La réunion

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Jeudi 2 février 2023

La séance est ouverte à onze heures dix

(Présidence de M. Jean-Philippe Tanguy, président de la commission)

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Jean-Philippe Tanguy. Nous ouvrons aujourd'hui la troisième journée de travail de notre commission d'enquête. Après avoir auditionné des experts et des institutionnels, nous recevons aujourd'hui M. Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP).

Créée en 1990, la CNCCFP a la charge du contrôle des comptes de campagne des candidats à toutes les élections et du respect d'un certain nombre d'obligations comptables des partis politiques. Monsieur le président, vous avez un regard direct sur les financements de toute origine et, notamment, d'origine étrangère. Le champ de possibilité de ces financements d'origine étrangère a d'ailleurs été restreint lors des dernières années. Notre commission tente de savoir s'il existe des ingérences d'origine étrangère effectives, et donc toxiques, en lien avec la vie politique et ses acteurs en France. Nous souhaitons évaluer avec vous l'ampleur de ces financements, qui peuvent être légaux mais aussi illégaux. Nous aborderons également le financement ordinaire des partis politiques et le financement ponctuel des campagnes électorales et nous identifierons les capacités de votre administration ainsi que celles que l'Assemblée nationale pourrait lui attribuer dans un but de renforcement de son action. En effet, il convient de vérifier que le cadre juridique et les outils dont vous disposez sont adaptés. Nous souhaitons aussi obtenir votre témoignage, car vous jouez un rôle depuis de longues années dans ce domaine.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Jean-Philippe Vachia prête serment.)

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Je précise que je m'inscris dans le cadre des attributions de la commission que je préside et dont vous venez de rappeler les deux éléments principaux. Mon propos a vocation à déterminer les types, possibles ou impossibles, d'ingérences étrangères dans le financement de la vie politique, au sens de la loi de 1988 sur la transparence financière et du chapitre du code électoral qui traite des conditions financières des campagnes électorales. Je prendrai aussi appui sur la loi pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017, celle-ci ayant renforcé profondément le cadre législatif. Il demeure cependant des risques et marges d'incertitude.

Dès 1990, il a été inscrit dans les deux textes, à savoir la loi sur la transparence financière et le code électoral, une interdiction des contributions ou aides matérielles directes ou indirectes des États étrangers et des personnes morales de droit étranger. Cette disposition constitue aussi une recommandation du Comité des ministres des États membres de 2003. Le Conseil d'État avait par exemple estimé que la commission avait eu raison de refuser l'agrément du Parti nationaliste basque, car il était fondé sur un parti de droit étranger. Les concours de personnes morales aux campagnes électorales et aux partis politiques sont quant à eux interdits complètement et définitivement depuis la loi du 19 janvier 1995. Auparavant, ils étaient autorisés dans certaines limites.

Les dons des personnes physiques sont, pour leur part, encadrés pour les dons aux campagnes électorales, à hauteur de 4 600 euros maximum par campagne, et aux partis politiques, à hauteur de 7 500 euros maximum par an. Un couple qui donnerait à la fois aux campagnes et aux partis en décembre de l'année n et en janvier de l'année n+1 pourrait totaliser un don d'un montant très important. Toutefois, il est important de souligner qu'il n'existait pas de condition de nationalité française ou de résidence en France jusqu'en 2017.

S'agissant maintenant des prêts, aucun encadrement n'était appliqué avant 2017 aux prêts des personnes morales et physiques. J'ai effectué certaines recherches, mais je ne prétends cependant pas être exhaustif dans les exemples que je pourrais vous fournir. Avant 2017, certains emprunts ont pu avoir lieu auprès de personnes physiques qui pouvaient venir de l'étranger. Monsieur le président, je me dois d'ailleurs de citer certains exemples qui concernent le Rassemblement national.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous avons identifié, par exemple, un emprunt en 2017 auprès d'une personne physique, dans le cadre du financement de la campagne de Marine Le Pen. Plus précisément, le prêt avait été financé à partir d'une banque basée aux Émirats Arabes Unis. Par ailleurs, ce prêt a été remboursé. En outre, un emprunt de 500 000 euros avait été effectué par Les Républicains auprès d'une personne physique ayant des activités axées sur l'international. Nous avons également enregistré des emprunts auprès de personnes morales. Par exemple, le parti Cotelec, dirigé par Jean-Marie Le Pen, avait emprunté deux millions d'euros auprès d'une société chypriote en 2014. Cet emprunt a lui aussi été remboursé. Je reviendrai sur l'emprunt russe du Rassemblement national plus tard dans mon exposé.

Tant pour les campagnes électorales que pour les partis politiques, la loi de 2017 interdit les prêts de toute personne morale autre que les partis politiques respectant les critères de la loi de 1988, c'est-à-dire qui déposent leurs comptes auprès de notre commission, et les banques ou sociétés de crédit ayant leur siège dans l'Espace économique européen – soit les pays de l'Union européenne et trois autres pays. Pour information, 588 partis sont recensés par notre commission à ce jour.

Par ailleurs, il existe une condition de nationalité française ou de résidence en France pour les dons de personnes physiques. Par exemple, un Chinois résidant en France peut consentir un don à une campagne. Il existe également un encadrement des prêts des personnes physiques. Généralement, les mesures prises pour les campagnes électorales sont dupliquées pour les partis politiques. Par conséquent, les partis politiques ne peuvent désormais plus emprunter qu'auprès des partis politiques et des banques de l'Espace économique européen.

Nous publions chaque année notre avis sur les comptes des partis politiques et nous mettons en ligne les états financiers de ceux-ci. Vous pouvez donc regarder le bilan, le compte de résultat et l'annexe des dossiers d'environ 500 partis, car certains sont défaillants. Les annexes sont maintenant beaucoup plus détaillées : elles contiennent des informations telles que les montants consolidés des emprunts souscrits, répartis par type de prêteur et par type de prêt, et l'identité des prêteurs personnes morales. Notre commission a quant à elle accès à l'identité des personnes physiques prêteuses, mais nous ne publions pas ces listes de donateurs personnes physiques.

S'agissant des dons des personnes physiques, il existe une condition de nationalité française ou de résidence en France comme pour les campagnes. Cependant, ces conditions ne s'appliquent pas aux cotisations, ce qui me semble résulter d'un oubli du législateur. Concrètement, une personne étrangère a la possibilité de cotiser à un parti politique. Nous pouvons alors seulement constater, s'agissant des dons, qu'une procédure permet au mandataire de s'assurer que la personne qui consent le don est de nationalité française ou réside en France. Cependant, nous n'avons aucun pouvoir d'investigation et nous ne pouvons pas demander aux impôts si une personne est effectivement résident fiscal ou non. Nous n'avons que la déclaration, et effectuer une fausse déclaration expose une personne à des poursuites. Si nous avons des suspicions, nous pouvons saisir Tracfin. Au niveau des emprunts, nos contrôles peuvent désormais être plus effectifs, car nous veillons chaque année à la présence des emprunts au bilan des comptes des partis politiques et à l'amortissement ou non de ceux-ci. Il demeure cependant des risques et des marges d'incertitudes.

Dans les comptes des partis politiques, le passé a un certain poids. Des emprunts contractés avant 2017 et qui continuent de vivre peuvent encore y figurer. Ces emprunts peuvent avoir été réalisés auprès de personnes physiques. Le cas de l'emprunt russe correspond quant à lui à un emprunt réalisé alors par le Front national auprès d'une banque russe. Il s'élevait à 9 millions d'euros et il devait être remboursé à terminaison au bout de cinq ans, c'est-à-dire en 2019. Cependant, il a été renégocié avec une nouvelle banque russe en 2019, car la précédente avait fait faillite et la nouvelle était substituée dans les droits et obligations de la précédente. L'emprunt a été rééchelonné jusqu'à 2028 et nous veillons à ce que les annuités aient bien été versées et à ce que cet emprunt se réduise dans le passif d'année en année. Cet emprunt n'a d'ailleurs rien de mystérieux et il est possible de trouver toutes les informations nécessaires sur notre site.

De plus, il existe maintenant un encadrement des prêts des personnes physiques : ceux-ci ne peuvent pas excéder cinq ans, voire dix-huit ou vingt-quatre mois en cas de campagnes électorales ou pour un parti politique si le prêt a été consenti à un taux inférieur au taux d'intérêt légal. Cependant, aucune condition de nationalité ne s'applique aux prêts des personnes physiques et aucun plafond n'y est appliqué. Une même personne peut donc consentir un prêt de plusieurs centaines de milliers d'euros tant qu'il ne dépasse pas 47,5 % du plafond des dépenses électorales. Pour les prêts aux campagnes électorales, nous opérons un contrôle à travers le compte bancaire du mandataire. Nous pouvons donc vérifier l'origine immédiate d'un prêt, mais nous n'avons cependant pas la capacité de remonter en arrière. Lorsque les sommes sont très importantes, nous pouvons demander à la personne quelle est l'origine de l'argent. Si nous avons quelque suspicion, nous pouvons saisir Tracfin, mais nous ne pouvons pas demander à Tracfin de mener des investigations pour notre compte. Je rappelle par ailleurs que la loi de 2017 disposait que les prêts des personnes physiques sont autorisés à condition qu'ils ne soient pas effectués à titre habituel. Pour vérifier cette condition, nous devions disposer d'un certain recul. Depuis 2017, nous avons eu des élections européennes, municipales, départementales, régionales et législatives : nous avons donc suffisamment de recul pour déterminer si cette condition d'absence de prêteurs habituels est respectée, du moins pour les montants les plus importants.

Enfin, le cadre européen du financement de la vie politique est extrêmement compliqué. Un règlement de 2014 organise le fonctionnement des partis politiques européens et il crée une Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes. Le règlement dispose que les partis politiques européens et les fondations n'ont pas le droit de financer les partis politiques nationaux de manière directe ou indirecte. Toutefois, une autre disposition prévoit que les partis politiques européens peuvent participer aux campagnes électorales pour l'élection du Parlement européen. Le Conseil d'État, dans un avis du 19 mars 2019, a estimé qu'un parti européen pourrait cofinancer la campagne électorale d'une liste nationale pour le Parlement européen. Cependant, à la suite de contacts noués avec l'Autorité européenne, nous nous sommes aperçus que celle-ci se montrait bien plus restrictive. Elle explique qu'un parti européen ne peut pas cofinancer la campagne électorale d'une liste nationale, mais qu'il peut simplement faire une campagne sur des thèmes européens. Le directeur de l'Autorité a confirmé par écrit que le cofinancement n'était pas autorisé. Concrètement, lors d'un meeting qui rassemble le parti national et le parti européen, ce dernier ne peut pas se substituer au premier dans le financement de l'événement. Je reconnais que cette situation est particulièrement complexe.

Contrairement aux partis politiques nationaux, les partis politiques européens peuvent aujourd'hui recevoir les contributions de personnes morales dans une mesure limitée. En outre, un texte modificatif du règlement européen 2014 se montrerait plus strict vis-à-vis des risques d'ingérences extérieures.

En conclusion, nous estimons qu'il faudrait un meilleur encadrement des prêts des personnes physiques et nous insistons sur la nécessité de clarifier les modalités d'intervention des partis politiques européens dans les campagnes nationales. Nous souhaitons aussi voir élargir nos capacités juridiques d'action et pouvoir avoir des échanges interactifs avec Tracfin.

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Vous avez fourni quelques exemples de prêts émis par des personnes morales et physiques étrangères, mais vous avez précisé que cette liste n'était pas exhaustive. Cette liste existe-t-elle et peut-elle être communiquée aux commissaires de cette commission, ou du mois à Mme la rapporteure ? Par ailleurs, avez-vous déjà dû effectuer certains signalements à Tracfin en lien avec cette liste ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous ne disposons pas de liste. Nous avons mené une recherche dans la mémoire collective en nous appuyant sur notre service juridique. Les éléments sont assez simples à circonscrire dans les bilans des partis politiques ; en revanche, la situation est plus compliquée s'agissant des prêts contractés par le passé et qui ont été remboursés. Je ne peux, par conséquent, pas vous donner l'assurance que nous sommes capables de tout identifier depuis 1990. Certains prêts ou emprunts ont donc pu être contractés auprès d'institutions étrangères à une époque ancienne. Cependant, ceux-ci ne devaient pas être massifs car ils n'ont pas marqué la mémoire collective de notre commission. En outre, nous publions les comptes des partis chaque année et les membres de votre commission peuvent les consulter. Nous avons également archivé l'ensemble des dossiers relatifs aux campagnes électorales en remontant jusqu'à 2012 inclus.

Nous avons tout de même des échanges avec Tracfin, qui nous questionne sur ces sujets. Nous pouvons également saisir Tracfin lorsque nous avons un questionnement, mais nous n'obtenons pas de retour sur celui-ci.

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Depuis que vous êtes président de la CNCCFP, avez-vous eu à saisir Tracfin pour des financements étrangers dans le cadre de prêts, car vous aviez quelques suspicions, notamment relatives aux partis politiques représentés au Parlement ou qui auraient pu l'être au vu de leur poids électoral ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Depuis le début de ma présidence, nous avons déjà saisi Tracfin, mais pour des sujets qui ne relèvent pas du champ de cette commission d'enquête. En effet, il n'était pas question de la problématique de financements étrangers. Cependant, je vous fais cette réponse aujourd'hui et il n'est pas impossible que nous saisissions Tracfin dans les mois à venir en lien avec ce dont j'ai parlé lors de cette audition. Comme nous n'avons pas décidé en collège de ce que nous allions faire, je ne peux pas m'avancer plus.

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Je comprends que les éléments étudiés dans le cadre des campagnes électorales de 2022 pourraient vous amener à saisir Tracfin sur des éléments de financements étrangers.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous ne pouvons saisir Tracfin que sur des interrogations à propos des origines possibles de certains fonds. Je n'ai absolument pas les moyens de savoir qu'un financement provient de l'étranger, sauf si certains prêts ont été consentis par des personnes de nationalité étrangère et vivant ailleurs qu'en France. D'ailleurs, cette situation ne correspond pas nécessairement à une forme d'ingérence. Actuellement, nous terminons l'examen des comptes de campagne de l'élection législative. Nous réaliserons ensuite un bilan et nous pourrons identifier les prêts importants de personnes physiques qui proviendraient d'une même personne.

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Pouvez-vous également saisir le parquet national financier (PNF) ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Un ensemble d'irrégularités mentionnées dans le code électoral et dans la loi de 1988 peut constituer des délits – je vous renvoie à l'article L.113-1 du code électoral. Lorsque nous avons des suspicions sur de potentielles irrégularités, nous sommes amenés à faire des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Nous ne pouvons pas saisir directement le PNF, si bien que notre point d'entrée est le procureur de la République de Paris, qui a quant à lui le pouvoir de renvoyer le dossier au PNF. Si un parti politique a son siège dans une région et qu'un manquement est constaté, nous saisissons le procureur de la République territorialement compétent.

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Vous avez évoqué une disposition légale qui permet à des étrangers qui ne sont pas de nationalité française ou de nationalité d'un autre État de l'Espace économique européen de faire des dons s'ils sont résidents fiscaux en France. Dès lors, des banques étrangères ayant des bureaux à Paris et qui pourraient être immatriculées en France, mais dont les capitaux principaux sont localisés en Chine, en Russie, aux États-Unis ou au Maroc, pourraient-elles effectuer un prêt si elles disposent d'une immatriculation ou d'une autorisation d'exercer en France ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Le critère est d'avoir un siège et un agrément en France. Par exemple, une filiale d'une grande banque américaine ou chinoise qui aurait un agrément auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pourrait effectuer un tel prêt. Je serais plus prudent sur les succursales qui se présentent comme telles – la question doit être précisée avec les autorités bancaires. En règle générale et sans prétendre être entièrement exhaustif, ce sont de grandes banques nationales qui effectuent ce type de prêt, de même que de nombreuses banques mutualistes. En dehors de l'emprunt contracté par Mme Le Pen auprès d'un établissement hongrois, qui fait donc partie de l'Union européenne, le Crédit coopératif a été le seul prêteur de la dernière campagne présidentielle, généralement via le parti politique.

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Vous avez évoqué le prêt de 9 millions d'euros du parti Front national et le prêt du parti Les Républicains : ont-ils été réalisés avec des conditions commerciales comparables à celles qui existaient en France ou votre commission estime-t-elle que ces prêts ont été consentis à des conditions exorbitantes ou avec des conditions qui constitueraient un avantage commercial ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

A priori, ces prêts d'origine étrangère sont plutôt consentis à des taux supérieurs à ce qu'ils auraient été s'ils avaient été effectués par un établissement bancaire national.

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Êtes-vous en situation, grâce au recul dont vous disposez depuis l'application des dispositions de la loi de 2017, de constater une évolution soit quantitative soit en termes de zones géographiques dans le recours des partis politiques ou des candidats aux élections aux dons et aux prêts ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Oui, même si je manque encore de recul pour les élections législatives. Après les élections municipales, régionales et départementales, nous avons constaté une diminution des emprunts contractés auprès des banques au profit des emprunts consentis auprès des personnes physiques. Nous verrons si cette tendance se confirme pour les élections législatives, pour lesquelles les plafonds de dépenses se situent entre 60 000 euros et 70 000 euros et les budgets maximums avoisinent les 35 000 euros ou 45 000 euros. Pour rappel, le plafond de remboursement des dépenses est placé à 47,5 %. Les banques mutualistes sont les plus présentes pour ces emprunts, mais nous constatons une montée en puissance des prêts consentis par des personnes physiques, notamment pour les candidats du Rassemblement national et de La France insoumise.

Il existe aussi des interactions entre les partis politiques et les campagnes électorales. Par exemple, un parti est libre de financer totalement ou partiellement une campagne électorale et il peut être amené à contracter un emprunt pour ensuite le diviser et effectuer des prêts aux candidats selon le principe du prêt « miroir ». Dans ce cas, les prêts consentis aux candidats doivent répondre aux mêmes conditions que l'emprunt contracté par le parti politique. Mais on n'avait sans doute pas pensé au départ qu'un parti pourrait contracter des emprunts auprès de personnes physiques avant de les redistribuer sous forme de prêts aux candidats. Ce procédé est légal, mais il n'avait pas réellement été envisagé.

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Existe-t-il une évolution des nationalités des personnes physiques qui effectuent ces prêts aux candidats et aux partis politiques ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Non, les prêts viennent massivement de personnes qui ont un nom français, une adresse française et un compte en banque français. Lorsqu'un prêt réduit provient d'une personne à l'étranger, nous pouvons imaginer qu'il s'agit d'un acte de militantisme, ce qui ne pose pas de problème réel. C'est le sujet des prêts très importants qui doit être étudié de plus près.

Par ailleurs, cela peut être une très bonne affaire pour les personnes physiques En effet, certains prêts de personnes physiques sont consentis à un taux supérieur au taux légal : par conséquent, le prêt peut représenter une forme de placement. Toutefois, le prêteur court le risque que le candidat n'atteigne pas le seuil de 5 % des suffrages nécessaire pour obtenir un remboursement de la part de l'État.

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Lorsque vous êtes remboursé, il existe un suivi qui permet de constater que l'argent que l'État vous verse est bien rendu au prêteur afin d'éviter tout enrichissement personnel. Mais, lorsqu'un candidat n'est pas remboursé, existe-t-il un suivi du bon remboursement du prêt ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous avons mis en place ce suivi pour les élections municipales et nous vérifions cette année le bon remboursement des prêts aux personnes physiques dans le cadre des élections régionales et départementales. Dans un an, nous procéderons de la sorte pour les élections législatives. En outre, nous avons mentionné dans notre rapport d'activité que, dans un quart des cas, nous n'avions pas la preuve du remboursement du prêt. Nous avons donc systématiquement saisi le procureur de la République territorialement compétent, car il s'agit d'une infraction. Cette démarche a permis d'obtenir, dans de nombreux cas, le remboursement du prêt ; pour d'autres cas, nous attendons encore des informations ou une enquête judiciaire aura lieu. Ce système est particulièrement lourd alors que nous indiquons explicitement que l'emprunteur, c'est-à-dire le candidat, doit donner chaque année la preuve de remboursement de son emprunt dans le cadre d'un emprunt pluriannuel auprès d'une personne physique. Dans la pratique, nous effectuons un premier rappel et, si la situation ne se débloque pas, nous adressons une mise en demeure.

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S'agissant de dons de personnes physiques aux partis politiques et aux candidats, la commission est-elle capable d'établir la liste des personnes de nationalité étrangère ou des Français résidant à l'étranger ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous pourrions effectivement extraire la liste des dons des personnes résidant en France et qui n'ont pas la nationalité ainsi que des personnes vivant à l'étranger.

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Un ancien ambassadeur de France en Russie, M. Jean-Maurice Ripert, a affirmé sur une chaîne de télévision d'information en continu que tout le monde savait que certaines personnalités ne repartaient pas les mains vides lorsqu'elles venaient à Moscou. Que vous inspirent ces déclarations ? Ont-elles fait l'objet de discussions ou de débats ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Cela ne peut pas ne pas nous interroger. Comme je l'ai indiqué à l'occasion de la publication de nos décisions sur la campagne présidentielle, nous disposons des déclarations des comptes de campagnes et nous pouvons demander diverses justifications, mais nous rencontrons davantage de difficultés pour les dépenses qui seraient à l'extérieur du compte et qui ne seraient pas déclarées. À travers un suivi des réseaux sociaux, nous essayons de traquer des événements qui ne se retrouveraient pas dans le compte. Les éléments visibles dans une campagne passent difficilement inaperçus, même si nous pouvons nous interroger sur le coût réel de tel ou tel élément.

Nous étudions également les passifs des partis politiques, qu'il s'agisse de passifs bancaires ou de prêts de personnes physiques, ainsi que les dettes fournisseurs. Lorsque celles-ci se perpétuent d'année en année à l'égard d'un même fournisseur sans que celui-ci ne soit jamais réglé, nous considérons qu'il s'agit de facto d'une aide du fournisseur personne morale et nous donnons les suites appropriées à ce constat.

C'est pour répondre à ce type de préoccupation que nous demandons un accès aux comptes du ou des partis politiques soutenant un candidat dans l'année de l'élection. Nous n'avons en effet aucun contrôle sur les dépenses des partis politiques et nous souhaitons avoir un droit de communication analogue à celui des services fiscaux sur les sociétés prestataires de services des candidats. Sans celui-ci, nous ne pouvons qu'interroger un candidat pour obtenir des précisions relativement à telle ou telle facture. Dans nos dernières décisions, nous avons seulement réclamé des attestations, car nous ne pouvions pas aller plus loin.

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Pour les députés élus comme moi par les Français de l'étranger, le sujet du financement par des personnes morales ou physiques étrangères est particulièrement important. Nous avons des élections locales, celles des conseillers élus des Français de l'étranger, pour lesquelles il n'existe pas de comptes de campagne, ce qui représente une réelle difficulté. Ils ne font évidemment l'objet d'aucun remboursement : on ne peut rembourser ce qui n'est pas contrôlé.

Vous avez indiqué que la résidence à l'étranger des donateurs fait l'objet d'un recoupement. Pour autant, les non-résidents fiscaux en France n'ont pas le droit à une quelconque déduction. Ne pas pouvoir vérifier le statut de résident fiscal ne pose donc pas trop de problèmes dans ce cas.

Vous avez par ailleurs évoqué l'augmentation des prêts de personnes physiques. Je pense que ce phénomène est corrélé à la réticence croissante des établissements bancaires à nous consentir des prêts lorsque nous entrons en campagne, ce qui pose la question de la banque de la démocratie qui avait été proposée.

Concernant les frais hors campagnes électorales, je comprends que vous n'avez pas la main sur les dépenses des partis ou des personnalités politiques. Nos frais de mandat sont tout de même contrôlés, mais il est possible d'alimenter certaines personnes via des invitations, des déplacements ou des restaurants : ces montants peuvent ensuite créer un sentiment de redevabilité chez la personne qui les reçoit. Il est difficile de contrôler ces différents paramètres.

Avez-vous une structure, au sein de la CNCCFP, qui puisse communiquer de l'information aux candidats potentiels ex ante ? Par ailleurs, quels sont les critères précis permettant de définir un établissement financier étranger ? Pouvez-vous revenir sur les critères qui définissent un prêt d'origine étrangère ? Enfin, lorsqu'un transfert de fonds de plus de 5 000 euros est effectué, votre établissement bancaire en France vous contacte et vous demande de prouver l'origine des fonds par la remise d'un relevé bancaire montrant quelle est l'origine des fonds. L'enquête est donc menée de manière systématique par Tracfin.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Seuls les établissements bancaires ayant leur siège dans un pays de l'Espace économique européen sont autorisés à consentir des prêts aux candidats ou aux partis politiques. Dès lors, une filiale de banque étrangère doit avoir un siège dans cet Espace économique européen. Je renvoie d'ailleurs au site de l'ACPR pour vérifier que tel établissement est bien un établissement financier autorisé à pratiquer des opérations de banque sur le territoire de l'Espace économique européen. Les interrogations ex ante peuvent en outre intervenir sur de nombreux autres sujets et nous y répondons.

Les prêts d'origine étrangère, c'est-à-dire hors de l'Espace économique européen, sont par définition interdits pour les personnes morales. Je note par ailleurs votre remarque sur les prêts consentis par les personnes physiques.

Je suis d'accord avec vous sur le sujet des dons : il est effectivement nécessaire d'être résident fiscal pour bénéficier de l'exonération. Mais certaines personnes peuvent désirer faire un don sans disposer de cet avantage, qui, je le rappelle, est plafonné à 15 000 euros de dons pour un couple.

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Il est donc possible de donner davantage que le montant autorisé en déduction fiscale.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Si un couple de personnes veut soutenir un parti politique et que nous sommes au mois de décembre de l'année n. Les deux membres du couple peuvent chacun donner 7 500 euros à ce parti. En janvier de l'année n+1, ils peuvent à nouveau donner chacun 7 500 euros au même parti. Lors d'une année de double élection, les deux membres de ce couple pourront également donner chacun 4 600 euros pour la présidentielle et 4 600 euros pour les législatives. Si vous ne prenez que l'année n, ce couple pourra donner plus de 15 000 euros de manière licite, mais l'avantage fiscal n'interviendra que dans la limite de 15 000 euros.

Je confirme qu'il n'existe pas de système de financement et de remboursement pour les élections consulaires. En effet, nos compétences sont fondées sur l'idée que nos décisions aboutissent au remboursement de l'État au-dessus de 5 % des suffrages exprimés.

Le problème de la réticence des établissements bancaires est tout à fait avéré, notamment à l'ouverture du compte en banque, comme cela a été souligné cette année par le médiateur du crédit dans son rapport. Ce problème est principalement rencontré par des candidats qui ne disposent pas de grande structure partisane sur laquelle s'appuyer. Il existe par ailleurs des problèmes d'accès aux crédits.

Je pense qu'il faut renforcer le droit au compte prévu par les textes. Il est possible de s'adresser à la Banque de France qui désigne ensuite un établissement bancaire, mais certains établissements bancaires désignés traînent les pieds.

La loi de 2017 avait prévu la possibilité de créer par ordonnance une banque de la démocratie. Pour ma part, je ne pense pas qu'il faille créer une banque ex nihilo, mais plutôt trouver un mécanisme d'automaticité d'ouverture d'un compte dans une banque de service public. Toujours est-il que beaucoup de candidats aux législatives ont rencontré des difficultés, d'autant que la campagne est brève et laisse peu de temps pour trouver un mandataire puis une banque.

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Le financement russe de la campagne de Mme Le Pen est un cas d'école. Lorsque le prêt a été repris par une autre banque russe, n'aurait-il pas été préférable d'imposer que le refinancement soit opéré par une banque européenne alors que nous savons aujourd'hui que cet État est notre ennemi mortel ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Je ne me permettrais pas de dire ce qui est préférable ou non dans l'absolu. Nous nous sommes placés en droit et nous nous sommes demandé s'il s'agissait d'un nouveau prêt ou du même prêt. S'il avait été question d'un nouveau prêt, il n'aurait pas pu exister, car il serait tombé sous le coup de l'interdiction de la loi de 2017. Nous avons examiné le contrat de prêt et le jugement du tribunal arbitral puis du tribunal de commerce de Moscou, traduits par le Quai d'Orsay, afin de voir s'il s'agissait du même prêt. Il est apparu que c'était effectivement le cas, ce pour quoi cet emprunt subsiste au passif du Rassemblement national et ce jusqu'en 2028. À la fin de 2021, il restait un peu plus de 7 millions d'euros à rembourser.

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Estimez-vous que ce cas de figure est susceptible d'entraîner des conséquences en termes d'ingérences étrangères ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

C'est toute la question. S'il a été décidé en 1990 que ni un État étranger ni une personne morale étrangère ne pouvaient apporter une contribution, c'était dans l'idée d'empêcher les ingérences étrangères. La question pourrait se poser si le prêt d'une banque était consenti à un taux dérisoire, c'est-à-dire à un prix d'ami. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Pour notre part, nous constatons une situation financière et nous examinons des documents juridiques ; je n'ai pas à porter de jugement sur les conditions dans lesquelles cet emprunt a pu être contracté. Aujourd'hui, cette manière de procéder est interdite et c'est d'ailleurs une des toutes premières choses que nous vérifions

Il reste donc cet emprunt ainsi que quelques autres situations d'emprunts auprès de personnes physiques antérieurement à 2017 qui demeurent au passif de certains partis. Nous sommes extrêmement attentifs au remboursement de ces prêts. Si nous constations qu'un emprunt ou une dette fournisseur n'était pas remboursé, nous considérions cela comme une aide prohibée et le dénoncerions auprès du procureur de la République.

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Face au risque d'être exposé à une ingérence ou même une influence étrangère dans le cas de prêts consentis par une banque étrangère qui aurait une filiale valablement reconnue comme autorisée à exercer sur le territoire français, il appartiendrait donc au législateur d'aller plus loin et d'apporter une restriction plus grande pour préserver notre démocratie de tout risque. En effet, on ne peut exclure qu'une filiale d'une banque étrangère établie valablement sur le territoire français puisse se trouver sous le contrôle d'un pouvoir politique.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Vous avez tout à fait raison sur cette possibilité. Cela étant, je ne suis pas sûr que le législateur puisse imposer une telle restriction à des filiales ayant un siège dans un pays de l'Espace économique européen. Cela ne serait sans doute pas conforme au droit européen. Lors des dernières années, nous n'avons pas rencontré de tels cas. Je n'exclus pas que des emprunts aient été contractés auprès de HSBC, mais le Royaume Uni faisait encore partie de l'Union européenne à cette époque.

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Si des partis politiques ou des candidats ont dû aller chercher des fonds à l'étranger ou auprès de personnes physiques, c'est le symptôme que les banques françaises et européennes ne jouent pas le jeu. Je comprends en outre que vous estimez que les conditions actuelles d'obtention des fonds pour les partis politiques et les campagnes sont bien encadrées par la loi. Le confirmez-vous ? Estimez-vous que les dispositifs légaux actuels permettent bien d'identifier et d'encadrer l'origine des fonds ? Quelles pourraient être les failles résiduelles de ce système ?

Par exemple, l'absence de condition de nationalité française ou de résidence en France pour les cotisations aux partis politiques pourrait éventuellement représenter une dernière faille. J'imagine qu'il est question du tarif des adhésions et cotisations, par conséquent de montants relativement faibles.

Vous évoquiez des emprunts résiduels de personnes physiques étrangères qui seraient désormais interdits, mais qui pourraient encore figurer dans les comptes de certains politiques. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur les montants en jeu et sur les partis concernés ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

L'encadrement des dons est tout à fait adéquat. Par ailleurs, les cotisations jouent tout de même un rôle important dans le financement des partis politiques. Elles représentent 15 ou 20 millions d'euros sur les 180 millions d'euros que représentent les ressources des partis politiques. Cela dit, la probabilité qu'il y ait des cotisations massives de personnes de nationalité étrangère me semble très faible. En revanche, je pense qu'il serait nécessaire de davantage encadrer les prêts des personnes physiques, notamment en appliquant une condition de nationalité française ou de résidence en France et en plafonnant le montant maximum possible par campagne électorale.

Au sujet des emprunts résiduels auprès des personnes physiques, je n'ai pas dit que celles-ci étaient étrangères. Cependant, je ne peux pas garantir l'origine des fonds qui ont permis de consentir ces prêts.

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Dans la presse, une polémique a été reprise par les concurrents de Mme Pécresse dans le cadre de la primaire du parti Les Républicains : des adhérents de plusieurs diasporas, mais d'un intérêt géographique commun, auraient pris une part importante dans la désignation de Mme Pécresse au premier tour. Dès lors, la possibilité que des cotisations soient payées par des personnes de nationalité étrangères, et qui ne parleraient peut-être même pas français, pourrait jouer un rôle politique important. La désignation de Mme Pécresse aurait pu avoir une incidence importante, voire décisive. J'insiste toutefois sur mon emploi du conditionnel sur ces éléments.

Par ailleurs, les experts que nous avons auditionnés nous ont fait état de capacités de robotisation, d'automatisation de commentaires et de diverses procédures numériques. Au vu de la performance de l'intelligence artificielle, nous pourrions envisager que des centaines de milliers de petites opérations financières de cotisation soient enregistrées et celles-ci passeraient sous les radars, notamment de Tracfin. Cette possibilité est bien sûr théorique, mais il ne s'agit pas d'une impossibilité.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Oui, il n'existe pas de condition de nationalité et nous ne pouvons pas exclure le scénario que vous imaginez.

Nous rendons communicable la liste des dons, mais sans l'identité des donateurs. Vous pouvez donc recevoir la liste des dons reçus pour une année donnée, le cas échéant commune par commune, par un parti, mais celle-ci sera anonymisée. Il y a deux catégories de donateurs : d'une part, certaines personnes donnent à une campagne électorale et souhaitent bénéficier de leur avantage fiscal, auquel cas il n'y a pas de problème ; d'autre part, certains donateurs souhaitent soutenir une campagne au maximum sans se soucier de l'avantage fiscal. Ce raisonnement peut également s'appliquer aux cotisations.

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Un outil informatique permettrait-il d'effectuer des recoupements et de constater qu'énormément de cotisants apparaissent dans une commune, voire que les cotisants soient plus nombreux que le nombre d'habitants dans une ville ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

C'est théoriquement possible, même si ce scénario paraît peu probable.

Je suis par ailleurs extrêmement frappé de l'importance des dons constatés dans le cadre des campagnes électorales qui ont lieu dans les outre-mer en comparaison avec la métropole.

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Constatez-vous une évolution au sujet des dons consentis aux partis politiques et lors des campagnes par des personnes étrangères résidant en France ? À l'occasion d'annulations de comptes de campagne ou de questions qui vous auraient été posées, avez-vous observé des questionnements qui auraient pu vous faire penser que certaines personnes essaient de contourner les règles ou cherchaient des solutions pour obtenir des financements à l'étranger ? Y a-t-il eu beaucoup d'annulations liées à ce type de fraudes ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous avons des possibilités limitées de traitement de données nominatives du fait des protections légales en vigueur. Par exemple, aucun traitement ne nous permettrait de sélectionner les personnes de nationalité étrangère. On pourrait éventuellement analyser tous les dons d'une campagne et identifier les noms avec une consonance étrangère. J'ai simplement le sentiment qu'elles sont peu nombreuses.

Les rejets de comptes ne sont pas motivés par des soupçons d'ingérence étrangère. Ces rejets interviennent plutôt en raison du non-accomplissement de formalités substantielles. Enfin, certains rejets peuvent être prononcés pour des concours anormaux interdits de personnes morales, notamment lorsque des prestations délivrées à un candidat sont manifestement sous-estimées ou non comptabilisées.

Enfin, si les dons aux partis politiques sont largement informatisés, les dons pour les campagnes électorales passent par des formulaires en papier, hormis pour les élections présidentielles.

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Vous avez évoqué le sujet des dettes fournisseurs. J'avais cru comprendre qu'avec la loi de 2017, les accords avec les fournisseurs sur plusieurs années – qui permettaient aux candidats disposant de peu de moyens de répartir les coûts dans le temps – avaient été interdits. Or vous avez souligné le cas de dettes fournisseurs qui ne seraient pas éteintes.

En outre, la presse a fait état d'informations sur des prestations de cabinets de conseil données à titre gratuit ou à des niveaux faiblement valorisés. Est-ce une nouvelle pratique ? Dans les comptes de campagne jusqu'à la fin des années 2020, les prestations, notamment de cabinets de conseil, ne semblaient pas jouer un rôle quelconque. Ce sujet est-il sous contrôle ? Évidemment, je pose ma question dans la limite des enquêtes en cours.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Au sujet des dettes fournisseurs qui se perpétuent d'année en année, nous considérons qu'à partir d'un certain moment il s'agit d'une aide illégale du fournisseur en tant que personne morale et nous transmettons le dossier au parquet judiciaire compétent.

En ce qui concerne les cabinets de conseil, nous regardons les catégories de prestation facturées aux candidats dans les comptes de campagne. Une de ces catégories porte sur le conseil en communication. Son contenu est disparate, puisqu'elle comprend aussi bien des prestations intellectuelles, telles que des conseils, que des prestations d'ordre plus matériel, telles que la sonorisation d'une salle ou la conception de documents de campagne. Par conséquent, nous nous demandons si la facturation de ces prestations a eu lieu au bon prix et si des rabais excessifs n'ont pas été octroyés. Face à un développement considérable du numérique, nous avons dû avoir recours, dans le cadre de la dernière campagne présidentielle, à une expertise pour vérifier que la facturation de ces outils s'inscrivait dans les prix du marché.

Toujours dans le cadre de l'élection présidentielle, nous avons été amenés à demander aux candidats qui se trouvaient être chefs d'un exécutif, à savoir le Président de la République, la présidente du conseil régional d'Île-de-France et la maire de Paris, d'attester qu'ils n'avaient pas eu d'autres recours que ce qui était indiqué dans les comptes, car ils sont susceptibles de faire passer des contrats avec des cabinets de conseil. Il nous a été répondu qu'aucune intervention qui aurait nécessité un règlement financier qui ne serait pas dans le compte de campagne n'avait été effectuée.

Cependant, des bénévoles de l'équipe de campagne peuvent avoir travaillé ou travailler encore pour un cabinet de conseil. Ce sujet nous amène à la question de la constitution des équipes de campagne : des salariés – beaucoup pour l'élection présidentielle, très peu pour les autres élections –, des prestataires de services et des bénévoles. Pour les législatives et d'autres campagnes se posent le cas sempiternel des assistants parlementaires, pour lesquels nous vérifions qu'ils interviennent bien pendant leurs congés, à l'occasion d'une mise en disponibilité, etc. Pour l'élection présidentielle, nous avons réclamé la liste nominative des membres des équipes de campagne. Il est possible qu'y figurent des personnes qui ont été cadres dans un cabinet de conseil, ou qui le sont encore, des professeurs d'université, voire des magistrats à la Cour des comptes, et qui interviennent en dehors de leurs heures de service. Nous n'ignorons pas le communiqué du Parquet national financier, mais nous n'en savons pas plus.

La Commission intervient dans le délai de six mois, sur la base d'une déclaration qui lui est faite et dans la limite de ses pouvoirs. Elle n'a aucun pouvoir d'investigation, pas même ceux reconnus à d'autres autorités administratives indépendantes comme la CNIL, l'Autorité des marchés financiers ou la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et il arrive parfois qu'on découvre certains éléments dans ce temps plus long qu'est le temps judiciaire. Mais nous pouvons aussi saisir le parquet si nous avons des suspicions.

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Qu'en est-il des ristournes éventuelles accordées aux partis et aux candidats ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Les rabais et ristournes sont des points de contrôle habituels. Ils correspondent souvent à des pratiques commerciales courantes, par exemple pour la location de grandes salles. Il faut donc s'assurer du caractère commercial des rabais, notamment en comparant les coûts lorsque cela est possible.

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Des entreprises étrangères ont-elles pu proposer des prix qui vous auraient paru étranges ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Je ne me risquerai pas à vous répondre. Des entreprises étrangères ou leurs filiales fournissent des prestations, mais elles ne sont pas forcément accompagnées de rabais.

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Concrètement, la Commission a-t-elle déjà soupçonné une entreprise de jouer le rôle d'intermédiaire pour des intérêts étrangers ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous nous sommes posé des questions sur certaines entreprises, mais pas sous l'angle « étranger ».

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Il est tout à fait possible qu'un établissement dont on aurait besoin pendant une campagne électorale se trouve appartenir à un propriétaire étranger ne faisant pas partie de l'Espace économique européen.

La vie politique n'est pas uniquement jalonnée de campagnes électorales. Le contrôle de l'influence ou de l'ingérence éventuelle d'une entité étrangère sur un candidat putatif hors des campagnes électorales pose une véritable question.

Les décisions que vous rendez sur les comptes de campagnes que vous contrôlez sont-elles publiques ? La motivation d'un rejet total ou partiel est-elle également publique ?

Vous avez expliqué que vous effectuez un contrôle des emprunts auprès des personnes physiques et de leur remboursement. Comment la question est-elle traitée pour le cas des prêteurs se trouvant à l'étranger ? Comment vérifiez-vous qu'un candidat pour une élection à l'étranger qui a reçu un prêt d'une personne de son entourage l'a bien remboursé ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

La période de financement contrôlée en lien avec une campagne s'étale généralement sur six mois. Avant ces six mois, il n'existe pas de règle. Pour être précis, cette période est d'un an pour l'élection présidentielle, exceptionnellement réduite à neuf mois pour la campagne qui vient d'avoir lieu.

Il est vrai que les partis politiques vivent leur vie toute l'année. Nous avons des attributions pour vérifier qu'ils remplissent leurs obligations comptables et qu'ils respectent la réglementation du point de vue de leurs ressources en ce qui concerne les dons et les emprunts. Mais nous ne contrôlons pas les dépenses des partis politiques. À la limite, un parti pourrait décider d'organiser constamment des voyages à l'étranger sans aucun but professionnel ou pédagogique. Cependant, le détournement de fonds à des fins personnelles est un délit puni par le code pénal et le commissaire aux comptes devrait le dénoncer.

Nos décisions sont publiées au Journal officiel pour la présidentielle sous réserve de l'absence de recours – auquel cas c'est le Conseil constitutionnel qui publie la décision. Les autres décisions ne sont pas publiées, mais elles sont communicables à toute personne qui en fait la demande. Nous pourrions d'ailleurs envisager de mettre en ligne nos décisions, ce qui suppose toutefois un important travail d'anonymisation. J'ajoute que les dossiers sur lesquels nous travaillons sont également communicables, et même la procédure contradictoire entre la Commission et le candidat. Bref, un énorme gisement de données est à la disposition du public.

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J'ai bien noté que les dispositions légales pour interdire les financements étrangers extra-européens sont bien appliquées. Il existe des financements résiduels subsistant dans les comptes des partis politiques qui seraient maintenant illégaux mais qui ont été souscrits avant 2017 et sont sous le contrôle de votre commission, qui en vérifie le bon remboursement.

Vous avez évoqué la possible intervention des partis politiques européens pour les campagnes européennes. Ces partis politiques européens peuvent du reste interférer avec la vie politique française à tout moment, notamment par des campagnes de publicité. Des articles avaient indiqué, lors de l'élection européenne de 2017, que le parti ALDE avait reçu des contributions de plusieurs milliers d'euros de la part d'entreprises étrangères telles que Microsoft, Google ou Bayer-Monsanto. Estimez-vous problématique que ces partis politiques européens ne soient pas soumis à la même législation et aux mêmes obligations ? En effet, ces financements étrangers de partis politiques européens sont, à ma connaissance, toujours autorisés, ce qui pose des questions sur l'autorisation d'intervention de ces partis politiques européens les campagnes électorales françaises.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Cette question est tout à fait pertinente. La législation qui s'applique aux partis européens diffère effectivement de la législation nationale. Par exemple, ils peuvent recevoir des contributions de personnes morales étrangères dans certaines limites. Un réexamen du règlement de 2014 est négocié actuellement et celui-ci penche vers davantage de restrictions par rapport à ces risques d'ingérences étrangères. Les partis politiques européens sont néanmoins soumis au contrôle de l'Autorité pour les partis politiques européens, qui dispose d'un pouvoir de contrôle sur leurs dépenses.

Par ailleurs, la question de la réglementation de la publicité politique au niveau européen relève d'un autre règlement qui est en cours de discussion. Ce sujet constitue encore un point de questionnement, car il présente certains risques.

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Lorsque j'étais candidat pour le parti Debout la France pour les élections européennes de 2014, j'avais introduit un recours devant le Conseil d'État sur les publicités en ligne du PPE et du PSE sur les réseaux sociaux. Ces publicités portaient un message politique – certes respectable en lui-même. Le Conseil d'État avait botté en touche en disant qu'il existait le droit européen d'une part et le droit français d'autre part. Or ces deux droits sont en totale opposition. En effet, dans la période d'interdiction totale de la publicité politique sous toutes ses formes et il y avait sur le territoire français, pendant une période électorale, de la publicité politique en ligne à destination des électeurs français. Ce sujet est toujours sur la table après huit ans.

Au sujet du manque de moyens, votre institution, qui est importante pour les citoyens et les élus, est amenée à valider des comptes qui se retrouveront des années plus tard dans la presse. En outre, vous condamnez certaines pratiques sans moyens d'action, ce qui jette un certain discrédit sur votre institution, car vous ne pouvez donner une validation que selon les règles qui vous sont imposées et avec les moyens dont vous disposez. Pour l'opinion publique, qui n'est pas au fait de toutes ces subtilités, c'est tout de même compliqué.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre discours, Monsieur le président. Le Parlement européen vote une législation européenne et l'action des partis politiques européens est autorisée en toute connaissance de cause sous des formes qui ne sont pas admises pour des partis politiques français. Ce choix politique est posé par le législateur européen et il revient au gouvernement français de remplir son mandat dans les instances de négociation, car le règlement doit être adopté par le Parlement et le Conseil. Un parti politique européen peut donc faire une campagne publicitaire pour les élections européennes, à l'exclusion de toute autre élection. Il ne pourrait pas le faire pour l'élection présidentielle, par exemple. Nous n'aurions alors aucun mal à qualifier le concours anormal de personne morale, de rejeter les comptes et de transmettre l'affaire au procureur de la République sans aucun état d'âme.

Les partis politiques européens peuvent également être amenés à faire campagne pour un Spitzenkandidat, c'est-à-dire un candidat à la présidence de la Commission européenne. Dès lors, un parti européen pourrait soutenir une personne qui serait sa tête de liste dans tel pays de l'Union pour l'élection de 2024. Ce sujet peut être considéré comme complexe, mais il ne met pas en cause la crédibilité de notre commission. Nous publierons, pour les élections européennes comme pour les autres élections, un guide du candidat et du mandataire insistant sur les spécificités de cette campagne.

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Dans votre propos liminaire, vous avez fait état d'échanges avec votre homologue européen, qui indiquait que les partis politiques européens ne pouvaient pas financer un parti politique national et s'insérer dans le dispositif de la campagne nationale dudit parti politique, même si celui-ci fait partie d'une alliance européenne.

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Il nous l'a en effet précisé dans une lettre que je communiquerai à cette commission. Un parti politique européen qui aurait de tels comportements se mettrait dans une situation d'irrégularité qui serait sanctionnée financièrement par l'Autorité pour les partis politiques européens.

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Nous avons plusieurs fois écarté les micro-partis dans cette discussion au vu de leur nombre d'adhérents et de leur poids sur les scrutins. Cependant, nous savons tous que ces micro-partis servent au financement de campagnes électorales de partis politiques plus importants. Nous avons tous en tête le cas d'école du parti Jeanne qui avait surfacturé des kits de campagne à ses candidats. Quel suivi opérez-vous de l'argent qui entre dans ces micro-partis ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Sur les 588 partis politiques recensés, 500 ont réellement une vie et 34 partis, dont 20 ou 25 sont des partis d'outre-mer, sont éligibles à l'aide publique. Il existe aussi des partis de taille intermédiaire et de taille très réduite, qui n'ont que quelques milliers d'euros de ressources et de dépenses. Tous ces partis ne participent pas nécessairement au financement des campagnes électorales. Ils ne sont que 100 ou 150 à le faire, ce qui est du reste tout à fait licite. En outre, une dévolution peut survenir au profit d'un parti lorsqu'un surplus est constaté dans un compte de campagne et qu'il ne provient pas de l'apport personnel du candidat.

Par ailleurs, certains partis perçoivent des dons bénéficiant de l'avantage fiscal et ils sont libres de dépenser cet argent comme ils le souhaitent. Nous vérifions qu'ils déposent leurs comptes chaque année et nous nous montrons intransigeants sur la manière dont ils perçoivent les dons. Pour le reste, ils font ce qu'ils veulent avec cet argent. Nous disposons certes de leur compte de résultat, mais celui-ci n'est pas réellement précis. Il apparaît enfin que ce phénomène croît d'année en année. Il y a des personnalités politiques qui estiment devoir créer leur propre parti en plus du grand parti auquel elles appartiennent. Il y a aussi des partis poursuivant des buts purement locaux.

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Au sujet de l'affaire Jeanne, la justice a déclaré en première instance qu'il n'y avait pas eu de surfacturation et il y a maintenant appel du procureur.

En outre, le directeur de l'Agence anticorruption a évoqué des risques de corruption par ingérence étrangère non pas par les chefs de file habituels, mais, d'une manière plus pernicieuse, par les collectivités territoriales. Existe-t-il un risque d'ingérence étrangère de groupes, d'États ou de sectes qui pourraient corrompre des acteurs locaux, notamment via des micro-partis ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Nous contrôlons les comptes de campagne dans les municipalités de plus de 9 000 habitants, soit 1 200 communes, dans le cadre des élections locales. Nous effectuons donc des contrôles de même nature sur l'origine des fonds. Certaines campagnes locales sont essentiellement financées par l'apport personnel du candidat, qui est lui-même fondé sur un emprunt qu'il a contracté auprès d'une banque ou de personnes physiques ; d'autres comptes de campagnes regroupent un apport du parti national – certains partis mutualisent les dépenses et apportent des prestations de service aux candidats locaux – et des dons. Très souvent, ces dons représentent une partie limitée des financements de ces campagnes, mais il peut arriver que cette partie soit plus significative. De plus, nous pouvons parfois constater que des prêts de personnes physiques atteignent des niveaux importants. Toutefois, nous ne pouvons pas remonter la filière afin de savoir d'où vient cet argent. À titre d'anecdote, nous avons découvert dans une circonscription que le candidat A d'un parti X bénéficiait d'un prêt du candidat B du même parti X dans une autre circonscription, et que ce candidat B avait simultanément consenti un prêt à 5 % au candidat A.

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Cette commission doit à la fois identifier les problèmes s'ils existent et rassurer les citoyens si ces problèmes sont moins nombreux que nous pouvions le craindre. En tant que garant de la bonne tenue des comptes des partis politiques français et des campagnes électorales françaises, pensez-vous que le financement de la vie politique depuis l'étranger est un problème qui doit préoccuper la représentation nationale ou qu'il est sous contrôle ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Si je m'en tiens au strict sujet du financement et sous toutes les réserves de risque de financement indirect que j'ai exposées précédemment, j'ai le sentiment qu'il n'existe pas de phénomène massif de risque d'origine étrangère. Cependant, il convient de se montrer extrêmement prudent sur le sujet et je me méfie notamment de l'explosion du rôle des réseaux sociaux. Nous nous sommes par exemple posé la question des influenceurs et des nouvelles chaînes, sujet que nous avons traité dans l'examen des comptes de campagne dernièrement et qui peut présenter des risques de facilitation d'ingérences étrangères. Mais il s'agit davantage d'une prévision sur une potentielle mutabilité importante du paysage du financement.

La séance s'achève à treize heures cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Clara Chassaniol, Mme Caroline Colombier, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Anne Genetet, Mme Constance Le Grip, M. Jean-Philippe Tanguy.

Excusés. – M. Éric Bothorel, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Hélène Laporte, M. Charles Sitzenstuhl.