La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures trente.
L'ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par M. André Chassaigne, Mme Mathilde Panot, M. Boris Vallaud, Mme Cyrielle Chatelain et 143 membres de l'Assemblée, la Première ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement sur l'adoption, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2023.
La parole est à M. Nicolas Sansu.
49.3, re-49.3, et dix de der ! Quelle tristesse, quelle désolation, de voir ainsi l'Assemblée nationale piétinée, humiliée – car ici, mesdames et messieurs les ministres, on ne joue pas à la belote !
Et si, pour cette séquence budgétaire, nous sommes au bout d'un exercice qui aura abîmé la démocratie, je veux rappeler qu'il est indécent de vouloir inverser la charge de la preuve. Si le recours à l'article 49, alinéa 3, de notre Constitution, n'est pas nécessairement suivi du dépôt d'une motion de censure,…
…il n'existe pas de motion de censure sans recours au 49.3 : c'est donc bien votre refus de débattre qui conduit au dépôt de la motion que j'ai l'honneur de défendre au nom de tous les députés de gauche et écologistes, regroupés dans les quatre groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Votre lecture de l'article 49, alinéa 3, de notre texte fondamental, est tout de même singulière : dans toute notre histoire, l'usage a toujours voulu que les discussions aillent à leur terme – ou presque –, et que la plupart des amendements adoptés en séance – les plus emblématiques, du moins – figurent dans le texte final, sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité. Vous avez balayé ces usages, engoncés dans votre arrogance et votre refus d'admettre, une fois pour toutes, que lors du deuxième tour du scrutin présidentiel, des millions d'électeurs n'ont pas choisi le président Macron pour son programme. Je fais partie de ces millions de Français qui ont combattu, combattent et combattront toujours une extrême droite qui porte en elle la division, la haine de l'autre et le repli nationaliste. Nous la combattons d'autant plus que les agressions racistes, les actes ultraviolents et les appels à la haine ressurgissent dans notre pays. Des groupes identitaires n'hésitent plus à s'afficher, des groupuscules dissous ou en sommeil se reforment : pour faire cesser les agissements de cette extrême droite qui attaque les fondements mêmes de la République, il ne faudra pas trembler.
Face à cette situation, les députés communistes et ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – et, plus largement, tous les députés de gauche et écologistes – ne failliront pas. Ils n'ont jamais failli. Pourtant, il est nécessaire de s'interroger sur le terreau qui fait prospérer l'extrême droite, car il faut briser la montée en France, comme dans l'Europe entière, des idées nauséabondes qu'elle défend. Bien sûr, c'est l'affaire de tous les Républicains, de toutes celles et tous ceux qui veulent continuer le combat des Lumières, celui du renversement de l'Ancien Régime, de 1848, de la Commune de Paris, du Front Populaire, du Conseil national de la Résistance, tous ces mouvements de l'histoire qui ont embrassé notre devise républicaine.
Pour chacune et chacun, à la place qui est la sienne, la responsabilité est immense, et elle est collective ; la vôtre, madame la Première ministre – et j'en profite pour vous saluer –, l'est plus encore, vous qui dirigez notre pays dans ces moments où il risque de basculer vers des heures sombres. Faire vivre la République et le Parlement, c'est l'inverse de la brutalité dont vous avez fait preuve lors de ce débat budgétaire. L'humilité et la composition de notre assemblée, décidée par nos concitoyens, auraient dû vous éviter de dériver de l'exercice de communication illustré par les dialogues de Bercy vers la rafale de 49.3 : madame la Première ministre, pourquoi avez-vous si peur du débat ?
Mme la Première ministre sourit.
En première partie du projet de loi de finances (PLF), nous n'avons étudié que cinq articles : en effet, le couperet est opportunément tombé avant le débat sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)…
…qui privera pourtant le budget de l'État de plus de 8 milliards d'euros en deux ans, amoindrissant considérablement le lien entre activité économique et bassin de vie. Expliquer que c'est indispensable pour assurer la relocalisation industrielle est une farce : la valeur ajoutée représente plus de 2 000 milliards d'euros, la CVAE, à peine 0,4 % de cette somme. La constance de votre credo idéologique pourrait susciter un brin d'admiration, si elle ne conduisait pas à placer le pays en grande fragilité. Le partage de la valeur ajoutée, qui est, au fond, l'indicateur le plus fiable pour évaluer les résultats d'une politique économique, est de plus en plus défavorable au travail.
L'écart de rémunération entre salariés et dirigeants au sein des entreprises du CAC40 se creuse. Le ratio d'équité, qui permet de comparer les rémunérations, montre une dérive patente : en 2014, le dirigeant le mieux payé touchait en moyenne 75 fois la rémunération moyenne des salariés ; en 2018, ce ratio est passé à 86, et en 2021, à 109 ! La crise n'est pas la même pour tout le monde.
Nous ne confondons évidemment pas ces dirigeants et leurs entreprises avec le monde des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME), qui sont aujourd'hui sur le fil du rasoir, étranglées par des charges d'énergie complètement délirantes. Si l'augmentation des prix de l'énergie pour tous les foyers, toutes les entreprises, toutes les collectivités, cristallise les rancœurs, c'est surtout la marque de l'impéritie du Gouvernement et de cette Europe libérale qui détruit des vies et épuise la planète. Corollaire de vos choix en matière d'énergie : le bouclier tarifaire d'aujourd'hui, ce sont les profits de TotalEnergies de demain.
Vous administrez l'extrême-ponction à tous les ménages, toutes les entreprises, toutes les collectivités locales.
De débat sur les collectivités locales, justement, vous ne vouliez point, conscients que la trajectoire que vous proposez est injuste, inefficace et inéquitable. L'amortisseur électricité est un outil complètement contre-intuitif, puisqu'il peut pousser à consommer plus d'énergie afin d'entrer dans le champ du remboursement.
Vous feriez bien de ne pas non plus ignorer leurs difficultés liées aux autres augmentations, celle du prix des biens et des services, mais aussi de la rémunération de leurs personnels, car vous mettez en péril leur capacité d'autofinancement. Au-delà, ce sont autant de milliards d'euros d'investissements publics qui manqueront au pays pour répondre aux défis climatique, économique et social.
Le défi social, justement : c'est d'abord à celui-ci que nous aurions dû répondre dans les territoires d'outre-mer. Quelle occasion manquée, et quelle faute politique, alors que de tous les bancs de notre hémicycle était montée l'exigence d'un plan ambitieux de rattrapage et de dispositifs tendant à faire respecter un peu plus l'égalité, cette valeur cardinale de notre République ! Vous avez ignoré l'ampleur de ces exigences et des besoins en matière de santé, de sécurité, d'éducation – d'une présence accrue de l'État, tout simplement.
Au contraire, avec le texte que vous avez fait adopter sans vote, de nouveaux mauvais coups sont à l'ordre du jour : ah, le fameux compte personnel de formation, qui pourrait désormais être activé avec une participation du salarié ! Pas mal, le 49.3, pour faire passer les coups tordus ! Comment accepter qu'il n'y ait eu aucun débat en matière de logement, alors que plus de 20 % de nos concitoyens ne peuvent se chauffer correctement ? Pas davantage de débat en matière d'éducation, de culture, tout « ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de l'univers », comme disait Malraux. Nous savons bien que tout un chacun doit apporter sa pierre : les députés communistes et des outre-mer, qui forment le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le font avec leurs convictions et leur soif de débat, persuadés que le débat public et la contradiction dessinent les chemins de l'avenir.
Nous continuerons de débattre, de défendre les choix d'un modèle alternatif, celui qui instaure une fiscalité plus juste, plus progressive, plus directe, celui qui fait des services publics la pierre angulaire de la reconquête républicaine, celui qui s'attaque à la rente et à l'accumulation de fortunes indécentes.
Certes, dans la configuration de l'Assemblée issue des élections législatives, qui n'ont pas accordé de majorité au Président de la République, il n'est pas incongru que le Gouvernement ait recours au 49.3 pour faire adopter les lois de finances :…
…ce qui l'est, c'est de ne pas respecter le travail effectué. Comment avez-vous pu faire passer par pertes et profits la taxation sur les superdividendes, pourtant adoptée à une écrasante majorité ? Comment avez-vous pu rayer d'un trait de plume la transformation en crédit d'impôts de la déduction fiscale actuellement en vigueur, qui représentait une telle avancée pour tous les résidents en Ehpad ?
Voilà une parfaite illustration de la dichotomie entre votre discours et vos actes, entre votre prétendue volonté de coconstruction et l'arrogance de vos dogmes qui transpire dans les textes définitifs. Vous contribuez, madame la Première ministre, à diviser et tendre encore un peu plus le pays : nos compatriotes souffrent de l'inflation. Nos compatriotes souffrent de votre inaction pour faire reculer les déserts médicaux et assurer un accès aux soins partout. Nos compatriotes, dans une très grande majorité – les actifs en tête –, ne veulent pas de la contre-réforme des retraites que vous vous apprêtez à déposer brutalement et cyniquement. Écoutez-les !
Alors que sur le continent européen la guerre fait rage, que les règles européennes libérales qui nous assaillent sont le carburant des inégalités, que les décisions d'une petite caste font si mal à la planète, vous poursuivez, bardés de certitudes. Vous traverse-t-il l'esprit que, parfois, vous pourriez avoir tort ? Il faut redonner à notre pays et à notre peuple, en lien avec les peuples du monde, la seule chose qui vaille, celle qui faisait dire à Paul Éluard : « Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur, et rien d'autre. »
Madame la Première ministre, c'est parce que nous voulons que vous cessiez de brutaliser non pas seulement le Parlement, mais également nos concitoyens, que nous voterons en faveur de cette motion de censure – j'espère qu'elle est, et qu'elle restera, la dernière de la législature.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Entre les débats en commission et ceux dans l'hémicycle, plus de 150 heures auront été consacrées au PLF : telle est la matérialité du débat démocratique ces dernières semaines au sein de notre assemblée.
Et pourtant, nous voilà une fois encore contraints de faire face à l'obstacle du blocage pour que notre pays se dote d'un budget en bonne et due forme avant la fin de l'année.
Chacune des oppositions ici présentes a clairement énoncé, affirmé et assumé son refus de voter en faveur de l'adoption du projet de loi de finances du Gouvernement, quelles qu'en soient les mesures. Face à cette situation, aurait-il fallu que le Gouvernement laisse notre pays sans budget pour fonctionner ? Aurait-il fallu qu'il laisse les Français sans protection ? Heureusement que le génie de la Constitution de la V
Dixième 49.3, dites-vous. Dixième motion de censure, vous répondons-nous – avec le succès que l'on sait pour les neuf précédentes.
Avouez tout de même que la Constitution est plutôt bien faite : le Gouvernement engage sa responsabilité sur l'adoption d'un texte et le pouvoir législatif dispose de moyens pour lui répondre. En réalité, c'est donc « un partout, la balle au centre ».
Pour en revenir au projet de loi de finances qui est à l'origine de notre discussion, le groupe Renaissance tient à rappeler qu'en commission, dans l'hémicycle et dans les nombreuses antichambres d'échanges parlementaires, des compromis ont été tentés, des amendements ont été étudiés avec rigueur et des tentatives de discussion ont été lancées pour produire un texte enrichi, étoffé et intelligemment coconstruit. Hélas, le dogme a rapidement figé les bonnes volontés dans leur élan : une fin de non-recevoir de principe a été opposée à toute velléité d'accord.
L'obsession du rejet : telle est la forme qu'ont revêtue nos débats durant cette période budgétaire. « La forme, c'est le fond qui remonte à la surface », disait Victor Hugo ; c'est bien de cela qu'il s'agit : le rejet préalable et systématique des textes budgétaires n'a révélé qu'une volonté de bloquer le pays. L'extrême gauche et l'extrême droite brandissent leur obsession du désordre et leur soif de révolution, comme une chimère sous les yeux des Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Or les Français ne sont pas dupes. Ils comprennent bien que ces 49.3 successifs sont en réalité un seul 49.3, portant sur un seul exercice budgétaire – M. le rapporteur général l'a très justement rappelé. Surtout, ils comprennent que ce 49.3 n'est que la réponse à votre entêtement et à votre refus de donner la moindre chance de succès au débat parlementaire – les motions de rejet successives en sont la parfaite illustration.
Les Français ont bien noté l'étrange schizophrénie parlementaire qui a eu cours ces dernières semaines, consistant à présenter des motions de rejet préalable par lesquelles les oppositions rejettent d'emblée des textes fondamentaux pour les finances publiques et pour le financement de la sécurité sociale, entachant systématiquement le débat par leur mauvaise volonté. Comment voulez-vous enrichir un texte que vous rejetez d'emblée ?
Comment voulez-vous faire avancer un projet de société si vous le condamnez d'avance ?
L'ironie est que lorsque le Gouvernement est confronté à ces rejets préalables, il est contraint de faire adopter les textes afin que le pays continue de fonctionner, que les fonctionnaires soient payés, que les entreprises continuent de produire, que les associations continuent d'œuvrer et que les Français soient davantage protégés contre l'inflation qui frappe partout dans le monde. C'est pour tous ceux-là que le Gouvernement choisit de faire aboutir les textes budgétaires, et de dépasser les obstacles de circonstance qui font fi de l'intérêt général. Et nous entendons des cris d'orfraie face au 49.3 !
Chacune de vos motions de rejet préalable était en réalité une invitation, et même une demande expresse de recourir au 49.3.
Mme Nathalie Oziol s'exclame.
Chaque fois, la Première ministre y a répondu ; elle a répondu à votre demande avec responsabilité et clairvoyance.
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
La Première ministre vous a répondu en engageant la responsabilité de son gouvernement avec courage, dans l'intérêt des Français.
Les Français – vos électeurs en particulier – ont souhaité une assemblée diversifiée pour stimuler le débat et l'échange, mais vous n'avez donné aucune chance à cette nouvelle dynamique. Vous exigez un grand écart improbable, et même impossible : les partis d'opposition demandent d'ouvrir les vannes de la dette ou d'augmenter les impôts…
…et dans le même temps, appellent à la baisse du déficit public. Nous savons pertinemment que si nous penchons d'un côté ou de l'autre, cela heurtera les engagements que le Président de la République a pris devant les Français, qui l'ont élu et qui lui ont donné un groupe majoritaire à l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Cela vous déplaît peut-être, mais telle est la réalité politique.
Quels que soient nos désaccords, quelle que soit votre désapprobation à l'égard de la disposition constitutionnelle qui autorise le Gouvernement à débloquer ce type de situation, il demeure que les professeurs des écoles, les policiers, les fonctionnaires des hôpitaux…
…et les collectivités doivent être opérationnels au 1er janvier 2023. La Première ministre a fait preuve de courage et de responsabilité dans la décision, malgré la frustration que cela engendre pour nous tous – car nous avons tous à cœur le débat parlementaire.
Vous dites, monsieur le président Coquerel, qu'on ne saurait conditionner le débat parlementaire au vote d'un projet de loi. On le peut toutefois quand il s'agit du budget de la France, car il conditionne le fonctionnement de l'État, des administrations et des collectivités, ainsi que le travail des fonctionnaires. Aussi devons-nous voter ce projet de loi.
Vous dites aussi que si nous avions retenu certaines propositions issues de votre groupe et des autres oppositions – compromettant, au passage, le projet de loi du Gouvernement –, nous aurions pu laisser la chance au projet d'aboutir.
Permettez-moi de vous rappeler que vous avez eu cette possibilité. Nous avons eu l'occasion d'adopter un texte budgétaire qui a été amendé à votre guise, la loi de programmation des finances publiques, mais vous ne l'avez pas saisie : vous avez rejeté le texte en bloc. Vous avez choisi un exercice périlleux, mêlant incohérence et compromission entre les différents bancs des extrémités, avec pour seul but de faire échouer la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Or c'est tout le pays que vous tentez de faire échouer avec votre opposition de principe.
Vous nous avez sommés de trouver des compromis sur le projet de loi de finances, mais même quand les propositions vont dans votre sens, vous censurez, vous rejetez et vous vous opposez, sans jamais construire. Le groupe Renaissance refuse de participer à cette mascarade et à cette hypocrisie, consistant à laisser du temps au débat alors qu'on sait que le texte n'aboutira pas. Vous vous dites les défenseurs de l'intérêt général, mais je n'y vois qu'aveuglement et caricature : ce n'est pas de nature à redonner confiance dans la politique.
Le compromis, chers collègues, n'est pas un vain mot ; il doit s'incarner et se traduire dans les actes, dans un esprit de responsabilité. Au contraire, vous avez choisi de brandir vos programmes politiques in extenso – certains scandant le nom de Marine Le Pen, d'autres celui de Jean-Luc Mélenchon,…
…d'autres encore se gardant bien de citer personne –, sans laisser aucune chance de trouver des terrains d'entente, une entente que les Français ont pourtant souhaitée et à laquelle le Président de la République, Emmanuel Macron, nous a invités.
Le blocage n'a jamais été un moyen de noble politique. Contraindre le Gouvernement à agir en usant de la disposition constitutionnelle du 49.3 pour sécuriser le budget du pays en temps de crise, ce n'est pas un combat politique : c'est une hérésie de gouvernance. Le mandat qui nous a été confié collectivement nous impose d'assurer une gestion responsable du pays en faveur de l'action, et non pour provoquer le blocage ou l'inertie. Votre attitude est délétère dans le contexte de crise que nous connaissons ; elle constitue le terreau de tous les populismes, de la démagogie et la décrédibilisation du travail politique. Certains, dans cette assemblée, œuvrent sans relâche à cultiver ce terreau : vous nous trouverez sur votre passage. La majorité présidentielle dressera un mur en béton armé pour protéger les Français de toute tendance populiste.
Certains veulent tout fermer : aucune dépense, et tant pis pour les plus fragiles ! D'autres veulent tout ouvrir, sans aucune rigueur : et tant pis pour la dette qu'on laisse à nos enfants !
Que dire de ceux qui veulent que la France soit une île coupée du monde qui vivrait repliée sur elle-même et qui, ce faisant, nierait les enjeux de la mondialisation ? Là où les uns et les autres veulent nous enfermer, nous répondons : libération des énergies productives et investissement pour l'avenir, protection de nos concitoyens et préservation de l'unité nationale. Hélas, vos propositions ne répondent aucunement à cette ambition.
Rappelons les fondamentaux et le sens de notre action, ici et maintenant. Nous traversons une crise énergétique, sanitaire et internationale – parfois même, une crise de sens pour une partie de nos concitoyens, particulièrement les jeunes. Le Gouvernement et la majorité ont pleinement pris la mesure des enjeux. Nous avons choisi, sans trembler, de transcender les postures en suivant une unique boussole : l'intérêt des Français. Le retour d'une inflation inédite depuis quarante ans et de la guerre aux portes de l'Europe aurait dû inciter l'ensemble des forces politiques à se mobiliser pour sécuriser le budget du pays.
Ce budget est protecteur : en témoignent le plafonnement des prix de l'électricité et du gaz, ainsi que l'accompagnement exceptionnel des collectivités territoriales – la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été augmentée, et un filet de sécurité a été instauré. L'effort budgétaire est formidable et inédit en faveur de l'éducation nationale et de la défense nationale – enjeux si cruciaux ; il est résolument volontariste en faveur de la police, de la gendarmerie, de la justice, de l'apprentissage, de la rénovation thermique, des sous-préfectures, de l'accès au service public et de l'objectif de plein emploi – vecteur essentiel de la lutte contre la pauvreté –, autant de priorités qui touchent directement la vie de nos concitoyens.
Enfin, il s'agit d'un budget de rigueur qui maîtrise la dépense publique : il œuvre à réduire le déficit public à 5 % du PIB en 2023, afin d'être en mesure d'atteindre les 3 % en 2027 – c'est une politique de rigueur, et non d'austérité. En la matière, nous avons un profond désaccord avec les députés du groupe Les Républicains : eux nous invitent à une vraie politique d'austérité en exigeant que nous ramenions le déficit public à 3 % en 2026.
Un jour, il faudra nous dire ce que nous devons sacrifier : les écoles, les hôpitaux, les forces de police et de gendarmerie, les services publics, la justice ?
Nous attendons toujours la réponse.
Ce budget est très honorable. Il est né dans la douleur de la crise multidimensionnelle que connaît le pays, doublée d'une forme d'aveuglement des oppositions : elles sont obnubilées par les querelles politiciennes, alors que le moment doit être à l'unité et à la coconstruction.
Nous terminons un cycle budgétaire bien triste pour le débat parlementaire,…
…mais réjouissant pour nos concitoyens : grâce à la décision de la Première ministre de faire usage du 49.3, ils ne resteront pas dans l'incertitude et dans la peur de l'avenir. Le groupe Renaissance s'en réjouit, en acceptant volontiers le sacrifice du débat parlementaire. Nous continuerons de soutenir sans relâche le projet du Président de la République.
Madame la Première ministre, le groupe Renaissance soutiendra sans relâche l'action que mène votre gouvernement avec audace, en endossant la responsabilité liée au mandat que nous ont confié les Français, sans compromission quant à nos valeurs et à notre projet. Soyez assurée de notre engagement à vos côtés : la majorité est fière de vous avoir comme Première ministre.
Quant à notre actualité parlementaire, en ces temps si troublés par la crise multidimensionnelle qui frappe notre pays, l'histoire retiendra, d'un côté, le cynisme du blocage au service du populisme,…
…et de l'autre, le courage politique au service de l'intérêt des Français.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – M. Frédéric Valletoux applaudit également.
Voici le dixième 49.3, puis une nouvelle motion de censure ! Tout cela prêterait à sourire et relèverait du comique de situation, si la situation que vous provoquez n'était pas aussi dramatique pour l'avenir de la France.
Le 19 juin dernier, les Français se sont exprimés lors des élections législatives. En faisant entrer quatre-vingt-neuf députés du Rassemblement national au Palais-Bourbon, ils vous ont adressé un avertissement sévère : ils ont exprimé leur total désaccord avec les cinq années d'échec et de mensonge du premier mandat du président Macron. Vous ne disposez désormais plus d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, n'en déplaise à votre courant politique. Pourtant, vous persistez dans le déni politique, et vos décisions aléatoires et improvisées mettent la France dans une situation dangereuse. Les Français, privés jusqu'alors d'une véritable représentation nationale, se sont dotés à l'Assemblée nationale de porte-parole de taille…
…en y faisant entrer quatre-vingt-neuf députés du Rassemblement national. Cette voix des Français, portée jusque dans l'hémicycle, vous refusez de l'entendre, car elle dérange votre conception étrange de l'exercice démocratique, consistant à priver les Français du débat démocratique par le jeu dangereux du 49.3.
Madame la Première ministre, le peuple français mérite-t-il tant de mépris de votre part ? Vous êtes venue jeudi à l'Assemblée nationale pour user et abuser, pour la dixième fois en six mois, de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution française. Vous êtes venue dire aux Français que vous ne souhaitiez pas prendre en compte le signal qu'ils vous ont adressé lors des élections législatives. Ils ne sont pas dupes : ils savent que vous vous moquez tout simplement d'eux, vous qui avez eu l'outrecuidance de vous présenter devant la représentation nationale…
…pour lui lancer à la face l'accusation de refuser le débat, projetant sur elle votre propre attitude. Madame la Première ministre, pourquoi avez-vous si peur du débat démocratique dans notre hémicycle ?
Pourtant, les débats ont été de haute tenue malgré les pièges tendus par la NUPES, aidée dans cette entreprise par ceux qui tiennent davantage à garder leur mandat qu'à défendre les doléances du peuple français. Combien d'amendements jetés à la décharge publique, combien de jeunes collaborateurs vidés de leur motivation sincère par l'utilisation vampirique du 49.3 !
Pensez-vous un seul instant que votre stratégie d'obstruction par le recours au 49.3 musellera longtemps la voix du peuple français ? Vous commettez là une grave erreur, sans compter l'irrespect et le mépris dont vous faites preuve envers nos compatriotes.
Vous vous apprêtez d'ailleurs à réitérer l'expérience pour la réforme des retraites, qui sera annoncée le 10 janvier 2023. Le dogmatisme de la Macronie serait-il synonyme d'injustice et de régression ? J'ai entendu dire par un de vos proches que ce 49.3 ne coûterait rien. C'est dire combien le Parlement est devenu la proie de manœuvres politiciennes visant à museler l'opposition et la parole des Français. Oui, pour vous, il ne coûtera rien ; mais aux Français il coûtera très cher.
Alors même que nous faisons face à l'urgence énergétique et à l'urgence sanitaire, alors même que nous subissons la spirale inflationniste et la récession, alors même que les fractures sociales n'ont jamais été aussi béantes, alors même que l'éducation nationale est attaquée par l'hydre islamiste, alors même que nos institutions sont mises à mal par la déferlante des migrants, alors même que la précarité s'aggrave et que des millions de Français n'ont plus de solution pour se nourrir et se chauffer, alors même que les chiffres du commerce extérieur n'ont jamais été aussi catastrophiques, alors même que la dette nationale a atteint un niveau inédit à cause de vos choix erratiques, alors même que les entreprises, qui doivent rembourser les dettes contractées pendant la pandémie, n'ont jamais connu un tel péril économique, vous n'avez rien retenu de l'histoire : vous allez présenter à nouveau une réforme des retraites dont personne ne veut, tant elle est inique ! L'erreur est humaine, persévérer est diabolique.
Pour ce PLF, vous avez mobilisé l'ensemble des parlementaires, de leurs collaborateurs et des services de l'Assemblée nationale pour mener des travaux dont vous saviez qu'ils n'aboutiraient à rien, car vous alliez balayer d'un revers de la main ces présences et tout cet ouvrage. Quel gâchis, quelle grande mascarade ! Madame la Première ministre, est-ce donc là votre manière de gouverner ? Les parlementaires font, et vous, vous défaites, à l'image d'un vilain garnement …
Protestations sur quelques bancs du groupe RE
Hé oh !
…qui, d'un coup de pied rageur, détruit le château de sable qu'un autre avait construit avec tant de patience et d'écoute du peuple français.
Plutôt que d'avoir recours au 49.3 pour la dixième fois, vous auriez pu écouter les oppositions. Vous auriez pu démontrer, vous qui dites rechercher le compromis, que vous étiez capable de passer des paroles aux actes. Au lieu de sortir grandie de l'examen du texte, vous n'avez fait que démontrer votre autoritarisme politique. Pourquoi avez-vous refusé la taxation des superdividendes des grandes entreprises ? Pourquoi avez-vous refusé le crédit d'impôt en faveur des personnes en Ehpad ? Pourquoi avez-vous refusé le rétablissement de l'exit tax contre l'évasion fiscale ? Pourquoi avez-vous refusé la baisse de la TVA sur les produits énergétiques ?
À l'heure où la guerre gronde à nos frontières-passoires, la situation est trop grave pour ne pas écouter la voix de l'opposition qui aurait donné au pays un sentiment d'union nationale. Vous devez gouverner pour le peuple français, pas contre lui.
Sous le premier gouvernement Macron, les Français ont tout supporté. Ils ont supporté vos approximations quant au port du masque, que des ministres affirmaient inutile avant-hier, obligatoire hier et recommandé aujourd'hui ; ils ont même supporté le scandale de l'affaire McKinsey. Aujourd'hui, vous les conditionnez à l'idée d'un rationnement énergétique en vous livrant à une mise en scène pitoyable où les ministres s'affichent en col roulé.
Sourires.
Pourtant, la situation énergétique est le résultat de vos choix politiques insensés de fermeture de centrales nucléaires, fleuron de l'industrie française, au profit d'énergies intermittentes et non contrôlables. Résultat, vous rouvrez les centrales à charbon ! Mais de qui se moque-t-on ? Gouverner, c'est prévoir, comme on le dit souvent. Gouverner, c'est construire l'avenir. Le Rassemblement national, lui, avait anticipé cela, en misant sur le nucléaire…
…plutôt que sur vos éoliennes qui brassent du vent – quand il y en a – ou sur vos panneaux solaires – qui doivent hiberner en ce moment.
Pas du tout : rappelez-vous que vous avez fermé des centrales nucléaires.
Pendant que les Français les plus modestes se serrent la ceinture, dorment dans leur voiture ou sous des ponts, vous accueillez à Toulon l'Ocean Viking et ses ONG complices de ce désastre humanitaire.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Dem.
Vous logez et nourrissez des migrants qui, en guise de remerciement, prennent la poudre d'escampette, adressant ainsi un bras d'honneur à nos institutions impuissantes car débordées.
Pendant que de nombreux Français peinent à trouver du travail, vous voulez faire appel à toujours plus de main-d'œuvre étrangère, au lieu d'accepter notre proposition d'inciter les entreprises à une hausse de 10 % des salaires en les exonérant de charges patronales sur cette augmentation. Décidément, rien n'est cohérent dans votre politique !
Mais cette mascarade ne se limite pas à votre seule incohérence. Vous avez bénéficié de la duplicité des fausses oppositions. En premier lieu, celle de la NUPES qui, lors de la présidentielle, appelait à voter pour vous ;…
…la NUPES qui, adepte de l'ostracisme, préfère retirer le texte visant à réintégrer les soignants plutôt que d'accepter les voix de l'opposition qui l'aurait fait adopter. En second lieu, la duplicité des Républicains qui, en proie à leur naufrage politique, tentent de protéger leurs arrières et de sauver ici et là quelques pièces de leur puzzle incomplet, chronique d'une mort politique annoncée ; les Républicains qui ont également appelé à voter pour vous au second tour de la présidentielle et qui, sans doute par peur de perdre leur mandat, ont récidivé en refusant de voter la première motion de censure.
Nous, au Rassemblement national, sommes cohérents. Nous avons d'ailleurs voté la première motion de censure qui n'émanait pas de notre mouvance, car nous travaillons pour le bien-être des Français et n'avons pas peur de perdre notre place de député.
Ce soir s'achève un cycle de dix 49.3. La NUPES et les Républicains peuvent dormir en paix : leur hantise de faire tomber le Gouvernement et de devoir retourner aux urnes pour élire une nouvelle Assemblée nationale ne se réalisera pas aujourd'hui.
Les motions de censure de la NUPES sont un leurre, une parodie. Les députés du Rassemblement national ont cru un moment à leur sincérité, mais les masques sont tombés : nous ne participerons plus à cette commedia dell'arte. La pièce de théâtre est finie, le rideau retombe. Nous ne voterons pas la motion de censure. Joyeux Noël !
Madame la Première ministre, il n'est pas question pour nous de laisser faire. Il n'est pas question pour nous d'agir comme si le fonctionnement actuel de nos institutions était normal, comme si le 49.3, au motif qu'il est légal, était juste ou raisonnable.
À l'école, on explique aux enfants que la démocratie est garantie par la séparation des pouvoirs. Quand j'étais enfant, on m'a appris que l'exécutif, c'est-à-dire vous, était censé exécuter la loi élaborée par le législatif, c'est-à-dire nous, les parlementaires. Et pourtant, regardez-vous.
Tout est à l'envers. Regardez ce que vous faites : utiliser dix fois le 49.3, c'est faire un abus démesuré d'un outil conçu pour piétiner l'Assemblée nationale.
Pour justifier ce saccage permanent du travail parlementaire, vous employez un argument étonnant. Vous nous dites qu'après tout, il s'agit d'une tradition de la V
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
N'ayant pas sollicité de vote de confiance, comment osez-vous vous indigner de cette motion de censure ?
La motion de censure rappelle justement le message essentiel que vous essayez d'esquiver : les représentants du peuple n'ont pas confiance en vous.
Elle reprend la discussion là où vous avez tenté de l'interrompre, en soulignant que vous n'avez pas de majorité politique qui vous permettrait de légiférer.
Vous n'en avez pas non plus, puisque vos neuf motions n'ont pas été votées !
En l'absence de majorité politique, vous auriez pu partager la décision, mais vous avez décidé de confisquer le pouvoir. Vous élaborez la loi sans nous, sous les applaudissements d'une minorité présidentielle qui a si peu de profondeur politique qu'elle en vient à acclamer ses propres bourreaux !
Rires sur les bancs du groupe RE.
Je dois d'ailleurs reconnaître qu'elle le fait avec un certain talent : j'ai entendu Mme Hai dire que le 49.3 transcende la démocratie,…
…que la crise est multidimensionnelle : je ne savais plus si j'étais à l'Assemblée nationale ou dans Matrix !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires sur les bancs du groupe RE.
Vous décidez seuls, dans le secret, dans le silence feutré des cabinets ministériels, car c'est le seul endroit où vous savez que personne ne vous contestera, que personne ne haussera la voix contre vous. Vous gouvernez dans l'ombre de la démocratie. Pour notre part, nous refusons de cautionner de quelque manière que ce soit cette confiscation de la souveraineté populaire. Par notre motion de censure, nous affirmons qu'ici est la lumière ; c'est ici, à l'Assemblée nationale, que se tient le débat public ouvert à tous les citoyens, qu'ils peuvent observer et rejoindre afin de former un avis éclairé sur les questions politiques !
Au fond, nous ne faisons que remettre de l'ordre dans les institutions en réaffirmant le rôle premier de l'Assemblée nationale dans l'élaboration de la loi. Oui, nous utilisons aussi le temps de parole que nous donne la discussion de la motion de censure pour évoquer les débats que vous avez confisqués à coups de 49.3. Si nous n'avions pas usé de cette procédure, nous n'aurions jamais pu parler ici, par exemple, du budget de l'école. Car si l'école ne s'effondre pas, c'est uniquement grâce au courage et à l'abnégation des personnels et des enseignants, que nous tenons ici à remercier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Soumya Bourouaha applaudit également.
…et des effectifs corrects, pour pouvoir instruire nos enfants dans de bonnes conditions.
Sans motion de censure, nous n'aurions pas non plus parlé des collectivités locales, des mairies qui, alors qu'elles appartiennent à la sixième puissance économique mondiale, sont contraintes d'interrompre le fonctionnement d'infrastructures essentielles.
Mme la Première ministre proteste.
Vous vous apprêtez d'ailleurs à brutaliser à nouveau ces mêmes collectivités en faisant passer de force, contre l'avis du Parlement, la suppression de la CVAE.
Cela revient à diminuer toujours plus la marge de manœuvre financière des collectivités, donc leur liberté d'action politique, alors qu'elles sont censées constituer le premier échelon de notre démocratie.
Impossible aussi, sans motion de censure, de mentionner les Français que vous jetez dans la pauvreté. L'augmentation des prix empêche des millions d'entre eux de vivre dignement : elle les prive non seulement des nécessités essentielles, mais aussi des petits plaisirs de la vie, modestes mais si importants, qui font de nous des êtres humains. En effet, combien de Français ne pourront pas, cette année, déposer un cadeau au pied du sapin, ne serait-ce que pour leurs enfants ? Combien vivront encore la honte et l'humiliation, ce sentiment terrible, destructeur, de ne pas être à la hauteur, parce que le système les broie ?
Pendant ce temps, vous êtes là, presque heureux, à répéter que tout va bien, car « l'inflation est la plus faible d'Europe », dissimulant volontairement que le revenu réel des Français a connu lors du premier trimestre 2022 la baisse la plus importante parmi les pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Cette chute s'explique par votre politique qui consiste à distribuer des chèques : quand vous arrêtez d'en distribuer, comme vous vous apprêtez à le faire début 2023 pour l'essence et l'électricité, tout s'effondre pour ceux qui maintenaient difficilement la tête hors de l'eau. C'est pourquoi l'augmentation des salaires reste la principale bataille à mener.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les gens ont froid, madame la Première ministre ; ils tombent malades parce que, dans leur logement, il fait parfois 12 degrés dans la salle de bains, 14 degrés dans le salon, 16 degrés dans la chambre. Les gens ont froid, ils tombent malades et font la queue pendant des heures chez des médecins débordés – notamment dans les zones où il n'y en a plus beaucoup – ou dans des services d'urgence saturés. Toute la chaîne de santé est une nouvelle fois secouée !
Les gens ont froid, et ce n'est pas par magie ; ils ont froid parce que leur logement, traversé de courants d'air, n'a pas bénéficié d'une rénovation énergétique. Et ils auront encore froid à l'avenir car vous avez annulé le vote par l'Assemblée nationale d'un amendement qui visait précisément à allouer 10 milliards à la transition énergétique et à la rénovation thermique des bâtiments !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Pierre Dharréville applaudit également.
À ce moment précis, vous avez prouvé qu'il existe un lien intime entre la casse de notre démocratie et la casse sociale dans ce pays.
Les Français sont pauvres. Et que dire de nos enfants ? Un jeune âgé de 18 à 29 ans sur cinq est pauvre. Cela vous fait sourire ? Pas moi.
Entre 2004 et 2019, le taux de pauvreté des mineurs est passé de 8,7 % à 11,5 %. Voilà la réalité, et vous refusez de l'accepter. Vous avez abandonné nos petits !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RE et du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
elle est là, sous nos yeux, parce que vous avez refusé, pendant le débat parlementaire, la création d'une allocation d'autonomie qui aurait permis de sortir de la pauvreté des millions de jeunes précaires.
Des précaires dont vous vous apprêtez à exiger qu'ils remplissent les caisses de l'État, pourtant richissime, et paient la facture de la crise en supportant la réforme de l'assurance chômage ou celle du travail. Je parle de 150 milliards de cadeaux distribués aux entreprises, payés par des gens qui se tuent au boulot. La réforme des retraites, c'est le corbillard après une vie de labeur, pendant que TotalEnergies et d'autres groupes richissimes bénéficient de votre gentillesse.
En définitive, votre gouvernement est celui du désordre et de l'instabilité.
Vous nous trimballez de crise en crise, vous assommez les consciences, vous étouffez les débats en contribuant à créer des tempêtes sociales et écologiques. Et lorsque la tempête arrive, vous nous ordonnez de serrer les rangs, de nous taire, de ne plus rien contester. Notre pays est en errance, percuté par vos crises à répétition.
Nous voulons bien affronter les tempêtes, mais nous posons la seule question qui vaille, la seule, peut-être, que se posent les Français : d'accord pour le tonnerre et pour les tempêtes, mais à quand le soleil ? À quand la recherche du bonheur commun ?
C'est précisément parce que vous êtes inaptes à répondre à cette question que nous vous demandons encore une fois et que nous vous demanderons jusqu'au bout de partir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Madame la Première ministre, pour la dixième fois depuis deux mois, vous avez eu recours à l'article 49.3 de notre Constitution – chaque fois sur le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avec la majorité et le Gouvernement, les jeudis de décembre se suivent et se ressemblent – vous pourriez écrire le scénario d'une série intitulée Les Jeudis de décembre.
Jeudi 8 décembre : ajournement de la commission mixte paritaire sur la loi de programmation des finances publiques et huitième 49.3. Jeudi 15 décembre : commission mixte paritaire sur la loi de programmation des finances publiques non conclusive et dixième 49.3.
Or, aux 49.3 incessants succèdent invariablement les motions de censure de la NUPES. C'est la raison pour laquelle nous sommes présents ce samedi : nous entendons défendre nos positions sur le budget 2023.
Le moment où vous déclenchez l'article 49.3 est un acte politique particulièrement regrettable : en quatre minutes, jeudi dernier, vous avez de nouveau privé les députés de leur droit à la parole. Mais, ce qui est extraordinaire, ce sont les raisons par lesquelles vous justifiez votre recours à cet article. D'abord, vous avez argué que « tous les groupes d'opposition [vous avaient] fait savoir qu'ils [voteraient] contre le PLF ». Ensuite, lors de la nouvelle lecture, vous avez expliqué « qu'aucun groupe d'opposition ne vous [avait] fait connaître une évolution de sa position sur son vote final ». À présent, pour la lecture définitive, vous nous dites que « [vous avez] aussi, trop souvent, trouvé porte close », et vous ajoutez : « Sur le budget, nous ne pouvons pas trouver de compromis si les oppositions craignent, ainsi, de se compromettre ».
Replaçons l'église au milieu du village, comme on dit chez nous, dans le Perche, dans le pays d'Auge et le pays d'Ouche. Si vous avez recours à cet outil constitutionnel, madame la Première ministre, c'est pour une seule et unique raison : vous n'avez pas de majorité. Ne tentez donc pas d'en faire porter la responsabilité aux groupes d'opposition, et assumez de composer avec eux, si vous voulez effectivement aboutir !
De fait, quand vous ne voulez pas composer, vous n'aboutissez pas. J'en veux pour preuve, par exemple, votre refus de trouver une voie de passage sur la loi de programmation des finances publiques.
S'agissant de ce texte, les députés et sénateurs Les Républicains ont toujours été très clairs et déterminés à aboutir.
Pourtant, votre majorité et votre gouvernement ont balayé d'un revers de main nos propositions, refusant dans les actes le compromis que vous réclamiez dans vos discours. Vous avez du reste indiqué, madame Hai, que nos propositions n'étaient pas suffisamment documentées : c'est une question d'appréciation. J'en veux également pour preuve le fait que vous n'avez retenu dans le projet de loi de finances que très peu d'amendements des députés et sénateurs des groupes d'opposition.
Et que dire de celui que vous avez déposé pour réformer le compte personnel de formation, sans débat et en catimini ! Cet amendement, déposé à la dernière minute, samedi dernier, sans même que le rapporteur général en prenne connaissance, n'a pas fait l'unanimité, même au sein du groupe Renaissance, puisque sa présidente, Aurore Bergé, s'en est elle-même émue, déclarant : « C'est une méthode qui ne doit pas se reproduire. » Le Conseil constitutionnel, quant à lui, pourrait considérer cette mesure comme un cavalier.
Votre méthode nous a privés de débat sur des questions d'une importance capitale : les finances des collectivités territoriales, la défense, le travail, la solidarité, l'éducation nationale, et d'autres encore. J'appelle votre attention sur les risques liés à cette situation. Qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, les députés relaient, sur le terrain, auprès des citoyens, les informations relatives aux nouvelles dispositions législatives. Or l'absence de débat a contribué à diminuer les échanges, voire à les supprimer. Ainsi privés d'informations, les députés ne pourront pas, comme ils le faisaient les années précédentes, les relayer dans les territoires.
Tout cela accentue la crise de confiance dans la vie politique et contribue à creuser le fossé entre les citoyens et le monde politique.
Sur le fond, je ne rappellerai pas, ici, toutes les raisons de notre opposition au projet de loi de finances pour 2023 : nos divergences sont notoires. En voici néanmoins quelques-unes.
Tout d'abord, les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont manifestement insincères. Vous campez, coûte que coûte, sur une hypothèse de croissance de 1 % pour 2023, quand le Haut Conseil des finances publiques ainsi que tous les instituts vous disent qu'elle est trop optimiste, donc intenable. À présent, c'est le Président de la République lui-même qui vous déjuge, en précisant que « le taux de croissance pour 2023 devrait se situer entre 0,5 % et 0,7 % ».
Une autre divergence concerne le niveau du déficit, qui atteint 164,9 milliards d'euros, avec un endettement record. Votre gouvernement ne veut toujours pas nous écouter ; nous déplorons plus que jamais votre renoncement à la maîtrise des dépenses publiques, qui nous conduit dans le mur de la dette, et ce n'est pas moi qui le dis.
Dans son avis de septembre 2022 relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023, le Haut Conseil des finances publiques souligne que « le retour à des niveaux de dette garantissant à la France de disposer de marges de manœuvre suppose un effort collectif reposant sur la maîtrise de la dépense couplée à la recherche d'une plus grande efficacité de celle-ci ».
Il y a quelques semaines, c'est le Fonds monétaire international qui lançait un avertissement, non pas à l'Italie ou à la Grèce, mais à la France, à propos du dérapage incontrôlé de ses comptes publics. Enfin, le 2 décembre dernier, l'agence de notation Standard & Poor's a tiré un coup de semonce en plaçant la note de la France sous surveillance négative.
La puissance publique française a décidé de persévérer dans sa gabegie, continuant de multiplier les dépenses et de creuser la dette. Celle-ci a ainsi augmenté de 40 milliards en trois mois, atteignant 2 956,8 milliards au troisième trimestre 2022, près du seuil symbolique des 3 000 milliards.
L'Agence France Trésor indique, dans son programme de financement de la dette française pour 2023, qu'elle lève 300 milliards sur les marchés, dont 270 milliards à moyen et long terme. La France sera ainsi le premier émetteur net de la zone euro ! Le fait, par ailleurs, que la moitié de notre dette souveraine soit détenue par des fonds étrangers devrait vous inquiéter.
Autre divergence : nous estimons que le sujet de préoccupation majeur de tous les Français et de toutes les entreprises, le coût de l'énergie, est insuffisamment pris en compte dans le projet de loi de finances. De fait, en 2023, les tarifs d'électricité et de gaz proposés à nos entreprises seront beaucoup plus élevés qu'en 2022, de sorte qu'elles seront face à un choix délicat : alors que les carnets de commandes sont pleins – toutes nous le disent –, certaines d'entre elles devront cesser ou diminuer leur activité. C'est tout de même un comble que le redémarrage économique qui suit la crise du covid se heurte aux mécanismes des prix de l'énergie ! Je pense aux boulangers, aux bouchers, aux industriels et à tant d'autres, qui seront en difficulté dans quelques mois.
Hier, dans ma permanence, j'ai reçu un chef d'entreprise du secteur de la métallurgie ; nous avons étudié ensemble le mécanisme de soutien dont son entreprise pourra bénéficier. Celui-ci est, certes, significatif, mais, pour l'entreprise, le reste à charge sera multiplié par 2,5 ou 3 : sa facture annuelle d'énergie passera de 140 000 euros à environ 350 000 euros. Par ailleurs, la situation varie d'une entreprise à l'autre, selon la durée et la date d'expiration de son contrat de fourniture, de sorte que leur compétitivité sera affectée de manière différente. Madame la Première ministre, la seule solution consiste à décorréler le plus rapidement possible le prix de l'électricité et celui du gaz, et de sortir du mécanisme européen qui nous entraîne dans une dérive sans nom.
Encore une fois, vous avez refusé toutes les avancées de vos oppositions et du Sénat. Mais les députés Les Républicains ne voteront pas pour autant pour cette énième motion de censure. Nous avons, certes, des divergences avec le Gouvernement, que ce soit en matière de finances publiques, de politique énergétique ou de politique migratoire, mais, je le redis à mon collègue du Rassemblement national, le jour où nous voudrons voter pour une motion de censure, nous la déposerons nous-mêmes, en notre nom.
Ce n'est pas d'actualité jusqu'à maintenant, car l'intérêt du pays demeure notre boussole. En revanche, nous saisirons, dans quelques heures, le Conseil constitutionnel en raison notamment de l'insincérité des prévisions économiques qui sous-tendent le projet de loi de finances, de l'absence de vote de la loi de règlement, du non-respect du droit d'amendement des parlementaires et des injustices qui caractérisent le calcul de la dotation globale de fonctionnement, qui figure à l'article 12.
Avant de conclure, je tiens à remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général pour leur engagement dans une période intense et difficile à appréhender.
Puisque je m'exprime à cette tribune pour la dernière fois en 2022, je forme trois vœux pour l'an prochain. Le premier est que la France puisse rapidement agir au niveau européen pour déconnecter le prix de l'électricité de celui du gaz et éviter ainsi à nos entreprises de sombrer avec des marges négatives.
Le deuxième, madame la Première ministre, est que vous écoutiez les députés Les Républicains : notre démarche est et demeurera celle d'une opposition constructive, soucieuse de servir son pays.
Le troisième est que vous renonciez à l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution et que vous tendiez systématiquement vers le compromis.
En conclusion, je souhaite de tout cœur à chacune et à chacun d'entre vous de très belles fêtes de fin d'année.
Avant d'aborder le sujet du jour, je tiens à partager avec vous une pensée émue pour les cinq enfants et les cinq adultes qui ont péri dans l'incendie de Vaulx-en-Velin le 15 décembre, ainsi que pour leurs familles et leurs proches.
Mme Nadia Hai applaudit.
Nous voici enfin – oserai-je dire – réunis pour le dernier vote sur ce budget pour 2023, dans un hémicycle certes très clairsemé, mais pour doter la France, en ce premier jour des vacances de Noël, de son budget pour l'année prochaine. Je le prends pour un très bon signe et un très beau cadeau pour nos concitoyens. Je veux dire en effet le soutien des députés démocrates à ce projet de loi de finances, construit parfois avec difficulté, mais toujours dans le souci de l'intérêt général, quels que soient les bancs d'où viennent les contributions au débat. Ses crédits s'élèvent à 455 milliards d'euros.
Nous le soutenons d'abord parce que c'est un budget qui protège efficacement nos ménages, nos entreprises et nos collectivités contre la hausse des prix de l'énergie, et l'inflation de manière générale. Nous avons ainsi prolongé le bouclier tarifaire pour ceux d'entre eux qui en ont le plus grand besoin. Ce dispositif a d'ores et déjà permis de limiter l'inflation de plus de 3 points en 2022. C'est grâce à ce choix que la France est actuellement le pays de la zone euro où l'inflation est la plus faible et où le pouvoir d'achat a été le mieux protégé.
Nous agissons aussi – contrairement à ce qui a été dit – pour les collectivités, dont nous avons entendu les difficultés. À l'initiative de Lise Magnier et de l'ensemble du groupe Horizons, nous avons ainsi transformé le filet de sécurité, créé par cette assemblée en juillet, en filet de soutien. Le dispositif, recentré sur les seuls prix de l'énergie, a été rendu plus ouvert, notamment grâce à la suppression de la condition de baisse de l'excédent brut de fonctionnement. Nous nous félicitons également de l'instauration de l'amortisseur pour les prix de l'électricité à destination des PME et des collectivités qui ne peuvent bénéficier du bouclier tarifaire. Nous serons à vos côtés, madame la Première ministre, pour le déployer et, si nécessaire, pour l'adapter aux besoins de nos PME. Elles ont notre écoute constante. Nos bouchers, nos boulangers, nos pâtissiers, nos poissonniers, nos artisans ont besoin de notre soutien ; ils nous trouveront toujours à leurs côtés dans les temps de houle, comme dirait Jimmy Pahun.
J'ai moi-même participé il y a quelques jours, comme Véronique Louwagie, à une rencontre entre les députés et les artisans de la Vienne à la chambre de métiers et de l'artisanat (CMA), autour de sa présidente, qui est elle-même pâtissière, du préfet et de représentants de la direction générale des finances publiques (DGFIP), en présence du directeur général du plus gros énergéticien local, afin de clarifier le dispositif que nous avons décidé d'instaurer à l'intention des artisans. Je salue tous les efforts de dialogue et de simplification qui l'ont allégé afin d'accélérer au maximum le transfert des montants attendus aux entreprises.
Toutes les aides que j'ai citées et les autres qui ont été instaurées en parallèle sont nécessaires pour réduire les effets néfastes de la hausse des prix de l'énergie et préserver notre tissu productif. L'État joue ainsi parfaitement son rôle protecteur, atténuant le choc de cette hausse en la lissant dans le temps.
Toutes ces aides, si elles sont nécessaires dans le contexte inédit que nous connaissons, ont un coût important à court terme. Pour le groupe Démocrate, les finances publiques sont un enjeu primordial de souveraineté et de prospérité. Cependant, nous avons aussi la conviction qu'il n'y a pas d'autre chemin que celui du soutien indéfectible aux ménages, aux collectivités et aux entreprises. Nous avons la conviction que les abandonner maintenant nous coûterait bien plus cher à long terme par la destruction de pans entiers de notre appareil productif.
Néanmoins, compte tenu de l'état de nos finances publiques et de l'épée de Damoclès de la dette qui plane au-dessus de nos têtes, nous ne pouvons pas nous exonérer de tout effort en la matière. Nous devons adopter une véritable trajectoire de rétablissement de l'équilibre des comptes publics comme le propose la loi de programmation des finances publiques chère à Gabriel Attal, et, plus encore, nous y tenir.
Ce PLF n'est pas seulement une réponse à la conjoncture. C'est aussi un vecteur important de notre politique. En témoigne par exemple la suppression en deux temps de la CVAE, qui doit améliorer la compétitivité de nos entreprises et, partant, développer l'emploi.
Je ne listerai pas tous les aspects positifs de ce budget, mais je voudrais m'arrêter un instant, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sur celui de l'agriculture. Notre vision pour l'agriculture est simple – ce n'est pas le ministre Marc Fesneau qui me contredira : la souveraineté alimentaire française passera par la protection des agriculteurs et de leurs revenus, l'adaptation de la ferme France au changement climatique, et une transformation des pratiques agricoles.
Ce PLF est en premier lieu celui de l'application de la loi sur l'assurance récolte, une révolution copernicienne dans laquelle l'État remplit sa part avec ce budget qui sécurise la contribution de la solidarité nationale à hauteur de 560 millions d'euros, une véritable réassurance pour les acteurs du monde agricole.
Les députés démocrates vous ont aussi proposé un ensemble d'amendements fiscaux qui vont dans cette direction, comme la prorogation de la déduction pour épargne de précaution ou encore l'augmentation du plafond de l'exonération pour la transmission de terres agricoles à 500 000 euros en échange d'une prolongation de la durée de détention.
La transmission et l'installation de nouveaux agriculteurs, souvent bien formés et non issus du milieu agricole, seront au cœur du projet de pacte et de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre de l'agriculture, vous le savez, sur ce sujet.
Au-delà de l'exemple de l'agriculture, nous avons engagé de nombreux autres débats dans le cadre de ce PLF. Je pense en premier lieu à la question de la fiscalité du capital, notamment s'agissant des plus-values immobilières en zones tendues. Nous n'avons pas réussi à vous convaincre totalement sur ce sujet ; nous continuerons d'y travailler, en nous inspirant de ce qui est fait dans d'autres pays européens. Nous sommes confiants et nous pensons vous voir un jour rejoindre nos constats et nos propositions.
Ce PLF a aussi été marqué, comme chacun sait, par le débat sur les superprofits. Nous avons, avec Jean-Paul Mattei, proposé un amendement permettant de taxer non pas les profits, mais leur distribution, que ce soit par dividendes ou par rachat d'actions. En effet, le problème n'est pas tant le profit, mais ce qui en est fait : le profit est vertueux s'il est réinvesti, par exemple dans la transition écologique, ou redistribué aux salariés en primes ou en hausses de salaire. Ce n'est pas l'approche qui a été choisie. Nous le regrettons et restons persuadés que la taxation des superdividendes est juste économiquement et socialement.
Je voudrais toutefois saluer, car l'Europe est l'ADN des députés du groupe Démocrate, comme vous le savez, l'adoption des dispositifs sur lesquels les États européens se sont entendus en septembre dernier. La taxation des superprofits des énergéticiens et la contribution sur les rentes inframarginales permettront de lever environ 10 milliards d'euros, finançant une part importante des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises qui ont été votées.
Comme beaucoup l'ont mentionné, nos débats ont été, certes, un peu perturbés par le recours à l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, et par le calendrier particulier auquel ces cinq recours et les cinq motions de censure qui ont suivi nous ont contraints.
Je voudrais ici m'arrêter sur les critiques, aussi récurrentes qu'injustes, à l'égard du fameux article 49.3…
…et répondre à certaines allégations des députés. J'ai eu la chance d'être invité en septembre dernier au musée de la tapisserie d'Aubusson…
…pour fêter les 101 ans d'un illustre ministre socialiste du président Mitterrand, premier conseiller de la Cour des comptes, André Chandernagor, que vous connaissez tous – il est né dans ma belle ville de Civray dans la Vienne et il est fils de commerçant comme moi. Pendant près de deux heures, devant un parterre de 200 personnes, micro en main et confortablement assis dans un fauteuil, il nous a raconté sa vie par le détail. Il a évoqué en particulier la rédaction avec Michel Debré de l'article 49.3 de la Constitution du 4 octobre 1958, alinéa qu'ils avaient conçu justement, dès l'écriture de la Constitution de la V
La situation actuelle répond exactement à la préoccupation qui a guidé ceux qui ont rédigé la Constitution de 1958, anticipant une conjoncture où aucune majorité absolue ne se dégage à l'Assemblée, mais où il faut cependant avancer. En quelques mots, le 49.3 vise à permettre à l'État de fonctionner dans une situation de majorité relative, comme celle que nous connaissons actuellement. Les constitutionnalistes de 1958 étaient tout simplement avisés.
Chacun aura compris, comme nous pouvons le voir dans nombre de démocraties autour de nous, que le consensus ne peut s'obtenir que si chacun arrive autour de la table avec des marges de négociation, comme je l'ai observé moi-même en Scandinavie. Le travail doit donc être fait en amont. Si chacun pense qu'il détient seul la vérité et n'accepte aucune main tendue ni aucune offre alternative, alors le 49.3 sera le seul outil permettant de faire avancer la France.
En député élu depuis six mois seulement, je veux rester optimiste pour la majorité comme pour les oppositions. Nul doute que le travail de fond réalisé en commission depuis six mois au cours de cette nouvelle législature – j'en remercie le rapporteur général et le président de la commission des finances, auprès desquels j'ai beaucoup appris –, mais aussi en séance, comme nous en avons récemment fait l'expérience avec le projet de loi sur l'accélération des énergies renouvelables ou le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), permettra dans les exercices à venir de légiférer en s'appuyant davantage sur le consensus. Ainsi, davantage de débats aboutiront et des lois seront votées, avec des concessions de la part de chacun – c'est indispensable –, et avec comme seule boussole l'intérêt général des Français. J'espère que nous trouverons ce consensus, par exemple, demain après-midi, tous ensemble derrière les Bleus !
Sourires.
Je force un peu le trait, mais nous devrions pouvoir agir ensemble.
Plus sérieusement, il faut un budget à la France. La France a besoin de ce budget, celui qui sera adopté ce soir. Le groupe Démocrate en est convaincu, car ce budget répond aux besoins de nos concitoyens pour faire face au ralentissement économique, à l'inflation et à la hausse des prix de l'énergie.
Madame la Première ministre, vous avez notre confiance. Nous attendons beaucoup de vous, vous le savez. Vous savez aussi, en retour, que vous pouvez compter sur le groupe Démocrate (MODEM et indépendants), comme force de proposition et de soutien.
Nous ne voterons pas la motion proposée.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Dans quelques minutes, sans doute votre budget sera-t-il adopté. Il y a des suspenses qui n'en sont pas vraiment. J'imagine, au moment où nous nous retrouvons pour l'examen d'une dixième motion de censure consécutive à votre dixième 49.3, alors que se profile la « trêve des confiseurs », selon l'expression consacrée depuis 1874, l'ambivalence des sentiments qui, madame la Première ministre, peuvent être les vôtres.
D'un côté, – mais je n'y crois guère – post debatum animal triste (Sourires), un vertigineux sentiment de vide vous assaille et nous allons vous manquer affreusement. En effet, vous aviez manifestement pris goût à ces rendez-vous nocturnes ou de fin de semaine, des rendez-vous presque clandestins ou à tout le moins confidentiels. D'une certaine manière, ils vous arrachaient au tête-à-tête avec le Président de la République ,
Sourires sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES
au fameux « il décide » et « vous exécutez » ; dans ces moments peut-être aviez-vous le sentiment de décider. Mais non, vous n'étiez que l'instrument de l'obstination présidentielle et de sa curieuse conception du débat public, de la concertation et in fine de la démocratie : il décide et nous exécutons. Rien n'a véritablement changé depuis le dernier quinquennat, déjà Macron pointait sous Emmanuel. La démocratie, oui, mais la démocratie expéditive !
D'un autre côté, j'ai la crainte que vous ayez le sentiment, sincère peut-être, du devoir accompli, la fierté même d'avoir surmonté les obstacles du débat parlementaire qui se dressaient sur votre chemin, d'avoir été plus forte ou plus maligne que vos oppositions, d'avoir fait montre de votre force de caractère à ceux de vos collègues qui espèrent de votre chute leur propre sacre, de vous être en somme sauvée. Peut-être vous êtes-vous trouvée habile, rusée, manœuvrière, courageuse, audacieuse, voire – que sais-je – un brin culottée ? J'ai peur que vous nourrissiez l'illusion d'un accomplissement, d'avoir réussi quelque chose, de sortir grandie de l'épisode en vérité calamiteux que nous venons de vivre.
Car, madame la Première ministre, vous avez surtout infligé à la représentation nationale une humiliation sans précédent, dans un contexte lui-même sans précédent de majorité relative issue des urnes – notre guide et notre maître. Vous n'avez tenu aucun compte de cette nouvelle donne, alors que se posait à vous et au Président de la République cette question simple : à quoi les Français nous demandent-ils de renoncer puisque nous n'avons pas de mandat clair pour appliquer notre programme ?
Vous avez, à travers nous, infligé maints camouflets à l'ensemble des concitoyens qui attendaient beaucoup du débat parlementaire et croyaient à vos promesses de gouverner autrement. Derrière chacune et chacun d'entre nous, il y a des femmes et des hommes, des collectivités locales et des associations qui, chaque année, placent de grands espoirs en ces débats budgétaires, en ce moment de reddition des comptes.
Vous avez sans doute déçu, frustré, provoqué beaucoup d'incompréhension et, je le crains, de colère parmi nos compatriotes, dans un moment qui appelle pourtant, plus que jamais, à la concorde.
Le Gouvernement paraît ignorer ceci : l'Assemblée nationale n'est pas recroquevillée sur elle-même ; elle est à l'écoute permanente du pays. Députés de tous les groupes – je crois pouvoir parler au nom de l'ensemble de mes collègues, qu'importent les bancs sur lesquels ils siègent –, nous préparons avec minutie l'examen des textes, en particulier budgétaires, au terme de très nombreuses auditions ; nous recevons des organisations professionnelles, des syndicats, des associations universitaires par dizaines, même par centaines. Nous entendons les interpellations multiples qui surgissent des profondeurs du pays, les inquiétudes et les questions auxquelles nous nous attelons à répondre – tant bien que mal, il est vrai.
Les arguments et les amendements que nous livrons à la délibération démocratique sont non pas le fruit de nos caprices ou de nos humeurs, ne vous en déplaise, mais bien la traduction concrète du travail de représentation qui est le nôtre. Être élu ne suffit pas à faire de nous des représentants du peuple. C'est par l'écoute et le dialogue quotidien que nous entretenons personnellement avec nos concitoyens et les habitants de nos circonscriptions, mais aussi avec tous les collectifs et les corps intermédiaires, que nous donnons à nos mandats leur caractère représentatif. Nous sommes, par notre façon même de légiférer, les garants de cette démocratie continue que vous obstruez aujourd'hui.
C'est après cette écoute et ces innombrables dialogues que vient le moment, ici, de la délibération du peuple assemblé, celui-là même qui, depuis toujours, a eu comme première prérogative le consentement à l'impôt. Or qu'en avons-nous fait ces dernières semaines ?
Le premier budget de la nation, celui de l'éducation nationale, concerne chaque famille, chaque enfant de France, et plus d'un million de professionnels – enseignants et autres personnels – qui œuvrent chaque jour à construire l'avenir de notre patrie. Or, cette année, pas un mot – pas un – n'aura résonné à son sujet dans notre hémicycle. Peu importe ce que nous auront dit les enseignants que nous avons écoutés, les parents d'élèves que nous avons reçus et les organisations d'élèves qui nous ont interpellés ! Peu importent les demandes d'éclaircissement, les propositions, les controverses qui parcourent notre société ! Pas une de ces paroles, pas une de ces attentes n'aura trouvé d'écho dans cet hémicycle, rendu muet par votre brutalité.
Je prendrai un autre exemple tout aussi saisissant, celui du logement. Le logement est au cœur de la vie quotidienne des Français, des enjeux de pouvoir d'achat, de la qualité de vie, de la transition écologique, de l'aménagement du territoire, de la mixité sociale. Alors qu'il est consubstantiel de l'insertion économique et sociale, de la fondation même d'une famille, il n'aura jamais été évoqué lors de nos débats.
Pas un mot, ici, n'a été prononcé pour en souligner l'urgence. Pensez aux bailleurs sociaux que nous avons reçus, aux constructeurs que nous avons entendus, aux collectivités locales que nous avons écoutées, aux associations de locataires et de propriétaires, aux ONG qui œuvrent chaque jour à l'accompagnement des personnes mal logées et qui nous ont interpellés. Croyez-vous vraiment qu'à travers nous, ils n'ont rien à faire valoir, rien à vous dire, rien à vous demander ? Ces forces de la société civile sont-elles, comme nous, indignes de votre écoute et de votre considération ? Au contraire, beaucoup de leurs propositions auraient gagné à faire l'objet d'un débat ici. Mais, chose regrettable, vous vous y êtes refusés.
Peu ou prou, vous avez décidé seuls, et sans débat, de 1 200 milliards d'euros de dépenses. Ce n'est pas seulement le Parlement que vous avez réduit au silence, ce sont aussi les Français ! N'en percevez-vous pas la gravité ? N'en nourrissez-vous pas, confusément, un sentiment de honte ou, à tout le moins, une forme d'intranquillité d'esprit ? Vous avez esquivé des débats essentiels que vous deviez aux Françaises et aux Français. Nous sommes en droit de nous poser la question suivante : cette année, l'Assemblée nationale a-t-elle véritablement consenti à l'impôt et au budget de la nation, conformément aux plus hautes exigences démocratiques ?
Il est en effet permis d'en douter.
Vous vous plaignez d'un prétendu chahut, vous accusez les oppositions d'obstruction quand, en réalité, vous imposez le silence au débat démocratique. De proche en proche, vous n'avez même plus fait semblant de chercher à débattre : vous avez dégainé vos 49.3 plus vite que votre ombre, comme un Lucky Luke version rive gauche, un « poor lonesome Prime Minister », si j'ose dire.
Sourires.
Puisque vous disposiez du 49.3, à l'impitoyable tranchant, au moins auriez-vous pu prendre le risque de défendre vos positions, le temps d'écouter les nôtres ! Vous avez manqué de lucidité et de courage. En écho lointain à Beaumarchais, je dirai qu'il n'est que les petits hommes pour craindre les petits débats.
En définitive, parce qu'il est le fruit infertile d'un monologue gouvernemental, d'un tête-à-tête avec vous-même et avec vos certitudes, votre budget est un mauvais budget, qui ne répond ni à l'urgence démocratique, ni à l'urgence sociale, ni à l'urgence environnementale. Par-dessus tout, il est d'une redoutable et implacable injustice, que nous ne cesserons jamais de dénoncer.
Que les Français, par notre voix, sachent ceci : vous allez faire payer le « quoi qu'il en coûte » aux classes populaires et aux classes moyennes. Vous le leur ferez payer en réformant les retraites, l'assurance chômage, le RSA ; vous réaliserez des économies sur le dos des chômeurs, des retraités, des malades, de l'école, de l'hôpital, des fonctionnaires. La santé, justement, verra cette année son budget baisser de 0,6 % : adieu les largesses du Ségur de la santé !
Que dire de l'éducation nationale, sinon que vous y poursuivez l'œuvre funeste du blanquerisme ? Encore une fois, vous réduirez le nombre de fonctionnaires, comme si le manque de moyens n'était pas criant. Aux dépens des collectivités territoriales, vous réaliserez des économies sur le dos des services publics, des transports, des cantines scolaires, des centres de loisirs, des crèches municipales, c'est-à-dire sur le dos des plus modestes qui, d'une manière ou d'une autre, se trouvent toujours sacrifiés. Ce que vous prétendez donner d'une main, vous finissez toujours par le reprendre de l'autre. La retraite à 65 ans est en cela la pire des brutalités faites à celles et ceux qui n'ont que leur travail pour vivre.
Madame la Première ministre, vous jouez un jeu bien dangereux avec nos institutions. Vous n'aimez pas le débat : vous aimez la reddition. Seulement, le compromis est une méthode, que vous avez été incapable de construire. Faites vivre ce parlementarisme de fait, que les Français nous ont imposé ; faites vivre la démocratie !
« Lorsque les majorités craignent de voir leur programme disparaître dans une embuscade, lorsque les minorités sont obligées de veiller l'arme au poing pour défendre leurs droits les plus légitimes, le temps se consume en escarmouches misérables ; on passe sa vie à faire faction devant des tentes immobiles ; on tourne dans un cercle sans horizon et sans air ; personne n'ose aller en avant. Il n'y a plus de place pour ces grandes et nobles batailles d'idées qui donnent du butin même aux vaincus. » Voilà ce qu'écrivait Eugène Pierre en 1902. Cent vingt ans plus tard, nous en sommes toujours là.
Puisque vous avez quelques jours de repos, madame la Première ministre, méditez donc cette phrase de Jaurès : « La démocratie française n'est pas fatiguée de mouvement, elle est fatiguée d'immobilité. » Tout cela ne peut pas durer cinq ans !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous y voilà, comme si le roman de cet automne budgétaire avait été écrit à l'avance : nous nous retrouvons ce samedi après-midi pour nous prononcer sur la dixième motion de censure déposée par les députés de la NUPES.
L'avantage avec vous, chers collègues de la NUPES, c'est que nous ne sommes jamais vraiment déçus, et encore moins surpris ! Ce n'est pas comme si vous ne nous aviez pas prévenus. Pour la dixième fois, nous voilà à écouter les mêmes discours, inlassablement débités par les pourfendeurs du Gouvernement, les soi-disant protecteurs héroïques des droits du Parlement face à un exécutif qui serait sourd à tout avertissement. Vous mettez toutes vos forces dans ce baroud d'honneur, que vous savez perdu d'avance. Mais qu'importe ! À vous entendre, vous êtes les défenseurs de la démocratie – d'ailleurs, vous êtes la démocratie.
Qu'importe le décalage si important entre vos paroles et vos actes. Qu'importe si vous êtes les premiers à faire de l'obstruction, à invectiver régulièrement chaque orateur du Gouvernement ou de la majorité qui aura l'outrecuidance de vous porter la contradiction dans cet hémicycle. Qu'importe si ces leçons de démocratie, que vous êtes si prompts à donner dès lors qu'elles sont filmées et diffusées, ne s'appliquent jamais dans les obscurs cénacles de vos organes de décision interne, comme le démontre l'actualité récente. Qu'importe la réalité de ce que vous avancez, des procès d'intention que vous faites, des indignations à géométrie variable auxquelles vous vous adonnez. Ce qu'il vous faut, c'est taper fort, faire du bruit et, si possible, avoir une capsule vidéo à partager sur les réseaux sociaux, avec des beaux sous-titres et des phrases chocs.
Je pourrais continuer longtemps ce réquisitoire contre vos positions, qui n'amusent plus grand monde. Nos concitoyens méritent mieux. Ils ne nous ont pas élus à l'Assemblée nationale, en juin dernier, pour que nous nous donnions en spectacle,…
…pour que nous participions au concours de la meilleure formule, pour qu'une fois de plus nous nous adonnions à ces débats stériles qui ne font plus vibrer personne, si ce n'est vous. Ils nous ont élus, chacun selon sa sensibilité politique, pour que nous participions à l'effort de redressement du pays et sans doute aussi à la qualité de la réflexion collective. Je veux donc leur rappeler que ce dixième acte fait en réalité partie d'une seule et même pièce : le vote d'un budget indispensable pour la sécurité sociale et pour l'État.
Je tâcherai d'aller à l'essentiel.
Premièrement, je tiens à dire à nos concitoyens que la situation actuelle n'est certes pas satisfaisante et que, bien sûr, déclencher le 49.3 n'est jamais la panacée. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, que nous soyons issus de la majorité ou de l'opposition, nous sommes tous ici des élus de la nation, attachés au débat et au rôle du Parlement. Nous sommes tenus de débattre dans un état d'esprit constructif, de trouver des compromis. Quand cela n'est pas possible, il est alors normal d'utiliser les outils prévus par la Constitution.
J'insiste, le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution n'est pas une sinécure. Simplement, nous avons constaté le refus des oppositions de discuter de manière constructive d'un budget pour notre pays. C'est votre droit le plus strict, chers collègues ; nous le respectons. Mais il faut le dire sans relâche : l'utilisation du 49.3 n'est que la conséquence de l'annonce faite par les oppositions, avant même que les débats ne s'engagent, de voter contre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale !
C'est le renforcement des politiques régaliennes que nous souhaitons assurer au travers du projet de loi de finances pour 2023. Les budgets de plusieurs ministères poursuivront leur montée en puissance, qu'il s'agisse de l'armée, de la justice, de l'intérieur ou de l'éducation nationale. Des efforts considérables sont consentis pour renforcer l'action régalienne de l'État. Ce budget, c'est plus de policiers, plus de gendarmes, plus de juges, plus de greffiers, plus d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), mais aussi des enseignants beaucoup mieux payés.
Dans le même temps, l'investissement en faveur de la transition écologique sera accentué grâce à l'engagement de crédits importants dans la rénovation thermique des bâtiments, dans les mobilités propres ou dans les énergies alternatives. La création d'un Fonds vert à destination des collectivités territoriales, doté de 2 milliards d'euros, renforcera le financement de la transition écologique, au plus près des territoires.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2023 s'inscrit dans un contexte de forte inflation, en particulier des prix de l'énergie, qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages et sur le fonctionnement des entreprises et des collectivités territoriales. Nos concitoyens, nos petites entreprises et nos collectivités subissent une hausse insupportable de leur facture de gaz et d'électricité. C'est pour les protéger que le bouclier tarifaire sera prolongé en 2023, limitant la hausse à 15 %. L'amortisseur électricité et un guichet d'aides apporteront un soutien nécessaire aux entreprises qui n'y seraient pas éligibles. Nous sommes toutefois conscients qu'il nous faudra sans doute aller plus loin.
Je veux dire un mot de l'accompagnement réservé aux collectivités locales, car j'ai entendu beaucoup de choses fausses proférées depuis cette tribune. Sur l'initiative du groupe Horizons et apparentés, un filet de soutien sera mis en place pour les collectivités…
…, avec des conditions simplifiées par rapport au dispositif voté cet été. Notre groupe a en effet souhaité instituer une aide à l'investissement des collectivités afin que celui-ci ne soit pas grevé par la hausse des coûts de l'énergie. Lorsqu'on regarde de près, le système fonctionne très bien.
Le dispositif, ciblé, vise à apporter la meilleure compensation possible, en prenant en compte l'augmentation tant des dépenses d'énergie que des recettes réelles de fonctionnement. Le Sénat avait acté le principe de ce filet de soutien, tout en assouplissant les critères d'accès. Je tiens à remercier les sénateurs pour leur travail de qualité, qui nous a permis, au moins sur ce point, d'aboutir à un dispositif complet et efficient. Notre groupe se félicite de la reprise, dans le texte final, de notre amendement de compromis qui intègre les principaux apports du Sénat tout en conservant les critères d'accès : le dispositif sera ainsi beaucoup mieux ciblé et conforme à son esprit originel.
Ce filet de soutien aux collectivités territoriales, ainsi que d'autres dispositions intégrées au texte par voie d'amendement et concernant la déduction pour épargne de précaution, l'aide à la filière bio, le report de deux ans de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, la définition des zones tendues, la revalorisation salariale des AESH à la rentrée 2023, le maintien de la capacité d'hébergement d'urgence ou encore le déploiement des téléphones grave danger pour les victimes de violences conjugales, montrent à quel point les députés du groupe Horizons et apparentés se sont pleinement mobilisés tout au long du débat parlementaire, aux côtés du Gouvernement, afin d'enrichir ce texte.
Nous ne voterons évidemment pas pour cette motion de censure : nous nous tenons, je le répète, aux côtés du Gouvernement, conscients des immenses défis qu'il nous reste à relever pour réformer le pays, permettre à chacun de vivre de son travail, protéger les plus modestes et accompagner la transition de notre système productif dans les révolutions du XXI
Je vous souhaite à tous de joyeuses fêtes de fin d'année, et dans un dernier élan vers le consensus, j'ajouterai : allez les Bleus !
Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
« Ensemble, je veux que nous redonnions un sens et une vertu au mot compromis » : cette phrase, madame la Première ministre, vous l'avez prononcée ici même, le 6 juillet. Par dix fois, vous avez échoué à suivre la ligne de conduite que vous vous étiez fixée ; par dix fois, vous avez préféré la brutalité au dialogue, esquivé le débat. En retour, l'examen de cette motion de censure nous vaut dix minutes de parole, arrachées en dépit du verrouillage de nos institutions – dix minutes pour vous rappeler sept mesures emblématiques des pistes de travail et tentatives de compromis élaborées par le groupe Écologiste – NUPES, pour démontrer aux Français que le budget de l'État aurait pu être tout autre.
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France d'une révolution ferroviaire. Depuis l'arrivée des lignes à grande vitesse, la France du rail décline : pour ne citer qu'un exemple, le Lyon-Grenoble est devenu aux heures de pointe un calvaire pour ses passagers entassés, victimes de retards trop fréquents et de rames trop peu nombreuses. Christine Arrighi, rapporteure spéciale du projet de loi de finances pour 2023 chargée des infrastructures et services de transport, l'a clairement exposé : sans un entretien suffisant des voies ferrées, il devient impossible de faire rouler les trains.
Mme Raquel Garrido et M. David Guiraud s'exclament.
Or vous avez rayé d'un trait de plume 3 milliards d'euros d'investissement en faveur du rail : pour vous, sa modernisation, son développement ne constituent clairement pas des priorités budgétaires.
Pour réaliser les dix RER métropolitains tant attendus, il va néanmoins vous falloir enfin mettre l'argent sur la table.
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France d'une politique visant à privilégier les transports collectifs. Le Sénat avait adopté un amendement émanant de nos collègues écologistes et prévoyant de réduire à 5,5 % le taux de TVA appliqué à ces transports : soit dit en passant, conserver cette mesure vous aurait permis d'appliquer l'une des nombreuses préconisations de la Convention citoyenne pour le climat que vous avez délaissées. Plutôt que de livrer la France aux cabinets de conseil, que vous payez des centaines de millions d'euros pour vous conforter dans une politique libérale, productiviste et inégalitaire, vous pourriez vous fier aux propositions émises par les parlementaires et les citoyens ! En 2021, lorsqu'elle a été recommandée, cette baisse de la TVA était pertinente ; aujourd'hui, elle est devenue indispensable.
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France d'un véritable bouclier tarifaire, le dispositif actuel étant socialement injuste et écologiquement irresponsable. Le choc énergétique touche plus fortement les ménages à faibles revenus, en raison du poids plus important des factures d'énergie dans leur budget. Or nombre d'experts et d'ONG – le Réseau action climat France, l'Institut des politiques publiques, le Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) – ont démontré qu'en vertu de votre bouclier tarifaire, les foyers les plus riches perçoivent deux fois plus de subventions que les plus pauvres. Ceux qui chauffent leur piscine en hiver reçoivent davantage…
…que ceux qui peinent à chauffer leur logement. C'est inacceptable ! Par conséquent, mon collègue Nicolas Thierry propose un bouclier tarifaire écologique, en d'autres termes une tarification progressive, qui permettrait de subvenir massivement aux besoins essentiels de nos concitoyens tout en cessant de financer le superflu.
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France d'un puissant levier en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Nous proposions en effet de consacrer à la rénovation des logements, à l'éradication des passoires thermiques, 7 milliards supplémentaires – mesure adoptée par l'Assemblée nationale grâce à ma collègue Eva Sas. Ces milliards, vous les avez fait disparaître.
Plus de 5 millions de passoires thermiques, c'est peut-être un détail pour vous, mais non pour les 12 millions de Français qui, en raison de votre incurie, se retrouvent abandonnés par l'État et continueront à souffrir de la précarité énergétique. Peut-être aussi l'objectif consistant à rénover 15 000 passoires thermiques par an vous semble-t-il ambitieux : pour les militants associatifs – depuis ceux, engagés de longue date, du Secours catholique ou de la Fondation Abbé-Pierre, jusqu'aux nouveaux venus de Dernière Rénovation –, c'est bien peu, bien trop peu. À ce rythme, les passoires thermiques disparaîtront de notre pays en 2352 ! Autant dire qu'entre-temps, les températures se seront envolées et que les plus jeunes, les plus modestes, auront encore une fois payé le plus lourd tribut à ce dérèglement.
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France de moyens supplémentaires pour ses cantines scolaires : croyez-moi, il est pourtant impossible d'apprendre le ventre vide ! Alors que le taux d'inflation explose, les collectivités locales se battent pour conserver leurs services publics de proximité. Devant la hausse des prix de l'énergie, vous leur avez proposé un mince filet de sécurité…
Ce filet, jugé insuffisant par beaucoup des maires que je rencontre, s'est révélé inopérant.
Protestations sur les bancs du Gouvernement.
Je ne savais pas que les membres du Gouvernement avaient le droit d'interrompre les orateurs !
Nous souhaitions que les collectivités bénéficient d'une compensation totale de la hausse des tarifs énergétiques : sachant que vous n'y consentiriez jamais, ma collègue Francesca Pasquini vous avait proposé, dans un esprit de compromis, de soutenir du moins en ce sens les écoles et les cantines scolaires – car, désormais, bien manger devient un luxe. Je vous invite à venir le constater avec moi. Sur le campus de Grenoble, j'ai vu 250 étudiants…
Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Madame la présidente, la Première ministre n'a pas le droit de parler ! C'est inadmissible.
Rendez-vous donc au Secours populaire de Saint-Martin-d'Hères, au siège de l'association Paniers solidaires, à Échirolles, où des retraités dans le premier cas, des familles dans le second, viennent chercher de quoi se nourrir. Aider les collectivités, les cantines scolaires, revient à soutenir ces foyers où l'on peine à faire trois repas par jour !
« Bravo ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France de l'argent dont elle a tant besoin. Notre école ne tient bon que grâce à la ténacité des équipes éducatives ; notre système judiciaire épuise ceux qui s'efforcent de le faire fonctionner ; notre hôpital s'effondre ; les services publics disparaissent des campagnes, s'éloignant des habitants. S'y ajoute le fait que les investissements en faveur de la transition énergétique sont dérisoires. En dépit de cette situation catastrophique, votre choix consiste à offrir aux grandes entreprises les 6 milliards qui font défaut partout ailleurs !
Madame la Première ministre, votre acharnement a privé la France d'un peu de justice. La suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), mesure dont seuls les plus riches ont tiré profit, résume à elle seule votre politique inégalitaire, où l'on demande beaucoup à ceux qui ont peu, bien peu à ceux qui ont beaucoup. Notre proposition est simple : rétablir l'ISF !
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
En outre, puisque nous sommes en 2022 et que toutes nos politiques doivent contribuer à la lutte contre le réchauffement, il conviendrait d'intégrer à ce nouvel ISF une composante climatique. Que le jet privé de Bernard Arnault pollue davantage que la R5 de mon grand-père
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
relève de l'évidence : ce qui est désolant, c'est que nous en soyons encore à devoir vous convaincre. Je ne sais pas dans quel monde vous vivez !
Madame la Première ministre, on se prend à rêver, sur les bancs de la NUPES, que pour la nouvelle année, vous décidiez d'accorder vos actes à vos discours en faveur du compromis. Je vous propose de prendre une résolution, une seule bonne résolution : vous, Élisabeth Borne, vous engageriez à ne plus escamoter la démocratie.
Par ailleurs, je souhaite assurer les Français qu'en 2023, la NUPES mettra plus d'ardeur encore dans son engagement, et ce dès le mois de janvier, afin de tenir en échec votre projet de retraite à 65 ans.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – Brouhaha.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan. Un peu de silence, chers collègues !
S'il vous plaît, pourriez-vous faire silence afin que nous écoutions le dernier orateur ?
Nous voici réunis en vue d'examiner une énième motion de censure. Reste, madame la Première ministre, que ces motions ne tombent pas du ciel : nous n'en serions pas là si, en appliquant pour la dixième fois l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, vous ne veniez pas de piétiner la représentation nationale.
Protestations sur les bancs du Gouvernement.
Les faits sont là, comme de plus en plus de Français, qui nous regardent, le savent : Emmanuel Macron et vous méprisez profondément les représentants de la nation, car vous ne supportez décidément pas d'être, depuis juin, minoritaires dans l'hémicycle.
Vous faites souffrir comme jamais le peuple français, car vous êtes incapables, pour résoudre les graves difficultés de notre pays, de prendre enfin les décisions qui s'imposent. Le cœur du problème réside dans votre obéissance à une Union européenne dont nul ne peut désormais ignorer la nature oligarchique et corrompue,…
…et qui joue ouvertement contre notre intérêt national. Si, en dépit de notre déficit commercial abyssal, vous vous révélez incapables, malgré vos beaux discours, de relocaliser les emplois, c'est parce que vous acceptez les conséquences de l'effarante naïveté dont fait preuve la Commission européenne en continuant de signer des accords de libre-échange quand la Chine, et maintenant les États-Unis, s'affranchissent de toutes les règles de l'Organisation mondiale du commerce. De même, votre incapacité à empêcher notre « submersion » – le terme est de Gérard Collomb – par les migrants s'explique par votre consentement à la politique européenne de suppression des frontières intérieures et de création d'un appel d'air.
Cependant, l'exemple le plus frappant, le plus révoltant, de cette incroyable servitude volontaire d'Emmanuel Macron à l'égard d'intérêts étrangers, réside dans la détermination du prix de l'électricité : un véritable scandale d'État ! C'est pourquoi je consacrerai les quelques minutes de parole qui me restent à ces dizaines de milliers d'artisans qui sont en train d'en mourir. Comment la France, qui produit l'électricité la moins chère d'Europe, peut-elle, je le répète, tuer ses entreprises, ses commerçants, ses bouchers, ses boulangers, en leur imposant un tarif européen exorbitant, artificiel, puisque indexé sur le gaz ? Ce n'est pas moi qui le dis, mais le site qui compare les prix de l'électricité au sein de l'Union européenne. Le 14 décembre, le mégawattheure coûtait ainsi 451 euros en France, contre 81 euros en Espagne et au Portugal.
M. Pierre Cazeneuve s'exclame.
Aujourd'hui même, l'écart est de 133 euros en faveur de ces deux pays. La raison en est simple : l'Espagne et le Portugal ont eu le courage de revenir à un prix national, fondé sur leurs coûts réels de production. Contrairement à ce que vous prétendez, cela ne les empêche nullement de rester interconnectés avec leurs voisins !
Pourquoi vous entêter à refuser de prendre cette décision de bon sens ? Pour obéir à l'Allemagne, à l'Union européenne ? Pour servir les intérêts des profiteurs ? En effet, n'est-il pas honteux de ne pas rétablir une tarification nationale de l'électricité, au lieu d'obliger EDF à vendre la sienne 46 euros le mégawattheure à des opérateurs privés qui rackettent ensuite les entreprises, leur revendant cette électricité dix ou vingt fois plus cher, si bien que, sans avoir fait l'effort d'investir à long terme, ils réalisent des bénéfices extravagants ?Quant à vous, vous leur laissez percevoir jusqu'à 180 euros par mégawattheure, et vous raflez ce qui dépasse cette somme afin de remplir les caisses de l'État. Que les choses soient claires : non contents de vous refuser à instaurer pour les PME, pour les artisans, un véritable bouclier tarifaire, non contents de ne leur accorder qu'une aide égale au quart de l'augmentation des prix, vous contribuez à leur faillite. Pendant ce temps, le gouvernement allemand prend en charge les factures de tous les ménages pour le mois de décembre et prévoit, dès le 1er janvier, de plafonner le prix de l'électricité à 130 euros le mégawattheure pour les entreprises. On marche sur la tête. Comment pouvez-vous consentir à organiser le sabotage de nos forces économiques ?
Il est temps de retrouver la maîtrise de notre destin, de défendre notre intérêt national comme le font l'Espagne, le Portugal et l'Allemagne, qui obtiennent des résultats – c'est peut-être pour cela que leurs dirigeants ont la confiance des citoyens. Seule l'adoption d'une motion de censure arrêterait Emmanuel Macron dans sa déconstruction de la France et l'obligerait à changer de cap, ou mieux encore à dissoudre, c'est-à-dire à demander au peuple français de trancher le conflit de légitimité entre lui et notre assemblée. Le plus tôt serait le mieux : chaque mois qui s'écoule en jeux politiciens dérisoires accroît le dégoût que ces derniers inspirent aux Français…
…et accélère la tiers-mondisation de notre pays. Mes chers collègues, il serait urgent de censurer le Gouvernement !
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Alors qu'en cette fin de semaine nous touchons au terme du délai constitutionnel pour l'examen du projet de loi de finances, le moment doit nous pousser, je crois, à un bilan.
Mais avant de dresser ce bilan, je voudrais vous dire à quel point j'ai été choquée par le ton de certains orateurs, en particulier par celui du député Guiraud.
Je ne sais pas si ses trémolos dans la voix sont surjoués ou s'il croit vraiment ce qu'il dit.
Peu m'importe, au fond, mais je voudrais vous dire quelque chose : croyez-vous vraiment que vous êtes ici les seuls représentants de la nation ?
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Croyez-vous que vous êtes les seuls à vous confronter à la détresse de nos concitoyens ? C'est insupportable, monsieur le député.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand on croit être les seuls à détenir la vérité, quand on dénie aux autres le droit de penser autrement,…
…c'est toujours le prélude à des périodes sombres.
Avant de rejoindre cet hémicycle, je travaillais avec le ministre délégué chargé de la ville et du logement, Olivier Klein, au renforcement de nos dispositifs d'hébergement d'urgence.
Je lui demandais d'accélérer la mobilisation de tous les moyens de l'État. C'est à cela que mon Gouvernement travaille. Permettez-moi de vous dire ,…
Brouhaha sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…mesdames et messieurs les députés de La France insoumise, que j'ai trouvé, comme souvent,…
…vos postures indécentes, aveugles sur la réalité et tellement simplistes qu'elles en deviennent indignes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout le monde est au travail ! Si c'est trop de travail, démissionnez !
Monsieur Corbière, s'il vous plaît ! Arrêtez d'interrompre sans cesse l'oratrice.
Rien que sur ce texte, six motions de censure ont été déposées et nous avons passé plus de vingt-cinq heures à les examiner plutôt qu'à débattre du texte.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Au total, sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire sur deux textes seulement, douze motions de censure auront été déposées, rabotant sans cesse le temps des débats.
Les historiens qui regarderont cette période…
…se demanderont sans doute ce que pouvaient contenir ces deux projets de loi pour qu'ils suscitent un tel acharnement à vouloir faire tomber le Gouvernement ,…
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
Un peu silence, s'il vous plaît, chers collègues ! Vous avez tous eu votre temps de parole et nous vous avons tous écoutés. Maintenant, c'est à Mme la Première ministre de répondre. C'est ainsi que se déroulent les débats sur une motion de censure. Si vous ne souhaitez pas que cela se passe ainsi, vous pouvez soit quitter l'hémicycle soit ne pas déposer de motion.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
…pour que sur une période de quelques semaines, sur seulement deux textes – je le rappelle – il ait été déposé plus de motions de censure que sous Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy réunis. Très vite, ils pourront écarter une première hypothèse : la faute au 49.3.
De 1988 à 1993, huit motions de censure avaient été déposées, pour trente-neuf recours à l'article 49.3.
Il ne s'agit donc en aucun cas d'une tradition parlementaire et encore moins d'un moyen de montrer son appartenance à l'opposition. Le degré d'opposition ne s'est jamais mesuré au nombre de motions de censure.
Par ailleurs, l'argument de la motion de censure comme rempart à un prétendu passage en force ne tient pas un instant. Il serait insensé de parler de passage en force dans une assemblée où le Gouvernement ne dispose pas de la majorité absolue et s'expose donc à être renversé si une majorité alternative devait exister.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, l'argument insoumis de la motion de censure en défense de la V
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Alors sans doute les historiens se pencheront-ils sur le contenu de nos débats. Ils verront que ce projet de loi de finances, par trois fois, a été adopté dans son ensemble par la commission des finances de cette assemblée.
Ils verront que le Gouvernement a laissé les débats se tenir le plus longtemps possible lors de la première lecture de ce texte. Et ils constateront, comme nous, que nous étions contraints par les délais constitutionnels lors de la nouvelle lecture. Je rappelle que ces délais s'achèvent aujourd'hui même.
Pour percer le mystère de ces motions de censure à répétition, les historiens regarderont sans doute le compte rendu intégral de nos débats. Pendant l'examen de ces motions de censure, de quoi avons-nous parlé ? De l'union parfois, et de la désunion souvent de la NUPES, sur la marche à tenir pendant ces débats,…
…ainsi que d'alliances de circonstance, contre-nature mais récurrentes, entre le Rassemblement national et La France insoumise pour tenter de faire tomber le Gouvernement.
Les historiens verront aussi les oracles du cher leader de La France insoumise qui, à défaut d'être sur ces bancs, commentait depuis son blog le cours des choses, injuriait ses alliés de la NUPES…
…et donnait la recette de la bonne motion de censure, celle qui peut être votée d'un extrême à l'autre de cette assemblée.
Brouhaha sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Mais je vous rassure, monsieur Guiraud, votre leçon de démocratie nous a émus.
On comprend que vous évoquez un monde dont vous rêvez pour vous-même, un monde où la démocratie pourra franchir les portes de La France insoumise. Nous l'espérons tous pour vous, ce jour où vos mots et vos actes seront peut-être en accord !
« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'ajoute que si certains chercheurs décident de ne pas s'arrêter au texte, mais de regarder la vidéo de nos échanges, ils constateront que, bien souvent, les hurlements du groupe censeur couvraient la voix de ceux qui prenaient la parole…
Les chercheurs chercheront votre nom : « Elle s'appelait comment, déjà ? »
…et que ceux qui prétendaient être les défenseurs de la démocratie étaient décidément ceux qui supportaient le moins le choix des urnes, les opinions contraires et le fait d'être mis face à leurs contradictions.
Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'éclairer ceux qui se pencheront sur cette période.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
Si La France insoumise a considérablement réduit le temps du débat, si La France insoumise a tant voulu que l'on parle de la méthode et surtout pas du fond du texte, c'est sans doute pour masquer une certaine gêne.
Une gêne, car ce texte répond aux aspirations des Français, aux besoins des plus précaires ,
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
aux attentes des collectivités et des entreprises, à la demande de soutien de nos services publics.
Mesdames et messieurs les députés de La France insoumise, vous avez préféré les censures à répétition comme un écran de fumée, pour masquer tous les progrès sociaux auxquels vous vous êtes opposés.
Et je comprends votre embarras car, quand on prétend défendre les enseignants, comment leur expliquer que vous rejetiez une hausse de 10 % voire de 20 % de leur salaire ?
C'est ça, la baisse du budget de l'éducation nationale, monsieur le président Vallaud ? Quand on prétend défendre l'inclusion des personnes en situation de handicap, comment expliquer que vous vouliez censurer une revalorisation de 10 % des AESH ?
Quand on prétend être l'avant-garde de la transition écologique, comment expliquer que vous refusiez un Fonds vert de 2 milliards d'euros pour les collectivités ? J'avoue, madame la présidente Chatelain, que votre aveuglement est stupéfiant. Vos leçons sentencieuses, et au fond méprisantes, me paraissent totalement déplacées.
Le réel vous agace car il ne correspond à vos schémas. Entre les bons et les méchants, il y a ceux qui agissent. Je serai toujours de ce côté-là !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Mesdames et messieurs les députés de la NUPES, quand on prétend défendre les magistrats, comment expliquer que vous refusiez une hausse de 8 %, soit 25 % en trois ans, du budget de la justice ?
Quand on prétend se battre pour l'égalité entre les femmes et les hommes, comment justifier de refuser une nouvelle hausse des crédits qui y sont consacrés ? Ces crédits ont doublé par rapport à 2017.
Et surtout, quand on prétend défendre les plus modestes, quand on revendique avec constance d'être les seuls légitimes à parler au nom du peuple, comment dire à nos concitoyens que vous refusez le bouclier tarifaire, ce bouclier qui limite à 15 % la hausse des prix du gaz et de l'électricité pour tous les ménages et s'accompagne d'un chèque énergie exceptionnel pour les 40 % de ménages les plus fragiles ?
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comment pourriez-vous dire aux travailleurs modestes que vous ne voulez pas de la prime de 100 euros face à la hausse des prix des carburants ? Comment pourriez-vous dire aux collectivités et aux entreprises que vous préférez que leurs factures d'énergie explosent ?
Monsieur Sansu, ce projet de loi de finances, ce ne sont pas des mots d'émotion, ce sont des actes concrets pour nos concitoyens, pour nos entreprises, pour nos collectivités.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Alors oui, puisque vous vous opposez avec tant de véhémence et de constance au progrès social, puisque vous tournez le dos à des avancées que vous promettez à vos électeurs, je comprends que vous préfériez débattre de vos motions de censure plutôt que du projet de loi de finances.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Brouhaha sur divers bancs.
Alors, mesdames et messieurs les députés de La France insoumise, que retiendront finalement les historiens ? Ils verront qu'à dix reprises, vous avez tenté de faire tomber le Gouvernement,…
…qu'à dix reprises, vous avez échoué, et qu'à dix reprises, vous avez fait l'éclatante démonstration de ce que nous savions tous : vous n'avez pas la majorité – confirmation, s'il en était besoin, de ce qu'ont décidé les électeurs au printemps 2022.
Vous non plus vous n'avez pas la majorité, c'est pour ça que vous utilisez le 49.3 !
Je sais que vous avez du mal à vous y résigner mais, ne vous en déplaise, les Françaises et les Français ont élu Emmanuel Macron Président de la République et, mesdames et messieurs les députés de la NUPES, vous êtes minoritaires !
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme de l'examen des textes financiers. Je regrette que nous n'ayons pas su, collectivement, trouver les voies et moyens d'un compromis au service de nos concitoyens.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Non, monsieur le président Vallaud, je ne me satisfais pas de cette situation mais vous aurez beau le répéter mille fois, nous n'avons foulé aux pieds ni la démocratie ni la représentation nationale.
« Si ! » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons mis en œuvre ce qui est notre responsabilité première : donner un budget à la France.
Il y avait pourtant un chemin entre le soutien au Gouvernement et la motion de censure systématique. Mais je suis lucide.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les élections sont encore proches, c'était la première fois que nous examinions le budget avec cette configuration à l'Assemblée nationale.
Notre méthode se construit, elle avance. Nous devrons tirer les enseignements de cette période – chacun devrait le faire.
J'ai parfois le sentiment, mesdames et messieurs les députés de la NUPES, que le confort de la critique vous exempte facilement de toute démarche d'autocritique.
Nous devrons toutes et tous, Gouvernement, majorité et oppositions, trouver les moyens de dialoguer plus, de dialoguer mieux, de débattre plus longtemps des textes et, pourquoi pas, d'arriver à construire un budget ensemble.
Pour l'heure, l'urgence est au pouvoir d'achat, au combat pour le plein emploi, à la transition écologique,…
…à la lutte pour l'égalité des chances et à la protection de nos souverainetés. La France a besoin d'un budget et, avec mon gouvernement, nous avons pris nos responsabilités.
Mmes et MM. les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin et que le vote se déroule dans les salles voisines de l'hémicycle.
Le scrutin est ouvert pour trente minutes : il sera clos à dix-huit heures.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-huit heures.
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l'adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l'Assemblée 288
Pour l'adoption 101
La majorité requise n'étant pas atteinte, la motion de censure n'est pas adoptée.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2023 est considéré comme adopté en lecture définitive.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Prochaine séance, lundi 9 janvier 2023, à seize heures :
Questions sur le thème : « Comment massifier la rénovation thermique ? » ;
Débat sur la réforme de la voie professionnelle.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures deux.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra