La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.
Chers collègues, nous ouvrons aujourd'hui notre cycle d'auditions consacrées au volet financier de la convention de concession.
Une délégation de notre commission d'enquête s'est déplacée hier, 13 mai, dans le Tarn. Grâce à Atosca, nous avons ainsi pu constater l'état d'avancement des travaux, en nous rendant directement sur le chantier. Nous avons également pu nous rendre sur le lieu de la future implantation d'une centrale d'enrobage, afin d'échanger avec des collectifs. Je souhaite donc vous remercier, M. Thierry Bodard, d'avoir permis cet échange.
Vous êtes le président de NGE Concessions, et également l'ancien président d'Opale Invest.
L'annexe 16 de la convention de concession est relative à la composition et à la stabilité de la société concessionnaire Atosca. Elle prévoit, à la date de sa signature, que le capital d'Atosca était apporté par six sociétés : NGE Concessions, Opale Invest, Ascendi SGPS, Ascendi Invest, QEIF II Development holding SARL et TIIC 2 SCA SICAR. Toutes ces sociétés seront donc auditionnées.
M. Bodard, vous présidez NGE Concessions, qui est actionnaire à hauteur de 25 % d'Atosca, et vous avez présidé Opale Invest, actionnaire à hauteur d'une part d'Atosca, mais dont le montant au capital et la composition de l'actionnariat ont évolué depuis la signature de la convention de concession. Nous auditionnerons Opale Invest, devenue Tarn Sud Développement, le 16 mai prochain.
Notre audition de ce jour a essentiellement pour objet de comprendre comment s'est constitué l'actionnariat d'Atosca, mais aussi, et plus généralement, de mieux comprendre l'équilibre financier qui résulte du contrat de concession.
Je vous rappelle que cette audition est publique et qu'elle est retransmise sur le portail de l'Assemblée nationale.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Thierry Bodard prête serment)
Je remercie également Monsieur Bodard d'avoir accepté de s'exprimer devant notre commission d'enquête. Nous ouvrons avec vous le cycle d'auditions consacrées au volet financier.
Le volet financier de la convention de concession est principalement centré sur l'actionnariat d'Atosca et sur l'équilibre financier de la convention, à savoir d'un côté les recettes de péage de la convention, les recettes commerciales, comme la production d'électricité via une société ad hoc constituée d'Atosca, du groupe Pierre Fabre et de Gaïa Energy, ainsi que les recettes diverses ; de l'autre, une redevance versée à l'État.
Nous examinerons également les concours publics apportés par l'État, la région Occitanie, les départements de la Haute-Garonne et du Tarn, la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet et la communauté de communes de Sor et Agout.
NGE, que vous représentez aujourd'hui, est actionnaire à hauteur de 25 % d'Atosca, qui est la société constituée en vue de construire, puis d'exploiter l'autoroute A69, pendant la durée de la concession, soit jusqu'en 2077.
Plusieurs questions se posent sur l'actionnariat d'Atosca, à commencer par les modalités de sa constitution. Les autres actionnaires, que nous auditionnerons dans les prochains jours, sont visiblement des sociétés habituées à investir dans les infrastructures routières et autoroutières. Vous nous indiquerez quand et comment vous avez constitué, avec elles, cet actionnariat.
La principale question qui se pose porte sur la raison qui vous a conduit à investir sur un barreau d'autoroute entre Verfeil et Castres, de 53 kilomètres, dont 10 kilomètres qui sont déjà en deux fois deux voies, qui constitue une liaison locale et dont le trafic ne s'annonce pas particulièrement important. En conséquence, la rentabilité du projet, pour une société comme la vôtre, est aléatoire, et ne peut être assurée que si les péages se situent aux taux plafond. À ce titre, nous avons demandé par courrier à l'État de nous communiquer ces taux plafond.
La question est également de savoir si d'autres activités viennent abonder les recettes commerciales de l'opération. Ceci explique l'intérêt que je porte à la production d'électricité, qui serait liée à l'A69, et qui est mentionnée en pages 6 et 21 de l'annexe 12 de la convention, marquant l'ambition de produire jusqu'à 40 mégawatts.
Je rappelle que le plus grand parc flottant solaire du monde, situé dans la province d'Anhui, en Chine, inauguré en 2018, assure une production équivalente. Néanmoins, cela représente l'installation de 160 000 panneaux solaires, sur une surface équivalente à 110 terrains de football. Des précisions seront demandées à ce sujet.
Des recherches semblent avoir été réalisées au moment de la signature du contrat, avec le repérage de plus d'une dizaine de sites, dont des délaissés d'autoroutes. Or, l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 précise que pour accorder l'autorisation environnementale, ces délaissés d'autoroutes doivent revenir à la nature. Ces délaissés ne peuvent donc pas servir également de support à la production d'électricité photovoltaïque.
Ce sujet sera également abordé par cette commission le 29 mai prochain, lors de l'audition du groupe Pierre Fabre.
Les autres questions que nous souhaitons éclairer lors de la présente audition sont plus classiques et portent sur la rentabilité financière qu'Atosca et ses actionnaires attendent de cette opération. D'après le contrat, la rentabilité attendue semble relativement élevée. La question des amortissements devra également être éclaircie.
Nous vous avons aussi demandé d'être présent ce jour en tant qu'ancien président d'Opale Invest, devenue Tarn Sud Développement. Opale Invest est signataire au contrat.
Située à Saint-Etienne-du-Grès, dans le Tarn, cette société par actions simplifiée, fondée le 6 décembre 2019, indique se consacrer à la gestion de fonds, mais apparaît surtout comme un véhicule permettant à des entreprises du Tarn de faire partie, sur une base minoritaire, de l'actionnariat d'Atosca, et de retirer ainsi un rendement financier du capital placé.
Le capital d'Opale Invest s'est accru de manière spectaculaire, passant de 10 000 euros à 8,665 millions d'euros. Cette évolution laisse penser qu'au lieu d'être un outil d'aménagement du territoire, comme le présente l'État, l'A69 pourrait ainsi constituer une source de revenus pour plusieurs acteurs économiques. Or, cet élément n'a pas été clairement mentionné lors de la signature de la convention de concession.
Cette situation ne serait pas choquante, si elle avait été annoncée dès le lancement des études sur l'A69. Plusieurs entreprises se sont montrées particulièrement discrètes quant à leur participation à l'actionnariat, comme si elles étaient intéressées, mais également gênées de retirer un profit de cette autoroute. En outre, certains acteurs ont affirmé que le groupe Pierre Fabre n'avait aucun intérêt financier dans cette opération, mais était simplement un lobbyiste reconnu et affirmé dans l'autoroute.
Un questionnaire vous a été adressé. Vous avez indiqué que certaines questions relevaient, selon vous, du secret des affaires, eu égard à des marchés auxquels NGE Concessions est actuellement candidate.
Des réponses écrites pourront être effectuées si nécessaire, en application des prérogatives des rapporteurs des commissions d'enquête, notamment prévues par l'alinéa 2 du paragraphe II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958.
M. Bodard, je précise que vous ne vous êtes pas opposé à ce que cette audition soit publique, comme d'ailleurs l'ensemble des autres actionnaires.
Par ailleurs, je pense qu'il est important, dans le cadre de votre audition, de lever les suspicions et les fantasmes qui pourraient exister autour de cette convention de concession. Les parties grisées sont, par exemple, traditionnelles dans ce type de convention, car le secret des affaires existe et doit être protégé.
La question de l'évolution de la subvention d'équilibre et de son montant devra également être éclaircie, dans le cadre de l'appel d'offres définitif.
À la suite des auditions de M. Balderelli, de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) et de l'Autorité de régulation des transports (ART), les prévisions en matière de trafic et du coût des travaux peuvent paraître quelque peu optimistes. La DGITM et l'ART estiment qu'un risque important pèse sur le concessionnaire.
Estimez-vous, à ce stade, et compte tenu des études de l'ART et la DGITM, que le contrat de concession a été construit en défaveur du concessionnaire ? In fine, nous savons que le prix du péage, pour les usagers, ne sera pas modifié, quels que soient le coût des travaux et le niveau de trafic.
Je vous remercie de me recevoir et j'espère que mon audition pourra contribuer à la clarté que vous appelez de vos vœux, avec votre commission, sur le montage juridique et financier de la concession de l'A69.
Mon propos liminaire a pour objectif d'apporter des précisions sur le contexte de cette opération, en complément des auditions du concédant, de l'Autorité de régulation des transports, des préfets d'Occitanie et du Tarn et du directeur général d'Atosca.
La question du secret des affaires nous préoccupe légitimement, en tant qu'entrepreneurs. Nous savons que le secret des affaires n'est pas opposable à votre commission d'enquête et que cette audition ne se déroule pas à huis clos. Ce choix semble tout à fait raisonnable, compte tenu du besoin de transparence exprimé sur ce dossier. Néanmoins, je me permettrai, comme vous me l'avez proposé, de vous adresser certaines réponses par écrit, notamment sur certains sujets protégés par la loi.
NGE est un groupe de sociétés qui peut se féliciter d'avoir livré, au cours du trimestre en cours, quatre ouvrages d'importance majeure : la liaison Est-Ouest Liaison Express (Eole), entre Saint-Lazare et La Défense, le prolongement de la ligne 14 jusqu'à Orly, le bassin de rétention des eaux d'Austerlitz pour le programme « Seine propre », et 300 kilomètres de lignes ferroviaires dans le cadre d'une concession en Uruguay. Nous sommes fiers de ces ouvrages, qui changent le monde et qui s'inscrivent dans notre raison d'être.
NGE ne réalise pas uniquement des autoroutes. Son chiffre d'affaires était de 3,3 milliards d'euros en 2023, dont 85 % réalisé en France et 10 % - environ 350 millions d'euros - dans la région Occitanie, avec environ 1 500 emplois.
Son actionnariat comporte deux particularités remarquables. Au 1er janvier 2024, 10 000 des 16 000 salariés du groupe en étaient actionnaires, soit près des deux tiers. En outre, plus de 70 % du capital est détenu par des personnes qui travaillent dans le groupe. Ce point est suffisamment exceptionnel pour être souligné.
NGE fait donc également des autoroutes en concession. Jusqu'à la fin du siècle dernier, à une époque où 300 kilomètres d'autoroutes étaient réalisés tous les ans, les concessionnaires étaient principalement publics. Toutes les entreprises travaillaient à la réalisation des autoroutes, et aucune ne se préoccupait de leur financement.
Au tournant du siècle, deux évènements importants ont eu lieu.
Le premier correspond à l'accord passé entre la France et l'Union européenne, connu sous le nom « Ponce-Monti », en 1996-1997, qui a mis fin, pour un temps, à la pratique de l'adossement. Pour réaliser une autoroute en concession, il n'est donc plus permis, en règle générale, de la confier en gré à gré à un concessionnaire existant, qui gère déjà un réseau important. Il est nécessaire, depuis cette date, de lancer un appel d'offres permettant de sélectionner un concessionnaire. Le candidat concessionnaire doit démontrer sa capacité à effectuer les travaux, mais aussi à les financer. La procédure de mise en concurrence assure à l'État d'avoir la meilleure offre.
Le deuxième événement important, en 2005, correspond à la privatisation des sociétés publiques d'autoroutes, soit la privatisation de 80 à 90 % du réseau. Certains de nos concurrents, de taille dix à vingt fois supérieure à NGE, ont pris une place importante dans le cadre de cette privatisation.
Du jour au lendemain, ces concurrents sont devenus nos clients. Pour réaliser des travaux sur le réseau autoroutier, nous ne nous adressons plus à un client public, mais à nos concurrents, sauf dans le cas d'extension du réseau autoroutier.
Le rythme de réalisation a désormais changé. Nous ne réalisons plus 300 kilomètres d'autoroutes par an, mais seulement 50 kilomètres tous les trois ans. Pour continuer notre métier d'entrepreneur, nous devions donc nous adapter ou nous vendre à un concurrent, de taille plus importante ou à un groupe étranger. Nous avons fait le choix de nous adapter, d'autant plus que nous ne nous adonnions pas à des activités ferroviaires à cette époque.
S'adapter signifiait entrer par la petite porte sur le marché des concessions, et trouver notre place, comme acteur de taille modeste, dans les appels d'offres lancés par l'État. NGE a ainsi participé à tous les appels d'offres de concessions autoroutières depuis 2007. Huit appels d'offres ont eu lieu, dont deux projets abandonnés. Sur les six autres, nous en avons gagné certains, en trouvant des fonds pour les financer. Ces projets nécessitent des moyens importants, supérieurs à ceux dont nous disposons. Nous recourons ainsi à des fonds d'infrastructure, en nous alliant à d'autres constructeurs ou à des exploitants.
Cette entrée dans les concessions autoroutières, nous l'avons initiée en gagnant et en réalisant l'A88 en Normandie. L'État avait tenté d'adosser ce projet à un réseau existant, avant qu'un avis du Conseil d'État l'amène à revoir sa position et à organiser une mise en concurrence.
Cette première expérience, nous l'avons poursuivie sur d'autres autoroutes, jusqu'à l'A69. Nous nous sommes également intéressés à d'autres sujets, comme les concessions de fibres optiques. Nous avons ainsi déployé deux millions de prises, au titre du plan France Très Haut Débit, pour de grandes régions françaises. La société s'est également intéressée à des projets à l'international, avec par exemple une concession en Uruguay.
Les interrogations suscitées par le projet de l'A69 nous placent en première ligne. Néanmoins, nous savons que ces questionnements s'inscrivent aussi dans un contexte d'interrogation plus large sur les projets d'infrastructure, à l'heure de la transition énergétique, et sur l'évolution des concessions autoroutières. Ce contexte est malheureusement le terreau de certains amalgames.
Nous sommes, pour l'A69, titulaire d'un contrat de concession qui est directement le produit de cette histoire et de ces vingt années d'appels à concurrence successifs, ayant affiné les lois tarifaires, encadré la rentabilité et renforcé les exigences environnementales.
Dans ce contexte, la vision portée par NGE est fondamentalement celle d'un acteur du champ concurrentiel.
Le représentant du concédant, M. Fabien Balderelli, a expliqué devant cette commission d'enquête, il y a quelques jours, que le mécanisme concurrentiel a été bénéfique aux collectivités publiques, puisque pour un tarif équivalent, celui présenté à l'enquête publique, la subvention d'équilibre est considérablement plus faible, pour un niveau qualitatif également amélioré.
Au moment où nous devions répondre à la concession de l'A69, un de nos concurrents détenait le monopole des concessions d'autoroutes en Occitanie, jusqu'à Verfeil. Un autre concurrent, dans la même région, était concessionnaire d'un ouvrage d'art majeur. Pour nous positionner dans un tel champ concurrentiel, nous avions trois priorités.
La priorité, en tant que constructeur, est d'anticiper. À l'issue du débat public en 2010, la livraison de l'autoroute Toulouse-Castres était évoquée pour 2015-2016. Il était clair que l'aménagement de la RN126, par petits tronçons, était abandonné, et que nous devions nous préparer à un projet d'envergure. L'échelle de projet n'était donc plus la même, et nous avons dû nouer des accords, afin de trouver l'ensemble des compétences dont nous avions besoin.
Lors de la déclaration d'utilité publique (DUP) en 2016, le projet de l'État a fait apparaître certaines caractéristiques inquiétantes, avec notamment un fort besoin en matériaux (deux millions de mètres cubes). Ce sujet devait donc être anticipé. Nous avons ainsi conclu des accords avec des propriétaires fonciers, qui concernaient des droits exclusifs de fortage.
Enfin, nous avons aussi anticipé l'acquisition des données requises pour les études environnementales, qui nécessitent au minimum une année d'observation.
La deuxième priorité, en tant que concessionnaire, consistait à choisir les bons partenaires, afin de constituer un groupement solide et compétitif. Un partenaire industriel était notamment nécessaire, afin de relever le défi du péage en flux libre. Nous nous sommes tournés vers Ascendi, car ce leader européen détient dix années d'expérience sur cette technologie au Portugal, sur un réseau de 630 kilomètres d'autoroute. Nous avons appris à connaître cet acteur, lors de l'appel d'offres de l'A79, auquel nous avons participé en 2017-2018, mais que nous avons malheureusement perdu.
Des partenaires financiers sont également nécessaires, spécialisés dans l'investissement d'infrastructures en Europe. Nos deux partenaires dans ce domaine, qui seront également auditionnés prochainement dans le cadre de cette commission d'enquête, sont Quaero et TIIC. Ces deux fonds sont fiscalisés en Europe.
En outre, la quasi-totalité des fonds a été collectée auprès d'investisseurs européens, tels que la Banque européenne d'investissement (BEI), avec une grande partie d'investisseurs institutionnels français, dont le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
La troisième priorité consistait à affirmer la composante locale de notre groupement et de notre offre. L'A69, qui ne se situe pas sur l'itinéraire Hambourg-Lisbonne, est un projet local, de desserte de Castres. Or, les projets d'infrastructures locaux doivent, de préférence, être réalisés en symbiose avec le territoire. Cette conviction nous a conduit à nous rapprocher du tissu économique local, afin d'assurer l'ancrage économique, social et environnemental de notre offre.
Nous nous sommes ainsi rapprochés des entreprises locales de travaux publics et des banques locales, ainsi que des missions d'insertion et de certains industriels. Nous aborderons à nouveau probablement ce sujet, à propos de Tarn Sud Développement.
En respectant ces trois priorités, nous pouvions ainsi espérer élaborer un projet exemplaire, répondant aux critères de l'État et des collectivités locales.
La subvention d'équilibre est effectivement basse. De leur côté, les tarifs sont au niveau de ceux annoncés à la DUP. Les sujets liés à l'excellence environnementale et aux services aux usagers, notamment dans le cadre d'un péage en flux libre, sont également majeurs.
NGE Concessions A69 et NGE Concessions sont-elles deux entités juridiques différentes ?
Par ailleurs, vous avez été un acteur majeur lors de la fin de la pratique de l'adossement. Vous aviez notamment engagé un recours gracieux en 2015, contre le ministère de l'Économie et des Finances de l'époque. Des précisions pourraient être apportées à ce sujet.
Les grands travaux de demain ne concerneront plus les infrastructures autoroutières. L'adaptation que vous évoquez semble davantage liée à la concession permettant un équipement en fibre optique et éventuellement une réorientation sur la production d'énergie photovoltaïque. Or, ce sujet n'a pas été évoqué dans vos propos introductifs.
Le ministère des transports n'a pas encore répondu à toutes les questions que nous nous posons au sujet de l'actionnariat, et notamment de la prise de participation d'Opale Invest, et donc de Tarn Sud Développement, à hauteur de 5,6 %.
De son côté, l'apport en nature de 75 millions d'euros n'a pas été valorisé. Le financement des collectivités est ainsi plus faible, par effacement d'un apport en nature, et par la prise de participation potentielle d'Opale Invest, via Tarn Sud Développement, a posteriori du contrat de concession. Des précisions pourront également être apportées à ce sujet.
Vous avez également évoqué la problématique des matériaux dans ce dossier. En région Occitanie, une enquête publique a été conduite, en plein mois d'août. L'enquête publique pour l'autoroute A69 a, de son côté, été conduite en décembre, pendant les vacances de Noël. Ces périodes ne semblent pas particulièrement favorables à la concertation et l'appropriation citoyenne.
Le schéma régional des carrières, élaboré par la préfecture d'Occitanie, évoque la production et la livraison de 2,6 millions de tonnes de matériaux pour le chantier de l'A69. Le préfet de région, qui a signé ce schéma, n'a pas su apporter de précisions sur ce point. Cette question impacte significativement le prélèvement de matériaux neufs, et non de récupération, pour ce chantier, ainsi que le problème du transport de ces matériaux entre l'Ariège et le Tarn.
Ce sujet n'apparaît ni dans vos propos ni dans l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023. Or, ce point apparaît dans le schéma régional des carrières précité.
Nous avons également des interrogations sur le fonctionnement du péage en flux libre, notamment quant à l'appropriation des conducteurs de ce dispositif. Le péage en flux libre ne semble pas particulièrement fluide, avec des citoyens qui se retrouvent pénalisés, sans réellement comprendre son fonctionnement. Vous souhaitez ainsi mettre en place une grande campagne de communication à ce sujet. Un dispositif de péage classique sera-t-il également proposé pour les utilisateurs ? En outre, des précisions pourraient être apportées concernant l'articulation envisagée avec Vinci, qui gère l'A680.
Enfin, je rappelle que Quaero est basée en Suisse. Or, vous indiquez que tous vos partenaires sont européens.
NGE Concessions est une filiale à 100 % du groupe NGE. NGE Concessions se porte candidate à des appels d'offres de concession autoroutière, de fibre optique, en France ou dans des pays étrangers. Lorsque les appels d'offres sont remportés, des participations, souvent minoritaires, sont prises dans des sociétés concessionnaires, avec un développement par la suite.
Le recours gracieux, réalisé à l'époque du plan de relance autoroutier, s'inscrivait dans un contexte d'inquiétudes, dans un marché qui se réorganisait. Au terme d'un grand nombre de discussions, la « loi Macron » a conféré à l'ART le rôle qu'elle détient actuellement. Le recours gracieux avait pour objectif de préserver la capacité d'acteurs de notre taille, relativement légère, dans le marché.
Nous avons eu besoin en 2007, au moment de la privatisation, de nous adapter à la situation. Le marché des autoroutes reste néanmoins un marché, même si le nombre d'autoroutes neuves est plus faible qu'auparavant. Le programme d'adaptation et de mise à niveau, dans le cadre de la transformation écologique, est considérable. La présence sur ce marché reste d'actualité pour nous. Il ne s'agit absolument pas d'un sujet du passé.
S'agissant de la production d'énergie, le cahier des charges de la concession nous autorise à développer des activités annexes sur le domaine public autoroutier, en particulier lorsqu'il s'agit d'énergies renouvelables.
Une distinction doit être opérée entre le domaine public autoroutier concédé (DPAC) et les délaissés. Le DPAC correspond à l'assiette de l'autoroute. Il s'agit de l'autoroute pour l'éternité. Cela permet de l'exploiter. Il est prévu que le concessionnaire en propose la délimitation au concédant, à la fin de la construction. Le concédant doit l'approuver. Des activités annexes peuvent ainsi être développées sur ce DPAC, qui reste partie du domaine public. Nous sommes invités à les développer, car aucun autre usage de ces emprises n'est envisageable.
Les délaissés ne font pas partie du DPAC et de l'emprise publique. Des délaissés subsistent lorsque le domaine public autoroutier concédé a été défini avec le concédant. Aux termes du contrat de concession, les délaissés sont des biens propres du concessionnaire et n'ont pas à être rendus à l'État.
En revanche, l'État demande, par une exigence du cahier des charges, d'entretenir ces délaissés. L'État autorise de les aliéner, dans le respect du droit des propriétaires antérieurs. Lorsqu'un propriétaire a été exproprié, son bien ne peut pas être revendu, sans lui proposer de le reprendre préalablement. Cette exigence n'existe pas dans le cadre d'une transaction amiable.
Sur l'annexe 12, nous avons envisagé, au moment de notre offre, de développer des fermes solaires pour une meilleure insertion environnementale du projet. Néanmoins, la priorité est de faire fonctionner l'autoroute et de la mettre en service. Le sujet des installations annexes n'est pas considéré comme prioritaire.
Pour l'heure, aucun projet n'est concrétisé sur le DPAC, car ce dernier est défini à la fin de la construction. Le projet de ferme solaire sur le DPAC se fera sous un régime d'autorisation d'occupation temporaire, avec l'autorisation du concédant.
Un hectare correspond à un mégawatt. Le projet solaire pourrait ainsi représenter entre 10 et 20 hectares sur le DPAC. Sur les délaissés, quelques hectares pourraient être concernés, probablement une dizaine. Les 20 hectares seront difficiles à atteindre.
Le projet solaire, que nous présenterons, fera l'objet d'une autorisation environnementale. Si cette autorisation devait impacter les mesures compensatoires prévues pour l'autoroute, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) nous demandera certainement de réviser le projet. Il n'y a donc pas de raison de s'inquiéter concernant un éventuel impact du projet scolaire sur les mesures compensatoires prévues pour l'autoroute.
Cette faculté de créer des installations annexes, qui est un élément du cahier des charges, fait partie de notre modèle économique. Les éventuelles recettes d'Atosca dans ce domaine intégreront son chiffre d'affaires et feront l'objet de l'ensemble des clauses de partage des fruits de la concession, de durée endogène et de modération des tarifs, clauses qui encadrent la rentabilité de la concession.
Atosca, en développant de l'énergie solaire sur le DPAC, peut être amenée à en tirer du chiffre d'affaires. Néanmoins, ce projet pourrait être abandonné, s'il ne présente pas de rentabilité.
L'annexe 12, en page 6, explique qu'Atosca entend également utiliser une partie de ses délaissés pour y installer des fermes de production électrique, au moyen de panneaux photovoltaïques. Atosca propose d'aller plus loin, en combinant les besoins d'énergie renouvelable et propre à l'optimisation des surfaces d'emprise, classées en délaissés, qui ne peuvent retourner à une activité agricole, car enclavées ou trop exiguës.
Atosca a d'ores et déjà engagé une étude prospective sur ce projet, au moment de la signature du contrat, en 2022. Une dizaine de sites, répondant aux premiers critères de délaissement et sans enjeux environnementaux, a été identifiée, avec l'objectif d'installer 40 mégawatts opérationnels, dès la mise en service de l'autoroute. Cette partie était d'ailleurs occultée dans le premier document qui nous a été remis. Or, cet élément ne semble pas relever du secret des affaires.
Le texte ajoute qu'une joint-venture sera créé spécifiquement entre un développeur de projets d'énergie expérimenté, à savoir Gaïa Energy, le groupe Pierre Fabre et Atosca.
Dans l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023, qui donne autorisation de dérogation environnementale, il est précisé, en page 57 et 68, que tout ce qui est relatif aux délaissés d'infrastructure (catégorisation MC41), doit être désimperméabilisé, afin de revenir à la nature. Cela fait partie des mesures compensatoires, qui ont permis aux préfets de donner l'autorisation de déroger à l'ensemble des règles environnementales. Je ne comprends pas pourquoi cette information a été occultée.
Par ailleurs, votre ambition est d'atteindre les 40 mégawatts sur une dizaine de sites, répondant aux premiers critères de délaissement. Le parcellaire, dont le concédant, à savoir l'État, a probablement pris connaissance, devra nous être communiqué.
En outre, la joint-venture laisse apparaître un groupe, qui ne devait avoir aucun intérêt financier dans ce contrat. Si ces éléments ne sont pas illégaux, pourquoi ne pas les avoir mentionnés au moment de la signature du contrat ?
Nous avons contacté le groupe Pierre Fabre, ainsi qu'un certain nombre d'industriels, en phase d'offre. Il s'agit de notre stratégie de priorité en matière de composante locale de notre offre. L'offre a été remise le 21 février 2021. Nous avons proposé au groupe Pierre Fabre, en phase d'offre, de participer à ces projets solaires, en tant qu'acheteur d'énergie. Lorsqu'un projet solaire est réalisé, l'énergie produite doit être vendue. Le groupe Pierre Fabre s'est montré intéressé par cette proposition pour ses usines de la région.
L'annexe du contrat de concession mentionne le groupe Pierre Fabre. Il s'agit néanmoins simplement d'une intention d'Atosca, actée par le concédant, et d'une proposition de notre part, à l'égard de Pierre Fabre.
Des études de faisabilité ont été réalisées à ce sujet, en amont de l'offre. Néanmoins, aucun projet solaire n'existe actuellement. Un projet, éventuellement élaboré à l'avenir, sera présenté à la DREAL et à l'enquête publique, pour l'autorisation environnementale.
Ce sujet n'a pas été intégré à l'autorisation environnementale de l'autoroute, n'étant précisément pas directement lié à l'autoroute. Ce projet ne sera pas réalisé à la mise en service. Néanmoins, nous sommes concessionnaires pour 55 ans. Nous pouvons nous permettre de perdre un ou deux ans, afin de le réaliser correctement, le moment venu, en prenant en compte l'ensemble des paramètres.
Pouvez-vous apporter des précisions sur le caractère possiblement défavorable du contrat de concession pour le concessionnaire, notamment sur l'évaluation du coût des travaux et du niveau de trafic ? Je rappelle que ces éléments ne sont pas de nature à modifier les prix du péage, in fine.
Cette question est probablement liée à celle sur le niveau de subvention. Atosca s'est engagée dans cette opération sur ses propres hypothèses, et non sur celles de l'État. Nous avons réalisé notre propre étude de trafic, et nous l'avons faite auditer pour le compte des banques locales.
Nous disposons d'un financement bancaire de 275 millions d'euros, avec 85 % de banques françaises, à raison de 55 % de banques du territoire. Ces banques ont audité nos études de trafic.
L'ART a jugé nos projections optimistes. Or, un entrepreneur a raison d'être optimiste et de prendre des risques. En revanche, ces projections et le coût des travaux ne sont pas trop optimistes, d'après le rapport de l'ART.
Pourquoi la subvention est-elle aussi basse ? Je l'aurais souhaitée plus élevée... Mais nous sommes dans un processus concurrentiel et le projet a singulièrement évolué, sur un certain nombre de sujets, par rapport à celui initialement imaginé par l'État, comme celui de la disparition des barrières de péage.
En outre, nous avons réalisé cet appel d'offres dans un contexte de taux d'intérêt radicalement différent de celui dans lequel l'État avait mené l'enquête publique en 2016. Or le poids du financement est considérable dans un appel d'offre concessif.
Les critères d'attribution de la concession ont également joué un rôle important : la subvention entrait pour 30 % dans le choix du concédant et les tarifs pour 17,5 %. Une subvention plus élevée engendre donc des tarifs à la baisse. Je rappelle que les règles ont été fixées par l'État et nous nous y sommes conformés. Le fait d'avoir été retenu est donc parfaitement explicable.
Je souhaite vous interroger sur l'encadrement des résultats financiers de la concession. Ce dispositif est-il suffisamment bien calibré pour permettre aux titulaires de la concession de générer des résultats lui permettant d'exercer sa mission, tout en l'empêchant d'en tirer des profits qui pourraient apparaître trop importants, au regard de ce qui se pratique en France, en matière de concession autoroutière ? Par ailleurs, Atosca sera-t-elle redevable de la taxe sur les infrastructures de transport longue distance ?
Pourriez-vous apporter des précisions sur le rendement attendu des capitaux investis par NGE Concessions et sur les risques que vous avez pris, en tant qu'investisseur ?
Par ailleurs, sur la durée de financement et l'amortissement de l'A69, le tableau de l'annexe 18 montre que le remboursement de la dette principale senior pourrait intervenir dès 2046, en l'absence de refinancement. Dans le cadre de cette concession de 55 ans, les profits réalisés après cette date pourraient donc revenir entièrement aux investisseurs. Pouvez-vous confirmer ce point ?
Enfin, vous avez travaillé à la direction des routes, en tant que sous-directeur des investissements routiers, de 1991 à 1994. Votre service était chargé de la définition et de la mise en œuvre de la politique d'investissement, tant sur le plan technique que financier, pour l'ensemble du réseau routier national, à l'exception des ouvrages concédés ou ayant vocation à l'être. À ce titre, vous aviez signé, en janvier 1994, l'autorisation d'achat de parcelles pour la déviation de Soual. Au moment de la signature de cette autorisation d'achat, saviez-vous que cette déviation pouvait être concédée pour une future liaison autoroutière, en l'occurrence entre Castre et Toulouse ?
Je suis Albigeois et nous disposons également d'une autoroute. Dans les années quatre-vingt-dix, une partie de cette autoroute a été mise en concession. Vous étiez-vous positionnés à l'époque sur ce projet ?
Sur la question sur l'encadrement de la rentabilité, le concédant semble avoir atteint le maximum de ses capacités, avec le concours de la réflexion de l'ART sur ce sujet. Vous avez la convention à l'esprit : nous disposons d'un mécanisme de partage des fruits de la concession. Nous disposons également d'un mécanisme de durée endogène, avec la réduction de la durée au-delà d'un certain niveau de chiffre d'affaires. Nous avons aussi un mécanisme de modération tarifaire. Après avoir remboursé, par ces premiers mécanismes, les concours publics et l'apport en nature des déviations, nous pouvons être amenés à baisser les tarifs.
Enfin, un mécanisme de partage des gains de refinancement existe également.
Les possibilités de sortie par le haut pour le concessionnaire ne sont pas particulièrement nombreuses. Ce contrat n'a pas été conclu en faveur du concessionnaire, de ce point de vue.
De son côté, la taxe sur les infrastructures de longue distance a été votée dans la loi de finances pour 2024, principalement dans l'optique d'encadrer la rentabilité des concessions historiques. Je crains, malheureusement, que notre concession n'atteigne jamais les niveaux de rentabilité de nos concurrents et ne soit donc jamais soumise à cette taxe.
Sur le rendement de la concession, je vous renvoie à l'avis de l'ART. Les niveaux de rentabilité ont été qualifiés par l'ART de conformes aux risques pris, au regard des trafics et des coûts.
En outre, la durée est un élément du contrat. Nous n'avons aucun levier sur cette durée. Nous construisons notre financement avec une dette. Le banquier a le souci d'être remboursé. Les actionnaires espèrent tout de même avoir des retours un peu avant une trentaine d'années. Il est ainsi probable que l'infrastructure soit refinancée, avec une dette plus longue, permettant de rémunérer progressivement les actionnaires. Le mécanisme de la concession prévoit cette rémunération des actionnaires.
Au sujet de ma carrière professionnelle, j'ai travaillé dix ans dans le secteur public et trente ans dans le secteur privé. Dans ce cadre, j'ai effectivement été amené à analyser les sujets d'aménagement du réseau routier national non concédé, pendant une certaine période de ma vie. Cette époque était particulièrement intense pour l'aménagement du réseau routier. Des contrats de plan étaient conclus dans les régions, pour des montants sans commune mesure avec ceux décidés actuellement, et le nombre de projets était particulièrement important.
Un projet existait à Soual. À cette époque, le schéma directeur routier national établissait les éléments concédés. Or, la RN126 n'en faisait pas partie à cette période. Je n'avais pas imaginé, à l'époque, que cet élément pourrait être en concession.
La RN88 permet de relier Albi. Cet axe Toulouse-Lyon intègre de nombreux sujets d'aménagement. La sortie de Toulouse en concession a été effectuée, de mon point de vue, par adossement au réseau Autoroutes du Sud de la France (ASF), lorsque ce dernier était encore un groupe public. La question de savoir si nous pouvions y répondre en concession ne se posait même pas, car toutes les étapes du grand changement, évoqué au début de ma présentation, ne s'étaient pas encore produites.
Je vérifierai ce point et j'y répondrai par écrit ultérieurement.
Dans le contrat de concession, également signé par le concédant, vous avez pris des engagements, avec une ambition environnementale concrète. Ces éléments ont nécessairement participé à l'acquiescement du concédant, ou faisaient, en tout cas, partie du jeu de la négociation entre le concessionnaire et le concédant.
Or, vous expliquez aujourd'hui qu'il s'agit simplement d'une intention, mais que le projet n'existera pas lors de la mise en service. Vous ne respectez donc pas les clauses du contrat signé avec le concédant.
Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à la question concernant les délaissés. D'un côté, ces délaissés ont vocation à servir à la production d'énergie. Or, d'un autre côté, conformément à l'arrêté interdépartemental, ces délaissés ont vocation à revenir à la nature. Ces deux objectifs ne sont pas compatibles.
Quant au chiffre d'affaires, le montant de 4,1 milliards d'euros ne sera jamais atteint, au regard de la décomposition des recettes. La clause de retour, par rapport aux tarifs, semble donc particulièrement difficile à atteindre.
De son côté, la société Gaïa Energy existe, avec des personnes qui participent ou ont participé à NGE. Une nébuleuse semble ainsi exister autour de ce dispositif qui fait partie du contrat. Pour quelle raison ces éléments, qui participent probablement pleinement à l'équilibre financier de ce contrat, ont-ils été occultés ?
De plus, vous affirmez que les recettes produites par les fermes solaires, avec une intention de 40 mégawatts, s'agrégeront au chiffre d'affaires global, et pourraient entraîner des conséquences sur les tarifs et les clauses de retour. Des explications devront être apportées sur ces sujets, éventuellement par écrit si nécessaire.
Notre intention était de créer une joint-venture avec Atosca, Gaïa Energy et Pierre Fabre. Cela ne peut être qu'une intention à ce stade, puisque deux parties ne sont pas présentes au contrat. Gaïa Energy et Pierre Fabre ne sont pas signataires de la convention de concession. Il ne peut donc s'agir que d'une intention d'Atosca.
Gaïa Energy est notre développeur depuis le début. Néanmoins, je ne connais pas le capital de cette société. De son côté, l'intention de Pierre Fabre n'a pas été confirmée.
Par ailleurs, le développement d'énergie solaire sur les installations annexes ne constitue pas une obligation de service public, contrairement au fait de faire fonctionner une autoroute en 2025. Nous n'aurons pas réalisé ce projet, au moment de la mise en service de l'autoroute, et le concédant en est conscient.
Néanmoins, ce projet est souhaitable et nous ne l'avons pas abandonné. L'intention sera concrétisée avec Gaïa Energy, et elle se réalisera lorsque le DPAC sera délimité, avec la mise en place d'une autorisation environnementale. Cette installation, qui sera sur le DPAC, ne sera pas située sur les délaissés.
De plus, les autres projets pour les délaissés, qui pourraient apparaître ultérieurement, ne feront pas non plus partie d'une obligation de service public, car les délaissés sont les biens propres du concessionnaire.
Je ne constate pas de contradiction à ce jour avec l'arrêté interdépartemental, car aucun projet solaire n'existe actuellement sur les délaissés. Cet arrêté est donc parfaitement respecté. Une autorisation environnementale spécifique sera réalisée, si un projet solaire intervient. En outre, la DREAL signalera certainement toute contradiction apparente avec les engagements pris sur l'autoroute.
Pouvez-vous confirmer que ces éléments ont été grisés dans le contrat, car il ne s'agissait que d'une intention de Gaïa Energy et de la société Pierre Fabre, et qu'à ce titre, ces points relevaient du secret des affaires ?
Lors de la signature d'un contrat, des tiers, ne faisant pas directement partie du contrat, peuvent être mentionnés. Le secret des affaires impose de ne pas les faire apparaître dans le document.
Par ailleurs, nous pensons que la barre de 4,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires pourrait être atteinte, si l'inflation est importante. En 55 ans, l'inflation pourrait progresser fortement et permettre le déclenchement de cette clause. Avec l'inflation, le chiffre d'affaires augmente, dans le sillage de la progression des tarifs. Cette clause a pour objet de limiter la portée économique de la concession, en y mettant un terme de manière prématurée. La réalisation de cette clause n'est pas totalement improbable.
Nous interrogerons le ministère chargé des transports sur ce sujet, qui participe des conditions financières. Les recettes relatives à la production de ces fermes solaires s'agrégeront aux recettes globales et commerciales, et pourraient permettre la baisse des tarifs autoroutiers qui pèsent sur l'usager.
Cet équilibre financier ne peut donc pas reposer sur une simple intention. Cet élément devait intervenir dès la mise en service de l'autoroute. Cette commission d'enquête, dans le cadre de son exercice de contrôle de l'évaluation des politiques publiques, demandera des explications au gouvernement à ce sujet et sur le non-respect de certaines conditions du contrat.
Par ailleurs, l'autorisation environnementale est accordée en échange de mesures compensatoires qui doivent se dérouler pendant 55 ans. Les délaissés font partie des mesures compensatoires, permettant de déroger au droit environnemental. Je ne partage donc pas du tout votre analyse sur ce sujet.
Enfin, vous indiquez que les délaissés seront traités par AOT, équipés avec des panneaux photovoltaïques. La redevance payée par l'AOT est différente, en fonction de la présence ou non d'équipements.
Votre approche manque de clarté sur l'intention du concessionnaire, le respect du contrat et le respect de l'autorisation environnementale.
La commission d'enquête souhaite prendre connaissance de la dizaine de sites répondant à des délaissements sans enjeu environnemental. Cet élément n'a été décidé qu'a posteriori de l'autorisation environnementale, donnée le 1er mars 2023. Je précise que ce n'est pas votre rôle de décréter l'absence d'enjeu environnemental.
Je préciserai mes réponses par écrit, si vous le souhaitez.
Pouvez-vous également apporter des précisions concernant l'annexe 18 du cahier des charges de la convention de concession, notamment sur la rémunération des capitaux à 6 % par an, à compter de la date du commencement de l'exploitation ?
Comment ce taux de 6 % a-t-il été défini et pourrait-il être réévalué ?
Cette annexe prévoit, en effet, une rémunération de 4,1 millions d'euros, qui pourra être versée au titre de la dette subordonnée d'actionnaires à la date du commencement de l'exploitation. Les raisons qui ont conduit à insérer cette clause dans le cahier des charges pourraient être expliquées.
Des précisions pourraient également être apportées sur la politique de distribution définie par les actionnaires et le rendement entendu des capitaux, ainsi que sur les raisons qui ont conduit NGE et Ascendi à créer une société distincte, à savoir Atosca Exploitation, afin de gérer l'exploitation.
Pourquoi les autres actionnaires d'Atosca n'ont-ils pas souscrit au capital d'Atosca Exploitation ?
Le groupement s'est constitué en juillet 2019, peu de temps après la déclaration d'utilité publique, avec six sociétés. La création d'Atosca s'inscrit dans le cadre du cahier des charges. La réponse à un appel d'offres de concession s'effectue en effet en groupement, lorsque plusieurs entreprises sont présentes. Le cahier des charges stipule, pour signer la concession, que ce groupement doit être constitué en société.
Atosca a été constituée pour signer le contrat, au moment où nous avons signé le contrat de concession, en avril 2022. La création de cette société est donc une conséquence du règlement de consultation de l'État.
NGE, à la constitution de la société, détenait 25 % du capital, contre 15 % pour Ascendi, 30 % pour Quaero et 30 % pour TIIC. Nous disposons donc d'un groupement avec 40 % d'intérêts industriels et 60 % d'intérêts financiers.
Le montant de la participation de NGE Concessions vous sera précisé par écrit.
Le capital d'Atosca a été déterminé dans le cadre de l'offre financière du groupement. Le montant à financer comprend une dette - ce que les banquiers étaient disposés à nous prêter, sur la base de notre modèle économique- d'un peu moins de 300 millions d'euros.
Nous avons déterminé les fonds propres que nous étions capables d'apporter, en fonction de la rémunération que nous en attendions. Le reste du montant correspondait à la subvention.
Le montant de 75 millions d'euros correspond aux 10 kilomètres de la déviation de Soual et de Puylaurens. Nous n'avons pas participé à l'élaboration de ce montant, qui a été fourni par l'État, et qui revient au concédant à la fin. Aucun euro de cette somme ne s'oriente vers le concessionnaire, contrairement à la subvention de 23 millions d'euros de l'État et des collectivités territoriales.
L'ART, qui est, en quelque sorte, le censeur des péages, ne s'est pas opposée à l'apport de cette déviation. Nous réalisons pour le reste des investissements sur des actifs, qui justifient les péages. Nous remettons ainsi en état des morceaux de routes, qui n'ont pas été entretenues depuis leur construction. La chaussée, qui sera améliorée d'un point de vue environnemental, sera exploitée par le concessionnaire pendant 55 ans, à la place de l'État. Ces éléments sont à la charge du concessionnaire, ce qui justifie la mise en place d'un péage. Des investissements sont réalisés sur ces concessions.
Par ailleurs, nous avons mis 80 % de dettes subordonnées d'actionnariat, afin de minimiser la subvention publique. Le capital social, actuellement de 10 000 euros, passera à 30 millions d'euros à la mise en service de l'A69. La dette subordonnée d'actionnariat, qui représente quatre fois le capital social, correspond à des fonds des actionnaires.
Les actionnaires investissent donc à hauteur de plus d'un tiers (35 %) du coût du projet, ce qui est particulièrement important. Cette dette subordonnée s'accompagne d'une rémunération progressive des actionnaires, ce qui allège le poids de ces derniers sur la concession. En effet, si les actionnaires n'étaient rémunérés qu'à la fin de la période de la concession, ils demanderaient une rémunération très forte, en contrepartie de leur attente. Avec une rémunération progressive, au fil du temps, la subvention demandée est donc plus faible.
La modification du pacte d'actionnariat a donc permis de diminuer la subvention des collectivités publiques.
Il ne s'agit pas d'un pacte, mais de contrats de financement signés avant la signature de la convention de concession, en avril 2022.
Les banques ont consenti un taux d'environ 4,6 % ou 4,7 %. La dette des actionnaires est subordonnée à la dette bancaire. Son remboursement est ainsi réalisé après celui de la dette bancaire. Un investisseur subordonné demande à être un peu mieux rémunéré, avec un taux supérieur d'environ 1 %.
Dans le cadre de la constitution d'un groupement, le principe, pour rendre ces offres efficaces, est d'allouer les responsabilités et les risques à ceux qui savent les assumer.
En l'occurrence, lors de la constitution d'un groupement concessionnaire, la construction est allouée à l'entité qui sait construire (NGE dans ce cas), tandis que l'exploitation est allouée à l'entité qui sait exploiter. Ascendi est un exploitant d'autoroutes au Portugal, qui exploite un réseau de quasiment 800 kilomètres. Il était donc logique d'allouer le risque de l'exploitation à ceux qui savent le prendre, à savoir Ascendi et NGE.
En revanche, les investisseurs financiers apportent simplement des fonds, afin d'en retirer une rentabilité. Ces investisseurs ne sont pas des exploitants et refusent donc d'endosser le risque de l'exploitation. L'exploitation a été séparée de la concession. L'exploitant est engagé pour 55 ans.
La société Opale Invest apparaît dans le contrat. Son capital s'élève à 10 000 euros. Or, Opale Invest se transforme, postérieurement à la signature de la convention, en prenant le nom de Tarn Sud Développement. Elle apparaît soudainement, avec treize actionnaires. Nous connaissons l'identité de onze d'entre eux, grâce au journal La Dépêche et aux révélations du directeur général du groupe Pierre Fabre.
La commission souhaiterait prendre connaissance de la liste complète de ces acteurs.
Qui est à l'origine de la création de cette société et quel est son objet ? Pour quelle raison Opale Invest apparaît-elle dans le bilan de fin d'année 2022 de TIIC, avec l'ensemble des actionnaires cachés ?
Pour quelle raison le capital est-il passé de 10 000 euros à 8,65 millions d'euros ? Pourquoi Tarn Sud Développement n'est-elle pas simplement signataire du contrat ? Pourquoi être passé par le véhicule de sociétés Opale Invest, au lieu de faire apparaître Tarn Sud développement immédiatement ?
À l'origine, Opale Invest était une filiale à 100 % de NGE Concessions et j'en étais le président. Cette société était destinée à accueillir des investisseurs financiers. Elle faisait partie du groupement candidat, agréé par l'État.
Nous intégrons ce genre de société dans les groupements pour une raison simple. Lorsque l'État lance ses appels d'offres, l'appel de candidatures, l'appel d'offres et l'offre peuvent s'enchaîner rapidement.
Néanmoins, l'État peut parfois attendre de nombreuses années, car certaines conditions ne sont pas réunies. Durant cette période, des partenaires peuvent changer d'avis, le projet peut évoluer et la subvention peut être modifiée, avec la nécessité d'engager une part importante de fonds propres. Des acteurs comme nous ont besoin d'une certaine souplesse de la part des investisseurs financiers qui nous rejoignent.
Pour l'A69, nous avons réalisé une candidature au printemps 2020, avec une offre en février 2020. La procédure a été relativement rapide. Néanmoins, les fonds propres nécessaires étaient nettement plus élevés que nous l'imaginions. Or, le tour de table auquel nous avions pensé fonctionnait bien, avec NGE, Ascendi, TIIC et Quaero.
Nous avons réussi à nous répartir le capital comme prévu initialement, et nous n'avons pas eu besoin de faire appel à un investisseur financier supplémentaire.
Nous avons cherché à avoir une offre locale. Dans les contacts que nous avons eus avec les acteurs économiques locaux, à travers les chambres de commerce, les chambres consulaires et les divers entrepreneurs, tels que le groupe Pierre Fabre, nous avons progressivement remarqué, au moment de l'offre, qu'un intérêt existait à l'idée de rentrer au tour de table. Des acteurs ont estimé qu'une infrastructure de territoire constituait une bonne idée.
Dans l'histoire des infrastructures, il est souvent arrivé que les acteurs économiques d'un territoire se chargent de leur financement. C'est notamment le cas pour les aéroports ou certains grands ouvrages, tels que des ponts. Il semble relativement sain que des ouvrages, ayant une vocation territoriale et une finalité locale, fassent une place à leur tour de table, modeste mais réelle, à des acteurs du territoire, aux côtés de grands investisseurs institutionnels.
Si le seul acteur intéressé avait été Pierre Fabre, nous n'aurions pas réalisé cette opération. Nous nous sommes lancés, car plusieurs acteurs avaient manifesté leur intérêt.
La presse a cité l'essentiel des acteurs présent au tour de table. Je pourrai éventuellement vous communiquer la liste complète des participations, mais il semblerait plus raisonnable que vous la demandiez directement au président de Tarn Sud Développement ou au concédant, qui a approuvé l'opération.
Opale Invest a changé de nom, afin d'être davantage en phase avec la vocation de la société présente dans le Tarn.
Les actionnaires initiaux d'Atosca détiennent chacun une action sur 10 000. En outre, Tarn Sud Développement détient actuellement 5,34 % du capital d'Atosca. Je pourrai vous préciser par écrit le montant de la cession qui est intervenue entre les actionnaires initiaux, avec une légère baisse de leur participation, afin de laisser de la place à Tarn Sud Développement. Aujourd'hui, Atosca détient, de manière indirecte, des actionnaires locaux à son tour de table.
Je précise que ces personnes, qui ne bénéficient pas d'un régime différent, prennent les mêmes risques que nous. Les intérêts sont parfaitement alignés.
Pourquoi Tarn Sud Développement n'a pas été signataire du pacte actionnarial, au moment de la signature du contrat ?
D'après les comptes publiés de la société TIIC 2 SCA SICAR, au 31 décembre 2022, il est prévu qu'environ 5,3 % au maximum de l'actionnariat total soit cédé à Opale Invest au 31 décembre 2022. Cette participation de 5,3 % sera financée dans Opale Invest, dans diverses sociétés locales et Pierre Fabre. TIIC 2 atteindra donc un minimum de 28,4 %, une fois que le concédant et les prêteurs auront donné leur accord.
Or, dans la convention, il est indiqué la possibilité de changer le pacte actionnarial ; cette opération ne peut être réalisée que sur la base d'une demande préalable et écrite du concessionnaire, et d'un accord du concédant (page 8 de l'annexe 16). Le concédant a accepté cette demande. Pourquoi ne pas avoir clairement affiché ces éléments au moment du contrat ?
Dans la phase d'offre, nous avions l'intention de faire rentrer ces investisseurs. Néanmoins, entreprendre des discussions avec une quinzaine d'investisseurs locaux demande du temps. Rien n'était certain au moment de l'offre. Cela n'a pas été notre priorité. Nous avons réservé cette possibilité dans l'annexe 16. Nous l'avons mise en œuvre par la suite, une fois la convention signée.
Nous avons signé la convention en avril 2022. Nous avons écrit à l'État pour lui demander son accord, le 22 décembre 2022. L'État nous a adressé une réponse définitive, le 17 juillet 2023. L'opération a été menée le 4 août 2023.
Tout l'équilibre financier de votre opération repose sur cette intégration et cette participation au capital, à hauteur de 5,3 %. Il ne s'agit pas d'une simple intention, puisque l'équilibre financier de la convention repose sur une demande réalisée au mois de décembre, un accord donné par la suite, ainsi que la concrétisation de l'opération. Tous ces éléments sont déjà prévus au contrat. Votre ensemble d'équilibre financier est ainsi organisé.
Le défaut de transparence de cet équilibre financier, dans la convention et probablement dans l'appel d'offres, pose des problèmes. L'équilibre financier dépend de la manière dont est organisé le pacte actionnarial.
L'engagement financier de départ prévoit-il le désengagement de TIIC, dans les proportions prises par Opale Invest et Tarn Sud Développement ?
Lorsque nous avons signé la convention, nous, en tant qu'actionnaires initiaux, avions pris l'engagement, vis-à-vis de l'État, de souscrire la totalité du capital.
L'annexe 16 permettait de porter le capital d'Opale Invest, donc de Tarn Sud Développement, jusqu'à 10 %. Or, la participation a été montée à 5,3 %. Cet élément n'a aucune incidence sur l'équilibre financier de la concession. Il s'agit simplement de fonds propres amenés par des investisseurs. Sans ces fonds propres, le projet aurait été réalisé de la même manière. L'État le savait, avec notre engagement de porter le projet avec nos fonds. L'État a accordé cette faculté d'ouvrir une partie du capital à des investisseurs locaux, au travers de cette structure.
Absolument. La subvention résulte de l'équilibre financier que nous avons trouvé. Il ne s'agit pas de fonds supplémentaires, mais simplement d'une modification du panel des investisseurs. L'État avait admis que le capital pouvait être modifié à hauteur de 10 %. Or, il l'a été simplement à hauteur de 5,3 %.
Ce dossier manque de clarté, avec de nombreux éléments qui ne sont pas exprimés. Ce schéma, avec un véhicule de portage et l'apparition d'une nouvelle société qui, de toute évidence, avait été anticipée, ne fait pas clairement apparaître les parties prenantes au pacte actionnarial, au moment de la signature de la convention. Les autres actionnaires seront également interrogés sur ces sujets.
La participation de Tarn Sud Développement au financement de l'autoroute représente 2 % du montant de l'autoroute. Aucun engagement n'existe, d'aucune nature et d'aucune partie, de porter ce montant à un niveau supérieur.
Je vous remercie d'avoir été le plus complet et transparent possible dans vos réponses, dans le cadre de cette audition sur ce dossier, qui manque de clarté. Notre commission d'enquête nous permet tout de même de progresser sur certains sujets.
Je vous remercie également, M. Thierry Bodard, pour votre participation à cette audition publique. Vos réponses ont permis de clarifier certains points et de lever certaines suspicions, qui n'avaient peut-être pas lieu d'être.
La séance s'achève à dix-huit heures quarante-quatre.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Christine Arrighi, M. Frédéric Cabrolier, Mme Sylvie Ferrer, M. Philippe Frei, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean Terlier