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Intervention de Jean-Louis Rey

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 15h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des français

Jean-Louis Rey, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) :

La CADES a été créée, dans le cadre du plan Juppé de 1996, par une ordonnance du 24 janvier 1996. Elle a pour mission de reprendre et de détruire la dette de la sécurité sociale.

Concrètement, la CADES est un émetteur sur le marché international des capitaux, le deuxième émetteur après l'AFT. Elle émet des emprunts et en utilise les revenus, ainsi que les recettes dont elle dispose, pour reprendre et financer en même temps de la dette auprès des organismes de sécurité sociale, verser des intérêts aux investisseurs ayant souscrit ses emprunts, et rembourser les emprunts qu'elle a émis à leur échéance. Ce sont les principales activités de cette caisse.

Initialement créée pour une courte période, la CADES devait s'éteindre neuf ans après sa création. Sa feuille de route a été renouvelée au fil du temps. Elle a aujourd'hui vingt-huit ans d'existence. Cette feuille de route résulte de deux lois, organique et ordinaire, du 7 août 2020. Vous en connaissez sans doute le contenu puisqu'elle est étroitement liée à la crise sanitaire et à la crise économique qui a suivi.

La CADES est ainsi chargée d'apurer la somme de 136 milliards d'euros de dettes supplémentaires d'ici 2033. Cette somme est composée de trois enveloppes : 31 milliards d'euros de déficit constitué au 31 décembre 2019, 13 milliards d'euros correspondant à un tiers de la dette des établissements de santé participant au service public hospitalier – il s'agit d'une novation assez importante – et 92 milliards d'euros destinés à apurer les déficits des branches maladie et retraite du régime général pour les exercices 2020 à 2023.

Il est essentiel de préciser que lorsque la CADES reprend des déficits, elle ne reprend pas le déficit des régimes de sécurité sociale. Le déficit de l'ensemble de ces régimes, qui est l'agrégat qui structure le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ne nous intéresse pas. Le résultat du régime général ne nous intéresse pas non plus.

Ce qui nous intéresse, ce sont uniquement des branches ciblées avec un déficit potentiel, à savoir la maladie et la retraite. Les branches famille, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ne nous intéressent pas, et la dépendance n'a pas été inscrite dans notre champ d'action.

Cette feuille de route entre dans sa dernière année d'application puisque sur cette enveloppe de 136 milliards d'euros, il reste 8,8 milliards à reprendre cette année. Les reprises au titre de 2024 ayant déjà commencé, il reste à ce jour 6,6 milliards d'euros à reprendre d'ici la fin de l'année.

La CADES réalise d'importantes émissions sur le marché international des capitaux, sur le marché en euros ainsi que sur d'autres devises, principalement le dollar. Chaque année, elle annonce un programme indicatif, qui s'élève à 20 milliards d'euros cette année. Ce programme est déjà bien avancé, avec 15,7 milliards d'euros réalisés en quatre opérations depuis le début de l'année.

En ce qui concerne les taux d'intérêt, cette année, nous avons effectué quatre opérations avec un taux d'intérêt moyen légèrement inférieur à 3 %. L'année dernière, le taux moyen de nos opérations était légèrement supérieur à 3 %. En 2022, ce taux était de 2 % seulement ; il était de – 0,27 % en 2021, atteignant même – 0,30 % en 2020. Cela suit la courbe d'évolution des taux sur le double marché de l'euro et du dollar.

Pour en venir au taux de refinancement du stock de la dette, l'encours actuel est de 142 milliards d'euros, avec un taux pondéré de 2,27 %. Au cours de la vie de la CADES, ce taux a varié de 0,60 % à 5 %. Le taux de 0,60 % a été atteint à la fin de 2021. Le taux de 5 %, assez élevé, correspondait au début de l'activité de la Caisse – période où elle était encore peu connue – et à un contexte de taux d'intérêt élevés.

La CADES dispose de recettes. Sa recette originelle, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) a été créée en 1996. S'y est ajoutée la contribution sociale généralisée (CSG). La Caisse bénéficie également d'un versement annuel du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). En 2023, les recettes de la CADES se sont élevées à 21,1 milliards d'euros. Elles s'élèvent cette année à 19,3 milliards d'euros seulement, en raison d'un changement de périmètre. En effet, la CADES a cédé 0,15 point de CSG à la branche dépendance, créée par les lois d'août 2020 précitées.

Ces recettes sont dynamiques. Les revenus du capital en sont une composante plus importante qu'ordinairement dans le monde de la sécurité sociale. En effet, la CADES est financée à hauteur de 20 % par les revenus du capital, qu'il s'agisse des revenus de placements ou du patrimoine.

Chaque année, le Parlement vote l'objectif d'amortissement dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). L'année dernière, l'objectif initialement voté était de 17,7 milliards d'euros, mais nous avons finalement atteint 18,3 milliards d'euros, ce qui fait de 2023 une année plutôt faste. Pour 2024, l'objectif est fixé à 16 milliards d'euros, ce qui est compréhensible compte tenu de la diminution des recettes et de l'augmentation des charges d'intérêts annuels.

Depuis sa création, la CADES a repris à ce jour 390 milliards d'euros de dettes. Il lui reste 6,6 milliards à reprendre d'ici la fin de l'année, après quoi elle aura achevé sa mission telle qu'elle avait été définie par la loi.

Sur ces 390 milliards d'euros, 142 milliards restent à amortir. Ces 142 milliards, aujourd'hui, qui étaient 146 milliards à la fin de l'année 2023, représentent 4,7 % de la totalité de la dette publique. Sur les 3 101 milliards d'euros de dette publique constatés par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) au 31 décembre 2023, la dette de la sécurité sociale représente 4,7 % seulement. Cela ne signifie pas que cette dette n'est pas importante, mais il est nécessaire d'avoir en tête la proportion que représente la dette de la sécurité sociale par rapport aux autres composantes de la dette publique.

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