La commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Marie Guéhenno, professeur à l'Université Columbia, associé à la Brookings Institution et au Centre sur la coopération internationale de l'Université de New York, ancien secrétaire général-adjoint de l'Organisation des Nations Unies en charge du département des opérations de maintien de la paix.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
La séance est ouverte à 11 h 05.
Nous poursuivons nos travaux ce matin sur les défis et les enjeux qui entourent la paix et la stabilité du monde par l'audition d'un observateur privilégié et expert de ces questions, M. Jean-Marie Guéhenno.
Monsieur Guéhenno, cher Jean-Marie, nous sommes très heureux de vous accueillir, compte tenu de votre large palette d'expériences professionnelles et intellectuelles. Vous avez joué un rôle important, actif, de directeur du Centre d'analyse et de prévision du ministère des affaires étrangères. Dans les années 1990, vous représentiez la France à l'Union de l'Europe occidentale et avez, à ce titre, vécu une expérience extrêmement précise de l'organisation de la sécurité atlantique et de l'émergence d'un pôle européen au sein de cet ensemble. Celle-ci vous permettra certainement de nous éclairer sur votre perception de l'organisation de la coopération politico-militaire européenne et atlantique dans la perspective du terrible conflit que nous vivons en ce moment à l'Est de l'Europe, en Ukraine.
Ensuite, vous avez été secrétaire général-adjoint de l'Organisation des Nations Unies (ONU), au côté du secrétaire général emblématique qu'était Kofi Annan, en charge des opérations de maintien de la paix, que vous connaissez particulièrement dans leur dimension relative à l'Afrique. À ce titre, votre expérience nous sera précieuse, au moment où la France s'interroge assez profondément sur les dimensions et la structure de sa politique africaine.
Enfin, vous vivez à New York et enseignez à l'université de Columbia. À ce titre, vous bénéficiez d'une perception extrêmement précieuse pour nous des mouvements qui secouent actuellement la société américaine, dans la perspective à la fois de la guerre au Moyen-Orient, qui a fait apparaître des clivages au sein même de la société américaine, mais aussi, d'une façon plus générale, sur les évolutions de la société américaine dans la perspective de l'élection de l'automne prochain.
Je suis honoré de parler devant vous aujourd'hui, ce qui me permettra d'évoquer l'évolution de l'ONU, les questions spécifiques du maintien de la paix et les enjeux de la sécurité européenne.
S'agissant de l'évolution de l'ONU, la question essentielle est selon moi la suivante : le multilatéralisme peut-il fonctionner dans un monde multipolaire ? L'ONU a existé dans le monde bipolaire de la guerre froide, où son rôle très limité consistait à empêcher les conflits de connaître une escalade mais aussi à constituer un forum de contacts. À la fin immédiate de la guerre froide, nous avons connu une période exceptionnelle, où le monde était réellement dominé par l'Occident et où la Chine n'avait pas de posture incisive ; au contraire, elle s'efforçait d'aider. La Russie était quant à elle effacée, sauf sur quelques dossiers qui lui tenaient particulièrement à cœur, comme le Kosovo par exemple. À l'époque, le maintien de la paix était envisagé comme une séquence de stabilisation, avant la démocratisation via des élections. Cet arrière-plan « idéologique » de l'ONU facilitait grandement les choses.
Aujourd'hui, l'Occident ne domine plus le récit, le narrative pour reprendre une terminologie anglo-saxonne. Il s'agit là d'un bouleversement profond par rapport au moment unilatéral et même par rapport à une période plus longue durant laquelle la vision du monde a été largement façonnée par le monde occidental. Aujourd'hui, la situation est encore plus défavorable à l'Europe qu'aux États-Unis. En effet, les États-Unis disposent toujours de forces militaires considérables ; à défaut d'être toujours aimés, ils sont au moins respectés. De son côté, l'Europe dépend beaucoup plus de sa « puissance douce ». Si son soft power commence à disparaître, sa position s'affaiblit grandement.
À cet égard, la crise de Gaza affecte fortement l'image de l'Occident, dans la mesure où Israël partage un grand nombre de nos valeurs occidentales. Aux Nations Unies et dans une partie significative de l'opinion américaine – dont je peux prendre le pouls à l'université de Columbia où j'enseigne –, ce conflit est envisagé sous un prisme que l'on pourrait qualifier de « décolonial ». Or il est évident que réduire la question d'Israël à une question coloniale représente une vision très tronquée de la réalité. Cependant, cette vision pèse aujourd'hui dans le débat.
L'Occident ne domine donc plus le récit, ce qui explique à mon sens la tiédeur du soutien pour l'Ukraine. La plupart des pays condamnent l'agression russe, parce que la majorité d'entre eux n'apprécient pas qu'un gros poisson mange un plus petit que lui. Cependant, il existe une mauvaise joie, une Schadenfreude, de voir l'Occident en difficulté.
Le moment unipolaire a laissé des souvenirs particulièrement mauvais, en Irak ou en Libye. Par ailleurs, de manière pragmatique, de nombreux pays cherchent à jouer sur plusieurs tableaux, pour augmenter leurs marges de manœuvre. D'un point de vue politique, cette idée d'un monde où l'Occident n'est pas dominant avantage de nombreux pays, en particulier les puissances régionales, qui développent une approche non idéologique et transactionnelle. À cet égard, le non-alignement actuel est très différent du non-alignement d'hier, parce qu'il relève beaucoup plus d'un « multi-alignement », comme le relèvent avec beaucoup de justesse les Indiens.
En l'absence d'une idéologie qui consolide l'autorité des Nations Unies, qui reposent sur une organisation d'abord politique, ses fondations s'effritent et l'ONU se trouve en danger. On imaginait une montée en puissance des organisations régionales mais celle-ci a été très limitée, dans une large mesure. Seule l'Union africaine s'est dotée de moyens opérationnels mais son incapacité à disposer de moyens de financement robustes atteste des limites de l'engagement africain. Mes collègues africains à l'ONU me disaient que, de la même manière qu'en Europe les pays n'ont pas envie d'être dominés par l'Allemagne et la France, en Afrique il en va de même à l'égard du Nigéria, de l'Afrique du Sud ou de quelques grands pays du continent. En dépit de la mémoire commune du colonialisme, derrière cette unité africaine, il existe de très fortes tensions intra-africaines.
Aujourd'hui, comme vous le savez, les problèmes globaux sont de plus en plus présents et nécessiteraient donc une organisation globale plus puissante. Cependant, l'idée d'une réforme institutionnelle de l'ONU et de la Charte des Nations Unies n'est pas envisageable, compte tenu des divisions entre les membres permanents du Conseil de sécurité.
Dans un deuxième temps, je souhaite m'attarder sur l'activité la plus visible de l'ONU : le maintien de la paix. Il s'agit d'une activité pleine de risques, de dangers, mais aussi source de malentendus. La face visible du maintien de la paix – les troupes – importe car elle correspond aux attentes de la population qui veut être protégée. Mais à cette aune, l'ONU est toujours condamnée à décevoir car elle manque des ressources suffisantes en hommes pour protéger des populations sur de grandes étendues.
En conséquence, l'aspect le plus important d'une opération de maintien de la paix est en réalité le signal politique qu'elle envoie. Tout tient dans cet équilibre délicat entre, d'une part, la symbolique et, d'autre part, des actions plus concrètes sur le terrain. Dans ce cadre, la division du Conseil de sécurité est un facteur majeur d'affaiblissement de l'ONU, d'autant plus qu'elle intervient dans des conflits qui sont de moins en moins isolés de leur environnement.
À une période moins difficile, il était possible d'isoler un conflit comme un chirurgien isole la zone à opérer d'un malade. Aujourd'hui, les conflits comme ceux de la Syrie et de la Libye comportent des données locales, régionales, globales.
Lorsque j'ai repris du service aux Nations Unies auprès de Kofi Annan, qui n'était plus secrétaire général, pour être son adjoint sur la Syrie, ce dernier a traité ce dossier en ancien secrétaire général. Il a estimé que s'il parvenait à réconcilier la Russie et les États-Unis sur la question syrienne, ils feraient ensuite pression sur les acteurs régionaux, leurs différents clients régionaux – l'Iran, la Turquie, l'Arabie saoudite qui à leur tour feraient pression sur les acteurs locaux. J'ajoute qu'à l'époque, les relations entre les États-Unis et la Russie étaient déjà dégradées mais moins qu'aujourd'hui. Désormais, un représentant spécial d'une mission de maintien de la paix voit s'affaiblir sa capacité politique de peser sur une situation.
Que faire dans de telles circonstances ? Il importe d'abord de réduire la voilure mais en étant conscient qu'il est impossible de se passer des troupes. Il faut nourrir de moindres ambitions dans un certain nombre de situations, parler plutôt de stabilisation que de démocratisation. Il est également nécessaire de venir en appui aux forces de sécurité nationales plutôt que de s'y substituer. En effet, les Nations Unies ont été prises au piège à de nombreuses reprises, en quelque sorte. Le cas de la République démocratique du Congo (RDC) est à cet égard très parlant. Dans ce pays, le gouvernement espérait que l'ONU réglerait le problème de la sécurité mais l'ONU est devenue un alibi alors que les forces de sécurité congolaises ne sont pas forcément irréprochables.
Aujourd'hui l'ONU est confrontée à un dilemme : lorsqu'elle doit s'en aller, elle laisse la place à des structures faibles. Nous l'observons en ce moment, avec les menaces qui pèsent sur la ville de Goma, dans l'Est de la RDC. Nous constatons bien qu'il faut modifier la posture et, probablement, travailler beaucoup plus avec les forces nationales, ce qui pose un grave problème quand ces forces nationales commettent des abus sexuels et ou violations variées des droits humains. Le risque est ainsi de se compromettre gravement à travers ce soutien mais également de perdre ses capacités de médiateur, en étant devenu partie au conflit.
Ensuite, il ne faut jamais abandonner la perspective politique. Aujourd'hui, je suis sceptique concernant le déploiement qui se déroulera en Haïti. En effet, la situation à Haïti dépasse la mesure d'une force de police. De plus, une police sans fondation politique, ni justice, ni système carcéral ne peut fonctionner. La réponse me semble donc insuffisante. Dès lors, nous nous dirigeons de plus en plus vers des opérations mixtes, à l'instar de la coopération avec l'Union africaine.
Enfin, en dernier lieu, je souhaite revenir sur la sécurité européenne. Vu depuis les États-Unis, quel que soit le prochain président – même si une réélection de Trump accélérerait le phénomène , la tendance en cours est fondamentalement celle d'un moindre engagement américain. Les Américains, qu'ils soient démocrates ou républicains, sont convaincus que l'Europe est un continent riche, que la mission est largement accomplie en Ukraine et que leur priorité porte sur la Chine. À cet égard, le seul argument qui porte vis-à-vis des Américains consiste à leur dire que s'ils lâchaient l'Ukraine, ils signifieraient à la Chine qu'ils peuvent aussi lâcher Taïwan.
Dans ce contexte, la tendance de fond consiste à vouloir transformer l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en une alliance globale, en raison de la préoccupation chinoise. Cette alliance globale impliquerait le contrôle des technologies à double usage et risquerait de compliquer les relations avec l'Union européenne (UE). En effet, les États-Unis voudront probablement que l'OTAN soit le principal cadre de gestion des relations avec la Chine, dans leur dimension stratégique. Dès lors, les Européens se retrouveraient dans une situation difficile face à des Américains posant de plus en plus de conditions.
Enfin, la question de la dissuasion nucléaire doit être évoquée, notamment le rôle de la France et de la Grande-Bretagne dans ce domaine. Depuis un certain nombre d'années, les Américains n'ont eu de cesse de relever le seuil nucléaire car ils ne veulent absolument pas être les premier à le franchir. Il ne faut pas abandonner les armes nucléaires mais la France doit accepter de parler de sa dissuasion avec ses partenaires européens, tout en n'en faisant pas le centre de la discussion. Il me paraît beaucoup plus important de renforcer la priorité de la dissuasion et de relever le seuil. Il s'agit d'être finalement suffisamment robustes sur le plan conventionnel.
Aux États-Unis, je suis frappé par un contraste entre, d'une part, un système politique de plus en plus bloqué dans une crise profonde, gravissime, qui affaiblit considérablement le soft power américain et, d'autre part, une économie qui reste extraordinairement dynamique, à la pointe, dans de nombreuses questions de technologie et qui risque de creuser des écarts avec l'Europe. Aujourd'hui, toutes les grandes entreprises de la nouvelle économie sont américaines ou chinoises.
Au nom du groupe Renaissance, je vous remercie chaleureusement de votre présence et de votre intervention aujourd'hui. Le contexte international actuel exige que nous portions la plus grande attention au retour de la guerre dans de trop nombreuses régions du monde, qu'il s'agisse bien sûr de Gaza, de l'Ukraine mais aussi d'autres régions peut-être moins visibles : l'Éthiopie, le Yémen, Haïti.
Lors de sa création, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le maintien de la paix et de la sécurité internationale représentait l'objectif prioritaire de l'ONU. Depuis 1948, soixante-et-onze opérations de maintien de la paix ont été conduites, onze sont encore en cours, dont cinq sur le continent africain. À la lumière de la recrudescence des conflits et du questionnement sur le rôle et l'efficacité des forces internationales, nous retiendrons donc votre message visant à réduire la voilure mais à ne pas abandonner le navire, pour soutenir les pays qui sont le théâtre de ces conflits.
Dans votre livre Le premier XIXe siècle, vous parlez à très juste titre de l'émiettement du monde et la crise des démocraties. Vous avancez l'idée que l'ordre établi des relations internationales et l'ordre intérieur de nos sociétés seraient affectés par une crise de la légitimité des communautés politiques. Cependant, vous demeurez, je crois le comprendre, un fervent défenseur du multilatéralisme, en estimant qu'il est plus que jamais nécessaire aujourd'hui. Face à la crise de la gouvernance onusienne et aux limites de sa capacité d'action, pensez-vous que des initiatives alternatives, comme le Forum de Paris sur la paix organisé par la France, permettent de discuter et de s'accorder sur des solutions collectives plus efficaces à l'égard des défis du XXIe siècle, dans un cadre plus flexible et moins contraint ?
Enfin, à quelques mois des élections européennes, nous nous interrogeons sur la place et le rôle que l'Union européenne peut jouer en faveur de la paix dans le monde. L'Europe peut-elle être une solution ? En a-t-elle les moyens, compte tenu des politiques internationales à géométrie variable de ses États membres ?
Je vous invite à mon tour à lire les ouvrages de Jean-Marie Guéhenno, dont le plus récent, qui vient d'être mentionné. Il y dresse une analyse extraordinairement intéressante des mutations structurelles de nos sociétés, c'est-à-dire la société mondiale et nos sociétés particulières.
Votre question me permet d'évoquer une autre faiblesse de l'ONU, que je n'avais pas mentionnée : l'ONU est une organisation d'États dans un monde où les acteurs non-étatiques jouent un rôle important, certains étant même beaucoup plus puissants que les États. Ainsi, plusieurs entreprises sont plus puissantes qu'une centaine d'États des Nations Unies. À ce titre, l'ONU est confrontée à la difficulté d'intégrer ces acteurs dans la discussion sans en devenir le « faux-nez ». Par exemple, l'entreprise Microsoft a ouvert un bureau situé juste à côté des Nations Unies car elle mesure l'importance de la discussion multilatérale pour la gouvernance de l'économie des données, et donc pour elle-même. Ces entreprises sont dépositaires de connaissances techniques qu'il est nécessaire d'utiliser. Simultanément, certaines peuvent être tentées de manipuler l'ONU.
Vous m'avez également interrogé sur des initiatives spécifiques, à l'instar du Forum de Paris pour la paix. Je suis favorable à la multiplication des lieux de débat mais, en même temps, l'ONU, malgré toutes ses difficultés, reste irremplaçable en raison de sa légitimité : elle repose sur un traité et a une autorité qu'aucun cadre informel ne peut offrir.
L'Union européenne est réellement influente en matière de régulation. En revanche, il n'en va pas de même dans le domaine de la paix et la sécurité. La fragilité des institutions européennes en la matière affaiblit la voix de l'UE. De fait, les crises en cours montrent bien que l'Union européenne n'est pas tout à fait unie. Quand l'UE se met en ordre de bataille, elle est en mesure de peser mais, comme je le faisais remarquer dans mon propos liminaire, son autorité morale s'est néanmoins amoindrie.
Dans le monde, les conflits s'étendent, non en raison de la montée des nationalismes mais des volontés de conquête territoriale et du prosélytisme. L'Ukraine et Israël constituent des sujets évidents mais nous pouvons aussi parler des guerres menées par les islamistes au Burkina Faso, en Somalie ou au Yémen. Même la Chine, dont vous pensez qu'elle fait envie aux Occidentaux dans votre dernier livre, s'en prend à plus petit qu'elle en convoitant avec insistance l'île de Taïwan, pour reprendre les propos que vous avez tenus sur Twitter le 17 avril 2022.
Je pense que vous avez raison sur un élément : il faut s'inspirer des résultats des derniers votes, réinventer la politique. La démocratie consiste à tenir compte de la volonté des électeurs. Il nous faut davantage considérer, me semble-t-il, l'identité de chaque pays, notamment juridique, historique, culturelle, linguistique et religieuse, et non tenter de l'effacer derrière le mondialisme et la globalisation. Nous croyons, pour notre part, que seul le respect et la pérennité des nations participeront à la tranquillité et à la stabilité du monde.
Ensuite, 80 % du budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU en cours sont dirigés vers l'Afrique, alors que des opérations s'y tiennent depuis les années 1990. Cela représente un budget très important, plus de 6 milliards de dollars annuels. En tant qu'ancien responsable du département des opérations de maintien de la paix à l'ONU, pensez-vous que l'émigration permanente en provenance de l'Afrique importe également les virus de la violence qui viennent actuellement troubler et ébranler notre ordre public et parfois mettre en danger l'unité nationale ?
Enfin, comment envisagez-vous la sortie de crise après les combats en Palestine, où l'Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) est pourtant déployé depuis 1948, et en Ukraine, où aucune opération de maintien de la paix n'est bien sûr encore déployée ?
La question des migrations est également au cœur des débats aux États-Unis. Ainsi, la thématique de la frontière avec le Mexique est un enjeu politique, qui a été instrumentalisée par le candidat Trump. Personnellement, j'estime que l'on ne peut ignorer le choc créé par le changement des communautés humaines, au risque d'augmenter le sentiment de frustration des populations. Simultanément, les migrations sont nécessaires, notamment en Europe, compte tenu du vieillissement de la population. Je sors ici de ma zone de compétence mais l'enjeu consiste bien à établir à une gestion organisée des migrations. Je conviens cependant que cette question est éminemment difficile.
Ensuite, le montant de 6 milliards de dollars que vous avez mentionné pour les opérations de maintien de la paix de l'ONU est à la fois élevé et faible. Cette somme est significative lorsqu'elle est comparée à celle consacrée à l'aide au développement ; elle est en revanche de l'ordre du pourboire à la lumière des montants consacrés aux dépenses militaires. Il sera très difficile pour l'Afrique de se stabiliser sans engagement extérieur. Le slogan « Solutions africaine pour les problèmes africains », que j'ai entendu pour la première fois lors d'une réunion de l'Union africaine du temps de Kadhafi en Libye, me semble quelque peu démagogique. Si l'on établit un lien entre les migrations et la stabilisation de l'Afrique, l'Europe devra alors trouver le moyen d'aider les Africains à stabiliser leurs pays. La solution qui consisterait simplement à protéger la forteresse Europe d'une Afrique qui sombrerait dans le chaos ne marcherait pas.
La sortie de crise en Palestine me semble infiniment compliquée, en l'absence pour le moment d'interlocuteurs du côté israélien, comme du côté palestinien. Aujourd'hui, il est à nouveau question de la solution à deux États, qui paraît effectivement comme la moins mauvaise, mais il faut rappeler que tout le monde l'avait abandonnée depuis des années et qu'elle ne recueille pas de majorité, ni chez les Israéliens, ni chez les Palestiniens. Elle implique donc un engagement majeur d'acteurs extérieurs, en particulier des États-Unis, le seul pays qui puisse vraiment faire pression sur Israël. En conséquence, je crains que la situation ne continue de se dégrader, avec les souffrances associées, le maintien des otages en captivité et des bombardements qui se poursuivent à Gaza.
Je constate néanmoins que la situation à Gaza devient de plus en plus extraordinairement critique. Ne peut-elle pas mécaniquement provoquer des réactions, face à 2 millions de personnes qui meurent la bouche ouverte ?
La pression augmentera en faveur d'un scénario dont ne veut absolument pas l'Egypte, c'est-à-dire l'expulsion de Palestiniens vers son territoire. L'un des enjeux portera ici sur la manière dont les Israéliens et les Égyptiens gèreront cette situation, à la lumière des acquis des dernières décennies, c'est-à-dire la paix entre États, la paix d'Israël avec l'Égypte et la Jordanie. Si la situation continue de se détériorer, cette paix pourrait être remise en cause.
Aujourd'hui, l'attention se porte sur Gaza en raison de la catastrophe humanitaire qui s'y déroule mais, à plus long terme, la question la plus grave concerne la Cisjordanie. Gaza est une enclave dont personne ne veut : ni les Egyptiens, ni les Israéliens. Mais la Cisjordanie, elle, représente un problème structurel pour Israël, compte tenu de la géographie.
La dernière fois que les États-Unis ont vraiment fait pression sur Israël avec succès remonte à la présidence de George Bush Senior, par l'intermédiaire de James Baker. Cependant, dans le contexte actuel d'une élection présidentielle difficile, je n'imagine pas un scénario comparable, qui me paraît très compliqué à établir, particulièrement dans une situation de grande division entre les membres permanents du Conseil de sécurité.
S'agissant de l'Ukraine, la Russie est un membre permanent de ce même Conseil de sécurité. À un moment donné, elle pourrait éventuellement estimer qu'une dose de Nations Unies serait utile pour habiller une négociation. Mais je ne pense pas que cette éventualité soit aujourd'hui d'actualité.
Le 17 avril 2022, un décret au Journal officiel relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires prévoyait la fin des deux corps historiques des diplomates exerçant au Quai d'Orsay : les conseillers des affaires étrangères et les ministres plénipotentiaires. Finalement, ce sujet peut être relié d'une manière assez directe ou indirecte au sujet de la paix, puisque la diplomatie française joue traditionnellement un rôle rayonnant dans le monde. Environ 800 employés du Quai d'Orsay étaient concernés par cette réforme sur les 1 800 fonctionnaires de catégorie A que compte le ministère.
Avec 179 ambassades et représentations permanentes, 112 sections consulaires, 90 consulats généraux, la France représente le troisième réseau diplomatique, derrière les États-Unis et la Chine. Or, après la perte de 10 % de ses effectifs en cinq ans et de 50 % en vingt-cinq ans, que reste-t-il de ces dispositifs fragilisés de notre potentiel d'action et d'influence internationale ? Ils ont été réduits sous le prétexte, que je qualifierais de libéral, d'accroître la mobilité au ministère des affaires étrangères.
La réforme voulue par le président de la République devait permettre d'offrir des postes d'ambassadeurs à des personnes choisies. Nous pouvons imaginer qu'en pareilles circonstances, les amis politiques, les cadres du monde des affaires qui ont rendu des services bénéficieront peut-être plus facilement d'un « coup de pouce ». Quelles conclusions et perspectives tirez-vous de cette réforme, après quasiment deux ans d'application ? Quel en a été impact sur le ministère des affaires étrangères ?
J'ai appartenu à la Cour des comptes, comme le président Bourlanges, mais j'ai une passion pour les affaires internationales, auxquelles j'ai consacré les plus belles années de ma vie. Je devrais normalement me féliciter de cette réforme, ayant toujours senti au Quai d'Orsay que je n'étais pas tout à fait de la maison, même si j'y ai un grand nombre d'amis.
Cependant, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une bonne réforme. Je crois que le métier de diplomate correspond à une certaine spécialité, qui se consolide au fil des années. Pour ma part, j'ai débuté ma carrière de diplomate en tant que membre du centre d'analyse et de prévision, puis poursuivi comme conseiller culturel aux États-Unis, avant de revenir plus tard à la tête du centre d'analyse et de prévision. Ma carrière a donc été jalonnée d'étapes, au cours desquelles j'ai appris. Il me semble donc dangereux de parachuter des personnes à des postes diplomatiques importants sans qu'ils aient au préalable connu de telles étapes.
À ce titre, le risque de politisation que vous évoquez est réel. J'estime pour ma part qu'il est pertinent de disposer d'un corps diplomatique qui respire, en faisant appel à des personnes qui ne sont pas des diplomates de carrière, mais de façon limitée. Il faut à la fois protéger la spécialité diplomatique tout en parvenant à l'ouvrir à un certain nombre de domaines nouveaux, comme l'économie des données précédemment évoquée, dont un diplomate n'est pas forcément spécialiste. Je perçois bien l'intérêt d'ouvrir les fenêtres mais je ne pense pas qu'il faille les ouvrir au point d'affaiblir la diplomatie en tant qu'institution professionnelle.
Je me rappelle que le président Nixon avait nommé comme ambassadeur M. Watson, président d'IBM – International Business Machines Corporation – mais totalement inexpérimenté sur le plan politique. Il avait résolu le problème en le dotant d'un ministre-conseiller très compétent, M. Holmes. Cela ne s'invente pas !
À la fin de la guerre froide, nous pensions connaître l'avènement de la démocratie. Mais, avec les nouvelles technologies, est apparu le règne de l'instantanéité : on peut commander sur n'importe quel site, n'importe quel produit, n'importe quand, en quelques clics. Or, la démocratie prend du temps ; elle est rythmée par des séquences électorales, des processus de concertation. Pensez-vous, monsieur le professeur, que la démocratie puisse encore être un idéal pour de nombreuses populations ? Comment l'Europe et les États-Unis, États dans lesquels la démocratie est active et vivante depuis des années, peuvent-ils lui redonner son attrait, alors même qu'elle régresse dans de nombreux pays occidentaux, dont la France ?
Ma deuxième question concerne les pays multi-alignés. En effet, plusieurs États se caractérisent aujourd'hui par un rapprochement simultané avec l'Europe, la Russie, les États-Unis, la Chine, la Turquie. Existe-t-il dans ce cas un intérêt pour la France de se rapprocher de ces pays multi-alignés ? Je pense notamment au cas de l'Inde dont la France s'est rapprochée dernièrement. L'Inde est en effet un pays multi-aligné dont nous ne pourrons pas disposer du soutien en cas de conflit majeur, compte tenu de sa proximité avec des pays comme la Russie ou la Chine. Dans ce cas, ne faut-il pas concentrer nos efforts vers les États qui sont au contraire de fidèles partenaires, quelle que soit la précarité des fidélités géopolitiques ?
Aujourd'hui, l'idée démocratique est menacée dans la mesure où les communautés territoriales sont en concurrence avec des communautés virtuelles. De même, les communautés territoriales se sentent menacées par les mouvements de populations – ce qui pose la question des migrations –, qui peuvent questionner le sentiment d'homogénéité, de mémoire partagée. Nous assistons à une certaine crise de la politique. Aujourd'hui, les jeunes se mobilisent beaucoup plus sur des projets, comme la question du genre ou de la justice, des enjeux par ailleurs légitimes et essentiels. L'affaiblissement des communautés territoriales affecte également le rôle des partis politiques, dont l'essence est d'arbitrer entre des priorités concurrentes au sein d'un territoire donné.
Pour ma part, j'estime que la meilleure manière de défendre l'idée démocratique consiste à partir du bas, c'est-à-dire de rétablir les solidarités locales, et de créer une sorte d'échelle des solidarités allant du local au global. Simultanément, j'observe naturellement qu'il est plus facile de décrire cette échelle que de la construire. Elle pose en effet un grand nombre de questions pratiques – par exemple celle du cumul des mandats – pour lesquelles il n'est pas aisé de trouver une bonne solution.
Il est également intéressant que vous ayez évoqué l'Inde. En effet, avec la fragilisation des solidarités territoriales, il est souvent fait appel à d'autres identités. À ce titre, nous voyons bien comment Narendra Modi fait appel à une identité hindoue, qui met de côté près de 200 millions de musulmans indiens, posant par là même d'immenses problèmes à la démocratie indienne, à terme. Nous concevons bien l'intérêt pour la France, pour l'Europe et pour les États-Unis d'avoir des relations avec l'Inde, compte tenu du contrepoids qu'elle représente par rapport à la Chine, de l'importance de son marché intérieur et de son développement économique, qui tend à prendre le relais de celui de la Chine. J'en reviens là à mon propos liminaire sur les Nations Unies : je pense qu'il est utile de créer des coalitions de volontés – coalitions of the willing –, c'est-à-dire des coalitions de pays ayant des intérêts partagés sur tel ou tel sujet, ces coalitions pouvant varier d'un sujet à l'autre.
En matière de multilatéralisme par exemple, de nombreux pays qui ne sont pas des superpuissances comme la Chine ou les États-Unis ne souhaitent pas un monde régi simplement par les rapports de force. Cependant, ces puissances comptent, à l'instar de l'Indonésie par exemple. Il est donc particulièrement nécessaire pour la France et pour l'Europe de bâtir avec ces pays une coalition qui défende l'idée d'organisations internationales, de règles pour régir les relations entre nations. De fait, de nombreux pays sont inquiets d'un monde où il n'y aurait plus aucune règle, où règnerait seulement la loi du plus fort. Il s'agit donc de mettre en œuvre une politique nuancée, où l'on accepte plus de transactionnel, dans un monde non idéologique, tout en étant conscient que cet aspect comporte un certain nombre de contradictions.
En novembre 2023, vous vous inquiétiez de l'avenir d'une Europe qui, faute de conduire une diplomatie donnant du sens à ses actes, fondée sur le respect du droit au-delà de ses frontières, risquait de perdre l'adhésion de ses concitoyens et le respect du monde. Vous pointiez ainsi la non-résolution de l'Europe à prendre le relais des États-Unis en cas de retrait ou de réduction de leur aide vis-à-vis de l'Ukraine. Vous regrettiez également son incapacité à assurer la défense du droit international humanitaire au profit des Palestiniens.
Depuis la parution de cette tribune, la situation a évolué sur ces deux scènes de conflit. En Ukraine, la Russie a obtenu quelques avancées territoriales. Surtout, elle dispose de réserves démographiques et d'une capacité de résilience peut-être supérieure à celle de l'Ukraine. Enfin, la perspective d'une victoire de Trump en novembre prochain renforce l'hypothèse d'un retrait américain, déjà envisageable sous Biden. À Gaza, l'offensive israélienne se déploie mais le nombre de morts civils chez les Palestiniens ne cesse d'augmenter, tandis que l'image d'Israël continue de s'effriter dans l'opinion internationale, y compris dans les pays occidentaux, même aux États-Unis.
Si les Européens, dont le Royaume-Uni, mettent en commun leur aide en matériel militaire tout en l'accroissant sensiblement, est-il encore possible d'inverser l'évolution du rapport de forces, qui paraît être actuellement en faveur de la Russie ? Ensuite, pouvons-nous envisager un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, seul à même de répondre aux exigences du droit international, tout en ne faisant pas du Hamas le vainqueur politique du conflit, à la fois localement et sur le plan international ?
Depuis novembre dernier, la situation a effectivement évolué. Ainsi, les Européens sont beaucoup plus mobilisés que nous ne l'imaginions en faveur de l'Ukraine. Se pose néanmoins la question de savoir si cette mobilisation est suffisante, à la fois sur le plan financier et sur le plan matériel.
Financièrement, les marges de manœuvre des différents pays européens, et notamment le nôtre, sont limitées, particulièrement en raison des efforts consentis au moment de la crise de la Covid. Cette question se traduit notamment par les débats actuels sur l'emprunt européen, à propos duquel l'Allemagne réitère sa réticence. Sur le plan matériel, les capacités industrielles ne peuvent pas monter en puissance du jour au lendemain. Mais c'est également le cas aux États-Unis, qui achètent un grand nombre de munitions à la Corée du Sud. De notre côté, pouvons-nous acheter sur les marchés internationaux pour parer à l'urgence, tout en développant les capacités européennes ?
Au-delà, si les difficultés des Ukrainiens sont connues, je pense que nous sous-estimons également celles de l'armée russe. Je continue d'espérer qu'il est possible de renverser le rapport de forces sur le terrain mais je n'en sais pas assez pour répondre avec certitude à votre question.
S'agissant de Gaza, un cessez-le-feu me semble très difficile, dans la mesure où le Hamas et Israël n'y voient pas vraiment d'intérêt. Le Hamas table sur une aggravation de la situation à Gaza en espérant qu'elle provoquera l'étincelle qui fera exploser la Cisjordanie. En ce sens, le Hamas prend en otage la population de Gaza. De son côté, le gouvernement israélien actuel n'a pas intérêt à ce que la guerre se termine car cela remettrait en cause l'autorité du premier ministre et ferait éclater la coalition au pouvoir. Finalement, des deux côtés, il existe un fort intérêt en faveur d'une dégradation continue de la situation, et même de son extension au front libanais. Néanmoins, je pense que ni l'Iran, ni le Hezbollah ne souhaitent cette extension. Pour l'Iran, la menace du Hezbollah est un élément de sa dissuasion vis-à-vis d'Israël. Si un conflit de haute intensité éclatait entre le Hezbollah et Israël, sa dissuasion disparaîtrait. De son côté, le Hezbollah ne voudrait pas être confronté à l'hostilité du reste des Libanais si un nouveau désastre déferlait sur le Liban.
En résumé, Israël et le Hamas ont intérêt à une détérioration de la situation, rendant très difficile l'établissement d'un cessez-le-feu. Simultanément, Israël connaît une forte pression en faveur de la libération des otages mais celle-ci ne semble pas suffisante, à l'heure actuelle, pour faire évoluer le gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, nous nous interrogeons régulièrement sur les conséquences du nouvel ordre mondial né de l'agression russe. Il est ainsi question de la contestation de l'ordre juridique international, d'un nouvel équilibre – ou plutôt d'un nouveau déséquilibre – en Europe et dans le monde, de la remise en cause du multilatéralisme ou de l'émergence contestable d'un Sud global contestataire.
Dans une récente tribune, vous évoquiez la débâcle géopolitique de l'Union européenne, dont l'influence s'étiole faute de cap stratégique. Je partage ce constat, en dépit de l'adoption en 2022 de la fameuse boussole stratégique, qui fixe les grands objectifs européens en matière de sécurité et de défense à l'horizon 2030. Ses quatre volets – agir, assurer la sécurité, investir et travailler en partenariat – sont intéressants mais ses déclinaisons concrètes restent largement insuffisantes, comme la création de la fameuse capacité de déploiement rapide de l'Union européenne, soit 5 000 militaires mobilisables lorsque les circonstances l'exigeront et qui agiront sous drapeau européen. Selon vous, quelles pistes devraient être explorées afin d'adapter cette boussole stratégique à la nouvelle situation internationale ?
En matière de défense européenne, il n'est pas envisageable d'imaginer une réponse efficace sans la participation du Royaume-Uni. À cet égard, le Brexit est devenu un facteur de complication. À mon sens, il faut se servir de la crise ukrainienne pour resserrer les liens de défense entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cela me semble impossible avec le gouvernement britannique actuel, pour des raisons idéologiques, mais la situation pourrait changer à l'issue des prochaines élections.
Ensuite, il importe de trouver la bonne articulation avec l'OTAN, qui est incontournable. En effet, même si la France a rejoint la structure militaire de l'OTAN, des soupçons demeurent chez les autres pays quant à sa relation ambigüe – sinon négative – vis-à-vis de l'institution otanienne. La majorité des pays européens estiment que les efforts de défense doivent intervenir dans le cadre de l'OTAN.
Un autre sujet concerne l'industrie européenne de défense, chaque pays militant pour ses champions nationaux. En outre, les procédures d'achat d'armement demeurent très nationales. En conséquence, les programmes européens sont très compliqués et très lents à mettre en œuvre, chaque pays ajoutant ses spécifications, ce qui contribue à alourdir les coûts. Dans ce cadre, j'estime nécessaire de réfléchir au renforcement de l'Agence européenne de défense, afin qu'elle puisse jouer un rôle plus central dans la politique d'armement de l'Union européenne.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) s'est retirée du Mali le 31 décembre, après dix ans de présence dans le pays. La question de l'efficacité des opérations de maintien de la paix est d'actualité.
Les opérations de maintien de la paix ont pour objectif d'aider les pays touchés par des conflits et de créer les conditions du retour à la paix. En assurant la paix et la sécurité, le maintien de la paix de l'ONU a contribué à sauver des millions de vies, notamment en aidant à préserver des cessez-le-feu et en protégeant les civils des violences. Aujourd'hui, ce maintien de la paix apparaît de plus en plus difficile à mettre en œuvre. De nombreux facteurs sont en cause, comme la multiplication des groupes armés potentiellement terroristes, la division de la communauté internationale ou le coût considérable de ces opérations. L'ONU peut ainsi préférer le règlement des conflits par voie diplomatique ou politique.
Par ailleurs, de nouvelles formes de guerres sont en train d'apparaître. Le développement des nouvelles technologies entraîne l'évolution des menaces et donc des conflits. Dans leur forme actuelle, ces opérations peuvent donc être questionnées. António Guterres a affirmé, en juillet dernier, connaître les limites de ces opérations et a appelé à une réflexion globale sur l'avenir de celles-ci, évoquant des modèles plus souples avec des stratégies de sortie appropriées. Aussi, permettez-moi de solliciter votre avis au nom du groupe Horizons sur cette question : quel est selon vous l'avenir réservé aux opérations de maintien de la paix ?
Au cours de leur histoire, les opérations de maintien de la paix n'ont cessé d'évoluer, depuis le déploiement symbolique de troupes le long du canal de Suez, après l'opération franco-britannique et israélienne en 1956. Demain, les opérations seront probablement plus légères et se combineront avec des forces nationales ou multinationales plus robustes. L'ère des opérations de maintien de la paix uniquement composées de casques bleus est probablement révolue, compte tenu des compétences spécifiques en matière de terrorisme ou de renseignement que les Nations Unies ne peuvent déployer. Pour de multiples raisons, nous nous dirigeons donc vers des opérations hybrides, qui rassembleront différents types de troupes.
Ensuite, dans un monde non idéologique, la question de l'argent, des flux financiers, de la corruption et du financement des conflits ne va cesser de prendre de l'ampleur. À cet égard, il importe de se doter des instruments nécessaires pour bloquer ces financements. L'ONU a commencé à œuvrer en ce sens à travers ses panels d'experts, qui mènent des enquêtes utiles et qui peuvent servir de levier politique, pour ensuite faire pression sur les acteurs. Cependant, il est absolument nécessaire d'aller plus loin dans ce domaine. Dans l'Est de la République démocratique du Congo, les tensions locales sont exploitées par le Rwanda. Le conflit comporte également une dimension économique, à travers les exportations d'un État voisin.
En conséquence, la capacité à identifier les flux deviendra un élément important de la « boîte à outils » internationale, afin de faire évoluer les opérations de maintien de la paix. Au-delà, le maître-mot est celui de la flexibilité, en tenant compte du fait que les circonstances dicteront le format. À cet égard, j'estime que l'ONU devrait être plus ouverte qu'elle ne l'est actuellement. S'il est difficile de réformer l'institution onusienne, il est en revanche possible de réformer les instruments de cette institution, notamment le maintien de la paix.
Je suis tout particulièrement intéressé par la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO). J'ai le sentiment que cette force a été créée pour favoriser le plus fort dans la durée, c'est-à-dire le Maroc. En effet, il s'agit de la seule force de maintien de la paix pour laquelle la question des droits de l'Homme est taboue, parce que la France s'y oppose.
Cet état de fait est particulièrement inquiétant pour le pays qui a rédigé le Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Il y a là un parfait exemple de géopolitique à « géométrie variable ». Vous avez plaidé pour une forme d'assouplissement de l'ONU mais si celui-ci consiste à accepter le non-respect du droit international en fonction des intérêts de tel ou tel pays, le cheminement ne me paraît pas être le bon. Pire encore, cela contribue à décrédibiliser totalement les institutions internationales, qui devraient justement œuvrer à la paix dans le monde.
Ensuite, lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, l'une des premières réactions a consisté à interrompre la diffusion des chaînes de télévision russes. Dans ce cas, pourquoi n'agissons-nous pas de la même manière avec tous les pays qui sont en guerre ? Par effet d'éviction, les réseaux sociaux s'en sont trouvés renforcés, ce qui a contribué à brouiller la qualification des messages diffusés par la propagande russe. Dans le même ordre d'idées, les informations concernant la situation à Gaza sont difficiles à décrypter et à attribuer. En l'espèce, nous ignorons ce qui relève de l'information et ce qui a trait à la propagande.
Je suis d'accord avec vous sur l'idée qu'il convient de garder l'encre de quelques principes, qui nous tiennent lieu de boussole. Simultanément, je suis un pragmatique. Mon expérience aux Nations Unies m'a appris que, tout en gardant le cap, il est souvent nécessaire de tirer des bords pour arriver à destination.
Dans ces circonstances, le jugement humain sur une situation particulière importe. L'exemple de la MINURSO est pertinent à cet égard. S'agissant du Sahara occidental, la solution prévue – un référendum – place l'enjeu trop haut, ce qui contribue à un blocage depuis des décennies. Les différents envoyés spéciaux de l'ONU, y compris James Baker, l'un des meilleurs diplomates américains, ont échoué dans la mesure où les deux parties ne peuvent accepter la solution du « tout ou rien » du référendum. La solution proposée par James Baker était ingénieuse mais elle n'a finalement pas été retenue, faute de soutien suffisant de la part du président George W. Bush.
Je pense que la stratégie du Maroc au Sahara occidental, celle du fait accompli, s'apparente en quelque sorte à la stratégie israélienne, même si ses chances de réussite sont plus élevées. En effet, les tribus sahraouies sont moins différentes de la population marocaine que ne le sont les Palestiniens des Israéliens. À l'heure actuelle, compte tenu de la division de la communauté internationale, il est difficile d'exercer une forte pression sur le Maroc, qui est ménagé à la fois par la France mais aussi par les États-Unis.
Ensuite, s'agissant de la gestion de l'information en situation de guerre, vous avez raison de souligner que les médias traditionnels sont concurrencés par les nouveaux médias. Je ne dispose pas de réponse précise à vos remarques pertinentes. Je me contenterai de remarques générales sur la nécessité de s'informer, de bâtir une base de connaissances pour ensuite construire des politiques face à ces phénomènes, que nous ne connaissons pas suffisamment bien aujourd'hui.
Plus que jamais, les relations internationales tendent vers la conflictualité. La frontière entre la paix et la guerre demeure extrêmement fragile. En conséquence, le rôle des Nations Unies devient encore plus important, notamment pour le maintien de la paix dans le monde. Un changement d'humeur plus diplomatique est tout de même observé. Le 1er janvier 2024, les BRICS – sorte de coordination inter-gouvernementale regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud – ont admis en leur sein quatre nouveaux membres : l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran et les Émirats arabes unis. Cette décision peut déstabiliser la situation internationale, notamment au niveau des votes à l'ONU.
Aujourd'hui, un plus grand nombre de régions du monde sont en conflit et la scène internationale est fragmentée. Un article du Monde rapporte d'ailleurs qu'en Ukraine, « les Occidentaux peinent à rallier le soutien de pays dits " du Sud global ", qui refusent de choisir leur camp, considérant que ce conflit est avant tout européen ». De plus en plus de voix s'opposent aux résolutions de l'ONU, par exemple en matière de sanctions internationales. Je m'interroge sur les potentiels scénarios du désengagement diplomatique des Nations Unies. Quelles peuvent être les conséquences de la désunion des Nations Unies et de l'émergence d'une union des BRICS au sein de l'Assemblée générale de l'ONU ?
L'élargissement des BRICS marque aussi leur affaiblissement, dans la mesure où les positions de chacun des membres divergent sur un grand nombre de sujets. Je crois qu'il ne faut pas trop s'inquiéter de cet élargissement, qui traduit plus l'illustration de l'opportunisme que la manifestation d'un mouvement cohérent.
En revanche, l'autre question que vous soulevez me semble effectivement essentielle. Savons-nous où nous voulons aller ? Sommes-nous en position de rassembler une masse critique d'États autour d'une certaine vision, centrée sur le respect des lois, et notamment du droit international ?
En outre, la distinction entre la guerre et la paix que vous évoquiez au début de votre intervention est de plus en plus brouillée. Lorsque la charte des Nations Unies a été rédigée en 1945, la définition de la guerre était bien établie : il s'agissait du franchissement d'une frontière par une armée, comme cela avait été le cas dans le déclenchement de la seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, la guerre prend de multiples formes, qui vont des attaques cyber au sabotage. Une multitude d'actions brouillent la distinction entre l'état de paix et l'état de guerre, rendant la situation plus dangereuse.
Je tiens à vous remercier pour votre éclairage sur les enjeux de maintien de la paix. Depuis ces derniers mois, les médias et plus généralement l'opinion publique concentrent leur attention, du moins en France, sur le conflit au Moyen-Orient et sur celui en Ukraine. Toutefois, il est crucial de rappeler que la préservation de la paix concerne l'ensemble des territoires. Le rapport de l'Institut pour l'économie et la paix de 2023 relève lui-même une tendance alarmante : l'indice de paix mondial a chuté pour la treizième fois en quinze ans. Pourtant, maintenir la paix demeure une responsabilité collective et un impératif moral pour prévenir les souffrances humaines, favoriser le développement durable et construire un avenir pacifique pour les générations futures.
Alors que des progrès ont été réalisés dans de nombreuses régions, certaines parties du monde restent en proie à des conflits internes dévastateurs. Un exemple poignant nous est fourni par la situation actuelle en Haïti, que vous avez évoquée en introduction, où une guerre civile déchire le pays, exacerbant les souffrances de populations déjà vulnérables. Haïti se retrouve aujourd'hui dans une impasse politique, sans représentants élus et à la solde de chefs de gangs. Les causes profondes de ce conflit sont multiples, allant de l'instabilité politique à la crise économique, en passant par les tensions sociales. L'ONU vient de déclarer vouloir mettre en place un pont aérien avec la République dominicaine, afin d'acheminer l'aide humanitaire. De ce fait, quelles sont les stratégies et les capacités d'intervention de cette organisation afin de contenir, voire d'améliorer, la situation d'urgence sur le terrain ?
La situation en Haïti nous met tous en cause. Il est tragique de ne pouvoir trouver de solution pour un pays de moins de 10 millions d'habitants. Le tremblement de terre dévastateur qui a frappé Port-au-Prince a remis en cause tous les progrès qui avaient été réalisés jusque-là. Une stratégie de redressement de Haïti passe nécessairement par la reconstitution d'une autorité politique. Créer cette autorité politique pose la question de la sécurité dans ce pays, ce qui implique une force plus robuste que les policiers kenyans ou béninois qui sont supposés se déployer à Haïti. De plus, les Haïtiens témoignent d'une grande méfiance à l'égard de l'étranger, en raison de l'histoire. Pendant plus d'un siècle, Haïti a par exemple payé à la France des dédommagements inimaginables. L'histoire de ce pays, le plus pauvre de l'Amérique, conjugue donc un mélange de sentiment d'humiliation et de fierté d'avoir chassé les armées de Napoléon. Ce mélange est psychologiquement très compliqué à gérer ; il est donc très difficile d'aider Haïti. S'y ajoute une criminalité à la fois liée à des gangs locaux mais aussi un trafic de drogue international très rémunérateur.
Les Américains, qui ont œuvré au début du siècle à l'amélioration des infrastructures de ce pays, sont aujourd'hui inquiets ; ils ne veulent pas que les Haïtiens débarquent sur les côtes de Floride mais ils ne veulent pas non plus s'impliquer dans le pays, conscients des conséquences politiques. Ils ont donc incité le Kenya à fournir une solution transitoire. L'ONU est quant à elle discréditée puisqu'elle a elle a très mal géré la crise du choléra et a longtemps nié sa responsabilité dans cette crise, ce qui était absurde. Les États d'Amérique latine, comme le Brésil ou le Chili, qui ont joué un rôle utile et constructif dans les opérations des Nations Unies, ne sont pas non plus prêts à s'impliquer pour Haïti, pays orphelin. Aujourd'hui, nous essayons plus de contenir le problème que de le régler.
Monsieur Guéhenno, je souhaite vous poser une question au nom de Mme Amélia Lakrafi, députée des Français de l'étranger, qui a dû quitter la réunion, au sujet de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), qui mobilise 10 000 hommes, dont 700 Français. Mme Lakrafi a eu l'occasion de s'entretenir avec eux lors du déplacement du ministre Lecornu en novembre dernier, dans un contexte tendu d'affrontement transfrontaliers entre Israël et le Hezbollah.
Cette force déployée dès 1978 est le témoin privilégié des tensions qui menacent d'embraser la région ; elle y joue un rôle stabilisateur indéniable. Toutefois, il est compréhensible que certains Libanais puissent s'interroger au sujet d'une présence militaire étrangère sur leur sol depuis plus de quarante ans mais qui n'a toujours pas pu éviter de terribles affrontements. Aussi, quel bilan tirez-vous de la présence des casques bleus dans ce pays et quel rôle bénéfique la FINUL a-t-elle joué selon vous dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas que nous connaissons depuis le 7 octobre 2023 ? Combien de temps cette force intérimaire devra-t-elle encore rester au Liban ?
Cette force interne intérimaire restera au Liban jusqu'à l'avènement d'un État libanais qui fonctionne. J'ai discuté récemment avec Maya Yehya, une Libanaise qui dirige le centre Carnegie de Beyrouth et nous nous accordions pour dire que la FINUL joue un rôle utile au Liban, bien qu'insuffisamment compris. Il s'agit d'abord d'un rôle de liaison, à chaque fois que des incidents interviennent entre Israël et le Hezbollah, afin d'empêcher toute escalade. Cette tâche, peu visible, est pourtant essentielle.
La FINUL exerce également un rôle local, en fournissant des services aux habitants, dont les implications sont politiques. Au fond, la FINUL est devenue une partie de l'équilibre politique du Liban : elle représente une limite à l'emprise totale du Hezbollah sur une partie du Liban, ce qui est apprécié par les Libanais. De son côté, le Hezbollah est conscient que la présence de la FINUL complique une éventuelle action israélienne contre le Liban. Ainsi, en 2006, lors de la dernière guerre du Liban, les Israéliens auraient vraiment souhaité que la FINUL quitte le territoire mais Kofi Annan et moi-même pensions qu'il s'agissait là d'une très mauvaise idée. De fait, la FINUL a joué un rôle dans la cessation des hostilités.
La FINUL représente donc un élément de la stabilité du pays et reste plus que jamais nécessaire en ce moment. Simultanément, il ne faut pas lui demander ce qu'elle ne peut pas offrir. Quand en 2006 se négociait la résolution 1706 qui a finalement mis fin aux hostilités, les Israéliens demandaient que la FINUL désarme le Hezbollah dans sa zone de déploiement. Je leur ai fait observer que s'ils n'avaient pas eux-mêmes réussi à désarmer le Hezbollah, il était illusoire que l'ONU puisse y parvenir. L'équilibre est précaire : la FINUL gêne le Hezbollah mais elle ne peut pas non plus aller trop loin. Par exemple, il est déjà arrivé que le Hezbollah tue des membres de la FINUL, en l'occurrence des soldats espagnols. À l'image du Liban, se déploie ici un jeu ambigu, qui évite la catastrophe sans apporter la solution.
La situation est plus que préoccupante au Liban, tant par la situation intérieure du pays que du fait de la montée des tensions entre Israël et le Hezbollah. À ce titre, la FINUL, depuis le vote de la résolution 1701 de 2006, patrouille le long de la frontière entre Israël et le Liban, du côté libanais, pour éviter toute confrontation entre Tsahal et les milices du Hezbollah. Nous constatons toutefois que la présence de la FINUL n'empêche pas une montée de la tension de part et d'autre de la frontière. La situation est aujourd'hui critique, entre les tirs de roquettes perpétrés par le Hezbollah et les frappes israéliennes sur le territoire libanais. Afin que la résolution 1701 soit correctement appliquée, ne faudrait-il pas que la mission de la FINUL soit présente des deux côtés de la frontière israélo-libanaise ?
Israël n'acceptera jamais le déploiement d'une force des Nations Unies sur son territoire. Cela représenterait une révolution dans la manière dont les Israéliens pensent leur sécurité. En raison de leur expérience historique, ils estiment en effet que, pour leur sécurité, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Dès lors, s'ils voient l'intérêt de l'ONU en tant que complément dans un certain nombre de situations, il est inenvisageable pour eux que l'ONU limite d'une certaine manière la souveraineté israélienne sur son propre territoire.
Dans le prolongement de cette analyse, comment percevez-vous le problème de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ?
Pendant longtemps, tout en critiquant cette agence, les Israéliens ont considéré que l'UNRWA était une soupape de sécurité utile, parce qu'elle maintient à flot des Palestiniens qui sans elle sombreraient. Les accusations israéliennes n'ont pas encore été confirmées par une enquête indépendante. Puisque l'UNWRA dispose de 30 000 employés locaux à Gaza, il me semble probable qu'une partie significative soit sympathisante du Hamas et plausible qu'une partie de ces derniers ait collaboré avec le Hamas. En revanche, l'UNWRA n'est pas en mesure de les identifier.
L'évolution de la position israélienne sur l'UNWRA est politiquement significative. Si l'UNRWA devait être démolie, il y aurait là un élément de pression supplémentaire pour faire partir les Palestiniens. En conséquence, il existe là une véritable inquiétude, qui pose plus largement la question du lien de l'humanitaire avec le politique : un effort humanitaire qui n'aurait pas de perspective politique a de moins en moins de sens. Désormais, une résolution politique doit voir le jour, malgré les difficultés. La déconnexion entre l'humanitaire et le politique est une illustration de l'affaiblissement politique de l'ONU.
Cette audition arrive à son terme. Tout le monde partage le sentiment que, dans ce monde terriblement complexe et difficile, fragmenté, pétri de contradictions, très peu régulé et très peu autorégulé, la situation est totalement imparfaite.
Face à une situation imparfaite, il nous faut des diplomates parfaits. Quand toutes les solutions sont des impasses, il faut que les démarches soient intelligentes. Au cours de cette audition, vous nous avez montré ce qu'était un diplomate parfait, capable de concevoir des démarches intelligentes. Nous vous en sommes profondément reconnaissants.
La séance est levée à 12 h 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Élisabeth Borne, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Sébastien Delogu, Mme Julie Delpech, M. Pierre-Henri Dumont, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, Mme Maud Gatel, Mme Claire Guichard, M. Michel Guiniot, M. David Habib, M. Benjamin Haddad, Mme Marine Hamelet, M. Éric Husson, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, Mme Nathalie Oziol, M. Jimmy Pahun, M. Bertrand Pancher, M. Didier Parakian, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Béatrice Piron, M. Jean-François Portarrieu, M. Adrien Quatennens, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Olivier Véran, Mme Laurence Vichnievsky, M. Patrick Vignal, M. Lionel Vuibert
Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, M. Nicolas Dupont-Aignan, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, Mme Mathilde Panot, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. - M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Christophe Naegelen, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, M. Jean-Luc Warsmann