La commission auditionne le docteur Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et les docteurs Julie Chastang, co-présidente, Frédéric Villebrun, co-président et Chantal Prat, trésorière de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS).
Notre commission d'enquête auditionne, dans le cadre d'une table-ronde, des représentants des centres de santé. Je salue les docteurs Julie Chastang, Frédéric Villebrun et Chantal Prat, représentants de l'Union syndicale des médecins de centres de santé, ainsi que le docteur Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé. Quatre organisations ont été convoquées à cette table ronde. Cependant, la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), devenue AVECsanté, et la Fédération nationale des établissements de santé (FNESP) ne sont pas présentes aujourd'hui.
L'hôpital public traverse une situation extrêmement difficile depuis de nombreuses années et il est donc essentiel de mieux structurer les parcours de soins individuels, en impliquant simultanément ou séquentiellement l'ensemble de la communauté professionnelle de santé. Il faut également faciliter les interactions et les échanges entre l'hôpital et ses partenaires et renforcer le travail en réseau au sein des communautés professionnelles territoriales de santé. Telles sont les questions que la présente commission d'enquête entend soulever et auxquelles elle entend contribuer à apporter des réponses.
Dans cet écosystème complexe qu'est l'offre de soins, les centres de santé jouent un rôle extrêmement important. Nous serons donc heureux d'entendre vos réflexions et propositions à leur sujet.
Avant de vous donner la parole pour un propos liminaire et de laisser ensuite notre rapporteur poser les premières questions, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
(Les docteurs Hélène Colombani, Julie Chastang, Frédéric Villebrun et Chantal Prat prêtent successivement serment.)
Nous sommes particulièrement satisfaits de cette audition, car les centres de santé constituent des partenaires réguliers des hôpitaux publics avec lesquels ils collaborent fréquemment. Selon les données de l'Observatoire, plus de 60 % des centres de santé ont établi une convention de partenariat avec un hôpital public. De plus, la FNCS vient de conclure une convention avec la Fédération hospitalière de France (FHF) afin de renforcer ces partenariats. Cette initiative vise à développer de nouveaux projets et à améliorer les parcours des patients.
Je suis médecin généraliste dans un centre municipal de santé à Fontenay et maîtresse de conférences des universités à la Sorbonne.
En tant que formatrice de jeunes médecins, je constate l'importance de cette commission d'enquête pour l'attractivité et l'engagement des jeunes dans la profession. Les étudiants que je côtoie à la faculté expriment un fort désir de diversifier leur pratique, souhaitant exercer en ville, à l'hôpital, dans les centres de santé ou en prévention, tout en bénéficiant d'un cadre d'emploi adapté aux besoins de santé.
La semaine dernière, j'ai assisté à la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). L'hôpital public est un partenaire essentiel des centres de santé. Nous partageons des problématiques similaires concernant les populations vulnérables, l'accueil inconditionnel et des valeurs communes. Les questions de financement sont également un enjeu commun.
Nous sommes trois représentants de l'USMCS. Cette organisation, fondée en 1946, a toujours défendu des valeurs essentielles, notamment en matière de service public de proximité. Les centres de santé incarnent ce service public en ville, en étroite complémentarité avec les hôpitaux publics.
Je suis une médecin récemment retraitée. J'ai travaillé pendant quarante ans en centre de santé et j'ai pu apprécier l'évolution du travail en leur sein.
Quel est votre regard personnel sur la gouvernance du système de santé et les liens entre celle-ci et les difficultés d'accès aux soins ? Comment se déroulent les relations entre un centre de santé et l'hôpital, notamment avec les services d'urgence ?
Une question a été posée à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), concernant le nombre de patients se rendant aux urgences après avoir consulté un médecin généraliste dans un centre de santé ou à l'hôpital. Il semble complexe de disposer de telles statistiques.
Dans le quotidien de vos adhérents, constatez-vous un accès plus rapide et direct de la population aux urgences, sans passer par les centres de santé ? Quelles mesures seraient nécessaires pour répondre de manière adéquate aux demandes de la population et éviter les longues files d'attente que l'on observe actuellement dans les services d'urgence ?
Ce que vous identifiez s'agissant des urgences représente la « partie émergée » de l'iceberg.
Je peux vous transmettre une étude que nous avons réalisée. Cette étude montre l'impact du partenariat entre un hôpital public et un centre de santé sur le taux de réadressage aux urgences. En effet, cela ne peut être mis en évidence que par une recherche fine sur les parcours des patients, une recherche qui fait défaut en France aujourd'hui. Nous ne disposons que de très peu de bases de données étudiant ces parcours, voire aucune : d'un côté, nous avons le Health Data Hub à l'hôpital, et, de l'autre, les données de la médecine de ville, plus rares encore.
Nous avons mené cette étude entre l'hôpital Lariboisière et le centre de santé Richerand, centre de proximité ayant créé des postes partenaires ville-hôpital. Dans ce cadre, les médecins généralistes redirigeaient les patients vers l'hôpital public.
Les résultats de cette étude sont particulièrement intéressants. Ils montrent que les patients les plus défavorisés, tels que les sans-domicile fixe (SDF) et les bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME) ou de la complémentaire santé solidaire (CSS), accédaient significativement plus aux soins. En d'autres termes, un nombre beaucoup plus important de patients en situation de précarité se rendaient ensuite au centre de santé. Ce partenariat répond donc véritablement aux besoins de santé de cette population.
De plus, le taux de réadmission aux urgences était significativement inférieur. En effet, lorsque le partenariat ville-hôpital est structuré à travers divers outils, dont les postes partagés, il a un impact positif sur le parcours des patients.
Malheureusement, cette étude, réalisée sur trois ans, demeure rare. Il est impératif de structurer davantage nos données pour approfondir ces recherches.
En ce qui concerne la gouvernance, sur laquelle vous nous interrogez, nous faisons face à une difficulté : les hôpitaux possèdent une certaine organisation, tandis que l'ambulatoire manque de structuration et de missions clairement définies.
Lors de la réforme « Debré », un volet hospitalier a été prévu, mais le volet ambulatoire n'a pas été mis en œuvre. Il est inutile de revenir sur le passé, mais cette absence se fait cruellement sentir. Pour gérer efficacement l'amont de l'hôpital, il est indispensable de structurer les soins primaires et de définir leurs missions. Les soins programmés en font partie, mais il existe d'autres aspects à considérer.
La FNCS contribue aux travaux du Haut-Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM). Ce dernier a publié un rapport exhaustif sur l'avenir des soins primaires, recommandant de partir des besoins des patients. Quels services doivent offrir les soins primaires ? Il s'agit de consultations, de visites à domicile, de soins non programmés, de prévention, d'éducation thérapeutique et de soins palliatifs.
Actuellement, nous disposons de divers types de prestataires de soins, mais ils fonctionnent de manière relativement individuelle. Bien que la tendance actuelle soit de structurer des équipes de soins primaires, dont font partie les centres de santé, ces initiatives demeurent minoritaires face aux enjeux actuels.
Les centres de santé représentent actuellement environ 6 % de l'offre de soins ambulatoires. Nous observons une augmentation du nombre de ces centres, malgré les difficultés et le manque de soutien. En revanche, le terrain et les patients sollicitent leur installation, car ils apportent une réponse structurée à leurs besoins.
Dans une structure, disposer d'une équipe permet de s'appuyer sur les infirmières pour des consultations, même lorsque les consultations médicales sont complètes. Les centres de santé disposent d'un plateau technique permettant de réaliser des échographies et divers bilans, évitant ainsi d'adresser le patient à l'hôpital « pour rien ».
Le potentiel organisationnel des centres de santé pourrait être renforcé, comme la biologie de proximité. De nombreuses améliorations sont envisageables, mais il est également nécessaire de réfléchir au modèle économique. Actuellement, les centres de santé ne bénéficient pas d'un soutien suffisant, alors même que leur modèle économique doit être consolidé au regard des missions qu'ils rendent.
Pour répondre à votre question concernant le nombre de patients orientés vers les urgences par les professionnels des centres de santé, nous ne disposons pas de chiffres précis. Cependant, on peut estimer que ce nombre est minimal.
Nous avons mis en place des plages de soins non programmés et une capacité à prendre en charge les patients, afin d'éviter que les patients suivis par un médecin traitant dans un centre de santé soient réorientés vers les urgences hospitalières. Cette démarche n'est pas propre aux centres de santé et les maisons de santé s'y emploient également avec succès. Cela s'inscrit dans les valeurs et les missions des centres de santé, en tant que service public, que de prendre en charge ces patients.
Toutefois, une question se pose quant à la valorisation de ces temps de prise en charge : nous disposons de quelques forfaits pour cela, mais ils restent très faibles.
Une expérimentation a été conduite il y a quelque temps : dans cette expérimentation, l'hôpital reçoit des subsides pour adresser vers la ville des patients qui s'orientent vers les urgences.
Or si nous pouvions obtenir une partie de ces sommes pour valoriser notre travail quotidien consistant à éviter que les patients se rendent aux urgences, nous aurions une approche plus cohérente du parcours de santé des patients. Cela permettrait également d'éviter une forme de culpabilisation des patients et des professionnels face à cet afflux aux urgences, qui résulte souvent du fait qu'ils n'ont pas d'autre choix que de s'y rendre.
On peut s'interroger sur les motifs qui poussent certains patients à se rendre aux urgences. Certains urgentistes affirment que ces patients ne consultent pas nécessairement pour des pathologies justifiant un passage par les urgences. Cependant, il faut considérer qu'ils n'ont peut-être pas d'autre choix, faute d'accès à leur médecin ou aux professionnels de santé disponibles.
Les centres de santé, notamment ceux à vocation de service public, devraient être davantage développés et répartis sur l'ensemble du territoire, à l'image du maillage des hôpitaux publics. En effet, face à la désertification médicale croissante, nous manquons de visibilité quant à l'organisation d'un service public territorial de santé. Des centres de santé bien répartis permettraient aux patients d'être pris en charge sans avoir à se rendre aux urgences. C'est ce que demande l'USMCS depuis des décennies.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est un « centre de santé », en précisant où les centres se situent, le nombre de praticiens, les statuts, les sources de financement… et les différences avec une « maison de santé » traditionnelle ?
Nous allons tenter de répondre de façon simple, en lien avec les valeurs que nous défendons et à l'aune de la structuration de l'organisation des soins que nous portons.
Dans une maison de santé, les professionnels de santé sont libéraux. Ils sont payés à l'acte. Les professionnels peuvent ou non prendre de nouveaux patients. Ils peuvent s'installer où ils le souhaitent. Ils décident de faire du domicile s'ils le souhaitent. En somme, il s'agit d'un modèle libéral de regroupement de professionnels de santé.
Dans un centre de santé, tel que celui dans lequel j'exerce, mon employeur est la collectivité territoriale, en l'occurrence la ville de Fontenay-sous-Bois. Mon temps de consultation est défini par mon directeur de santé, en l'espèce un patient toutes les dix-huit minutes. J'accueille également deux étudiants en médecine, qui rencontrent également des patients.
Nous travaillons en équipe avec des missions de santé. Par exemple, à Fontenay, plus aucun médecin ne faisait de visites à domicile. Aussi, nous avons repris les visites à domicile des patients de la ville. Des équipes composées de médecins et d'infirmières se partagent les patients nécessitant des visites à domicile, en y allant d'abord ensemble, puis en alternance.
En tant que service public, nous avons des missions de santé populationnelle. Normalement, c'est l'État qui devrait assumer cette responsabilité, car la santé relève de sa compétence et non de celle des collectivités territoriales. Lorsque nous parlons d'organiser le système de santé, c'est aussi ce nous défendons. Un service public de proximité permet aux citoyens de savoir qu'ils ont une réponse identifiable sur leur territoire, tout comme une école ou une poste.
L'Ordre des médecins, via l'atlas de la démographie médicale, a étudié ce que devenaient les médecins généralistes quatorze ans après leur inscription à l'Ordre de médecine générale. En l'occurrence, la grande majorité n'exerce pas la médecine générale en libéral. En Île-de-France, 80 % des promotions ne choisissent pas ce mode d'exercice. En tant que salariée d'une collectivité, je ne suis pas rémunérée à l'acte, ce qui me permet de bénéficier d'une certaine stabilité. Bien que mes revenus soient légèrement inférieurs à ceux d'autres médecins, ce cadre d'emploi facilite mon installation, notamment en sortie d'études.
Ce modèle attire les jeunes diplômés en médecine générale, car beaucoup d'entre eux ne souhaitent pas devenir des chefs d'entreprise. Or, dans la majorité de notre territoire, on ne leur propose rien d'autre que des postes en maison médicale de garde, où l'on peut gagner beaucoup d'argent rapidement. Cela constitue un facteur de dérégulation important : en effet, si je peux gagner 1 500 euros en une soirée dans une maison médicale de garde, je n'ai pas besoin de travailler beaucoup. Si je ne souhaite pas m'installer et ouvrir mon cabinet, je peux trouver des solutions alternatives. Je n'évoque même pas la télésanté, qui constitue une solution encore plus attractive.
Dans ma commune, nous ne participons pas à la permanence des soins, pour une raison évidente qui mérite qu'on y prête attention : en l'occurrence, le seul moyen d'être rémunéré est d'être payé à l'acte, donc en tant que libéral. Le système n'est pas conçu pour être salarié.
Certaines communes ont toutefois réussi à salarier des médecins : par exemple, dans le Val-de-Marne, la commune de Gennevilliers y est parvenue. Cependant, cela dépend de la volonté de chaque commune. Lorsque l'on choisit le mode d'exercice salarié, on devrait pouvoir participer à la permanence des soins ambulatoires dans ce cadre, tout comme un praticien hospitalier doit pouvoir participer à la permanence des soins dans son hôpital.
Actuellement, ce n'est ni pensé ni structuré de cette manière. Il ne s'agit pas d'opposer les différents modes de rémunération, mais de reconnaître que le modèle salarié peut être attractif et viable.
Dans ma commune, il n'existe pas de difficulté à remplir la grille de la permanence des soins, car de nombreux remplaçants ou jeunes médecins s'en chargent sans être installés.
Le problème est plus complexe : l'enjeu majeur consiste à répondre aux besoins de santé prioritaires, à structurer l'offre de soins et à disposer d'un modèle de financement adéquat. Lorsque je décris une activité de prévention, un exercice en équipe, la prise en charge de la vulnérabilité, les soins à domicile et les missions de santé prioritaires autour des maladies chroniques, cela ne fonctionne pas financièrement avec un modèle unique de financement à l'acte.
La subtilité réside dans le fait que, comme à l'hôpital public, tout ce qui ne génère pas de revenus dans un modèle de financement à l'acte ou d'hyperproductivité, où multiplier les actes est plus rentable que de voir un patient, pose un problème.
Par exemple, lorsque je consulte un patient pendant dix-huit minutes, qu'il n'arrive pas à utiliser Doctolib, qu'il a besoin d'accéder au secteur 1 et qu'il rencontre des difficultés de compréhension pour prendre son traitement, il me consulte, puis il voit l'assistance médicale, qui lui explique et lui prend un rendez-vous. Les plateformes numériques ont réellement exclu une partie de la population que nous soignons. Ensuite, l'infirmière lui explique comment prendre son traitement.
Mon intérêt financier pour ma structure serait de le faire revenir quatre fois. Or je sais que si je le fais revenir, il ne reviendra pas, car ces patients ont souvent un fort taux d'absentéisme et ne peuvent pas être convoqués à de multiples reprises.
Cela nécessite un changement de paradigme et une certaine structuration, mais cela rejoint véritablement la problématique de l'hôpital.
Vous indiquez que la collectivité vous rémunère. Néanmoins, indirectement, lorsque le patient vous consulte, il paie tout de même la consultation, dont une partie de la collecte va à la collectivité, puis vous revient. En définitive, vous pouvez donc aussi, en tant que salariée, demander au patient de revenir quatre fois – pour reprendre votre exemple.
Je peux en effet le faire revenir quatre fois. Le patient paie sa consultation.
Parmi nos valeurs, nous garantissons le secteur 1 et le tiers payant. Cela entraîne des frais de gestion. Cela signifie que, comme à la pharmacie, si vous avez une mutuelle, vous ne payez que le tiers payant. Nous assurons cet accès aux soins en secteur 1, y compris pour des spécialités.
Soigner des patients précaires nécessite de ne pas les faire revenir plusieurs fois. Cela demande un temps dédié, surtout eu égard à la fracture numérique actuelle. L'éducation thérapeutique et la prévention, que nous soutenons, sont très mal rémunérées. Pourtant, elles apportent une plus-value énorme en termes de décompensation des maladies chroniques.
Tous les rapports de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l'économie de la santé indiquent qu'un système de santé organisé, qui investit dans la prévention et les soins primaires, est économiquement efficient. Lorsque nous pensons notre système d'assurance maladie, il ne s'agit pas uniquement de multiplier les actes : si un patient consomme moins d'actes, l'État en bénéficie ; c'est cette logique que nous devons intégrer.
Les hôpitaux peuvent également être gestionnaires de centres de santé et cet aspect mérite d'être souligné : par exemple, à Marseille, l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a ouvert des centres de santé dans les quartiers nord. Il existe un projet visant à établir un réseau de ces centres.
Par ailleurs, certains centres de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap) sont adossés à des hôpitaux. Des hôpitaux de proximité ont également ouvert des centres de santé, répondant ainsi à une notion de gradation des soins.
En effet, lorsqu'on parle de « structuration du système de santé », il est essentiel de considérer les soins primaires et l'hôpital, mais il faut aussi imaginer une structure intermédiaire. Cette structure, sans avoir la même envergure qu'un hôpital, pourrait répondre à un certain nombre de besoins. L'hôpital de proximité en est une déclinaison. Les recommandations de l'OMS et les exemples observés en Afrique illustrent bien cette idée.
Lors de mes formations dans des universités francophones sur la gestion de centres de santé en Afrique, les acteurs locaux m'ont expliqué qu'il existe différents niveaux de soins : les postes de soins, avec seulement un infirmier ; les centres plus structurés, avec un médecin ; puis les centres de santé, qui assurent une surveillance médicale en journée sans hospitalisation ; et enfin les hôpitaux, avec un plateau technique étendu.
Cette gradation des soins permet de mieux répartir les patients selon leurs besoins. Actuellement, en l'absence d'une telle gradation, les services d'urgence se retrouvent submergés par des patients qui ne relèvent pas forcément de leur compétence. Réfléchir à des structures permettant une prise en charge en journée et assurant une partie de la permanence des soins favoriserait un meilleur suivi et un parcours plus adapté pour les patients.
Nous avons également signé une convention avec la FHF. De nombreuses expérimentations sont en cours, notamment avec des postes partagés de praticiens et des consultations avancées.
Concrètement, cela permet de proposer des consultations spécialisées dans des centres de santé en secteur 1. Nous savons qu'il est difficile d'accéder à des spécialistes en secteur 1, mais cela permet également de créer des parcours pour les patients, d'éviter des étapes intermédiaires et de favoriser le partage des connaissances. Cela facilite l'accès aux plateaux techniques de manière plus rapide.
En cas de problème, les professionnels se connaissent, peuvent se contacter directement et ainsi éviter de passer par les urgences pour une hospitalisation. Par exemple, en gériatrie, il n'y a souvent aucune valeur ajoutée à envoyer les patients aux urgences pour un problème de dénutrition rapide. Il est plus pertinent de les hospitaliser directement pour qu'ils soient orientés.
L'objectif est de mettre en place un système d'approche basé sur le contact direct entre les services, grâce à une communauté professionnelle de parcours. Cette démarche est rendue possible par les parcours des professionnels entre les deux structures.
Actuellement, nous ne disposons pas de ces parcours professionnels facilités, en raison des statuts et d'autres motifs. En termes d'attractivité pour les professionnels, cette mixité est également très intéressante. Les professionnels ne souhaitent pas forcément se limiter à une seule activité dans leur semaine de travail. Avoir plusieurs champs d'activité est enrichissant pour eux.
Je souhaite souligner l'importance de distinguer les centres de santé des maisons de santé, car le public ne fait pas toujours cette distinction.
Vous expliquez que les centres de santé font face à des contraintes budgétaires significatives. En effet, leur financement repose largement sur des subventions locales, parfois insuffisantes, et sur une tarification des actes médicaux qui ne couvre pas toujours les coûts réels. De plus, la complexité administrative et le manque de soutien institutionnel peuvent aggraver ces difficultés. Comment pourrions-nous soutenir financièrement ces centres de santé et garantir leur pérennité, très importante localement ?
Le sujet que vous abordez est vaste. En examinant le modèle économique des centres de santé, il apparaît clairement qu'il est difficile de maintenir un équilibre pour diverses raisons.
Une étude récente a démontré que, même en mettant en œuvre tous les efforts de gestion possibles, un déficit structurel persiste. Ce déficit est lié au fait que les centres de santé sont créés pour répondre à des besoins locaux et accueillent préférentiellement des populations vulnérables. En effet, 20 % des patients des centres de santé sont vulnérables, contre seulement 8 % dans les maisons de santé.
Ma consœur Julie Chastang a évoqué la nécessité d'un assistant ou d'un médiateur. De tels postes représentent des coûts, qui ne sont pas couverts par le paiement à l'acte des consultations. En effet, la prévention, l'éducation thérapeutique et d'autres missions ne peuvent pas être financées par ce mode de rémunération.
Monsieur François Crémieux, directeur général de l'AP-HM, a récemment déclaré, lors de l'Agora de SantExpo, que les centres de santé n'auraient pas de problème économique si toutes leurs missions étaient financées à hauteur de ce qu'elles accomplissent. Il suffirait de changer de posture et de financer les centres en fonction de leurs actions.
Dans ce cadre, plusieurs centres de santé participent à une expérimentation de « paiement en équipe de professionnels de santé en ville » (Peps), issue de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Les premières évaluations montrent que ces expérimentations fonctionnent en centres de santé : en remplaçant le paiement à l'acte par un paiement forfaitaire basé sur les caractéristiques des patients, on obtient de meilleurs résultats. Cette approche permet de prendre en compte la précarité des patients et les aspects de prévention, offrant ainsi une prise en charge plus globale et plus satisfaisante que le paiement à l'acte.
L'expérimentation a été prolongée de deux ans et validée dans les centres de santé, mais non dans les maisons de santé ; seule une maison de santé est restée dans l'expérimentation. L'assurance maladie souhaite prolonger l'expérimentation en y intégrant des maisons de santé pour démontrer la validité du projet. Nous sommes donc bloqués, car on n'a pas validé pour les centres de santé.
Il est nécessaire d'imaginer d'autres modes de rémunération et de sortir du paiement à l'acte : il n'est plus adapté aux pathologies chroniques et aux patients que nous recevons, qui nécessitent un suivi de prévention et d'observance et un travail en équipe avec des infirmières de pratique avancée (IPA), des professionnelles spécialisées en éducation thérapeutique (infirmières Asalée), des assistants médicaux et des médiateurs.
Il faut réfléchir différemment : le paiement à l'acte, issu de la charte de la médecine libérale, nous bloque pour envisager un nouveau système de soins et de financement.
Il est pertinent de se demander s'il incombe à l'assurance maladie de financer certaines missions d'intérêt général. Peut-être devrions-nous envisager, comme pour les hôpitaux, des dotations d'intérêt général pour l'accueil des publics vulnérables ? Ces aspects doivent être étudiés et réfléchis. Je n'ai pas toutes les réponses, mais je propose quelques pistes ; quoi qu'il en soit, il est essentiel de se réunir pour y réfléchir.
Vous avez évoqué l'appétence des jeunes diplômés le modèle des centres de santé, avec un salariat mis en place par les collectivités.
Pensez-vous qu'il soit possible d'élargir ce modèle pour attirer encore davantage ces jeunes, par exemple en instaurant un volontariat qui les inciterait à travailler dans les centres de santé, voire dans des maisons de santé, pour une période temporaire avant de passer en libéral ?
Cette démarche pourrait-elle répondre à la problématique des déserts médicaux ? Dans mon territoire, 10 % des patients n'ont pas de médecin traitant et nous sommes donc très satisfaits de disposer d'un centre de santé à proximité de l'hôpital de Laval.
Nous devons impérativement adopter une vision de long terme en matière de santé. Actuellement, nous nous contentons de solutions de court terme, ce qui nous mène à des actions désordonnées et inefficaces, souvent dictées par la précipitation.
La santé ne doit pas être considérée comme un bien marchand. En France, elle repose sur nos cotisations sociales. Lorsque ces cotisations sont détournées vers des fonds de pension australiens chez Ramsay, cela devrait tous nous préoccuper.
Aujourd'hui, le service public de santé constitue le pilier de notre système. Nous disposons d'un hôpital public fonctionnel et nous avons la possibilité de déployer un service public de proximité. Cette approche pourrait également représenter une solution viable, y compris pour les jeunes médecins.
L'idée que ces derniers travaillent deux ans en tant que salariés avant de s'installer en libéral nous semble irréaliste et inadaptée. Si nous croyons en l'importance d'un service public de santé, en la nécessité de missions populationnelles, en l'impact du partenariat ville-hôpital et en la possibilité d'un travail collaboratif, pourquoi refusons-nous de concevoir la santé comme étant possiblement une activité salariée de proximité ?
Cette question mérite d'être posée. Un tel service permettrait de remplir efficacement les missions populationnelles et offrirait un retour sur investissement tangible pour les collectivités territoriales. D'ailleurs, les zones qui ne deviennent pas extrêmement sous-denses sont celles qui ont investi dans des centres de santé : telle est la réalité.
Cependant, les négociations conventionnelles actuelles, qui vont coûter 1,4 milliard d'euros (Md€) au contribuable, sont menées de manière monoprofessionnelle – ce qui n'est pas le gage d'une intégration harmonieuse dans notre système de santé, puisqu'elles sont réalisées uniquement par des professionnels libéraux. Le financeur doit-il avoir la responsabilité de l'avenir de la santé de proximité ? Il serait bénéfique que plusieurs acteurs soient réellement impliqués autour de la table pour peser de manière significative.
Le modèle de demain ne se limitera pas au libéral, quoi qu'on fasse. Les jeunes nous le montrent par leur désengagement dans ce métier. L'avenir s'inscrira dans le travail en équipe. Certains souhaiteront être chefs d'entreprise et créeront d'excellentes maisons de santé, ce qui est à saluer. Il ne faut pas les en empêcher ; mais il est important de noter que l'on a massivement investi dans ce modèle sans obtenir les résultats escomptés. Il sera également possible, dans les territoires, d'exercer en salariat, en partenariat avec les hôpitaux et au sein d'un système de santé intégré qui inclura des missions de santé prioritaires, y compris la prévention et la promotion de la santé.
S'agissant l'attractivité, il est essentiel de souligner qu'un jeune professionnel satisfait de son exercice en centre de santé n'a aucune raison de passer en libéral. La problématique ne réside pas dans la manière de recruter plus de professionnels libéraux, surtout face à la désaffection pour un exercice dans ce cadre.
Il faut inverser le modèle et trouver un véritable financement pour les centres de santé, ce qui n'est pas le cas actuellement. Le financement des centres de santé diffère de celui du libéral. Il est impératif de parvenir à un financement forfaitaire. Ce modèle a prouvé son efficacité dans les expérimentations.
Cependant, nous sommes bloqués par la volonté de transposer ces forfaits à un exercice libéral qui, par nature, ne peut les accepter. Les libéraux, en raison de leur liberté de pratiquer autant d'actes qu'ils le souhaitent, ne peuvent être soumis à ces forfaits.
Si l'on parvient à établir un financement distinct pour les centres de santé et pour les libéraux, on pourra favoriser le développement de centres de santé à vocation de service public. Ces centres répondraient à la demande des jeunes et permettraient des passerelles avec les différents services publics de santé, tels que la protection maternelle et infantile (PMI), les services de médecine scolaire et l'hôpital. En effet, de nombreux jeunes souhaitent exercer de manière mixte.
Ainsi, en mettant en place des services publics territoriaux et des contrats permettant des passerelles pour ces jeunes professionnels, on stabiliserait l'ensemble du système de santé. Cela offrirait également des opportunités de mobilité géographique pour ces jeunes, voire pour des professionnels plus expérimentés.
En effet, lorsqu'on est contraint de se désinstaller en libéral, il est peu probable que l'on souhaite se réinstaller en libéral, surtout quand on sait que les jeunes générations ne désirent pas rester quarante ans dans un même territoire.
Cette situation constitue également une réponse à la coercition. Disposer d'un réseau, d'un maillage territorial et national de centres de santé et de services publics permettrait de garantir une offre pérenne, sous le contrôle de la puissance publique, assurant ainsi une continuité sur l'ensemble du territoire français.
Ne serait-il pas pertinent d'envisager une certaine souplesse, une forme de passerelle, pour résoudre les problématiques soulevées dans votre discours ? Il semble que nous soyons face à une position interprofessionnelle, située entre deux modèles distincts. Ne devrions-nous pas dépasser cette opposition afin de répondre efficacement à la crise que traversent nos territoires ?
Nous ne préconisons pas la fermeture des maisons de santé ; nous n'avons d'ailleurs pas contesté l'augmentation des actes médicaux. Simplement, nous insistons sur la nécessité de garantir et de promouvoir un service public pérenne, offrant un exercice diversifié.
J'ai été pilote aux Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant et ce sujet fait partie des mesures portées, notamment la santé scolaire. Nous avons auditionné des médecins scolaires et examiné la situation des médecins de PMI, car il est essentiel d'investir dans le champ de la prévention. Négliger ces aspects et laisser le système s'effondrer coûte beaucoup plus cher à long terme : par exemple, il est bien plus onéreux de traiter des adolescents en détresse à la suite de tentatives de suicide que de mettre en place une politique de prévention efficace dans les écoles ; cette réalité est reconnue par tous. La logique est comparable à celle d'un patient diabétique.
Une véritable volonté politique est nécessaire pour briser les silos entre les différentes fonctions publiques. Le statut de praticien hospitalier (PH) pourrait être repensé, comme l'a fait M. François Crémieux à Marseille, pour inclure des missions de santé scolaire, de PMI et d'engagement dans un service public de proximité. Cela permettrait également aux spécialistes d'exercer en ambulatoire, ce qui renforcerait les équipes médicales locales.
Nous ne demandons pas une augmentation de salaire, mais une harmonisation des rémunérations. Un médecin en prévention ne devrait pas être payé deux fois moins qu'un PH ou qu'un médecin en centre de santé.
Tous les acteurs auditionnés ont réclamé cette harmonisation vers le statut de PH. Il existe un consensus sur ce point, contrairement à ce que l'on pourrait penser. Il n'y a pas d'opposition entre médecins libéraux et salariés, mais une volonté commune de travailler dans un système de santé intégré, qui améliorerait l'attractivité du métier pour les jeunes médecins.
L'ajout d'une quatrième année à notre cursus de médecine générale constitue un levier majeur. Les internes débutant en 2026 ignorent où ils effectueront leur stage. Nous manquons de locaux, de maîtres de stage et même de supports réglementaires. En effet, le texte prévoit que les internes doivent être rémunérés à l'acte, ce qui a suscité une levée de boucliers de la part des doyens. Le comité consultatif d'éthique a jugé cette pratique non éthique, ce qui semble logique.
En 2026, je ferai face à 120 internes de la Sorbonne que je ne saurai pas où envoyer. Si le système est bien pensé et que vous vous engagez à travailler sur un projet de santé qui relie la ville et l'hôpital et propose des lieux de stage répondant aux besoins de santé, alors nous disposerons d'un levier : la formation. Une telle logique ouvre la possibilité de l'engagement de jeunes médecins dans un cadre salarié à l'issue de cette année professionnalisante. Quoi qu'il en soit, cela nécessite une volonté politique dans les territoires.
Je vous remercie, monsieur Villebrun, pour votre proposition d'un maillage territorial à laquelle j'adhère totalement. Il est indéniable que les centres de santé sont en nombre insuffisant et qu'ils sont insuffisamment reconnus et soutenus. Leur modèle économique est fragile et le système actuel n'est pas conçu pour eux.
Votre démonstration était limpide, madame Chastang, et je vous en remercie. Opposer un peu de bon sens et une réflexion globale à une simple réponse curative et à une logique de marchandisation des soins ne fait pas de mal.
J'ai observé des maisons de santé sans projet de santé, où l'on investit des millions d'euros d'argent public et où des médecins libéraux augmentent le montant de la consultation après dix-huit heures, afin de réduire la file de patients dans leur salle d'attente.
Lorsque l'on défend un modèle alternatif qui, objectivement, n'enlève rien au modèle libéral, on se heurte à des oppositions. J'ai entendu dire que financer les centres de santé revenait à « financer la baisse du temps médical ». J'ai entendu parler de « médecine bolchévique » par des médecins viscéralement opposés au salariat de leurs collègues. J'ai également entendu parler de « concurrence déloyale ». J'imagine que vous avez eu connaissance de propos similaires.
Vous avez commencé à présenter quelques leviers pour développer les centres de santé communaux ou associatifs : le financement forfaitaire, l'engagement des collectivités en lien avec la formation, etc. Ces centres pourraient devenir des outils efficaces pour lutter contre la désertification médicale. Pensez-vous qu'il serait nécessaire de rehausser le taux de la « subvention Teulade » pour les centres de santé associatifs ?
Les centres de ma circonscription m'ont alerté sur la question de la taxe sur les salaires et sur son inadaptation à l'emploi de médecins, car elle pousserait in fine à embaucher à de faibles niveaux de rémunération. J'aimerais connaître votre avis sur ce sujet.
S'agissant, pour les professionnels, de l'attractivité d'une région et de l'opportunité de s'y installer, il faut avoir conscience que la médecine en équipe constitue un rempart contre le burn-out. De nombreux médecins évoquent aujourd'hui ce burn-out comme raison de leur « déplaquement ».
La sécurité est également un sujet récurrent. Les expériences en équipe et en structure permettent d'être beaucoup moins impacté par ces problèmes de sécurité : en effet, le travail en équipe permet de gérer les situations conflictuelles à plusieurs.
Les problèmes de sécurité résultent généralement d'incompréhensions entre les patients et les professionnels. Or, en équipe, nous parvenons souvent à mieux gérer ces situations. Cet aspect me paraît crucial pour encourager les professionnels à s'installer dans des centres de santé et sur des territoires.
Les centres de santé, de par leur organisation, offrent un cadre plus sécurisant et plus accompagnant. En équipe, si un patient pose problème, il est toujours possible de solliciter un collègue ou une infirmière. Cela permet de se sentir soutenu et moins isolé face aux différentes problématiques, par exemple lorsque les patients ne comprennent pas leurs ordonnances. Il s'agit là d'un élément important pour rendre attractif le travail en soins primaires.
L'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi no 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie, dite loi « Teulade », constitue un élément clé du financement des centres de santé. Le taux pourrait être augmenté, mais aussi élargi : en effet, seuls les professionnels de santé réalisant des actes remboursés par la sécurité sociale sont financés par la loi Teulade ; a contrario, les diététiciens, les manipulateurs radio ou les assistants dentaires ne sont pas intégrés dans cette rémunération. Il serait donc pertinent d'élargir le champ de la subvention à l'ensemble des professionnels de santé, tels que définis par le code de santé publique. Ce point constitue en tout cas une de nos revendications.
Je vous remercie pour votre soutien à la création d'un réseau national des centres de santé.
La somme d'environ 1,4 Md€ mobilisée pour la nouvelle convention médicale entre l'assurance maladie et les médecins libéraux permettrait, à elle seule, de financer un nombre considérable de centres de santé publics ou à vocation de service public.
J'entends l'hypothèse du rapporteur de votre commission d'enquête sur la multiplication des actes pour mieux équilibrer le financement des centres de santé. Certains centres ont effectivement réussi à atteindre l'équilibre financier, notamment des centres de santé privés.
Toutefois, notre objectif est d'assurer le « juste soin » et la pertinence des soins. Cela doit garantir au patient d'éviter les effets indésirables de certains médicaments prescrits de manière peu appropriée, nécessitant ainsi un temps supplémentaire pour les soigner.
De plus, le parcours de santé doit se dérouler dans des structures adoptant le même mode de fonctionnement. Les soins non programmés et les téléconsultations, qui ne concernent que certains motifs, soulèvent des questions : comment une personne âgée, même non dépendante mais souffrant de pathologies multiples, pourrait-elle être soignée de manière pertinente dans une cabine de téléconsultation ?
Ces éléments montrent la nécessité d'un réseau de structures en secteur 1, accessibles et organisées de sorte qu'on évite la multiplication d'actes parfois inutiles, voire dangereux, et qu'on contribue à la maîtrise de la dépense publique. L'étude Épidaure, réalisée entre 2009 et 2010, a montré que la dépense induite par les professionnels des centres de santé était inférieure à celle des professionnels de santé libéraux. Ces chiffres existent mais, malheureusement, peu de personnes y font référence.
Avec les financements disponibles, nous pourrions assurer un juste financement des actions de prévention en santé publique et des coûts des centres de santé actuellement non couverts par l'assurance maladie. Par exemple, une secrétaire d'accueil ou une assistante, bien que nécessaires, ne sont pas financées par l'assurance maladie ; de même, les IPA dans les centres de santé ne bénéficient pas d'un financement forfaitaire. Nous souhaitons que ces postes soient financés, à l'instar des assistants médicaux – nous remercions d'ailleurs les syndicats, notamment ceux de la médecine libérale, pour avoir obtenu le financement de ces assistants, qui nous semble cohérent avec la pratique d'équipe. Il est nécessaire d'aller plus loin et de prévoir des financements forfaitaires pour les psychologues et les diététiciens.
Nous sollicitons, de même que le font les professionnels libéraux, un soutien accru : si le service rendu par les médecins libéraux était identique à celui rendu par les centres de santé, à coût équivalent, de nombreux médecins souhaiteraient s'installer. Actuellement, la reconnaissance et la valorisation des professionnels libéraux ne correspondent pas à leurs attentes, ce qui constitue une véritable difficulté. Il est crucial de se demander pourquoi et comment offrir une alternative qui ne repose pas uniquement sur l'acte médical.
Le Président de la République a esquissé des avancées dans ses vœux de janvier dernier. Ayons le courage d'aller plus loin : les centres de santé sont prêts à s'engager. Nous avons la chance de disposer de centres de santé en France ; ne les laissons pas faire faillite. Certains centres de la Croix-Rouge en Île-de-France et d'autres centres de santé, qui fournissent un service essentiel à la population, sont actuellement en grande difficulté financière – voire menacés de fermeture : il est inconcevable qu'en 2024, nous ne puissions pas les soutenir suffisamment pour qu'ils restent ouverts.
Je souhaite aborder la question de la préservation des structures existantes, car nous rencontrons actuellement un problème majeur en Île-de-France avec les six centres de santé de la Croix-Rouge et le centre Richerand à Paris, partenaire de l'hôpital Lariboisière et affichant cette vocation de service public.
Vous vous demandez pourquoi nous ne multiplions pas les actes dans les centres. En réalité, certains centres de santé que nous ne représentons pas l'ont fait, à l'instar des centres dentaires ou ophtalmologiques. Ils ont sélectionné les patients, fraudé auprès de la sécurité sociale et multiplié les actes : c'est ainsi que l'on génère des profits dans le domaine de la santé.
Aucun groupe financier ou fonds de pension, qu'il soit australien ou américain, n'aura jamais pour vocation de promouvoir la santé publique en France. Il s'agit là d'un leurre absolu.
La financiarisation de la santé, notamment dans le domaine des soins primaires, est une illusion. Actuellement, notre système de santé n'est pas encore totalement financiarisé, bien que ce soit déjà le cas pour la biologie et une grande partie de l'hospitalisation privée. Des groupements ont repris des centres dentaires et d'ophtalmologie, que l'on a dû faire fermer.
En ce qui concerne les centres de santé de proximité, nous ne devons pas suivre cette voie, car nous savons ce qui se passera. Les soins primaires ne seront jamais rentables et il n'y aura aucune volonté réelle d'améliorer la santé publique. Imaginer que l'État n'est pas capable de faire son travail et remettre les clés de notre assurance maladie à des fonds de pension serait, à mon avis, une erreur monumentale.
En Suède, Ramsay a commencé à ouvrir des centres de santé tout en prétendant ne pas vouloir faire de profits. Ce groupe sait parfaitement que, dans le domaine des soins primaires, il est possible de multiplier les actes rapidement et de sélectionner les patients ; il peut également vouloir mettre en concurrence l'assurance maladie avec un système de mutuelle. Cela ne répondra pas aux besoins de santé, en particulier ceux des plus vulnérables. Nous portons un système de santé social et solidaire, basé sur des valeurs.
En outre, le centre hospitalier universitaire (CHU) a été conçu comme le lieu d'accueil de la formation universitaire. Les étudiants ne sont que rarement envoyés en clinique privée, la référence demeure l'hôpital public. À mon sens, il serait tout à fait envisageable que la formation des internes en soins primaires se fasse par priorité dans le service public de proximité, où le médecin généraliste ne perçoit pas directement les revenus de ses actes ; aucun PH à l'hôpital ne touche l'argent des actes réalisés par son interne.
En médecine de ville, l'accueillant de l'interne supporte des frais mais, au lieu de recevoir une indemnisation pour ses locaux et son travail pédagogique, il perçoit les revenus des actes effectués par l'interne, ce qui engendre de réelles difficultés de fonctionnement. En tant qu'enseignante en médecine générale, je constate que cette situation crée des problèmes.
Il serait pertinent de dire que la formation des médecins généralistes doit d'abord se dérouler dans les structures de santé scolaire, les PMI et les centres de santé de proximité. Nous devons également déployer un service public ambulatoire pensé comme le CHU, c'est-à-dire en y incluant la recherche en soins primaires, souvent défaillante, ainsi que l'université et la formation des jeunes médecins. Cela répondrait à la problématique de l'attractivité.
Pouvez-vous nous indiquer le nombre de maisons de santé et de centres de santé existant en France aujourd'hui ?
Malgré les différences de système et les avantages et inconvénients que nous avons abordés, ces structures s'adressent globalement au même type de soins. Partant de ce constat, quel est le potentiel de ces structures dans l'organisation du système de soins ? Vous avez mentionné que 6 % des soins ambulatoires étaient pris en charge par ces structures : ce chiffre concerne-t-il uniquement les centres de santé ou inclut-il également les maisons de santé ? Dans votre vision d'un système idéal, à combien ce taux de prise en charge devrait-il s'élever ? S'agissant des moyens nécessaires pour atteindre un tel objectif, quel serait le principal facteur sur lequel il faudrait concentrer nos efforts ?
Je ne peux pas m'exprimer sur les maisons de santé. Nous comptons plus de 2 100 centres de santé, dont 963 centres médicaux polyvalents, ce qui est finalement assez faible. Je ne dispose pas des données pour l'année 2023.
Il existe trois types de centre de santé : les centres médicaux polyvalents, qui associent des paramédicaux avec des médicaux, les centres de soins infirmiers et les centres dentaires.
Le mouvement des centres de santé a une longue histoire. Par exemple, les centres de soins infirmiers étaient principalement situés en zone rurale, tandis que les centres dentaires étaient souvent liés aux mutuelles, notamment en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Les centres médicaux polyvalents étaient nombreux en petite couronne en Île-de-France, ainsi que dans le réseau des centres de santé des mines.
Depuis une dizaine d'années, de nouveaux gestionnaires ont émergé et développé des centres de santé. Le premier a été le département de Saône-et-Loire, qui a développé des centres de santé alors que les départements n'avaient pas de compétence générale en matière de santé. Le ministère a néanmoins autorisé le développement de tels centres par les départements, en les couplant à la protection maternelle et infantile
La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », a récemment officialisé cette possibilité, permettant à une vingtaine de départements d'ouvrir des réseaux de centres de santé. De plus, deux régions, bien qu'elles n'aient pas de compétence générale dans ce domaine, ont développé des centres. Cet essaimage des centres de santé s'étend désormais sur tout le territoire et dépasse les clivages politiques : le phénomène n'est plus l'apanage de la gauche et concerne désormais toutes les couleurs politiques, car tous les élus et collectivités sont confrontés à un besoin croissant en matière de santé.
Comme la réponse ne vient pas d'en haut, elle se construit par le bas. Historiquement, en matière de santé, c'est souvent le pouvoir périphérique qui a été à l'avant-garde des expérimentations, permettant de faire remonter des solutions reprises ensuite au niveau national.
Actuellement, nous sommes exactement dans cette situation : nous ne recevons pas d'aide des instances supérieures, mais nous bénéficions d'un soutien sur les territoires, car nous répondons à une demande concrète des usagers. Ces derniers ne sont pas uniquement situés en zone rurale, mais également dans les banlieues des villes, où la situation se dégrade de jour en jour.
La demande et le besoin de centres de santé se manifestent de plus en plus, notamment avec les hôpitaux. Les universités, par le biais de leurs étudiants, développent également des centres de santé.
En définitive, de nombreux acteurs s'intéressent à cette problématique, malgré un modèle économique précaire. Les besoins sont évidents, mais il est nécessaire de renforcer le modèle pour qu'il puisse se concrétiser de manière viable.
Avant d'évoquer les leviers, vous avez mentionné un taux de prise en charge de 6 %. Dans un système idéal, si vous deviez le concevoir aujourd'hui, quelle proportion de la prise en charge ces centres devraient-ils représenter ?
Pour moi, ils devraient représenter l'entièreté. On ne peut plus envisager la médecine de demain en ambulatoire hors de la médecine d'équipe…
À mon sens, il est nécessaire de se diriger vers un mode de rémunération au bénéfice des « équipes traitantes », c'est-à-dire en abandonnant la rémunération à l'acte pour privilégier une rémunération collective.
La transition démographique et la prise en charge des patients multimorbides imposent une nouvelle approche. Autrefois, les pathologies infectieuses étaient traitées de manière ponctuelle. Aujourd'hui, nous devons suivre des patients sur le long terme et ce suivi ne concerne pas uniquement le médecin, mais également l'infirmier, le psychologue, le diététicien et l'éducateur sportif : il est évident qu'une équipe entière doit se mobiliser autour du patient.
Nous devons concevoir l'organisation des soins et leur mode de rémunération comme des leviers pour mettre en place des structures capables d'assurer les visites à domicile, la permanence des soins et une présence active sur les territoires. La médecine ambulatoire de demain doit impérativement être une médecine d'équipe.
Il est complexe de réinventer un système de santé du jour au lendemain. Cependant, il est impératif de définir un objectif final.
Actuellement, nous naviguons à vue, à un an, sans savoir où nous allons atterrir. Nous négocions sans vision claire de l'impact en termes de santé publique ni de ce que nous allons financer. Cela s'est produit lors des négociations conventionnelles, laissant une sensation d'incertitude.
Une des solutions pourrait être de se tourner vers des missions de santé et, au-delà du forfait, d'adopter des « dotations populationnelles ». Ce modèle, déjà appliqué en psychiatrie, pourrait être étendu pour répondre aux besoins de santé d'un territoire : les équipes de santé n'auraient plus pour objectif de multiplier les actes, mais d'améliorer les indicateurs de santé publique.
Concrètement, ce modèle, que j'ai étudié, n'est pas financièrement déraisonnable et pourrait résoudre à court terme les problèmes d'accès aux soins, en pensant des équipes plutôt que des individus et des actes à multiplier. Cela nécessite toutefois un changement de paradigme significatif.
Actuellement, 80 % du territoire sont en zone sous-dense. Nous pourrions commencer par cibler les zones les plus prioritaires et articuler nos actions. Deux acteurs clés doivent être identifiés dans chaque territoire : le premier est l'université, notamment le doyen, et l'engagement des jeunes médecins dans leur professionnalisation ; le second est l'hôpital.
Il faut ensuite penser à la formation, aux postes partagés, à la recherche et à l'attractivité pour encourager l'installation des jeunes médecins. En Île-de-France, 80 % des jeunes médecins ne s'installent pas, ce qui offre une marge de manœuvre considérable. À l'échelle nationale, selon l'Ordre des médecins, ce chiffre est de 55 % à quatorze ans après la fin de leurs études.
L'augmentation du numerus apertus n'est pas suffisante sans y associer une véritable politique permettant de structurer l'engagement des jeunes professionnels de santé, y compris des infirmiers. Une politique de santé qui redonne du sens, permet l'engagement et favorise le travail en équipe est indispensable. L'hôpital ne pourra pas réussir sans la ville.
C'est la raison pour laquelle nous avons échangé avec l'AP-HP, l'AP-HM et, récemment, avec le représentant de l'Association des maires de France (AMF), également très concerné. Tous s'accordent sur la nécessité de travailler ensemble : les équipes doivent se connaître et collaborer étroitement pour repenser le parcours patient dans sa globalité.
Pour instaurer une politique simple et efficace, l'hôpital constitue un levier puissant : il est structuré, dispose d'un maillage territorial et bénéficie de professionnels et d'équipes compétentes ; nous partageons tous ses valeurs, y compris l'accueil inconditionnel. Il est le partenaire facilitateur des territoires. Il est essentiel d'identifier le rôle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), des groupements hospitaliers universitaires (GHU) et des commissions médicales d'établissement et de collaborer avec eux pour concevoir un système de proximité répondant aux besoins des patients.
Ces besoins incluent les urgences, mais il existe également un problème majeur avec les patients dits bed blockers, qui ne peuvent pas être renvoyés chez eux faute de solution à domicile. Cette situation entraîne une perte de chiffre d'affaires pour l'hôpital et est souvent liée à des problématiques sociales que la ville ne peut résoudre. Lorsque les médecins de ville sont sollicités, ils répondent « ne plus prendre de nouveaux patients ». Il est donc crucial d'avoir un partenaire public garantissant le maintien à domicile, avec des équipes et une assistante sociale collaborant avec l'hôpital. Cela répondrait également à la problématique du financement de l'hôpital.
La gestion de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est un autre sujet. À ce jour, l'Ondam de l'hôpital est en difficulté, alors que celui de la ville est saturé. Peut-être l'Ondam de ville doit-il permettre ce financement ? Mais cela ne peut être envisagé qu'en partenariat.
Vous faites preuve d'une grande clarté s'agissant des leviers. Je me permets d'insister sur ma précédente question : quelle serait votre vision idéale par rapport au taux de prise en charge de 6 % affiché aujourd'hui ?
Je considère que l'objectif de 100 % de prise en charge par les maisons de santé et centres de santé est pertinent.
Toutefois, il est essentiel de fournir aux professionnels les étapes nécessaires pour y parvenir. Lorsqu'on leur demande de changer leur mode de fonctionnement sans leur offrir les moyens d'y parvenir, notamment en modifiant leur mode de rémunération, les médecins libéraux ne peuvent pas s'adapter.
En effet, lorsque 80 % d'une génération de médecins ne s'installe pas en libéral, cela représente un vivier considérable de professionnels potentiellement intéressés par une installation en centre de santé. Il est crucial de franchir cette étape. On est capable de mobiliser 1,4 Md€ pour soutenir les actes médicaux : si cette somme était allouée aux collectivités territoriales pour financer le reste à charge qui leur incombe, le potentiel de création de centres de santé serait démultiplié.
Certaines collectivités sont déjà prêtes à investir dans la santé, même si ce n'est pas leur compétence principale. En d'autres termes, si on leur attribue cette compétence et qu'on les finance, quelle collectivité refuserait de répondre aux besoins de ses administrés en créant un centre de santé ?
Il suffit de résoudre quelques points pour que tout se débloque. La profession est partagée entre les libéraux et les professionnels en centre de santé ; mais il y a de la place pour tous. Les médecins libéraux pourraient envisager de rejoindre des centres de santé s'ils étaient situés à proximité de leur domicile. Avec les conditions décrites, cela ne coûterait pas des sommes exorbitantes. Nous avons la capacité de réaliser cela rapidement, avec les ressources humaines nécessaires et une volonté politique locale affirmée.
Il suffit de modifier la loi en précisant qu'il est possible de créer des centres de santé. L'État, par l'intermédiaire des agences régionales de santé, distribuera des subventions aux équipes.
Nous disposons de professionnels et de ressources humaines dans de nombreuses collectivités, que ce soit au niveau des communautés de communes, des départements ou des régions, ce qui permettra de créer davantage de centres de santé qu'il n'en existe actuellement.
Je pense que tout peut s'organiser ainsi. Ensuite, les médecins libéraux auront la possibilité de travailler dans ces structures ou de rester en libéral. À cet égard, les choses s'équilibreront naturellement. Quoi qu'il en soit, on aura une véritable réponse à la désertification médicale, ce qui n'est nullement le cas à ce jour.
Je souhaite revenir sur les chiffres, car je ne les avais pas sous les yeux. En 2023, on comptait 2 950 centres de santé, dont 1 229 centres de santé médicaux et polyvalents. Entre 2021 et 2023, on recense 406 centres de santé supplémentaires, dont 272 nouveaux centres médicaux et polyvalents.
Cette croissance témoigne de l'expansion significative des centres de santé, malgré les difficultés rencontrées. Ces données proviennent de la plateforme de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih). Depuis 2016, nous y enregistrons des informations concernant les centres de santé. Cela nous permet de disposer d'un observatoire fournissant divers éléments sur les centres de santé.
Durant toute cette audition, j'ai traversé des phases de doute et de conviction. Au départ, l'idée de développer les centres de santé m'a semblé excellente, mais certains arguments m'ont interrogé – ce qui me conduit à revenir sur certains points pour les clarifier.
En réponse à monsieur Villebrun, je précise que je n'ai pas « émis d'hypothèse ». Votre collègue a expliqué que les médecins libéraux pouvaient potentiellement demander aux patients de revenir afin de multiplier les actes ; j'ai simplement fait remarquer que cela pourrait être également le cas dans d'autres contextes.
Serait-il possible d'avoir une estimation du coût d'un centre de santé pour une collectivité ?
Vous mentionnez la possibilité d'atteindre un taux de 100 % de prise en charge par les maisons et centres de santé. Cependant, vous dites aussi n'être pas nécessairement favorable à la coercition.
Dans le système actuel, les études de certaines personnes sont majoritairement financées par la solidarité nationale, c'est-à-dire par des budgets publics. Une fois diplômées, ces personnes voient leurs salaires également pris en charge par la collectivité – donc à nouveau par de l'argent public : on parle ici des fonctionnaires. Je comprends le principe d'un investissement de l'argent public par les collectivités, mais cela soulève des questions : d'un côté, on souhaite garantir certaines sécurités d'emploi, financées en amont et en aval par la solidarité nationale ; de l'autre, on observe une opposition à toute forme de coercition, alors même que les collectivités manquent parfois de moyens.
Dans ma circonscription, par exemple, il n'y a qu'une commune de plus de 7 800 habitants. Les budgets des communautés de communes sont limités. Cela signifie que les collectivités capables de payer pourront créer des centres de santé, tandis que celles qui n'en ont pas les moyens verront leur population potentiellement privée de soins adéquats. Ce sont des questions importantes à considérer.
Vous avez mentionné l'augmentation des actes des professionnels libéraux. Dans les centres de santé, il y a peut-être aussi une augmentation des actes en raison de cette hausse. C'est en tout cas une réalité que je souhaite souligner.
Lorsque j'évoque un objectif de 100 %, il s'agit d'un objectif théorique. Bien entendu, de nombreuses étapes intermédiaires sont nécessaires pour y parvenir. À mes yeux, la médecine de demain doit être une médecine d'équipe. Toutefois, il est impossible d'y parvenir immédiatement, car rien n'est prêt.
Considérez-vous les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) comme des équipes ?
En tant que coprésidente d'une CPTS, je connais bien ce sujet. Les CPTS ne fournissent pas de soins directs, mais elles interviennent au niveau territorial : elles permettent de créer des dynamiques entre professionnels et de structurer des parcours de soins. Par exemple, durant la crise de la covid-19, nous avons pu nous organiser sur un territoire pour monter des centres de vaccination et des centres covid.
Les CPTS ne sont pas des effecteurs directs de soins comme les centres et maisons de santé. Néanmoins, elles peuvent occuper une place intéressante, en particulier si nous les intégrons dans une véritable dynamique de création de parcours de santé sur les territoires. Envisager la médecine de demain comme une médecine d'équipe relève davantage d'une réflexion.
Les professionnels sont formés dans leurs filières respectives, il n'existe aucune formation pluriprofessionnelle. Les conventions nationales sont monoprofessionnelles, toutes les décisions importantes et la formation se déroulent en silos. Si nous continuons ainsi, il sera évidemment impossible de créer de véritables synergies.
Il est nécessaire de réorganiser les informations concernant les budgets des villes. La réponse à cette question dépend de la taille des centres de santé.
Pour une ville de cent mille habitants comme Nanterre, les compensations budgétaires s'élèvent à environ sept cent mille euros par an : cela représente le coût annuel pour la collectivité. Pour illustrer davantage, notre service comprend environ 130 personnes, incluant les centres de santé et le service de prévention. Nous gérons également deux PMI en délégation de gestion, un planning familial, un centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic de l'État (CeGIDD), un centre de vaccination, un centre médico-sportif et un espace santé jeune.
Nous recevons des financements de l'agence régionale de santé et des subventions pour les actions de prévention. De plus, nous avons un contrat local de santé et un contrat local de santé mentale.
La complexité réside dans la réalité des budgets des communes, car il n'existe généralement pas de comptabilité analytique. Le mode de comptabilité est complètement différent, avec des services supports de la ville tels que la direction des ressources humaines (DRH) et la direction des services d'information et des télécommunications (DSIT) pour l'informatique.
En résumé, le poste principal du budget de fonctionnement concerne essentiellement les ressources humaines, qui représentent environ 90 % des dépenses de fonctionnement de nos structures.
95 % des communes de ma circonscription n'ont pas de DRH. La moitié d'entre elles ne disposent que de deux agents communaux…
La FNCS et l'USMCS ont mis en place une « Fabrique des centres de santé ». Cette structure accompagne les porteurs de projets dans le montage de leurs initiatives, y compris de manière très opérationnelle. Parfois, la « Fabrique » est contactée par de petites communes de cinq mille habitants, voire moins.
Nous ne les encourageons pas à créer des centres de santé de manière isolée. En revanche, nous cherchons à fédérer plusieurs communes, même si elles ne sont pas réunies en intercommunalité, pour monter le projet ensemble. Nous parvenons ainsi à concrétiser ces initiatives.
Il existe une autre possibilité. Le département de Saône-et-Loire a ainsi mis en place des structures-socles, avec des antennes dans différentes communes. Les professionnels du centre de santé-socle se déplacent dans ces antennes deux à trois fois par semaine pour effectuer des consultations. De même, dans les Alpes-Maritimes, le département a mis en place des centres de santé sur certains sites. Un infirmier et un assistant partent ensuite en bus du centre de santé pour se rendre dans les petites communes les plus reculées, souvent privées de médecin depuis longtemps. Ces populations doivent s'approprier la présence d'un médecin qui vient à leur rencontre.
En définitive, de nombreuses solutions peuvent être envisagées en fonction de la taille des communes. Il est toutefois nécessaire de disposer d'un nombre suffisant d'habitants pour soutenir la gestion de ces structures.
Dans les Vosges, l'université de secteur est située à Nancy. Tous les secteurs sont normalement couverts par des universités. Il est essentiel de structurer l'offre de formation, car il est impensable de laisser des étudiants isolés dans des zones désertiques.
La mise en place d'équipes et la prévision de locaux pour leur préprofessionnalisation, au cours de leur année de « docteur junior », puis leur installation en tant que salariés, est tout à fait réaliste. Cela nécessite de s'appuyer sur les structures existantes. Souvent, un hôpital est déjà présent et on trouve également un doyen.
L'hôpital peut proposer des postes partagés, permettant ainsi de concevoir une politique de santé cohérente. Les professionnels de santé montrent souvent un intérêt pour l'activité ambulatoire, ce qui permet d'envisager un service public structuré.
Cette approche est à portée de main, mais elle requiert une compréhension fine que les élus n'ont pas toujours dans leurs algorithmes de décision. Cet écosystème, dans lequel j'évolue depuis douze ans, est souvent mal compris.
L'hôpital de Remiremont compte huit cents salariés. Néanmoins, il dépend de la faculté de médecine, dont les étudiants sont majoritairement affectés au CHU de Nancy et à l'hôpital de référence du département des Vosges (GHT 8). Finalement, Remiremont accueille douze ou treize internes, alors même qu'il devrait en recevoir davantage, compte tenu de son plateau technique d'accouchement, de ses activités chirurgicales et de la permanence des soins assurée pour tout le département.
Il subsiste une confusion. Je fais référence aux internes de médecine générale, qui représentent la moitié des internes. Ces étudiants effectueront une année supplémentaire dans leur cursus et ils ne savent pas toujours où ils seront affectés en 2026.
Si l'on envisage ce système de proximité articulé avec l'hôpital, permettant des postes partagés et un encadrement de qualité, il est important de noter que ces internes ont entamé leur formation et qu'il est possible de les contacter dès à présent.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public
Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 17 h 15
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Géraldine Bannier, Mme Sophie Blanc, Mme Julie Delpech, Mme Mathilde Hignet, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Matthieu Marchio, M. Paul Midy, M. Benoit Mournet, M. Christophe Naegelen, M. Jean-Claude Raux, Mme Stéphanie Rist
Excusés. – Mme Mélanie Thomin