Votre question me permet d'évoquer une autre faiblesse de l'ONU, que je n'avais pas mentionnée : l'ONU est une organisation d'États dans un monde où les acteurs non-étatiques jouent un rôle important, certains étant même beaucoup plus puissants que les États. Ainsi, plusieurs entreprises sont plus puissantes qu'une centaine d'États des Nations Unies. À ce titre, l'ONU est confrontée à la difficulté d'intégrer ces acteurs dans la discussion sans en devenir le « faux-nez ». Par exemple, l'entreprise Microsoft a ouvert un bureau situé juste à côté des Nations Unies car elle mesure l'importance de la discussion multilatérale pour la gouvernance de l'économie des données, et donc pour elle-même. Ces entreprises sont dépositaires de connaissances techniques qu'il est nécessaire d'utiliser. Simultanément, certaines peuvent être tentées de manipuler l'ONU.
Vous m'avez également interrogé sur des initiatives spécifiques, à l'instar du Forum de Paris pour la paix. Je suis favorable à la multiplication des lieux de débat mais, en même temps, l'ONU, malgré toutes ses difficultés, reste irremplaçable en raison de sa légitimité : elle repose sur un traité et a une autorité qu'aucun cadre informel ne peut offrir.
L'Union européenne est réellement influente en matière de régulation. En revanche, il n'en va pas de même dans le domaine de la paix et la sécurité. La fragilité des institutions européennes en la matière affaiblit la voix de l'UE. De fait, les crises en cours montrent bien que l'Union européenne n'est pas tout à fait unie. Quand l'UE se met en ordre de bataille, elle est en mesure de peser mais, comme je le faisais remarquer dans mon propos liminaire, son autorité morale s'est néanmoins amoindrie.