?

Avez-vous eu des relations fréquentes, lors de son passage à Arles, avec le JAPAT et le PNAT, concernant le cas de Franck Elong Abé ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

En 2019, je n'étais pas le directeur de l'administration pénitentiaire. Je n'ai pas connu cette procédure. En revanche, je connais bien le fonctionnement des quartiers d'évaluation de la radicalisation, pour les avoir mis en œuvre, notamment en Île-de-France.

En tant que directeur de l'administration pénitentiaire, j'ai été saisi dans une forme qui ne respectait pas la procédure que j'avais moi-même précisée. Mes services ont été saisis d'une demande d'évaluation en QER de Franck Elong Abé fin janvier 2022. Cette demande a fait l'objet d'une réponse, et devait conduire à une évaluation en QER au printemps.

Concernant les autres demandes, et notamment celle qui émanait de Condé-sur-Sarthe à l'été 2019, la motivation du refus d'admission en QER s'en tient aux avis négatifs des magistrats antiterroristes. Vous avez raison de dire que ces avis ne lient pas l'administration pénitentiaire. Depuis, nous avons clairement reprécisé les choses. Il faudra interroger les personnes qui étaient en responsabilité à l'époque.

D'après mon expérience des détenus terroristes et des QER, je pense que l'évaluation de Franck Elong Abé aurait été extrêmement compliquée, voire impossible, en 2019, et cela pour deux raisons, dont l'une est son niveau de dangerosité. À Condé-sur-Sarthe, son isolement n'a jamais été levé, car il avait provoqué dix à quinze incidents disciplinaires en juillet-août 2019. La deuxième raison est que les QER pratiquent une évaluation pénitentiaire, mais pas une évaluation psychiatrique. M. Elong Abé était pendant cette période en phase de décompensation et de crise psychiatrique, marquée par des tentatives de suicide et de mise à feu des cellules.

Je rappelle que le contexte de 2019 était particulier. Deux attentats ont été commis par des détenus terroristes. Il est compréhensible que le risque n'ait pas été pris, et que l'on ait attendu une forme de retour à l'équilibre en quartier d'isolement avant de pratiquer l'évaluation. Ce ne sont certes pas les motivations qui se lisent dans la décision de l'administration centrale. Je vous livre mon analyse de responsable pénitentiaire de terrain.

La deuxième évaluation est sollicitée en mars 2020, c'est-à-dire au début de la crise du covid, qui a fortement ébranlé l'administration pénitentiaire. M. Elong Abé était arrivé à Arles en octobre 2019 et placé au quartier d'isolement. C'est un détenu difficile, son comportement n'est pas parfait, mais l'on note une amélioration sensible, notamment par rapport à la période de crise dont j'ai parlé. Il est alors prévu de lever l'isolement et de placer Franck Elong Abé dans le quartier spécifique d'intégration, où nous accompagnons les détenus qui sortent d'une période d'isolement relativement longue. Il a donc été décidé de tenter cette prise en charge très rapprochée, ce qui a plutôt fonctionné dans un premier temps, l'isolement ayant été levé dix mois plus tard.

Les deux autres demandes ne sont pas parvenues à l'administration centrale. La quatrième demande, elle, lui est parvenue par mail, ce qui n'est pas conforme à la consigne habituelle, mais elle a tout de même été traitée.

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Je souligne une divergence d'appréciation notable concernant l'évaluation en QER : l'Inspection générale de la justice estime qu'il fallait prendre le risque dès 2019.

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Quel détenu Yvan Colonna a-t-il été pendant les dix-neuf ans qu'il a passés en détention ?

Yvan Colonna et Franck Elong Abé avaient le statut de détenus particulièrement signalés. Existait-il des consignes particulières les concernant au moment des faits, et si oui, lesquelles ?

La radicalisation de Franck Elong Abé n'est un mystère pour personne. Étiez-vous détenteur d'informations sur ses activités en Afghanistan et sur sa potentielle dangerosité ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Yvan Colonna a été écroué en 2003. Il a été détenu dans différentes maisons d'arrêt parisiennes, à la Santé, à Fresnes et à Fleury-Mérogis ; puis il a séjourné à Réau, et enfin à Arles. Son comportement pénitentiaire peut être qualifié de correct, voire de très correct. Il était considéré comme ayant une personnalité certaine, et il entretenait des relations plutôt cordiales avec son entourage – personnels, intervenants, codétenus. Sa vie était très réglée autour de la lecture, d'une intense activité sportive, et de relations amicales et familiales relativement denses. Un certain nombre d'incidents disciplinaires, treize au total, me semble-t-il, se sont tout de même produits, sans être d'une intensité remarquable : refus d'obtempérer, protestation contre la fermeture de la salle de sport, possession d'objets interdits. Son comportement était adapté, tout à fait satisfaisant.

Il existe une note générale de prise en charge des DPS, qui impose d'accorder à ces derniers une attention particulière : placement en cellule devant un mirador, contrôles de cellule plus fréquents, contrôles des mouvements, attention, vigilance, observations ; précautions plus importantes en termes d'escorte lorsque ces détenus se rendent à l'hôpital ou à l'extérieur. Cette note est complétée par une note relative à chaque détenu classé DPS. Ce fut le cas à Arles, Franck Elong Abé et Yvan Colonna faisant tous deux l'objet d'une note individualisée relativement récente.

Concernant le passage de Franck Elong Abé en Afghanistan, les faits sont assez anciens, ce détenu ayant été écroué à Rouen en 2014. Franck Elong Abé était au départ un petit délinquant, mais qui avait un parcours psychiatrique lourd. L'administration pénitentiaire n'avait connaissance que des pièces judiciaires faisant état d'un entraînement intensif en Afghanistan pendant six mois – et peut-être de sa participation à des combats, Franck Elong Abé ayant été remis aux autorités françaises et afghanes via l'armée américaine.

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Vous dites que vous aviez des notes sur un entraînement intensif et sur l'hypothèse de sa participation à des combats ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Les éléments que je donne sont issus des pièces judiciaires.

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Pouvez-vous étayer organiquement le lien entre la direction de l'administration pénitentiaire et le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

En 2017, un bureau central du renseignement pénitentiaire a été créé. En 2019, celui-ci est devenu le service national du renseignement pénitentiaire. Il comporte un service central d'environ 80 personnes, un état-major, différentes divisions. Ses prérogatives sont importantes, avec des possibilités de mise en œuvre de techniques de renseignement relativement intrusives. Ce service comporte des capacités de traitement du renseignement, un échelon interrégional, qui coordonne l'action de délégués locaux du renseignement pénitentiaire dans un certain nombre d'établissements, et de référents du renseignement au sein des SPIP. Au total, l'on dénombre 330 personnes. Ce service du renseignement est directement rattaché au directeur de l'administration pénitentiaire. La cheffe du service et moi-même avons donc des relations fréquentes.

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À ce stade, n'y avait-il eu aucune autre remontée sur Franck Elong Abé ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Non. À aucun moment il n'y a eu de remontée particulière concernant Franck Elong Abé, en tout cas dans la période la plus récente. Depuis que je suis directeur de l'administration pénitentiaire, une remontée hebdomadaire de la situation des treize maisons centrales m'est directement adressée. Dans les semaines qui ont précédé le drame, aucun élément concernant Arles n'a été remonté dans cette synthèse.

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Sommes-nous d'accord que le SNRP fait partie de la communauté du renseignement qui doit permettre de décloisonner les informations avec les autres services ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Oui. Il fait partie du second cercle, à l'instar du renseignement territorial, par exemple.

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Pouvez-vous préciser la différence entre premier et second cercles ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Le premier cercle correspond aux instances les plus anciennes et célèbres, qui ont le champ de compétences le plus élargi possible, et qui ont les techniques d'investigation le plus poussées, par exemple la direction du renseignement militaire, la direction générale de la sécurité intérieure ou la direction générale de la sécurité extérieure. Le second cercle, qui fait partie de la communauté du renseignement, a un champ de compétences plus limité, et est soumis à des conditions plus restrictives de mise en œuvre des techniques de renseignement. Le SNRP en fait partie.

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Avez-vous eu des informations sur le fait que Franck Elong Abé aurait pu faire pression sur d'autres détenus afin d'obtenir le poste d'auxiliaire pour le nettoyage de la salle de sport ?

Il ressort du rapport d'inspection que l'affectation en 2018 de la directrice adjointe avait pour but de placer une personne de confiance sur cet établissement. Cette directrice adjointe, qui n'hésite pas à parler d'un problème d'autorité de la part de Mme Puglierini, explique qu'elle devait servir de « filet de sécurité ». Manifestement, la DAP et la direction interrégionale étaient informées des carences de la cheffe d'établissement avant l'arrivée de la directrice adjointe. Pourtant, la situation a été laissée telle quelle.

À partir de l'affectation à la maison centrale d'Arles de cette directrice adjointe, qui avait des contacts privilégiés avec la haute hiérarchie de l'administration, je ne peux pas croire que personne n'ait été informé des dysfonctionnements – ni votre prédécesseur, ni vous, monsieur le directeur. Pourquoi ne pas avoir pris de mesures vis-à-vis de la direction locale, afin de mettre fin à ces pratiques bancales qui mettent en danger les personnels, les détenus et toute personne travaillant ou entrant dans l'établissement ?

Enfin, quelles sont les fonctions actuelles de Mme Puglierini ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je n'ai pas connaissance de pressions que Franck Elong Abé aurait pu exercer sur des codétenus pour obtenir ce poste. Le classement de DPS au travail, s'il n'est pas interdit, est entouré d'un certain nombre de précautions, dont le passage en CPU. Franck Elong Abé est passé à dix reprises au moins en CPU « classement au travail ». Certains postes lui ont été refusés. Le poste d'auxiliaire sport lui avait été refusé, avant de lui être attribué en septembre 2021. L'autre précaution vis-à-vis d'un DPS est d'informer la direction interrégionale, ce qui a bien été fait. Pour répondre à votre question, je ne dispose d'aucun indicateur de ce type.

Mme Puglierini est une directrice expérimentée, qui a fait l'objet d'appréciations extrêmement satisfaisantes. Je rappelle que dans l'exercice pénitentiaire, la moindre erreur d'appréciation, la moindre baisse de vigilance peut entraîner des conséquences très fortes. Mme Puglierini était une bonne directrice, qui a géré au mieux l'établissement pendant la crise du covid.

Je n'étais pas en poste en 2018, quand la directrice adjointe a été nommée à Arles. J'ignorais cet élément jusqu'à la lecture du rapport de l'inspection. Elle ne venait pas du cabinet du directeur de l'administration pénitentiaire, mais avait été affectée à Arles en provenance de Polynésie française.

L'établissement d'Arles regroupe des détenus très compliqués, dont 55 % sont emprisonnés pour des crimes de sang, des assassinats. Nous faisons en sorte que l'effectif de détenus ne soit pas trop élevé, que le taux de couverture des personnels soit relativement satisfaisant. La direction d'Arles est composée de quatre directeurs, alors que l'effectif théorique est de trois. Elle se trouve donc dans une situation plutôt satisfaisante.

Mme Puglierini arrivait au terme de son mandat à Arles. J'ai souhaité qu'elle change de fonctions, ce qu'elle désirait aussi. Elle a été nommée à un poste de contrôleur au sein de la mission de contrôle interne, qui est en appui aux pratiques professionnelles dans les établissements et les SPIP.

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Nous sommes au cœur d'une divergence importante. Je suis très étonné des louanges que vous faites à Mme Puglierini aujourd'hui, alors que l'on sait un certain nombre de choses. Durant son audition, Mme Puglierini a menti devant la représentation nationale, et vous le savez. Alors qu'elle est questionnée sur le sujet, elle n'évoque pas les quatre incidents avec sanction disciplinaire. Elle ne mentionne pas non plus le coup de tête asséné par Franck Elong Abé à un autre détenu. Elle nous ment. Vous nous dites aujourd'hui qu'elle a toujours été une bonne directrice, que l'erreur est humaine, qu'elle avait terminé normalement son cursus, alors que celui-ci avait été prolongé de six mois de manière dérogatoire. L'inspection parle de sanction disciplinaire et de manquements graves. Nous ne pouvons pas avancer sérieusement si nous sommes dans la relativisation et la solidarité de corps. Celle-ci explose devant les faits.

Vous avez affirmé ne pas avoir d'informations sur la dangerosité ou la radicalisation de Franck Elong Abé. Quand la CPU indique que ce détenu veut mourir « en étant grand par l'islam », les mots ont un sens. Il n'est pas possible de dire que l'on n'est pas averti de cette radicalisation. Mme Puglierini a indiqué qu'un coup de tête « n'était rien ». Ce sont les sanctions disciplinaires qui ont été portées au passif d'Yvan Colonna dans les commissions locales DPS, notamment en raison de la possession d'un baladeur MP3 qui n'était connecté à rien. D'un côté, on relativise et on ment devant la représentation nationale au sujet d'un coup de tête, ce qui est très grave ; de l'autre, on nous parle d'un détenu normal, qui est sanctionné parce qu'il avait un baladeur MP3. Cela ne colle pas. Je suis très choqué que l'on ne fasse pas un constat clair sur ce qui s'est passé. On ne peut pas dire que Franck Elong Abé n'a pas provoqué d'incidents graves à Arles, ni que les CPU n'ont pas été claires sur le danger lié à sa radicalisation, et on ne peut pas dire que Mme Puglierini n'a pas commis de faute.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

J'ai été interrogé sur les compétences professionnelles de Mme Puglierini. Je réponds à cette question sur la base des appréciations livrées sur sa façon de servir dans les trois établissements qu'elle a dirigés à Arles – pas plus, pas moins. Je n'ai pas l'intention de faire du corporatisme, notamment face à des faits aussi graves. J'ai parlé comme vous d'erreurs d'appréciation pouvant se traduire par des faits extrêmement graves. Je ne nie pas les conclusions de l'inspection. Quand je dis que toutes les conclusions et recommandations de cette dernière ont été mises en œuvre, je parle aussi de la partie disciplinaire.

D'autre part, j'ai écrit à vingt-cinq de mes collègues pour leur indiquer que leur mandat avait atteint six ans. Mme Puglierini en faisait partie. Ce n'est pas du jour au lendemain que l'on fait partir quelqu'un. Parce qu'elle avait atteint les limites de la durée d'affectation, j'ai fait en sorte d'appliquer cette règle de droit.

Je ne relativise pas le comportement de Franck Elong Abé. Son comportement s'est amélioré à Arles, mais il restait un détenu considéré comme radicalisé, sa radicalisation procédant même de la nature des faits judiciaires. Je dis simplement qu'à aucun moment un signal d'alerte n'a été émis à propos de ce détenu. Ce qui était jugé préoccupant, début 2022, c'était la libération prochaine de Franck Elong Abé, prévue pour fin 2023. La demande d'évaluation en QER datant de cette période était plutôt vue comme une évaluation avant sa sortie. En 2021, vous avez voté la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. Dans ce cadre, l'autorité judiciaire peut demander une évaluation en vue d'imposer un suivi particulier à ces détenus. Plusieurs réunions ont eu lieu, mais le cas de Franck Elong Abé n'a pas été évoqué.

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Nous avons auditionné Mme Puglierini hier. C'est elle qui a relativisé les incidents, et pas vous. Mme Puglierini s'est montrée plutôt à la peine durant son audition. Je m'associe au président quand ce dernier manifeste une certaine incompréhension quant aux qualificatifs plutôt élogieux qui ont été formulés.

Les conclusions du rapport sur la maison centrale d'Arles ne permettent pas de dire que le travail de Mme Puglierini ait été exempt de tout reproche, que ce soit sur la vidéosurveillance, sur la manière de travailler, sur la gestion de l'établissement. Le fait qu'une directrice adjointe ait été nommée est éloquent à cet égard.

Les membres de cette commission sont à peu près sur la même longueur d'onde concernant les failles professionnelles qui ont été observées, dans la gestion de l'établissement en général et du cas de Franck Elong Abé en particulier. Mme Puglierini a menti à la représentation nationale. Elle n'était pas sous serment, mais elle l'est maintenant puisqu'elle témoigne dans le cadre d'une commission d'enquête.

Vous êtes un responsable éminent des services de l'État, affecté à une mission très difficile. Votre expérience de trente-huit ans vous amène à avoir une appréciation humaine fine des personnes qui se trouvent en face de vous, quant à leur capacité psychologique à tenir une responsabilité lourde. Au regard de l'inspection et des différentes auditions, considérez-vous que le travail effectué par la directrice à Arles et dans le cadre de ce drame épouvantable a été bien fait ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je précise tout d'abord que si l'effectif de directeurs de la maison centrale d'Arles a été porté de trois à quatre, ce n'est pas en raison d'une fragilité ou d'une défaillance de la direction. En raison d'un surnombre de postes de directeurs des services pénitentiaires, les directeurs interrégionaux ont choisi de renforcer des directions sensibles. Il a été décidé de renforcer la maison centrale d'Arles parce que c'était une maison centrale.

Le directeur de l'administration pénitentiaire que je suis dirige 187 établissements et 103 SPIP. Je n'ai pas une connaissance précise de la manière de servir de chacun de ces chefs d'établissements et directeurs d'insertion et de probation. J'ai mis à votre disposition des documents relatifs aux appréciations portées sur la façon de travailler de Mme Puglierini. J'ai eu des alertes sur le management d'un certain nombre d'établissements, que nous accompagnons. Ce n'était pas le cas d'Arles. Je m'étais simplement engagé à ce que Mme Puglierini change d'affectation. La direction d'un établissement est une charge lourde, que l'on porte jour et nuit, y compris pendant les congés : je peux concevoir qu'au bout de six ans d'exercice, l'on puisse éprouver une certaine usure et avoir envie de faire autre chose.

Je ne dispose pas d'éléments sur les faits judiciaires. J'ai pris acte du travail réalisé par l'inspection. J'en ai tiré les conséquences, puisque l'intégralité des recommandations, y compris celles qui relèvent du volet disciplinaire, a été mise en œuvre. Permettez-moi de respecter le contradictoire. Mme Puglierini s'expliquera devant les instances dédiées à cette procédure.

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J'ai une pensée pour la famille du préfet Érignac, et pour celle d'Yvan Colonna. Ne pensez-vous pas, monsieur le directeur, que les neuf minutes qui se sont écoulées entre le début de l'agression qui a coûté la vie à Yvan Colonna et l'intervention constituent un immense dysfonctionnement ? J'imagine que si l'intervention avait été plus rapide, Yvan Colonna aurait pu être sauvé. Des mesures ont-elles été prises pour qu'un tel drame ne se reproduise pas ?

Franck Elong Abé a déclaré qu'il voulait devenir « un grand de l'islam », ce qui pouvait laisser penser que l'ADN djihadiste qu'il y avait en lui n'avait pas disparu. Pensez-vous que les radicalisés doivent-être mélangés à d'autres détenus ou qu'ils doivent vivre dans des quartiers sécurisés, entre eux ? Se pose également la question du prosélytisme, puisqu'il arrive que des personnes entrent en prison pour des faits de droit commun et en ressortent radicalisées du fait de la dangerosité de certains détenus.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Le drame qui s'est produit nous amène à affirmer que le dispositif de surveillance de ces salles d'activité a conduit à l'échec. Un échec qui se traduit par la mort d'un homme est insupportable. Le dispositif n'était pas suffisamment efficient, même si par ailleurs aucun élément relevant un antagonisme ou une volonté de violence de Franck Elong Abé n'avait été remonté, ce qui avait conduit à une forme de banalisation de la surveillance. Cette carence doit être corrigée.

Sauf à mettre un ou plusieurs surveillants derrière chaque détenu, il est compliqué d'aboutir à l'obligation de résultats dont je parlais tout à l'heure. La maison d'Arles est loin de connaître le surencombrement qui existe dans les maisons d'arrêt. Nous essayons de faire que le taux de couverture soit le plus satisfaisant possible. La maison centrale d'Arles compte 148 surveillants, mais seuls une vingtaine d'entre eux sont au contact des détenus, dans des lieux relativement éclatés.

J'ai donné des instructions pour que le dispositif de vidéosurveillance soit plus efficace, mais il ne saurait garantir une sécurité absolue. Ce n'est pas le cas à l'extérieur, et ce n'est pas non plus le cas au sein des établissements pénitentiaires. Un surveillant en centre de détention dans un poste d'information et de contrôle (PIC) doit réaliser une levée de doute avec vérification d'identité toutes les dix secondes. Il doit également surveiller une cinquantaine de caméras, avec des images qui changent toutes les quatre à cinq secondes, et s'occuper des appels téléphoniques et des appels de détenus, ce qui est assez compliqué.

Les six recommandations s'adressant au chef d'établissement d'Arles ont été mises en œuvre. Elles concernent la rédaction d'une fiche de poste beaucoup plus précise, notamment en matière de fréquence de passage dans les salles d'activité ; la complémentarité effective entre la surveillance de ces salles et l'agent qui se trouve en PIC dans le poste protégé ; la mise en place d'un dispositif de formation aux équipements placées dans les postes protégés.

Le dispositif de lutte contre la radicalisation mis en place par la France, qui s'appuie sur l'expérience et sur des comparaisons internationales, est un dispositif équilibré. Se gardant de toute naïveté, il repose néanmoins sr l'espoir que les gens peuvent changer un jour. Il est fondé sur un triptyque : repérer la personne radicalisée, l'évaluer, la prendre en charge. Notre capacité à évaluer est largement suffisante pour les détenus terroristes et les détenus radicalisés, 250 personnes pouvant être évaluées chaque année. Le point faible concernait les femmes ; il a été corrigé.

Les deux risques pouvant être identifiés sont le passage à l'acte violent et le prosélytisme. Si l'on estime qu'ils sont gérables en détention classique, avec des mesures adaptées, nous pratiquons une forme de dissémination. Si le risque est avéré mais qu'il existe une possibilité d'évolution, le détenu est placé en quartier de prise en charge de la radicalisation. Nous disposons à ce titre de 225 places, ce qui est suffisant pour prendre en charge les publics actuellement concernés. Le troisième axe est la prise en charge uniquement sécuritaire, lorsque nous estimons que le risque est trop élevé, comme mes prédécesseurs l'ont pensé de Franck Elong Abé en 2019. Il s'agit là du quartier d'isolement.

Les prisons françaises ont accueilli au moins 1 000 terroristes islamistes, avec un pic de 540 terroristes en 2020. Nous en avons actuellement 415, dont 90 femmes. Nous suivons également 550 détenus de droit commun pour radicalisation.

Je suis très attaché à une démarche anglo-saxonne d'évaluation. Le pire aurait été de ne rien faire depuis 2015. Avant même que le rapport de l'inspection ne le recommande, j'avais demandé qu'une évaluation soit pratiquée par des universitaires, des chercheurs. Cette évaluation est en cours. Les premiers résultats seront publiés fin 2023. Depuis, la Première ministre a demandé une nouvelle évaluation, qui sera conduite par l'Inspection générale de la justice.

Concernant Franck Elong Abé, le défi concerne également sa sortie de détention. Actuellement, 220 terroristes sont suivis en milieu ouvert, dans le cadre de dispositifs très précis. Nous comptons également 290 probationnaires se trouvant dans la sphère de la radicalisation.

Nous avons parfaitement conscience du fait que la prison peut être un lieu de radicalisation. Toutefois, ce n'est pas le seul. À ma demande, nous avons réalisé l'année dernière une évaluation des 400 personnes qui étaient passées en QER à l'époque. Il apparaît que 80 % de ces personnes n'avaient jamais été en détention avant de commettre un acte terroriste. Il ne s'agit pas du tout de banaliser la prison, qui peut être un lieu de sur-radicalisation, car il est possible de s'y constituer un portefeuille de gens très connus et dangereux ; mais il existe beaucoup d'autres lieux de radicalisation : clubs sportifs, lieux de culte, associations, Internet.

Depuis quelque temps, nous percevons un lien plus prégnant entre une certaine forme de radicalisation et un déséquilibre psychique, ce qu'attestent, dans le cas de Franck Elong Abé, les expertises psychiatriques pratiquées dans le cadre judiciaire.

La séance est suspendue de onze heures dix à onze heures quinze.

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Vous avez expliqué que les agents avaient été formés sur les postes où se trouvent des retours caméras, mais ils n'ont été formés qu'au fonctionnement du poste, et non à la vidéosurveillance. Le directeur de la prison nous a expliqué qu'il disposait d'un budget de 4 000 euros pour former les agents. Pensez-vous que ce budget soit suffisant ? L'assassinant d'Yvan Colonna date presque d'un an ; pour autant, aucune mesure n'a été prise pour régler la problématique de la formation du personnel à la vidéosurveillance. Les formations de 1h30 par agent seront-elles suffisantes ? Un renfort du système de vidéosurveillance et de son utilisation permettrait peut-être d'éviter que ce genre de drame ne se reproduise.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Vous avez raison sur l'utilité raisonnée du dispositif de vidéosurveillance. À la suite du rapport d'inspection, dont une recommandation portait sur la vidéosurveillance, la première étape a consisté à faire le point sur le dispositif actuel et à vérifier si ce qui était préconisé, avec une obligation de résultats, me paraissait faisable ou non.

La vidéosurveillance en milieu pénitentiaire pour surveiller tous les détenus et intervenir en temps réel sur tous les incidents n'est pas possible. Cela peut être démontré. En revanche, il existe des marges de progrès et des perspectives. En décembre dernier, j'ai publié une note à l'attention des directeurs interrégionaux – donc des chefs d'établissement et des directeurs de SPIP – et qui comporte un volant sur la formation. Quand on installe un matériel, on doit s'assurer qu'il est opérationnel, l'entretenir, et former les utilisateurs. Cela devrait être le cas sans que l'on ait à passer de consignes. J'ai indiqué que les budgets seraient débloqués. J'ai connu des périodes où le budget pouvait être un problème. Ce n'est plus le cas, et je remercie la représentation nationale qui vote les projets de loi de finances, ainsi que le gouvernement et le garde des sceaux. Il n'y a aucun problème budgétaire à cet égard. Nous sommes passés d'un budget de maintenance des établissements existants de 60 millions d'euros il y a cinq ans à 130 millions d'euros. Si nous devons passer de 4 000 à 6 000 ou 8 000 euros à Arles, nous le ferons.

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Pourquoi avoir transféré Franck Elong Abé à la prison d'Arles ?

Deux DPS ont été laissés seuls sans surveillance. Avez-vous eu connaissance de ce même type de dysfonctionnements dans d'autres prisons ?

Yvan Colonna était régulièrement accompagné d'un autre détenu corse, sauf ce jour-là. À votre connaissance, était-il menacé dans la prison d'Arles ?

Le taux de mortalité est beaucoup plus important en prison que dans le reste de la société. Connaissez-vous le nombre de meurtres entre codétenus dans les prisons françaises, et notamment ceux commis par des DPS ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Concernant la décision de transférer Franck Elong Abé de Condé-sur-Sarthe à Nantes puis à Arles, je vais vous donner mon expertise pénitentiaire, mais je n'étais pas directeur de l'administration pénitentiaire à l'époque. La décision ne me paraît pas incohérente. Il y avait une situation de blocage à Condé-sur-Sarthe, et une demande du directeur de l'établissement d'exclusion de ce détenu. Au-delà de la motivation officielle, qui peut prêter à discussion, j'estime que les conditions n'étaient pas réunies pour qu'il soit évalué. Franck Elong Abé avait épuisé les possibilités dans d'autres maisons d'arrêt. Il était donc logique de tenter un isolement dans un autre établissement plutôt connu pour le savoir-faire de son personnel dans la prise en charge de détenus dangereux mais fragiles psychologiquement. Cette motivation me parait se tenir. Jusqu'à ce jour dramatique, les personnels d'Arles avaient plutôt mieux réussi à le stabiliser que d'autres.

Les DPS ont les mêmes droits que les autres détenus. En revanche, nous devons avoir une vigilance particulière quand il s'agit d'autoriser l'inscription au travail ou dans une activité d'un DPS. Il faut notamment veiller à ce qu'il n'y ait pas d'autre DPS. À ce moment-là, la maison d'Arles comptait treize DPS ; d'autres établissements en comptent plusieurs dizaines. Le cas évoqué est sans doute rare, mais n'est pas exceptionnel. À ma connaissance, il n'existait pas de signe avant-coureur de rivalité ou d'antipathie entre ces deux détenus.

Je précise que sur 220 détenus DPS, 55 sont classés à un emploi. C'était le cas d'Yvan Colonna, qui bénéficiait d'une liberté de mouvement plus importante justifiée par le comportement que j'ai déjà évoqué. Il était auxiliaire sur les installations sportives depuis 2013 ou 2014, et donnait toute satisfaction.

Ces deux détenus étaient parfois ensemble. Fin décembre, ils avaient participé avec d'autres détenus à un mouvement pacifique contre les restrictions horaires de la salle de sport. Il leur arrivait aussi de pratiquer le sport ensemble. Ce jour-là, Franck Elong Abé n'était pas en salle de sport pour faire du sport, mais pour nettoyer, ce qui n'était pas très logique. Ce point a été corrigé ; des horaires sont maintenant dédiés au nettoyage.

Yvan Colonna entretenait des relations courtoises avec pratiquement tout le monde. Il n'avait pas d'ennemi déclaré, ce qui est assez rare en détention. Le détenu en question avait été convoqué à une audience judiciaire. Yvan Colonna ne nourrissait pas de craintes particulières, ce qu'il aurait exprimé auprès de proches, de détenus, des personnels. Il avait formulé une demande d'aménagement de peine qui était en cours d'instruction, et qui nécessitait qu'il fasse l'objet d'une évaluation. Il devait se rendre le 28 février dans un centre national d'évaluation, mais quelques jours avant le drame, il a renoncé à sa demande d'aménagement, et donc à son évaluation. C'est une conjecture, mais je pense qu'Yvan Colonna ne se sentait pas menacé.

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Une question reste sans réponse : comment ces deux détenus ont-ils pu rester seuls pendant quinze minutes ? Le rapport de l'Inspection générale de la justice révèle un défaut de surveillance.

La vidéosurveillance ne règle pas tous les problèmes, mais nous parlons d'une agression qui a duré neuf minutes. Comment se fait-il que personne n'ait regardé ces écrans pendant neuf minutes ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je n'ai pas répondu à la question posée plus tôt sur les meurtres entre codétenus. Je rappelle que les deux tiers des détenus que nous hébergeons sont là pour des faits de violence commis à l'extérieur. La détention elle-même peut générer des violences, et le surencombrement peut être un facteur aggravant. Ce sujet doit être pris très au sérieux. La sécurité est une question préalable à l'exercice de tous les autres droits.

Nous déplorons environ 10 000 actes de violence physique entre codétenus par an, et 21 000 actes de violence contre les personnels, dont 5 000 actes de violence physique, les autres étant des violences verbales ou des menaces. Le chiffre qui concerne les détenus est sous-estimé. Nous travaillons à obtenir davantage de transparence, tous les faits n'étant pas portés à la connaissance des personnels. La situation psychologique voire psychiatrique d'un nombre croissant de détenus aggrave les choses.

Ce facteur se traduit par des agressions qui paraissent à la personne agressée être totalement gratuites, inopinées, inexplicables. Les prisons françaises, fort heureusement, ne sont pas comparables à celles d'autres pays ou d'autres continents. Les violences les plus graves sont relativement contenues. Nous déplorons chaque année entre un et huit homicides au sein des 187 établissements pénitentiaires de France. La plupart des faits sont commis en cellule, parfois en cours de promenade, parfois dans d'autres secteurs, dans les coursives. Les établissements où les risques sont les plus prégnants sont ceux de la zone Antilles-Guyane.

Je pourrais difficilement aller au-delà des constats dressés par l'Inspection générale de la justice. Une enquête judiciaire est en cours. Il y a eu un dysfonctionnement, un échec.

Concernant la question des quinze minutes, qui revient en permanence, je vous ai indiqué qu'un personnel était affecté à la surveillance des salles d'activité. La note de service n'était peut-être pas assez précise, puisqu'elle n'imposait pas, alors que c'est désormais le cas, un passage minuté, avec une fréquence régulière. Elle demandait toutefois un passage autant que nécessaire. De façon très étrange – mais la réalité peut hélas dépasser la fiction –, un certain nombre de détenus se trouvaient dans les salles adjacentes, et personne n'a rien entendu. L'agression s'est faite de façon extrêmement discrète et étouffée.

S'agissant de la vidéosurveillance, la réponse est très claire. Il existait deux scénarios pour la personne se trouvant dans le poste protégé. L'un des scénarios se concentrait sur les étages de détention, avec le mouvement des détenus, et l'autre scénario se concentrait sur les salles d'activité. La salle d'activité dans laquelle se trouvait Yvan Colonna est dotée de deux caméras, mais le scénario en œuvre à ce moment-là portait sur les mouvements de détenus. À aucun moment le surveillant n'a vu ce qui se passait dans les salles d'activité. Cela a été corrigé depuis, avec cette limite humaine due à la fatigue physique, psychologique. À quelques exceptions près, nous ne disposons pas de murs d'images comme il y en a dans certaines polices municipales. La maison centrale d'Arles comporte entre 300 et 350 caméras, et ce bâtiment en particulier en compte 50. En 2020-2021, une opération de 1,4 million d'euros a été mise en œuvre pour compléter ce dispositif, notamment dans les unités de vie familiale et les parloirs.

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Nous avons encore, à ce stade, de grandes interrogations. Ce n'est pas une accusation, mais un constat. Franck Elong Abé a été incarcéré en mai 2014, pris sur théâtre de guerre par les autorités américaines, ce qui n'est pas neutre, puis remis aux autorités françaises. Il passe par cinq prisons, comptabilise vingt-neuf incidents graves avant d'arriver à Arles, dont une prise d'otage et une tentative d'évasion, requalifiée en violence dans un second temps, sujet sur lequel il faudra que nous ayons une explication.

Concernant la demande d'évaluation en QER, les explications que vous donnez n'agréent pas à l'inspection et ne nous agréent pas à nous non plus, d'une part car elles sont contre-intuitives par rapport à ce que dit le code pénal, d'autre part en raison de l'intervention indue – c'est ce que dit l'inspection – du PNAT et du JAPAT sur des prérogatives qui ne sont pas les leurs. Nous avons donc une continuité d'incidents et une nécessité urgente d'évaluation. Il y a là une marche en avant, guidée par des propos très proactifs liés au droit à la réinsertion. Ce n'est pas moi qui dirai qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un discours d'État de droit, mais dans les explications que j'entends depuis quelque temps, l'on est très proactif dans la nécessité de préparer sa sortie, d'évaluer son psychisme, de ne pas forcément mettre en exergue sa dangerosité, de relativiser des faits en affirmant qu'il s'était amélioré statistiquement.

Si je compare ce parcours avec la gestion de la trajectoire d'Yvan Colonna, je constate – de différents propos, pas seulement des vôtres – que son parcours carcéral est correct, voire très correct, qu'il ne provoque pas d'incident mais qu'il est quand même sanctionné par des incidents notés qui lui valent de se voir refuser la levée du statut de DPS – je fais référence à la possession d'un baladeur MP3.

Concernant Yvan Colonna, il existait une demande familiale, individuelle, sociétale, politique autour de la question du rapprochement familial. L'administration centrale le sait. Vous le savez aussi. Cette demande de rapprochement d'Yvan Colonna, notamment pour son jeune fils, a fait l'objet d'un combat judiciaire continu et régulier. En 2021, Yvan Colonna était sorti de sa période de sûreté, qui avait été fixée à dix-huit ans par la Cour de cassation. Sur le papier, il était donc éligible à des demandes d'aménagement de peine. Il n'a pas formulé cette demande, car il estimait qu'on ne lui admettrait pas cette capacité eu égard au contexte de gestion des détenus du commando Érignac.

L'un des premiers contentieux porte sur la contestation du statut de DPS devant les tribunaux. Je rappelle que c'est l'administration pénitentiaire qui signe, au nom du ministre, l'acceptation ou le refus de la levée de ce statut. Le tribunal administratif de Toulon a estimé qu'il y avait eu excès de pouvoir de la part de la garde des Sceaux de l'époque, et annulé la décision de maintien du statut de DPS d'Yvan Colonna. Cette décision est suivie par la cour administrative d'appel de Marseille. Deux juridictions estiment qu'il y a eu abus de pouvoir. Une énergie et une ingénierie juridique importantes ont été déployées par la chancellerie et les services pour contrecarrer cette évolution.

Au tribunal administratif de Toulon, les avocats ont contesté le fait qu'une commission locale DPS avait eu lieu : « Si la ministre de la justice fait valoir en défense que l'instance en question a rendu un avis favorable au maintien de l'inscription le 14 décembre 2011, elle ne produit pour en justifier qu'un document non signé, dépourvu de tout élément d'identification de son auteur, et de toute référence à une réunion de la commission locale rappelant le passé judiciaire de l'intéressé et les motifs d'une proposition de maintien auxquels a été annexé un avis favorable du chef d'établissement pénitentiaire daté du 12 octobre 2011, soit une date antérieure de deux mois à celle de la réunion supposée.

Si la ministre fait valoir que le document en cause constitue la synthèse des avis formulés par les membres de la commission, la teneur comme son caractère anonyme ne permettent pas d'attester d'une réunion préalable effective en vue d'émettre un avis dans les conditions prévues par l'instruction ministérielle. L'avis rendu par la commission nationale du 15 décembre 2011 ne fait d'ailleurs aucune référence à l'avis prétendument rendu la veille par la commission locale, pas plus que la décision litigieuse de la levée DPS du 3 avril par le ministère.

Dans ces conditions, il n'est pas établi que la commission locale se serait effectivement et régulièrement réunie le 14 décembre 2011. »

Cela n'a pas été remis en cause par le Conseil d'État. Ce que dit le tribunal administratif et que reprend la cour d'appel administrative de Marseille fonde le fait qu'il y a eu intention de nuire.

Je prends ce cas précis dans l'histoire des demandes de levée du statut de détenu particulièrement signalé d'Yvan Colonna pour vous demander aujourd'hui votre avis. La seule conséquence du maintien du statut de DPS est une surveillance accrue. En l'espèce, cette surveillance accrue n'a pas eu lieu. Dans cette genèse, nous sommes obligés de constater la différence objectivable de traitement, l'un des deux détenus ayant été accompagné au nom du droit à l'insertion d'un individu. Vous avez fait référence à un « alignement des planètes » concernant l'acte lui-même. L'alignement des planètes existe aussi dans la genèse de l'acte. L'énergie qu'a mis l'administration pénitentiaire à produire de faux documents, de l'aveu du tribunal, révèle une intention de nuire. Nous sommes face à un traitement particulier de la demande d'Yvan Colonna, qui avait l'intention politique de faire appel. J'aimerais avoir votre avis sur ce point, et vous demander si selon vous le traitement d'Yvan Colonna dans le temps a été le même que celui de Franck Elong Abé.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Concernant le statut de DPS, je pense qu'il faut revenir aux cinq critères qui étaient applicables jusqu'à l'instruction ministérielle que j'ai prise en 2022, et auxquels s'ajoute désormais un sixième critère. Ces critères portent sur le comportement pénitentiaire, mais pas seulement.

Je ne reviens pas sur les faits datant de 2011 et sur la procédure devant le juge administratif de Toulon, car je n'étais pas en fonction et je ne dispose pas de l'ensemble des éléments. Je n'ai pas eu de responsabilité directe dans la prise en charge de Franck Elong Abé ni dans celle d'Yvan Colonna. Dans la période la plus récente, les commissions se sont réunies tous les ans à Arles. À ma connaissance, les avis locaux étaient unanimement en faveur du maintien du statut de DPS, ce qui s'explique, s'agissant des examens antérieurs à 2022, par le fait que nous étions encore dans une période de sûreté liée à une réclusion criminelle à perpétuité, et par un certain nombre de critères qui n'étaient pas d'ordre pénitentiaire.

Au long du parcours d'Yvan Colonna, nous avons comptabilisé treize rapports d'incidents, ce qui est assez peu, ces incidents n'étant en outre pas majeurs. Son statut de DPS est lié à l'application d'autres critères. La maison centrale d'Arles est une maison centrale classique, la moins éloignée de Corse, et où, dans le respect du statut de DPS, Yvan Colonna a pu organiser sa vie et bénéficier de décisions de classement sur un poste permettant une certaine liberté de mouvement. Il n'y a pas eu de volonté de la part de l'administration pénitentiaire d'appliquer à Yvan Colonna un régime particulièrement répressif concernant l'aspect pénitentiaire.

Concernant Franck Elong Abé, je ne vous rejoins pas sur le caractère naïf, voire très axée sur la réinsertion, de la prise en charge. J'ai dressé de lui tout à l'heure un portrait qui n'était pas éminemment sympathique, en insistant sur les troubles psychiatriques, en soulignant qu'un passage en Afghanistan était toujours inquiétant. Le début de son incarcération a été marquée par une prise en compte des risques largement dérogatoire par rapport au détenu moyen, y compris par rapport aux DPS et aux terroristes islamistes. Franck Elong Abé n'a connu quasiment que de l'isolement.

Il faut souligner que sa violence était plutôt orientée contre lui. Les rapports judiciaires font état d'une morbidité certaine. Plusieurs feux de cellule et tentatives de suicide ont été dénombrés. Avant l'agression terrible d'Yvan Colonna, nous avons enregistré deux actes de violence : l'un contre un membre du corps médical, à l'hôpital psychiatrique de Lille en 2015, l'autre contre un détenu, à qui Franck Elong Abé a donné un coup de tête lors d'une formation professionnelle – geste qui lui vaudra d'être à jamais déclassé dans une formation professionnelle. Nous n'observons pas une répétition d'actes de violence, mais c'est un détenu que nous prenons très au sérieux, et qui est placé à l'isolement. Franck Elong Abé a ensuite passé presque un an dans un quartier spécifique d'intégration.

La sortie des terroristes islamistes nous inquiète beaucoup, et nous essayons de la préparer au mieux, avec des conditions d'insertion minimales, ne serait-ce que pour pouvoir les suivre, mais aussi avec des conditions de suivi supplémentaires – d'où l'intérêt d'évaluer le détenu avant sa sortie, non pour lui faire plaisir, mais pour essayer d'éviter la récidive, l'insertion étant l'un des éléments qui permettent de l'éviter.

J'en viens aux six critères émanant de l'instruction ministérielle que j'ai prise le 11 juillet 2022. « Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites ou maintenues au répertoire des DPS sont celles dont au moins l'un des critères suivants est rempli :

1) Appartenance à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale, ou aux mouvances terroristes – appartenance établie par des situations pénales, par un signalement des autorités judiciaires et administratives ou des forces de sécurité intérieures.

2) Signalé ou ayant été signalé pour une évasion réussie ou un projet.

3) Susceptible de mobiliser par tout moyen un soutien logistique ou financier extérieur en vue de s'évader et/ou de causer un trouble grave au bon ordre de l'établissement.

4) Dont la soustraction à la justice, en raison de leur personnalité et/ou des faits pour lesquelles ces personnes sont écrouées, pourrait avoir un impact important sur l'ordre public.

5) Susceptible de grande violence ou ayant commis des atteintes graves à la vie d'autrui (viols, actes de torture, barbarie, prise d'otages) en établissement pénitentiaire.

6) Signalé ou ayant été signalé pour avoir été à l'initiative d'un mouvement collectif, d'une mutinerie ou d'actes de dégradation de grande ampleur en établissement, ou d'avoir participé à plusieurs reprises à de tels incidents. »

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En quoi le détenu Yvan Colonna entrait-il dans ces critères ? En 2013, il a été transféré en urgence de la maison centrale d'Arles à la région parisienne. Quels sont les éléments qui auraient permis de penser qu'il préparait un projet d'évasion ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Aucun. Ce n'est pas sur la base de critères strictement pénitentiaires qu'Yvan Colonna était inscrit au répertoire des DPS. Sur les six critères que j'ai énoncés, il y en a trois qui sont d'ordre pénitentiaire : celui que nous avons ajouté, qui est lié aux mouvements collectifs ; celui qui est lié à une grande violence – Yvan Colonna n'était pas concerné ; et celui qui est lié aux tentatives d'évasion – Yvan Colonna, qui n'en avait pas perpétré, n'était pas concerné.

Il reste trois critères, qui sont indépendants de l'administration pénitentiaire : l'appartenance à une criminalité organisée ou à un mouvement terroriste ; la mobilisation possible de moyens humains ou logistiques pour s'évader ; l'idée que la soustraction du détenu à la justice, en raison de sa personnalité ou des faits commis, serait insupportable et causerait des troubles très graves à l'ordre public. Ces critères sont plus larges, et ne relèvent pas de l'appréciation pénitentiaire.

Je rappelle qu'en commission DPS se trouvent le représentant du préfet, celui de la gendarmerie, celui de la police nationale, les autorités judiciaires, et, pour les personnes condamnées pour des actes terroristes, le juge d'application des peines antiterroristes et du parquet national antiterroriste, ainsi que le chef d'établissement et le SPIP. Les voix de l'administration pénitentiaire ne sont pas majoritaires. L'application des critères DPS ne dépend pas uniquement du comportement pénitentiaire. Il suffit qu'un seul de ces critères soit avéré pour motiver une inscription ou un maintien au répertoire DPS. Nous vivons dans un État de droit. Ces décisions sont portées à la connaissance du détenu, et peuvent être contestées devant la justice administrative.

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Vous avez évoqué des critères, dont certains sont interprétatifs, sujets à des décisions qui vont au-delà de l'administration pénitentiaire, puisque vous faites référence à la composition des commissions locales DPS. Vous avez mentionné la présence du corps préfectoral, mais également de celle du juge d'application des peines antiterroristes et du parquet national antiterroriste. Certains critères sont larges, vous l'avez dit vous-même, c'est-à-dire sujets à interprétation. Nous vivons un après-drame dans lequel la différence de personnalité, de trajectoire, de parcours carcéral est évidente.

Yvan Colonna a formulé une demande à plusieurs reprises. Il me semble que l'ensemble des décisions prises par les commissions locales DPS font référence aux mêmes conclusions systématiques, quelle que soit la qualité du temps carcéral. C'est en raison de l'acte qu'il a commis, pour lequel il a eu trois procès, que l'on déduit son appartenance à une mouvance terroriste – encore faut-il prouver, au moment où il formule ces demandes, cette appartenance, ce dont on ne prend pas la peine, les textes étant suffisamment larges pour que ce ne soit pas nécessaire ; et que l'on déduit, s'il est transféré en Corse, qu'il peut certainement s'évader – c'est comme si l'on argumentait ou fondait la légitimité d'une légitime défense préventive. D'un côté, il nous est dit que d'après les renseignements pénitentiaires, le risque d'évasion d'Yvan Colonna est faible ; de l'autre, l'on fonde une décision immuable, en raison de son procès. L'on y adjoint des éléments de sanctions disciplinaires mineures pour conforter cette décision, comme celui qui concerne le baladeur MP3.

J'ai compris la grande largesse des textes, pour jauger ce qui, dans le cas d'Yvan Colonna, est clairement une faillite. Quelques-uns s'en accommoderont, parce que c'est le cadet de leurs soucis, mais lorsque l'on est démocrate, humaniste, attaché au droit, on ne peut pas s'accommoder d'une telle inégalité de traitement en matière d'accès à la famille : il nous est dit que le statut de DPS permet d'accéder à des unités de vie familiale (UVF) et un accueil de relations familiales, en omettant le fait que l'on se trouve à 550 kilomètres de la Corse, et que pour une seule personne, un déplacement coûte plusieurs centaines d'euros. Cela n'est pas le cas de tout détenu de France. Yvan Colonna ne voyait plus sa mère depuis quinze ans, le plus jeune de ses fils depuis trois ans, ni ses autres proches. De notre point de vue, cette situation met les textes en faillite.

Dans les méandres de la largesse des textes et des interprétations, se posent les canevas de la vie humaine et politique. Nous ne pouvons pas parler d'Yvan Colonna et d'autres détenus sans faire référence au traumatisme de l'assassinat du préfet Claude Érignac. Celui-ci a été vécu par beaucoup comme un traumatisme, et légitimement. Avez-vous eu écho directement ou indirectement de discussions, de pressions plus ou moins fortes, particulièrement ciblées sur le devenir des demandes de rapprochement d'Yvan Colonna de la part des pouvoirs publics, de certains corps, voire de parties civiles ? J'ai beaucoup de respect pour la famille Érignac, et cet acte n'aurait jamais dû avoir lieu, mais personne n'a le droit à la vengeance, ni à faire supporter à un individu plus que la peine déterminée à l'issue de son procès.

Aujourd'hui, nous rappelons naturellement qu'Yvan Colonna était sorti de sa peine de sûreté et qu'il avait droit, au-delà du rapprochement, à l'aménagement de sa peine. Or, jamais, dans le débat public, y compris informel, cette éventualité n'a été envisagée par les décideurs, et cela en raison de l'assassinat d'un préfet. Pourtant, c'était le droit. Il est de notre devoir de vous poser la question que je viens de vous poser. C'est un acte de justice et de pédagogie, de recherche de compréhension mutuelle, voire de réconciliation que nous sommes en train de réaliser à travers ces travaux.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je n'ai reçu, à mon poste, aucune consigne concernant la question du statut de DPS s'appliquant à Yvan Colonna. Je n'ai pas eu vent de consignes antérieures à ma prise de fonctions.

Les critères sont juridiques. Ils peuvent être relativement larges, car ils doivent s'appliquer à 73 000 détenus qui ont des histoires différentes, peuvent présenter des risques variés et qui ont eux-mêmes des profils très hétérogènes. Il faut ensuite les motiver, puis ils sont soumis à l'examen du juge administratif.

S'agissant du première critère, l'appartenance à la criminalité organisée ou à des mouvements terroristes, celle-ci est établie par les situations pénales. Quand vous êtes condamné pour une association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste, vous tombez sous le coup de ce critère. Vous faisiez référence au traumatisme lié à l'assassinat du préfet Érignac. L'application de ces critères ne doit pas être intangible, nous sommes d'accord.

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Sommes-nous d'accord pour dire que la dimension de l'acte, liée à la fonction de M. Érignac, joue dans l'interprétation de la décision ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Oui. Deux éléments jouent : d'une part, la nature de la condamnation, de laquelle on peut déduire ou non l'appartenance à un mouvement terroriste ou criminel ; d'autre part, l'impact des faits sur l'opinion publique, le traumatisme. L'affaire dont nous parlons a été extrêmement médiatisée, et très fortement ressentie. C'est un élément qui peut jouer dans cette application.

À ma connaissance, Yvan Colonna n'a jamais cherché à s'évader. Il n'a jamais fait preuve de violence, ni commis d'actes de mutinerie. Il ne remplissait pas ces critères, mais il en existe d'autres. Il n'était pas dans une situation atypique par rapport à d'autres détenus, condamnés à un même type de peine pour d'autres faits. Pour les aménagements de peine, il faut parfois qu'il se passe quelque temps, dans la pratique administrative et judiciaire, après la fin d'une période de sûreté.

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Si j'écarte le fait que l'on puisse être affecté au nettoyage d'un site occupé, le fait qu'on permette à un DPS d'avoir une activité de travail au sein d'un établissement, le fait que Franck Elong Abé a commis vingt-neuf incidents, je voudrais savoir à combien de DPS ayant commis autant d'incidents l'on permet d'être en lien avec d'autres détenus, et combien d'entre eux peuvent se retrouver seuls avec un autre DPS comme ce fut le cas le jour du drame.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je ne peux pas vous répondre de façon précise, mais nous vous ferons parvenir les statistiques. Je ne pense pas avoir brossé un portrait flatteur de Franck Elong Abé. Une maison centrale accueille des profils très lourds. À Arles, 55 % des détenus ont tué quelqu'un. Diriger un établissement pénitentiaire est un équilibre très précaire. À un moment, les détenus vont sortir ; nous devons préparer cette sortie, non pour leur faire un cadeau, mais pour éviter une récidive.

Autant le parcours d'Yvan Colonna est celui d'un détenu satisfaisant, autant celui de Franck Elong Abé est chaotique, perturbé. Mais par rapport à d'autres détenus, Franck Elong Abé a commis assez peu d'actes hétéro-agressifs. Il y a eu une tentative de prise d'otages requalifiée en violences volontaires, dans un contexte psychiatrique très lourd. Je ne dis pas qu'il faut banaliser ce qui s'est passé en 2021, mais un coup de tête asséné à un autre détenu est une chose qui arrive hélas assez fréquemment en détention. Les autres incidents sont plutôt des refus d'obtempérer, ou des tentatives de mise à feu de cellule. Ce détenu n'est pas un violent compulsif.

Parmi les détenus classés DPS, nous en avons un certain nombre qui ont connu des faits de violence. Il me semble que Franck Elong Abé a été vu vingt fois en commission pluridisciplinaire unique. Il a été examiné à dix reprises pour des affaires de classement, et certains classements jugés trop audacieux, notamment à l'atelier, ont été refusés. J'ai connu des moments d'extrême violence. Dans nos métiers, nous vivons avec ce poids. Nous ne prenons pas ces décisions à la légère, mais il faut les prendre ; personne ne le fera à votre place.

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Nous parlons de trois actes de violence dès 2020 : violences physiques sur un détenu le 17 juillet 2020 ; refus de se soumettre à une mesure de sûreté, en prenant un bâton en guise d'arme le 10 décembre 2020 ; violences sur le personnel le 25 août 2021. Il est sanctionné le 16 septembre 2021, et pourtant admis en auxiliaire sport le 28 septembre. La concordance des dates fait mal.

D'autre part, sur les 500 TIS dénombrés depuis que les QER existent, 487 sont passés en évaluation QER. Seuls treize TIS, dont Franck Elong Abé, ne sont pas passés en évaluation. Je serais curieux de savoir combien de TIS admis parmi ces 487 avaient des troubles psychiques, et combien parmi les treize ont le même « palmarès » en termes d'incidents que Franck Elong Abé depuis son incarcération en France. Nous sommes sur la loi des petits nombres concernant l'analyse et la capacité de détection. Cela interroge.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Aujourd'hui, treize TIS sur 412 sont dans une situation où l'évaluation est objectivement impossible : cinq pour des raisons diverses et huit pour des raisons liées à la sécurité et au caractère psychiatrique. Je vous confirme que l'on ne peut pas évaluer un détenu qui met le feu à sa cellule tous les jours. Le QER est un milieu contraint, en dehors de la détention, où la vie est totalement en osmose. Les autres détenus n'auraient pas supporté quelqu'un comme Franck Elong Abé et ils lui auraient « fait la peau ».

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Vous avez indiqué que l'acte commis par Yvan Colonna et son retentissement dans l'opinion publique avaient pu avoir une influence sur le maintien du statut de détenu particulièrement surveillé. Le refus de la levée de ce statut est-il une décision administrative, basée sur des faits et sur des critères objectifs, ou est-ce une décision politique ? Cet élément sème le doute.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je pense avoir répondu à la question. Je parle depuis ma position administrative de haut fonctionnaire : je n'ai reçu aucune consigne concernant Yvan Colonna et son statut de DPS. J'ai dit qu'il ne rentrait pas dans les critères pénitentiaires, son comportement étant satisfaisant, mais il existe d'autres critères. Sa situation après dix-neuf ans de détention sur une réclusion criminelle à perpétuité et la fin très récente de sa période de sûreté ne le plaçait pas dans une situation exceptionnelle par rapport à d'autres détenus, dont l'affaire n'avait pas créé un tel émoi.

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Je rappelle que la demande initiale d'Yvan Colonna portait sur le rapprochement familial. Êtes-vous en mesure de nous confirmer qu'il y avait dans les années 2020 et 2021, à cause du constat d'iniquité liée à l'absence de rapprochement familial, un projet d'aménagement du centre de détention de Borgo pour accueillir des détenus DPS, ce qui impliquait un investissement financier et des aménagements ? Ce projet aurait permis de ne pas faire obstacle au rapprochement familial effectif d'un détenu DPS. Ce débat a-t-il eu lieu politiquement, techniquement, financièrement ? Si oui – et pour nous, ce débat a eu lieu, puisqu'il a été présenté comme tel – pourquoi ce projet n'a-t-il pas été mis en œuvre ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Je n'ai pas été, depuis que je suis directeur de l'administration pénitentiaire, chargé de réaliser une étude visant à renforcer la sécurité de Borgo, de sorte que cet établissement soit en capacité d'accueillir de façon habituelle et durable des DPS.

J'ai travaillé à transformer une partie de cet établissement en quartier centre de détention pour permettre l'accueil de détenus corses afin qu'ils purgent leurs peines à Borgo, qui était jusqu'en 2003 une maison d'arrêt chargée d'héberger des prévenus et des très courtes peines. Pour l'administration pénitentiaire, la question telle qu'elle est posée ne fait pas débat, puisque dans notre doctrine, pour des raisons qui tiennent aux critères énoncés et au faible nombre de détenus concernés, nous n'affectons les DPS qu'en maisons centrales. S'agissant de Borgo, il aurait fallu aller beaucoup plus loin, et pas seulement renforcer la sécurité, en créant un quartier « maison centrale ». Je n'ai jamais été chargé de cette mission.

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Je vous remercie. Des informations seront bientôt communiquées au sujet des prochaines auditions.

La séance s'achève à 12 heures 40.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Jean-Félix Acquaviva, M. Romain Baubry, M. Mickaël Cosson, M. Meyer Habib, M. Mohamed Laqhila, M. Laurent Marcangeli, M. Thomas Portes, Mme Cécile Rilhac.