Intervention de Jean-Marie Guéhenno

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Marie Guéhenno, professeur à l'Université Columbia, ancien secrétaire général-adjoint de l'ONU en charge du département des opérations de maintien de la paix :

La question des migrations est également au cœur des débats aux États-Unis. Ainsi, la thématique de la frontière avec le Mexique est un enjeu politique, qui a été instrumentalisée par le candidat Trump. Personnellement, j'estime que l'on ne peut ignorer le choc créé par le changement des communautés humaines, au risque d'augmenter le sentiment de frustration des populations. Simultanément, les migrations sont nécessaires, notamment en Europe, compte tenu du vieillissement de la population. Je sors ici de ma zone de compétence mais l'enjeu consiste bien à établir à une gestion organisée des migrations. Je conviens cependant que cette question est éminemment difficile.

Ensuite, le montant de 6 milliards de dollars que vous avez mentionné pour les opérations de maintien de la paix de l'ONU est à la fois élevé et faible. Cette somme est significative lorsqu'elle est comparée à celle consacrée à l'aide au développement ; elle est en revanche de l'ordre du pourboire à la lumière des montants consacrés aux dépenses militaires. Il sera très difficile pour l'Afrique de se stabiliser sans engagement extérieur. Le slogan « Solutions africaine pour les problèmes africains », que j'ai entendu pour la première fois lors d'une réunion de l'Union africaine du temps de Kadhafi en Libye, me semble quelque peu démagogique. Si l'on établit un lien entre les migrations et la stabilisation de l'Afrique, l'Europe devra alors trouver le moyen d'aider les Africains à stabiliser leurs pays. La solution qui consisterait simplement à protéger la forteresse Europe d'une Afrique qui sombrerait dans le chaos ne marcherait pas.

La sortie de crise en Palestine me semble infiniment compliquée, en l'absence pour le moment d'interlocuteurs du côté israélien, comme du côté palestinien. Aujourd'hui, il est à nouveau question de la solution à deux États, qui paraît effectivement comme la moins mauvaise, mais il faut rappeler que tout le monde l'avait abandonnée depuis des années et qu'elle ne recueille pas de majorité, ni chez les Israéliens, ni chez les Palestiniens. Elle implique donc un engagement majeur d'acteurs extérieurs, en particulier des États-Unis, le seul pays qui puisse vraiment faire pression sur Israël. En conséquence, je crains que la situation ne continue de se dégrader, avec les souffrances associées, le maintien des otages en captivité et des bombardements qui se poursuivent à Gaza.

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