Intervention de Julie Chastang

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 17h15
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Julie Chastang, co-présidente de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) :

Je souhaite aborder la question de la préservation des structures existantes, car nous rencontrons actuellement un problème majeur en Île-de-France avec les six centres de santé de la Croix-Rouge et le centre Richerand à Paris, partenaire de l'hôpital Lariboisière et affichant cette vocation de service public.

Vous vous demandez pourquoi nous ne multiplions pas les actes dans les centres. En réalité, certains centres de santé que nous ne représentons pas l'ont fait, à l'instar des centres dentaires ou ophtalmologiques. Ils ont sélectionné les patients, fraudé auprès de la sécurité sociale et multiplié les actes : c'est ainsi que l'on génère des profits dans le domaine de la santé.

Aucun groupe financier ou fonds de pension, qu'il soit australien ou américain, n'aura jamais pour vocation de promouvoir la santé publique en France. Il s'agit là d'un leurre absolu.

La financiarisation de la santé, notamment dans le domaine des soins primaires, est une illusion. Actuellement, notre système de santé n'est pas encore totalement financiarisé, bien que ce soit déjà le cas pour la biologie et une grande partie de l'hospitalisation privée. Des groupements ont repris des centres dentaires et d'ophtalmologie, que l'on a dû faire fermer.

En ce qui concerne les centres de santé de proximité, nous ne devons pas suivre cette voie, car nous savons ce qui se passera. Les soins primaires ne seront jamais rentables et il n'y aura aucune volonté réelle d'améliorer la santé publique. Imaginer que l'État n'est pas capable de faire son travail et remettre les clés de notre assurance maladie à des fonds de pension serait, à mon avis, une erreur monumentale.

En Suède, Ramsay a commencé à ouvrir des centres de santé tout en prétendant ne pas vouloir faire de profits. Ce groupe sait parfaitement que, dans le domaine des soins primaires, il est possible de multiplier les actes rapidement et de sélectionner les patients ; il peut également vouloir mettre en concurrence l'assurance maladie avec un système de mutuelle. Cela ne répondra pas aux besoins de santé, en particulier ceux des plus vulnérables. Nous portons un système de santé social et solidaire, basé sur des valeurs.

En outre, le centre hospitalier universitaire (CHU) a été conçu comme le lieu d'accueil de la formation universitaire. Les étudiants ne sont que rarement envoyés en clinique privée, la référence demeure l'hôpital public. À mon sens, il serait tout à fait envisageable que la formation des internes en soins primaires se fasse par priorité dans le service public de proximité, où le médecin généraliste ne perçoit pas directement les revenus de ses actes ; aucun PH à l'hôpital ne touche l'argent des actes réalisés par son interne.

En médecine de ville, l'accueillant de l'interne supporte des frais mais, au lieu de recevoir une indemnisation pour ses locaux et son travail pédagogique, il perçoit les revenus des actes effectués par l'interne, ce qui engendre de réelles difficultés de fonctionnement. En tant qu'enseignante en médecine générale, je constate que cette situation crée des problèmes.

Il serait pertinent de dire que la formation des médecins généralistes doit d'abord se dérouler dans les structures de santé scolaire, les PMI et les centres de santé de proximité. Nous devons également déployer un service public ambulatoire pensé comme le CHU, c'est-à-dire en y incluant la recherche en soins primaires, souvent défaillante, ainsi que l'université et la formation des jeunes médecins. Cela répondrait à la problématique de l'attractivité.

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