La réunion

Source

La séance est ouverte à quinze heures trente.

La commission entend M. Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, la séance est ouverte. Nous ouvrons cette semaine les travaux de notre commission d'enquête visant à établir – je cite : « les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français ».

En accord avec M. le rapporteur, les premières auditions nous permettront de poser les termes de notre sujet. Nous interrogerons, d'une part, les administrations gestionnaires de la dette publique, dont je rappelle qu'elle ne se limite pas à la dette de l'État. Cet après-midi, nous entendrons la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et, le 28 mai prochain, l'Agence France Trésor (AFT).

Nous recevrons, d'autre part, les chercheurs et économistes dont les travaux nourrissent le débat public. Nous entendrons dès demain M. François Écalle, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes et président de l'association Fipeco, ainsi que le professeur François Facchini, professeur agrégé en sciences économiques.

Cet après-midi, nous allons recevoir, et je leur souhaite la bienvenue, M. Jean-Louis Rey, président du conseil d'administration de la CADES, et Mme Geneviève Gauthey, secrétaire générale. Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à notre invitation.

Je vais vous donner la parole pour une intervention liminaire de quelques minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions-réponses, à commencer par celles de M. le rapporteur.

Je tiens à indiquer aux commissaires, certains ayant déjà saisi cette occasion, qu'ils sont invités à me faire connaître le nom des personnalités qu'ils souhaitent entendre durant ces semaines. Si une relation relativement étroite existe entre les invités et le thème abordé, le principe est qu'ils seront choisis.

Monsieur le président et madame la secrétaire générale, je vous remercie de nous déclarer, le cas échéant, les intérêts publics ou privés de nature à influencer vos déclarations.

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Monsieur le président, madame la secrétaire générale, je vous invite à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Jean-Louis Rey et Mme Geneviève Gauthey prêtent serment.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie. Vous avez la parole pour cinq à dix minutes.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

La CADES a été créée, dans le cadre du plan Juppé de 1996, par une ordonnance du 24 janvier 1996. Elle a pour mission de reprendre et de détruire la dette de la sécurité sociale.

Concrètement, la CADES est un émetteur sur le marché international des capitaux, le deuxième émetteur après l'AFT. Elle émet des emprunts et en utilise les revenus, ainsi que les recettes dont elle dispose, pour reprendre et financer en même temps de la dette auprès des organismes de sécurité sociale, verser des intérêts aux investisseurs ayant souscrit ses emprunts, et rembourser les emprunts qu'elle a émis à leur échéance. Ce sont les principales activités de cette caisse.

Initialement créée pour une courte période, la CADES devait s'éteindre neuf ans après sa création. Sa feuille de route a été renouvelée au fil du temps. Elle a aujourd'hui vingt-huit ans d'existence. Cette feuille de route résulte de deux lois, organique et ordinaire, du 7 août 2020. Vous en connaissez sans doute le contenu puisqu'elle est étroitement liée à la crise sanitaire et à la crise économique qui a suivi.

La CADES est ainsi chargée d'apurer la somme de 136 milliards d'euros de dettes supplémentaires d'ici 2033. Cette somme est composée de trois enveloppes : 31 milliards d'euros de déficit constitué au 31 décembre 2019, 13 milliards d'euros correspondant à un tiers de la dette des établissements de santé participant au service public hospitalier – il s'agit d'une novation assez importante – et 92 milliards d'euros destinés à apurer les déficits des branches maladie et retraite du régime général pour les exercices 2020 à 2023.

Il est essentiel de préciser que lorsque la CADES reprend des déficits, elle ne reprend pas le déficit des régimes de sécurité sociale. Le déficit de l'ensemble de ces régimes, qui est l'agrégat qui structure le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ne nous intéresse pas. Le résultat du régime général ne nous intéresse pas non plus.

Ce qui nous intéresse, ce sont uniquement des branches ciblées avec un déficit potentiel, à savoir la maladie et la retraite. Les branches famille, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ne nous intéressent pas, et la dépendance n'a pas été inscrite dans notre champ d'action.

Cette feuille de route entre dans sa dernière année d'application puisque sur cette enveloppe de 136 milliards d'euros, il reste 8,8 milliards à reprendre cette année. Les reprises au titre de 2024 ayant déjà commencé, il reste à ce jour 6,6 milliards d'euros à reprendre d'ici la fin de l'année.

La CADES réalise d'importantes émissions sur le marché international des capitaux, sur le marché en euros ainsi que sur d'autres devises, principalement le dollar. Chaque année, elle annonce un programme indicatif, qui s'élève à 20 milliards d'euros cette année. Ce programme est déjà bien avancé, avec 15,7 milliards d'euros réalisés en quatre opérations depuis le début de l'année.

En ce qui concerne les taux d'intérêt, cette année, nous avons effectué quatre opérations avec un taux d'intérêt moyen légèrement inférieur à 3 %. L'année dernière, le taux moyen de nos opérations était légèrement supérieur à 3 %. En 2022, ce taux était de 2 % seulement ; il était de – 0,27 % en 2021, atteignant même – 0,30 % en 2020. Cela suit la courbe d'évolution des taux sur le double marché de l'euro et du dollar.

Pour en venir au taux de refinancement du stock de la dette, l'encours actuel est de 142 milliards d'euros, avec un taux pondéré de 2,27 %. Au cours de la vie de la CADES, ce taux a varié de 0,60 % à 5 %. Le taux de 0,60 % a été atteint à la fin de 2021. Le taux de 5 %, assez élevé, correspondait au début de l'activité de la Caisse – période où elle était encore peu connue – et à un contexte de taux d'intérêt élevés.

La CADES dispose de recettes. Sa recette originelle, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) a été créée en 1996. S'y est ajoutée la contribution sociale généralisée (CSG). La Caisse bénéficie également d'un versement annuel du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). En 2023, les recettes de la CADES se sont élevées à 21,1 milliards d'euros. Elles s'élèvent cette année à 19,3 milliards d'euros seulement, en raison d'un changement de périmètre. En effet, la CADES a cédé 0,15 point de CSG à la branche dépendance, créée par les lois d'août 2020 précitées.

Ces recettes sont dynamiques. Les revenus du capital en sont une composante plus importante qu'ordinairement dans le monde de la sécurité sociale. En effet, la CADES est financée à hauteur de 20 % par les revenus du capital, qu'il s'agisse des revenus de placements ou du patrimoine.

Chaque année, le Parlement vote l'objectif d'amortissement dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). L'année dernière, l'objectif initialement voté était de 17,7 milliards d'euros, mais nous avons finalement atteint 18,3 milliards d'euros, ce qui fait de 2023 une année plutôt faste. Pour 2024, l'objectif est fixé à 16 milliards d'euros, ce qui est compréhensible compte tenu de la diminution des recettes et de l'augmentation des charges d'intérêts annuels.

Depuis sa création, la CADES a repris à ce jour 390 milliards d'euros de dettes. Il lui reste 6,6 milliards à reprendre d'ici la fin de l'année, après quoi elle aura achevé sa mission telle qu'elle avait été définie par la loi.

Sur ces 390 milliards d'euros, 142 milliards restent à amortir. Ces 142 milliards, aujourd'hui, qui étaient 146 milliards à la fin de l'année 2023, représentent 4,7 % de la totalité de la dette publique. Sur les 3 101 milliards d'euros de dette publique constatés par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) au 31 décembre 2023, la dette de la sécurité sociale représente 4,7 % seulement. Cela ne signifie pas que cette dette n'est pas importante, mais il est nécessaire d'avoir en tête la proportion que représente la dette de la sécurité sociale par rapport aux autres composantes de la dette publique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour ce propos liminaire. Nous allons maintenant procéder à un tour de table.

Je vais commencer par des questions inspirées à la fois par votre exposé et par le rapport financier 2023 de la CADES que j'ai reçu en tant que parlementaire, afin d'être certain de bien comprendre certains points.

Je reviens sur les 136 milliards d'euros de reprises supplémentaires, répartis en 31 milliards de déficits cumulés au 31 décembre 2019, 92 milliards de déficits pour les années 2020 à 2023 et 13 milliards correspondant à la prise en charge du coût d'un tiers de la dette des hôpitaux.

À la fin de 2023, le déficit prévisionnel sur la période 2020-2023 est effectivement de l'ordre de 92 milliards d'euros. Vous avez récemment déclaré que vous étiez tenu par une mission et que vous n'étiez pas responsable de la politique menée, qu'elle aboutisse à des résultats positifs ou négatifs. Vous avez insisté également sur la nécessité d'adopter des politiques ne créant pas de déficit supplémentaire. Ma première question porte sur cette réflexion que vous aviez faite à la presse.

Ma deuxième question concerne le coût de l'endettement, qui a augmenté de 46 % par rapport au 31 décembre 2022. Dois-je comprendre que cette augmentation est uniquement liée à la hausse des taux ? Est-ce lié également à des prêts à taux variables ? Pensez-vous que cette hausse du coût de l'endettement rendra nécessaire une augmentation des recettes ?

Sur la question du risque de change, j'ai noté que la poche en dollars était en augmentation. En 2023, vous avez contracté des emprunts pour 12 milliards d'euros et 10 milliards de dollars, ce qui représente un quasi-équilibre entre les deux devises. Comment expliquez-vous cette nécessité de recourir à des emprunts en dollars ? Comment couvrez-vous le risque de change auquel vous faites référence dans votre rapport ? Avez-vous des instruments particuliers pour réduire ce risque ?

En page 15 du rapport financier 2023, il est évoqué un rapprochement opérationnel de la CADES avec l'AFT. Était-il prévu avant l'échéance initialement fixée ? En quoi consiste-t-il exactement ? Est-il toujours d'actualité malgré le prolongement de la mission de la CADES ?

L'agence Moody's a émis une perspective négative sur la notation de la CADES. Je voudrais avoir votre commentaire à ce sujet.

Concernant les prévisions de ressources de 2024, qui sont déterminées selon les hypothèses transmises par la direction de la sécurité sociale, en page 34 du rapport financier 2023, je lis que les commissaires aux comptes n'ont pas été en mesure de certifier ces futures recettes. Pouvez-vous confirmer cette information ? Le texte précise que les éléments nécessaires à l'obtention d'une assurance raisonnable sur les éléments de comptes en lien avec les revenus de la CRDS et de la CSG manquent. Quel est votre commentaire sur ce sujet ?

En page 45 du même rapport, vous faites une référence rapide aux possibles répercussions de la guerre en Ukraine sur les activités de la CADES et les risques auxquels elle fait face. Je voudrais que vous nous expliquiez de quoi il s'agit.

Enfin, je reviens sur une de vos déclarations récentes indiquant que l'on ne pouvait pas se permettre une solution consistant à confier ad vitam aeternam une dette à la CADES si l'on ne présentait pas une trajectoire de redressement de l'assurance-maladie totalement crédible. Pensez-vous que les trajectoires sont crédibles ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Je persiste et signe. L'instrument CADES, toujours disponible au gré des choix politiques, ne doit pas être manipulé à la légère. En 2020, dans le contexte de la crise sanitaire et économique, un plan de reprise d'urgence de 136 milliards d'euros a été mis en place. Il était alors clair qu'une action s'imposait.

À l'origine, début avril, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) n'a pas trouvé auprès des investisseurs d'offres de prêts suffisantes pour financer ses échéances de trésorerie, la plus importante correspondant au versement des pensions le 9 avril. Le marché n'a pas répondu parce qu'il était totalement tétanisé par cette crise. Une grande partie de l'Europe était en confinement.

Nous nous sommes retrouvés dans une situation très critique. Nous avons trouvé des solutions pour contourner cette absence de marché, et celui-ci s'est ensuite réanimé. Cependant, cela a créé un mouvement d'alerte très fort. L'ACOSS ne pouvait pas rester exposée à ce type de situation. Il y a donc eu cette décision d'une reprise de dettes sans conditions, sans se poser la question de savoir s'il fallait l'accompagner de tel ou tel élément de politique publique concernant directement l'assurance-maladie et la retraite. C'était logique, dans ce contexte.

Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte tout à fait différent. La question peut se reposer de reprendre ou non des dettes au vu des résultats de la sécurité sociale attendus pour 2024 et les années suivantes. Je dis, comme la plupart des personnes qui s'intéressent à ce sujet, qu'il n'est pas crédible de se présenter à nouveau devant le Parlement avec un programme de reprise de dettes sans une trajectoire crédible de redressement des comptes de l'assurance-maladie.

La branche retraite a fait l'objet d'une réforme qui, quoi que l'on en pense, est en cours d'application et dont les effets, bien que différés dans le temps, se feront sentir. En revanche, l'assurance-maladie reste un grand point d'interrogation. En tant que président de caisse, je me dois de rappeler régulièrement cette évidence.

Vous avez relevé que le coût de l'endettement, c'est-à-dire la charge des intérêts, avait augmenté de 46 % entre 2022 et 2023, passant de 1,25 milliard d'euros à 2,75 milliards d'euros. Pour 2024, nous attendons environ 3 milliards d'euros, soit une petite progression. C'est essentiellement l'effet de la hausse des taux d'intérêt. À partir de début 2022, nous sommes sortis des taux négatifs – parenthèse tout à fait exceptionnelle et irrationnelle dans le monde de la finance – pour nous inscrire désormais dans des taux d'intérêt positifs. Nous nous efforçons de réaliser des opérations d'emprunt sur le marché aux taux les plus faibles possible, mais la dynamique générale des taux est une augmentation. Vous l'avez souligné, en 2022, la charge des intérêts s'élevait à 1,250 milliard d'euros. En 2023, elle a atteint 2,850 milliards d'euros. Et pour 2024, nous attendons environ 3 milliards d'euros. Nous avons une petite progression.

Concernant votre question sur le dollar, la CADES, contrairement à l'AFT qui se doit de défendre et illustrer l'euro, a la particularité d'aller sur le marché international des capitaux en devises autres que l'euro, et essentiellement sur le dollar. Cette stratégie vise à éviter que la France ne pèse trop sur le marché de l'euro, qui n'est pas le plus vaste marché financier de la planète, contrairement au marché du dollar.

Il s'agit ensuite d'accéder à des maturités, c'est-à-dire à des durées d'emprunt qui sont peu usitées en euros. Les politiques de maturité d'emprunts du marché du dollar et du marché de l'euro diffèrent. Les offres sont différentes.

Surtout, l'objectif est de diversifier la base des investisseurs. Sur le marché du dollar, et notamment sur sa partie asiatique, certains investisseurs ne sont pas actifs ou sont très peu actifs sur le marché de l'euro. Les banques centrales, notamment de l'Asie du Sud-Est et de l'Est, sont des acteurs que nous recherchons et qui sont intéressants, mais il faut aller les chercher sur le marché du dollar. D'autres investisseurs opèrent principalement sur le sol américain.

Nous faisons des arbitrages. Pour lancer une opération, nous étudions très précisément quelle devise serait la plus intéressante entre l'euro et le dollar. Nous évaluons si le fait de passer par le dollar offrirait un avantage en termes de taux par rapport à l'euro.

Pour nous prémunir du risque de change, dès que nous réalisons une opération en dollars, nous effectuons immédiatement un swap pour la convertir en euros. Par exemple, la semaine dernière, nous avons contracté un emprunt de 4 milliards de dollars en affichant un taux d'intérêt de 4,5 %. Après une opération de swap, nous avons obtenu 3,7 milliards d'euros au taux de change en vigueur, avec un taux d'intérêt de 2,97 %. Nous le faisons tout de suite, ce qui nous permet de bénéficier du meilleur taux d'intérêt du moment. Cette opération s'avère tout à fait satisfaisante.

En ce qui concerne les relations avec l'AFT, elles ont débuté en 2017, lorsque j'ai été nommé pour la première fois président du conseil d'administration de la CADES. Il n'y a pas de directeur à la CADES, dont j'assure la présidence exécutive. Ma nomination s'est faite dans un contexte où la fin de la CADES était prévue à l'horizon de 2024. Plus nous avancions, plus cette échéance se concrétisait. La rupture est venue en mars 2020, avec la crise que vous connaissez.

À l'époque, nous nous inquiétions de savoir comment la CADES allait finir sa vie sans risque opérationnel. La CADES est une petite équipe composée de sept spécialistes qui, tôt ou tard, seront appelés à quitter l'établissement pour engager d'autres développements de carrière. Il s'agissait donc de trouver une solution pour se prémunir contre le risque opérationnel, afin que la CADES puisse exercer ses fonctions jusqu'à son dernier jour dans les meilleures conditions possible.

La solution retenue a été de se rapprocher opérationnellement de l'AFT. Ce rapprochement a été mis en œuvre à partir de l'automne 2017 et n'a pas été remis en cause lors de la relance de la CADES à l'été 2020. Notre priorité était de réussir notre retour en force sur le marché international des capitaux à partir de septembre 2020.

Les quatre personnes composant mon équipe au front-office et au back-office ont été mises à la disposition de l'AFT, et c'est sous la supervision du directeur général et de la directrice générale adjointe de l'AFT qu'ont lieu les opérations d'émission. La CADES reste bien distincte, avec une signature propre, et elle émet en son nom. L'AFT fournit un service de haute qualité pour nous permettre de n'avoir aucun risque opérationnel en tant qu'établissement.

La CADES est actuellement notée par cinq agences de notation : Moody's, Fitch, Standard & Poor's et deux agences plus petites, DBRS et Scope – le marché avec cette dernière a été conclu il y a quinze jours.

Les notations de la CADES par Moody's, Standard & Poor's et Fitch sont strictement identiques aux notations de l'État. C'est une cotation globale. La différence est que nous payons les agences pour obtenir ces notations, alors que l'AFT ne les paie pas, ce service étant gratuit pour les États. En tant qu'opérateur sur les marchés, la CADES ne commente pas les notations des agences.

Concernant les hypothèses de recettes, elles sont arbitrées, pour l'ensemble de la sécurité sociale, dans le cadre de la LFSS et sont établies l'été précédant l'examen de cette loi. Pour 2024, 19,3 milliards d'euros de recettes sont attendues. Il s'agit d'une hypothèse relativement prudente. Il est possible que nous fassions mieux que ce montant en fonction de la conjoncture. Pour l'instant, les recettes des cinq premiers mois de 2024 ne montrent aucun signe indiquant que nous serions en deçà de cette prévision initiale.

Concernant la certification des comptes de la CADES, un volet important concerne les recettes de la CSG et de la CRDS. Le versement annuel du FRR est normé, sans sujet de controverse. Nous ne recouvrons pas nous-mêmes nos recettes, car c'est essentiellement l'ACOSS et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) qui le font.

Notre certificateur s'appuie sur la certification de la Cour des comptes, qui est décalée dans le temps par rapport à nos exigences. Nous devons impérativement arrêter nos comptes avant le 31 mars de chaque année. Cet impératif absolu nous permet de mettre rapidement à jour notre documentation, supervisée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). En tant qu'opérateur du marché, nous devons déposer un dossier et des informations de première main sur notre activité à une date donnée, à la suite du conseil d'administration, c'est-à-dire au plus tard à la fin du mois de mars.

Or la Cour des comptes ne certifie les comptes de la branche de recouvrement du régime général qu'à la fin du mois de mai. Elle l'a fait la semaine dernière. Ce hiatus a pour conséquence que notre certificateur utilise des formulations ou des appréciations de la Cour qui sont déjà dépassées. Ce n'est pas satisfaisant, mais nous n'avons pas trouvé de solution pour réduire cet écart de deux mois entre notre exigence du 31 mars et celle de la Cour des comptes à fin mai. Cela peut sembler curieux, mais c'est ainsi.

Concernant les répercussions de la guerre en Ukraine, je ne vois pas bien de quoi il s'agit.

Permalien
Geneviève Gauthey, secrétaire générale de la CADES

Depuis 2022, en raison des problèmes en Ukraine, notre auditeur, Grant Thornton, nous a demandé d'inclure une mention dans les comptes, indiquant qu'il pourrait y avoir des répercussions financières potentielles, mais que nous ne sommes pas liés à des investisseurs qui poseraient problème au regard de la politique française vis-à-vis de la Russie. C'est pour cette raison que nous intégrons cette mention dans les comptes. Je souhaite qu'elle n'y figure pas trop longtemps, mais nous la mettons tous les ans.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Lorsque la guerre en Ukraine s'est déclarée en février 2022, les émetteurs que nous sommes se sont précipités pour vérifier dans leurs comptes s'ils avaient avec la Russie des relations problématiques. Nous avons constaté qu'aucune entité russe n'avait investi dans les émissions de la CADES, ce qui nous a réjouis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de passer la parole au rapporteur, je voudrais revenir sur la question de la technique d'emprunt. Pourriez-vous expliquer pourquoi, par exemple, vous empruntez en dollars, et pas l'État par l'intermédiaire de l'AFT ? Vous nous présentez ce choix assez logiquement en affirmant que l'avantage est que nous élargissons nos capacités d'action. En d'autres termes, le marché est plus grand, plus vaste. Le bon sens le fait deviner. Pourquoi l'AFT n'a-t-elle pas besoin de cette facilité ?

Quelle est la différence entre les techniques d'émissions de la CADES et celles de l'État ? Quels sont les avantages relatifs des unes et des autres ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

L'AFT est l'opérateur de l'État et il est difficile d'imaginer que l'État ne défende pas systématiquement l'euro. Cela relève d'une logique très fortement politique. Le fait que l'État aille emprunter sur le marché du dollar ce qu'il peut avoir sur le marché de l'euro serait sans doute interprété comme une défiance. M. Antoine Deruennes, que vous recevrez le 28 mai, vous expliquera tout cela.

On nous a permis de faire autre chose. L'Unedic procède de la même manière. Les autres opérateurs vont en effet sur d'autres marchés. Je l'ai indiqué, cela allège quelque peu le marché de l'euro, qui n'est pas si profond. Il est donc bénéfique de se diversifier de ce point de vue.

La CADES utilise uniquement la technique de la syndication. Lorsque nous réalisons une opération, nous sollicitons quatre banques majeures du marché international des capitaux, généralement deux françaises et deux anglo-saxonnes, pour être nos opérateurs. Cette opération est bien sûr d'une haute intensité, dans laquelle notre front-office est très présent. Cette technique permet de médiatiser ces opérations par le biais des grandes banques.

La technique traditionnelle de l'AFT est différente. Bien qu'elle utilise parfois la syndication, elle a le plus souvent recours à la technique de l'adjudication. L'AFT programme tout au long de l'année un certain nombre d'opérations, et elle les annonce. À l'inverse, nous n'annonçons pas nos opérations à l'avance, nous les réalisons lorsque nous estimons que le marché est disponible. Cette différence n'a pas d'autre portée que de refléter deux cultures différentes ; l'AFT vous l'expliquera.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le président, madame la secrétaire générale, de vous être rendus disponibles dans les délais impartis. Je salue également la présence d'une parlementaire, Mme Louwagie, qui siège au comité de surveillance de la CADES, démontrant ainsi que la CADES est sous la surveillance du Parlement.

Tout d'abord, concernant la spécificité de la dette sociale, je souhaite savoir si la dette sanitaire est isolée de la même manière que pour l'État, et si elle fait l'objet d'un amortissement distinct. Vous avez mentionné 136 milliards d'euros de reprise. Peut-on considérer que l'ensemble de ces 136 milliards d'euros a été apuré ?

Ensuite, pourriez-vous nous fournir des éléments de comparaison européenne, tant sur la gestion de la dette sociale que sur ses montants ?

Sur le profil des investisseurs, observez-vous des différences entre les investisseurs de l'État et les investisseurs sociaux ? Vous avez évoqué des difficultés de placement de l'ACOSS. Depuis lors, avez-vous rencontré de nouvelles difficultés de placement ?

Vous avez abordé plus largement l'avenir de la CADES, de ses ressources et de ses dépenses. Portez-vous un regard critique sur la nature des ressources qui lui sont affectées ? À la lecture de la prévision pour 2024, nous pouvons constater qu'elles sont plutôt stables et en lien avec l'évolution de la fiscalité du capital.

S'agissant des déficits restant à apurer, vous avez évoqué le montant des déficits cumulés en 2019. Pourriez-vous également préciser quel était ce montant en 2017 ? En effet, notre commission d'enquête s'intéresse à l'année 2017. Êtes-vous en mesure de nous indiquer quel serait le montant de la dette restant à apurer s'il n'y avait eu ni déficit ni dette en 2017 ? En d'autres termes, sommes-nous capables d'isoler, dans le programme des missions auxquelles vous faites face, les éléments spécifiques à cette mandature ainsi qu'à la précédente ?

Enfin, vous indiquez également que l'instrument n'est pas idoine pour faire face aux évolutions des dépenses, notamment de l'assurance-maladie, auxquelles nous avons à faire face, et vous évoquez un rapprochement avec l'AFT. Intuitivement, je me demande si vous plaideriez pour une sorte de pilotage unique des structures de financement de notre dette, peut-être sous le contrôle de l'AFT, afin de gagner en efficacité opérationnelle et peut-être également en charge d'intérêts.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Il n'existe pas, à ma connaissance, de définition d'une dette « covid ». Cette notion n'intéresse d'ailleurs pas la CADES. La dette covid résulte d'abord d'une réduction des recettes. Le premier effet de la crise sanitaire et de la crise économique a été un très fort recul des recettes qui a touché l'ensemble des branches de la sécurité sociale et tous les régimes.

Elle résulte ensuite d'une augmentation des dépenses traditionnelles de l'assurance-maladie, principalement au niveau des établissements de santé. Il faut également souligner l'élargissement du périmètre d'intervention de l'assurance-maladie, qui a absorbé des dépenses de santé publique fortement rehaussées dans le contexte de la crise sanitaire. La dette covid, c'est cet ensemble.

Ce qui nous a été transféré, au titre des années 2020 et 2021  les années covid , ce sont les déficits qui se sont transformés en dette, sans chercher à distinguer ce qui relevait de telle ou telle composante. La CADES est là pour apurer la dette, pour soulager financièrement le régime général, et peu nous importe l'origine de cette dette.

Nous y avons ajouté, ce qui est une innovation, un tiers de la dette des hôpitaux. Cela me semble tout à fait normal et logique, car les hôpitaux sont fondamentalement financés par l'assurance-maladie. Ni le Conseil d'État ni le Conseil constitutionnel n'y ont trouvé à redire.

Notre vision est globale. Nous ne cherchons pas à connaître les composantes en détail. Je doute même qu'il existe une analyse suffisamment fine pour répondre à cette question.

Que se passe-t-il en Europe ? Nous n'en savons rien. J'aimerais qu'un jour quelqu'un investisse ce sujet et aille voir ce qu'il se passe dans les autres États membres et au-delà. Que s'est-il passé pendant cette période ? Quels mécanismes financiers ont été mis en place ? Y a-t-il eu un recours important à la dette ? Comment ont-ils réussi ? Nous n'en savons strictement rien. Je ne peux pas vous répondre.

Les profils des investisseurs qui s'intéressent à la CADES et l'État ne sont pas très différents. Depuis septembre 2020, la CADES a la particularité de recourir à des émissions dites sociales. Comme il existe des green bonds (obligations vertes), il existe désormais des émissions sociales, qui sont destinées à financer des politiques positives en matière sociale.

Sans entrer dans trop de détail, nous avons investi fortement dans ce dispositif. Désormais, nous réalisons essentiellement, mais pas exclusivement, des émissions sociales. La dernière opération que j'ai citée, en dollars, n'a pas été faite en émission sociale.

Les émissions sociales sont un marché récent, qui date de l'automne 2020. Les acteurs y sont peu nombreux s'agissant des émissions : la CADES et l'Unedic pour la France ainsi que la Commission européenne dans le cadre de ses opérations de financement de la crise covid, entre autres. Par ailleurs, certains investisseurs sont de plus en plus intéressés par ces produits.

Pendant trois ans, nous avons été le principal émetteur d'émissions sociales au niveau mondial. Nous nous sommes ainsi singularisés, ce qui démontre bien que le marché reste assez étroit. En étant le seul émetteur français à faire ce type d'émissions avec l'Unedic  qui propose des montants beaucoup plus faibles , nous nous sommes différenciés de l'État qui, à fin de diversification, a plutôt recours à des émissions vertes qui correspondent à son rôle.

En simplifiant, les caractéristiques des émetteurs sont similaires. Nous vous fournirons les données des émetteurs. Il n'y a pas de grande différence entre les investisseurs intéressés par les émissions de l'État et ceux qui s'intéressent à celles de la CADES.

Heureusement, l'ACOSS n'a pas rencontré d'autre difficulté que celle survenue au début du mois d'avril 2020, pour une raison très simple : lors de notre opération de reprise de dette, nous avons d'abord retiré les 31 milliards d'euros de déficits cumulés jusqu'à 2019 qui figuraient essentiellement dans les comptes de l'ACOSS. C'est ce qui alourdissait la charge d'emprunt à court terme de l'ACOSS : elle finançait non seulement sa propre trésorerie  la trésorerie normale du régime général , mais aussi ces déficits qui n'avaient pas été repris par la CADES. D'autres phénomènes ont un peu alourdi la charge d'emprunt de l'ACOSS ; son directeur vous fournira des explications à ce sujet.

Nous n'avons pas eu de problème pour rétablir rapidement un positionnement et un regard normaux des investisseurs sur les emprunts à court terme de l'ACOSS. Heureusement, la crise a duré à peine quelques semaines. Toutefois, cela a constitué un avertissement sérieux.

Je n'ai aucun souvenir particulier de 2017. Dans les 31 milliards d'euros de déficits constatés au 31 décembre 2019 et repris par la CADES, il est probable qu'une partie a été constituée en 2017. C'est tout ce que je peux vous répondre ; la direction de la sécurité sociale pourra vous fournir plus de détails.

Je me réjouis que la CADES ait les recettes les plus dynamiques et modernes de l'ensemble de la protection sociale. Nous avons la CRDS, qui avait été conçue comme une « super CSG ». La différence entre la CRDS et la CSG réside dans leur champ d'application. 0,5 point de CRDS, par rapport à 0,5 point de CSG, rapporte un peu moins de 500 millions d'euros de recettes supplémentaires. La CRDS couvre un champ légèrement plus large que la CSG.

Il est selon moi essentiel que nos recettes mobilisent les retraités et le capital. La CSG et la CRDS ont été conçues pour mobiliser la grande majorité des retraités qui sont contributeurs, sur la base d'un système très différencié selon les revenus. Le capital contribue également. Dans la CSG ou la CRDS, il y a 10 % de contribution du capital et 10 % de contribution des retraités. Avec notre troisième composante, l'apport annuel du FRR, nous parvenons à doubler la contribution du capital.

Dans la structuration des recettes globales de la CADES, 60 % correspondent à des revenus d'activité, salariée ou non-salariée, 20 % proviennent des revenus du capital et 20 % sont issus des pensions de retraites. Cette diversité est très importante.

La CADES, fondamentalement, est le dernier élément qui fait vivre la sécurité sociale. Elle est la garantie absolue que la sécurité sociale sera présente aux échéances qu'elle se donne vis-à-vis des assurés sociaux. Il est normal que la solidarité nationale s'exprime financièrement dans toutes ses composantes pour son financement.

Je suis très attaché à cette répartition tripartite entre la CRDS, la CSG et l'abondement du FRR parce qu'elle garantit une véritable solidarité financière en faisant participer tous les acteurs, et un peu plus proportionnellement les revenus du capital, ce qui est une très bonne chose.

Concernant la question du pilotage unique de la dette, cela ne servirait à rien. On ne peut pas mélanger une structure qui fait de l'amortissement et une structure qui n'en fait pas. Si nous avons créé une caisse d'amortissement, c'est bien parce qu'elle a une tâche très spécifique par rapport à ce que fait au quotidien l'AFT.

Une caisse d'amortissement doit être reconnue sur le marché. Mon prédécesseur a passé des années à sillonner la planète, à vendre des produits de la CADES et à faire connaître la CADES pour susciter l'intérêt des décideurs. Il ne faut surtout pas défaire tout ce travail.

L'enjeu en termes de taux est mineur. Le différentiel de taux représente quelques dixièmes de point de base. Cela n'a aucun impact financier réel. Ce qui importe, c'est de disposer de deux instruments distincts, chacun ayant un rôle spécifique et intervenant sur des marchés différents.

Nous ne pouvons pas nous priver, sous prétexte d'avoir un opérateur unique, du marché des autres devises que l'euro. Nous devons être présents sur le marché du dollar et l'utiliser au mieux. L'AFT vous dira exactement la même chose.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je m'interroge sur le différentiel de taux, précisément, par rapport à l'État. Est-il linéaire ou plutôt erratique ?

En matière de diversification, je voudrais savoir si vous avez recours à des obligations indexées sur l'inflation.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

L'écart de taux entre les titres émis par la CADES et ceux émis par l'État n'est pas linéaire. À certaines périodes, il est plus accentué ou un peu plus faible qu'à d'autres. En ce moment, il est plutôt faible. Les variations sont de l'ordre de quelques dixièmes de point de base, ce qui n'est pas grand-chose.

Le stock de notre endettement, qui s'élève à 142 milliards d'euros, est composé à 75 % d'emprunts à taux fixe. Ensuite, 23 % de cette somme correspond à des emprunts à taux d'intérêt variable. Enfin, nous avons un tout petit reliquat d'emprunts indexés sur l'inflation, que nous rembourserons dans quelques semaines, car ce type d'emprunt n'est pas avantageux. La structuration de notre dette est donc assez stable, et la disparition des emprunts indexés va renforcer la part des taux variables par rapport aux taux fixes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Louwagie, qui a deux qualités puisqu'elle est également présidente du comité de surveillance de la CADES.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Premièrement, l'objectif de la CADES était d'isoler la dette sociale de celle de l'État et d'envisager son amortissement, avec une fin de vie prévue quelques années plus tard. Il s'est écoulé presque trente ans depuis sa constitution. Depuis sa mise en place, la CADES a connu une évolution de ses missions. Vous avez notamment évoqué une préoccupation à propos d'émissions sociales ou d'émissions vertes, ce qui est assez nouveau. Avez-vous constaté une évolution dans la manière dont vous organisez vos missions ?

Deuxièmement, quelle est la nature des relations entre la CADES et le Gouvernement, et éventuellement avec quels ministères ?

Troisièmement, avec du recul, la création de la CADES a-t-elle contribué à déresponsabiliser encore plus la sphère sociale sur les questions financières et budgétaires ? Vous avez affirmé qu'une réponse au déficit de la branche maladie devait être apportée. Cela signifie-t-il que l'absence de maîtrise des comptes de la branche maladie serait de nature à mettre en difficulté l'objectif premier de la CADES de rembourser la dette sociale ?

La succession de nouveaux transferts, intervenus très rapidement après la création de la CADES – les premiers en 1998, avec un prolongement de cinq ans, et en 2004 – et qui se poursuivent, est-elle un élément qui dénature l'objectif de remboursement de la dette sociale ? Ne sommes-nous pas dans un effet boule de neige, en amortissant une partie de la dette, mais en la reconstituant assez rapidement ?

Quatrièmement, la création de la CADES, associée à une absence de maîtrise des dépenses sociales et des déficits, ne constitue-t-elle pas un coup d'épée dans l'eau ?

Cinquièmement, au regard des liens et conventions qui vous lient à l'AFT, quelle est la plus-value de la CADES par rapport à une alternative qui consisterait à ce que la dette sociale soit gérée directement par l'AFT ?

Sixièmement, les maturités des emprunts, comprises entre trois et dix ans à l'émission, sont-elles organisées de manière à tenir compte de l'allongement de la durée de vie de la CADES à 2033 ? Cette fin de vie de la CADES en 2033 est-elle toujours d'actualité ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

La durée des emprunts respecte strictement l'échéance fixée par le législateur. Il est hors de question d'avoir des emprunts qui dépasseraient l'échéance de 2033. Sur le document que je vous présente figurent les encours obligataires de 2024 à 2032. Notre objectif, par les emprunts, est de combler progressivement les déficits dans les années à venir et d'égaliser leur impact annuel. L'échéance de 2033 est stricte et nous la respectons.

L'existence de la CADES nous offre une visibilité et un accès à des investisseurs dont ne dispose pas l'AFT. Notamment avec les émissions sociales, nous avons réussi à fidéliser les investisseurs. Nous n'avons jamais eu autant d'offres. Le nombre d'investisseurs et les montants de ce que nous appelons le « livre d'ordres » n'ont jamais été aussi élevés que ces dernières années.

Il ne faut absolument pas détruire cette relation majeure avec le marché. Nous coexistons et travaillons très bien avec l'AFT, mais il ne faut surtout pas mélanger une caisse d'amortissement avec un organisme ne faisant pas d'amortissement et dont la gestion de la dette est très différente.

Est-ce que la CADES déresponsabilise les politiques ? Je dis que non. La première grande crise exogène postérieure à la création de la CADES, c'est-à-dire la crise financière qui s'est déclarée en 2007, l'a montré. Je vous montrerai la courbe des déficits.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me suis permis de poser cette question parce que vous avez dit qu'une réponse au déficit de la branche maladie devait être apportée.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

La preuve que la CADES ne déresponsabilise pas réside dans notre gestion du premier fonds de déficit lors de la crise financière que j'évoquais. La courbe de redressement est spectaculaire. Nous avons mis dix ans pour détruire les effets de la crise, mais chaque année, nous nous rapprochions un peu plus de l'équilibre. Ce processus s'est interrompu en mars 2020. Nous étions presque certains qu'en 2021, nous serions enfin revenus dans un univers dans lequel on pouvait considérer que les comptes de la sécurité sociale seraient gérés à l'équilibre.

Nous pouvons discuter de la façon dont a été obtenu ce résultat. La CADES n'a pas fait obstacle à ce mouvement, elle l'a même encouragé. Lorsque nous ne cessions d'affirmer que la CADES cesserait ses activités en 2024, cette idée a commencé à s'ancrer dans les esprits. En janvier 2020, personne ne mettait en cause la disparition de la CADES à cette date, et à juste titre. Après, ce choc exogène complètement imprévu est survenu.

La CADES responsabilise-t-elle suffisamment ? C'est une autre question. En tout cas, elle ne déresponsabilise pas.

Concernant la nature des relations avec le Gouvernement, la CADES a deux ministres de tutelle : le ministre de l'économie et des finances et la ministre chargée du secteur social. Ils assistent aux conseils d'administration et exercent leur activité de tutelle. Nous sommes en relation nécessaire et constante, sans difficulté particulière.

Concernant l'évolution des missions, j'ai évoqué la plus marquante, à savoir la création des émissions sociales en septembre 2020. En 2020, nous avons commencé à financer une partie de la dette des établissements de santé participant au service public hospitalier, ce qui constituait une nouveauté.

Il n'y a guère eu d'évolutions fortes, mais une continuité, qui est nécessaire dans ce type de structure. Nous avons en face de nous des investisseurs qui sont un peu conservateurs. Il faut entretenir les relations et ne pas créer de doute sur l'existence de notre organisme ni sur la qualité de ses prestations et de sa présence sur le marché. Il faut construire une relation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens à la question posée par le président concernant la certification des comptes par le commissaire aux comptes, qui a émis une réserve. Vous avez fourni une explication concernant ces délais. Le rapport de la Cour des comptes a été produit en mai, j'ai rapidement pris connaissance des premières constatations. La Cour certifie avec réserve les comptes de 2023 de quatre des cinq branches de prestations du régime général, ainsi que ceux de l'activité de recouvrement.

En revanche, elle émet une impossibilité de certifier les comptes de 2023 de la branche famille, du réseau des caisses d'allocations familiales (CAF) et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). En effet, le montant des erreurs non corrigées par les actions de contrôle interne s'élève à 5,5 milliards d'euros de versements indus, mais aussi de prestations non versées à tort, qui ont été constatées à la fin de 2023 et qui ne seront jamais régularisées.

La CNAF s'était engagée à des actions de redressement au second semestre 2023, mais elles n'ont pas encore pleinement produit leurs effets en 2023. Quelle est votre analyse de cette situation qui est, à mon avis, particulièrement préoccupante ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Elle est doublement hors sujet pour la CADES. En effet, la CADES s'intéresse à l'activité de certification de la Cour des comptes uniquement pour la branche recouvrement. C'est la recette qui nous intéresse, c'est-à-dire la qualité du recouvrement de la CSG et de la CRDS. L'activité de prestations nous est indifférente.

Par ailleurs, la branche famille n'est pas un « client » de la CADES, puisqu'elle ne reprend que les branches en déficit. La CNAF est excédentaire depuis de nombreuses années. Elle a été partiellement en déficit dans le contexte général de 2020, comme toutes les branches.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour un outil qui semblait être transitoire, nous le voyons s'installer dans la durée. Nous pouvons malheureusement raisonnablement projeter l'existence de la CADES au-delà de 2033, vu l'évolution des choses. Nous anticipons une hausse des déficits de la sécurité sociale dans l'ensemble de ses branches. Je ne parle même pas de l'évolution des retraites avec le vieillissement démographique, indépendamment de ce que l'on pense de la réforme qui a été faite, et de la branche vieillesse. Nous parlons d'un doublement d'ici 2027 des déficits de la sécurité sociale.

Par rapport à la trajectoire que vous venez de décrire sur le graphique que vous nous avez montré, il apparaît que les perspectives de retour à ce que vous appelez l'équilibre des comptes, avec l'apurement total de la dette confiée à la CADES, deviennent de plus en plus hypothétiques. En tant qu'acteur de la CADES, vous gérez ce qui vous est transféré, mais vous devez également avoir un regard particulier sur l'évolution de la dette de la sécurité sociale.

Pour que vous puissiez répondre à ma question, je vais l'orienter. Comment géreriez-vous le transfert progressif de 17 milliards d'euros par an d'ici 2027 et peut-être au-delà ? C'est le déficit annoncé des comptes de la sécurité sociale dans une conjoncture économique qui se dégrade, avec des dépenses de vieillesse et de maladie qui ont tendance à augmenter dans la conjoncture que l'on connaît, telle qu'elle est gérée par l'exécutif.

Deuxièmement, sur les conditions de la gestion financière, nous observons que les taux ont tendance à évoluer. Ils baissent avec le swap, mais nous sommes montés vers 4 %, et nous sommes aujourd'hui plutôt autour de 3 %. Si nous nous installions durablement dans un contexte de taux élevés, sachant que nous sommes déjà au-dessus des 136 milliards qui permettaient une extinction en 2033, comment parviendrions-nous à éteindre la dette actuelle sans transfert supplémentaire d'ici à 2033 ?

Une prolongation de l'activité de la CADES avant la fin du mandat, compte tenu de ce qu'il s'est passé au cours des dernières années, vous paraît-elle inévitable ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Pour répondre à votre deuxième question, le dispositif arrêté à l'été 2020 – prévoyant une reprise de 136 milliards d'euros avec une prolongation de l'activité de la CADES jusqu'à la fin de 2033 – envisageait des hypothèses de taux plus élevés que ceux qui étaient en vigueur à l'époque. Je rappelle que les taux d'intérêt étaient négatifs. Nous avions envisagé et pris les marges de manœuvre nécessaires pour que, si les taux s'orientaient fortement à la hausse pendant cette période, nous puissions achever notre mission à la fin de l'exercice 2033.

Les deux premières années ont été particulièrement fastes, car nous avons bénéficié de taux d'intérêt négatifs au moment où nous avons emprunté les plus fortes sommes, à savoir en 2020 et 2021. Nous étions partis sur une base plus intéressante que ce qui était prévu initialement.

Ensuite, avec la hausse des taux, nous avons passé un palier de 2 % à la suite de la déclaration de la guerre en Ukraine. Actuellement, nous sommes à 3 %. Nous évoluons dans un contexte où l'inflation est jugulée en Europe. Même si elle ne l'est pas encore aux États-Unis, elle tend à diminuer. Nous espérons que la Banque centrale européenne (BCE) amorcera une baisse de ses taux à partir de juin. Pour la Réserve fédérale (FED), ce sera plus tard, sans doute.

Nous ne sommes pas dans un contexte avec une perspective de hausse des taux, tel que vous l'avez dessiné. Cependant, nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe exogène. Tout est possible, dans ce monde. Personne n'avait prévu la crise financière et encore moins la crise sanitaire. Nous ne sommes pas à l'abri d'un choc, mais, pour le moment, rien ne le laisse présager.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

À 3 %, il n'y a aucune difficulté.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour être certain d'éteindre la dette en 2033 – c'est la question de M. Di Filippo –, quel est le taux d'intérêt moyen calculé sur la période ? Quel est le taux d'intérêt maximal ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Nous avons modélisé tout cela, mais je ne sais pas vous répondre à l'instant.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Je me conformerai aux décisions du Parlement. Si le Parlement vote une loi élargissant le domaine d'intervention de la CADES à d'autres déficits dans l'enveloppe de 136 milliards d'euros, nous le ferons. Nous avons déjà géré 136 milliards. Nous avons fait le nécessaire pour être présents sur le marché et obtenir les prêts nécessaires pour financer cette reprise de dette.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Par rapport au déficit de la sécurité sociale que l'on anticipe, à partir de quel moment cela ne passe-t-il plus dans l'enveloppe des 136 milliards d'euros qui vous ont été transférés ? Est-ce qu'au premier euro supplémentaire de déficit, nous serions déjà en dehors de cette enveloppe, ou avez-vous une capacité d'absorption supplémentaire ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Nous avons une enveloppe de 136 milliards d'euros, que nous allons finir de consommer cette année. Il reste encore 6,6 milliards d'euros de reprises à effectuer, après quoi l'enveloppe sera close. Il n'est pas possible d'y ajouter des déficits supplémentaires par rapport à ce qui avait été envisagé.

En réalité, les quatre exercices de 2020 à 2023 ont généré un déficit légèrement supérieur aux 92 milliards d'euros prévus. L'enveloppe de 136 milliards d'euros n'est pas totalement consommée, ce qui est normal. Au moment où nous avons calculé l'enveloppe de 92 milliards d'euros sur un coin de table, cela aurait été une heureuse surprise d'avoir réussi à estimer exactement le déficit de ces quatre exercices.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est préoccupant de consommer l'enveloppe avant que la période soit échue ; cela nous place déjà dans une perspective de renouvellement et d'agrandissement du champ d'intervention de la CADES.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Non, votre raisonnement n'est pas le bon. Lorsque nous avons défini l'enveloppe de 136 milliards d'euros, nous avions bien sûr intégré le fait que nous allions mettre plusieurs années pour redresser la sécurité sociale. Nous avons subi un choc exogène d'une violence extrême et sans précédent. Vous avez constaté l'ampleur des déficits. Nous savions que cela prendrait des années, et que ce serait bien plus difficile que les dix années précédentes durant lesquelles nous avions redressé la situation après la crise financière. L'hypothèse selon laquelle 136 milliards d'euros auraient été sous-consommés est invraisemblable, elle n'est absolument pas crédible.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À partir de cette année, nous assistons à une extension du champ de votre action avec les déficits qui sont devant nous. Ce n'est pas de votre ressort, d'accord. Toutefois, ces déficits sont structurels et résultent d'une dégradation des différentes branches de la sécurité sociale. Vous pouvez parler du passé et des causes exogènes, mais je regarde également l'avenir et la fin de ce mandat. Et nous constatons des causes structurelles non exogènes. Le premier centime en plus ne tiendra plus dans l'enveloppe transférée actuellement. Nous sommes bien d'accord sur ce point.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais savoir si le montant non repris est de 6,6 milliards d'euros ou de 8,8 milliards. Vous avez mentionné deux chiffres, mais il y a peut-être une question de temporalité.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Dans l'enveloppe des 92 milliards d'euros de reprises de dette, en 2024, il reste une enveloppe disponible de 8,8 milliards d'euros. Nous allons l'utiliser intégralement. Les 6,6 milliards d'euros restants sont dus au fait que la CADES a déjà effectué 2 milliards d'euros de reprises au début de l'année. Il reste donc 6,6 milliards d'euros à engager d'ici la fin de l'année.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite revenir sur trois points qui ont déjà été partiellement abordés.

Premièrement, concernant l'écart de taux, vous indiquez que cela représente quelques dixièmes de point, mais cela constitue tout de même un peu d'argent. Derrière, il y a l'État. La crédibilité du prêteur est-elle identique, que ce soit la CADES ou l'AFT ? Qu'est-ce qui justifie cette différence de taux ? Est-ce dû aux profils différents de vos prêteurs ou au fait que vous interveniez sur le marché américain ?

Deuxièmement, pourriez-vous préciser le montant de la dette en 2017, au début de la période que nous étudions ?

Troisièmement, concernant l'orientation vers les prêts à taux variable, subissez-vous l'offre du marché en ce qui concerne le mix entre les taux fixes et les taux variables ? Avec une perspective raisonnable de baisse des taux – ce n'est pas une science exacte –, modifiez-vous actuellement votre politique d'emprunt au profit d'emprunts à taux variables ? Quelle est votre politique, de façon un peu plus détaillée, à ce sujet ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Le différentiel de taux avec l'État est effectivement de quelques dixièmes de point. Tous les États, et pas seulement l'État français – par exemple l'État américain –, bénéficient d'un avantage sur le marché par rapport à tous les autres emprunteurs.

Sur le marché américain, le différentiel entre la FED et d'autres opérateurs américains est beaucoup plus important que le différentiel entre la CADES et l'AFT. Il existe un privilège de l'État. On considère que l'État est l'emprunteur par nature pour financer les dettes publiques, ce qui lui confère un avantage historique et irréductible.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens à la question du rapporteur. Si l'État arrive à obtenir des conditions meilleures, vous voyez la question qui va suivre…

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Si nous transférions les 144 milliards d'euros restants à l'État, le choc sur le marché augmenterait les taux d'intérêt de l'État dans l'ensemble. Mon collègue de l'AFT le dirait également, cela provoquerait un choc rehausserait leur coût de financement, annulant ainsi l'effet recherché. C'est une hypothèse théorique.

Concernant 2017, je n'ai pas d'indication particulière sur le déficit cumulé. De mon point de vue, il est compris dans les 31 milliards d'euros qui constituent la première sous-enveloppe des 136 milliards. Je ne dispose pas de renseignements à vous fournir spontanément.

Nous avons une politique de recours aux taux fixes et aux taux variables qui est définie par le conseil d'administration. En 2020, une orientation a été arrêtée, autorisant nos opérateurs à faire jusqu'à 30 milliards d'euros d'emprunts au maximum à taux variable.

Cela dépend de l'appétence du marché. Si nous faisons une offre à taux variable, c'est parce que certains investisseurs ont une appétence dans un contexte plus favorable à un recours aux taux variables plutôt qu'aux taux fixes.

C'est une équation sur laquelle je ne peux pas vous donner d'explications très détaillées. Cela dépend du marché. Il faut disposer d'une multitude d'outils, taux fixes et taux variables.

En revanche, nous écartons les titres indexés sur l'inflation. Nous en avons utilisé par le passé, mais nous allons les éliminer cette année en les remboursant et en les amortissant. Il n'est pas question de revenir sur le terrain des titres indexés. C'est une décision claire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Y avait-il des taux variables à l'époque où les taux d'intérêt étaient à zéro ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Je ne sais pas. C'est peu probable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il serait intéressant que vous nous donniez par écrit le montant du déficit de 2017, ainsi que le montant qui resterait dans la perspective strictement théorique où il n'y aurait eu aucun déficit en 2017. C'est important pour éclairer nos travaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur votre site internet, dont je salue la qualité de l'information et le souci de transparence, vous indiquez dans votre éditorial qu'il y a un très fort intérêt des marchés internationaux pour les obligations sociales françaises. Cela a suscité une appétence particulière, au cours de l'année écoulée, alors que l'on insistait très lourdement sur l'endettement de la France. Comment expliquez-vous cet intérêt des investisseurs pour la dette sociale française ?

Vous avez également indiqué que 75 % des emprunts étaient à taux fixe, ce qui démontre une structure de la dette bien tenue. Cependant, en ce qui concerne les investisseurs, à part les banques centrales, les banques et les investisseurs institutionnels, pouvez-vous préciser quels sont les autres investisseurs ?

Vous avez cité la réforme des retraites et mentionné également une réforme de la sécurité sociale. Pensez-vous que cette réforme est nécessaire ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Cette réforme était selon moi indispensable. Il aurait été inconcevable de ne pas faire une réforme des retraites. Les composantes de cette réforme peuvent être discutées, mais le président de la CADES n'est pas là pour exprimer une opinion personnelle sur ce sujet. Toutefois, cela a conforté la CADES de savoir que quelques conclusions avaient enfin été tirées en matière de réformes, évitant ainsi de s'engager encore dans des années de déficit de ces régimes.

Il existe principalement trois catégories d'investisseurs, à savoir les banques centrales, les banques, et divers autres investisseurs, à l'exclusion des fonds spéculatifs. Nous n'avantageons pas les hedge funds. Nous allons vers des fonds sérieux et solides. C'est donc diversifié.

En fonction des opérations d'émissions, la composante se modifie. Nous produisons, pour chaque opération, le relevé proportionnel des différentes composantes d'investisseurs. C'est donc facile à déterminer.

Pourquoi cette appétence ? Si vous avez en face de vous un émetteur dont vous êtes certain qu'il remboursera au dollar ou à l'euro près la somme que vous lui avez prêtée, parce qu'il a des recettes solides, vérifiées et crédibles, c'est formidable. Et l'AFT reproduit le même schéma, en garantissant le remboursement des emprunts à l'euro près.

Ensuite, il y a le phénomène des émissions sociales. Il existe désormais une appétence des investisseurs internationaux pour cette étiquette. Je suis un investisseur avec l'étiquette « émissions sociales ». Nous nous réjouissons de cet intérêt pour le social. Le capital s'intéresse au social pour le valoriser dans ses portefeuilles, profitons-en. C'est très bien.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour prolonger la question de Mme Brulebois : qui détient la dette aujourd'hui ? Où est-elle détenue ? Est-elle domestique ? Est-elle européenne ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Nous savons ce qu'il s'est passé au niveau de l'émission primaire. Je vous donnerai très facilement la répartition.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Exactement, mais en réalité, la situation est plus complexe. Nous disposons de tableaux précis. En résumé, lorsque nous émettons un emprunt en euros, les investisseurs proviennent majoritairement de la zone euro. Pour une opération en dollars, les investisseurs se situent principalement en Asie ou sur le continent américain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'année dernière, vos émissions étaient à 60 % en euros et à 40 % en dollars, à peu près. Vous considérez donc que cela représente 60 % dans la zone euro et 40 % hors de la zone euro.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Grossièrement, on peut dire cela. Toutefois, c'est le marché primaire, et nous ne contrôlons pas le marché secondaire.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Le code de commerce contient une clause qui interdit de le demander. Nous ne savons pas du tout à quelle hauteur nous sommes présents sur le marché secondaire ni qui détient les titres sur ce marché. Nous ne le saurons jamais.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous le saurez au moment où l'on vous présentera la dette.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Oui, mais nous nous en moquons. Excusez-moi, mais cela n'a plus aucun intérêt.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'entends cette idée et la question est la même s'agissant des détenteurs secondaires de la dette de l'État. C'est une interrogation sempiternelle. Cependant, reconnaissons que cette question est fondamentale en termes politiques, et nous ne savons pas répondre à cette question fondamentale. Ce sont les mystères de la politique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais poser des questions en tant que béotien, n'appartenant pas à la commission des finances. Excusez-moi si certaines de mes questions vous paraissent incongrues.

Mme Louwagie a évoqué une série de transferts vers la CADES. Quelle a été l'évolution des ressources de la CADES au cours de la période ? Quel manque à gagner auraient pu représenter les exonérations sur cette période ? Ce point me semble important.

Je vais aller à l'encontre du raisonnement de notre collègue Di Filippo. Qu'est-ce qui justifie le rythme d'amortissement de la dette ? Vous avez commencé à apporter une réponse en indiquant que ce sont les échéances fixées par le législateur. Toutefois, existe-t-il un rythme optimal d'amortissement de la dette ? Pourrait-on considérer que la CADES disparaisse en 2033, 2034 ou 2035 ? La pente de la courbe que vous nous avez montrée est peut-être trop verticale ou pas assez. Y a-t-il un consensus sur ce sujet ?

De même, existe-t-il une structure optimale des ressources ? Vous avez indiqué que les revenus du capital représentaient 20 % des ressources de la CADES. Ce pourcentage pourrait-il être plus élevé ou plus bas ? Est-ce qu'à un moment, cela devient alarmant ou, au contraire, pourrait-on se faire plaisir, si j'ose dire ?

Pourquoi avoir eu recours à des emprunts indexés puisque vous nous avez expliqué que c'était une mauvaise idée ? Qu'est-ce qui a présidé à cette décision jusqu'à présent ? Qu'est-ce qui a fait penser, auparavant, que c'était une bonne idée ? Et pourquoi l'abandonner aujourd'hui si c'était une bonne idée à l'époque ?

Enfin, pouvez-vous présenter un montant global correspondant à la rémunération des investisseurs ? Combien les investisseurs ont-ils gagné entre 2017 et aujourd'hui en rachetant les émissions que vous avez passées ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Je vais commencer par les ressources de la CADES. Tout d'abord, il n'existe aucun dispositif d'exonération touchant la CSG et la CRDS. Nous sommes en dehors du champ des cotisations patronales, ce qui nous préserve de ce genre de sujet. Les ressources de la CADES sont sanctuarisées de ce point de vue.

En ce qui concerne la dynamique des ressources et le profil de ces recettes, comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons recherché une adéquation. Nous avons tâtonné un moment entre le schéma actuel et le schéma initial qui ne faisait participer au financement que la CRDS. Il y a un historique. Cependant, nous avons cheminé et nous avons estimé – je le pense également – que le bon choix de financement de la CADES était celui qui faisait participer tous les acteurs à la solidarité nationale du point de vue financier.

La sécurité sociale représente par excellence l'expression de la solidarité nationale. Tous les revenus doivent contribuer à proportion de leurs possibilités à ce financement, avec une contribution accrue pour le capital qui n'est guère présent dans l'ensemble de la sécurité sociale. C'était l'occasion de donner un coup de pouce à cette contribution.

Vous avez évoqué la date de la fin de vie de la CADES. Pourquoi 2033 ? Nous partons de l'enveloppe de reprise, initialement fixée à 136 milliards d'euros. Nous avons ensuite formulé des hypothèses de recettes et de charges d'intérêts. À partir de ces éléments, nous avons compris que pour amortir ces 136 milliards d'euros avec les montants de recettes et de charges d'intérêts évalués, l'option la plus crédible était de fixer l'échéance à 2033. Bien sûr, cela peut évoluer. C'est une forme de rétroplanning.

Nous pourrions envisager une évolution en augmentant les recettes, par exemple. Cependant, vu le contexte de la sécurité sociale à l'été 2020, il n'était pas crédible d'affecter des recettes supplémentaires à la CADES. On gardait les recettes pour financer en primaire l'équilibre des branches concernées. Si l'échéance est fixée à 2033, c'est en raison du rapport entre les 136 milliards d'euros, les recettes possibles et disponibles et la charge d'intérêts estimée sur cette période. Bien sûr, cela reste un choix politique.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Nous n'avons jamais eu beaucoup recours à des emprunts indexés. Je crois qu'il n'y en a eu que deux depuis 1996. Nous n'avons pas valorisé cet outil, qui ne s'est pas avéré profitable au cours de la période récente, notamment du fait de l'inflation élevée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur le sujet de la dette indexée sur l'inflation, cela fait plaisir de vous entendre et j'espère que vos homologues de l'AFT vont entendre votre discours. Depuis deux ans que je siège en commission des finances, je soulève régulièrement le problème de la dette indexée.

À ce propos, j'ai une question simple, qui va dans le même sens que celle de M. le président. Durant la période où les taux étaient à 0 %, avez-vous émis l'un de ces deux emprunts que vous avez mentionnés, ou aucun emprunt indexé ?

J'avais prévu de poser une question, à laquelle vous avez en grande partie répondu, sur la détention de la dette française, y compris les titres détenus par la CADES. C'est tout le sens des travaux que je suis en train de mener et dont le rapport va aboutir la semaine prochaine. Nous ne connaissons pas les détenteurs finaux des titres de dette, que ce soit auprès de l'AFT, de la CADES ou de toute autre institution publique.

Vous avez souligné que la législation vous interdisait de connaître ces informations. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question parce que je pousse la précision.

Dans le rapport que je prépare, nous avons constaté qu'un article de la législation vous empêchait de connaître l'identité des détenteurs de dette. Nous avons auditionné Euroclear, qui nous a indiqué que les entreprises privées pouvaient légalement lui demander l'identité des détenteurs finaux de titres et avoir, à un instant donné, une image très précise des pays où ces titres de dette sont détenus. Avez-vous des relations avec Euroclear ?

Si une proposition de loi que je devais présenter un jour permettait de lever cette difficulté, la CADES aurait-elle le même statut que l'AFT et aurait-elle la possibilité, auprès d'Euroclear, de connaître les détenteurs finaux ?

Deux questions découlent de cette détention par les résidents étrangers. En 2015, la CADES a diversifié ses sources de financement, notamment en empruntant en dollars. L'AFT ne fonctionne qu'en euros. Quel est l'impact sur la charge de la dette de cette détention de monnaie étrangère, notamment avec les taux de change ? Les évolutions des taux de change ajoutent-elles un coût potentiel en plus du taux d'intérêt ?

En 2015, vous avez diversifié vos sources de financement, notamment avec un premier emprunt obligataire de 3 milliards de yuans, en signant un accord avec la Bank of China. Cela constitue la plus importante émission de monnaie chinoise pour un émetteur non chinois. Je voudrais avoir votre avis sur cette question. Pour le dollar, on comprend tout à fait. Pour le yuan, la question se pose. Pourquoi ce choix d'être le plus gros émetteur étranger pour la Chine ? Quel est l'impact de la fluctuation des devises étrangères ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout à l'heure, vous nous avez répondu qu'au moment de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, vous aviez été soulagés, car il n'y avait pas de détention en Russie. Vous nous parliez de dette primaire ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

De dette primaire, bien sûr.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Les commémorations du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et la France, en 2014-2015, ont pu constituer un contexte de nature à attirer l'attention sur l'opportunité d'émettre dans de telles conditions. Nous avons été plusieurs à saluer cet emprunt exceptionnel. Notre objectif n'est pas de satisfaire une démarche politique, mais d'emprunter au meilleur taux, au moment opportun et sur les bonnes devises. Je pense que c'est l'historique de cette opération.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'imagine que vous plaisantez. Nous n'avons pas décidé d'émettre de la dette en devise chinoise parce qu'il y avait un anniversaire de relations diplomatiques ? Rassurez-nous.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Non, c'est un contexte qui a appelé notre attention sur le marché chinois.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous nous rassurez. C'était une demi-plaisanterie… On vous l'a demandé ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Non. On ne nous l'a pas demandé.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Personne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

De vous-mêmes, vous vous êtes fait la remarque que c'était un anniversaire franco-chinois.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

C'était l'occasion de s'y intéresser. Les conditions devaient être bonnes. Je n'étais pas président de la CADES à l'époque.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Serait-il possible, dans les réponses écrites que vous allez faire, d'avoir les taux d'intérêts du moment et les taux d'intérêt qui ont été octroyés par la Chine ?

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Oui. J'ai répondu tout à l'heure à votre deuxième question. Sitôt que nous faisons une opération sur une devise étrangère, nous la transformons immédiatement en euros. Nous ne prenons aucun risque de change.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Comme je vous l'ai démontré, l'opération en dollars que nous avons réalisée la semaine dernière a dégagé un gain. Il s'avérait plus intéressant de faire une opération en dollars swapée en euros plutôt que d'effectuer directement une opération en euros. La différence n'est pas énorme.

Permalien
Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

Non, en général, cela s'équilibre.

Les deux opérations indexées que j'ai évoquées sont largement antérieures à 2020. Nous étions donc en dehors de la période des taux négatifs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le président. Nous attendrons avec intérêt la note que vous nous ferez parvenir sur le différentiel de taux au moment où l'émission chinoise, si je puis dire, a été réalisée.

Y a-t-il d'autres questions ?

Monsieur le président, madame la secrétaire générale, je vous remercie. Je rappelle qu'il vous est loisible de compléter nos échanges en transmettant au secrétariat les documents que vous jugerez utiles à la commission d'enquête. Quelques questions très précises vous ont été posées et nous serons ravis de lire vos réponses.

Je déclare donc la séance levée.

La séance s'achève à dix-sept heures cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Franck Allisio, M. Denis Bernaert, Mme Danielle Brulebois, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Fabien Di Filippo, M. Philippe Juvin, M. Mohamed Laqhila, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Kévin Mauvieux, M. Aurélien Saintoul

Excusés. – M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Rabault, M. Nicolas Sansu