Intervention de Julie Chastang

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 17h15
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Julie Chastang, co-présidente de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) :

Il est complexe de réinventer un système de santé du jour au lendemain. Cependant, il est impératif de définir un objectif final.

Actuellement, nous naviguons à vue, à un an, sans savoir où nous allons atterrir. Nous négocions sans vision claire de l'impact en termes de santé publique ni de ce que nous allons financer. Cela s'est produit lors des négociations conventionnelles, laissant une sensation d'incertitude.

Une des solutions pourrait être de se tourner vers des missions de santé et, au-delà du forfait, d'adopter des « dotations populationnelles ». Ce modèle, déjà appliqué en psychiatrie, pourrait être étendu pour répondre aux besoins de santé d'un territoire : les équipes de santé n'auraient plus pour objectif de multiplier les actes, mais d'améliorer les indicateurs de santé publique.

Concrètement, ce modèle, que j'ai étudié, n'est pas financièrement déraisonnable et pourrait résoudre à court terme les problèmes d'accès aux soins, en pensant des équipes plutôt que des individus et des actes à multiplier. Cela nécessite toutefois un changement de paradigme significatif.

Actuellement, 80 % du territoire sont en zone sous-dense. Nous pourrions commencer par cibler les zones les plus prioritaires et articuler nos actions. Deux acteurs clés doivent être identifiés dans chaque territoire : le premier est l'université, notamment le doyen, et l'engagement des jeunes médecins dans leur professionnalisation ; le second est l'hôpital.

Il faut ensuite penser à la formation, aux postes partagés, à la recherche et à l'attractivité pour encourager l'installation des jeunes médecins. En Île-de-France, 80 % des jeunes médecins ne s'installent pas, ce qui offre une marge de manœuvre considérable. À l'échelle nationale, selon l'Ordre des médecins, ce chiffre est de 55 % à quatorze ans après la fin de leurs études.

L'augmentation du numerus apertus n'est pas suffisante sans y associer une véritable politique permettant de structurer l'engagement des jeunes professionnels de santé, y compris des infirmiers. Une politique de santé qui redonne du sens, permet l'engagement et favorise le travail en équipe est indispensable. L'hôpital ne pourra pas réussir sans la ville.

C'est la raison pour laquelle nous avons échangé avec l'AP-HP, l'AP-HM et, récemment, avec le représentant de l'Association des maires de France (AMF), également très concerné. Tous s'accordent sur la nécessité de travailler ensemble : les équipes doivent se connaître et collaborer étroitement pour repenser le parcours patient dans sa globalité.

Pour instaurer une politique simple et efficace, l'hôpital constitue un levier puissant : il est structuré, dispose d'un maillage territorial et bénéficie de professionnels et d'équipes compétentes ; nous partageons tous ses valeurs, y compris l'accueil inconditionnel. Il est le partenaire facilitateur des territoires. Il est essentiel d'identifier le rôle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), des groupements hospitaliers universitaires (GHU) et des commissions médicales d'établissement et de collaborer avec eux pour concevoir un système de proximité répondant aux besoins des patients.

Ces besoins incluent les urgences, mais il existe également un problème majeur avec les patients dits bed blockers, qui ne peuvent pas être renvoyés chez eux faute de solution à domicile. Cette situation entraîne une perte de chiffre d'affaires pour l'hôpital et est souvent liée à des problématiques sociales que la ville ne peut résoudre. Lorsque les médecins de ville sont sollicités, ils répondent « ne plus prendre de nouveaux patients ». Il est donc crucial d'avoir un partenaire public garantissant le maintien à domicile, avec des équipes et une assistante sociale collaborant avec l'hôpital. Cela répondrait également à la problématique du financement de l'hôpital.

La gestion de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est un autre sujet. À ce jour, l'Ondam de l'hôpital est en difficulté, alors que celui de la ville est saturé. Peut-être l'Ondam de ville doit-il permettre ce financement ? Mais cela ne peut être envisagé qu'en partenariat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion