Concernant le statut de DPS, je pense qu'il faut revenir aux cinq critères qui étaient applicables jusqu'à l'instruction ministérielle que j'ai prise en 2022, et auxquels s'ajoute désormais un sixième critère. Ces critères portent sur le comportement pénitentiaire, mais pas seulement.
Je ne reviens pas sur les faits datant de 2011 et sur la procédure devant le juge administratif de Toulon, car je n'étais pas en fonction et je ne dispose pas de l'ensemble des éléments. Je n'ai pas eu de responsabilité directe dans la prise en charge de Franck Elong Abé ni dans celle d'Yvan Colonna. Dans la période la plus récente, les commissions se sont réunies tous les ans à Arles. À ma connaissance, les avis locaux étaient unanimement en faveur du maintien du statut de DPS, ce qui s'explique, s'agissant des examens antérieurs à 2022, par le fait que nous étions encore dans une période de sûreté liée à une réclusion criminelle à perpétuité, et par un certain nombre de critères qui n'étaient pas d'ordre pénitentiaire.
Au long du parcours d'Yvan Colonna, nous avons comptabilisé treize rapports d'incidents, ce qui est assez peu, ces incidents n'étant en outre pas majeurs. Son statut de DPS est lié à l'application d'autres critères. La maison centrale d'Arles est une maison centrale classique, la moins éloignée de Corse, et où, dans le respect du statut de DPS, Yvan Colonna a pu organiser sa vie et bénéficier de décisions de classement sur un poste permettant une certaine liberté de mouvement. Il n'y a pas eu de volonté de la part de l'administration pénitentiaire d'appliquer à Yvan Colonna un régime particulièrement répressif concernant l'aspect pénitentiaire.
Concernant Franck Elong Abé, je ne vous rejoins pas sur le caractère naïf, voire très axée sur la réinsertion, de la prise en charge. J'ai dressé de lui tout à l'heure un portrait qui n'était pas éminemment sympathique, en insistant sur les troubles psychiatriques, en soulignant qu'un passage en Afghanistan était toujours inquiétant. Le début de son incarcération a été marquée par une prise en compte des risques largement dérogatoire par rapport au détenu moyen, y compris par rapport aux DPS et aux terroristes islamistes. Franck Elong Abé n'a connu quasiment que de l'isolement.
Il faut souligner que sa violence était plutôt orientée contre lui. Les rapports judiciaires font état d'une morbidité certaine. Plusieurs feux de cellule et tentatives de suicide ont été dénombrés. Avant l'agression terrible d'Yvan Colonna, nous avons enregistré deux actes de violence : l'un contre un membre du corps médical, à l'hôpital psychiatrique de Lille en 2015, l'autre contre un détenu, à qui Franck Elong Abé a donné un coup de tête lors d'une formation professionnelle – geste qui lui vaudra d'être à jamais déclassé dans une formation professionnelle. Nous n'observons pas une répétition d'actes de violence, mais c'est un détenu que nous prenons très au sérieux, et qui est placé à l'isolement. Franck Elong Abé a ensuite passé presque un an dans un quartier spécifique d'intégration.
La sortie des terroristes islamistes nous inquiète beaucoup, et nous essayons de la préparer au mieux, avec des conditions d'insertion minimales, ne serait-ce que pour pouvoir les suivre, mais aussi avec des conditions de suivi supplémentaires – d'où l'intérêt d'évaluer le détenu avant sa sortie, non pour lui faire plaisir, mais pour essayer d'éviter la récidive, l'insertion étant l'un des éléments qui permettent de l'éviter.
J'en viens aux six critères émanant de l'instruction ministérielle que j'ai prise le 11 juillet 2022. « Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites ou maintenues au répertoire des DPS sont celles dont au moins l'un des critères suivants est rempli :
1) Appartenance à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale, ou aux mouvances terroristes – appartenance établie par des situations pénales, par un signalement des autorités judiciaires et administratives ou des forces de sécurité intérieures.
2) Signalé ou ayant été signalé pour une évasion réussie ou un projet.
3) Susceptible de mobiliser par tout moyen un soutien logistique ou financier extérieur en vue de s'évader et/ou de causer un trouble grave au bon ordre de l'établissement.
4) Dont la soustraction à la justice, en raison de leur personnalité et/ou des faits pour lesquelles ces personnes sont écrouées, pourrait avoir un impact important sur l'ordre public.
5) Susceptible de grande violence ou ayant commis des atteintes graves à la vie d'autrui (viols, actes de torture, barbarie, prise d'otages) en établissement pénitentiaire.
6) Signalé ou ayant été signalé pour avoir été à l'initiative d'un mouvement collectif, d'une mutinerie ou d'actes de dégradation de grande ampleur en établissement, ou d'avoir participé à plusieurs reprises à de tels incidents. »