Je remercie également Monsieur Bodard d'avoir accepté de s'exprimer devant notre commission d'enquête. Nous ouvrons avec vous le cycle d'auditions consacrées au volet financier.
Le volet financier de la convention de concession est principalement centré sur l'actionnariat d'Atosca et sur l'équilibre financier de la convention, à savoir d'un côté les recettes de péage de la convention, les recettes commerciales, comme la production d'électricité via une société ad hoc constituée d'Atosca, du groupe Pierre Fabre et de Gaïa Energy, ainsi que les recettes diverses ; de l'autre, une redevance versée à l'État.
Nous examinerons également les concours publics apportés par l'État, la région Occitanie, les départements de la Haute-Garonne et du Tarn, la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet et la communauté de communes de Sor et Agout.
NGE, que vous représentez aujourd'hui, est actionnaire à hauteur de 25 % d'Atosca, qui est la société constituée en vue de construire, puis d'exploiter l'autoroute A69, pendant la durée de la concession, soit jusqu'en 2077.
Plusieurs questions se posent sur l'actionnariat d'Atosca, à commencer par les modalités de sa constitution. Les autres actionnaires, que nous auditionnerons dans les prochains jours, sont visiblement des sociétés habituées à investir dans les infrastructures routières et autoroutières. Vous nous indiquerez quand et comment vous avez constitué, avec elles, cet actionnariat.
La principale question qui se pose porte sur la raison qui vous a conduit à investir sur un barreau d'autoroute entre Verfeil et Castres, de 53 kilomètres, dont 10 kilomètres qui sont déjà en deux fois deux voies, qui constitue une liaison locale et dont le trafic ne s'annonce pas particulièrement important. En conséquence, la rentabilité du projet, pour une société comme la vôtre, est aléatoire, et ne peut être assurée que si les péages se situent aux taux plafond. À ce titre, nous avons demandé par courrier à l'État de nous communiquer ces taux plafond.
La question est également de savoir si d'autres activités viennent abonder les recettes commerciales de l'opération. Ceci explique l'intérêt que je porte à la production d'électricité, qui serait liée à l'A69, et qui est mentionnée en pages 6 et 21 de l'annexe 12 de la convention, marquant l'ambition de produire jusqu'à 40 mégawatts.
Je rappelle que le plus grand parc flottant solaire du monde, situé dans la province d'Anhui, en Chine, inauguré en 2018, assure une production équivalente. Néanmoins, cela représente l'installation de 160 000 panneaux solaires, sur une surface équivalente à 110 terrains de football. Des précisions seront demandées à ce sujet.
Des recherches semblent avoir été réalisées au moment de la signature du contrat, avec le repérage de plus d'une dizaine de sites, dont des délaissés d'autoroutes. Or, l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 précise que pour accorder l'autorisation environnementale, ces délaissés d'autoroutes doivent revenir à la nature. Ces délaissés ne peuvent donc pas servir également de support à la production d'électricité photovoltaïque.
Ce sujet sera également abordé par cette commission le 29 mai prochain, lors de l'audition du groupe Pierre Fabre.
Les autres questions que nous souhaitons éclairer lors de la présente audition sont plus classiques et portent sur la rentabilité financière qu'Atosca et ses actionnaires attendent de cette opération. D'après le contrat, la rentabilité attendue semble relativement élevée. La question des amortissements devra également être éclaircie.
Nous vous avons aussi demandé d'être présent ce jour en tant qu'ancien président d'Opale Invest, devenue Tarn Sud Développement. Opale Invest est signataire au contrat.
Située à Saint-Etienne-du-Grès, dans le Tarn, cette société par actions simplifiée, fondée le 6 décembre 2019, indique se consacrer à la gestion de fonds, mais apparaît surtout comme un véhicule permettant à des entreprises du Tarn de faire partie, sur une base minoritaire, de l'actionnariat d'Atosca, et de retirer ainsi un rendement financier du capital placé.
Le capital d'Opale Invest s'est accru de manière spectaculaire, passant de 10 000 euros à 8,665 millions d'euros. Cette évolution laisse penser qu'au lieu d'être un outil d'aménagement du territoire, comme le présente l'État, l'A69 pourrait ainsi constituer une source de revenus pour plusieurs acteurs économiques. Or, cet élément n'a pas été clairement mentionné lors de la signature de la convention de concession.
Cette situation ne serait pas choquante, si elle avait été annoncée dès le lancement des études sur l'A69. Plusieurs entreprises se sont montrées particulièrement discrètes quant à leur participation à l'actionnariat, comme si elles étaient intéressées, mais également gênées de retirer un profit de cette autoroute. En outre, certains acteurs ont affirmé que le groupe Pierre Fabre n'avait aucun intérêt financier dans cette opération, mais était simplement un lobbyiste reconnu et affirmé dans l'autoroute.
Un questionnaire vous a été adressé. Vous avez indiqué que certaines questions relevaient, selon vous, du secret des affaires, eu égard à des marchés auxquels NGE Concessions est actuellement candidate.
Des réponses écrites pourront être effectuées si nécessaire, en application des prérogatives des rapporteurs des commissions d'enquête, notamment prévues par l'alinéa 2 du paragraphe II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958.