Je persiste et signe. L'instrument CADES, toujours disponible au gré des choix politiques, ne doit pas être manipulé à la légère. En 2020, dans le contexte de la crise sanitaire et économique, un plan de reprise d'urgence de 136 milliards d'euros a été mis en place. Il était alors clair qu'une action s'imposait.
À l'origine, début avril, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) n'a pas trouvé auprès des investisseurs d'offres de prêts suffisantes pour financer ses échéances de trésorerie, la plus importante correspondant au versement des pensions le 9 avril. Le marché n'a pas répondu parce qu'il était totalement tétanisé par cette crise. Une grande partie de l'Europe était en confinement.
Nous nous sommes retrouvés dans une situation très critique. Nous avons trouvé des solutions pour contourner cette absence de marché, et celui-ci s'est ensuite réanimé. Cependant, cela a créé un mouvement d'alerte très fort. L'ACOSS ne pouvait pas rester exposée à ce type de situation. Il y a donc eu cette décision d'une reprise de dettes sans conditions, sans se poser la question de savoir s'il fallait l'accompagner de tel ou tel élément de politique publique concernant directement l'assurance-maladie et la retraite. C'était logique, dans ce contexte.
Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte tout à fait différent. La question peut se reposer de reprendre ou non des dettes au vu des résultats de la sécurité sociale attendus pour 2024 et les années suivantes. Je dis, comme la plupart des personnes qui s'intéressent à ce sujet, qu'il n'est pas crédible de se présenter à nouveau devant le Parlement avec un programme de reprise de dettes sans une trajectoire crédible de redressement des comptes de l'assurance-maladie.
La branche retraite a fait l'objet d'une réforme qui, quoi que l'on en pense, est en cours d'application et dont les effets, bien que différés dans le temps, se feront sentir. En revanche, l'assurance-maladie reste un grand point d'interrogation. En tant que président de caisse, je me dois de rappeler régulièrement cette évidence.
Vous avez relevé que le coût de l'endettement, c'est-à-dire la charge des intérêts, avait augmenté de 46 % entre 2022 et 2023, passant de 1,25 milliard d'euros à 2,75 milliards d'euros. Pour 2024, nous attendons environ 3 milliards d'euros, soit une petite progression. C'est essentiellement l'effet de la hausse des taux d'intérêt. À partir de début 2022, nous sommes sortis des taux négatifs – parenthèse tout à fait exceptionnelle et irrationnelle dans le monde de la finance – pour nous inscrire désormais dans des taux d'intérêt positifs. Nous nous efforçons de réaliser des opérations d'emprunt sur le marché aux taux les plus faibles possible, mais la dynamique générale des taux est une augmentation. Vous l'avez souligné, en 2022, la charge des intérêts s'élevait à 1,250 milliard d'euros. En 2023, elle a atteint 2,850 milliards d'euros. Et pour 2024, nous attendons environ 3 milliards d'euros. Nous avons une petite progression.
Concernant votre question sur le dollar, la CADES, contrairement à l'AFT qui se doit de défendre et illustrer l'euro, a la particularité d'aller sur le marché international des capitaux en devises autres que l'euro, et essentiellement sur le dollar. Cette stratégie vise à éviter que la France ne pèse trop sur le marché de l'euro, qui n'est pas le plus vaste marché financier de la planète, contrairement au marché du dollar.
Il s'agit ensuite d'accéder à des maturités, c'est-à-dire à des durées d'emprunt qui sont peu usitées en euros. Les politiques de maturité d'emprunts du marché du dollar et du marché de l'euro diffèrent. Les offres sont différentes.
Surtout, l'objectif est de diversifier la base des investisseurs. Sur le marché du dollar, et notamment sur sa partie asiatique, certains investisseurs ne sont pas actifs ou sont très peu actifs sur le marché de l'euro. Les banques centrales, notamment de l'Asie du Sud-Est et de l'Est, sont des acteurs que nous recherchons et qui sont intéressants, mais il faut aller les chercher sur le marché du dollar. D'autres investisseurs opèrent principalement sur le sol américain.
Nous faisons des arbitrages. Pour lancer une opération, nous étudions très précisément quelle devise serait la plus intéressante entre l'euro et le dollar. Nous évaluons si le fait de passer par le dollar offrirait un avantage en termes de taux par rapport à l'euro.
Pour nous prémunir du risque de change, dès que nous réalisons une opération en dollars, nous effectuons immédiatement un swap pour la convertir en euros. Par exemple, la semaine dernière, nous avons contracté un emprunt de 4 milliards de dollars en affichant un taux d'intérêt de 4,5 %. Après une opération de swap, nous avons obtenu 3,7 milliards d'euros au taux de change en vigueur, avec un taux d'intérêt de 2,97 %. Nous le faisons tout de suite, ce qui nous permet de bénéficier du meilleur taux d'intérêt du moment. Cette opération s'avère tout à fait satisfaisante.
En ce qui concerne les relations avec l'AFT, elles ont débuté en 2017, lorsque j'ai été nommé pour la première fois président du conseil d'administration de la CADES. Il n'y a pas de directeur à la CADES, dont j'assure la présidence exécutive. Ma nomination s'est faite dans un contexte où la fin de la CADES était prévue à l'horizon de 2024. Plus nous avancions, plus cette échéance se concrétisait. La rupture est venue en mars 2020, avec la crise que vous connaissez.
À l'époque, nous nous inquiétions de savoir comment la CADES allait finir sa vie sans risque opérationnel. La CADES est une petite équipe composée de sept spécialistes qui, tôt ou tard, seront appelés à quitter l'établissement pour engager d'autres développements de carrière. Il s'agissait donc de trouver une solution pour se prémunir contre le risque opérationnel, afin que la CADES puisse exercer ses fonctions jusqu'à son dernier jour dans les meilleures conditions possible.
La solution retenue a été de se rapprocher opérationnellement de l'AFT. Ce rapprochement a été mis en œuvre à partir de l'automne 2017 et n'a pas été remis en cause lors de la relance de la CADES à l'été 2020. Notre priorité était de réussir notre retour en force sur le marché international des capitaux à partir de septembre 2020.
Les quatre personnes composant mon équipe au front-office et au back-office ont été mises à la disposition de l'AFT, et c'est sous la supervision du directeur général et de la directrice générale adjointe de l'AFT qu'ont lieu les opérations d'émission. La CADES reste bien distincte, avec une signature propre, et elle émet en son nom. L'AFT fournit un service de haute qualité pour nous permettre de n'avoir aucun risque opérationnel en tant qu'établissement.
La CADES est actuellement notée par cinq agences de notation : Moody's, Fitch, Standard & Poor's et deux agences plus petites, DBRS et Scope – le marché avec cette dernière a été conclu il y a quinze jours.
Les notations de la CADES par Moody's, Standard & Poor's et Fitch sont strictement identiques aux notations de l'État. C'est une cotation globale. La différence est que nous payons les agences pour obtenir ces notations, alors que l'AFT ne les paie pas, ce service étant gratuit pour les États. En tant qu'opérateur sur les marchés, la CADES ne commente pas les notations des agences.
Concernant les hypothèses de recettes, elles sont arbitrées, pour l'ensemble de la sécurité sociale, dans le cadre de la LFSS et sont établies l'été précédant l'examen de cette loi. Pour 2024, 19,3 milliards d'euros de recettes sont attendues. Il s'agit d'une hypothèse relativement prudente. Il est possible que nous fassions mieux que ce montant en fonction de la conjoncture. Pour l'instant, les recettes des cinq premiers mois de 2024 ne montrent aucun signe indiquant que nous serions en deçà de cette prévision initiale.
Concernant la certification des comptes de la CADES, un volet important concerne les recettes de la CSG et de la CRDS. Le versement annuel du FRR est normé, sans sujet de controverse. Nous ne recouvrons pas nous-mêmes nos recettes, car c'est essentiellement l'ACOSS et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) qui le font.
Notre certificateur s'appuie sur la certification de la Cour des comptes, qui est décalée dans le temps par rapport à nos exigences. Nous devons impérativement arrêter nos comptes avant le 31 mars de chaque année. Cet impératif absolu nous permet de mettre rapidement à jour notre documentation, supervisée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). En tant qu'opérateur du marché, nous devons déposer un dossier et des informations de première main sur notre activité à une date donnée, à la suite du conseil d'administration, c'est-à-dire au plus tard à la fin du mois de mars.
Or la Cour des comptes ne certifie les comptes de la branche de recouvrement du régime général qu'à la fin du mois de mai. Elle l'a fait la semaine dernière. Ce hiatus a pour conséquence que notre certificateur utilise des formulations ou des appréciations de la Cour qui sont déjà dépassées. Ce n'est pas satisfaisant, mais nous n'avons pas trouvé de solution pour réduire cet écart de deux mois entre notre exigence du 31 mars et celle de la Cour des comptes à fin mai. Cela peut sembler curieux, mais c'est ainsi.
Concernant les répercussions de la guerre en Ukraine, je ne vois pas bien de quoi il s'agit.