Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du jeudi 12 janvier 2023 à 9h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Il n'est fait nul doute, à vous écouter, que vous êtes un haut fonctionnaire attaché à la qualité du service public et de l'administration que vous dirigez. Vous y mettez beaucoup de rigueur, de motivation, d'empathie.

Vous avez parlé des recommandations issues de l'inspection que vous commencez à appliquer. Nous sommes aussi là pour regarder ce qu'il s'est passé et pour faire une œuvre de justice. Vous ne serez pas étonné d'entendre que selon nous, justice n'a pas été faite, que la clarté n'a pas été suffisamment faite sur les dysfonctionnements.

Le rapport de l'Inspection générale de la justice est édifiant, stupéfiant pour des acteurs politiques qui considèrent les administrations dans leur ensemble comme étant très rigoureuses, lorsque l'on voit les réponses apportées à des dysfonctionnements qui nous paraissent être des dysfonctionnements de base.

Cinq commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) ont demandé l'évaluation en QER de Franck Elong Abé : une à Condé-sur-Sarthe, quatre à Arles. Dans l'un des cas, le directeur de l'établissement de Condé-sur-Sarthe suit, accompagne et promeut la CPU « dangerosité » qui, dès 2019, c'est-à-dire à un moment qui n'est pas très éloigné du problème que vous évoquez, lié à la radicalisation, préconise l'évaluation en QER.

L'inspection indique clairement que les avis réservé et très réservé du juge d'application des peines antiterroristes (JAPAT) et du parquet national antiterroriste (PNAT) ne vous liaient pas. Si la circulaire du 1er juillet 2019 prévoit que le PNAT « dispose d'une compétence exclusive pour représenter le ministère public près ces juridictions, tant lors des commissions de l'application des peines que lors des débats contradictoires qu'elles organisent, ou lorsque ces dernières sollicitent son avis, elle ne lui donne pas de compétence en matière post-sentencielle pour émettre un avis sur une proposition d'affectation en QER initiée par un chef d'établissement pénitentiaire ».

Il s'agit d'un dysfonctionnement très grave, d'un parti pris qui ne s'explique pas, car il est l'antithèse de l'article du code de procédure pénale qui justifie l'orientation d'un détenu en QER. Il existe là une zone d'ombre béante. Pourquoi le JAPAT et le PNAT ont-ils insisté pour donner des avis réservé et très réservé en 2019 ? Pourquoi la direction de l'administration pénitentiaire a-t-elle suivi ces avis, alors qu'elle n'était pas liée ?

Dans le deuxième cas, la directrice d'établissement va à l'encontre des quatre procédures de CPU. Dans son rapport, l'inspection évoque « l'effacement d'une ligne hiérarchique ». Vous étiez au courant, notamment par l'intermédiaire de la coordinatrice de la mission locale de lutte contre la radicalisation violente de Marseille, mais aussi par un officier. Nous parlons donc d'un traitement qui n'a pas été effectué.

Je cite la coordinatrice, qui écrit à sa hiérarchie : « Pour Franck Elong Abé, se pose la question d'une nouvelle évaluation. Visiblement, la centrale d'Arles n'a pas la synthèse d'évaluation pour cette personne. Peut-on avoir la confirmation qu'elle a bien été évaluée, et si oui, récupérer la synthèse ? ». Des interrogations vous ont été remontées. L'administration centrale savait, mais n'a pas jugé utile de continuer. Ma première question est la suivante : pourquoi ?

Avez-vous eu des relations fréquentes, lors de son passage à Arles, avec le JAPAT et le PNAT, concernant le cas de Franck Elong Abé ?

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