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Intervention de Jean-Marie Guéhenno

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Marie Guéhenno, professeur à l'Université Columbia, ancien secrétaire général-adjoint de l'ONU en charge du département des opérations de maintien de la paix :

Cette force interne intérimaire restera au Liban jusqu'à l'avènement d'un État libanais qui fonctionne. J'ai discuté récemment avec Maya Yehya, une Libanaise qui dirige le centre Carnegie de Beyrouth et nous nous accordions pour dire que la FINUL joue un rôle utile au Liban, bien qu'insuffisamment compris. Il s'agit d'abord d'un rôle de liaison, à chaque fois que des incidents interviennent entre Israël et le Hezbollah, afin d'empêcher toute escalade. Cette tâche, peu visible, est pourtant essentielle.

La FINUL exerce également un rôle local, en fournissant des services aux habitants, dont les implications sont politiques. Au fond, la FINUL est devenue une partie de l'équilibre politique du Liban : elle représente une limite à l'emprise totale du Hezbollah sur une partie du Liban, ce qui est apprécié par les Libanais. De son côté, le Hezbollah est conscient que la présence de la FINUL complique une éventuelle action israélienne contre le Liban. Ainsi, en 2006, lors de la dernière guerre du Liban, les Israéliens auraient vraiment souhaité que la FINUL quitte le territoire mais Kofi Annan et moi-même pensions qu'il s'agissait là d'une très mauvaise idée. De fait, la FINUL a joué un rôle dans la cessation des hostilités.

La FINUL représente donc un élément de la stabilité du pays et reste plus que jamais nécessaire en ce moment. Simultanément, il ne faut pas lui demander ce qu'elle ne peut pas offrir. Quand en 2006 se négociait la résolution 1706 qui a finalement mis fin aux hostilités, les Israéliens demandaient que la FINUL désarme le Hezbollah dans sa zone de déploiement. Je leur ai fait observer que s'ils n'avaient pas eux-mêmes réussi à désarmer le Hezbollah, il était illusoire que l'ONU puisse y parvenir. L'équilibre est précaire : la FINUL gêne le Hezbollah mais elle ne peut pas non plus aller trop loin. Par exemple, il est déjà arrivé que le Hezbollah tue des membres de la FINUL, en l'occurrence des soldats espagnols. À l'image du Liban, se déploie ici un jeu ambigu, qui évite la catastrophe sans apporter la solution.

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