La réunion

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La réunion commence à vingt-et-une heures quinze.

La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

Article 5 (suite) : Définition et conditions d'accès de l'aide à mourir

Amendements CS34 de Mme Emmanuelle Ménard, CS649 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS1019 de M. Thibault Bazin, CS1422 de M. Pierre Dharréville et CS948 de Mme Mireille Clapot (discussion commune)

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La rédaction actuelle de l'alinéa 1 prête à confusion. C'est regrettable, dans la mesure où c'est sur l'article 5 que repose le dispositif. La notion d'aide à mourir désigne deux réalités bien différentes : le suicide assisté d'une part, l'euthanasie d'autre part. Pourquoi ne sont-elles pas explicitées ici ? Nous devrions avoir le courage de nommer la réalité telle qu'elle est et non telle que nous voudrions qu'elle soit.

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Nous proposons une réécriture de l'alinéa 1 qui ne hiérarchise pas les modalités d'administration de la substance létale – suicide assisté et euthanasie – et qui exclue l'intervention d'une tierce personne volontaire. L'alinéa serait ainsi rédigé : « L'aide à mourir signifie la prescription et l'assistance à l'administration d'une substance létale à une personne qui en exprime la demande par un médecin ou un infirmier, dans les conditions déterminées au titre II de la présente loi. »

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Vous avez dit, madame la ministre, que le dispositif proposé se rapproche de ce qui a été mis en place dans l'Oregon. Je crois quant à moi que ce projet de loi est plus large, dans la mesure où il prévoit aussi l'euthanasie, ce qui n'est pas le cas dans l'Oregon. En outre, dans cet État, la demande écrite doit être rédigée devant deux témoins, donc dans un cadre plus strict que ce qui est prévu en France.

J'ai bien compris que ce n'est pas la codification qui soulève des problèmes constitutionnels et conventionnels, mais le projet de loi en lui-même – je vous remercie de l'avoir souligné ! Je m'interroge sur la possible contradiction entre cette codification et l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, l'aide à mourir ne pouvant être considérée comme un acte thérapeutique.

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Le Conseil d'État entend l'expression « aide à mourir » dans un sens extensif, visant des pratiques autres que l'assistance au suicide et l'euthanasie telles que les soins palliatifs ou d'autres formes d'accompagnement. Il constate néanmoins que « le projet de loi crée une procédure autorisant l'assistance au suicide et l'euthanasie à la demande de la personne ». Je propose simplement que l'on nomme les choses.

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Nous proposons de réécrire l'alinéa 1 en déresponsabilisant pénalement, au sens de l'article 122-4 du code pénal, la personne qui met à disposition ou administre la substance létale dans un cadre strictement déterminé par les modalités prévues aux articles 6 à 11. Vous remarquerez que je n'ai employé ni le terme « euthanasie » ni l'expression « suicide assisté ».

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Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. La notion d'aide à mourir présente l'intérêt d'englober les deux modalités de mise en œuvre.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Les amendements CS34 et CS649 mettent sur le même plan l'auto-administration de la substance létale et l'intervention d'un tiers. Telle n'est pas l'intention du Gouvernement, qui souhaite au contraire affirmer que l'auto-administration est la règle et l'intervention d'un tiers l'exception.

L'amendement CS1019 tend en réalité à réécrire l'article 5 dans son intégralité. L'article L. 1110-5 du code de la santé publique, auquel M. Bazin fait référence, vise à permettre à chacun de voir sa douleur soulagée. Il n'est donc pas en contradiction avec le présent projet de loi.

Quant à l'amendement CS1422, il vise à préciser que l'expression « aide à mourir » renvoie au suicide assisté. C'est un sujet dont nous avons déjà beaucoup parlé.

Enfin, la formulation proposée par l'amendement CS948 vide de son sens la portée de l'article : elle lève la responsabilité pénale de la personne désignée qui met à disposition une substance létale, mais pas celle de la personne chargée de l'administration du produit, ce qui limite l'aide à mourir au suicide assisté.

Avis défavorable à ces cinq amendements, donc.

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Je soutiens l'amendement de Mme Battistel. Ce texte a pour ambition de consacrer une liberté de choix dans la façon d'envisager sa fin de vie. Je ne comprends pas que l'on ne mette pas cette idée en application jusqu'au bout en laissant au patient le choix de la méthode utilisée. Pourquoi le contraindre à s'administrer lui-même la substance lorsqu'il est en mesure de le faire ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS293 de M. Fabien Di Filippo, CS356 de M. Patrick Hetzel et CS1660 de M. Christophe Bentz, amendements CS1273 de M. Benoît Mournet, CS999 de M. Thibault Bazin et CS128 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques CS452 de M. Yannick Neuder et CS726 de Mme Annie Genevard, amendements CS854 de M. Julien Odoul, CS265 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS1669 de M. Christophe Bentz (discussion commune)

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Compte tenu du changement anthropologique entrepris, il est important que nous qualifiions correctement les actes qui seront mis en œuvre. Tel est l'objet de notre amendement CS293.

Je réitère ma question, madame la ministre, sur la contradiction entre le texte et l'article L. 1110-5 du code de la santé publique.

Il faudra par ailleurs approfondir l'étude d'impact, tant l'on s'est éloigné de ce qui avait été imaginé initialement.

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Je propose moi aussi d'inscrire dans le texte les termes « suicide assisté » et « euthanasie », que la Convention citoyenne sur la fin de vie a explicitement utilisés.

Le dispositif mis en place dans l'Oregon est souvent évoqué, alors que ce que prévoit le présent texte, c'est non seulement ce dispositif-ci, mais couplé à celui de la Belgique ! Quoi qu'il en soit, l'expérience a montré que dans l'Oregon, les personnes à faible revenu étaient surreprésentées parmi les candidats au suicide assisté et que les problèmes financiers occupaient une place croissante dans leurs motivations. L'absence d'étude d'impact à ce sujet est très ennuyeuse : les questions de nature strictement sociologique sont essentielles et doivent nous interroger. Nous ne devons pas oublier que la fraternité consiste à se soucier de ses concitoyens, sans quoi l'on s'éloigne de préoccupations éthiques.

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L'amendement CS1660 vise également à restaurer une sémantique de vérité – j'en ai déposé des dizaines tout au long du titre II, car nous ne lâcherons rien en la matière.

D'abord, la plupart des pays du monde et la quasi-totalité des pays d'Europe ayant légalisé l'euthanasie ont utilisé ce terme. C'est le cas de nos voisins belges et espagnols, dont la culture est très proche de la nôtre. Pourquoi ne devrions-nous pas employer nous aussi les bons mots ?

La plupart des personnes auditionnées – soignants, représentants de cultes ou de loges maçonniques –, qu'elles soient favorables ou non au texte, ont clairement exprimé la nécessité de légiférer en utilisant les bons termes. De nombreux députés de la majorité comme de l'opposition vous l'ont sans doute dit aussi. En tant que législateur, nous devons au moins faire preuve de précision dans l'esprit et dans les mots. Quand allez-vous tenir compte de ce que nous vous disons ?

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Lors d'une rencontre citoyenne que j'ai organisée récemment, j'ai constaté que les participants souhaitaient unanimement que les choses soient dites telles qu'elles sont prévues. Aussi mon amendement vise-t-il à mentionner les termes « euthanasie » et « suicide assisté » dans le texte.

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Mon amendement est un amendement de clarification.

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Dans son avis, le Conseil d'État a souligné que l'aide à mourir pouvait être entendue comme « la légalisation, sous certaines conditions, de l'assistance au suicide et, dans l'hypothèse où la personne n'est pas en mesure physiquement de s'administrer elle-même la substance létale, de l'euthanasie à la demande de cette personne ». Ce dispositif n'est pas intelligible, car la même expression désigne deux actes différents que d'autres législations – en Suisse ou dans l'Oregon, par exemple – distinguent.

La confusion entretenue par l'expression « aide à mourir » est éminemment politique. Cette expression a d'abord été employée par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), partisane de l'euthanasie et du suicide assisté. Pour Michel Castra, professeur de sociologie à l'université de Lille, elle a permis à l'association de faire avancer ses idées sur la scène médiatique. Il souligne que « l'expression euphémise considérablement la réalité qu'elle désigne, et peut donc désigner des choses diamétralement opposées ».

Nous refusons de mentir aux Français et de leur cacher ce qui les attend avec ce projet de loi. Par notre amendement de repli CS128, nous proposons donc de remplacer les mots « l'aide à mourir » par les mots « le suicide assisté ».

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Mon amendement vise également à remplacer les mots « l'aide à mourir » par les mots « le suicide assisté ». Je ne mentionne pas l'euthanasie, considérant qu'elle relève également d'une démarche de suicide assisté par un tiers. Cette formulation lève la prévention que l'on peut avoir à l'égard d'un terme souillé par l'histoire – je reprends vos mots, monsieur le rapporteur général. J'ajoute que vous n'avez pas réagi au fait que, dans l'étude d'impact, les mots « suicide assisté » apparaissent vingt-huit fois. Pourquoi sont-ils admissibles dans l'étude d'impact et pas dans le texte lui-même ?

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L'amendement CS854 vise à substituer aux mots « aide à mourir » le terme « euthanasie », qui désigne, aux termes de l'étude d'impact, « un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable ». Dans un souci d'honnêteté intellectuelle, et pour pouvoir aborder les sujets de fond, il est nécessaire d'adopter la sémantique qui convient.

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Qu'elle soit active ou médicale, l'aide à mourir n'est rien d'autre qu'une euthanasie ou un suicide assisté. Or l'euthanasie impose de transgresser un interdit fondateur de notre civilisation : celui de tuer.

Les demandes d'euthanasie sont surtout des appels à l'aide, des demandes de soins et de vie. Les personnes en fin de vie ont besoin de notre soutien inconditionnel.

La légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté soulève enfin la question de la pénalisation de la non-assistance à personne en péril et de la provocation au suicide. Le deuxième alinéa de l'article 233-6 du code pénal impose une obligation de solidarité.

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Puisque vous avez du mal à nous entendre lorsque nous nous plaçons dans le registre de la langue française, madame la ministre, je vais aller sur le terrain politique.

En tant que parlementaires, nous devons rendre les sujets techniques compréhensibles par les Français, ce qui exige l'usage de termes adaptés. Pour vous, l'aide à mourir ne serait ni le suicide assisté ni l'euthanasie. Vous ajoutez que le dispositif prévu ne correspond pas à un modèle euthanasique, dans la mesure où une personne extérieure n'interviendrait que si la personne ne pouvait plus physiquement s'administrer le produit létal. Ce ne serait pas non plus, selon vous, l'autorisation de se suicider, dans la mesure où le respect de conditions strictes – le passage d'un examen médical, notamment – est exigé. Ce ne sont pas nos mots, mais puisque vous le dites, allons jusqu'au bout : inscrivons dans la loi le fait que l'aide à mourir n'est ni le suicide assisté ni l'euthanasie ! Tel est l'objet de notre amendement CS1669.

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Ce sont des sujets que nous avons déjà abordés, et je réitère mon avis défavorable.

On peut bien sûr comparer le droit et les pratiques des différents États en matière d'aide à mourir – c'est d'ailleurs ce qui a été fait. Les différences entre notre système de santé et celui des États-Unis rendent en revanche totalement inopérantes les comparaisons sociologiques avec l'Oregon. Peut-être le faites-vous pour servir vos arguments, monsieur Hetzel, mais je ne pense pas que l'on puisse affirmer que le recours à l'aide à mourir serait un geste de désespoir des personnes les plus modestes.

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Catherine Vautrin, ministre

Dans l'Oregon, le patient se voit prescrire par ordonnance une dose létale de médicament. Il doit au préalable faire deux demandes orales à son médecin, à quinze jours d'intervalle, et une requête écrite en présence de deux témoins. En 2021, 97,5 % des personnes ayant demandé à recourir au suicide assisté bénéficiaient de soins palliatifs. La loi américaine ne prévoit aucune surveillance ou réglementation distincte de ce qui est fait pour d'autres soins médicaux. Le modèle est donc différent du nôtre.

S'agissant de la Convention citoyenne, elle a été amenée à se prononcer sur des concepts et non sur les termes en tant que tels. On ne peut pas lui faire commenter un texte qui n'existait pas lorsqu'elle s'est réunie, en 2023.

Quant à l'étude d'impact, il n'est pas abscons d'y trouver les termes « suicide assisté » et « euthanasie », ne serait-ce que parce qu'elle contient des éléments de comparaison avec d'autres droits.

Enfin, il me semble effectivement important d'être honnête intellectuellement et de dire aux Français ce qui les attend. Disons-leur, justement, que le titre II n'oblige aucun patient à recourir à l'aide à mourir, mais ne fait que la proposer. Lisons le texte tel qu'il vous est proposé aujourd'hui : quelqu'un qui refuse l'aide à mourir aura le droit de ne pas y recourir ! Ne commençons pas à raconter autre chose que la vérité – ce n'est pas moi qui ai parlé de « sémantique de vérité » ! Les mots ont un sens. Travaillons sur le texte, rien que le texte.

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Notre groupe votera évidemment contre ces amendements.

L'exposé des motifs de l'amendement CS293 indique à tort que « le geste létal serait réalisé au choix par le patient lui-même, un proche, les infirmiers ou les médecins ». Ce libre choix laissé au patient, quand bien même il serait en état de s'administrer la substance létale, était en effet ce que je défendais dans mon amendement précédent, qui n'a pas été accepté. Mme la ministre a redit, d'ailleurs, que la philosophie du texte n'était pas la même que la nôtre.

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À l'instar de M. Mournet, j'organise actuellement des débats citoyens. Or, qu'ils soient favorables ou non au projet de loi, la totalité des participants utilisent les termes « suicide assisté » et « euthanasie ». Pendant nos longues heures de débat, personne ne parle d'« aide à mourir ». Quand bien même je suis favorable au titre II, je vous invite à employer les mêmes termes que ceux qui sont utilisés dans tous les autres pays, car ils sont compréhensibles par tous. Pour que la loi soit claire, assumons d'utiliser ces termes !

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Je suis surprise et déçue par l'obstination désespérée dont font preuve nos collègues des groupes Les Républicains et Rassemblement National – même si, de la part de l'extrême droite, cette attitude m'étonne moins. Vous avez tellement peu d'arguments à opposer à notre projet de loi que vous insistez sur les seules définitions !

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Mme la ministre indique que 97,5 % des personnes ayant demandé le recours au suicide assisté dans l'Oregon bénéficiaient de soins palliatifs. Or il me semble – je n'ai plus les chiffres exacts en tête – que 50 % seulement des patients obtenant l'ordonnance pour la délivrance du produit létal vont le chercher, et que 20 à 30 % uniquement le prennent. Cela montre que le suicide assisté reste une possibilité offerte aux gens, à laquelle ils ne recourent pas nécessairement. Soyons factuels et distinguons bien l'obtention de l'ordonnance de la prise du produit.

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L'exemple des Pays-Bas étant souvent évoqué, je voudrais signaler que la loi qui y a été adoptée le 12 avril 2001 – la première en Europe – ne comporte ni le terme d'euthanasie ni celui de suicide. Son intitulé évoque l'interruption de vie sur demande et l'aide à la mort par soi-même – zelfdoding, en langue néerlandaise, alors que le suicide est désigné par un terme différent, zelfmoord.

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Lorsque j'organise des réunions citoyennes sur le sujet, je constate toujours, pour commencer, que personne ne définit le suicide assisté et l'euthanasie de la même façon. J'explique alors aux participants que le premier terme renvoie à la loi suisse tandis que le second renvoie à la loi belge, et qu'il pourrait être intéressant d'utiliser un nouveau mot pour la loi française – par exemple, « aide à mourir ». Ils comprennent ce choix et, durant le reste de la réunion, il n'est plus question de sémantique mais uniquement du contenu du projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS994 de Mme Frédérique Meunier

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Vous avez souligné tout à l'heure, madame la rapporteure, que l'aide à mourir était un droit sécurisé et encadré. Quant à vous, madame la ministre, vous avez reconnu qu'il s'agissait d'un nouveau droit ouvert sous conditions. Précisons donc clairement dans le texte que l'aide à mourir est un droit.

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Je donne un avis défavorable à cet amendement, même si j'en comprends le sens. L'aide à mourir est un droit, c'est vrai, mais pas seulement : c'est aussi une liberté. La modification proposée pourrait être source d'ambiguïté, car le texte ne vise pas à faire de l'aide à mourir un droit absolu ouvert à tous : il prévoit un cadre et des critères.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis. Il s'agit d'un droit sous conditions.

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Nous voterons cet amendement. Similaire à notre amendement CS648, que nous avons retiré tout à l'heure pour le retravailler, il correspond tout à fait à ce que nous souhaitons.

Pour nous, la création d'un droit n'exclut pas la liberté. Chacun choisit de l'exercer ou non. Le texte ouvre un droit à tous et toutes, sous réserve de satisfaire à certaines conditions. Mieux vaut le dire clairement.

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Un droit peut tout à fait être accessible sous conditions. Chacun a le droit de conduire sous réserve d'avoir plus de 18 ans. Chacun a le droit de voter pourvu qu'il s'inscrive sur les listes électorales. Le texte ouvre bien un nouveau droit, assorti de critères. Mieux vaut le dire.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS470 et CS471 de M. Yannick Neuder (discussion commune)

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J'aimerais revenir sur le volume et le périmètre de l'aide à mourir. Il ne s'agit pas de livrer une bataille de chiffres ni de brandir des chiffres pour faire peur à quiconque. Toutefois, selon qu'elles se fondent sur le modèle de l'Oregon, sur celui de la Belgique ou des Pays-Bas ou sur d'autres encore, l'étude d'impact et les simulations identifient 100 à 25 000 personnes concernées. Plus généralement, il est très difficile d'extrapoler les chiffres.

Si nous légiférons pour une centaine de cas, le risque de dérive est supérieur au bénéfice. Si nous légiférons pour un effectif de 25 000 patients, qui demeure mal évalué, cela présente un intérêt plus évident. En outre, nous ne savons pas comment les patients et la communauté des soignants s'approprieront les nouvelles dispositions, si elles sont adoptées.

Une voie de passage pourrait être de prévoir une expérimentation pour une durée limitée, par exemple de deux ans, permettant d'évaluer correctement, en disposant du recul nécessaire, le nombre de demandes, les circonstances dans lesquelles elles sont formulées et la façon dont elles sont satisfaites. Nous pourrions ensuite légiférer à la hausse ou à la baisse en fonction des résultats de l'expérimentation. Une telle démarche est une spécificité française.

Transposer un modèle étranger à la situation française n'est pas le choix du Gouvernement. Faut-il pour autant se priver de garde-fous ? Il s'agit de prévoir une période évitant toute exposition inutile à des dérives sociétales et permettant le déploiement tant demandé des soins palliatifs pour tous et partout. Une telle voie de passage offre une période de transition permettant de trouver un consensus sur un sujet difficile.

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Avis défavorable.

Je comprends l'intérêt de la démarche, mais elle est inapplicable s'agissant d'une loi de bioéthique de cette ampleur. Je sens, cher collègue, que vous vous engagez sur le chemin de l'acceptation des dispositions du projet de loi...

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Catherine Vautrin, ministre

Je comprends ce qui fonde votre analyse. Le projet de loi prévoit la création d'une commission de contrôle et d'évaluation, qui produira un rapport annuel. Le suivi de l'application de la loi est donc prévu.

Par ailleurs, l'une des grandes différences entre le modèle de l'Oregon et le nôtre est que, même si nous prévoyons une ordonnance médicale, nul ne se procurera la substance létale par lui-même. Par conséquent, nul ne sera seul chez lui avec le produit.

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Ces amendements rappellent que nous n'avons pas pris la mesure de l'impact des dispositions que nous examinons. L'alinéa 1 de l'article 5 prévoit l'intervention d'une personne volontaire ; l'article 11 indique que cette dernière est désignée « lorsqu'aucune contrainte n'y fait obstacle ». Pourquoi cette précision est-elle absente de l'article 5 ? Est-ce en raison des dispositions du code pénal ?

La substance létale peut aussi être administrée par un médecin ou un infirmier, comme dans l'Oregon. Or les articles R. 4127-38 et R. 4312-21 du code de la santé publique interdisent respectivement aux médecins et aux infirmiers de provoquer délibérément la mort. L'alinéa 1 de l'article 5 est-il compatible avec ces dispositions réglementaires ? Sinon, prévoyez-vous de les abroger ?

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Certes, nous ne mesurons pas l'effet des dispositions que nous examinons, mais avons-nous une idée de l'impact de ce que prévoient ces amendements sur les personnes en attente d'une évolution du droit s'agissant de l'aide active à mourir ?

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Le sujet dont nous parlons est grave. Personne ici ne souhaite qu'un individu souffre tellement qu'il ait envie de se donner la mort. En ce sens, nous ne recherchons pas le succès du présent projet de loi.

Sur quoi porte l'expérimentation proposée ? Si peu de gens recourent à l'aide à mourir, y mettra-t-on un terme en considérant qu'il s'agit d'un échec ? Faudra-t-il espérer que beaucoup de gens aient envie de se donner la mort et souffrent beaucoup pour aller au bout de l'expérimentation et la renouveler ?

J'espère, sans doute comme beaucoup d'autres, que les dispositions du présent projet de loi seront peu utilisées. Que nous légiférions pour une minorité n'enlève rien à l'importance du sujet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1103 de M. Cyrille Isaac-Sibille

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Plutôt que d'autoriser l'aide à mourir, je propose de la dépénaliser. Simone Veil, il y a cinquante ans, a eu l'intelligence et la subtilité de dépénaliser l'interruption volontaire de grossesse (IVG) plutôt que l'autoriser.

Dépénaliser permet de diminuer la pression pesant sur les médecins. Il ne faut pas se raconter d'histoires : l'aide à mourir est pratiquée dans les établissements de santé. Le problème est qu'elle repose sur les médecins. En supprimant les mots « à autoriser et », nous pouvons inverser les choses. Cette proposition est susceptible de faire consensus.

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Avis défavorable.

Il semble insuffisant d'indiquer que l'aide à mourir consiste uniquement à « accompagner » la mise à disposition d'une substance létale. Cette mise à disposition doit être clairement autorisée. À défaut, tous les doutes seront permis sur la manière dont la personne demandeuse pourra se la procurer.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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Du point de vue juridique, la proposition de dépénaliser l'aide à mourir offre un nouvel exemple des effets de bord du présent projet de loi, dont certains utiliseront les dispositions à des fins crapuleuses. La dépénalisation réduit à néant l'élément intentionnel de l'infraction. Les avocats de celui qui aura détourné la loi mettront en avant le respect de la procédure, l'absence de tout élément intentionnel empêchant toute poursuite. Il est donc très dangereux de s'engager dans cette voie. S'il faut adopter une disposition, c'est l'autorisation, certainement pas la dépénalisation.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1392 de Mme Maud Petit

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Cet amendement rédactionnel vise à clarifier le propos en déplaçant quelques mots. Il me semble assez étonnant d'accompagner une mise à disposition – on accompagne la personne qui en a exprimé la demande. Je propose donc de rédiger ainsi le début de l'alinéa 1 : « L'aide à mourir consiste à autoriser la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d'une substance létale, et à l'accompagner dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11 ».

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Vous proposez de dissocier la mise à disposition de la substance létale de l'acte d'accompagnement. Or l'aide à mourir n'est pas simplement la mise à disposition d'une substance létale ; elle inclut la mise en œuvre d'un accompagnement du patient en fin de vie tout au long de sa maladie et de la procédure.

Votre amendement étant contraire à l'esprit de la loi, je vous demande de le retirer, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

L'aide à mourir n'est pas simplement la mise à disposition d'une substance létale ; elle se traduit aussi par la mise en œuvre d'un accompagnement du patient en fin de vie tout au long de sa maladie et de la procédure.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS934 de Mme Cécile Rilhac

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Cet amendement m'a été inspiré par l'évocation, lors de nos auditions, des dispositions en vigueur dans l'Oregon.

L'alinéa 1 de l'article 5 comporte une ambiguïté. Il définit l'aide à mourir en autorisant et en accompagnant le suicide assisté ou l'euthanasie – je pèse mes mots – grâce au recours à une substance létale. Cette dernière n'est pas seulement mise à disposition.

Dans l'Oregon, au contraire, la loi autorise le suicide sur ordonnance sans aucun accompagnement : elle prévoit la simple mise à disposition d'une substance létale ingérable. Les études disponibles font état de nombreuses personnes qui, dans ce cadre, se sont donné la mort dans la solitude la plus absolue, en agonisant parfois plusieurs heures ou voire plusieurs jours. Dans certains cas, le produit létal n'a pas eu d'effet immédiat, mais personne n'était physiquement présent aux côtés du demandeur.

Le législateur, comme le Gouvernement, ne s'inscrit pas dans cette logique de simple mise à disposition d'un produit létal, mais dans une logique d'accompagnement des personnes décidées à abréger leurs souffrances, dans un acte fraternel et solidaire. C'est pourquoi je propose de remplacer la notion de mise à disposition du produit létal par celle de recours à ce produit.

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L'amendement me semble procéder d'un malentendu. Vous savez, madame Rilhac, que nous n'adopterons pas le modèle de l'Oregon. L'article 5 ne prévoit aucunement d'isoler la personne, mais au contraire de l'accompagner jusqu'à l'administration de la substance létale, par elle-même ou, si elle n'est pas en mesure de le faire, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire. L'idée est de l'accompagner jusqu'au bout, jusqu'au geste ultime, absolument pas de la laisser dans un isolement qui n'est conforme ni à l'esprit ni à la lettre du projet de loi.

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Catherine Vautrin, ministre

L'alinéa 1 de l'article 5 dispose que l'administration de la substance létale a lieu « dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11 ». L'article 11, par exemple, décline la procédure à laquelle doit se conformer « le médecin ou l'infirmier chargé d'accompagner la personne ». Les articles 6 à 11 décrivent le déroulement de la procédure et prévoient l'accompagnement de la personne. Nul ne sera laissé seul avec le produit létal.

Avis défavorable.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CS1928 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Amendements identiques CS275 de Mme Sandrine Dogor-Such et CS357 de M. Patrick Hetzel

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Mon amendement vise à remplacer les mots « une personne » par les mots « un patient en phase terminale ». Cette rédaction est plus conforme au titre du projet de loi, où figure l'expression « fin de vie » alors que le dispositif actuel ne vise pas la fin de vie. Il s'agit donc de lever une ambiguïté.

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Si le projet de loi concerne certes des personnes, il faut être plus précis pour limiter la portée de ses dispositions. On nous indique qu'il comporte des garde-fous et que certaines lignes rouges éthiques ne seront pas franchies. Il convient donc de préciser que le texte concerne spécifiquement des patients en phase terminale.

Pourquoi recourir à une désignation générique et non à l'expression plus précise « patient en phase terminale » ? Celle-ci garantit que l'aide à mourir ne sera pas ouverte au-delà de ce que souhaitent le Gouvernement et le législateur.

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Avis défavorable.

L'article 6 prévoit que les patients susceptibles d'accéder à l'aide à mourir doivent être atteints d'une affection grave et incurable engageant leur pronostic vital à court ou moyen terme. L'expression « patient en phase terminale » suggère qu'il s'agit uniquement du court terme. Aussi votre amendement est-il contraire aux critères prévus par le projet de loi.

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Catherine Vautrin, ministre

Avis défavorable.

Un patient en phase terminale relève concrètement du court terme. Or, tel qu'il vous est proposé, le texte englobe le court terme et le moyen terme : c'est pourquoi il recourt à la notion plus large de personne.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS125 de Mme Marie-France Lorho

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Dans le point 9 de son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État rappelle la disparité des législations en vigueur en Europe sur le suicide assisté et l'euthanasie. Par-delà les spécificités reflétant des différences de conception éthiques et sociales, il identifie quatre caractéristiques communes : le patient doit être dans une situation médicale sans issue, faire état d'une souffrance physique ou psychique insupportable, être capable de discernement au moment de la formulation de sa demande et exprimer de manière libre sa volonté de mourir.

Tel qu'il est rédigé, l'article 5 fait voler en éclats des éléments éthiques auxquels tous les pays appliquant une telle législation ont refusé de porter atteinte. Si toute « personne qui en a exprimé la demande » peut avoir recours au suicide assisté ou à l'euthanasie, alors nous risquons d'observer une recrudescence de demandes de personnes qui ne peuvent accéder aux soins palliatifs et renonceront à vivre par défaut.

Par ailleurs, que dit cette formulation aux personnes vulnérables ou handicapées qui, désespérées par leur situation et se sentant coupables de peser sur les leurs, choisiront d'abréger leur vie parce que la société les y invite ?

Pour toutes ces raisons, mon amendement vise à substituer aux mots « qui en a exprimé la demande » les mots « atteinte d'une maladie physique incurable ».

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Avis défavorable.

L'accès à l'aide à mourir repose sur l'expression d'une demande et d'une volonté libre, éclairée et répétée d'un patient atteint d'une maladie incurable. Votre amendement supprime la nécessité, pour la personne, d'exprimer une demande d'aide à mourir, ce qui est inquiétant.

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Catherine Vautrin, ministre

Avis défavorable.

L'adoption de cet amendement aurait pour effet de modifier les conditions requises pour accéder à l'aide à mourir telles qu'elles sont définies à l'article 6 du projet de loi. Elles prévoient notamment que le pronostic vital de la personne doit être engagé à court et moyen terme. La suppression de l'un des premiers impératifs pour accéder à l'aide à mourir est contraire à la position des auteurs de l'amendement.

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J'espère qu'il ne s'agit que d'une erreur de rédaction. L'amendement ne se contente pas d'ajouter le critère de maladie incurable, il l'inscrit dans la loi en lieu et place de l'expression de la demande ! Il est paradoxal que ceux-là mêmes qui s'opposent au droit à mourir dans la dignité pour qui le souhaite soient disposés à laisser des gens qui n'en veulent pas acquérir le produit létal. Cet amendement, s'il ne résulte pas d'une erreur due à une rédaction trop rapide, est inquiétant.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS184 et CS185 de M. Philippe Juvin

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L'amendement CS184 vise à compléter l'alinéa 1 par le mot « personnellement » afin d'éviter que la demande d'administration du produit létal n'émane d'une tierce personne.

Quant à l'amendement CS185, il prévoit une confirmation au moment de l'administration du produit. Une telle disposition a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos débats.

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Demande de retrait ou avis défavorable.

Le caractère volontaire et personnel de la demande est omniprésent dans l'esprit du projet de loi ; il est clair et plutôt explicite à l'article 6. Ces amendements, dont je comprends la motivation, sont redondants avec le texte.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

Les dispositions relatives à la procédure de l'aide à mourir prévoient que le patient formule une demande et qu'il la réitère en ayant la pleine disposition de ses facultés.

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Madame la rapporteure, l'esprit de la loi apparaît dans nos débats, mais sa lettre compte aussi. Tel qu'il est rédigé, je ne suis pas certain que l'article 6 satisfasse aux dispositions prévues par les amendements.

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J'ai mentionné l'article 6 car il est inclus dans le périmètre dont j'ai la charge, mais l'article 7 prévoit une demande expresse. Par ailleurs, l'alinéa 6 de l'article 6 dispose que la personne doit être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».

Le consentement pleinement libre et éclairé du patient est donc prévu. Aucune disposition ne permet à quelqu'un d'autre de prendre la décision à sa place.

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Être apte à manifester sa volonté est une chose, la confirmer au moment de l'administration du produit, comme le propose M. Juvin, en est une autre.

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Catherine Vautrin, ministre

Permettez-moi de vous lire l'alinéa 1 de l'article 7 : « La personne qui souhaite accéder à l'aide à mourir en fait la demande expresse à un médecin en activité qui n'est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni un ayant droit de la personne. »

L'alinéa 1 de l'article 8 dispose par ailleurs que « le médecin mentionné à l'article 7 vérifie que la personne remplit les conditions prévues à l'article 6 ». Il est également prévu qu'il recueille plusieurs avis médicaux.

Les amendements sont donc satisfaits par les dispositions relatives à la procédure.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS361 de M. Patrick Hetzel

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Lors de son audition, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins a clairement indiqué que l'administration d'un médicament devait avoir une visée curative ou préventive. Il peut s'agir de lutter contre des douleurs, mais en aucun cas de donner la mort. Il importe donc de préciser à l'article 5 que le produit n'a pas de but thérapeutique.

La défense de cet amendement me donne l'occasion de souligner l'importance, à nos yeux, d'introduire dans le projet de loi une clause de conscience pour les pharmaciens. Il n'est pas absurde de supposer que ces derniers ne souhaiteront pas fournir des médicaments donnant la mort.

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Catherine Vautrin, ministre

Avis défavorable.

Je précise par ailleurs à M. Juvin que l'alinéa 12 de l'article 8 prévoit la confirmation de la volonté de la personne.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CS186 de M. Philippe Juvin, CS570 de Mme Annie Genevard et CS1804 de M. Christophe Bentz

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Il s'agit de supprimer la possibilité d'une intervention d'un professionnel de santé ou d'une personne volontaire, en reprenant au modèle de l'Oregon la disposition selon laquelle la personne s'administre elle-même le produit létal. J'indique à ceux qui objecteront qu'elle ne le peut pas toujours que l'expérience de l'Oregon a montré qu'il existe de nombreux systèmes permettant à toute personne de s'administrer elle-même un produit.

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De nombreux médecins et infirmiers que nous avons auditionnés ou qui se sont exprimés à ce sujet dans les médias ont indiqué qu'ils ne souhaitaient pas se trouver en situation d'administrer un produit létal. Cette possibilité, nonobstant la clause de conscience, préoccupe le corps médical.

La formule de Jean Leonetti selon laquelle « la main qui soigne ne peut être celle qui donne la mort » est un très beau résumé de ce que nous pensons en la matière.

S'agissant de l'administration du produit par une personne volontaire, surtout s'il s'agit d'un membre de la famille, il est avéré qu'elle induit des troubles psychologiques.

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Les médecins et les infirmiers sont des soignants. Provoquer la mort par une substance létale n'est ni leur vocation, ni leur rôle, ni leur mission – c'est même tout le contraire, puisqu'il leur incombe de soigner et d'accompagner le malade jusqu'à la fin de sa vie. Du reste, ce geste n'est pas conforme au serment d'Hippocrate.

La « personne volontaire » prévue par le texte, si elle n'est pas médecin, ne sera pas habituée à être confrontée à la mort. Imaginez-vous les conséquences psychiques ou psychologiques qu'elle subira ?

Par ailleurs, cette personne volontaire, mentionnée à l'article 5 visant à définir l'euthanasie ou le suicide assisté, n'est pas autrement désignée. Aucun critère d'âge n'est prévu. Cette personne pourrait être ma fille de 9 ans. Cet exemple, parmi d'autres, prouve que le texte n'est pas viable. Il ne tient pas debout. Il n'a pas été assez travaillé pour offrir les garde-fous annoncés. Franchement, cela n'est pas sérieux.

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Avis très défavorable.

Le projet de loi repose avant tout sur l'autonomie des malades et sur la solidarité que nous leur devons. L'article 5 privilégie l'auto-administration de la substance létale et, en cas d'impossibilité, le recours à un tiers, qui peut être un médecin, un infirmier ou une personne volontaire.

Les amendements auraient pour effet de priver d'accès à l'aide à mourir les personnes qui ne sont pas en mesure de s'administrer elles-mêmes la substance létale, excluant les malades très affaiblis, dont la demande n'est pas moins légitime que celle des autres. Ils introduisent donc une rupture d'égalité entre les malades s'agissant de l'accès à l'aide à mourir. Je ne peux le concevoir.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

J'ajoute que l'article 16 est entièrement consacré à la clause de conscience. Aucun soignant ne sera obligé d'administrer le produit – c'est écrit noir sur blanc.

Par ailleurs, je me permets d'indiquer à la représentation nationale que le texte a été travaillé par de très nombreux professionnels. Dire qu'il n'est pas sérieux, c'est leur manquer de respect.

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J'appelle à ne pas adopter ces amendements.

Deux positions, respectables, s'opposent. Au nom de l'ordre public ou d'un principe métaphysique, la première consiste à interdire à certains de choisir le moment où ils souhaitent mourir. La seconde, qui est celle des membres du groupe LFI - NUPES, consiste à penser que choisir le moment où l'on éteint la lumière, avec qui et comment, fait partie des droits naturels de l'individu. Les amendements en discussion tendent à interdire ce choix aux individus incapables d'agir par eux-mêmes, en raison d'un handicap physique, ou encore de l'indisponibilité d'une substance. La Suisse a été citée en exemple pour justifier une telle règle, mais un réseau associatif vient compenser ce fonctionnement. Il ne serait pas normal, dans une République, de faire varier les droits en fonction de l'état et de la capacité des individus.

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Nous abordons un point très sensible. Dans l'ouvrage L'Univers, la Vie, l'Homme, le paléontologue et préhistorien Henry de Lumley estime que les plus anciens squelettes ayant de toute évidence bénéficié de soins marquent l'émergence de l'humanité et de la fraternité. Ainsi, depuis que des individus s'occupent d'autres individus, la perception de l'altérité inclut une dimension de protection. En rompant ce fil qui nous relie à la préhistoire, nous sommes bien en train de procéder à une rupture anthropologique.

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Il ne faut pas faire fi des auditions et de nos rencontres de terrain avec les soignants. J'adhère à ce qui a été dit précédemment : si je suis personnellement favorable au projet de loi, il faut se rappeler que ce n'est pas le cas de nombre de professionnels, qui s'inquiètent d'avoir à subir, demain, une pression déraisonnable. J'entends que la clause de conscience sera préservée, mais lorsqu'une unité de soins palliatifs ne comporte qu'un seul médecin – cela existe –, il sera très difficile de l'invoquer devant les familles.

S'agissant des tierces personnes volontaires, je m'inquiète moi aussi des conséquences non négligeables que subira un fils, une fille, un frère ou une sœur, après avoir accepté d'aider un proche à mourir. Pourquoi ne pas avoir envisagé la technologie évoquée par Philippe Juvin permettant à une personne en difficulté physique d'enclencher elle-même la délivrance de la substance létale ?

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Ces amendements posent la question de la clause de conscience des médecins et des personnels de santé. Vous la présentez comme un totem devant les protéger, mais le fait est que certains membres de notre hémicycle – les députés du groupe LFI - NUPES, pour ne pas le nommer – souhaitent la supprimer s'agissant de l'IVG. On voit très bien l'effet cliquet qui se profile : dans dix, quinze ou vingt ans, ces mêmes députés militeront pour faire sauter ce verrou permettant aux médecins de ne pas administrer une substance létale s'ils ne le souhaitent pas. Je vous renvoie donc de nouveau à la tribune de Theo Boer, car il convient de tenir compte de l'expérience de personnes qui nous ont précédés dans la légalisation de l'euthanasie, et vous invite à considérer les dangers avant d'ouvrir la boîte de Pandore.

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L'intervention d'un tiers constitue effectivement un point sensible. On nous dit que cette possibilité doit être prévue, car il est parfois impossible de s'auto-administrer la substance létale. Or un article paru le 13 avril dans The Lancet indique que la Suisse a su répondre à ce cas de figure. Il me semble que nous continuons de faire l'impasse sur l'impact psychique et psychologique de l'acte, à moyen et long terme, pour la tierce personne qui intervient.

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La question de l'intervention d'un tiers est indissociable de l'objet central du texte, à savoir le respect de la liberté revendiquée de choisir de s'ôter la vie si on estime que celle-ci n'a plus de sens – parce que la souffrance devient insupportable ou parce que ses facultés sont si altérées qu'on en vient à estimer qu'on n'est plus en vie. Dès lors, soit le patient est en mesure de s'administrer la substance, soit il n'en est pas capable ou désire l'intervention d'un tiers, qui peut être un soignant ou quelqu'un de son choix. Les conséquences pour la personne ayant accepté d'intervenir doivent être mesurées, mais il convient de prévoir cette configuration, car le pire serait qu'un tiers qui interviendrait tout de même soit accusé d'avoir commis autre chose qu'un ultime acte d'amour.

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À écouter les députés ayant défendu ces amendements, l'on pourrait penser que le droit à la mort est gratuit, alors qu'il n'en est rien. Nous parlons de personnes atteintes d'une maladie incurable, en proie à des douleurs réfractaires ou psychologiques, dont le pronostic vital est engagé. Du reste, c'est un collège qui décidera si l'administration d'une substance létale peut être autorisée.

De plus, ces amendements passent sous silence le fait que l'accompagnant volontaire n'aura pas à pousser lui-même la seringue : il devra être présent, à côté du système automatique que nous inventerons, pour accompagner la volonté du patient qui est au bout du chemin. J'insiste : il ne s'agit en rien d'une généralisation de l'acte. Nous ne faisons que trouver une solution, de dignité et de fraternité, à quelques cas.

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Les rappels au Règlement sont impossibles en commission et c'est heureux, car nous souhaitons tous débattre du sujet à fond. Cependant, je constate qu'à l'occasion de cet article 5, qui n'est long que de six lignes, nous déroulons l'ensemble du dispositif décrit en détail ultérieurement. Les arguments des uns et des autres sont tout à fait légitimes et illustrent parfaitement nos différentes sensibilités, mais nous prenons les choses à l'envers. Peut-être y verrez-vous une obsession de ma part pour la méthode, mais ne pourrions-nous pas, à ce moment du texte, condenser nos discussions ?

Dans le cas contraire, chacun demandera à s'exprimer, à commencer par moi, qui m'interroge sur l'opportunité de permettre à un tiers d'administrer une dose létale à un proche en fin de vie. Il me semble que nous devrions en discuter ultérieurement, car le présent article 5 n'est qu'un article chapeau installant la notion d'aide à mourir. Je ne fais à personne le moindre procès, mais il ne faudrait pas que nos débats deviennent une forme d'obstruction.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS651 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS1071 de Mme Sandrine Rousseau, CS1212 de Mme Monique Iborra, CS1426 de Mme Emeline K/Bidi et CS1852 de M. Emmanuel Fernandes

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Mon amendement vise à supprimer la hiérarchie entre les deux modalités d'administration de la substance létale afin que la personne concernée puisse choisir librement. Aucun pays européen autorisant l'aide à mourir ne prévoit une telle hiérarchie, seule l'Australie l'ayant établie. J'ai conscience qu'un tel fonctionnement ferait évoluer le texte de manière fondamentale, mais il me semble plus juste. C'est aussi l'avis de certaines associations de professionnels de santé.

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Par l'amendement CS1071, le groupe Écologiste - NUPES plaide également pour la liberté de choix entre l'auto-administration et l'administration par un tiers.

Par ailleurs, madame Genevard, la main qui soigne peut également être celle qui prodigue le dernier soin, pour reprendre les mots d'Yves de Locht. Cela suppose de considérer un tel geste comme un acte d'humanisme.

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J'ai déposé un amendement identique, mais c'est un hasard. Aux termes du projet de loi, une personne à même de réaliser l'acte doit obligatoirement le faire elle-même, mais un tel procédé donne l'impression que le patient agira dans la solitude. Il convient selon moi de laisser à la personne, entourée de l'équipe médicale et de sa famille, le choix entre se donner la mort elle-même et demander à quelqu'un de l'y aider, sans que la loi n'impose de règle. L'intervention d'un tiers ne serait incontournable qui si la personne est physiquement incapable d'agir elle-même.

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L'ensemble du texte est une histoire de choix, et je suis intimement persuadée que ce choix doit pouvoir s'exprimer jusque dans l'acte ultime. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi opère une distinction et induit une inégalité, pour ne pas dire une injustice, puisque seule une personne physiquement incapable de s'inoculer la substance létale pourra demander à se la faire injecter par un médecin ou par un proche. Or j'estime que le passage à l'acte n'a rien à voir avec la volonté de recourir à l'aide à mourir. Quelqu'un peut tout à fait désirer mourir, mais ne pas vouloir s'auto-administrer la substance.

J'ajoute que les mots « en mesure physiquement d'y procéder » introduisent une insécurité juridique. Qui déterminera si une personne est capable ou incapable, sur le plan physique, de se donner la mort ? Faudra-t-il avoir un handicap physique ? Qu'en sera-t-il d'une personne tétanisée par la peur au moment d'agir, mais qui demeure certaine de son choix ? La décision reviendra-t-elle aux médecins, au cas par cas ? Un tel fonctionnement entraînera des différences de traitement selon les patients et les lieux de prise en charge. Laisser le choix à tous serait la moindre des choses sur une question aussi grave.

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Je rejoins les propos d'Emeline K/Bidi s'agissant du flou de la formulation. Comment déterminera-t-on si la personne est physiquement à même de s'auto-administrer la substance ? Si l'on permet déjà au patient de codéterminer la date et le lieu de la procédure ainsi que de choisir la manière dont il sera accompagné pour ses derniers instants, il nous semble indispensable de lui accorder également le choix des modalités de l'acte, pourvu, bien sûr, que la personne qu'il désignerait pour lui administrer le produit soit volontaire et majeure. Je précise que notre amendement CS1852 est inspiré d'une proposition de l'ADMD.

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Ces amendements identiques changeraient profondément l'esprit du texte et bouleverseraient ses équilibres, raison pour laquelle j'y suis défavorable. La règle générale est l'auto-administration de la substance létale ; l'exception, qui consiste en l'intervention d'un tiers ou d'une personne du corps médical, ne s'applique qu'aux personnes incapables d'agir par elles-mêmes. J'insiste sur le fait que l'équilibre du projet de loi est fondé sur le libre arbitre et l'autonomie de la personne désirant mourir. Cet aspect est largement abordé aux alinéas 7 et 8 de l'article 11, où il est également spécifié – c'est très important – que l'accompagnement du malade est prévu jusqu'au bout. Le patient ne sera jamais laissé seul jusqu'au geste ultime, madame Iborra.

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Catherine Vautrin, ministre

Comme la rapporteure, j'estime que ces amendements bouleverseraient l'équilibre du texte. Je rappelle également que nous n'en sommes qu'à l'article 5 et que la procédure est décrite aux alinéas 7 et 8 de l'article 11.

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Madame la présidente, l'adoption de ces amendements identiques ferait-elle tomber la série d'amendements suivante, CS707 à CS1791 ?

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Je voterai évidemment contre ces amendements identiques, qui déséquilibreraient le texte. Je m'inquiète d'ailleurs d'entendre qu'une personne désireuse de mourir et capable d'agir par elle-même pourrait refuser de s'auto-administrer la substance. En effet, j'aurais peur que certains patients fassent appel à un tiers non parce qu'ils n'ont pas la force d'agir, mais parce qu'ils ne sont en réalité pas convaincus de leur choix. Quand on est physiquement capable, la meilleure manière de confirmer son consentement libre et éclairé est de réaliser le geste soi-même. Du reste, il s'agit d'une démarche personnelle, dans laquelle il convient d'impliquer le moins de tierces personnes possible.

Je salue votre présence, madame la ministre, car il est rare de voir le Gouvernement représenté en commission. Pourriez-vous donc répondre à ma question concernant la technologie évoquée par M. Juvin, laquelle permettrait à un patient, même physiquement empêché, d'enclencher le dispositif, par exemple en usant simplement du regard ?

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Je réitère mes propos précédents, car nos débats me causent un cas de conscience terrible. Je suis plutôt favorable à ces amendements identiques, mais j'ai besoin que nous débattions à fond du sujet, ce qui suppose de prendre le temps et de le faire au moment idoine. Dans cette attente, je pourrais décider de me taire et de m'abstenir, mais cela me gêne, car j'accorde un grand intérêt à cette proposition. Je le répète donc avec conviction, avec mon cœur : nous sommes en train de faire tourner la machine de manière totalement désordonnée. Nous abîmons le débat, tout simplement parce que nous n'en respectons pas le cours. Le moment venu, nous pourrons tous nous exprimer et faire valoir nos avis, nos sensibilités, nos nuances. Prenons les sujets dans l'ordre : attendre ne nous privera de rien. Si nous continuons ainsi, nous aurons épuisé les sujets avant l'heure, nous nous serons nous-mêmes épuisés, et le texte ne ressemblera plus à rien.

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Je comprends la logique dans laquelle s'inscrivent ces amendements, qui montrent d'ailleurs combien le geste que le texte prévoit d'autoriser sera difficile à accomplir, et ce notamment parce que la décision de le réaliser sera elle-même délicate.

Pour ma part, je mets plutôt au crédit du projet de loi – mais peut-être est-ce une interprétation erronée – le fait d'essayer de faire peser le moins possible sur les personnels et sur les tierces personnes les actes liés à ce droit-créance. Il me semble que c'est ce vers quoi nous nous dirigeons, mais il m'intéresse de poursuivre la discussion.

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Si je souscris aux propos de Gilles Le Gendre, il me semble que ces amendements arrivent au bon moment. Ce sont bien les termes de l'article 5 qui nous posent problème, car ils établissent une hiérarchie entre suicide et euthanasie, alors même que la philosophie du texte repose sur le libre choix. Au nom de quoi priverions-nous du droit à mourir une personne capable d'agir par elle-même au motif qu'elle ne voudrait pas s'auto-administrer la substance et souhaiterait recourir à un médecin ou à une infirmière volontaire – et j'insiste sur le mot « volontaire » ? Ce serait d'une cruauté infinie, madame la ministre ! On peut demander l'aide à mourir et ne pas vouloir s'administrer le produit, même si on en est physiquement capable.

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Pour dire les choses clairement, si ces amendements sont adoptés, nous passerons du suicide assisté à l'euthanasie, ce qui ne sera pas mon choix.

Par ailleurs, si je comprends parfaitement votre crainte, monsieur Le Gendre, d'aborder plusieurs fois les mêmes sujets, le fait est que des éléments de la procédure pratique figurent aussi bien à l'article 5 qu'aux articles 7 et 8, le texte étant ainsi rédigé. Dès lors que l'on souhaite amender le texte, on est condamné à le faire à ces différents articles.

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Non, monsieur Juvin, on ne peut pas dire qu'il s'agit de passer du suicide assisté à l'euthanasie, ni de privilégier l'un ou l'autre. Nous souhaitons donner le choix entre deux dispositifs.

Je confirme que cette discussion intervient au bon moment, puisque c'est l'article 5 qui établit une hiérarchie entre les méthodes. Quant aux articles 6 à 11, ils ne décrivent que la procédure consistant à s'auto-administrer la substance. Si nous n'introduisons pas maintenant la liberté de choix, nous ne pourrons plus le faire ensuite.

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L'article 5 est effectivement un article chapeau, dans lequel se retrouve l'esprit du texte, dont l'équilibre est une ligne de crête. Il est ainsi proposé d'ouvrir, dans des conditions extrêmement strictes, un droit à mourir fondé sur un modèle préservant l'autonomie des patients grâce à l'auto-administration de la substance létale. En effet, aux termes du projet de loi, ce n'est que quand la personne ne peut se l'inoculer elle-même qu'une tierce personne peut l'y aider. Peut-être discutons-nous de cette question de manière prématurée, mais amender cet article reviendrait à changer l'esprit du texte qui, je le répète, vise à entendre la volonté libre, éclairée et réitérée des malades en fin de vie et à les accompagner – l'aide à mourir ne devant être que l'exception. Notre philosophie est claire, nette, précise, et j'estime que la changer serait une profonde erreur.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS707 de M. Raphaël Gérard, CS326 de Mme Cécile Rilhac, CS650 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS1791 de M. François Gernigon (discussion commune)

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L'amendement CS707 vise à laisser aux malades la possibilité de choisir les modalités d'administration de la substance létale afin de ne pas exacerber des situations de souffrance.

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Élaboré avec notre ancien collègue Jean-Louis Touraine, mon amendement tend à remplacer les mots « lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder » par les mots « selon son choix ». Nous estimons en effet que le choix entre euthanasie et suicide assisté doit dépendre du malade et non de la maladie ou d'éventuelles paralysies dont il souffrirait.

Dans le livre Six mois à vivre, le conjoint de Marie Deroubaix, parti en Belgique pour recourir à l'euthanasie en raison d'un cancer généralisé, écrivait le juste commentaire suivant : « Marie me répétait sans cesse : “le suicide, j'y ai pensé, mais je ne veux pas”. [...] Elle était persuadée à juste titre que les proches de quelqu'un qui s'est suicidé ressentent à vie une culpabilité. [...] Elle voulait que la société prenne jusqu'au bout, vis-à-vis de l'homme, ses responsabilités. »

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Mon amendement relève de la même philosophie : il vise à substituer aux mots « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder » les mots « le demande ».

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Mon amendement a le même objet. Il s'agit de remplacer les mots « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder » par les mots « en fait la demande ».

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Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Comprenez bien que la méthode, la procédure et l'évaluation, que nous examinerons plus tard, sont pensées pour le dispositif prévu à l'article 5. Il convient de ne pas modifier à ce point l'équilibre et la structure du texte.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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J'estime moi aussi que ces amendements briseraient l'équilibre général du texte. Si une personne souhaitant mourir est en mesure de s'auto-administrer la substance, elle le fait elle-même ; si elle en est incapable physiquement, une tierce personne le fait à sa place.

La commission rejette successivement les amendements.

La réunion est suspendue entre vingt-trois heures et vingt-trois heures cinq.

Amendements identiques CS187 de M. Philippe Juvin et CS1763 de M. Christophe Bentz, amendement CS1506 de M. Hervé de Lépinau, amendements identiques CS126 de Mme Marie-France Lorho et CS359 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

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Nous rappelions tout à l'heure cette parole forte de l'ancien ministre Jean Leonetti : « La main qui soigne ne peut être celle qui donne la mort. » Dans son avis 121, le Comité consultatif national d'éthique estime qu'« il faut désamorcer l'illusion qui voudrait que l'euthanasie soit simple pour le médecin à qui il est demandé de prêter son concours ». Tenons compte des avis des acteurs du soin, qui ne sont pas favorables au fait de donner intentionnellement la mort. Du reste, dès lors que ce geste n'est pas un soin, il n'y a pas de raison qu'il soit pratiqué par des professionnels de santé. Aussi l'amendement CS187 vise-t-il à supprimer de l'article 5 la mention du médecin et de l'infirmier.

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L'euthanasie n'est et ne sera jamais un soin. Ce n'est aucunement la vocation des médecins ou des infirmiers que d'administrer une substance létale.

Madame la ministre, je vous ai posé plusieurs questions auxquelles vous n'avez pas répondu. Je vous remercie de votre présence, mais quelle en est l'utilité si vous ne répondez pas aux députés ? Concernant la personne volontaire qui sera amenée à administrer la substance létale, il n'y a dans l'article 5 aucun critère d'âge ni d'état psychologique. J'avais déposé un amendement prévoyant un examen psychologique préalable ; puisqu'il a été déclaré irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution, je le redéposerai sous une autre forme en vue de la séance. Mais j'aimerais au moins une réponse.

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L'administration de la substance létale ne peut incomber à un professionnel de santé puisqu'elle contrevient au serment d'Hippocrate, qui interdit au médecin de provoquer délibérément la mort. Ce serait demander aux médecins d'agir contre leur conscience. Pour ceux qui veulent vraiment trouver une solution au cas où la personne malade ne pourrait s'administrer la substance elle-même, on peut parfaitement prévoir un mécanisme impliquant le tribunal judiciaire : une sorte de mandataire serait désigné dans chaque juridiction pour procéder à ce geste. Ainsi, la démarche serait juridiquement encadrée.

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De même que le code de déontologie des infirmiers défend à cette profession de donner la mort, le serment d'Hippocrate interdit aux médecins de le faire délibérément. La première mission du médecin est le soin – et non la guérison, puisque celle-ci peut être impossible. En permettant que le médecin donne la mort, vous changez le paradigme qui régit la profession. Aussi mon amendement vise-t-il à exclure les médecins d'une telle procédure.

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Le médecin doit demeurer celui qui soigne et non celui qui accomplit l'acte létal. Si on considère que donner la mort n'est pas un soin, et sûrement pas le soin ultime, il faut être cohérent : supprimons la possibilité pour un médecin de réaliser cet acte.

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Avis défavorable.

Les médecins bénéficient d'une clause de conscience, mentionnée à l'article 16.

De plus, les amendements rompraient avec le modèle d'accompagnement du patient. La présence d'un médecin ou d'un infirmier, que ce soit pour administrer la substance létale ou pour superviser son administration, est indispensable afin de s'assurer du bon déroulement de la mise en œuvre de l'aide à mourir. Il s'agit aussi de pouvoir intervenir en cas de complications.

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Catherine Vautrin, ministre

Selon l'avis de l'Académie nationale de médecine intitulé « Favoriser une fin de vie digne et apaisée : répondre à la souffrance inhumaine et protéger les personnes les plus vulnérables », adopté le 27 juin 2023, « il est inhumain, lorsque le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme, de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d'abréger les souffrances qu'elles subissent du fait d'une maladie grave et incurable ». Il convient de « répondre à ces situations de supplice non soulagé » avec tempérance et d'« aider à mourir le moins mal possible ». L'Académie souligne l'impératif de poser légalement des garanties et des limites strictes dans le cas où une évolution législative serait opérée.

Je reviendrai sur le sujet des mineurs à l'occasion d'un amendement qui sera discuté à la fin de l'examen du présent article et auquel je donnerai un avis favorable. C'est la raison pour laquelle je n'avais pas répondu pour l'instant.

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Pourquoi exclure les médecins du dispositif ? La clause de conscience est là pour protéger tous ceux qui ne voudraient pas accomplir l'acte. Mais j'ai beaucoup de mal à entendre qu'ils y seraient majoritairement opposés. En 2023, un collectif de cent dix-huit soignants – médecins et infirmiers –, tous en activité, s'est déclaré très favorable à l'aide active à mourir. En instaurant celle-ci, on éviterait les démarches qui ont de toute façon lieu clandestinement.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas autoriser à avoir recours à un médecin le patient qui ne peut faire lui-même le geste ou – et là, je vais plus loin que le texte – ne le veut pas ?

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Ce n'est pas parce qu'un collectif de quelques médecins a estimé en 2023 qu'il fallait adopter ce projet que nous devons le voter. Nous avons auditionné un grand nombre de médecins qui nous ont majoritairement fait part de leur volonté de ne pas administrer la substance létale, de ne pas donner la mort à leurs patients.

Quand on prête le serment d'Hippocrate, c'est par vocation et cette vocation n'est pas de donner la mort, mais de soigner et d'accompagner jusqu'à la fin, sans souffrance. C'est une raison suffisante pour exclure les médecins du dispositif.

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Il faut tout de même reconnaître que, dans ce projet de loi, on demande beaucoup aux soignants. Il est important de tenir compte d'eux, de les protéger, de s'intéresser à leur sensibilité, à leurs états d'âme, à leurs difficultés. La clause de conscience ne suffit pas. Il faut un critère très simple : le volontariat, manifesté par l'inscription sur une liste. J'ai déposé des amendements en ce sens. Cela réglerait le problème et apaiserait la communauté médicale. Comme vous, je vois des médecins, j'en connais beaucoup, et je suis d'ailleurs médecin moi-même. Je peux vous assurer que ce projet de loi ne fait pas l'unanimité parmi eux.

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À l'appui de ces amendements, on entend d'abord qu'une partie des soignants ne voudrait pas pratiquer l'acte. Cela ne pose pas de problème puisque le texte prévoit une clause de conscience : personne ne sera contraint d'accomplir un acte contraire à son éthique personnelle ou à sa conception de son métier. Ensuite, à supposer qu'une majorité de soignants s'y refuse – ce dont je doute –, cela n'empêcherait pas le texte de s'appliquer puisqu'il ne concerne qu'un nombre très réduit de cas par an.

Bonne nouvelle : certains se montrent soudain très attentifs aux exigences des soignants. On espère que ce sera toujours le cas au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et que la même attention sera accordée aux tribunes dans lesquelles ils demanderont des moyens et des conditions décentes d'exercice.

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Le médecin est là pour prévenir, pour soigner, pour promouvoir et garantir la santé, non pour tuer d'une façon ou d'une autre – suicide assisté ou euthanasie. Il soigne jusqu'au bout, accompagne la vie et prend s'il le faut des décisions de sédation jusqu'au décès, non pour aller jusqu'au décès mais parce que la sédation va jusqu'au bout – elle n'a pas pour but le décès mais le soin.

L'inclusion du médecin dans le dispositif risque de créer d'importantes dissensions au sein du corps médical, la majorité des soignants étant opposée à ce geste. Je rappelle qu'une pétition contre celui-ci a recueilli, en début d'année, 850 000 signatures.

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Mme Darrieussecq l'a bien dit, il s'agit d'entendre la communauté médicale et paramédicale. L'idée d'une clause de volontariat est intéressante, car le point de vue des soignants n'est pas tout blanc ou tout noir : certains voudront, d'autres non. Trouvons donc la bonne rédaction pour apporter cette précision. Il me paraîtrait sage de créer une liste déposée auprès des conseils de l'ordre et des agences régionales de santé ; les soignants qui le veulent pourront ainsi se déclarer. Il ne faut pas mettre à mal la communauté des soignants alors qu'il y a beaucoup de sujets à discuter avec elle.

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En ce qui concerne le serment d'Hippocrate, je ne suis pas médecin mais, lors des auditions, j'ai entendu des médecins donner un éclairage différent à ce sujet. Le serment d'Hippocrate de 2012 affirme : « Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. » Il me semble que le texte dont nous discutons est conforme à cette disposition.

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La phrase qui vient d'être citée correspond à la loi existante ; elle en est le principe fondateur.

Les amendements soulèvent une question difficile. Qui doit accomplir ce geste ? Je ne vois pas de bonne solution. Je ne suis pas sûr que, dans cette salle, nous soyons très nombreux à avoir envie de le faire. Dans une enquête nationale conduite auprès de 2 297 acteurs des soins palliatifs et publiée en mars, très peu s'y disent prêts. Il y a donc bien un problème, même si on peut ne pas vouloir en discuter.

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Mme Bergantz a cité une phrase du serment d'Hippocrate, mais elle a oublié celle qui suit : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »

Une question technique que j'ai oublié de poser durant les auditions : les médecins qui auront déjà prêté serment pourront-ils faire fi de ce dernier en participant à l'application de la loi ?

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Si les amendements étaient adoptés, il n'y aurait plus pour accomplir le geste qu'une « personne volontaire » dont on ne sait qui elle est – un proche, un membre d'une association ? Cela pose un problème majeur. De plus, le médecin a un rôle prépondérant à jouer : c'est lui qui autorise ou non la mise à disposition d'une substance létale. Il n'est pas cohérent de faire dépendre de lui ou de l'équipe médicale l'acceptation de cette demande puis de les dispenser du geste.

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Il me semble que l'aide à mourir ne contredit pas le serment d'Hippocrate. Dans les cas dont nous parlons, la mort n'est pas provoquée par le médecin : elle est inéluctable car causée par une maladie incurable et elle résulte du choix du patient. Le médecin ne fait que soulager des souffrances, à l'instar du médecin en soins palliatifs. Il ne paraît donc pas nécessaire de refaire prêter serment ni de modifier le serment pour pouvoir voter le texte.

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Il est très compliqué de parler à la place des médecins. Nous sommes quelques-uns à l'être dans la salle et nous avons tous été confrontés à ce type de situation. Si l'on exerce ce métier, c'est que l'on a une conviction – chacun la sienne – quant à ce que l'on peut faire pour soigner. Certains médecins ne peuvent pas voir les malades, ils font de la radiologie ; d'autres les adorent et font de la médecine d'urgence ; d'autres encore choisissent la réanimation. En tout cas, nous avons tous eu à prendre une décision difficile à un moment ou à un autre. Si elle est trop difficile, la clause de conscience permet de se retirer. Mais ceux qui ont envie d'aller au bout du bout peuvent considérer que délivrer une substance létale à quelqu'un fait partie des soins.

Il y a de l'hypocrisie dans cette affaire : de nombreux médecins vous diront, si vous discutez avec eux, qu'ils l'ont fait. Le but du projet de loi est de les protéger, ainsi que les soignants soumis à ces décisions. Car s'ils ne le font pas, qui va s'en charger ?

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Pendant les auditions, un médecin réanimateur nous a expliqué qu'il mettait en place une sédation profonde et continue et qu'au bout de trois minutes, c'était fini, parce qu'il débranchait les machines. Il me semble que cela ne remet pas en cause sa fidélité au serment d'Hippocrate.

Plusieurs personnes ont employé le mot « vocation ». Je ne veux pas choquer, mais j'aimais beaucoup ce slogan qui date de plusieurs décennies : « Ni nonnes, ni bonnes, ni connes. »

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Je suis très heureuse de prendre la parole après Caroline Fiat, puisque c'est beaucoup des soignants qu'il est question – médecins, infirmiers, aides-soignants.

Monsieur Juvin, nous sommes plusieurs ici à avoir prêté le serment d'Hippocrate. Nous parlons de personnes en fin de vie, dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme et dont les souffrances sont intolérables. Ce n'est pas le soignant qui va procurer la mort : il va apporter une mort apaisée. Ne soyons pas hypocrites. En tant que soignants, quand nous ne pouvons plus guérir, nous sommes là pour accompagner, pour apaiser, pour secourir. Je suis profondément convaincue que cela n'est pas rompre le serment d'Hippocrate.

Médecins, infirmiers ou aides-soignants, nous avons tous envie d'apporter du bien-être à ces malades en fin de vie. Il ne me semble pas opportun d'ôter à un soignant, comme le proposent les amendements, la possibilité d'aider jusqu'au bout. Quand on est soignant, qu'on s'implique dans la vie des autres et qu'on les aime, on est capable de rester jusqu'au bout et d'assumer ce geste. Je connais beaucoup de soignants qui y sont prêts, même si certaines études tendent à montrer le contraire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS360 de M. Patrick Hetzel et CS608 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

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Mon amendement s'inspire de la situation en Suisse. Ayant eu les mêmes débats que nous, les Suisses ont considéré que le suicide assisté devait se faire dans des tiers-lieux, pour éviter la moindre ambiguïté, et ne pas dépendre de professionnels de santé, afin d'appliquer une clause de conscience. Le suicide assisté a ainsi été confié à des associations qui militaient en sa faveur, donc volontaires, et à but non lucratif.

Comme le disait fort pertinemment Mme Darrieussecq, les professionnels de santé sont déjà lourdement mis à contribution. Le secteur souffre d'un manque de motivation. Nous sommes nombreux à rendre hommage aux soignants. Il faut trouver une autre solution que celle de leur confier le suicide assisté.

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En Suisse, le médecin n'intervient que pour fournir la dose létale. Les accompagnants, qui ne connaissent pas les suicidants, interviennent à titre bénévole. Ainsi, le processus entraîne moins de problèmes psychologiques.

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Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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Le mode d'administration de la substance létale a son importance. Si le patient se l'administre lui-même, il peut le faire par voie orale, mais la voie injectable suppose qu'une perfusion ait été installée, ce qui requiert l'intervention d'un professionnel de santé. Si c'est une personne tierce qui pratique l'acte, cela ne sera pas par voie orale, sinon le patient le ferait lui-même ; quant à la voie injectable, elle nécessite là encore l'intervention d'un professionnel de santé, même si l'acte incombe à une personne tierce volontaire. Faire une injection ou poser une perfusion est un geste très technique.

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Madame la ministre, je crains de ne pas avoir eu de réponse à ma question. Le serment, c'est très important. Il ne s'agit pas seulement d'un moment où l'on se fait prendre en photo avec sa famille ; c'est un acte fondateur dans une vie professionnelle. Les médecins qui ont prêté serment en disant « je ne provoquerai jamais la mort délibérément » seront-ils relevés de leur serment ? Et, eu égard à la nouvelle loi, est-il envisagé de modifier le serment d'Hippocrate, qui figure dans la loi ? Ce serait – malheureusement – logique.

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Ces deux amendements nuisent à la cohérence générale du dispositif. La procédure suisse a sa cohérence interne : les associations sont chargées du suicide assisté, mais celui-ci ne relève à aucun moment d'institutions ni d'une surveillance médicale : pas de validation par une commission médicale, pas d'intervention des soignants. Ici, nous sommes majoritairement d'accord pour que les critères retenus intègrent des éléments médicaux – par exemple, la nature de l'affection. Or on ne peut pas avoir les deux systèmes : cela signifierait qu'une fois que les commissions médicales ont donné leur validation, elles se défaussent totalement sur les associations de ce qui arrive à la personne qu'elles ont autorisée à entamer ce chemin.

Par ailleurs, prendre en charge des personnes est un travail qui repose sur des qualifications, et toute qualification mérite salaire. Il ne serait pas normal de se défausser s'agissant d'un droit fondamental, le droit de mourir dans la dignité, au lieu de se faire un devoir de payer des gens pour permettre son exercice.

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Il est un peu spécieux de prétendre s'inspirer du modèle suisse en n'en retenant que les éléments qui vous intéressent. Certains cantons suisses ont introduit l'obligation de pratiquer le suicide assisté pour les institutions publiques hospitalières ou accueillant des personnes âgées. Les associations comme Dignitas ou Lifecircle n'en ont donc pas le monopole. À Genève, où cette obligation n'existe pas, c'est l'hôpital lui-même qui a décidé que le suicide assisté serait pratiqué en son sein, sans recours aux associations.

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Je reste très embarrassé par la question de savoir qui doit faire le geste une fois la décision prise. Je comprends la proposition qui nous est soumise, mais je suis d'accord avec Hadrien Clouet pour considérer que ce geste relève d'un travail. Les personnels soignants soulèvent aussi le problème de la relation de confiance avec le patient. De plus, ce geste, qui n'est pas anodin, hante longtemps les personnes qui ont été amenées à le faire.

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Un accompagnement médical en fin de vie est une demande des citoyens, y compris au sein de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Il s'agit de répondre à la demande des patients, comme le prévoit la loi.

En soins palliatifs comme à l'extérieur, en libéral ou en établissement hospitalier, un certain nombre de soignants sont d'accord pour accompagner les patients jusqu'à leur fin de vie. S'ils ne le veulent pas, ils ont la clause de conscience, comme pour l'interruption volontaire de grossesse.

Le modèle suisse correspond à un choix différent, et si le geste ne pouvait pas être pratiqué en milieu hospitalier auparavant, cela se fait désormais.

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Monsieur Hetzel, j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas favorable à l'article 5 ; pourtant, vous défendez un amendement évoquant la promotion du suicide assisté. Cette notion me gêne beaucoup, car elle laisse penser que l'on pourrait faire pression sur la personne pour qu'elle demande ce geste.

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Catherine Vautrin, ministre

J'invite M. le professeur Juvin à consulter la page du site du Conseil national de l'Ordre des médecins sur le serment d'Hippocrate. Il verra que ce qu'il vient de dire n'est pas tout à fait exact : le serment d'Hippocrate ne figure pas dans la loi. On y lit que « même s'il n'a pas de valeur juridique », il « est considéré comme l'un des textes fondateurs de la déontologie médicale ». La déontologie relève du cadre réglementaire, dont vous, mesdames et messieurs les députés, déterminez les grandes règles par la loi. Si le serment d'Hippocrate devait évoluer, ce serait parce que le cadre législatif aurait évolué du fait du législateur.

En Suisse, l'assistance au suicide a lieu aujourd'hui au sein des hôpitaux. Cette évolution date d'une dizaine d'années.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS21 de M. Thibault Bazin, CS1708 de M. Jean-François Rousset et CS780 de M. Laurent Panifous

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Je souscris à la suggestion de Geneviève Darrieussecq au sujet du volontariat, mais il ne faut pas permettre aux proches de la personne en fin de vie de faire partie des volontaires, afin de les protéger des conséquences, évoquées par Pierre Dharréville, qu'un tel geste risquerait d'avoir sur elles. Selon une étude conduite en Suisse, 13 % des endeuillés ayant été témoins d'un suicide assisté présentaient les symptômes d'un état de stress post-traumatique total et 16 % étaient en dépression. Ces chiffres sont considérablement supérieurs à ceux que l'on observe en cas de mort naturelle. L'étude d'impact fait l'impasse sur cette question fondamentale. Nous sommes là pour soulager le mal-être, pas pour le provoquer.

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Il convient de supprimer la possibilité, pour le patient, de désigner un tiers volontaire pour l'administration de la substance létale. Un tel dispositif placerait le tiers dans une situation paradoxale, puisqu'il devra à la fois avoir été désigné et être volontaire. Outre qu'un engagement personnel aussi fort et complexe risque d'avoir des conséquences psychologiques dommageables, ce processus ne permettrait pas forcément de garantir le respect du protocole d'administration de la substance létale.

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Je défends l'amendement CS780.

Votre texte placerait la tierce personne volontaire désignée par le patient dans une situation très délicate. Si c'est un proche du malade, un membre de sa famille, il pourrait se sentir obligé d'accéder à la demande du malade sans pour autant y être prêt, ce qui emporterait de lourdes conséquences psychologiques. En outre, les aspects techniques de l'administration de la substance létale risquent d'accaparer l'entourage du malade et de l'empêcher de jouer son rôle fondamental d'accompagnement, de soutien émotionnel lors de la fin de vie. Par ailleurs, même si le tiers désigné n'est pas un proche, mais le membre d'une association, par exemple, le geste est loin d'être anodin ; or le texte ne prévoit aucun accompagnement de ce tiers. Enfin, aucune disposition ne vise à encadrer les conditions de désignation de la personne volontaire, et rien n'est prévu pour éviter de potentielles dérives.

Les législations étrangères, notamment celles d'une dizaine d'États américains, prévoient que la substance est administrée par le personnel médical. Seul le modèle suisse, qui s'appuie sur des associations, fait exception, mais cela rejoint la mentalité de ce pays. Ne mélangeons pas les deux modèles d'administration !

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Avis défavorable.

Outre un médecin ou un infirmier, un tiers désigné – qui pourrait, pourquoi pas, être un proche – doit pouvoir administrer la substance létale au malade qui ne pourrait pas le faire lui-même. Ce tiers sera protégé sur le plan pénal : il ne pourra pas encourir de poursuites, comme le prévoit l'alinéa 2.

Comme vous, lors des auditions, je me suis interrogée sur ce dispositif. J'ai donc déposé l'amendement CS1959, qui vise à préciser que le tiers désigné devra être majeur, qu'il devra consentir à administrer la substance et qu'il ne pourra recevoir aucune rémunération ou gratification, à quelque titre que ce soit, en contrepartie de sa désignation – je réponds ainsi à l'alerte lancée par plusieurs associations.

Afin que nous puissions examiner ce dispositif, il convient de rejeter les trois amendements en discussion. La présence d'une tierce personne constitue une richesse : elle nous évitera de nous en remettre exclusivement aux professionnels de santé.

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Catherine Vautrin, ministre

Je partage l'avis de la rapporteure. Le présent texte repose sur le principe de l'auto-administration de la substance létale ; si elle n'est pas possible, le produit doit pouvoir être administré par un tiers protégé pénalement, comme le prévoient les articles consacrés à la procédure. Le Gouvernement donnera par ailleurs un avis favorable à l'amendement CS1959 de la rapporteure, qui vise à apporter des garanties concrètes, concernant notamment l'âge de la personne volontaire.

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L'amendement de la rapporteure constitue un progrès, mais des interrogations demeurent. Personne n'a répondu aux questions très concrètes de Mme Gruet. Ainsi, l'article 5 évoque le cas où la personne bénéficiant de l'aide à mourir n'est « pas en mesure physiquement » de s'auto-administrer la substance, mais quid des incapacités d'ordre technique plutôt que physique – dans le cas d'une perfusion, par exemple ? Cette interrogation s'ajoute au fait que l'obligation, pour le malade, de s'administrer lui-même la substance me semble contraire aux principes d'humanité et de solidarité.

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Notre fil conducteur doit être le respect de la volonté du patient.

Durant les auditions, j'en suis venue à douter. Faut-il interdire l'administration de la substance par une tierce personne ? Si un proche me désigne, aurai-je la force d'accepter, ou celle de refuser ? Ne serait-il pas plus confortable que la loi me protège de ces dilemmes ? J'estime finalement que non, car le pire serait encore d'avoir la force d'accepter de donner à la personne que j'aime cet ultime geste d'amour, mais d'en être empêché par la loi, sous peine de poursuites pénales. La faculté de confier l'administration du produit létal à un tiers doit donc être maintenue ; l'amendement de la rapporteure permettra de garantir le consentement de cette personne et de la protéger de poursuites pénales.

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Lors des auditions, j'ai également éprouvé des doutes concernant l'administration de la substance par un tiers de confiance. Toutefois, après avoir visité différentes structures médico-sociales ou de soins palliatifs, j'ai compris qu'il s'agissait, au fond, du même débat que celui relatif à la clause de conscience des soignants. Maintenons donc cette possibilité.

Sachez enfin, chers collègues, que l'adoption des amendements en discussion ferait tomber la quasi-totalité de ceux restant à examiner à l'article 5.

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Je suis surpris : M. Bazin propose ici de réserver l'acte au corps médical, alors qu'il refuse par ailleurs d'imposer à celui-ci le devoir de l'accomplir !

Grâce à la clause de conscience, le présent texte protégera les médecins – mais non les infirmiers, ce qui pose problème. Quant aux tiers, permettons-leur d'administrer la substance en réponse à la demande du malade, dans un signe d'amour ultime.

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Je voterai pour ces amendements car la pertinence de l'administration par un tiers me semble douteuse.

Madame la rapporteure, vous apportez des réponses sur le plan pénal sans que personne ne parle de l'aspect psychologique de ce geste. Le consentement du tiers, que vous prévoyez, sera-t-il réellement libre et éclairé ? Si demain mon père me demandait de lui administrer une substance létale, j'accepterais sans doute, par respect pour ses dernières volontés, mais ce serait peut-être ensuite une croix que je devrais porter toute ma vie.

Prenez en considération la capacité de résistance des individus. Même si certains soignants ne souhaitent pas réaliser ce geste, il faut le réserver à des professionnels, qui sont davantage habitués à la mort que les proches. Peut-être d'autres professionnels que les soignants pourraient-ils d'ailleurs également s'en charger ?

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Les difficultés pratiques, concrètes, restent pour moi entières. Nous avons nous aussi déposé un amendement visant à empêcher l'administration du produit létal par un tiers, qui ne nous semble pas raisonnable. C'est tout le problème des droits-créances. Une telle demande, exorbitante, ferait peser sur le tiers une charge psychologique énorme, qui conduirait, selon moi, à des traumatismes importants. Pour autant, l'acte doit-il incomber à des infirmiers et à des médecins ? La question demeure.

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Comme le montrent les exemples choisis par chacun, les tiers désignés seront sans doute souvent des membres de la famille du malade. S'ils accomplissent ce geste consistant à administrer la mort, ils le paieront probablement en années de psychanalyse.

L'amendement de la rapporteure présente l'intérêt de réserver l'acte aux tiers majeurs, de prévoir le consentement de ces derniers et d'interdire leur rémunération. Toutefois, nous n'évoquons pas assez le risque d'emprise, d'incitation ou de manipulation du mourant en vue de le pousser à choisir le suicide assisté ou l'euthanasie. Ce risque doit être mentionné, d'une manière ou d'une autre, dans la loi.

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Bien que je sois favorable à l'aide à mourir et que je considère qu'il faut traiter de la même manière suicide assisté et euthanasie, je suis farouchement opposé à la proposition d'octroyer la faculté d'administrer une dose létale à un membre extérieur au colloque singulier entre soignant et patient. Sauf erreur de ma part, cela constituerait une innovation mondiale. Moi aussi, je m'inquiète des conflits d'intérêts, des pressions psychologiques et des chantages affectifs qui pourraient s'exercer sur les membres de la famille à la faveur d'un tel dispositif, avec des conséquences psychologiques à long terme.

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M. Bazin voulait tout à l'heure interdire aux infirmiers et aux médecins d'administrer la substance létale. Il demande désormais de l'interdire aux tiers volontaires, pour qu'il ne reste plus rien du texte.

Pour ma part, je remercie Mme la rapporteure d'avoir déposé l'amendement CS1959. Bien que je souhaite autoriser l'administration par un tiers volontaire, je doute moi aussi qu'il faille permettre aux proches d'accomplir cet acte, car les risques seraient trop grands. Il faudrait le réserver aux bénévoles d'associations, qui jouent d'ailleurs bien souvent le rôle de confident auprès des malades qu'ils suivent pendant des mois.

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Le projet d'autoriser l'administration de la substance létale par un tiers non soignant me semble inédit – je ne vois pas d'équivalent dans les législations étrangères. Il doit susciter notre vigilance.

Tout d'abord, il est impossible d'être véritablement à la fois désigné et volontaire. Si le malade n'a qu'un seul proche, celui-ci devra occuper le rôle de tiers volontaire par défaut.

Ensuite, contrairement à votre présupposé, cet acte n'est pas banal. Pour assurer sa qualité, sa sécurité, il doit être effectué par un soignant.

Certains arguent que l'administration par un tiers non soignant rassurera les soignants opposés à l'aide à mourir. Pourtant, lors des auditions, ces derniers se sont montrés hostiles à ce dispositif.

Depuis les années 1990, je travaille avec les soignants et les aidants. Même si nous avons toujours cherché à protéger les aidants, la moitié d'entre eux déclarent encore se sentir très isolés et insuffisamment soutenus. Il est difficile d'imaginer qu'ils administrent une dose létale, avec toutes les conséquences qui s'attachent à cet acte.

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Chacun a souligné l'importance du respect des directives anticipées, du choix de la personne de confiance, du libre arbitre des personnes. Ne privons pas les malades de la possibilité d'être accompagnés par la personne de leur choix, s'ils le désirent. S'il est impératif de protéger les mineurs, l'administration de la dose létale doit être possible au sein d'un couple, à domicile, dans un ultime geste d'amour. Il y aura toujours des cas où une tierce personne sera aux côtés du malade lorsqu'il s'auto-administrera la dose létale ou qu'il s'y fera aider, à domicile ou dans un cadre hospitalier. Cette tierce personne doit être protégée sur le plan pénal. N'essayons pas d'aider les gens malgré eux, de les protéger malgré eux, et allons au bout de la belle logique du libre arbitre, de l'autonomie et du volontariat.

Permalien
Catherine Vautrin, ministre

Ce texte repose sur une philosophie : le patient doit être l'acteur central. Si la règle est donc l'auto-administration, celle-ci est parfois impossible, mais cela n'empêche pas de laisser le patient choisir lui-même la personne par qui il souhaite être accompagné. De toute manière, un personnel médical ou paramédical sera toujours présent lors de l'administration du produit – nous y reviendrons. Dès lors, le patient ne sera jamais seul avec le proche qu'il a désigné.

Ces amendements visent à interdire l'administration par un tiers. Leur adoption conduirait à priver les proches des malades d'une protection face aux procédures pénales, et même à exclure les proches de la discussion.

Le problème est que nos débats ne suivent pas l'ordre d'examen du texte. Comme le disait tout à l'heure Gilles Le Gendre, l'article 5 a été conçu comme un article chapeau, les modalités précises de la mise en œuvre de l'aide à mourir étant détaillées dans les articles suivants. L'amendement CS1959 de Mme la rapporteure à cet article, qui précisera notamment le statut du proche, puis l'article 11 permettront de nous prémunir de certains des risques avancés.

La commission rejette les amendements.

La réunion s'achève à zéro heure cinq.

Présences en réunion

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Bérangère Couillard, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. François Gernigon, M. Joël Giraud, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, M. Patrick Hetzel, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Emeline K/Bidi, Mme Julie Laernoes, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Brigitte Liso, Mme Marie-France Lorho, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Christophe Marion, M. Didier Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Frédérique Meunier, M. Yannick Neuder, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Cécile Rilhac, M. Jean-François Rousset, Mme Danielle Simonnet, M. David Valence, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Léo Walter

Excusée. – Mme Lise Magnier

Assistaient également à la réunion. – Mme Mireille Clapot, Mme Emmanuelle Ménard, M. Benoit Mournet, Mme Maud Petit