La réunion

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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)

La commission auditionne Mme Rachida Dati, ministre de la Culture.

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Madame la ministre Rachida Dati, nous sommes ravis de vous accueillir au sein de notre commission pour votre première audition et d'avoir ainsi l'occasion de connaître les grandes orientations que vous envisagez dans des domaines aussi divers que le patrimoine, l'audiovisuel, le spectacle vivant ou les pratiques amateurs.

Dans vos différents discours, vous insistez beaucoup sur l'idée de la culture comme facteur d'émancipation et sur la nécessité de la rendre accessible à tous, dans tous les territoires – vous avez notamment lancé le Printemps de la ruralité. Nous sommes particulièrement sensibles à cette question, qui était au cœur de l'avis budgétaire de Mme Emmanuelle Anthoine en 2022. Par quelles actions entendez-vous favoriser une meilleure diffusion de la culture auprès de tous nos concitoyens ?

Lors de votre audition au Sénat la semaine dernière, vous vous êtes prononcée en faveur d'une réforme de l'audiovisuel public. Notre commission a mené l'an dernier une importante mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, dont Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon étaient respectivement le président et le rapporteur. Parmi les pistes de réformes structurelles qu'elle a proposées, quelles sont celles qui auraient la préférence du Gouvernement ?

À la suite de leurs travaux, M. Bataillon et M. Gaultier ont déposé une proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Elle vise à adapter la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) afin de pérenniser l'affectation aux organismes de l'audiovisuel public d'une part de TVA et de créer une modalité de financement particulière pour Arte, compte tenu des spécificités de cette chaîne créée par un traité international. Le Gouvernement confirme-t-il travailler à une telle sanctuarisation de la part de TVA attribuée à l'audiovisuel public ? Quelles seront les conséquences sur le calendrier des contrats d'objectifs et de moyens (COM) des différentes entités concernées ?

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Rachida Dati, ministre de la Culture

Je suis très honorée de venir m'exprimer devant votre commission.

En arrivant au ministère de la culture, j'ai indiqué que ma priorité serait de faire de l'accès à la culture une réalité pour tous les Français, sur l'ensemble du territoire national. Cet accès, j'entends le décliner de plusieurs façons : par l'audiovisuel public, qui est un vecteur majeur de l'accessibilité de la culture pour tous et partout ; par l'ouverture à tous des métiers de la culture ; par le soutien, face aux bouleversements technologiques, économiques ou géopolitiques, des acteurs culturels qui sont frappés de plein fouet ainsi que des Français dans leur besoin de culture.

L'audiovisuel public est le premier chantier prioritaire. Nous avons commencé à y travailler avec certains d'entre vous ainsi qu'avec les sénateurs. C'est le bon moment – d'ailleurs, si nous avons avancé aussi rapidement, c'est que vous être nombreux à être d'accord avec moi. Le diagnostic est en effet connu de tous : une concurrence toujours plus forte, l'évolution des publics et des pratiques et, surtout, la dégradation globale de notre espace public médiatique.

L'audiovisuel public a un rôle clef pour maintenir un espace médiatique de qualité, caractérisé par une information fiable et une valeur ajoutée culturelle. Nous y tenons tous – les Français y tiennent –, car nous savons ce que nous lui devons. Si nous ne le réformons pas, nous prenons le risque de l'affaiblir, et même de le voir disparaître. La démocratie y perdrait beaucoup ; nous ne pouvons donc pas nous y résoudre.

Je veux un audiovisuel public fort, qui soit un véritable service public accessible à 100 % des Français, sur tout le territoire ; un audiovisuel public qui garantisse le pluralisme, la fiabilité de l'information, et qui soit au cœur du financement de la création. Pour cela, il faut rassembler ses forces, en avançant sur deux jambes : la nécessaire pérennisation de son financement et l'évolution de sa gouvernance.

L'accès à la culture sur tout le territoire est le deuxième chantier prioritaire.

C'est un enjeu évident pour les 22 millions de Français qui vivent dans le monde rural. S'ils bénéficient d'une offre culturelle de proximité généralement très riche et de grande qualité, celle-ci passe souvent sous les radars, car insuffisamment accompagnée, voire enclavée. J'ai lancé le Printemps de la ruralité à leur intention, pour reconnaître leurs initiatives et faciliter leur vie culturelle. Les milliers de contributions recueillies sur la plateforme dédiée montrent combien une telle démarche était attendue. Citoyens, élus, associations ou encore acteurs culturels, tous se disent fiers de leur patrimoine de proximité, du réseau de bibliothèques, des salles de spectacle et de cinéma, mais ils se plaignent aussi des difficultés d'accès, du sentiment d'être ignorés ou, plus souvent, mal accompagnés. Nous continuerons d'analyser les contributions pour avancer dans la construction de réponses adaptées, à même de rapprocher ces Français de l'offre culturelle.

Dans d'autres territoires, des Français vivent au milieu d'une offre culturelle très dense, mais considèrent qu'elle n'est pas faite pour eux. C'est un autre éloignement, non pas géographique mais social, pour ne pas dire mental. Pour lutter contre ce sentiment du « ce n'est pas pour moi », nous disposons d'un outil formidable, conçu précisément pour agir sur la demande culturelle : le pass culture.

Tel qu'il est mis en œuvre, pourtant, ce pass culture m'inspire quelques réserves. Il ne remplit pas tout à fait son rôle en ce qu'il reproduit souvent les inégalités culturelles et sociales, du point de vue de l'accès à la culture comme de la diversification des pratiques culturelles. Malgré de bons chiffres, j'ai constaté qu'en certains endroits, le pass n'est pas aussi accessible aux jeunes que l'on vise. Je souhaite donc réformer, pour l'utiliser à plein, cet outil d'ouverture et d'accès à la culture. Il doit être au service, non de la reproduction sociale, mais de la démocratie culturelle.

Je souhaite travailler avec Nicole Belloubet sur la part collective, qui concerne essentiellement l'éducation nationale, pour l'élargir aux apprentis et aux jeunes en établissement médicosocial. S'agissant de la part individuelle, 20 % des jeunes de 18 à 20 ans ne l'utiliseraient pas. Reste à savoir si nous atteignons nos objectifs auprès des 80 % qui s'en servent. Lorsque j'entends sur France Culture trois jeunes de Clichy dire qu'ils ont vécu une expérience traumatisante en allant au théâtre à Paris et qu'ils n'y retourneront pas, je considère qu'il y a un problème. Nous devons également nous assurer de l'accessibilité du pass et d'une offre culturelle à la hauteur pour les jeunes en situation de handicap.

Je souhaite enfin ouvrir la part collective du pass culture aux fédérations d'éducation populaire. J'ai rencontré récemment les acteurs de l'éducation populaire, qui m'ont dit n'avoir pas été reçus au ministère de la culture depuis plus de trente ans, sinon quarante. Ils ne sont même pas reconnus comme partenaires de l'action culturelle ; j'en suis très étonnée. Je propose que les fédérations soient considérées comme des acteurs culturels à part entière et puissent faire référencer systématiquement leurs offres sur le pass. Elles devraient pouvoir, sur le modèle de l'éducation nationale, accompagner vers la culture des jeunes en décrochage scolaire ou en réinsertion, par le biais du pass culture. Nous travaillons à mettre en place un fonds de dotation privé qui aiderait à financer cette part collective élargie, pour favoriser des projets au service de la cohésion sociale.

L'intelligence artificielle (IA) est un autre chantier majeur parce qu'elle implique d'énormes bouleversements pour la culture et nos créateurs. Ma première exigence est le respect du droit d'auteur, que je défends à rebours des positions différentes ont pu être exprimées par le passé. Qu'il soit noyé par l'intelligence artificielle n'est pas une raison pour ne pas le rémunérer. C'est non négociable. Le droit d'auteur est un acquis vieux de deux cents ans, qui a résisté à toutes les précédentes révolutions technologiques et qui fait partie de notre exception culturelle française. Il doit être préservé et ceux qui souhaitent l'affaiblir nous trouveront sur leur chemin. La reconnaissance récente au niveau européen d'un principe de transparence est une avancée, car la transparence est la condition de la juste rémunération ; j'ai chargé une instance de travailler sur ce double enjeu.

S'agissant de l'IA, ma seconde exigence est la fiabilité de l'information. Il y a un déficit de confiance des Français dans l'information délivrée par les médias, ce qui est extrêmement dangereux – on le vit tous les jours. Il faut redonner confiance, en tenant compte de ce nouveau contexte marqué par l'intelligence artificielle. Les processus de vérification et l'éthique de travail des médias traditionnels leur confèrent un avantage comparatif irréfutable. Nous aurons une telle exigence dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public. Il faut valoriser ce travail éditorial, par exemple par un système de certification des modalités de production de l'information – la question se posera également pour les plateformes.

Autre sujet, l'enseignement supérieur Culture est un réseau qui regroupe quatre-vingt-dix-neuf établissements sous tutelle du ministère de la culture, dont quarante-cinq écoles d'art et de design. L'offre de formation est une jungle. Le ministère ne comporte pas de direction unique de l'enseignement et de la formation, dont le pilotage est éclaté dans différentes directions. Il est donc compliqué de conduire, comme je le souhaite, une politique identique pour tout le monde, qu'il s'agisse d'accéder à la culture ou à ses métiers. Par ailleurs, certains établissements, en particulier les écoles territoriales, se trouvent en situation de crise, malgré l'engagement confirmé de l'État et de certaines collectivités à leurs côtés. C'est un sujet complexe, car chaque école a des problématiques spécifiques.

Nous sommes en train d'élaborer une cartographie précise afin de proposer une stratégie à la fois cohérente et ambitieuse pour l'enseignement supérieur. La politique des bouts de ficelle doit cesser, car elle ne résout aucun problème de fond ; c'est de l'argent public très mal dépensé. Je souhaiterais des écoles performantes, qui offrent les mêmes chances de réussite et la même ouverture à tous. S'il faut fermer certaines écoles qui n'ont plus les moyens de fournir un cadre de qualité, nous l'envisagerons ; des instances d'évaluation sont prévues pour cela, le ministre n'en décide pas seul. Le cabinet a reçu les responsables associatifs et reçoit actuellement les syndicats, après quoi nous proposerons un plan global. Les collectivités devront prendre leur part de responsabilité – nous souhaiterions notamment développer l'alternance et l'apprentissage dans les écoles territoriales, mais nous n'avons pas la main.

Encore une fois, j'ai la conviction profonde que l'apprentissage et l'alternance doivent concerner les établissements sous tutelle du ministère de la culture. En septembre 2024, tous en proposeront. Seront aussi concernés les jeunes apprentis qu'emploient le ministère et ses opérateurs, ainsi que toute la filière des métiers d'art. Mon objectif est clairement de développer l'apprentissage pour en faire un mode de formation bien plus fréquent dans la culture et les métiers d'art. Tel n'est pas encore le cas, et j'ai d'ailleurs été très frappée que l'accès à cette matière très ouverte soit si fermé. La démocratie culturelle consiste non seulement à garantir l'accès à l'offre culturelle, mais aussi à élargir l'accès aux métiers de la culture.

Ce serait aussi très favorable à la transmission de nos savoir-faire. J'ai évoqué avec Laurence des Cars, sa présidente, les spécialités très pointues auxquelles fait appel le musée du Louvre. C'est tout un art que de fabriquer un socle de présentation ou un meuble destiné à mettre en valeur une œuvre, et l'ébéniste ou le métallier qui en détient le savoir-faire doit pouvoir le transmettre pour qu'il ne se perde pas. Or l'apprentissage et l'alternance n'existent pas : nous souhaitons les introduire chez tous les opérateurs publics.

Les directions régionales des affaires culturelles (Drac) constituent un sujet sensible. Pour moi, c'est clair, elles sont l'action culturelle de proximité du ministère de la culture et, à ce titre, les partenaires des élus locaux et des collectivités territoriales, pas des concurrents. Elles doivent être à leurs côtés, pour les soutenir, et non repliées sur le ministère.

Les élus ruraux demandent à être accompagnés en matière d'ingénierie culturelle – j'ai quelques idées sur ce point, que j'annoncerai prochainement, après qu'elles auront été testées. Je ne me résous pas à ce que des élus qui organisent tous les ans des festivals, des événements ou une scène musicale très attractifs soient contraints de faire du bricolage. Je voudrais pérenniser cet accompagnement pour apporter plus de confort à l'organisation de ces festivals : lorsque l'on est soi-même précaire, on ne peut pas aider ceux qui sont dans la précarité.

La culture est une promesse d'épanouissement et d'émancipation – ce n'est pas un hasard si j'en suis la ministre. Dans la mesure où elle recouvre des enjeux d'éducation, d'intégration et d'unité pour tous les Français, elle nous concerne tous.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Dès votre nomination, vous avez fait de la culture pour tous une priorité ; le groupe Renaissance se réjouit de cette volonté réaffirmée de démocratiser la culture. L'accès à la culture pour tous et la reconnaissance de la culture de tous sont des sujets d'espace public : espace physique – dans la rue, en ville, dans les maisons des jeunes et de la culture (MJC) ou dans le monde rural, où vous avez lancé le Printemps de la ruralité –, mais aussi numérique. Dans ce vaste territoire, entre écrans, données, contenus variés et expériences immersives, l'audiovisuel public joue un rôle décisif, aussi bien pour le dynamisme du secteur économique que pour la vie quotidienne des Français. L'audiovisuel est en effet la première source d'information dans notre pays, d'après une récente étude de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sur les Français et l'information.

Vous avez annoncé, la semaine dernière, une réforme structurante du financement et de la gouvernance de l'audiovisuel public. Elle vise à assurer à toutes et tous une offre culturelle et informationnelle de qualité, adaptée aux usages contemporains. Pourriez-vous préciser les pistes de financement et de gouvernance qui sont envisagées ?

L'espace public numérique est percuté par le développement fulgurant de l'intelligence artificielle. Comment en faire une opportunité pour la création et la diffusion de la culture ? Comment éviter de déstabiliser le système de répartition de la valeur, au détriment des artistes et des créateurs ? Un premier encadrement contraignant a vu le jour la semaine dernière, avec l'adoption par le Parlement européen du règlement établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle. Parallèlement, la culture est directement concernée par certaines des vingt-cinq recommandations émises par le comité de l'intelligence artificielle générative, instauré en septembre 2023 afin de faire de la France un pays à la pointe de cette révolution technologique. Vous avez rappelé votre attachement à la transparence et à la juste rémunération. Comment comptez-vous y œuvrer à nos côtés ? Comment permettre une meilleure appropriation des nouvelles technologies par les créateurs comme par les publics, afin de faire en sorte que la culture soit réellement pour tous ?

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Il n'a échappé à personne que le tribunal des petits Torquemada qu'est la commission d'enquête LFI – le cirque Boyard qui a finalement fait pschitt –, vise à priver d'antenne les chaînes CNews et C8 – ce dont, d'ailleurs, votre prédécesseure les avait clairement menacées. Alors que l'offre médiatique française n'a jamais été aussi riche et variée, on reproche à la seule CNews d'offenser le pluralisme – c'est que la gauche et l'extrême gauche ne supportent pas de voir leur monopole intellectuel disparaître et les Français s'en affranchir un peu plus chaque jour.

Le très partisan dirigeant des états généraux de l'information (EGI), Christophe Deloire, selon qui « là où Bolloré passe, le journalisme trépasse », a demandé la tête de Bolloré à l'Arcom puis au Conseil d'État. Tout le reste n'est que littérature.

Je sais, madame la ministre, que vous n'êtes pas dupe de tout cela. Vous qui avez récemment appelé l'audiovisuel public à être le reflet de la diversité des opinions, vous savez bien que tel n'est pas le cas. Si les règles du contrôle de la couleur politique des invités, des éditorialistes et des animateurs changent, elles doivent changer pour tout le monde.

Est-ce que l'émission « Quotidien » sera contrainte d'inviter Marine Le Pen, alors que son animateur se vante ouvertement de ne jamais le faire, s'attirant les félicitations d'Olivier Véran ? Les chroniques de Jean-Michel Aphatie seront-elles décomptées ? Quid de Demorand, qui vient de Libération ? Ou de Léa Salamé, qui ne s'est pas retirée de l'antenne de France Inter alors qu'elle est mariée au candidat socialiste Raphaël Glucksmann ? Sur le service public, tout est normal ! Qu'en est-il, encore, de Pierre Haski, qui siège au conseil d'administration de Reporters sans frontières, éditorialiste sur France Inter ? Les exemples sont légion.

Vous vous êtes peu, voire pas du tout, prononcée sur ce sujet. Que vous inspire la tentative de priver d'antenne les chaînes CNews et C8 ?

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Peut-être pourrez-vous répondre au ras-le-bol qui s'exprime dans le monde de la culture, y compris dans la rue, de manière plus précise qu'en transformant le chien de Gabriel Attal en kebab. Cette charmante bête n'est pas responsable des vilaines morsures de son maître dans le budget de la culture.

Ras-le-bol, d'abord, de la culture du viol. Derrière Judith Godrèche, Adèle Haenel, Anna Mouglalis, ce sont des milliers de comédiennes, de techniciennes, de maquilleuses et de costumières qui sont en danger. Vous ne pouvez pas vous contenter de leur répondre que Gérard Depardieu est un grand acteur victime des censures du wokisme, ni compter sur Dominique Boutonnat, inculpé pour agression sexuelle et tentative de viol, pour éradiquer les violences avec des formations. Soutenez-vous les demandes de Judith Godrèche de le suspendre et de lancer une commission d'enquête ?

Ras-le-bol, aussi, d'un budget d'austérité imposé par 49.3, effaçant les quelques victoires arrachées pour les scènes de musiques actuelles (Smac), les festivals, les collectivités, et même les MJC. Un budget que vous n'aurez pas réussi à sauver des coups de rabot décrétés par Bruno Le Maire : 96 millions d'euros volés à la création artistique, pendant que le pass culture continue de gaver les industries, elles-mêmes dévorées par Bolloré.

Cette attaque sans précédent poursuit l'assèchement dû à la marchandisation de la culture, au détriment de sa démocratisation. Loin de l'objectif d'un service public de la culture divers et accessible à tous, que vous prônez, les structures se retrouvent à augmenter les tarifs tout en comprimant la masse salariale et leurs marges artistiques. La formation n'est pas épargnée puisque, vous l'avez dit, les écoles d'art sont à bout de souffle. Face aux alertes, votre réponse ne saurait se limiter à opposer les différentes cultures et les différentes structures, en occultant l'enjeu du financement des collectivités territoriales.

Enfin, derrière le plan « Mieux produire, mieux diffuser », un plan social est en cours : des milliers d'emplois sont menacés ; des milliers d'artistes ne pourront pas émerger ; des intermittents du spectacle se demandent ce qu'il en est de l'accord Unedic et de ce qu'il en sera de leur sort pendant les Jeux olympiques ; des artistes auteurs réclament, face aux réformes du revenu de solidarité active (RSA), d'être protégés, notamment par un revenu de remplacement, comme nous l'avons proposé dans une proposition de loi transpartisane.

Sur tous ces sujets, quelle réponse avez-vous à apporter, autre que les kebabs ?

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Crise sanitaire, crise énergétique et inflationniste, Jeux olympiques et paralympiques (JOP), intelligence artificielle, la valse des difficultés donne le tournis au secteur culturel. Comme si cela ne suffisait pas, plus de 200 millions d'euros prévus initialement en loi de finances ont été rabotés au sein de la mission Culture, entraînant notamment une chute de 9,2 % pour le programme Création. Les budgets, qui devaient être en hausse par rapport à 2023, sont finalement en baisse. Si l'opération venait à se reproduire, nous pourrions douter de la sincérité des hausses de budget claironnées lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF).

Nous avions adopté à l'unanimité un amendement tendant à augmenter le budget des Smac : 3,68 millions d'euros supplémentaires devaient leur parvenir. Or elles n'ont reçu aucune notification de ce financement. Elles doivent pourtant prendre des décisions de gestion urgentes, eu égard à la situation de déficit dans laquelle la plupart se trouvent. Qu'advient-il du budget des Smac à la suite du coup de rabot ? Quand connaîtront-elles les financements qui leur parviendront pour 2024 ?

Vos premières déclarations plaidaient en faveur de la culture pour tous. Vous affirmiez vouloir relancer les conservatoires municipaux, accessibles à tous, les théâtres pour les jeunes et les MJC. Dans le cadre de mes rapports pour avis sur la mission Culture, j'avais mis en avant la nécessité de renforcer nos politiques culturelles en direction des territoires et de la jeunesse. Je me réjouis donc de vos annonces. Comment entendez-vous mettre en œuvre ce mantra ?

Notre exception culturelle française est une force, mais elle peut être source de difficultés dans son déploiement concret. Les contraintes de l'archéologie préventive peuvent ainsi représenter une véritable entrave aux projets menés dans les territoires. Une solution pourrait être de faire évoluer les relations entre les Drac et les porteurs de projet en passant de la prescription à l'accompagnement. Je vous propose de travailler ensemble sur ce sujet.

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L'audiovisuel public et l'accès à la culture en ruralité, les deux priorités que vous avez fixées depuis votre prise de fonction, sont au cœur de mon engagement, tant au sein de mon groupe à l'Assemblée nationale que dans ma circonscription du Lauragais. Ces deux sujets sont plus connectés qu'on le croit : en ruralité, la télévision représente souvent le premier moyen d'accès à la culture.

La question des médias est au centre de l'actualité, avec, d'abord, la réforme de l'audiovisuel public. Au groupe Démocrate, nous vous savons très attachée à un secteur public de l'information de qualité. Pour la première fois depuis longtemps, la trajectoire financière de moyen terme est en hausse, avec plus de 250 millions d'euros à l'horizon 2028 ; c'est un choix politique nécessaire, que la majorité a décidé de soutenir. Pouvez-vous nous confirmer que celle-ci sera bien maintenue, de même que le financement par une fraction de TVA ?

Le second sujet d'actualité, ce sont les états généraux de l'information, qui sont une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Lancés en 2023, ils doivent aboutir, d'ici au mois de juillet, à des propositions visant à assurer la pérennité de notre système médiatique. Les attentes sont très fortes en matière de déontologie, de concentration et d'ingérences. Les sujets sont nombreux, les envies de prendre part au débat, pléthoriques.

Plusieurs membres de la majorité ont créé le groupe de travail « Médias et information majorité présidentielle » (Mimp), que j'ai l'honneur de coprésider avec nos collègues Violette Spillebout et Jérémie Patrier-Leitus. Au niveau local, j'ai organisé début mars un événement à ce sujet, qui a attiré plus d'une centaine de personnes. Les citoyens ont envie de prendre part au débat. Compte tenu de ces attentes, pouvez-vous confirmer qu'un grand soir législatif sur les droits de la presse et des médias est nécessaire ?

J'ai déposé en début d'année un texte visant à renforcer l'effectivité des droits voisins de la presse. Il est soutenu, de façon transpartisane, par la majorité et sans doute au moins quatre groupes de l'opposition. Sur ce sujet majeur, dans quelle direction souhaitez-vous avancer pour que les entreprises du numérique jouent le jeu de la négociation ?

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Le 12 mars dernier, vous déclariez au Sénat vouloir une réforme de l'audiovisuel public avant l'été.

Sur le sujet de la gouvernance unique et de la fusion potentielle de Radio France et de France Télévisions, je souhaite vous sensibiliser au fait que les services fonctionnent bien et qu'une refonte massive dépourvue de réelle plus-value risque d'affaiblir nos médias et d'ajouter de la complexité bureaucratique ou des rivalités entre rédactions, dans le cadre d'une direction financière commune par exemple.

La mutualisation fait toujours craindre une recherche d'économies futures au détriment de l'accès à une information de qualité. Ces risques sont synonymes de perte d'efficacité et de puissance pour notre audiovisuel public. Quel regard portez-vous sur les craintes exprimées par les acteurs ?

Sur le sujet de la sanctuarisation du financement de l'audiovisuel public, celle-ci est indispensable en raison de la suppression hâtive et non préparée de la redevance audiovisuelle. Pouvez-vous prendre l'engagement que cette réforme aboutira cette année ? On connaît les difficultés rencontrées par votre prédécesseure dans la négociation d'une telle réforme. Avez-vous obtenu les arbitrages nécessaires ? Nous prônions pour notre part le passage à une contribution à l'audiovisuel public universelle et progressive, sur le modèle nordique. Je rappelle en effet que la redevance audiovisuelle a été remplacée par une fraction de la TVA, payée elle aussi par les Français.

L'accès à la culture en zone rurale est une question d'égalité entre tous les habitants, en particulier ceux des territoires ruraux, moins touchés par les politiques culturelles de notre pays. Il passe par le nécessaire soutien aux initiatives locales. Je pense en particulier à ces centres d'art expérimental, à ces tiers lieux et à ces associations locales, qui naissent et se développent dans des zones à l'offre culturelle très limitée, tels que Lacaze aux Sottises à Orion, village de 150 habitants de ma circonscription, ou l'Espace Jéliote à Oloron, récemment labellisé Centre national de la marionnette. Vous y êtes d'ailleurs la bienvenue.

Ce sont des acteurs qu'il faut encourager, car ils contribuent à rapprocher les habitants et à renforcer l'attractivité locale. Il faut soutenir ces projets, qui occupent une place importante dans la vie des familles en zone rurale. Quelle sera votre feuille de route sur ce point ? Les moyens nécessaires seront-ils alloués ?

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Nous pouvons tous reconnaître, me semble-t-il, votre combativité et votre attachement à l'accès de tous à la culture. Vous me permettrez également de saluer l'engagement de votre prédécesseure, Rima Abdul-Malak, qui a porté avec force la politique culturelle de notre pays pendant près de deux ans.

À l'heure où les menaces pesant sur notre modèle culturel sont nombreuses et les mutations vertigineuses, notre pays doit avoir un ministère de la culture de combat. Pour ma part, je me réjouis des priorités que vous avez rappelées. En tant qu'administrateur de Radio France, je partage votre ambition d'un audiovisuel public fort et puissant, capable de faire face à la guerre de l'information et à la concurrence des plateformes étrangères. Plusieurs options sont sur la table en matière de gouvernance – holding ou présidence commune – et de financement. Laquelle a votre préférence ? Les sénateurs n'ont pas obtenu de scoop de votre part, mais je ne doute pas que vous réservez votre réponse aux députés !

Élu d'un territoire rural, je partage votre volonté de porter une politique culturelle ambitieuse pour les territoires ruraux, dont je salue les acteurs locaux, les festivals et les fanfares. Le Printemps de la ruralité permet de fédérer les acteurs et d'esquisser des propositions concrètes. Renforcer la culture dans les territoires ruraux nécessite de répondre à deux défis majeurs : l'ingénierie et l'accompagnement des élus locaux ; les mobilités, qui excluent de fait de nombreux habitants de la politique culturelle. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour traiter ces deux enjeux ? Que pensez-vous notamment des Micro-Folies ?

S'agissant du patrimoine, sa richesse et sa diversité façonnent nos paysages et contribuent à l'identité de notre pays. Malgré des budgets de l'État significatifs, il souffre. Sera-t-il une priorité de votre action ? Je pense aux soixante-sept cathédrales qui ne sont pas propriété de l'État. Ces lieux, qui sont au cœur de notre histoire, représentent pour les communes qui en ont la charge un coût important.

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Vous dites de l'audiovisuel public qu'il est votre premier chantier. Vous tenez une forme de discours alarmiste appelant au sursaut pour éviter le déclin, voire le risque de disparition. Le risque que nous sommes nombreux à identifier pour le service public, c'est la disparition de la redevance audiovisuelle. Ce mode de financement en garantissait l'indépendance. Nous entendons beaucoup parler d'une modification de la Lolf, mais nous ne la voyons pas venir.

Ce qui fragilise le service public de l'audiovisuel, ce n'est pas son mode de fonctionnement, mais les coupes budgétaires, qui ont été nombreuses et répétées, hormis dans le dernier budget, jusqu'à la récente réduction budgétaire dans le cadre de la grande coupe qui a eu lieu il y a quelques jours. Il s'agit désormais de nous donner des garanties que le financement de l'audiovisuel public sera stabilisé à nouveau. C'est une urgence. Vous parlez de BBC à la française, mais la BBC a un revenu annuel de 5,5 milliards d'euros, soutenu par une redevance garantie dix ans. Chiche !

S'agissant du pass culture, la critique que vous lui adressez a toujours été la nôtre ; un chèque, qui n'est qu'un appel à la consommation culturelle, ne résout en rien les problèmes d'inégalité d'accès à la culture. Je m'interroge sérieusement sur les réformes que vous envisagez. En tout état de cause, cette politique de consommation n'a jamais été, pour nous, une politique culturelle à la hauteur des enjeux de la lutte contre les inégalités d'accès à la culture.

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Alors même que Mme Rima Abdul-Malak, avait annoncé un budget de la culture en hausse de 6 %, les annonces de Bruno Le Maire ont porté un sérieux coup de rabot aux moyens du ministère. Nous nous inquiétons de la baisse infligée au programme Patrimoines, dont les crédits sont amputés de 100 millions.

Il existe pourtant, sur tout notre territoire, un patrimoine vernaculaire que les municipalités n'ont pas les moyens de restaurer ou d'entretenir. Pour rénover notre patrimoine commun, l'État choisit, depuis plusieurs années, de s'appuyer sur des acteurs privés plutôt que sur des fonds publics, en recourant notamment à des mécènes ou à des allégements d'impôts. La récente coupe budgétaire jette à nouveau le doute sur l'engagement financier de l'État dans ce domaine.

Le programme Création est à peine moins touché. Or sans création, il n'y a pas d'œuvres artistiques. Notre collègue Pierre Dharréville a déposé une proposition de loi visant à créer un revenu de remplacement pour les artistes-auteurs temporairement privés de ressources. Concrètement, il faudra justifier d'un seuil minimum de revenu d'activité au cours des douze mois précédents pour percevoir cette allocation de substitution. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

Enfin, j'appelle votre attention sur la situation du président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), M. Boutonnat. Il est mis en cause par son filleul pour des faits d'agression sexuelle et de tentative de viol, soit des faits d'une extrême gravité. Pour justifier son maintien en poste, vous avez dit ne pas vouloir vous asseoir sur la présomption d'innocence. Cela se comprend, mais il faudrait également veiller à ne pas donner le sentiment de s'asseoir sur la parole des victimes. C'est pourquoi nous sommes plusieurs députés à demander sa suspension à titre conservatoire.

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Les personnes empêchées de lire sont près de 820 000 en France. Pour combattre et réduire l'inégalité profonde d'accès à la lecture, nous avons transposé dans notre droit la directive européenne relative aux exigences en matière d'accessibilité applicables aux produits et services, qui entrera en vigueur en juin 2025. Elle permettra d'augmenter significativement le nombre de livres numériques en circulation.

Elle obligera les acteurs de la filière à des changements en profondeur. L'étude sur le livre numérique accessible publiée sur le site du ministère de la culture en mars 2022 annonce aussi des effets potentiels sur la diversité de l'offre de livres numériques et des acteurs. Le Gouvernement a ouvert le site internet Livre numérique accessible 2025 (Lina2025). Destiné aux acteurs du livre numérique, il rassemble les connaissances et outils nécessaires à une bonne adaptation. Le Gouvernement envisage-t-il d'autres actions pour les accompagner ?

Sur le sujet précis de l'accessibilité à la culture pour tous dans les bibliothèques, en 2021, j'avais appelé le ministère à aider les bibliothèques, aux côtés des collectivités territoriales, pour rendre leurs collections accessibles à tous. J'en exprime à nouveau le souhait, au bénéfice notamment de l'accessibilité des personnes malvoyantes aux livres transcrits en braille et des personnes dyslexiques, notamment des enfants.

Je vous sais attachée au patrimoine et à l'accès à la culture dans nos territoires. Les petites communes ont de vraies difficultés pour entretenir et valoriser leur patrimoine architectural, donc notre patrimoine à tous. La baisse des moyens des communes tend à appauvrir leurs services culturels. Les baisses de subventions des collectivités territoriales ont de lourdes conséquences sur les budgets des structures culturelles et artistiques. Quant aux financements culturels de l'État, ils semblent largement ciblés vers les structures labellisées et peu vers les établissements publics municipaux. Comment remédier à ces difficultés à l'heure où le Gouvernement demande des économies dans tous les secteurs ?

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Madame la Ministre, je vous donne la parole pour cinq minutes, car nous devrons ensuite nous rendre dans l'hémicycle pour un vote solennel.

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Rachida Dati, ministre

Je vous remercie de vos questions, dont certaines n'ont pas été purgées avant mon arrivée. Je dirai toujours ce que je pense, de façon claire et directe. Je considère que ce ministère mérite mieux que des envolées lyriques ou des polémiques stériles.

Madame Parmentier, si je ne me suis pas exprimée sur la décision du Conseil d'État du 13 février dernier, c'est pour ne pas m'inscrire dans un flot de commentaires dépourvus de sens à mes yeux, préférant aborder le sujet devant vous.

Sur l'audiovisuel public, vous êtes plusieurs, surtout à ma gauche, à vous demander s'il y a urgence à le réformer, voire si sa réforme s'impose, en disant qu'en fin de compte il fonctionne bien. Tel n'est pas mon avis. Nous y consacrons chaque année près de 4,5 milliards d'euros et tout le monde s'en plaint. Un signe ne trompe pas : ses dirigeantes elles-mêmes appellent sa réforme de leurs vœux. Il faut donc en débattre. Il est nécessaire d'élaborer la réforme de l'audiovisuel public dès cette année, pour la mettre en œuvre au 1er janvier 2025. Telle est notre responsabilité collective.

Dire que l'audiovisuel public peut faiblir, voire disparaître n'a rien d'alarmiste. Chacun peut imaginer ce que cela signifie pour une part de la population : un accès à rien d'autre que ce qu'il y a de moins bon, voire ce qu'il y a de pire. Si on veut préserver l'audiovisuel public, il faut le réformer. Il faut en changer la gouvernance et en sanctuariser le financement. Une gouvernance unique s'impose. Il faut rassembler ses forces pour le rendre plus puissant. La dispersion actuelle des moyens et des forces suscite des observations, voire des critiques.

L'audiovisuel public doit rester puissant. Il doit aussi respecter le pluralisme. La décision de l'Arcom s'applique aussi à l'audiovisuel public. Quant à son financement, il doit être sanctuarisé, sous peine de devenir une variable d'ajustement. Ai-je obtenu sa sanctuarisation ? Pas encore, mais il s'agit d'un combat politique. J'ai besoin de vous entendre. J'ai besoin de rencontrer les acteurs concernés et les parlementaires pour confirmer la nécessité de cette sanctuarisation et y veiller.

Je mènerai avec vous la réforme de l'audiovisuel public. Nous ne pouvons pas nous en tenir à ce qui est, d'autant que le renouvellement de ses instances et de celles de l'Arcom, qui n'est pas une petite mission, approche. L'objectif politique de la réforme de l'audiovisuel public est d'ordre démocratique. Il s'agit d'assurer la cohésion de notre société et l'accès à la culture dans toutes ses formes. La culture, pour moi, n'est pas que du loisir. Elle constitue un enjeu civique fondamental.

Sur l'intelligence artificielle, mes positions sont les suivantes : transparence, régulation et juste rémunération. Je suis ravie que les dispositions adoptées à l'échelon européen les confortent. Je saisirai le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) de ces questions. Nous y travaillerons ensemble.

La réunion est suspendue de dix-sept heures vingt à dix-sept heures trente-cinq.

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Rachida Dati, ministre

Le budget de la culture, je tiens à le rappeler, a augmenté de 1 milliard d'euros depuis 2019, et ce par la volonté du Président de la République. Nous avons évoqué ces sujets en détail. Qu'il soit nécessaire de mettre le paquet sur la culture, notamment pour la rendre accessible au plus grand nombre, est pour lui une conviction profonde.

S'agissant de la réduction du budget de 200 millions d'euros, j'ai réduit la facture, pour ainsi dire, des deux tiers, en utilisant les réserves de précaution, destinées à être utilisées si des circonstances particulières surviennent. J'en ai fait bénéficier les domaines prioritaires, notamment la création. Pour le spectacle vivant, notamment en région, pas 1 euro de moins ! Pour les Smac, pas 1 euro de moins non plus ! Sur les priorités que je me suis fixées, il n'y aura pas 1 euro de moins.

Le soutien au livre et au spectacle vivant, notamment dans les territoires, sera maintenu. Je ne peux pas à la fois déplorer que 22 millions de Français soient souvent les parents pauvres de la culture et faire un coup de rabot les concernant. Ils en seront préservés. À l'issue du Printemps de la ruralité, je ferai des annonces – les consultations ont été denses et les propositions sont intéressantes.

S'agissant de la décision du Conseil d'État, je n'ai pas à prendre position sur le requérant, ni sur le fait qu'il est à la fois président des EGI et de RSF. La décision, si vous la lisez attentivement, se contente de dire : pluralisme pour tout le monde sous la surveillance du régulateur. Celui-ci – l'Arcom – a répondu : nous ferons le nécessaire pour y veiller. Au demeurant, il doit préciser la façon dont il veillera au pluralisme sur toutes les chaînes de télévision. CNews n'est pas visée par la décision, qui ne lui reproche aucun manquement.

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Rachida Dati, ministre

En tant que ministre de la Culture, je n'ai ni à juger ni à commenter les propos des uns et des autres.

Ma position est la suivante : cette décision de justice rappelle le principe du pluralisme énoncé dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en appelant à y veiller sur toutes les chaînes de télévision. Le régulateur a répondu en disant qu'il y veillera. Nous pouvons collectivement nous satisfaire de cette décision, qui appelle à l'application et au respect du pluralisme sur toutes les chaînes de télévision, sans exclusive : si certains ont pensé que l'audiovisuel public n'est pas concerné, ils se trompent ; il est concerné au même titre que les autres chaînes de télévision. On ne peut dire que cette décision de justice vise un acteur en particulier.

S'agissant des personnes handicapées, 90 % des ouvrages publiés en France leur sont inaccessibles. Maire du 7e arrondissement de Paris, j'ai dans l'arrondissement l'Institut national des jeunes aveugles (Inja), qui est partenaire de l'opération « La cause des livres ». Je suis très sensible à la nécessité d'assurer l'accessibilité aux livres. Peu de temps avant ma nomination au Gouvernement, j'ai porté, avec l'Inja, un projet visant à inclure les enfants en situation de handicap dans les écoles de l'arrondissement, dans le cadre d'un partenariat d'accessibilité.

Nous allons développer bien davantage l'offre de livres accessibles, grâce à des aides accrues, en partie sanctuarisées dans le programme France 2030. Je travaille sur ce sujet avec l'Inja depuis que j'ai été élue maire, en 2008 ; je continuerai à y travailler en tant que ministre de la Culture, dans un périmètre plus large.

S'agissant du cinéma, beaucoup de choses sont entreprises. Les aides seront soumises à conditions. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles fera l'objet de sessions de formation. Ce combat est pour moi un combat ancien. Personne ne peut en douter. J'ai mené ici même un combat contre les violences conjugales avec mes amis du groupe Les Républicains, qui ont soutenu tous mes textes. J'ai fait en sorte qu'il y ait des psychologues et des travailleurs sociaux dans les commissariats et les gendarmeries – on me disait que cela ne servirait pas à grand-chose. Je me souviens avoir annoncé à Bobigny l'expérimentation du téléphone grave danger (TGD). J'étais bien seule. On me disait qu'il coûterait cher sans être toujours efficace. J'ai répondu que la vie d'une femme n'a pas de prix.

La parole des victimes, pas uniquement des femmes, doit être sanctuarisée sans être sacralisée. Il faut l'entendre et la traiter. J'avais créé – malheureusement, la gauche l'a supprimé – le juge des victimes. Si l'auteur des faits est suivi par un juge d'application des peines (JAP) jusqu'à l'exécution de sa peine, la victime n'est pas ou peu suivie.

Dans le cinéma, nous avons pris des mesures fortes pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. S'agissant des mineurs, que j'ai évoqués avec Judith Godrèche lors de la cérémonie des Césars et auparavant, nous prévoyons de nommer une personne qualifiée – comme l'est un administrateur ad hoc en matière civile – chargée de veiller, sur les tournages, aux conditions de travail et de fonctionnement dans lesquelles évoluent les mineurs. Rien de tel n'est prévu à l'heure actuelle. Il ne s'agit pas uniquement de prévenir les actes de pédocriminalité. Je n'ai pas peur des mots : certains se servent de l'art pour commettre ces crimes. Nous n'en voulons pas. Il s'agit de charger un professionnel de veiller aux conditions de travail de l'enfant, s'agissant notamment du suivi des cours et du respect de l'intégrité de sa personne.

S'agissant de M. Boutonnat, j'ai dit que je fais confiance à la justice et que je refuse de m'asseoir sur ses principes. Il a bénéficié d'un non-lieu pour la tentative de viol dont il était accusé et a été mis en examen pour agression sexuelle. Une date d'audience a été fixée.

Je ne suis pas devenue magistrat par hasard. Là où je vivais, de nombreuses personnes mises en cause, parfois pour des faits graves, échappaient aux poursuites faute de preuves ou de signalement. Je me souviens de jeunes femmes qui se sont suicidées. Je suis donc très attentive aux mises en cause pour des faits graves.

Par ailleurs, le juge d'instruction qui a mis M. Boutonnat en examen connaissait sa fonction et pouvait lui interdire de l'exercer. Je n'ai pas le pouvoir d'ordonner sa mise en retrait ou sa suspension. Une telle décision serait contestée, car elle serait arbitraire. Depuis sa mise en examen, aucun élément nouveau n'a été versé au dossier. La justice a considéré qu'il pouvait continuer à exercer. Je respecte cette décision. L'audience est prévue dans très peu de temps. Nous prendrons des décisions à l'issue.

Je tiens à être très claire : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est un combat que nous menons en commun et depuis longtemps. Je m'inscris dans ce combat transpartisan. Il y va de la dignité et du respect de la personne, jusqu'au respect de sa parole.

Concernant le financement de l'audiovisuel, j'ai déjà répondu qu'il faut pouvoir sanctuariser une part de la TVA en sa faveur.

Les quatre-vingt-dix-neuf écoles relevant de la tutelle du ministère de la culture sont soutenues et ne rencontrent pas de difficultés. Mais dans la jungle que constituent les autres écoles, certaines sont très déconnectées de la réalité, notamment en matière de débouchés. Je ne suis pas là pour les fermer, d'autant que beaucoup dépendent des collectivités territoriales. J'ai confié à mes directions la mission de définir de façon cohérente la formation et l'éducation à la culture au sens le plus large – métiers d'art, architecture, design –, car tout est imbriqué : certains métiers de la culture sont placés sous l'égide du ministère de l'éducation nationale, avec des formations qualifiantes diplômantes, tandis que d'autres dépendent exclusivement du ministère de la culture. Pour les écoles dépendant de mon ministère, mon étonnement a été grand quand j'ai découvert qu'elles ne proposaient pas de formation en alternance ou en apprentissage. Or j'y tiens absolument : cela sera possible dès septembre 2024.

Concernant l'apprentissage et l'alternance, qui permettent la transmission des savoirs, le ministère est très en retrait par rapport à d'autres, alors qu'il devrait être celui qui les pratique le plus. Les musées devraient également les proposer à leurs agents, qui sont souvent des vacataires et des contractuels : cela permettrait, d'une part, de remédier à leur précarité et, d'autre part, d'anticiper les besoins dans certains métiers.

Le pass culture est un bon dispositif, même s'il peut devenir un outil de consommation. L'application n'est pas éditorialisée : si l'on veut aller à l'opéra ou au théâtre, il faut s'y connaître un peu car aucune orientation n'est proposée. Je suis donc en train de revoir toute la plateforme pour la rendre plus incitative, lui donner une fonction de médiation. Pour certains jeunes, se rendre à l'opéra ou au théâtre nécessite une préparation, car cela peut susciter de l'appréhension – ce fut mon cas la première fois que je suis allée à l'opéra. Je veux donc favoriser la médiation en permettant aux acteurs de l'éducation populaire d'accéder au fonds du pass culture. Je souhaite également élargir la part collective du pass culture en créant un nouveau fonds de dotation permettant de mobiliser d'autres sources de financement que celles assurées par l'État. C'est ce sur quoi je suis en train de travailler.

J'ai constaté avec surprise, lorsque j'ai rencontré des maires de grandes villes du Sud de la France disposant d'une offre culturelle très dense, que l'accès par la part individuelle du pass culture ne représentait qu'une part infime. Alors que ce dispositif se voulait un outil d'accessibilité pour tous, l'objectif n'est donc pas atteint. La médiation, l'incitation et l'éditorialisation permettront d'éviter qu'il ne devienne un simple instrument de consommation. Ma conviction profonde est que c'est un outil de reproduction sociale dans l'accès à la culture ; il faut donc le réformer, et nous y travaillons.

En zone rurale, l'obstacle est tout d'abord physique. Même quand il existe une belle salle de cinéma ou de théâtre, ou encore du spectacle vivant, la première question qui se pose est de savoir comment s'y rendre. J'ai rencontré des jeunes d'un collège qui avaient bénéficié de la part collective du pass culture : pour les deux tiers d'entre eux, cette sortie culturelle était une première – c'est encourageant. Cependant, l'enseignante m'a expliqué que s'ils avaient mis deux mois pour choisir cette activité culturelle, il leur avait fallu presque trois mois pour trouver un moyen de transport. Cela veut dire qu'on crée de la discrimination dans la discrimination, de l'inégalité dans l'inégalité. La ruralité est systématiquement discriminée, notamment dans l'accès à la culture. Et il en va de même pour l'ingénierie culturelle. Il n'y a pas de raison que cela soit facile pour certains et compliqué pour d'autres. Nous voulons donc revoir ce dispositif, particulièrement dans la ruralité.

L'instauration des droits voisins a constitué une avancée parce qu'elle a permis de reconnaître la valeur créée par les médias traditionnels face aux plateformes en ligne. Cependant, les résultats restent en dessous des espérances et les négociations sont très compliquées. Il faut les poursuivre avant de légiférer car, comme pour les droits d'auteur, nous ne pouvons pas nous laisser engloutir. Nous sommes à votre disposition pour travailler sur ce sujet.

Le financement des Smac est assuré ; cela sera notifié en avril.

Le Président de la République a lancé une souscription pour la sauvegarde du patrimoine religieux. La levée de fonds s'élève à ce jour à 2,4 millions d'euros. Certains diront que ce n'est pas vraiment un succès ; ils ont raison et c'est pour cela que je souhaite en revoir les modalités. Une personne qui participe à la souscription veut voir l'image de son église et savoir ce qu'elle finance. J'aimerais que l'on n'abandonne pas cette piste de financement : il faut éviter que la réhabilitation des édifices religieux n'intervienne que lorsque se produit un drame – dégât des eaux, incendie, effondrement d'un toit. Il s'agit non seulement de restaurer ce patrimoine de proximité mais aussi de l'entretenir. Il est possible, dans ce but, d'en faire un tiers-lieu. Ainsi, les belles églises de mon arrondissement accueillent des concerts et des chorales d'enfants, qui contribuent à financer leur conservation.

Le patrimoine religieux, qui n'est pas délocalisable, est le premier accès à la culture. Il faut le préserver. La liste des sites qui seront soutenus par l'État dans le cadre du loto du patrimoine sera annoncée le 20 mars. Nous avons choisi du patrimoine de proximité, notamment religieux, de façon non partisane.

Le patrimoine, qui est l'une de mes priorités, ne subira pas de réduction de son financement.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Vous défendez activement les cultures urbaines, par exemple en soutenant la proposition de loi visant à professionnaliser l'enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques, en exprimant votre souhait de créer une maison du mouvement hip-hop à Paris ou encore en passant dans le « DVM Show ».

La mise en valeur des cultures urbaines revêt une signification importante, car ces expressions artistiques témoignent de la diversité et de la richesse culturelles de notre pays. Quelles mesures spécifiques sont envisagées pour garantir la reconnaissance, la pérennité et l'expansion des cultures urbaines sur la scène nationale et internationale ? Comment anticipez-vous l'intégration de ces expressions au cœur des politiques publiques afin d'assurer leur développement ? Quelle stratégie envisagez-vous pour surmonter les éventuels obstacles à leur promotion et intégration dans le paysage culturel français, illustrés encore récemment par la polémique concernant la chanteuse Aya Nakamura, que vous avez d'ailleurs défendue ?

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Vous arrivez à la tête d'un ministère confronté à de nombreux défis, le patrimoine en tête. Constitué de monuments aussi bien religieux que laïcs, il fait l'orgueil de notre pays, l'admiration des étrangers et joue un rôle décisif dans l'attractivité touristique de la France. Pourtant, le budget consacré à la restauration des monuments est très insuffisant, alors même que des milliers de bâtiments ne sont pas comptabilisés car non classés comme monuments historiques. À cela, il faut ajouter les coupes budgétaires importantes voulues par votre Premier ministre et le ministre de l'endettement.

Face à l'urgence de la situation, vous gagneriez à instaurer un service national du patrimoine ouvert aux jeunes, d'une durée de six mois et consacré à sa restauration et à sa protection pour éviter qu'il ne tombe en ruines. C'était là l'un des points du programme de Marine Le Pen, qui reste d'actualité. Êtes-vous prête à l'appliquer afin de sensibiliser la jeunesse à notre patrimoine ?

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Il y a un an, le Gouvernement a annoncé trois lois-cadres sur les restitutions. La première, relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites, a été promulguée le 22 juillet 2023 et son décret d'application, publié le 5 janvier dernier.

La deuxième, visant la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, a été promulguée le 26 décembre 2023. La publication de son décret d'application est prévue pour ce mois-ci : pouvez-vous nous le confirmer ?

Pourriez-vous également nous indiquer si vos services, en lien avec ceux du ministère des outre-mer, ont commencé l'élaboration du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement d'ici à la fin de l'année, en vertu de l'article 2 de cette loi ?

La troisième loi-cadre, qui devait faciliter la restitution des biens culturels, n'a pas été déposée au Parlement en 2023. Comptez-vous la présenter en 2024 ? Ce projet de loi poursuivra-t-il les mêmes ambitions que celles annoncées par le Président de la République ? S'inspirera-t-il des recommandations faites par l'ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine ?

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Je vous ai écrit le 12 février pour vous alerter sur la situation du K'fé Quoi !, célèbre scène musicale de ma circonscription qui a dû fermer il y a six semaines en raison de difficultés financières insurmontables. Le 4 mars, je vous ai à nouveau écrit pour vous demander de venir au secours de La Plage sonore, autre acteur culturel essentiel sur le point de déposer le bilan. Je pourrais également vous parler des Rencontres musicales de Haute-Provence, association quarantenaire qui vient de licencier son unique salarié, et de bien d'autres encore.

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, département rural, les associations culturelles vont mal. Il y a les contreparties financières exigées des collectivités locales pour obtenir les subventions nationales ou pour les labellisations. Malgré leurs efforts, elles ne peuvent s'aligner sur leurs homologues des zones urbaines. Ces critères sont à revoir. Il y a aussi le dogme de l'appel à projets, interdisant toute projection sereine et tout développement, ainsi que les retards de versement qui fragilisent des trésoreries déjà précaires. Il faut que les subventions soient pérennes et versées en temps et en heure.

Je veux croire que vos propos très forts en faveur du développement de la culture en milieu rural sont l'expression d'une véritable et bienvenue volonté politique. Aidez-nous !

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Culture pour tous et pour tous les territoires : tel est votre bel objectif, que nous partageons. Tous les ministres de la culture l'ont affiché ; vous êtes donc tout à fait dans votre rôle. Toutefois, s'il y a besoin de le réaffirmer constamment, cela signifie qu'il est difficile à atteindre et que le travail reste à accomplir.

Les politiques publiques ne parviennent pas à réduire les failles persistantes dans l'aménagement culturel du territoire. Il est vrai que les financements publics sont massivement orientés vers les métropoles, concentrés au niveau régional et vont prioritairement aux institutions et aux établissements labellisés. Les carences locales en matière d'aménagement culturel du territoire demeurent. Quelle est votre stratégie pour l'égalité des territoires ? Disposez-vous d'outils pour la mettre en œuvre concrètement ?

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Les fanfares, danses et jeux traditionnels qui composent notre patrimoine immatériel illustrent la diversité culturelle de la France et renforcent les liens sociaux, particulièrement dans les territoires ruraux. Malheureusement, les ressources actuelles ne suffisent pas à assurer la transmission de ce patrimoine aux générations futures.

Dans le cadre du PLF pour 2024, j'avais proposé que le plan Fanfare soit élargi aux autres expressions artistiques traditionnelles, évoluant ainsi vers un vaste programme Arts et traditions. Malgré l'adoption unanime de cette proposition par notre commission, celle-ci n'a finalement pas été retenue ; je la déposerai à nouveau pour le PLF 2025. Il est urgent de se mobiliser pour préserver notre patrimoine et nos traditions, sachant que les associations locales ne reçoivent globalement que de maigres subventions compte tenu de leur faible nombre d'adhérents.

« J'ai parlé de la ruralité, et j'ai voulu en faire la priorité du début de ma mission », avez-vous dit lors de la présentation de vos vœux aux acteurs culturels. J'ai donc l'intime conviction que nous pourrons compter sur votre soutien, et je souhaiterais connaître votre position sur cette question.

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Qu'est devenue la Rachida Dati de droite, l'impertinente, l'indomptable aux idées tranchées ? Le début de votre mission nous laisse un peu dubitatifs. Participation à la sulfureuse émission de rap « DVM Show », soutien à la chanteuse Aya Nakamura avec les mêmes mots que SOS Racisme, volonté de séparer les sportifs issus de l'immigration au musée national de l'Histoire de l'immigration, robinet à lieux communs, tout indique votre soumission à la culture gauchiste, que vous avez dénoncée pendant des années et dont vous semblez adopter les codes. Quelle est donc votre vision de la culture : « Salade, tomate, oignon » ou « Baudelaire, Notre-Dame de Paris, Monnet » ?

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Le régime des intermittents du spectacle participe de l'exception culturelle française. Je travaille avec le collectif Les Matermittentes, qui défend les droits des intermittents en cas de maternité ou de maladie. Il s'avère que la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) rencontre des difficultés pour interpréter la partie réglementaire du code de la sécurité sociale applicable aux salariés en emploi discontinu, parmi lesquels les intermittents.

Cela crée des situations de précarité dramatiques. Il y a un peu moins d'un an, lors d'un rendez-vous avec le cabinet de votre prédécesseure, le collectif avait remis un dossier sérieux listant divers problèmes. Une circulaire avait été évoquée pour garantir que les droits s'appliquent partout et de la même façon. Un an plus tard, aucune circulaire n'a été publiée. Peut-on envisager un travail en ce sens ? Je suis, avec le collectif Les Matermittentes, à votre disposition.

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Les artistes-auteurs jouent un rôle absolument essentiel dans la vie culturelle de notre pays. Or ces travailleurs ne sont pratiquement jamais rémunérés pour la création de leurs œuvres, mais seulement pour leur exploitation par les diffuseurs. En cas d'absence d'activité rémunérée – cela ne veut pas dire que les artistes ne créent pas mais que leurs créations n'en sont pas au stade de leur diffusion –, l'artiste-auteur ne reçoit aucune autre ressource que les minima sociaux. Il doit donc continuer à créer et en même temps subvenir à ses besoins et financer ses frais professionnels – fournitures, matériel, documentation, recherche de diffuseurs. Cette situation n'est pas satisfaisante. Dans quelle mesure seriez-vous favorable à la création d'un revenu de remplacement pour les artistes-auteurs ?

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Je connais votre attachement au patrimoine de proximité, notamment religieux, en zone rurale. Les églises ne sont pas toujours classées ou inscrites mais elles sont l'âme de nombreux bourgs. Plusieurs milliers d'entre elles sont en péril. Le Président de la République a annoncé, en septembre dernier, des mesures ambitieuses en faveur de la conservation et de la restauration du patrimoine religieux, avec un volet financier et un volet ingénierie. Confirmez-vous ces mesures, qui devraient permettre de mieux accompagner les maires et les élus locaux ?

J'ai, dans ma circonscription, un projet exemplaire de cette ambition patrimoniale. Ce projet culturel et cultuel est mené autour de la rénovation de l'église de Château-Guibert et de la diffusion des œuvres de Fabrice Hyber, plasticien de renommée internationale. Quel calendrier, quelles garanties pouvez-vous donner dans le contexte budgétaire que nous connaissons ?

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Le patrimoine culturel arménien du Haut-Karabakh est dans une situation extrêmement inquiétante. Depuis septembre 2023, nous sommes alertés de destructions de monuments arméniens par la dictature azerbaïdjanaise : démolition de l'église de Kanach Zham à Chouchi, désacralisation de l'église Vankasar, transformation en mosquée de l'église Sainte-Ascension de Lachin. D'autres joyaux du patrimoine arménien sont en danger.

Cette destruction planifiée vise à faire oublier que ces terres sont le berceau de la civilisation arménienne. Du fait de sa compréhension de la dimension politique de la culture et de son indéfectible amitié à l'égard de l'Arménie, la France ne peut rester indifférente. Vos liens avec l'Azerbaïdjan évoqués dans la presse vous placent-ils en position d'intervenir ? Comment comptez-vous vous impliquer pour contribuer à la protection de ce patrimoine vieux de plus de 2 000 ans, joyau de l'humanité ?

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Alors que 10 milliards d'euros d'économies ont été annoncés, la culture perd 200 millions, dont 100 millions pour la création – fait sans précédent depuis 1959 – et 20 millions pour l'audiovisuel public. Or, ces cinq dernières années, ce dernier a déjà subi des économies conséquentes : baisse de 200 millions d'euros et de 10 % de ses effectifs pour France Télévisions ; 60 millions d'euros de coupe budgétaire pour Radio France, avec le départ « volontaire » de 340 salariés ; fermeture de la chaîne France Ô.

Vous avez indiqué tout à l'heure que vous souhaitiez sanctuariser le budget de l'audiovisuel public, ajoutant que c'était un combat – mais contre qui ? Le gouvernement auquel vous appartenez ? Puisque vous avez démenti – et je vous crois – avoir envoyé un SMS poétique et fleuri au ministre des finances, que fait-on ? « Celui qui ne combat pas peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu », disait Bertolt Brecht.

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Le patrimoine culturel, en plus d'être une fierté nationale, constitue un atout économique et touristique incroyable ; c'est une vitrine de cette France que nous aimons tant. D'après la Fondation du patrimoine, 3 500 monuments sont en péril, près de 2 000 sont même en péril absolu, et un quart du patrimoine nécessiterait des travaux. Dans ma circonscription de l'Oise, la ville de Clermont a dû étaler sur dix ans les travaux à entreprendre pour sauver l'église Saint-Samson, à laquelle les Clermontois sont très attachés.

En 2018, le président Macron avait déclaré le patrimoine grande cause nationale ; depuis, rien n'a changé. Hormis le loto du patrimoine, que comptez-vous faire pour sauver notre patrimoine en péril, en particulier dans les territoires ruraux ?

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Vous avez souligné la richesse de l'offre culturelle en zone rurale, aussi vivante que variée. La culture est un élément incontournable de la vie de nos campagnes mais les politiques publiques nationales en semblent très éloignées, voire absentes. Le département de Loire-Atlantique, en déployant des projets culturels de territoire, a su accompagner sans contraindre, développer sans uniformiser. L'accompagnement de la Drac se fait, quant à lui, par le biais d'appels à projets parfois déconnectés des réalités du terrain et de la temporalité des projets mis en place.

Envisagez-vous de faire évoluer le soutien de la Drac aux territoires vers plus de proximité ? Comment faire en sorte qu'il réponde davantage aux initiatives locales et ne se réduise plus à un guichet pour des appels à projets qui peuvent parfois mettre à mal la cohérence globale ?

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Le 29 janvier dernier, lors de votre discours de vœux aux acteurs culturels, vous avez déclaré qu'il fallait garantir la présence de la diversité des territoires au sein des médias. Or, chaque jour, à onze heures cinquante, les chaînes de France 3 diffusent un journal télévisé consacré à l'actualité des outre-mer qui ne dure que neuf minutes – pas une seconde de plus –, pour 3 millions de personnes réparties sur trois océans. Avec deux fois moins d'habitants, le Poitou-Charentes bénéficie d'un journal de vingt-quatre minutes, soit trois fois plus de temps d'antenne. Nombre de Français de l'Hexagone ne savent pas situer nos pays dits d'outre-mer sur une carte. Le droit à l'information doit être le même pour tous. Travaillons ensemble pour assurer un temps d'accès équitable à l'information : je compte sur vous.

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Lors de votre prise de fonction, vous avez déclaré que l'une de vos priorités serait de permettre à tous l'accès à la culture en milieu rural. En tant qu'élu de la Manche, territoire rural s'il en est, je ne peux que saluer cette annonce. L'offre culturelle dans les territoires ruraux est bien souvent très limitée, alors que 22 millions de nos concitoyens y habitent et que 88 % des communes sont situées en zone rurale.

Fin janvier dernier, vous avez lancé le Printemps de la ruralité. Cette consultation est ouverte aux élus, aux collectivités, aux habitants ainsi qu'aux acteurs culturels et associatifs. Les premiers indicateurs montrent-ils que nos concitoyens ont su s'emparer de cette concertation et si les élus locaux et les collectivités sont réellement acteurs du Printemps de la ruralité ?

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Votre prédécesseure, Mme Abdul-Malak, avait prévu de lancer un programme pour trouver 101 talents issus de la diversité susceptibles de diriger un jour un théâtre, une philharmonie ou un musée. Parmi les critères de diversité, elle avait mentionné, lors de sa conférence de presse du 4 décembre dernier, la couleur de peau. Ce programme est-il arrêté et, dans la négative, quels critères de recrutement ont été conservés ? Je souhaite également connaître votre opinion sur la discrimination positive et si vous vous engagez à ce que, sous votre gouvernance, ce type de programmes ne soient pas mis en place.

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Le financement du CNC est assuré grâce à la perception de quatre taxes : celle sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques (TSA), la taxe sur les services de télévision versée par les éditeurs (TST-E), la taxe progressive sur les services de télévision applicable aux distributeurs (TST-D) et la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV).

Historiquement, ces taxes ont suivi l'évolution des usages télévisuels et cinématographiques, puisque leur assiette porte sur une partie des revenus publicitaires des chaînes de télévision françaises, du chiffre d'affaires des distributeurs audiovisuels français et de celui des plateformes étrangères. Or, depuis quelques années, le paysage de la distribution télévisuelle a beaucoup évolué. Une partie des Français continue d'accéder à la télévision par l'intermédiaire des box des distributeurs français, mais ils sont de plus en plus nombreux à la recevoir directement par leur téléviseur connecté ou une clé HDMI. Les fournisseurs d'accès à internet (FAI) et les téléviseurs connectés proposent désormais au public une offre similaire. Cela est d'autant plus vrai avec la récente décision de l'Arcom qui précise les modalités de mise en avant sur les interfaces, le point d'accès aux chaînes de service d'information générale (SIG) devant figurer au même emplacement que les services les mieux exposés.

Pourtant, seuls les distributeurs audiovisuels français sont assujettis à la TST acquittée par les distributeurs.

Êtes-vous favorable à assujettir ces nouveaux acteurs étrangers au financement du CNC, afin de diminuer la charge pesant sur les acteurs français, lesquels participent déjà activement au financement du cinéma français ?

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Rachida Dati, ministre

Je sais que la réforme du RSA affecte les artistes-auteurs. Je travaille actuellement à un aménagement en ce qui concerne l'obligation de quinze heures d'activité par semaine, car je considère qu'il faut prendre en compte la spécificité de la situation des artistes-auteurs, qui diffère de celle des demandeurs d'emploi classiques. Il s'agit de leur garantir une juste rémunération, pour éviter de recréer une inégalité – pour ne pas dire une injustice. Comme vous l'avez entendu, le Premier ministre a annoncé la suppression de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), qui va s'appliquer à toutes les professions, dont les artistes-auteurs.

Le sujet des fanfares m'a vraiment intéressée. Elles sont souvent caricaturées alors que leur présence est forte en milieu rural, mais aussi dans les villes moyennes. Je souhaite vraiment les relancer et nous avons prévu un budget en conséquence. J'aimerais que la prochaine fête de la musique tourne autour du thème des fanfares. Mener une action en faveur de ces dernières fait partie des demandes formulées à l'occasion des consultations menées dans le cadre du Printemps de la ruralité et l'ensemble des Drac y contribuera. Ces fanfares jouent un rôle très fédérateur et y participer est très exigeant.

Plusieurs questions portaient sur le patrimoine, notamment des petites communes. Je suis consciente de l'importance de ce patrimoine, qui comprend les églises dont les petites communes sont propriétaires. Celles-ci n'ont souvent plus les moyens de les entretenir. Je vais accompagner la préservation de ce patrimoine. On compte 45 000 immeubles protégés par un classement en France – dont la majorité se trouve en zone rurale – et nous consacrons 280 millions d'euros à la protection et à la restauration de ce patrimoine. Outre la mesure fiscale concernant les dons, nous réfléchissons aussi à une mesure pour aider un peu plus les propriétaires de patrimoine important à préserver leur bien ouvert au public, notamment en zone rurale. Il faut aussi prévoir un accompagnement des élus par une ingénierie culturelle adaptée à ce patrimoine des zones rurales ou de certaines villes.

M. Raux a estimé avec raison que les Drac sont parfois un peu déconnectées. J'étudie avec ces dernières la possibilité soit de fournir aux élus ruraux une maîtrise d'ouvrage, lorsqu'ils n'ont pas les moyens d'en avoir une, soit de subventionner les projets de rénovation du patrimoine rural. Cela va bien au-delà de la sensibilisation. Il s'agit de fournir un petit « package » sur mesure pour sauvegarder ce patrimoine.

J'ai aussi constaté que des bâtiments ne font souvent l'objet d'aucune protection patrimoniale. L'État ne peut alors pas contribuer à leur restauration. Avec le directeur général du patrimoine, nous allons donc inciter les communes à demander une telle protection.

Nous avions prévu de déposer un nouveau projet de loi relatif à la restitution des biens culturels, mais certains d'entre vous ainsi que vos collègues sénateurs ont souhaité que les discussions se poursuivent. Deux lois ont déjà été adoptées en la matière, l'une concernant les biens ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, l'autre relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques à la demande d'États étrangers. Le nouveau texte que nous souhaitions faire adopter concernait les biens culturels ayant fait l'objet d'une appropriation illicite entre 1815 et 1972, conformément à la Convention de l'Unesco de 1970. Cela permettrait aux pays ayant ratifié cette dernière de bénéficier d'une restitution de biens culturels, après étude de la demande par une commission. La décision de restitution serait prise par décret.

Je souligne qu'il ne s'agit pas d'un texte de repentance. Les choses doivent être claires. Selon moi, il s'inscrit dans la politique de coopération culturelle.

Nos compatriotes d'outre-mer ont souhaité pouvoir également bénéficier des dispositions du texte relatif à la restitution des restes humains et je souhaite que cette question soit étudiée dans le cadre d'une mission confiée au député Christophe Marion.

La proposition de loi visant à professionnaliser l'enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques constitue une avancée. Je suis ravie qu'elle ait pu être adoptée grâce à votre travail, car le texte était bien rédigé et il n'y avait pas grand-chose à y ajouter. Les acteurs du hip-hop avaient été consultés et ils étaient satisfaits. Le hip-hop fait partie de la culture française, son enseignement est dispensé partout et toutes les générations sont concernées. On s'est rendu compte que des professionnels du hip-hop ne pouvaient pas donner des cours dans des conservatoires ou des établissements publics. Il fallait donc leur donner un statut, grâce à l'accès au diplôme d'État ou à la validation des acquis de l'expérience. Il s'agit de faciliter la pratique de cette danse, car actuellement se sont des professeurs d'autres danses qui donnent des cours de hip-hop, alors que ce n'est pas leur spécialité. C'est assez injuste. Ce texte était donc tout à fait nécessaire et la majorité des acteurs du secteur en sont satisfaits.

Pour moi, il n'y a pas de sous-culture. Certains ont parlé de réappropriation, mais ce n'est pas ma vision. Il s'agit de l'acceptation d'une activité qui fait partie intégrante de notre culture.

Pourquoi n'aurais-je pas le droit d'aller au « DVM Show », monsieur Odoul ? Savez-vous ce que c'est ?

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Je connais bien le passif de Freeze Corleone.

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Rachida Dati, ministre

Sur scène et dans beaucoup de médias, y compris relevant de l'audiovisuel public, des paroles ont pu être prononcées qui tombent sous le coup de la loi. Mais pas au « DVM Show », ce n'est pas leur ligne éditoriale.

La grande différence entre vous et moi, c'est que ma liberté me pousse à m'ouvrir aux autres. Je ne me rabougris pas, je ne me replie pas sur moi-même.

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L'apologie du terrorisme, ce n'est pas l'ouverture aux autres !

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Rachida Dati, ministre

Cela relève du pénal, mais cela ne correspond pas à la vision du « DVM Show ».

Vous insultez des professionnels et des gens qui se battent, sans subventions, pour faire exister leur art et permettre l'accès à la culture. Le soir où j'y étais, Dadju & Tayc se produisaient. Ce sont des artistes de réputation internationale et l'on trouve toutes les générations dans leur public.

Nous étions dans un studio à Aulnay-sous-Bois. J'y suis allée parce que ces artistes, qui ont bien réussi, n'oublient pas d'où ils viennent et qu'ils tiennent à aider les jeunes artistes. Je suis allée soutenir des jeunes filles qui faisaient leur première prestation et j'avais été invitée avant d'être nommée ministre de la Culture. J'ai pourtant tenu à être présente. C'était très sympathique, très festif. Je vous invite à y aller, ils sont assez ouverts. Cela vous détendrait et vous ferait beaucoup de bien.

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Rachida Dati, ministre

Eux ne sont pas sectaires. Ils reçoivent les gens qui ne sont pas d'accord avec eux. Je ne regrette aucunement d'avoir participé à cette émission, avec ces deux jeunes filles et avec ces grands artistes de talent – qui sans doute animent souvent certains spectacles dans votre circonscription.

S'agissant de « La relève », vous avez raison : il y avait un problème de critères. Pour moi, la couleur de peau et l'origine ethnique n'en sont pas. En revanche, la condition sociale constitue bien un critère objectif. Nous avons donc modifié certains des critères requis pour pouvoir participer à ce programme, que nous sommes en train d'adapter et qui consiste à orienter, former et accompagner les jeunes qui ont des difficultés à accéder aux métiers de la culture. Je le répète, il n'y a pas de critères ethniques car ce n'est pas républicain.

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Pourquoi séparer ceux qui sont issus de l'immigration ?

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Rachida Dati, ministre

Ai-je dit qu'être issu de l'immigration constituait un critère ? Vous êtes tellement obsédé que vous entendez des choses qui n'ont pas été dites. Je vous laisse à vos obsessions.

Quant à Aya Nakamura, on peut ne pas aimer cette artiste mais on ne peut pas admettre les tombereaux d'injures sur sa couleur de peau et son origine.

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On peut critiquer sans être accusé de racisme.

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Rachida Dati, ministre

Vous êtes en effet libre de ne pas aimer. Mais on ne peut pas l'attaquer sur son origine ou sa couleur de peau, car c'est une infraction. C'est tout simplement ce que je tenais à rappeler.

À la suite de la suppression de France Ô, un pacte pour la visibilité des outre-mer a été conclu entre l'État et l'audiovisuel public, afin de garantir une meilleure présence des outre-mer sur les antennes. Un suivi des engagements est réalisé mais, comme M. Maillot, je pense qu'il faudra renforcer et préciser le cahier des charges lors du renouvellement des contrats d'objectifs et de moyens.

Mme Brugnera a eu raison de soulever la question du patrimoine culturel arménien. Le ministère de la culture a organisé avec l'Institut national du patrimoine (INP) un colloque sur ce sujet le 17 décembre dernier. Il avait pour objet de sensibiliser le public français et européen à la richesse exceptionnelle de ce patrimoine, mais aussi à la nécessité de le préserver. Je suis très préoccupée par la destruction des patrimoines chrétien et juif dans le Haut-Karabakh. Les opérateurs du ministère, dont notamment le Louvre et la Drac d'Île-de-France, sont mobilisés dans le cadre de coopérations destinées à protéger ce patrimoine de l'Arménie. Je me réjouis d'ailleurs du jumelage entre la Maison carrée de Nîmes et le Temple de Garni. Je souhaite que le patrimoine arménien soit mis en valeur grâce à la mise en place d'un itinéraire européen, sur le modèle de celui du patrimoine juif.

Mme Genevard a abordé la question de l'inégale répartition des crédits du ministère de la culture entre les zones urbaines – pour ne pas dire Paris et la région parisienne – et le reste du territoire. En fait, nous n'avons pas d'indicateur fiable pour mesurer cette répartition. J'ai demandé au secrétaire général du ministère de mettre en place des indicateurs qui permettent de suivre la répartition géographique des crédits pour chaque direction.

On pourrait se référer uniquement aux actions menées par les Drac, mais cela ne permet pas de rendre compte de ce que font les opérateurs ou le ministère directement. Les Drac reçoivent 1 milliard sur les 4,5 milliards d'euros du budget du ministère. Les crédits de la Drac d'Île-de-France représentent 14 % du budget des Drac, alors que la population de cette région correspond à 17 % de la population, ce qui pourrait laisser croire que la répartition est à peu près équilibrée avec le reste des territoires. Mais, comme je ne dispose pas d'indicateurs plus précis, j'ai demandé que l'on en mette en place pour mesurer les crédits affectés en milieu rural, mais aussi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et dans les zones urbaines. Cela doit être possible, car l'affectation des crédits et des subventions est forcément connue. Il s'agit en fait de mettre en place une forme de comptabilité analytique dont nous ne disposons pas actuellement.

De manière générale, les crédits des Drac sont davantage affectés aux territoires qu'à Paris et à l'Île-de-France. Est-ce le cas si l'on prend en compte l'ensemble des moyens affectés à la culture ? Je n'en suis pas sûre, même si j'ai tendance à penser de manière intuitive que les moyens sont plus importants dans les territoires, car le financement de la culture par les collectivités représente le double des montants dont dispose le ministère de la culture.

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Il existe aussi un centralisme régional.

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Rachida Dati, ministre

Je suis assez d'accord avec vous. Cela rejoint ce qui disait M. Raux à propos des Drac. Mais je ne souhaite pas me contenter de leur adresser une circulaire pour leur rappeler qu'elles doivent être aux côtés des élus locaux. Il faut être plus précis et s'appuyer sur des indicateurs adaptés, qui n'existent pas aujourd'hui.

Monsieur Walter, j'ai demandé à l'administration centrale ainsi qu'à la Drac concernée de préparer une réponse précise à votre courrier portant sur le café-concert Le K'fé quoi ! Les services ont également été saisis par l'association La plage sonore, afin qu'elle puisse faire l'objet d'une instruction particulière. Je préfère ne rien en dire à ce stade, car l'étude de ces dossiers n'est pas encore achevée.

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De manière plus générale, que pensez-vous des contreparties demandées aux collectivités territoriales, alors qu'elles n'ont pas les moyens de faire face à ces dépenses ? Qu'en est-il de la pérennité des subventions ?

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Rachida Dati, ministre

C'est bien toute la question s'agissant des événements culturels organisés dans des territoires qui ne disposent pas de l'ingénierie nécessaire. Les Drac doivent s'adapter à la spécificité de ces territoires, par le biais de subventions, d'assistance à la maîtrise d'ouvrage et de la fourniture de savoir-faire particuliers. Il faut que leur action s'articule de manière complémentaire avec le programme Villages d'avenir, qui dispose de référents placés sous l'autorité du préfet. On sollicite souvent le ministère de la culture et le directeur régional des affaires culturelles, mais on ne pense pas à se tourner vers ces référents, alors qu'ils sont souvent peu sollicités et qu'ils disposent de crédits.

Le K'fé quoi ! est en liquidation judiciaire. Des rendez-vous sont prévus entre les représentants de l'association, la Drac et la sous-préfecture. Je vous ferai part très précisément de l'issue de cette affaire.

Madame Mette, tous les diffuseurs qui visent le public français sont assujettis à la taxe affectée au CNC – qu'ils soient installés en France ou à l'étranger. L'arrivée des plateformes étrangères a d'ailleurs permis de faire baisser la taxe perçue sur les télévisions françaises.

Monsieur Corbière, j'assume toujours ce que j'ai fait, mais ce fameux SMS n'a jamais existé. Vous aurez remarqué que certains journalistes ont une approche et un vocabulaire différents lorsqu'il s'agit de moi et qu'ils me prêtent des comportements qui ne sont pas les miens, en utilisant la confusion de manière inacceptable.

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Je vous crois. C'était un clin d'œil. Sur le fond, le message avait un sens…

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Rachida Dati, ministre

Je ne l'ai pas dit comme ça.

La trajectoire budgétaire prévoit une augmentation des crédits de 446 millions d'euros à l'horizon 2028 par rapport à 2023. Elle intègre l'enveloppe de 200 millions d'euros qui avait vocation à financer les projets de transformation et de modernisation de l'audiovisuel public.

Mais vous avez raison, il faut regarder l'avenir. La question est de savoir comment sanctuariser le financement de l'audiovisuel public. Je ne veux pas qu'il soit aléatoire. La réforme sera menée dans de bonnes conditions si nous disposons des financements nécessaires, c'est-à-dire de l'affectation d'une part de la TVA.

Je ne mène pas un combat contre le Gouvernement : des arbitrages doivent encore intervenir. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

Vous pouvez compter sur moi, car je suis de tous les combats et je ne compte pas rater celui-là.

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Nous en venons à la seconde salve de questions individuelles.

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Nous célébrons cette année le 150e anniversaire de l'impressionnisme, un mouvement pictural qui a littéralement révolutionné l'histoire de l'art. Cet anniversaire est d'une grande importante dans le département du Val-d'Oise, dont les villes et les villages ont été une source d'inspiration pour des peintres de renommée internationale tels que Vincent Van Gogh, Camille Pissarro, Paul Cézanne ou Albert Marquet.

Les collectivités et les associations culturelles du Val-d'Oise vont naturellement organiser des expositions, animations et événements. Pour cet anniversaire de la première exposition impressionniste, le musée d'Orsay a notamment prévu une grande rétrospective. À cette occasion, 178 chefs-d'œuvre seront prêtés à des musées régionaux. Si les grandes métropoles, dont la capitale, bénéficient des moyens de rendre hommage à ce mouvement, il doit en être de même pour nos territoires, et notamment pour le Val-d'Oise, dont l'identité a été profondément marquée par ce mouvement artistique.

Des moyens sont-ils prévus pour soutenir les initiatives culturelles locales les plus proches de nos concitoyens destinées à célébrer cet anniversaire ?

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Le wokisme, venu des universités américaines, entreprend de déconstruire systématiquement notre culture et notre héritage civilisationnel. La plupart des champs de compétence de votre ministère sont des cibles directes du wokisme. Ainsi, dans le monde de l'édition, on entreprend de réécrire intégralement certaines œuvres majeures. L'affiche officielle des Jeux olympiques est la dernière folie en date, puisque la croix sommitale de la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides a été tout bonnement effacée. C'est ce qu'on appelle la cancel culture.

Le château de Chambord – joyau de l'humanité qui se situe dans ma circonscription – menace ruine. Un article de L'Express l'a montré de manière très documentée. Le Domaine national de Chambord dispose de 3 millions d'euros par an pour entretenir son patrimoine, alors qu'il en faudrait 30. Envisagez-vous un plan d'urgence pour Chambord ?

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Dans ma circonscription du sud des Yvelines, des médias tels que Radio Vieille Église ou TV78 jouent un rôle essentiel. Ils soutiennent les initiatives locales et diffusent l'information sur les événements organisés dans le département. Ils fournissent une information de proximité qui favorise le maintien du lien entre les habitants et les acteurs locaux. Leur apport est immense mais souvent sous-estimé, alors qu'ils contribuent à la vitalité des entreprises, des artisans, des associations, des artistes et des communes. Ils méritent toute notre reconnaissance.

Je sais que vous êtes mobilisée en faveur des médias de proximité. Quelle est la stratégie du ministère de la culture pour les accompagner et les soutenir, afin de garantir la continuité de leur mission ?

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Les professeurs de l'enseignement artistique de la fonction publique territoriale et du secteur associatif sont appelés à faire grève cette semaine. Ils demandent l'organisation plus fréquente de concours et davantage de places pour permettre aux 48 % de personnels contractuels – 48 %, tout de même ! – d'accéder à la titularisation.

Les agents en début de carrière touchent à peine 85 euros de plus que le Smic. De ce fait, il est de plus en plus difficile de recruter. Ces personnels revendiquent que tous les enseignants de la fonction publique territoriale passent en catégorie A et que l'on cesse de les employer sous la qualification d'animateur technicien.

À titre d'exemple, les professeurs du conservatoire de Bordeaux ont décidé de répondre à l'appel des organisations syndicales et seront en grève ce mercredi. Ils revendiquent une équivalence auprès de la mairie de Bordeaux, la revalorisation des indemnités de suivi et d'orientation des élèves, la création d'une prime annuelle d'équipement informatique, la prise en compte des heures supplémentaires et la régularisation immédiate du régime indemnitaire.

L'ensemble de ces revendications revêt un caractère national.

Sachant que le budget de la culture est amputé de 200 millions d'euros, quelles améliorations de leurs conditions de travail pouvez-vous leur garantir ?

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L'allongement continu des délais de construction est l'une des causes de la violente crise du logement que nous connaissons. Il tient au poids de la loi toujours plus bavarde ; en vingt ans, le code de l'urbanisme a doublé de volume et cela n'a en rien amélioré la situation. Au contraire, on construit de moins en moins, de plus en plus cher et c'est de plus en plus long : tous les ingrédients sont réunis pour bloquer la mécanique du logement.

En tant que ministre chargée du patrimoine, vous avez sous votre autorité les architectes des bâtiments de France (ABF), qui souffrent d'un manque de moyens – dans le Rhône, ils sont au nombre de douze pour un territoire de deux millions d'habitants. Noyés sous les dossiers, les ABF demandent constamment des pièces complémentaires pour gagner du temps – c'est le tonneau des Danaïdes. Autre difficulté, il y a autant de visions que d'ABF et les vérités d'un jour ne sont pas toujours celles du lendemain.

Quelle réforme envisagez-vous pour les ABF ?

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En cette semaine de la langue française, il est bon de rappeler la place dans la culture française de la littérature, qui permet à chacun de s'évader, de nourrir sa pensée, de gagner en liberté, et qui, chez les jeunes, concourt tant à l'émancipation.

Votre ministère joue un rôle essentiel pour faire naître et développer le goût de la lecture chez les jeunes, par l'intermédiaire des bibliothèques ou du pass culture – il finance d'ailleurs en premier lieu l'achat de livres. Le Centre national du livre apporte également un soutien décisif à des dispositifs tels que le quart d'heure de lecture ou « Des livres à soi » ainsi qu'à des festivals littéraires plébiscités par les jeunes, comme le Livrodrome.

C'est en renforçant le soutien à ces initiatives que nous parviendrons à ouvrir plus grandes les portes de la lecture à la jeunesse française, notamment à ceux qui en sont les plus éloignés. Comment faire davantage aimer le livre à notre jeunesse ?

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Les festivals jouent un rôle essentiel en contribuant au rayonnement de notre pays et en démocratisant les pratiques culturelles.

Le Festival d'Avignon est un événement majeur de portée mondiale. Il est donc normal qu'il soit soutenu par les collectivités et les services de l'État, et ce dans la plus grande transparence. À cet égard, le rapport annuel de la Cour des comptes de mars 2023 pointe la complexité de la gouvernance de l'association de gestion du festival et constate que les partenaires publics ne sont pas associés à un contrôle interne de la structure dans le cadre d'une gouvernance partagée.

Quel regard portez-vous sur l'opacité de cette structure ? Que comptez-vous faire pour améliorer le contrôle ? Pouvez-vous vous assurer que le directeur général de la création artistique, comme il s'y était engagé lors de son audition en novembre dernier, me transmette les bilans financiers du festival ?

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Fin janvier, vous avez relancé le projet de « BBC à la française » visant à réunir France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) afin de préserver l'audiovisuel public.

Lors de votre audition au Sénat, vous avez souligné la nécessité « d'un audiovisuel public puissant qui rassemble ses forces », à la différence de Mme Rima Abdul-Malak qui refusait l'idée d'une gouvernance commune. Vous souhaitez que la réforme intervienne avant l'été. Or Sibyle Veil, PDG de Radio France, s'est opposée publiquement à ce projet, craignant que la fusion soit plutôt un facteur de déstabilisation.

Est-il possible, selon vous, de mettre d'accord tous les PDG de l'audiovisuel public sur une telle réforme et d'éviter le passage en force ? Quelle est votre stratégie ?

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L'architecture est un des piliers de votre ministère. Pourtant, le sujet relève de trois ministères qui, par tradition, peinent à se parler : tantôt le ministère du logement essaie de prendre le pas sur celui de la culture, tantôt, c'est l'inverse, et les résultats ne sont pas très satisfaisants. Or la France est reconnue pour son patrimoine bâti et ses architectes sont des promoteurs de la renommée nationale dans le reste du monde.

Quelle est votre vision, compte tenu des mutations écologiques et sociétales, de l'architecture au sein du ministère de la culture ? Pouvez-vous apporter des précisions sur la prochaine stratégie nationale pour l'architecture, en particulier sur son calendrier ?

Il est important de remettre l'architecte au centre de la réflexion sur l'architecture.

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Madame la ministre, je veux vous dire ma satisfaction à l'annonce de votre nomination. Depuis des décennies, on parle d'égalité d'accès à la culture. Vous ajoutez l'exigence de qualité égale, et c'est ce qui fait la différence entre Paris et le reste de la France.

D'un côté, le dispositif des Micro-Folies, s'il mérite d'être pérennisé, envoie à la province le message : « Vous, vous verrez les tableaux en photo ». C'est catastrophique.

De l'autre, le musée d'art moderne et contemporain de Saint-Étienne, parce qu'il est actuellement fermé, présente ses œuvres dans plusieurs villes comme Saint-Genest-Lerpt, Roche-La-Molière ou Villars. Tous les problèmes de sécurité, de transport et d'assurance ont été résolus.

Je souhaiterais donc vous inciter à faire circuler les œuvres sur le territoire national.

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S'agissant des avances à l'audiovisuel public, nous avons appris l'annulation de 20 millions d'euros de crédits du nouveau Programme de transformation, dont les entreprises de l'audiovisuel public ont pourtant grand besoin. Quatre entreprises – France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA – devront donc se partager 49 millions d'euros mais selon quelle répartition, quelles modalités et quels indicateurs ?

Je regrette le retard dans la présentation des contrats d'objectifs et de moyens (COM). Il n'est pas normal de voter des crédits sans en avoir connaissance.

Je soutiens évidemment une réforme structurelle et un financement à long terme de l'audiovisuel public. Sans modification de la Lolf, au 1er janvier 2025, l'audiovisuel sera financé par le budget général de l'État, ce qui est incompatible avec son indépendance et l'exigence de prévisibilité. Une proposition de loi organique est prête à y remédier. Qu'en est-il ?

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Les Jeux olympiques de Paris seront l'occasion de faire rayonner la culture française. Quelles mesures ont été prises par votre ministère pour s'assurer que la langue française, chère à Pierre de Coubertin, ne soit pas écartée au profit de l'anglais pendant cette période particulière ? Avez-vous prévu des animations pour sensibiliser les visiteurs au français ?

Les festivals pourront-ils être maintenus dans les régions cet été malgré la mobilisation des forces de sécurité pour les Jeux ?

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L'enseignement artistique illustre toute la diversité et la richesse culturelle de notre pays tout en étant le vecteur privilégié de l'épanouissement individuel et collectif. Dans ma circonscription, les conservatoires, auxquels tout le monde ne peut accéder, bénéficient d'un fort soutien public tandis que d'autres structures, associatives, auraient également besoin d'aide – je pense à l'association Emari. Cette disparité crée une barrière financière pour de nombreux enfants au risque de freiner la mixité sociale et l'accès à la culture pour tous. Malgré des moyens limités, ces structures pratiquent des tarifs abordables favorisant une réelle diversité dans les effectifs. Comment l'État peut-il les accompagner financièrement ?

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Je salue à mon tour votre ambition pour la culture dans le milieu rural et la consultation engagée dans le cadre du Printemps de la ruralité.

J'ai la chance d'être élu dans un département qui mesure tous les jours l'intérêt social, économique et éducatif d'un équipement culturel dans un territoire rural. Il y a dix ans était inauguré le musée Soulages à Rodez. J'en profite, madame la ministre, pour vous inviter à venir fêter cet anniversaire et éventuellement à y organiser les premières assises de la culture en milieu rural.

Sans attendre la fin de la consultation, pouvez-vous nous faire part de vos ambitions pour la culture en milieu rural ?

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En tant que coprésident du groupe d'études Tourisme et patrimoine, je voudrais appeler votre attention sur l'accès à la culture populaire.

Le patrimoine minier et ouvrier constitue une fierté pour le Nord dont j'ai l'honneur d'être l'élu. Il est profondément inscrit dans l'identité et la mémoire de notre département comme de la France tout entière. Il porte le souvenir des luttes sociales de la même manière que le magnifique Germinal d'Émile Zola a fait connaître le travail des mines à des millions de Français. Les mines ont façonné une culture ouvrière, associative et sportive qu'une multitude de structures continuent de faire vivre dans notre territoire. Cette culture doit être valorisée, ce que fait avec succès le centre minier de Lewarde dans ma circonscription qui fête ses quarante ans. Avec 180 000 entrées l'année dernière – un record –, il illustre l'intérêt du grand public.

Il serait bienvenu d'envoyer un signal fort à la culture minière et ouvrière, qui rayonne localement mais n'est presque jamais mentionnée. Je réitère donc mon invitation, lancée le 17 janvier, à venir visiter ce merveilleux outil de connaissance et de promotion du patrimoine du bassin minier.

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Rachida Dati, ministre

Les intermittents, qui alternent périodes travaillées et non travaillées, avec une saisonnalité forte, disposent d'une règle spécifique pour ouvrir des droits aux congés maladie et maternité : 150 heures travaillées au cours des trois derniers mois précédant l'arrêt ou 600 heures sur les six derniers mois. Il s'avère que la connaissance de cette règle par les caisses primaires d'assurance maladie est imparfaite. La direction générale de la création artistique et la direction de la sécurité sociale collaborent pour améliorer son application. Vous pouvez compter sur moi pour que ce travail aboutisse dans les meilleurs délais.

Les radios et les télévisions locales n'entrent pas dans le périmètre des services d'intérêt général défini par l'Arcom. Une visibilité appropriée des contenus est cruciale pour l'offre culturelle à l'heure de la concurrence des grandes plateformes étrangères. Les radios et télévisions locales bénéficient néanmoins du soutien du ministère de la culture : 750 d'entre elles ont reçu 35 millions d'euros de subventions en 2023. Après vérification, Radio Vieille Église a bien été aidée par le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale à hauteur de 50 000 euros.

S'agissant de Chambord, qui connaît un indéniable succès, l'établissement prépare, à la demande du ministère, un plan pluriannuel d'investissement pour les travaux urgents. Il a bénéficié d'une hausse de sa subvention de 5 millions d'euros dans le budget pour 2024. Vous le savez, les travaux à entreprendre sont importants.

Je suis opposée à toutes les formes de censure. J'entends faire respecter la liberté de création partout, et en particulier là où elle est malmenée, sinon c'est le début de la censure, et on sait où elle mène. J'ai été choquée de la réécriture du titre du livre d'Agatha Christie. Il a été question de raccourcir, voire de résumer certaines grandes œuvres littéraires à destination d'un public qui prétendument ne pouvait pas comprendre. Allons plus loin, et écrivons les livres en phonétique ! Je défends l'accès à une culture de qualité, qui soit la même pour tous, comme l'a dit Quentin Bataillon. Il ne peut y avoir l'œuvre complète pour les uns et une version en phonétique pour les autres. Je m'opposerai à toute démarche de cette nature.

Cependant, je souhaite que nous nous concentrions sur les sujets majeurs. Plus on donne de l'importance à un sujet, plus il en prend. Il faut être fidèle à nos valeurs et ferme sur nos fondamentaux.

L'architecture est un pilier du ministère de la culture à telle enseigne que les écoles d'architecture sont placées sous l'autorité de la direction générale du patrimoine. Pour prendre en considération les enjeux écologiques, il est nécessaire de définir une nouvelle stratégie qui devrait être rendue publique cet été.

Quant aux ABF, il n'y a pas un élu local qui n'y a pas été confronté – même moi dans le 7e arrondissement. C'est grâce à eux si la France est ce qu'elle est, celle que nous aimons. Ils contribuent à la préservation du patrimoine – parfois seulement de certains éléments qui le composent comme une simple porte – qui fait partie de notre identité. Bien sûr, j'ai moi aussi été mécontente de certaines décisions des ABF. Mais je tiens à leur apporter mon soutien, pas seulement en tant que ministre de la Culture mais aussi en tant qu'élue locale. Certes, des divergences peuvent exister mais il est possible que les réserves émises dans certaines décisions soient levées après avoir échangé avec eux. La discussion reste toujours possible.

Ils le reconnaissent, il est indispensable d'adapter le diagnostic de performance énergétique au bâti ancien sinon il sera impossible de restaurer la majorité de notre patrimoine. Il en est de même pour le logement de manière générale : on ne doit pas opposer l'environnement et le patrimoine. Il faut de la nuance.

Les ABF, c'est comme les inspecteurs des impôts : on est content quand ils aident à lutter contre la fraude fiscale mais on l'est moins quand ils contrôlent. Ils sont dans une position ingrate et ils font leur travail. Je ne nie pas la possibilité de difficultés avec un architecte en particulier, mais les ABF sont les gardiens du patrimoine français et de notre identité, il faut le rappeler.

S'agissant de l'audiovisuel public, je suis très étonnée de la tribune de Mme Veil puisqu'elle a nous a fait savoir qu'elle soutenait la réforme. Celle-ci aura pour base de travail la proposition de loi de Laurent Lafon relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, qui a été adoptée par le Sénat. Le débat parlementaire permettra de procéder à d'éventuels ajustements.

Je reçois les dirigeantes vendredi. Si elles sont favorables à la réforme, certaines mesures, qui ne relèvent pas de la loi, pourraient être prises dès maintenant. Je ne ferai pas davantage de commentaires, nous en discuterons vendredi.

En ce qui concerne les COM, qui sont des documents absolument stratégiques, j'ai demandé qu'ils soient conclus avant l'été, ce qui suppose leur transmission au Parlement à la fin du mois de mai.

La grande majorité des festivals se tiendront sauf risque de sécurité majeur. Des périmètres de sécurité très larges pourront dans certains cas conduire à fermer des établissements ou à remettre en cause certains événements, mais globalement les festivals sont maintenus. Je salue l'effort collectif qui a été fait pour que les Jeux olympiques entravent le moins possible ces moments de culture très fédérateurs : je pense au Festival d'Avignon ou aux Vieilles Charrues qui ont décalé leurs dates. Je rappelle par ailleurs que 2 000 projets sont labellisés Olympiade culturelle.

Quentin Bataillon, j'ai été très frappée par votre souci de la qualité de la culture pour tous. Je pense aux acteurs de l'éducation populaire que vous m'avez incitée à recevoir qui œuvrent à la cohésion et participent à l'éducation à la citoyenneté.

Vous avez raison, la circulation concerne les spectateurs – c'est la mobilité – mais aussi les œuvres. Les Micro-Folies, c'est bien quand il n'y a rien d'autre mais c'est mieux de voir l'œuvre elle-même. J'incite beaucoup les opérateurs publics à faire circuler les œuvres. Nous avons fait un bilan avant l'audition et j'ai noté avec satisfaction une hausse de la mobilité des œuvres. Certains musées ont établi des feuilles de route avant même que je le leur demande. La circulation des œuvres est indispensable à la diffusion de la culture.

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Rachida Dati, ministre

C'est un bon slogan !

Monsieur Belhaddad, pour ce qui est de l'articulation entre les conservatoires et les associations, ces structures forment, avec les établissements publics et les collectivités territoriales, ce qu'il est convenu d'appeler désormais un écosystème. Elles sont très complémentaires, comme le sont aujourd'hui – pardon pour la comparaison – la police nationale et la police municipale malgré les réticences initiales. Il faut néanmoins veiller à ne pas financer des structures en oubliant le projet culturel du territoire, au risque de doublons et de frustrations. Je suis opposée au saupoudrage. Plus vous dispersez les subventions, moins l'action culturelle a de chances d'être de qualité.

La Drac peut vous aider à construire un projet culturel de territoire afin de soutenir les projets plus que les structures. N'hésitez pas à me solliciter en ce sens.

Monsieur Legavre, vous m'avez interrogée sur le statut des personnels des conservatoires.

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Et aussi sur leur rémunération : ils commencent à 85 euros au-dessus du Smic, ce qui pose forcément des problèmes de recrutement.

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Rachida Dati, ministre

Vous avez raison. Je constate une vraie pénurie d'enseignants dans les conservatoires municipaux à Paris, mais qui est aussi liée à la question de leur statut. La demande est telle qu'elle ne peut être satisfaite, même s'il y a des conservatoires dans tous les arrondissements parisiens. Celui de mon arrondissement est le seul à ne pas avoir de file d'attente à l'entrée, alors que l'accès à tous les autres se fait par tirage au sort. Pour ma part, je considère que le mérite ne se tire pas au sort. C'est pourquoi je suis en train de réfléchir plus globalement à la stratégie, au bien-fondé, au statut et à la place du conservatoire dans la ville. Discutons-en.

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Rachida Dati, ministre

Volontiers. Les territoires en difficulté se heurtent à des problématiques spécifiques, notamment en matière de recrutement, mais les conservatoires municipaux souffrent aussi dans les territoires denses tels que Paris. J'ai réorganisé mon conservatoire municipal pour mettre fin aux listes d'attente et aux tirages au sort, une expérience qui n'est pas forcément transposable à l'échelle nationale. Quoi qu'il en soit, il est indispensable de mener une réflexion globale sur la place des conservatoires dans l'accès à la culture et aux métiers de la culture. Je suis à votre disposition pour en discuter.

J'en viens à la célébration des 150 ans de la première exposition impressionniste, qui va donner lieu à une vraie circulation des œuvres : 178 prêts à trente-quatre institutions participantes dans treize régions. Dans ma liste, je n'ai pas le Val-d'Oise, madame Rilhac. Si vous avez un projet, regardons-le ensemble, mais le programme est très avancé et très offensif en matière de circulation des œuvres.

S'agissant de la lecture, je vous signale que la majorité des achats individuels avec le pass culture se porte sur les livres, dont beaucoup de bandes dessinées. Nous réfléchissons à transformer le quart d'heure de lecture dans les écoles en une vraie action culturelle, en incitant notamment à la lecture en public. N'oublions pas que si les disquaires ont disparu, il reste encore 3 500 librairies, y compris associatives, dans notre pays. Elles peuvent être un pilier dans notre stratégie de démultiplication des accès à la lecture et à la culture. Nous sommes aussi en train de nouer un partenariat sur la lecture et la langue française avec l'Académie française, dont j'ai rencontré le secrétaire perpétuel – à mon avis, il n'y a pas de meilleur partenaire sur le sujet. Je l'annoncerai avant l'été.

Monsieur Marchio, vous m'avez interrogée sur le patrimoine minier. L'idée est de préserver des lieux auparavant affectés à d'autres usages, tels que d'anciennes manufactures ou encore d'anciennes églises qui deviennent des salles de concerts, des théâtres ou des médiathèques. Dans le nord de la France, à Lille et ses alentours, il existe un patrimoine industriel à préserver, mais aussi à faire vivre comme vous le faites. Dans le cadre du loto du patrimoine, nous avons d'ailleurs choisi de financer la rénovation d'une… Mais je ne peux pas le dire avant l'annonce officielle, le 20 mars. En tout cas, j'ai été impressionnée par ce site.

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Rachida Dati, ministre

C'est prévu. C'est une région que je connais bien, dotée d'une vraie richesse industrielle et qui n'est pas si en déshérence que ça, grâce aux collectivités locales. Je viendrai volontiers.

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M. Mazars vous a aussi invitée chez lui pour les assises de la culture rurale chez lui.

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Et le dixième anniversaire du musée Soulages !

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Rachida Dati, ministre

À la suite du Printemps de la ruralité, je vais faire des annonces. En ce moment, je me déplace beaucoup en zone rurale où le plus petit déplacement me prend la journée. Parfois, j'aimerais bien visiter toute une zone de petits villages, mais, comme vous le savez, c'est compliqué pour des raisons de mobilité.

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Rachida Dati, ministre

Je connais votre hospitalité. Merci beaucoup.

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Merci beaucoup, madame la ministre, de vous être prêtée au jeu des questions-réponses et surtout de nous avoir détaillé votre feuille de route. Nous ne manquerons pas de vous réinviter aussi souvent que nécessaire, notamment en lien avec les états généraux de l'information.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.

Présences en réunion

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, Mme Bénédicte Auzanot, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, Mme Sylvie Bonnet, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, Mme Béatrice Descamps, M. Inaki Echaniz, M. Philippe Emmanuel, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Philippe Fait, Mme Martine Froger, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Julie Lechanteux, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Véronique de Montchalin, M. Julien Odoul, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Léo Walter

Excusés. – Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Emmanuel Pellerin, M. Boris Vallaud, M. Christopher Weissberg

Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Cordier, M. Matthieu Marchio