La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie.
Monsieur le ministre, chers collègues, bonjour. L'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen de la CEPP relative aux missions Économie, Plan de relance, Plan d'urgence face à la crise sanitaire et Investir pour la France de 2030 et au compte spécial rattaché à la mission Économie. Monsieur le ministre Roland Lescure, vous avez la parole sur l'exécution budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'être présent avec vous pour participer à une initiative lancée en 2018 par l'Assemblée nationale pour enrichir le débat relatif à la loi de règlement par une démarche d'évaluation des politiques publiques. Cette démarche a été constitutionnalisée depuis la loi organique de modernisation des finances publiques de décembre 2021. L'ordre du jour de cette commission d'évaluation des politiques publiques est particulièrement riche, car nous allons évoquer l'exécution 2022 des missions Économie, Plan de relance, Plan d'urgence face à la crise sanitaire et Investir pour la France de 2030, missions qui peuvent apparaître hétérogènes, ce qui explique la richesse du banc de fonctionnaires que je souhaite saluer, et à travers eux, l'ensemble des fonctionnaires des ministères économiques et financiers qui concourent aux résultats de ces missions. Derrière ce champ large et qui peut apparaître hétérogène, il y a la volonté assumée du gouvernement d'agir sur tous les fronts, tant pour protéger les Français et les entreprises face aux crises que pour les accompagner et les soutenir dans leurs efforts quotidiens de développement, et enfin pour préparer la France de demain, que nous voulons championne dans tous les domaines.
Je reviens d'abord sur l'exécution budgétaire de la mission Économie, à l'exception du programme 367, qui fonctionne en miroir avec le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État et que Gabriel Attal vous présentera dans le cadre de son audition de cet après-midi. Par rapport au total des ressources ouvertes en 2022, 67 % des crédits de paiement ont été exécutés, avec une hétérogénéité selon les programmes : 44 % pour le programme 134, Développement des entreprises et régulations, 99 % pour le programme 220, Statistiques et études économiques, l'Insee, 97 % pour le programme 305, Stratégies économiques, piloté par la direction générale du Trésor, et 79 % pour programme 343 dit Plan France très haut débit. Concernant le programme 134, sur l'ensemble des ressources ouvertes au cours de l'exercice 2022, il a consommé 47 % de ses crédits en autorisations d'engagement et 44 % de ses crédits en crédits de paiement. Les ressources ouvertes en cours d'exercice, pour 5,7 milliards d'euros en crédits de paiement, sont significativement supérieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (1,8 milliard d'euros). Cela est lié à la mobilisation du programme 134 dans la mise en œuvre du plan de résilience de l'économie pour faire face aux impacts de la guerre en Ukraine. Ce plan de résilience avait ouvert plus de trois milliards d'euros de crédits supplémentaires, par voie de décret d'avance et de loi de finances rectificative d'août 2022 pour deux dispositifs, le guichet d'aides aux PME du secteur des travaux publics affectées par la hausse du prix des intrants et un guichet d'aides aux entreprises dites énergo-intensive en 2022. Une très faible part de ces crédits a été consommée : 76 millions d'euros, soit à peine 2,5 %, ce qui explique l'essentiel de la sous-consommation de la mission Économie hors programme 367. Deux facteurs expliquent la sous-consommation : d'une part le contexte d'incertitudes et d'urgence et d'autre part des critères d'éligibilité initiaux qui se sont avérés trop restrictifs. Trois décrets d'application ont été pris afin d'assouplir et d'élargir les critères d'éligibilité. Ces modifications paramétriques produisent déjà des effets sur le rythme de consommation des crédits, puisque fin avril 2023, 3 000 demandes d'appui de la part d'entreprises ont été validées, avec plus de 300 millions d'euros décaissés. Nous commençons actuellement à verser les aides pour les factures de janvier et février 2023, qui ont été légèrement décalées par les opérateurs. La majeure partie du reliquat a donc été reportée sur l'exercice 2023 afin de poursuivre le financement des dispositifs du plan de résilience prorogés jusqu'au 31 décembre 2023.
Le programme 220, Statistiques et études économiques, recouvre quant à lui les moyens de fonctionnement et les emplois de l'Insee. Il a consommé 94 % de ses autorisations d'engagement et 95 % de ses crédits de paiement, hors dépenses de personnel. L'exécution budgétaire en 2022 a encore été perturbée par la crise sanitaire durant les premières semaines, avant de rejoindre la structure de dépenses pré-2019. S'agissant des emplois du programme, le taux d'exécution s'élève à 98,7 % pour le plafond d'emplois et à 99,8 % pour la masse salariale. Puisqu'il s'agit du thème retenu par le rapporteur spécial dans le cadre de cette audition, j'aurai l'occasion de revenir plus en détail sur l'actualité de l'Insee et sur les enjeux de politiques publiques dans lesquels elle s'inscrit.
Le programme 350, dit Stratégies économiques, porte les moyens de la direction générale du Trésor. Il finance aussi le traitement des situations de surendettement par la Banque de France, les moyens de l'Agence des participations de l'État et les crédits de l'économie sociale et solidaire. Sur l'ensemble des ressources ouvertes au cours de l'exercice 2022, le programme 305 a consommé 96,7 % de ses crédits en autorisations d'engagement et 97,2 % de ses crédits en crédits de paiement. Le taux de consommation du plafond d'emplois s'élève à 98,15 %. L'actualité de la direction générale du Trésor a été marquée en 2022 par la mobilisation du réseau international pour soutenir l'activité des entreprises françaises dans un contexte d'après-Covid et de conflits en Ukraine. La direction générale du Trésor a aussi joué un rôle de coordination au sein des ministères économiques et financiers dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne au premier semestre. Elle a élaboré les positions françaises en vue des G7 et G20 finances et participé à la préparation de la COP 27.
Enfin, en ce qui concerne le programme 343, dit Plan France très haut débit, initié depuis 2013, il affiche trois jalons, le haut débit pour tous et pour toutes à partir de 2020, le très haut débit pour toutes et pour tous à partir de 2022 et la généralisation des déploiements des réseaux de fibre optique jusqu'à l'abonné d'ici fin 2025. Le programme est piloté par la direction générale des entreprises et depuis 2023, par l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), qui succède à la Caisse des dépôts et consignations. Le premier jalon, le haut débit pour tous, a déjà été atteint. L'objectif du très haut débit pour tous devrait être atteint grâce à un mélange technologique qui comprend de la fibre optique et des technologies hertziennes et satellitaires. 85 % des locaux sont éligibles au très haut débit au 31 décembre 2022. Sur l'exercice 2022, ce programme dit 343 a consommé 96,7 % de ses autorisations d'engagement et 79 % de ses crédits de paiement. La sous-consommation est surtout due à une actualisation à la baisse des demandes de financement des collectivités.
S'agissant de la mission Plan de relance, créée par la loi de finances initiale de 2021, celle-ci aura porté, au total, près de 40 % des moyens du plan de relance, qui atteignait dans son ensemble 100 milliards d'euros. Soulignons d'abord l'atteinte des objectifs que le Gouvernement a fixés pour France relance : le soutien à l'activité, la célérité du déploiement, notamment comparé à d'autres plans de relance précédents, le respect de l'enveloppe initiale de 100 milliards d'euros, la transparence et la lisibilité. Selon le dernier rapport de décembre 2022 du comité d'évaluation du plan de relance, l'objectif macroéconomique a été atteint. L'activité française a retrouvé son niveau d'avant-crise dès l'été 2022. C'est mieux que les autres pays de l'Union européenne. L'emploi au troisième trimestre 2022 est supérieur de 3,4 % au niveau de fin 2019. Le pouvoir d'achat est orienté plus favorablement qu'ailleurs et malgré la forte hausse de l'inflation en 2022, le pouvoir d'achat à la fin de l'année 2022 est au niveau qu'il avait avant la crise. Nous avons renforcé la résilience des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises (PME), avec une hausse du chiffre d'affaires des PME de 11,2 % par rapport à 2019 et un redressement du taux de marge et de leur rentabilité. France relance, ce sont plus de 6 000 projets de rénovation énergétique des bâtiments, une multiplication par six de la part des véhicules électriques et hybrides dans les ventes de véhicules neufs, des projets de décarbonation, ou encore des projets d'accroissement de capacité dans l'industrie. Nous avons également atteint un septième de l'objectif fixé par la stratégie nationale bas carbone 2 pour 2030. Évidemment, nous devons accélérer sur ce point. Nous avons vu des panneaux France relance émerger un peu partout dans les territoires. Nous pouvons être collectivement assez fiers du fait que la France a pu sortir de l'ornière de la Covid sans trop de heurts et avec de l'avance par rapport à ses principaux partenaires.
Les entreprises sont dans l'ensemble extrêmement favorables et admettent une grande satisfaction vis-à-vis de ce programme. Sur l'exercice 2022, la gestion s'est concentrée sur la finalisation des engagements puisque, notamment pour des raisons de règles européennes, le plan de relance devait être terminé dans les deux à trois ans suivant la crise. Il reste moins de 2 % des autorisations d'engagement prévues en loi de finances initiale. Ce niveau d'engagement est absolument exceptionnel.
S'agissant de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, qui s'est éteinte fin 2022, la loi de finances initiale de 2022 n'a procédé à aucune ouverture de crédit, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Pour quatre programmes sur les cinq que compte la mission, les dispositifs de soutien sont donc éteints.
Sur France 2030, le plan se déploie rapidement puisqu'au 30 avril 2023, 13,8 milliards d'euros ont été engagés, soit 25 % du total de 54 milliards d'euros. Ce programme se caractérise par la souplesse de gestion et la pluriannualité, qui permet un déploiement rapide. Pour rappel, France 2030 représente 54 milliards d'euros, dont 16,5 milliards d'euros issus de PIA4, 34 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2022, 3,2 milliards d'euros générés par les intérêts de dotations non consommables et des programmes d'investissement d'avenir PIA1 et 2.
En ce qui concerne le programme 424, Financement des investissements stratégiques, nous avons engagé 8,8 milliards d'euros sur les 40,4 milliards d'euros envisagés. Les taux d'engagement varient selon les actions : 43 % pour les programmes de recherche, 5 % pour l'industrialisation et le déploiement, qui prend bien entendu un peu plus de temps. Les programmes de batteries et de décarbonation des sites industriels ne déploieront pleinement leurs ailes qu'à partir de cette année et l'année prochaine. Vous avez vu des annonces récentes, concernant notamment des programmes de décarbonation des 50 sites les plus émetteurs, d'installation d'entreprises internationales sur le sol français, etc.
S'agissant du programme 425, Financement structurel des écosystèmes d'innovation, nous avons d'ores et déjà engagé 35 % des 10,1 milliards d'euros totaux envisagés d'ici 2030, soit 3,6 milliards d'euros au total pour France 2030. Fin avril, c'est près de 14 milliards d'euros qui ont été contractualisés.
D'ici la fin de l'année, nous aurons engagé la moitié des fonds du plan. Plus de 1 700 projets ont été soutenus au bénéfice de plus de 2 300 lauréats uniques, avec 17 000 nouvelles places de formation en 2022 et 24 000 en 2023. Vous savez que la formation et la transition des talents sont un élément essentiel de ce plan. 46 % des bénéficiaires du plan France 2030, à ce stade, sont de petites et moyennes entreprises. Il s'agissait d'un souci important de l'Assemblée nationale et de cette commission lors de la présentation du plan France 2030. 21 % sont au bénéfice des grandes entreprises et le reste au bénéfice des entreprises de taille intermédiaire. 60 % des fonds engagés sont hors Île-de-France et 40 % en Île-de-France. J'étais avec un certain nombre de parlementaires ainsi qu'avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la ministre de la transition énergétique à Douvrin il y a deux jours, pour inaugurer une usine ACC qui va équiper 500 000 véhicules par an en batteries électriques. Il s'agit d'un succès impressionnant, y compris du point de vue de la capacité collective avec les élus de région et locaux à accélérer cette procédure afin de pouvoir, en deux ans, partir d'une demande d'autorisation d'installation et en arriver à l'inauguration de l'usine. Cette exception va devenir la règle et ce sera l'objet notamment du projet de loi industrie verte que j'aurai l'honneur de présenter devant cette assemblée avec Bruno Le Maire. Renault à Douai est un autre succès de France 2030 qui permettra de produire 400 000 véhicules électriques par an.
Je vais vous présenter l'exécution des programmes 134 et 343 de la mission Économie ainsi que celle du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers liés à des organismes privés. L'exécution de la mission Économie a été beaucoup plus importante qu'initialement prévue : 4 milliards d'euros avaient été votés en loi de finances initiale et 23 milliards d'euros ont été ouverts en cours d'exercice. Or ces ouvertures ont principalement porté sur le programme 134. Plus de 3,5 milliards d'euros ont été ouverts par le décret d'avance du 7 avril et la première loi de finances rectificative d'août 2022, pour faire face à la crise en Ukraine et afin d'apporter un soutien massif aux PME du secteur des travaux publics et aux entreprises énergo-intensives. Ces dispositifs d'aide aux entreprises ont été faiblement mobilisés. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, moins de 77 millions d'euros ont été consommés sur les 3,5 milliards d'euros ouverts. Trois raisons expliquent la sous-exécution constatée de ce poste de dépenses : premièrement, la très grande complexité à déterminer au moment du calibrage de ces aides l'évolution des prix de l'énergie, deuxièmement des estimations sur la consommation de gaz et d'électricité des entreprises qui étaient basées sur l'année 2019 en raison de la crise Covid, et troisièmement des conditions d'éligibilité prudentes afin d'éviter des effets d'aubaine. Je veux ici saluer l'action du gouvernement et de ses services, d'abord parce que cette ouverture aussi massive de crédits a permis de maintenir la confiance de l'écosystème économique, en dépit de fortes incertitudes provoquées par la hausse des coûts de l'énergie, ensuite parce que les critères d'éligibilité des aides, beaucoup trop restrictifs, ont été adaptés en cours d'année afin de mieux répondre à la demande, enfin parce que l'intégralité des crédits non consommés a été reportée en 2023 pour assurer la poursuite de ce dispositif indispensable à la protection de nos entreprises. Le programme 357 était quant à lui dédié aux aides liées à la crise sanitaire. 800 millions d'euros ont été transférés sur le programme 134 pour la continuité du versement des aides. Par ailleurs, le plan destination France a bénéficié de plus de 110 millions d'euros en provenance du programme 357. Toutefois, seuls 24 millions d'euros ont été consommés. Cette sous-exécution s'explique par la non-consommation des aides spécifiques aux foires et aux salons. En effet, la reprise des foires et des salons a été plus lente et souvent dans un format réduit après la crise Covid. Un meilleur calibrage de ce budget est prévu au PLF 2024.
J'en viens désormais au programme 343, qui porte les crédits du plan France très haut débit. 417 millions d'euros ont été consommés, contre 622 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale. Cette sous-exécution s'explique par une diminution des demandes des collectivités territoriales pour leur projet de réseau. Nous avions connu en 2021 une accélération qui correspondait au rattrapage post-crise sanitaire. La direction générale des entreprises et l'ANCT travaillent pour améliorer les échanges avec les collectivités territoriales, ce qui devrait permettre une meilleure visibilité pour les prochaines années.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous alerter sur la situation de l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Le guichet unique annoncé pour le 1er janvier 2023 n'est pas complètement opérationnel. J'ai été alerté sur de nombreux rejets de dossiers lors du dépôt dématérialisé des comptes annuels. Cela peut mettre en difficulté un certain nombre de nos entreprises. Le gouvernement a-t-il connaissance de cette problématique ? En attendant que le guichet unique soit complètement opérationnel, quelles solutions pourraient être apportées aux entreprises afin de faciliter le dépôt des comptes ?
J'en viens désormais au compte de concours financiers. 1,2 milliard d'euros ont été consommés sur ce compte en 2022, soit 168 % des crédits votés en loi de finances initiale. Cette sur-exécution s'explique par des prêts octroyés par le Fonds pour le développement économique et social et les avances remboursables et très bonifiées aux entreprises touchées par la crise COVID.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, il me revient de vous présenter aujourd'hui l'exécution des programmes 220 et 305 de la mission Économie. Les deux programmes dont je rapporte les crédits représentent environ 25 % des crédits de la mission Économie. Environ 860 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, ont été exécutés en 2022, un montant très proche de ce que nous avions voté en loi de finances initiale. Ces programmes ont d'ailleurs été beaucoup moins affectés par la guerre en Ukraine et ses conséquences que d'autres programmes de la mission, à l'instar du programme 134 présenté par notre collègue Xavier Roseren.
Le programme 220, Statistiques et études économiques, porte les crédits de l'Institut national de statistiques et des études économiques (Insee). 445,84 millions d'euros ont été consommés en 2022 sur ce programme, pour 435,33 millions d'euros ouverts en loi de finances. Cette surconsommation des crédits tient pour l'essentiel à des effets affectant les dépenses de masse salariale, notamment en raison de la hausse du point d'indice de 3,5 %, qui a entraîné un surcoût d'environ quatre millions d'euros, et de la sous-estimation de l'effet glissement vieillesse technicité (GVT), pour environ trois millions d'euros. Le budget de l'Insee s'inscrit depuis 2019 dans un cadre pluriannuel, l'Institut ayant en effet signé en 2019 avec la direction du budget et le secrétariat général des ministères économiques et financiers un contrat couvrant la période 2019-2022. Outre une visibilité sur son budget, ce contrat offre à l'Insee une flexibilité accrue dans la gestion de ses moyens, notamment de son schéma d'emplois. Cela se traduit pour 2022 par une sous-exécution du schéma d'emplois. En effet, sur la diminution de 67 équivalents temps plein prévue en loi de finances, seulement la moitié environ ont été exécutés. En contrepartie, ce contrat pluriannuel définit trois grands projets stratégiques déclinés en six projets de transformation. Je salue ce modèle innovant de la gestion des finances d'une administration qui offre la souplesse nécessaire à la conduite de projets d'ampleur, tout en ne transigeant pas sur la rigueur inhérente et nécessaire à l'activité budgétaire. Je tiens également à saluer la capacité qu'a eue l'Insee à s'adapter au contexte de crise géopolitique induit par la guerre en Ukraine. L'Institut a dû adapter son appareil d'analyse conjoncturelle et son système d'observation pour suivre la transmission des prix de l'énergie et d'autres matières premières aux prix au détail, les difficultés d'approvisionnement de l'économie ou encore les conséquences de l'inflation sur le pouvoir d'achat des ménages et les personnes en situation précaire. Toutefois, une question subsiste. Monsieur le ministre, la Cour des comptes relève dans sa note d'exécution budgétaire que l'objectif d'accroissement des ressources propres, fixé à 20 % dans le contrat d'objectifs et de moyens, comme pour la période 2019-2022, n'est pas atteint. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous apporter des éléments de réponse sur ce point ?
S'agissant du programme 305, Stratégies économiques, qui porte les crédits de la direction générale du Trésor, à l'exclusion des dépenses de fonctionnement courant de l'administration centrale, qui sont regroupées dans le programme 218, 417 millions d'euros ont été consommés sur ce programme, pour près de 421 millions de crédits ouverts, soit un taux d'exécution de 97,2 %. Je tiens à saluer le rôle essentiel et actif qu'ont joué ces administrations dans cette année 2022, marquée par une pluralité d'événements. Le Trésor a ainsi joué un rôle majeur, en premier lieu dans l'organisation de la Présidence française de l'Union européenne. Le service du Trésor a animé et organisé de très nombreux événements ministériels. Dans un deuxième temps, la direction générale du Trésor a joué un rôle central dans la réponse économique, commerciale et financière à la guerre en Ukraine, notamment dans la définition et mise en œuvre des sanctions économiques à l'égard de la Russie, dans l'analyse et le suivi des conséquences macroéconomiques et sectorielles de la guerre et enfin dans le nouveau prêt garanti par l'État, PGE résilience, qui a été mis en place pour soutenir les entreprises affectées économiquement par le conflit.
Cette action fondamentale du Trésor a été rendue possible par l'engagement constant des hommes et des femmes de cette administration, justifiant pour 2022 une sous-exécution du schéma d'emplois en accord avec le secrétariat général des ministères économiques et financiers. Enfin, je tiens à souligner la qualité et la vigilance des services de l'Agence France Trésor dans la gestion de la dette publique et de la trésorerie de l'État qui, on le sait, rencontrent des difficultés inédites en raison du resserrement de la politique monétaire organisée tant par la FED que par la BCE. Pour conclure, une seconde question émerge de cette exécution budgétaire. J'ai constaté, pour les crédits destinés à l'économie sociale et solidaire, un décalage entre la prévision budgétaire initiale des crédits alloués aux entreprises et leur consommation effective, visiblement à destination des collectivités. Pouvez-vous éclairer la commission sur ce point ?
Sur l'année 2022, 318 millions d'euros en autorisations d'engagement et 329 millions d'euros en crédits de paiement ont été ouverts en soutien au commerce extérieur. 277,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 272,8 millions d'euros en crédits de paiement ont été exécutés, soit un taux de consommation de 85,66 % en autorisations d'engagement et 82,79 % en crédits de paiement par rapport à l'ensemble des crédits disponibles. Ils se répartissent ainsi : 135 millions d'euros ont été ouverts sur l'action 7 du programme 134, Développement des entreprises et régulations, répartis entre la subvention pour charges de service public accordée à Business France et la rémunération accordée à Bpifrance Assurance Export au titre des garanties publiques à l'export qu'elle gère ; 128 millions d'euros ont été ouverts sur l'action 4 du programme 114, Appels en garantie de l'État, pour compenser le déficit de certaines procédures de garanties publiques à l'export, à savoir l'assurance prospection, la garantie du risque exportateur et la garantie de change ; 14,8 millions d'euros en crédits de paiement ont été ouverts sur l'action 3 du programme 363, Compétitivité au titre du plan de relance export et55 millions d'euros en autorisations d'engagement et 51 millions d'euros en crédits de paiement ont été ouverts sur l'action 2 du programme 110, Aide publique au développement au titre du fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences (FEXTE) et du fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP), qui permettent de soutenir les entreprises qui s'engagent dans des projets d'infrastructures dans des pays en développement ou émergents.
Les crédits non consommés correspondent à un déficit plus faible que prévu au titre des garanties publiques de l'export et à des crédits du FASEP et du FEXTE, reportés à hauteur de 10,8 millions d'euros.
Je voudrais évoquer trois points. Le premier concerne le plan de relance export. 247 millions d'euros étaient prévus à ce titre sur le programme 363, Compétitivité de la mission Plan de relanc e. 66,8 millions d'euros devaient être versés à Business France, notamment au titre de la gestion des chèques relance export et des chèques relance VIE. 15,4 millions d'euros devaient être versés à Bpifrance Assurance Export. 30 millions d'euros devaient être versés au titre du FASEP. 134 millions d'euros de crédits devaient être versés pour financer l'assurance prospection dans le cadre du plan de relance export. Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous revenir sur l'exécution effective de ce plan et indiquer si les crédits non consommés, notamment pour ce qui concerne l'assurance prospection, ont été reportés ou redéployés ?
Le second point est celui des garanties à l'export. En principe, des crédits évaluatifs servent à compenser le déficit de certaines procédures. En 2022, le déficit de l'assurance prospection a été plafonné à 97,5 millions d'euros. D'autres procédures, comme l'assurance-crédit, ont été structurellement excédentaires et reversent leur excédent au budget général. Ne pourrait-on pas imaginer qu'une partie de ces excédents permette d'augmenter la distribution des produits en déficit, comme l'assurance prospection, qui permet d'encourager l'export des PME au premier chef, au lieu d'alimenter le budget général ?
Enfin, la subvention pour charges de service public versée à Business France s'élève à 93,4 millions d'euros en 2022. Elle est ouverte sur le programme 134, Développement des entreprises et régulations, le programme 112, Impulsion et coordination des politiques publiques, ainsi que le programme 149, Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture. Alors que cette subvention avait baissé de 10 millions d'euros entre 2018 et 2022, la loi de finances pour 2023 a augmenté les crédits de Business France de 15,6 millions d'euros. Cette subvention va-t-elle être stabilisée ou le prochain contrat d'objectifs et de moyens prévoira-t-il un nouvel effort de rationalisation ?
La documentation budgétaire est malheureusement relativement peu lisible en matière touristique et ne permet pas d'isoler parfaitement l'ensemble des crédits qui soutiennent le tourisme et donc d'évaluer le réel effort de l'État en la matière. Je me suis concentrée sur trois séries de crédits. En premier lieu, je souhaite évoquer les crédits versés habituellement à l'opérateur Atout France, qui est l'opérateur dédié à la promotion de la destination France, doté à hauteur de 28,69 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ces crédits affichent un taux d'exécution de 130 % en raison de l'ouverture de 14,6 millions d'euros de crédits via les reports croisés en provenance du programme 357 Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire pour le plan Destination France. En second lieu, on peut mentionner les crédits versés au titre du plan Destination France, quasi intégralement ouverts en gestion, pour 217 millions d'euros en AE et 214 millions en CP. Cette évaluation est sans doute partielle au regard de la faible lisibilité des crédits mais c'est ce que la lecture de la documentation budgétaire nous permet d'affirmer. Enfin, viennent les crédits versés par le programme 364, Cohésion de la mission Plan de relance, pour financer le plan Avenir Montagnes, qui a ouvert 46,2 millions d'euros en CP, auxquels il faut ajouter 116 millions d'euros de reports en AE depuis l'exercice 2021 et 3,4 millions d'euros de reports en CP issus de l'exercice 2021. Au total, cela fait 44,3 millions d'euros ouverts en AE et 90 millions d'euros en CP. Au cours de l'année, 321 millions d'euros en AE et 206 millions d'euros en CP ont été ouverts en gestion. 203 millions d'euros en AE et 131 millions d'euros en CP ont été exécutés, soit un taux d'exécution de 595 % en AE et 145 % en CP par rapport aux crédits ouverts en LFI et de 71 % en AE et 44 % en CP par rapport aux crédits disponibles.
Je tiens d'abord à signaler l'illisibilité des crédits décaissés au profit du plan Destination France. Il a notamment été financé par des reports croisés en provenance du programme 357, Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire, et des crédits ouverts en LFR 2. Non seulement les crédits sont éclatés entre de multiples programmes, mais encore leur exécution est renseignée partiellement dans les rapports annuels de performances, à raison du fait que ce sont des crédits à l'intérieur des actions. Lors du dernier projet de loi de finances, un amendement gouvernemental a supprimé le document de politique transversale relatif aux crédits du tourisme. Celui-ci donnait certes une information partielle des crédits mobilisés en faveur du tourisme, agrégeant des crédits qui avaient peu à voir avec le tourisme, mais nous avions au moins quelques éléments d'informations. Aujourd'hui, nous savons que le gouvernement a fait un effort important suite à la crise Covid en faveur du tourisme au travers du plan destination France, mais il est quasiment impossible d'en évaluer le contenu et la réalité d'exécution. Il me semble essentiel que nous fassions un effort pour obtenir un jaune budgétaire clair lors du prochain PLF, pour connaître la réalité des crédits décaissés et garantir une information transparente et sincère des parlementaires et une évaluation réaliste de cette politique.
D'autre part, le décaissement des crédits Avenir Montagnes poursuit son déroulement. L'ensemble des 170 millions d'euros d'autorisations d'engagement a été exécuté. Les restes à payer s'élèvent à 128 millions d'euros en CP jusqu'en 2026.
Monsieur le ministre, pourriez-vous réaliser un état des lieux des décaissements des crédits au titre du plan Destination France, nous donner l'avancée des actions les plus emblématiques et le montant moyen des projets financés ? En ce qui concerne le plan Avenir Montagnes, pouvez-vous évoquer les projets financés ? Pourriez-vous nous faire un point sur les recettes issues des droits de visa ? Nous avons vu un bouleversement des arrivées et des départs en France en matière touristique après le Covid. Comment la situation se rétablit-elle ? Quels sont les droits de visa les plus importants ? Est-ce que ce sont ceux issus d'Amérique du Nord ou de Chine et d'Asie ? On sait que l'on a eu une chute très importante des flux touristiques de ces populations.
Je ne m'étendrai pas sur la mission Plan d'urgence car la plupart des dispositifs qui avaient pour objet de soutenir les entreprises touchées par la crise sanitaire et de regrouper les crédits budgétaires alloués à la lutte contre les conséquences économiques ont pris fin à partir de l'automne 2021. La mission Plan d'urgence a néanmoins été maintenue en 2022 afin de financer les restes à payer des dispositifs d'urgence ainsi que d'éventuelles dépenses complémentaires. Au total, 79 milliards d'euros ont été dépensés sur la mission Plan d'urgence entre 2020 et 2022. Concernant l'exécution 2022, la loi des finances initiale pour 2022 n'avait procédé à aucune ouverture de crédits sur les programmes de la mission, à l'exception du programme 366 qui avait bénéficié d'un amendement de 200 millions euros pour l'achat de masques. Les restes à payer de 2021 devaient donc être financés par des reports de crédits de l'année 2021 vers l'année 2022.
Concernant la mission Plan de relance, elle a été créée par le projet de loi de finances pour 2021 afin de porter la majorité des dépenses budgétaires de l'État au titre du plan de relance, soit 36 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros du plan. Le plan de relance est en grande partie, mais pas totalement, exécuté aujourd'hui. Ainsi, la quasi-totalité des autorisations d'engagement est désormais consommée, mais les décaissements de crédits de paiement devraient encore s'étaler jusqu'en 2029. Du point de vue de l'exécution de la mission Plan de relance en 2022, je constate qu'elle se caractérise par des reports de crédits très importants. Le gouvernement avait en effet en effet fait le choix d'ouvrir dès la loi de finances initiale pour 2021 l'essentiel des autorisations d'engagement, soit 36 milliards d'euros, et un montant substantiel de crédits de paiement, près de 22 milliards d'euros en CP, afin de soutenir efficacement et rapidement la dynamique de relance. La loi de finances initiale pour 2022 avait quant à elle procédé à l'ouverture de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 13 milliards d'euros en crédits de paiement. En cours de gestion, la mission Plan de relance a été abondée à hauteur de 7,2 milliards d'euros en AE et de 6,2 milliards d'euros en CP au titre de report de crédits de l'année 2021 vers l'année 2022. De fait, le montant des crédits disponibles au cours de l'exécution 2022, soit 8,4 milliards d'euros en AE et 17,6 milliards d'euros en CP, est très nettement supérieur au montant des crédits ouverts en loi de finances initiale. Un tel niveau de report de crédits amoindrit l'importance de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement.
Je souhaite émettre quelques remarques sur l'exécution des trois programmes qui composent la mission. Concernant le programme 362, qui regroupe les crédits du Plan de relance contribuant à la transition écologique, j'ai noté une sous-consommation importante de près de 28,7 % des dispositifs de décarbonation de l'industrie, liée à des retards pris dans la contractualisation avec les entreprises. De même, les paiements de l'État français à la Commission européenne au titre de la stratégie hydrogène ont pris du retard. Concernant le programme 363 Compétitivité, qui supporte les crédits visant au renforcement de la compétitivité et de la résilience économique et technologique de la France, le taux de consommation des crédits de paiement du programme est relativement faible (70 %), sous l'effet de trois facteurs : la nature pluriannuelle de certains dispositifs tels que le dispositif de relocalisation des approvisionnements critiques, la sous-estimation des délais nécessaires à l'organisation des projets, comme le dispositif Industrie du futur ou le plan cathédrales, et enfin la gestion des dépenses qui impliquent des tiers comme les fonds régionaux d'investissement avec les collectivités territoriales.
Concernant le programme 363, qui regroupe les crédits visant à garantir l'équité et la cohésion sociale, notamment grâce à des mesures de soutien à l'emploi, je remarque l'abondement de l'action 2 Jeunes à hauteur de 700 millions d'euros par décret de transfert, afin de financer la prolongation des primes exceptionnelles à l'apprentissage au cours du second semestre 2022.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais vous faire part d'une demande, d'une question et d'une remarque.
La demande porte sur l'amélioration de l'information contenue dans les documents budgétaires relatifs au Plan de relance qui, trop souvent, ne permettent pas de suivre finement l'exécution des crédits.
La question est la suivante : la mission Plan de relance est une mission temporaire afin de mettre en valeur l'effort budgétaire de l'État au titre de la relance de l'économie après la crise. Jusqu'à quand pensez-vous la maintenir dans la maquette du budget général de l'État ?
Enfin, ce Plan de relance a été en grande partie élaboré sous l'égide de la Commission européenne et la France n'a aucune garantie de pouvoir bénéficier des financements européens, puisque le versement des fonds est conditionné par l'atteinte de jalons et de cibles. Ainsi, la subvention totale actualisée dont doit bénéficier la France n'est plus de 39,4 milliards d'euros, initialement négociée en juillet 2021, mais s'élève désormais à 37,5 milliards d'euros, soit une perte de plus de 2 milliards d'euros. Contrairement à vous, monsieur le ministre, nous ne pouvons cautionner cette mainmise de Bruxelles sur nos finances publiques et nos réformes.
Durant la dernière campagne présidentielle, le Président Emmanuel Macron lui-même a abordé la planification. Dans une période de fin de « quoi qu'il en coûte », le plan France 2030 avec ses 34 milliards d'euros semble être un plan colossal. À l'heure des grandes leçons constitutionnelles sur le zéro solvabilité pour charge, rappelons que France 2030 n'a pas fait l'objet d'un projet de loi ni même d'une proposition de loi, mais de l'amendement le plus cher de la Cinquième République, selon ma collègue Valérie Rabault.
L'utilisation des crédits, d'abord, est conforme à la prévision et sans rupture. Nous avons face à nous de grands défis : s'adapter au changement climatique, préserver notre souveraineté alimentaire, obtenir une souveraineté sanitaire. La planification est une bonne stratégie et une bonne philosophie politique, mais dans le fond, si certains parlent d'innovation et de rupture, à l'aune de l'évaluation des dépenses pour France 2030, il n'y a que très peu de ruptures. L'amendement de 34 milliards d'euros n'a donné lieu à aucune étude d'impact. La Cour des comptes signale à cet égard qu'une grande transparence et une redevabilité auprès de la représentation nationale pourraient être attendues. Ensuite, nous ne voyons pas de rupture sur la méthode. Nous ne sortons pas du dogme du saupoudrage ni d'une logique de subvention sans aucune contrepartie. Les entreprises aux lauréats sont en outre très largement franciliennes. La moitié des montants contractualisés ont été alloués à des porteurs de projets situés en Île-de-France. J'avais remarqué lors de l'examen du projet de loi de finances que les départements et régions d'outre-mer étaient laissés à l'écart des investissements. Seule la Réunion a été en mesure de signer une convention au titre de l'enveloppe régionalisée de France 2030. Enfin, les grandes entreprises ont été très largement favorisées. Selon la Cour des comptes, elles ont bénéficié de 30 % des dépenses du plan d'investissement d'avenir 4 et de France 2030. 15 d'entre elles se sont partagé près d'un milliard d'euros. Nous retrouvons ainsi, parmi les lauréats de France 2030, Accenture (6 milliards d'euros de bénéfices, 19 000 licenciements dans le monde), Nokia (1,5 milliard d'euros de bénéfices, la fermeture de l'usine à Trignac en Loire-Atlantique), Société Générale (5,6 milliards d'euros de bénéfices, dans le top cinq des banques en Europe qui financent le plus les énergies fossiles), Total (19 milliards d'euros de bénéfices, dont le mix énergétique prévu pour 2030 est composé à 85 % d'énergies fossiles et qui lance de nouveaux projets pétroliers et gaziers).
Sur les grandes orientations et les grands objectifs, s'agissant d'abord de l'environnement, le coût de la transition écologique a récemment été estimé entre 50 et 70 milliards d'euros chaque année. Le plan France 2030 représente 5,5 milliards d'euros sur dix ans pour la décarbonation de l'économie. Cela va financer 1 % des besoins. Pire, s'agissant des dépenses effectives, sur les 5,5 milliards d'euros pour la décarbonation, seuls 2 millions d'euros ont été engagés. Pour le moment, seules 25 % des dépenses de France 2030 ont un impact favorable pour l'environnement selon les documents annexés au projet de loi de finances 2023. S'il est possible de se féliciter de la construction de batteries en France, les carters aluminium essentiels importants pour la production des voitures électriques restent délocalisés. Pour la santé, nous connaissons des ruptures d'approvisionnement. Selon l'ANSM, il existe une liste de 400 médicaments à intérêt thérapeutique majeur. Seulement, France 2030 ne prévoit de relocaliser que 5 % d'entre eux. À ce rythme, il nous faudra donc deux cents ans pour être capables de produire les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Je soulève encore une question plus large : nous avons vu une fermeture d'usine Synthexim, le dernier fabricant en Europe d'amphétamine. Où est la logique dans la relocalisation si de l'autre côté, nous laissons fermer certaines usines essentielles ?
Allez-vous envisager une conditionnalité des aides, comme cela vous avait été demandé lors de l'examen du projet de loi de finances ? Quel est le sens de l'action des relocalisations si dans le même temps, nous laissons les usines stratégiques partir ? Sur la question des médicaments, ne faudrait-il pas envisager d'investir pour que l'État produise lui-même certains médicaments ? Enfin, vous avez mis en place des procédures dérogatoires qui ont permis au comité exécutif de France 2030 de sélectionner directement des projets d'intérêt européen communs de la stratégie hydrogène par exemple, ce qui a amené la Cour des comptes à soulever un doute sur le respect d'exigences d'objectivité, formule assez douce pour signaler le risque de conflit d'intérêts. Ce risque est d'ailleurs présent au sein des comités de pilotage ministériels, où siègent des ambassadeurs issus du monde de l'entreprise, et pour lesquels de très faibles mesures de prévention ont été prises. Monsieur le ministre, il serait certainement nécessaire que vous nous transmettiez les documents préparatoires à la sélection des projets de la stratégie hydrogène et que vous expliquiez pourquoi les procédures habituelles d'instruction du dossier n'ont pas été respectées. Merci.
Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui pour échanger sur l'évaluation des missions Plan de relance et Investir pour la France de 2030. Je me chargerai d'aborder ce second sujet, pour lequel j'ai eu le plaisir d'être rapporteur pour avis dans le cadre du PLF 2023. Pour mémoire, le plan France 2030 est doté de 54 milliards d'euros engagés sur cinq ans, avec pour objectif de rattraper le retard industriel français, d'investir dans les technologies de rupture et de soutenir la transition écologique. Le caractère exceptionnel de ce plan a déjà été largement mis en avant, mais je ne me priverai pas de le rappeler une nouvelle fois, à un moment où la France engage des travaux inédits en faveur de sa souveraineté, de sa réindustrialisation et de sa décarbonation.
Sur l'exécution budgétaire de France 2030, tout d'abord, l'analyse des crédits indique une légère sous-consommation en autorisations d'engagement, qui résulte sans doute d'un moindre conventionnement avec les opérateurs. J'ai conscience qu'en matière d'investissement d'avenir, il convient de regarder l'évolution des crédits sur le temps long en raison de la nature des projets soutenus, mais le déploiement de France 2030 peut encore s'accélérer et peut-être pourriez-vous détailler votre feuille de route en ce sens. Dans ce contexte, l'usage des crédits de France 2030 a été indiqué comme source de financements possibles dans le projet de loi industrie verte et avec lui, dans l'immense effort qui va être consenti pour réindustrialiser enfin notre pays. C'est une excellente initiative qui correspond en tout point aux objectifs initiaux du plan et je ne peux que vous encourager en ce sens. Je serai bien évidemment preneur des premiers éléments chiffrés, si vous en disposez déjà. Enfin, je pense qu'il est essentiel de saluer les premiers grands succès du plan. L'inauguration, il y a quelques jours, de la gigafactory de batteries à Douvrin en est un bel exemple. Nous pouvons donc nous féliciter de voir ouvrir la première des quatre gigafactories prévues dans le plan et de voir que cet outil remplit ses promesses en permettant à la France d'être au rendez-vous des enjeux de souveraineté et de réindustrialisation. Je vous remercie de votre attention et je vous assure, monsieur le ministre, du plein soutien de notre majorité pour accélérer le déploiement de France 2030.
Je souhaite saluer les résultats issus de la mission Économie et les résultats de notre pays, avec un chômage au plus bas, à 7,1 %, un niveau d'investissement record, une attractivité qui est redevenue la plus importante en Europe et une croissance qui se maintient, bien que ralentie. Tout cela démontre que la politique que nous menons a porté ses fruits.
Je souhaiterais revenir sur deux sujets. S'agissant d'abord du soutien aux entreprises, Monsieur le ministre, vous l'avez dit, les crédits ont été sous-consommés en 2022. Le dispositif était quelque peu compliqué et probablement mal perçu par un certain nombre d'entreprises. Depuis, la situation s'est améliorée. Les crédits ont été reportés en 2023. Je voudrais m'assurer qu'un suivi très précis a été mis en place, car l'impact de l'inflation des coûts énergétiques sur les entreprises est parfois caché, parce que certaines entreprises ont recontractualisé au milieu de l'été l'année dernière, à des prix qui sont extrêmement importants, ou se sont engagées sur des durées qui peuvent être très différentes d'une entreprise à l'autre. Il s'agit de ne pas considérer que la sous-consommation est un bon résultat.
En ce qui concerne le plan France Très haut débit, sur le programme 343, qui a été consommé à hauteur de 417 millions d'euros en crédits de paiement, selon France Stratégie, les objectifs de couverture seront atteints au bout de dix ans, en atteignant une couverture très haut débit pour 99 % des locaux du territoire. Il existe en l'occurrence des inégalités de déploiement d'un territoire à l'autre. Le Gers, fin 2022, affichait 60 % de couverture du très haut débit, contre à peu près 77 % en moyenne en France. Ces écarts peuvent s'expliquer par le caractère plus ou moins rural ou montagnard de nos territoires. Je suis inquiet. Comment atteindre les derniers pourcentages de couverture en fibre ? Ne faut-il pas reconnaître le fait que nous devons utiliser des technologies différentes pour atteindre une couverture très haut débit à 100 % ? Pour les derniers de nos concitoyens et les entreprises les plus éloignées, le coût de raccordement à la fibre est absolument exorbitant. Comment voyez-vous la fin de ce déploiement du très haut débit pour atteindre les 30 % ? J'aimerais également vous entendre sur les spécificités en outre-mer.
Sur la question de l'attractivité de la France, notamment en termes d'investissements, je rappelle qu'en nombre, cette affirmation est vraie, mais pas en volume, puisque nous sommes cinquièmes en Europe, ni en création d'emplois. Nous sommes très loin, par exemple, derrière les Espagnols. Je relativise donc les chiffres avancés sur ce sujet.
Je souhaite attirer votre attention sur trois points. D'abord, j'observe sur la mission Commerce extérieur que l'on parle de reprise d'exportation de biens de 18 % en valeur par rapport à 2021, ce qui est tout à fait exact. Pourtant, le déficit commercial n'a jamais été aussi important en France, avec -164 milliards d'euros. Sur la question des biens, nous avons une hausse des importations telle que nous arrivons à un déficit pour la balance des biens de 134 milliards d'euros. Je sais que la note énergétique explique en large partie cette augmentation du déficit et qu'il faut aussi l'apprécier en pourcentage du PIB, critique que je fais parfois au Gouvernement. Il y a certainement un travail attentif à mener en vue de limiter les importations et de produire davantage en France, notamment d'un point de vue industriel.
La sous-exécution des crédits de l'économie sociale solidaire s'explique par une surexécution des crédits à destination des collectivités territoriales. Cette sous-exécution m'inquiète néanmoins sur un secteur que j'estime non seulement indispensable du point de vue de ses méthodes, mais aussi du point de vue de l'activité en France. Le rapporteur spécial note que les crédits destinés aux entreprises en 2021 avaient été surexécutés, en raison notamment d'un dispositif exceptionnel « urgence économie sociale et solidaire » à destination des petites structures de l'économie sociale et solidaire. Si cela a été surexécuté, peut-être faudrait-il pérenniser davantage des dispositifs de ce type.
Enfin, je ne peux que m'inscrire en appui du rapporteur spécial au sujet d' Investir pour la France de 2030 sur deux éléments qui me semblent essentiels. L'objectif consacré à la décarbonation de l'économie a donné lieu à un engagement de 2 millions d'euros en 2022, alors qu'un des objectifs assignés à France 2030 est d'allouer au moins 50 % des fonds à la décarbonation de la société. Se pose aussi la question de la très grosse concentration qui peut être observée s'agissant de la répartition géographique et celle de l'avantage donné aux grosses entreprises par France 2030.
Madame Bonnivard, je comprends votre question générale sur la lisibilité des programmes de tourisme. Vous savez que la politique touristique dépend à la fois de l'État, des régions, des communautés territoriales et de lignes budgétaires différentes au sein de l'État. Vous l'avez évoqué, nous devons pouvoir faire mieux. Nous avons une ministre du tourisme, Olivia Grégoire, qui s'occupe de ces aspects. Peut-être que dans le cadre d'une audition particulière, vous pourrez avoir une vision d'ensemble. Nous pouvons quoi qu'il en soit nous féliciter du fait que le tourisme soit reparti comme jamais en France et que les Françaises et les Français aient redécouvert la France, puisque ce sont avant tout eux qui sont à l'origine du redémarrage du tourisme en France. Les touristes étrangers commencent eux aussi à revenir en France, notamment les Asiatiques et les Chinois, ce qui est très récent. Les Nord-Américains ont commencé dès l'année dernière. S'agissant de votre question sur les droits de visa, nous vous répondrons par écrit. Cela dépend d'Atout France et d'un programme budgétaire qui n'est pas formellement dans les programmes que nous traitons aujourd'hui. Ce sera le cas aussi de vos questions sur le plan Avenir Montagnes, puisque le programme 112 est piloté par l'ANCT. En ce qui concerne vos questions sur l'état des lieux des décaissements des crédits sur le plan destination France et notamment l'avancée des actions les plus emblématiques, la consommation des crédits s'élève au 31 décembre 2022 à 425,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 377 millions d'euros en crédits de paiement. En loi de finances initiale 2023, les crédits inscrits s'élèvent à 8,1 millions d'euros d'autorisations et 10,1 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettent principalement de couvrir la poursuite des actions du rayonnement de la Tourism Tech (1,25 million d'euros en autorisations et en CP), et des actions consacrées à la valorisation et au renforcement d'une offre d'ingénierie touristique (6 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement). La mesure Développer le tourisme de savoir-faire n'a pas fait l'objet de consommation de crédits. Un appel à manifestation d'intérêt vient d'être lancé. Les conventionnements sont en cours d'instruction. L'engagement des crédits n'interviendra donc qu'au cours du premier semestre de cette année. La mesure e-évènementielle à hauteur d'un million d'euros n'a pas non plus fait l'objet de consommation de crédits. Un appel à projets est en cours de rédaction et sera publié courant 2023. Je reviendrai plus largement sur les questions qui ont été posées sur les petits décalages entre les objectifs de ce plan de relance et les paiements, relativement limités en 2022.
Pour ce qui est des actions emblématiques du plan Destination France, je l'ai dit tout à l'heure, le tourisme privé est en plein boom. Le tourisme d'affaires souffre davantage. Nous avons deux mesures emblématiques. La première concerne les acteurs de l'événementiel, avec la mesure 6 du plan Destination France, qui prévoit deux mesures qui ont vocation à soutenir la reprise du secteur de l'événementiel, dont les aides aux exposants, avec une subvention pour les nouveaux sur les principaux salons et foires. Au 29 mars 2023, plus de 5 000 entreprises bénéficiaires ont été concernées, avec 1 700 dossiers en cours d'instruction. Nous comptons 14,5 millions d'euros de montants décaissés, avec un montant moyen de subvention perçue de 2 862 euros, ce qui montre bien qu'il s'agit d'aides consacrées à des entreprises de taille de taille modeste. Nous avons également une aide aux visiteurs internationaux qui vise à promouvoir la destination France et faire revenir ce que nous appelons les top acheteurs internationaux sur les principaux salons à vocation internationale. Ceux-ci représentent une bonne part des recettes. Au 15 novembre 2022, nous avions 19 salons dans le périmètre, avec 13 achevés et six à venir, et 333 top acheteurs bénéficiaires avec un montant prévu d'à peu près 20 millions d'euros.
En ce qui concerne le soutien au développement et le rayonnement des start-ups du tourisme, une autre mesure emblématique de Destination France réside dans le programme 50 terrains d'expérimentation, pour lequel 1,25 million d'euros d'autorisations et de crédits de paiement sont ouverts en LFI 2023. Ce programme, dont l'opérateur est Atout France, vise à soutenir le développement et le rayonnement des start-up touristiques. Nous avons également un appel à projets soutien à l'émergence de projets innovants dans l'événementiel numérique à hauteur d'un million d'euros.
J'espère avoir répondu à toutes vos questions. Le tourisme français va beaucoup mieux. Nous devons poursuivre les efforts pour accompagner son redressement, mais je pense que nous pouvons nous féliciter que la destination France soit plus populaire que jamais.
Je remercie le rapporteur Xavier Roseren pour ses bons mots concernant l'exécution des programmes dont il a la charge et celles et ceux qui, au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, concourent à ces succès. En ce qui concerne votre question précise sur l'Inpi et le guichet unique des formalités dématérialisées et d'un registre national des entreprises que nous avions voté dans le cadre de la loi Pacte, il est vrai qu'il était prévu à partir du 1er janvier 2023. Nous avons demandé que le maintien des procédures de secours soit prolongé jusqu'au 30 juin 2023. Nous avons aujourd'hui quelques défis, notamment dans quelques régions. Nous continuons à utiliser la voie papier auprès des anciens CFE et à réaliser certaines formalités sur le site Infogreffe. Nous sommes dans une période de transition qui n'a pas vocation à durer, mais qui nous permet d'accompagner les entreprises qui aujourd'hui n'ont pas accès à ce guichet unique. Nous avons mis en place un important travail de suivi, de mesure de la satisfaction client et du parcours de l'usager. Nous avons mobilisé des ressources dédiées à la mise en place de ce guichet unique, avec 69 ETP. Nous mettons donc en œuvre des réponses aux dysfonctionnements constatés. S'agissant de l'absence d'interlocuteurs clairement identifiés, l'Inpi s'est assuré que chaque déclarant bénéficie d'une assistance gratuite et complète pour l'aider dans sa démarche sur les aspects techniques comme réglementaires, par téléphone, internet ou par accueil physique. Les chambres consulaires nous ont aussi beaucoup aidés sur ce défi. Nous constatons des éloignements de certaines populations, y compris dans les entreprises, du « tout dématérialisé ». Les chambres consulaires ont là aussi été mobilisées et ont mis à disposition des usagers des ordinateurs et de l'assistance gratuite de manière à les accompagner. Nous avons, vous l'avez dit, un manque de visibilité sur le fonctionnement du guichet. Le réseau est testé quotidiennement par l'Inpi, le gouvernement et les valideurs, avec un dialogue hebdomadaire organisé depuis l'ouverture du guichet entre le gouvernement, l'Inpi et les valideurs.
En ce qui concerne les questions du rapporteur Sala, pour ce qui est de l'accroissement des ressources propres de l'Insee, vous l'avez dit, l'évolution des recettes de 2019 à 2022 a été marquée par la crise sanitaire et par une moindre hausse des recettes du Legal Entity Identifier (LEI), qui est un identifiant unique qui permet de faciliter l'identification d'une entité juridique. Les LEI sont obligatoires pour les sociétés qui font des transactions en bourse depuis 2018, mais ce LEI de l'Insee fait face à la concurrence d'autres opérateurs et les recettes sont donc inférieures à ce qui était attendu. Nous avons également réorienté les interventions des directions régionales en direction des partenaires régionaux, notamment le développement d'interventions non rémunérées auprès d'entités publiques. Pour l'avenir, la recommandation de la Cour des comptes a été intégrée dans le nouveau contrat 2023-2025 signé le 29 mars. L'expérience du quadriennal précédent a conduit à ne pas fixer d'objectifs quantitatifs. Vous avez salué, monsieur le rapporteur, la flexibilité et la capacité d'adaptation de l'Insee. Nous devons lui donner les moyens de préserver cette flexibilité et cette capacité d'adaptation dans les années qui viennent. Un arrêt de tarification devrait apparaître au journal officiel dans la première quinzaine de juillet.
En ce qui concerne les crédits de soutien à la politique en matière d'économie sociale solidaire et responsable, nous finançons son développement et le soutien à l'investissement à impact social. Nous soutenons aussi les dispositifs locaux d'accompagnement pour renforcer les entreprises et associations. L'évolution des montants consommés en 2021 est essentiellement liée à des reports dont le volume est passé de 35 millions d'euros de CP en 2021, liés à la sous-consommation de 2020 du fait de la crise sanitaire, à 3,5 millions d'euros en 2022. Les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) ont bénéficié d'une inscription de CP supplémentaires en loi de finances initiale, pour 1,7 million d'euros, portant les crédits disponibles, reports compris, à 22,7 millions d'euros. Nous avons également enregistré des décalages de paiement pour certains dispositifs, principalement les contrats à impact, qui sont les partenariats entre le public et le privé destinés à favoriser l'émergence de projets sociaux et environnementaux innovants qui n'ont pu se finaliser sur 2022 et ont fait l'objet d'une demande de report sur 2023.
Vous avez noté, monsieur le rapporteur, la qualité des prestations de la direction générale du Trésor à l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne. Je vous en remercie au nom des collaborateurs de cette direction. Cette action concerne, au-delà de la PFUE, la réponse à la guerre en Ukraine, la mise en place du PGE dit résilience et le travail de l'Agence France Trésor.
En ce qui concerne le rapporteur Allisio et la question de monsieur le président sur la dimension du commerce extérieur, je vous rejoins quant à l'idée selon laquelle la meilleure manière de régler les enjeux de déficit commerce extérieur en France est de réindustrialiser la France et de produire plus d'emplois industriels sur notre territoire. La balance des services est extrêmement excédentaire et les industries et secteurs industriels qui sont aujourd'hui excédentaires sont des secteurs qui exportent, parfois des secteurs décriés par certains, y compris dans le secteur du luxe et de la mode, qui font briller la marque France partout à l'international. Nous devons poursuivre la réindustrialisation de la France et nous nous y attelons, notamment dans le cadre du projet de loi industrie verte. En ce qui concerne vos questions sur le volet non financier du soutien export France relance, et notamment des écarts entre les dotations et les dépenses du côté de Business France, France relance avait doté Business France de 66,8 millions d'euros pour la période 2020-2021. Un redéploiement de 6,1 millions d'euros a été opéré au profit de la campagne de communication sur la marque France. Il faudra en évaluer l'impact, mais je pense qu'il est utile de mieux communiquer sur la marque France à l'international. D'autres pays le font très bien, notamment l'Italie. Nous devons nous inspirer de ces bonnes pratiques. 60,73 millions d'euros ont été maintenus pour le volet export. Le prolongement jusqu'à la fin de l'année 2022 des dispositifs d'accompagnement a été intégralement financé par des reports de crédits 2021 non consommés jusqu'à leur épuisement. Business France enregistre donc 58 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 45 millions d'euros de crédits de paiement au 31 décembre 2022 en cumulé sur la durée du plan, soit un reliquat de 2 millions d'euros à fin décembre 2022, reversés au budget général le 17 mars dernier. 19 300 chèques relance export entre 2020 et 2022 ont été délivrés. Nous sommes aussi sensibles au fait que tous ces plans doivent bénéficier aux petites et moyennes entreprises. 1 905 chèques relance VIE ont été engagés pour 1 377 entreprises. Je connais la qualité de ce programme qui permet à la fois de faire découvrir à nos jeunes l'international et d'appuyer des entreprises à l'international.
Sur le volet financier, en ce qui concerne le FASEP, le plan de relance a permis d'amender de manière exceptionnelle le fond dans le cadre de la crise, en doublant l'enveloppe allouée pour atteindre 52,8 millions d'euros. La totalité des crédits a été utilisée pour financer deux AAP dans le cadre de France 2030 et deux projets hors normes, par leurs caractéristiques ou leur montant. En ce qui concerne l'assurance prospection, les crédits alloués ont été renforcés pendant la crise. 3 000 assurances prospection ont été délivrées, dont 1 400 pour 2022. L'assurance prospection et accompagnement pour les entreprises de plus petite taille a été assez longue à décoller. Cela va s'accélérer en 2023. En 2023, Business France prévoit l'engagement de 0,7 million d'euros au titre du dispositif des VIE filières. 13 millions d'euros de crédits seront décaissés en 2023. Il faudra évidemment, comme pour tous les dispositifs, les évaluer dans leur ensemble, mais je reste convaincu qu'il s'agit d'un excellent plan.
Pour ce qui est des suites du plan export, un plan soutien export est en cours de préparation, comme indiqué dans la feuille de route dite des 100 jours du 29 avril dernier, et sera bientôt présenté par la Première ministre. Vous aurez l'occasion d'y avoir accès et d'interroger le ministre du commerce extérieur à ce sujet.
En ce qui concerne monsieur le rapporteur spécial Cabrolier, sur la sous-consommation apparente au sein de France 2030 des crédits liés à l'écologie et à la transition écologique, nous sommes dans une phase d'accélération de France 2030, qui a démarré il y a quelques mois. Sur la décarbonation, nous sommes en négociation avec les entreprises. Vous avez sans doute entendu parler du plan dont je suis responsable concernant les 50 sites les plus émetteurs, qui vise à décarboner des aciéries, des cimenteries, etc. Nous sommes en train de finaliser ces plans de décarbonation que j'aurai l'occasion de présenter avant le mois de juillet. Ils nécessiteront évidemment des subventions qui sont toutes conditionnées à un plan de décarbonation extrêmement précis. Je pense que les débats que nous avons eus sur la conditionnalité des aides méritent d'avoir lieu. Les plans de décarbonation, qui représentent 40 ou 50 pages par entreprise, sont extrêmement précis, mais ceci explique que les autorisations d'engagement soient quelque peu décalées pour les crédits liés à l'écologie.
S'agissant du manque de lisibilité des documents budgétaires relatifs à l'actualisation du plan de relance, la mission a été extrêmement efficace et exécutée de manière particulièrement rapide, en moins de trois ans. Nous maintenons la ligne budgétaire. Vous avez demandé qu'elle soit fermée pour s'assurer que les derniers reliquats soient bien exécutés dans le cadre de cette mission. Nous pourrons, si vous le souhaitez, en faire une évaluation dans son ensemble. Ce plan de relance a permis de retrouver des niveaux d'activité, d'emploi, de prospérité ou encore de pouvoir d'achat qui prévalaient avant la crise, mieux et plus vite que partout ailleurs en Europe. Nous considérons que le financement européen du plan de relance est une excellente chose, de même que l'endettement commun, qui a été initié à l'initiative de la France. C'est une victoire du Président de la République. Cette solidarité européenne a permis de relancer l'Europe de manière beaucoup plus dynamique et de montrer que nous étions ensemble face à cette crise sanitaire historique. L'Europe a été une chance pendant cette crise sanitaire. Elle a permis d'acheter des vaccins ensemble, d'assurer une solidité et une pérennité économiques, et je pense que cette solidité européenne s'est montrée aussi de manière pleine et entière à l'occasion de la réaction à la crise en Ukraine.
En ce qui concerne les questions du rapporteur Maudet sur France 2030, je pense que le groupe dont vous êtes issu devrait se féliciter que nous fassions de la planification, puisque votre candidat à l'élection présidentielle l'avait portée un certain nombre de fois. France 2030 est un plan à horizon 2030 qui vise à mettre la France sur la voie de l'innovation, de la transition écologique, de la décarbonation, de la réindustrialisation. Chaque euro dépensé en France 2030 est conditionné. Il fait l'objet d'un appel à projets, d'un appel à manifestation d'intérêt. Vous questionnez les procédures, j'en suis surpris. Je considère au contraire que nous avons introduit une gouvernance extrêmement rigoureuse autour du secrétaire général à l'investissement, avec des commissions d'experts indépendants. Je n'ai aucune influence sur les décisions qui sont prises dans le cadre de France 2030. Vous nous avez interrogés par exemple sur l'équilibre entre les territoires et l'Île-de-France. Je le répète, plus de 60 % des projets sont en dehors de l'Île-de-France. Vous nous interrogez sur les DOM-TOM. Nous avons aujourd'hui une vingtaine de projets France 2030 d'ores et déjà engagés pour 50 millions d'euros. Votre beau département de la Haute-Vienne fait l'objet de 13 projets à hauteur de 30 millions d'euros. Nous avons aujourd'hui un programme qui fonctionne bien, qui est extrêmement innovant, ambitieux et qui va faire l'honneur de la France.
Vous nous avez interrogés sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Il s'agit effectivement d'un défi majeur. J'en suis en partie responsable avec mon collègue François Braun. Nous finalisons actuellement une liste de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Nous avons aujourd'hui une liste de 6 000 médicaments. Cette liste bien trop large regroupe des médicaments de nature bien trop différente. Nous travaillons donc sur une liste qui représentera 200 à 300 médicaments, dont probablement une cinquantaine de médicaments particulièrement importants sur lesquels nous passerons en revue toutes les dimensions de notre souveraineté, y compris notre capacité à diversifier les sources d'approvisionnement, à être présents en France dans la production, mais aussi à avoir accès à des productions chez nos voisins européens. Tout cela se fera dans le cadre d'un plan de résilience présenté dans les semaines qui viennent. Avec mon collègue François Braun, nous serons évidemment à la disposition de l'Assemblée nationale pour en répondre.
Monsieur le président, je pense avoir répondu sur vos questions sur le commerce extérieur. Vous avez raison, ce qui compte est le pourcentage du produit intérieur brut, mais je le répète, si l'on ne réindustrialise pas la France, nous n'y arriverons pas.
Vous l'avez souligné au début de votre propos, cette commission d'évaluation de l'exécution 2022 est riche au vu des quatre missions regroupées. J'en profite pour saluer le travail des collègues rapporteurs.
Je souhaiterais revenir sur deux points d'exécution budgétaire. Concernant la sous-exécution du programme 134, Développement des entreprises et régulations, vous précisez, Monsieur le ministre, que des décrets ont permis d'assouplir les critères d'éligibilité, au départ trop restrictifs. Pourriez-vous nous dire quels critères précisément ont permis ce rebond de consommation de crédits ? Ma deuxième question porte sur le plan France 2030, qui souligne notre volonté d'atteindre une souveraineté industrielle en y consacrant les moyens, surtout au service de la décarbonation de notre économie. C'est le sens du programme 425, Financement structurel des écosystèmes d'innovation. Pouvez-vous nous dire pourquoi seulement 3,6 milliards d'euros ont été engagés sur un peu plus de 10 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale ? C'est seulement 35 %. Comment le gouvernement entend-il poursuivre pour une décarbonation réussie de notre modèle industriel ? Je vous remercie.
La Cour des comptes indique qu'aucun des documents ne fournit une vision consolidée et transversale des investissements effectivement réalisés et en cours. Pour le PLF 2024, le Parlement sera-t-il mieux informé du détail de l'exécution du plan France 2030, avec en particulier un libre accès sous un format exploitable de la liste des bénéficiaires du plan France 2030 ? Par ailleurs, la stratégie générale d'investissement de l'État est assez illisible et éclatée entre divers décideurs : chaque ministère qui porte ses propres investissements, le secrétariat général pour l'investissement, dont le rôle dans la sélection des projets financés n'est pas très clair, la Caisse des dépôts et consignations, qui a sa propre politique d'investissement, Bpifrance, à la fois opérateur de France 2030 et banque publique d'investissement avec sa propre politique, l'Agence des participations de l'État, qui elle aussi a une politique d'investissement indépendante et définie par Bercy. Sans même parler de fonds souverains français, ne faudrait-il pas commencer par fusionner certains opérateurs, notamment Bpifrance et l'Agence des participations de l'État, comme l'a suggéré la Cour des comptes ?
Ce plan de relance a aggloméré de nombreuses dépenses différentes, dont certaines semblaient déjà prévues et d'autres pour lesquelles nous ne comprenons pas pourquoi la Sécurité sociale est mise à contribution à hauteur de 8,7 milliards d'euros, alors qu'en 2022, elle accordait déjà 67 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales. Cela se retrouve dans l'exécution budgétaire, avec des redéploiements internes aux missions et de nombreux acteurs éclatés dans les missions et les programmes de l'État. Certaines dépenses auraient déjà été effectuées sans le plan de relance. Nous avons la sensation que l'objectif est d'arriver au montant de 100 milliards d'euros quoiqu'il arrive, plutôt que de créer un véritable plan de relance. Par exemple, vous auriez procédé à la baisse des impôts de production de toute façon. Par ailleurs, la minoration d'impôts, avec la baisse des impôts de production, a été compensée notamment par la TVA, comme l'indiquent les documents budgétaires. Les recettes supplémentaires issues de la TVA grâce à l'inflation n'ont pas été abondées vers le budget de l'État donc vers la redistribution normalement prévue. Il ne s'agit donc pas vraiment d'un plan de relance, mais d'une redistribution des richesses.
Sur la rénovation thermique des bâtiments, en 2021, nous avions encore 5,2 millions de passoires énergétiques. À ce rythme, il nous faudra donc plus de mille ans pour rénover l'ensemble des bâtiments français. Dans les circonscriptions populaires, qu'elles soient urbaines ou rurales, nous ressentons très fortement ce manque. Entre janvier 2021 et juin 2022, les ménages français ont réalisé 25 milliards d'euros de dépenses énergétiques supplémentaires. Ce plan de relance reste donc compliqué et, à bien des égards, inefficace selon nous.
Je vous remercie pour cette présentation aussi exhaustive que synthétique. L'ensemble de la mission économique a, en 2022, entamé à la fois une sortie de crise, celle du Covid, et une entrée dans une autre, celle de l'Ukraine, ce qui a complexifié le retour à la normale budgétaire. Je pense notamment au programme 134. Monsieur le ministre, les nombreux reports de crédits sur 2023 vont-ils trouver à être exécutés, renouant avec le principe d'annualité budgétaire auquel les députés démocrates sont très attachés ? Vous nous avez parlé de 300 millions d'euros déjà depuis le début de l'année pour 3 000 entreprises. J'exclus bien évidemment de cette remarque les crédits que nous avons votés pour le rachat de 100 % d'EDF, et je salue à cette occasion l'action résolue de l'État à la hauteur des enjeux de souveraineté énergétique et de nos engagements environnementaux.
Par ailleurs, l'année 2022 a été marquée par la forte augmentation des subventions versées à La Poste, qui atteignaient au total 751 millions d'euros. Le déficit de La Poste se creuse et l'État se doit d'intervenir pour préserver les missions essentielles qu'elle assure. Néanmoins, la question de l'équilibre financier de La Poste se pose à moyen et à long terme. Comment l'État compte-t-il soutenir La Poste dans son développement en visant sans doute une rationalisation à moyen terme de ces subventions ? Je vous remercie.
Sur France 2030, d'abord, une question a déjà été posée sur l'inégalité territoriale. Comment expliquer que la région que j'ai l'honneur de représenter, la Normandie, soit avant-dernière dans l'attribution des projets ? Qu'est-il fait par le Gouvernement pour limiter ces fractures et assurer un développement relativement homogène du territoire français ? Il n'est pas acceptable l'Île-de-France concentre 682 projets quand la Normandie n'en a que 39.
En ce qui concerne les dépenses favorables à la transition écologique, sur les 11,08 milliards d'euros de France 2030 attribués sur décision de la Première ministre, l'objectif consacré à la décarbonation de l'économie, pourtant doté de 5,5 milliards d'euros, a donné lieu à l'engagement de 2 millions d'euros seulement en 2022. Nous constatons également, à la lecture du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État publié en annexe du PLF pour 2023, que seules 25 % des dépenses de France 2030 ont un impact favorable sur l'environnement. Compte tenu des ambitions du Gouvernement en la matière, 50 % des fonds devraient être alloués à la décarbonation de l'économie.
Concernant le plan de relance, des questions se posent sur la grande rapidité d'exécution qui s'est peut-être traduite par une moindre exigence dans la sélection des projets retenus. Nous constatons que cela a été défavorable aux communes rurales pénalisées par le déficit de moyens en ingénierie et aux TPE, puisque le fonds de transition de 3 milliards d'euros et les obligations de relance ciblent principalement les PME et ETI et le seuil de la baisse de la CVAE exclut du dispositif les entreprises qui réalisaient moins de 500 000 euros de chiffre d'affaires.
Je me suis aperçu que je n'avais pas répondu au rapporteur général. Sur le bilan du plan France Très haut débit, nous avons plusieurs AAP en cours qui visent à parfaire et compléter le déploiement de ce plan qui, je le répète, est à ce stade à l'initiative des collectivités territoriales. Nous avons enregistré un ralentissement des demandes des collectivités territoriales, qui explique aujourd'hui un plafonnement. Nous avons plusieurs AAP en cours sur la cohésion numérique des territoires, ce qui va permettre de développer de l'internet sans fil par satellite 4G au-delà du plan fibre. Nous instruisons également un AAP sur l'installation de kits hertziens. Nous en avions installé 66 000 au 31 décembre 2022 et nous réfléchissons à la prolongation du dispositif en 2025. En ce qui concerne le déploiement en zone dite d'initiative publique, nous attendons 3,5 millions de lignes raccordées pour 2023, soit un peu plus qu'en 2021 et 2022.
Monsieur le député Da Silva, en ce qui concerne les critères qui ont permis d'assouplir le plan d'aide aux entreprises dites énergo-intensives, la principale contrainte était liée au fait que, pour des raisons européennes, seules étaient éligibles les entreprises qui avaient une part de leur facture énergétique supérieure à un certain niveau de leur chiffre d'affaires mesuré avant la crise, en 2021. Toutes les entreprises dont la facture avait fortement augmenté, mais qui étaient relativement peu énergo-intensives avant la crise, n'avaient pas accès à ces dispositifs. Nous avons négocié avec la Commission européenne, de manière à ce que ce soit la part des dépenses énergétiques dans les chiffres d'affaires sur le premier semestre 2022 qui permette d'y avoir accès. Nous avons également simplifié les critères dits d'EBE. Cela permet d'accélérer et d'augmenter le nombre d'entreprises qui ont eu accès à ces dispositifs d'aides. Nous avons aujourd'hui engagé ou dépensé environ 300 millions d'euros. Nous sommes loin des trois milliards budgétés. Les très grandes entreprises n'ont eu que très peu accès, en raison de la complexité des dispositifs et de la contrainte dite d'EBE, à ces dispositifs. Les PME et les ETI ont été très largement appuyées, mais pas les grandes entreprises. Reconnaissons tout de même que la baisse récente des prix de l'énergie, notamment du gaz, a permis à ces grandes entreprises de redémarrer malgré le peu d'accès aux aides.
Monsieur le député Cabrolier, si vous souhaitez la liste des bénéficiaires de France 2030, elle est disponible sur le site du SGPI. Les responsabilités du déploiement et de l'instruction des dispositifs sont déléguées aux ministères compétents. Je salue le fait que le ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation soit capable d'instruire des dispositifs France 2030 qui visent à améliorer notre capacité de recherche et d'innovation. Je vous engage, si vous le souhaitez, à auditionner notre ancien collègue Bruno Bonnell, désormais secrétaire général pour l'investissement, qui pourra vous présenter en détail l'ensemble des dispositifs. Nous avons certes beaucoup d'opérateurs en charge, mais j'estime que ces dispositifs sont bien pilotés. En ce qui concerne votre question sur la fusion éventuelle de la BPI et de l'APE, nous parlons de deux instituts qui ont des missions et des organisations complètement différentes. L'Agence des participations de l'État se concentre sur les investissements de long terme, dans une logique d'actionnariat stable de l'État, une présence assez forte au sein des conseils d'administration et une logique d'influence stratégique du comportement des entreprises dont il a la charge. La BPI a des missions beaucoup plus larges et disséminées auprès notamment des PME et des ETI. La BPI est une banque qui fait des prêts et qui investit, qui est opérateur pour l'État d'un certain nombre de subventions dans le cadre de France 2030. Sa connaissance du réseau des PME et des ETI nous permet d'avoir une démarche plus efficace de démultiplication de ces aides.
En ce qui concerne le député David Guiraud, je suggère de reporter ces questions sur les recettes de TVA auprès de mon collègue du budget.
Sur le sujet de la rénovation thermique des bâtiments, j'ai dû mal m'exprimer. Les 6 200 bâtiments auxquels je faisais référence sont des bâtiments publics et non des logements privés, qui ont peut-être été insuffisamment encore rénovés, mais qui l'ont été de manière extrêmement large.
Plusieurs questions ont porté sur les dépenses vertes et de décarbonation au sein de France 2030. Nous instruisons actuellement un certain nombre de dossiers extrêmement importants, concernant notamment les 50 plus grands émetteurs qui seront engagés, sans doute dès cette année pour un certain nombre d'entre eux. Nous avons vocation à dépenser des budgets bien plus importants sur la partie verte de France 2030 dans les mois et dans les trimestres qui viennent. Les 5 milliards d'euros annoncés par le Président de la République pour les 50 sites les plus émetteurs n'ont pas été engagés, à l'exception de l'usine de chaux de Lhoist, avec 150 millions d'euros de subventions pour développer de la capture de carbone. La Normandie est bien positionnée, avec près de 70 entreprises financées à hauteur de 153 millions d'euros. À ce stade, 60 % des crédits sont en dehors de l'Île-de-France. Un certain nombre de crédits ont été destinés à des centres de recherche et développement. Or la région Île-de-France est surreprésentée en la matière. Nous avons pour autant une volonté très claire de décliner ce plan France 2030 dans l'ensemble des territoires et dans l'ensemble des entreprises. Plus de la moitié des entreprises concernées sont des TPE, des PME et des ETI. Nous allons continuer à le faire, notamment en utilisant nos opérateurs que sont la BPI et l'Ademe.
Les TPE ne bénéficient pas de la baisse de la CVAE, puisqu'elles n'en payaient pas pour la plupart d'entre elles. Je suis très heureux que les autres entreprises aient pu rejoindre la voie de la baisse des impôts entreprises, qui permet de placer la France dans le top des pays les plus attractifs d'Europe, voire du monde. En ce qui concerne l'aide aux TPE, elle a quand même été, dans le cadre de France Relance, extrêmement facilitée par les sous-préfets de la relance, qui ont été au plus proche des entreprises et qui ont permis d'appuyer les TPE et les PME dans le déploiement de ce plan France relance.
Vous avez parlé d'effet d'aubaine. Je ne pense pas que nous en ayons eu. Nous avions toutefois des critères beaucoup plus larges qui permettaient, par rapport à France 2030, de financer notamment des extensions de capacités. Nous avons pu relancer la France par des investissements concrets dans des capacités industrielles tout en préparant l'avenir. Je me félicite que ce programme ait été dépensé bien et rapidement et qu'il ait permis de remettre la France sur les voies de la prospérité suite à une crise historique.
En ce qui concerne les questions du député Lecamp sur le service universel postal, qui n'est qu'une partie des activités très larges de La Poste, nous avons, sur le programme 134, 520 millions d'euros de subventions à destination de La Poste en 2022, 74 millions d'euros d'aides à l'aménagement du territoire et 84 millions d'euros d'aides au transport de la presse.
La commission examine ensuite la thématique d'évaluation : L'accès aux données privées : une nouvelle ressource pour l'INSEE ?
Avant de vous présenter les résultats de mes travaux d'évaluation, je tiens à remercier les différentes personnes qui ont pris de leur temps dans le cadre des auditions afin d'éclairer ce travail. Je remercie tout spécialement les services de l'Insee et madame Sylvie Lagarde, qui m'a permis d'orienter ma réflexion au sein de cette politique particulièrement large qui est celle de l' open data vers l'accès aux données de nature privée. Je remercie également la direction interministérielle du numérique, les syndicats de l'Insee, qui ont su m'apporter des éléments d'information concrets sur la production de statistiques publiques en France, ainsi que les acteurs de la société civile, représentants d'établissements bancaires ou d'associations que j'ai eu l'occasion d'entendre.
La crise sanitaire a sonné le glas pour nos concitoyens et concitoyennes, mais également pour nos services administratifs, d'une activité que l'on pourrait qualifier de normale. La réactivité et l'adaptabilité de nos structures à l'urgence ont largement été mises à l'épreuve. À cet égard, l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'Insee, a plus que jamais su assurer son rôle d'aiguillon de l'action publique dans cette période troublée par les incertitudes. Frappé d'une attrition de ces ressources, il s'est tourné vers une donnée de nature nouvelle, la donnée privée.
Pour réaliser ce rapport, j'ai pu m'appuyer sur l'important travail réalisé deux ans plus tôt par notre collègue Éric Bothorel, qui avait produit un rapport, à la demande du Premier ministre, relatif à la politique publique de la donnée. Ce travail conséquent m'a permis d'appréhender la politique de la donnée en France, ses réussites, ses atouts, mais aussi ses faiblesses. Pour ce rapport d'information, le thème retenu, d'abord destiné à s'intéresser à la politique d' open data et à la manière dont l'Insee traite et accède aux données, s'est métamorphosé, comme une évidence, vers un domaine plus circonscrit de l'accès aux données privées pour l'Insee à des fins de production statistique. Il me revient dès lors de vous expliquer les raisons de ce choix de thématique qui peut sembler un peu dissonant pour la commission des finances. J'ai été marqué, lors de l'examen du projet de loi de finances et des auditions, de voir à quel point le monde de la donnée, qui pourtant tend aujourd'hui à régir une importante partie de notre vie, m'était inconnu. En tant que responsable de l'évaluation du programme 220 de la mission Économie finançant les activités de l'Insee, j'ai décidé de m'intéresser à cette politique publique d'ampleur au travers des travaux de statistiques que produit l'Institut. Si aujourd'hui, tout le monde connaît l'Insee pour la qualité de ses travaux, de ses indicateurs et de ses prévisions macroéconomiques, peu sont ceux à être familiers avec la production statistique et surtout avec la manière dont celle-ci est réalisée.
Lorsque l'on évoque l'Insee, on pense bien sûr à certaines grandes études et grands indicateurs sans en connaître parfois les sous-jacents. Nous nous appuyons sur des indicateurs comme celui de l'indice des prix à la consommation (IPC), mais la réalisation de ce dernier, pour être fiable et objective, doit s'appuyer sur une étendue particulièrement forte de données. Par exemple, près de 500 000 relevés de prix sur internet, la collecte de données des caisses des enseignes de la grande distribution et près de 150 000 relevés de prix dans des points de vente sont réalisés chaque mois pour façonner cet indicateur. Ces chiffres permettent de prendre la mesure de ce que représente aujourd'hui la masse de données disponibles. Pour pouvoir exploiter ces données à des fins de production statistique, l'Insee s'appuie sur un texte promulgué en 1951, qui continue de faire figure d'autorité en définissant la notion de secret statistique. Cela peut étonner, à l'heure où les sociétés s'accélèrent et deviennent hyper modernes, de voir que l'encadrement juridique semble en inadéquation avec son époque. La notion de secret statistique n'en demeure pas moins la pierre angulaire de l'activité statistique. Or trois remarques peuvent être émises à son égard. Premièrement, la définition du secret statistique n'est pas uniforme dans la lettre du texte de loi. Elle connaît en effet une triple définition, qui dépend de la nature de la donnée exploitée par les services statistiques. Ce faisant, elle est lourde et peu lisible pour les services statistiques et l'Insee, ce qui peut brider son activité statistique. Deuxièmement, la définition de ce secret statistique est particulièrement restrictive. Elle limite le recours aux données de nature privée à des cas précisément identifiés, ce qui ne permet pas aujourd'hui de tirer l'avantage de la variété de celles-ci. Troisièmement, comme le relevait l'association Ouvre-boîte que j'ai pu auditionner, le secret statistique serait également employé comme un paravent administratif, une vague de procédures qui me pousse à formuler des critiques, comme d'autres avant moi, sur cette culture du secret persistante au sein des administrations.
En sus de cette activité de production d'études et d'indicateurs, l'Insee est désormais sommé d'ouvrir ses bases de données. La loi pour une République numérique d'octobre 2016 a transposé en droit français la logique d' open data, qui a eu pour effet une ouverture large et gratuite des données produites par l'Institut. Sur un plan budgétaire, la mise en œuvre de cette politique s'est matérialisée par la perte de la redevance perçue précédemment par la revente des données, soit une perte de onze millions d'euros annuels pour l'Institut. Sur un plan pratique désormais, l' open data induit la mise à disposition d'une information gratuite, facilement réutilisable. Or un tel exercice est parfois périlleux puisqu'il pourrait conduire, en cas de divulgation d'informations trop fines et précises, à connaître l'origine de la donnée.
La variété des données de nature privée est presque infinie. On peut donc aisément imaginer la quantité d'informations utiles pour l'action publique que celles-ci peuvent contenir. Près de 100 000 milliards de giga-octets de données ont été collectés en 2022. Google, par exemple, traite près de 3,5 milliards de requêtes d'utilisation chaque jour. Outre la richesse pour les services statistiques que peut représenter cette masse, j'attire l'attention sur les risques inhérents à la protection de la vie privée.
Enfin, j'ai fait le choix de m'intéresser à cette thématique pour sa dimension prospective et pour l'actualité forte qui entoure cette question. Tout d'abord, les partenariats tissés dans le cadre de la crise sanitaire avec des acteurs privés ont révélé une plus-value forte à l'usage de cette matière inexplorée. Le partenariat établi entre l'Insee et La Banque Postale, mis en place durant la crise sanitaire afin de suivre les effets économiques du confinement sur la population, s'est révélé prometteur. Cette convention a été déterminée d'un commun accord entre les deux acteurs et a reposé sur un échantillon déterminé de données composé d'environ 300 000 clients sélectionnés aléatoirement. Je tiens ici à souligner le caractère vertueux de ce partenariat, qui a permis aux services de l'Insee de réaliser des études novatrices. Mon regard est plus nuancé en revanche sur le partenariat établi entre l'Insee et le service de téléphonie mobile, notamment Orange. Ce dernier a consisté, dans le temps circonscrit de la crise sanitaire, à fournir aux services de l'Insee des données de localisation mobile, pour être en mesure de suivre les mouvements physiques de la population sur le territoire. On peut toutefois déplorer le manque de transparence dans la méthodologie employée par les opérateurs pour mettre à disposition des données agrégées et la réticence de ceux-ci à partager des informations, a fortiori lorsque les opérateurs disposent d'une offre commerciale.
Ensuite, l'actualité entourant cette question de l'utilisation des données privées a particulièrement attiré mon attention. Au niveau européen, plusieurs propositions des textes ont été présentées et portent spécifiquement sur cette thématique de la donnée, avec une incidence plus ou moins importante sur la production statistique. Dans le cadre de la stratégie européenne pour les données présentées le 19 février 2020, les textes Data Gouvernance Act et le Data Act ont constitué un point d'attention pour les services de l'Insee. Pour autant, ces deux textes n'apportent que des modifications marginales à l'exploitation des données privées, en prévoyant par exemple une utilisation des données privées en cas d'urgence publique pour le Data Act. Le règlement numéro 223, dit aussi loi statistique européenne de 2009, fait l'objet d'une proposition de révision, mais qui n'est encore qu'au stade de la discussion. J'attire l'attention sur la nécessité de demeurer attentifs à cette révision réglementaire, qui pourrait avoir une incidence notable sur les services statistiques. Le rapport Jean Pisani-Ferry paru la semaine dernière a consacré un rapport thématique à la donnée et aux indicateurs à des fins environnementales. Il relevait notamment que des ressources de nature privée, comme des relevés de compteurs de gaz ou d'électricité, pouvaient être utilement exploitées à des fins de production statistique pour orienter le décideur public.
Fort de ces constats, j'ai formulé un certain nombre de propositions qui visent à intensifier les flux de données entre les acteurs privés et les acteurs publics, mais également à rendre plus lisible un cadre normatif que je trouve ancien et peu propice à ce nouveau monde de la donnée. Je vous remercie de votre attention.
Merci monsieur le rapporteur et bravo pour votre intérêt pour cette belle institution qui fait à la fois la fierté des Françaises et des Français, mais aussi la fierté de la France à l'international. Votre rapport spécifique permet de mettre la lumière sur cette institution, dont j'ai été membre quelques années et qui a été particulièrement visible par nos concitoyens dans le cadre de la crise sanitaire. Nous avons pu découvrir que nous étions capables, avec de la créativité, de mesurer en France mieux qu'ailleurs l'activité économique quasiment au quotidien, grâce aux données de cartes bancaires auxquelles l'Insee a eu accès et, vous l'avez dit aussi, aux données de téléphonie mobile. Merci aux employés de l'Insee qui ont accompli un travail particulièrement créatif et utile dans le cadre de la crise sanitaire, mais qui, au jour le jour et depuis des années, nous aident à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.
L'Insee, comme tous les instituts de statistiques, fait face à un défi majeur : la numérisation croissante de l'économie et de la société. C'est à la fois une opportunité pour l'Institut et un défi. Cette opportunité est de compléter les exploitations habituelles qui sont aujourd'hui fondées sur des enquêtes statistiques, téléphoniques, internet, etc., des fichiers administratifs détenus par les administrations et, depuis la loi pour une République numérique de 2016, la communication par des personnes morales de droit privé de données. Nous avons ainsi ajouté un article 3 bis dans la loi de 1951 à laquelle vous avez fait référence. Nous avons également accès à des données privées dans le cadre de conventions de gré à gré, ce qui permet à l'Insee d'avoir accès à des transactions bancaires, mais aussi à des données ouvertes, notamment les images satellitaires. Toutes ces exploitations sont complétées par l'Insee, par des méthodes développées ces dernières années, en matière d'intelligence artificielle, de data science, de nowcasting qui permet d'analyser la situation plutôt que de la prévoir, des extractions d'informations issues duweb, etc. Ces nouvelles méthodes permettent, en complément des anciennes, de produire des indicateurs à des niveaux géographiques extrêmement fins.
Le défi est clair : de nouveaux organismes et des opérateurs privés se mettent à produire des informations qui se veulent statistiques qui, pour certaines, sont d'une rigueur et d'une qualité exemplaires et qui, pour d'autres, laissent à désirer. Tout cela est disponible en temps réel, difficile à évaluer et à utiliser. Les chiffres peuvent être repris par des médias et par le grand public et sont parfois relayés de manière amplifiée et détournée sur les réseaux sociaux, là où l'Insee, par sa rigueur, a parfois besoin d'un peu de temps pour produire de la donnée. Nous devons conserver, vous l'avez dit, la robustesse de l'encadrement de la statistique publique, issue de la loi de statistiques de 1951. Nous pouvons pour autant élargir l'accès par l'Insee et les services statistiques à des données privées. Au-delà des conventions dont j'ai parlé, nous pourrions envisager un partenariat plus structurel avec les opérateurs de téléphonie. Ce partenariat avait été très utile pendant la Covid. Il a été interrompu. Je sais que des discussions sont en cours entre l'Insee et les opérateurs téléphoniques. Il se pose un sujet de prix, mais aussi de qualité de la donnée. L'Insee a besoin, pour réaliser un travail exemplaire, de la donnée brute. Or les opérateurs proposent aujourd'hui des données d'ores et déjà traitées.
Nous pourrions envisager de faire évoluer la loi statistique de 1951 pour élargir l'accès aux données privées, uniquement afin d'avoir accès à l'élaboration de statistiques. Aujourd'hui, ce qui est permis est le remplacement d'enquêtes statistiques d'ores et déjà obligatoires. Nous devons pouvoir identifier de nouveaux champs dans lesquels l'Insee pourrait avoir accès à des données privées, à condition évidemment d'assurer quelques garanties et d'expliquer pourquoi ces données sont nécessaires et d'avoir une finalité bien spécifique. Ces données n'ont pas vocation à nourrir les autorités de régulation ou la recherche, mais uniquement l'appareil statistique. Elles doivent être, de ce fait, inscrites dans un programme statistique et proportionnées au strict besoin. Afin de maintenir la confiance du public, il s'agit également de poursuivre les concertations sous l'égide du conseil national de l'information statistique, un organisme important qui permet d'assurer la concertation entre les utilisateurs et les producteurs de statistiques et de communiquer en toute transparence sur les données utilisées pour la production statistique.
Merci pour ce rapport. Nous sommes évidemment prêts à travailler sur les suites avec vous et avec d'autres députés. La statistique n'appartient à personne. Elle appartient à tout le monde. C'est l'estimation de la vérité qui mobilise et motive l'ensemble des agents de l'Insee et si nous pouvons améliorer leur travail, nous devrions le faire.
Merci, monsieur le ministre. Je remercie Michel Sala pour ce rapport qui, d'une part, nous rappelle les qualités de l'Insee et de ses agents. D'autre part, ce rapport a révélé une question que je trouve effectivement importante dans les temps qui courent. Je passe la parole aux orateurs de groupe.
Monsieur le rapporteur, merci pour ce rapport d'information très technique et très riche. Merci aussi d'avoir salué le travail de notre collègue Éric Bothorel, qui avait conduit une mission sur la politique publique de la donnée.
Nous savons que l'Insee est l'acteur de référence dans la production statistique en France, mais qu'il est concurrencé par des acteurs privés disposant de toujours plus de données, au détriment parfois de la qualité de la statistique publique. Aujourd'hui, l' open data est entrée dans le quotidien des entreprises. Grandes consommatrices de ces données publiques ouvertes, les entreprises privées ont en revanche longtemps été récalcitrantes à l'idée de partager leur propre data, de peur de révéler des informations sensibles à leurs activités. Je note d'ailleurs que le cadre applicable à la statistique publique est affecté de lourdeurs, ce qui conduit à brider l'utilisation de certaines data. Comment le gouvernement entend-il aider les entreprises et l'Insee à jouer pleinement leur rôle pour démocratiser la donnée au service de notre compétitivité économique ? Je vous remercie.
En préambule, je souhaiterais exprimer toute ma reconnaissance à l'Insee et à ses agents qui, inlassablement, nous tiennent informés, chiffres à l'appui. Dans un monde où la notion de vérité est remise en cause, où les faits objectifs voient leurs contours de plus en plus floutés, le travail de statistique que réalise l'Institut est tout à fait essentiel. Nous en bénéficions tous chaque jour dans nos missions professionnelles ou dans nos collectivités territoriales.
L'Insee se heurte parfois à des refus dans l'accès aux données. D'où proviennent ces résistances, quand elles ne sont évidemment pas justifiées par des freins juridiques liés à la protection des données personnelles ? Quel nouveau partenariat à l'Insee pourrait-il envisager, privé ou public, pour collecter des données, en particulier si certaines des recommandations du rapporteur devaient être mises en œuvre ?
Merci pour votre travail, monsieur le rapporteur, qui permet de mettre la lumière sur un sujet important et méconnu. J'aurais deux questions concernant l'accès et le traitement des données recueillies par l'Insee dans le cadre de la politique de l' open data. D'une part, si l'Insee est un outil formidable de production et d'analyse des statistiques, vous soulignez qu'il est aussi régi par une réglementation obsolète qui date de 1951. Vous prônez l'évolution de l'article 3 bis de cette loi de 1951, mais cet article a déjà été modifié le 7 octobre 2016 pour la loi pour une République numérique. Il permet notamment au ministre de l'économie, pour les refus des personnes morales qui ne permettraient pas d'accéder à des statistiques, de les mettre en demeure, puisqu'elles sont passibles d'une amende administrative. Quelle forme l'élargissement pour les données privées prendrait-il ?
D'autre part, la réglementation de l'Insee agit comme un carcan, notamment par rapport aux Big Tech, qui produisent des données de façon exponentielle. Quels outils pourrait-on envisager pour s'assurer que les données recueillies par les acteurs privés soient mieux encadrées ? Comment définir ensemble cette notion d'intérêt général de ces données privées ?
Monsieur le député Da Silva, l'Insee fait déjà beaucoup pour démocratiser la statistique. Je vous engage à suivre les blogs de l'Insee qui sont extrêmement didactiques. Nous pouvons faire mieux et plus, notamment en collaborant encore davantage avec l'éducation nationale, en allant dans les écoles, en conduisant nos jeunes à développer un regard critique sur les informations diffusées largement sur les réseaux sociaux. Cela répondra en partie aux remarques du député Lecamp sur le fait de développer la démarche institutionnelle d'identification, voire de labellisation des statistiques à visée d'informations générales. Par définition, l'Insee, quand il résiste à des demandes d'information, le fait parce que ses agents considèrent que la loi ne leur permet pas de transmettre les données en question. Peut-être sont-elles insuffisamment sécurisées d'un point de vue juridique et nous devons renforcer ces aspects, pour nous assurer que la transparence soit absolue, compte tenu du droit absolu de préserver l'anonymat et la sécurité des données et des personnes.
Une démarche a été lancée par l'autorité de la statistique publique, qui vise à identifier des organismes qui respectent plusieurs critères de qualité pour élargir la labellisation des statistiques à visée d'information générale. La communication sur cette démarche sera nécessaire pour en accroître la visibilité et la démocratisation. Nous devons également, dans le cadre de l'élargissement potentiel de la loi de 1951, bien établir les besoins et apporter des garanties aux acteurs privés qui fonderont nos données. Nous pourrions aussi envisager d'uniformiser la notion de secret statistique. La loi de 1951 définit les secrets statistiques en fonction des modes de collecte, selon une sédimentation, je le reconnais, quelque peu historique, alors que le règlement européen 223 de 2009 propose une définition unique qui pourrait renforcer la sécurité juridique de l'Insee et faciliter la vie de ces agents dans les réponses aux questions qui leur sont régulièrement posées.
Pour l'instant, la loi pour une République numérique ne permet l'accès à des données des personnes morales de droit privé que lorsqu'elles sont délégataires d'un service public, mais pas à l'ensemble des données.
Sur le sujet des partenariats, avec le Centre d'accès sécurisé aux données (CASD), comment l'Insee protège-t-il et s'ouvre-t-il à la donnée privée ? Le CASD doit avoir des moyens pour développer ce qu'il a réussi à faire, notamment avec la Banque Postale. Des études sont conduites au niveau européen pour reproduire l'action menée par le CASD en France.
Enfin, pour conclure, notre action sur le climat a et aura des incidences économiques. Pour les appréhender au mieux, la statistique publique a un rôle à jouer dans l'analyse et le suivi des enjeux de la transition climatique. Nous devons disposer de statistiques adaptées et précises pour éclairer l'action et le débat public dans toutes ses dimensions. Nous devrons estimer les émissions de gaz à effet de serre, au regard de l'activité économique, pour aider à définir et suivre les politiques publiques touchant les entreprises ou les ménages, pour permettre l'évaluation des investissements liés à la transition, répondre à la question du financeur, mais aussi évaluer l'écart entre l'ambition et les moyens mis en œuvre, ainsi que suivre l'observation des dommages et estimer l'adaptation nécessaire. Il s'agit d'un chantier indispensable et urgent qu'ont commencé à aborder l'Insee et France Stratégie, notamment dans un rapport paru en mai 2023 intitulé « Incidence économique de l'action pour le climat ».
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Michel Sala, rapporteur spécial.
La commission en vient ensuite à la discussion de la thématique d'évaluation : Le déficit commercial de l'industrie.
En 2022, le solde commercial de la balance des biens a enregistré un déficit record de 164 milliards d'euros. Si l'accroissement de 78 milliards d'euros de ce déficit en 2022 s'explique à 86 % par l'augmentation du coût de l'énergie, il n'en demeure pas moins que la France est marquée par la lente et continuelle dégradation du déficit commercial de son industrie depuis le début des années 2000. Cette année encore, le solde commercial des produits manufacturés, hors énergies et hors produits agricoles, atteint -78,5 milliards d'euros. Le solde commercial de la balance des biens n'a jamais été positif depuis 2002 et reste au-delà de la barre des -40 milliards d'euros depuis 2006. C'est le résultat d'un processus de perte de compétitivité de la France vis-à-vis de nos concurrents européens. La part de marché des exportations françaises dans les exportations de la zone euro est passée de 17,9 % en 2000 à 12,4 % en 2022. La courbe de nos pertes de parts de marché épouse celle de notre désindustrialisation. La part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée industrielle de la zone euro est passée de 17,8 % en 2000 à 13,3 % en 2022. Les facteurs explicatifs de cette situation sont connus. La France garde un nombre insuffisant d'entreprises exportatrices (144 000 contre 261 000 en Allemagne et 191 000 en Italie) et d'entreprises de taille intermédiaire (5 600, contre 12 500 en Allemagne et 8 000 en Italie). Enfin, nos écarts de compétitivité ont conduit les entreprises multinationales à faire le choix de la délocalisation. Le poids des ventes de filiales industrielles françaises à l'étranger représente 2,5 à 3 fois la valeur ajoutée industrielle de la France, contre 1,3 fois en Allemagne. La France a engagé une politique de réduction du coût du travail depuis 2013 et, depuis peu, de réduction des impôts de production utiles au redressement de l'industrie française et de ses capacités d'exportation. Elle a notamment permis de redresser légèrement notre compétitivité prix et le taux de marge des entreprises industrielles.
Les années 2017-2019 laissaient entrevoir des raisons d'espérer. Durant cette période, la part de marché de la France dans les exportations de biens et de services en valeur de la zone euro s'était stabilisée. La France a par ailleurs connu en 2022 un pic du nombre d'entreprises exportatrices, qui a atteint 144 000. Le nombre d'entreprises industrielles se stabilise. Néanmoins, les années 2019-2022 ont mis un coup d'arrêt à cette dynamique positive. La part de la France dans les exportations de la zone euro a de nouveau reculé de 0,9 point depuis 2019, tandis que sa part dans la valeur ajoutée industrielle de la zone euro a diminué de 1,4 point.
Les travaux que j'ai conduits dans le cadre de ces auditions me conduisent à penser que la France garde un décalage de compétitivité par rapport à ses voisins européens. La part de ses impôts de production nets des subventions d'exploitation dans l'industrie manufacturière reste plus élevée qu'en Allemagne ou que dans le reste de la zone euro. Par ailleurs, les enquêtes réalisées auprès de 500 importateurs européens par l'institut Rexecode, que j'ai pu rencontrer, montrent que si la qualité des produits français est reconnue, le rapport qualité-prix reste défavorable par rapport à d'autres pays comme l'Espagne, en particulier dans l'automobile.
J'en viens maintenant aux dispositifs de soutien à l'export mobilisés par la Team France Export. Le bilan de cette réforme, qui a conduit à unifier les dispositifs de soutien à l'export, est largement positif. Les accords stratégiques signés entre Business France, Bpifrance Assurance Export et CCI France ont permis de mettre en place un point de contact commun pour les entreprises exportatrices, le réseau des conseillers internationaux et chargés d'affaires internationaux de la Team France Export installés au sein des CCI régionales et des directions régionales de Bpifrance. Elle offre un accompagnement à 360 degrés du diagnostic à la projection internationale, en passant par les financements et garanties publiques à l'export mobilisés par Bpifrance. Le plan de relance export a permis d'organiser la reprise des exportations en sortie de crise. 19 300 chèques relance export ont été distribués, au-delà de l'objectif initial des 15 000 chèques. 1 905 chèques VIE ont été déployés pour prendre en charge l'embauche d'un VIE à hauteur de 5 000 euros. Les dispositifs Cap Francexport et Cap Francexport plus ont permis de prendre le relais des assureurs-crédits privés à l'export qui se désengageaient. L'année 2022 marque ainsi un pic de prises en garantie au titre de l'assurance-crédit, à raison de 30 milliards d'euros en flux et 66 milliards d'euros en stock.
Au terme de ces travaux, j'aimerais partager avec vous quatre faiblesses de notre dispositif de soutien à l'export. D'abord, le portage budgétaire me paraît sous-dimensionné. La subvention pour charges de service public accordée à Business France atteint 93,4 millions d'euros en 2022, soit une baisse de 10 millions d'euros depuis 2018. Il est heureux qu'elle ait été augmentée à l'occasion du dernier PLF, à hauteur de 15,6 millions d'euros. Par ailleurs, l'agence est financée à moitié par des ressources propres, ce qui pose question quant à l'importance donnée par l'agence à la maximisation de ses ressources propres. En outre, la taxe pour frais de chambre, qui finance les CCI, est passée de 1,38 milliard d'euros en 2012 à 525 millions d'euros.
En second lieu, l'action de la Team France Export n'est pas assez articulée avec les investissements déployés dans le cadre de France 2030. En particulier, les 18 milliards d'euros gérés par Bpifrance doivent permettre d'améliorer la compétitivité hors prix de notre industrie en soutenant les écosystèmes d'innovation, en renforçant les fonds de la French Tech et en portant des stratégies d'accélération dans l'innovation qui permettront à l'industrie française d'être compétitive dans le cadre des révolutions numériques et écologiques. C'est un constat partagé par les acteurs institutionnels, par les entreprises et par les parlementaires d'un côté à l'autre de notre assemblée, puisqu'il a également été avancé par nos collègues Charles Rodwell et Sophia Chikirou dans le cadre du groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l'exportation et à l'attractivité des investissements étrangers en France. Aussi, il me paraît utile que la Team France Export et le secrétariat général pour l'investissement renforcent leurs liens opérationnels et partagent les dossiers des porteurs de projets des lauréats des investissements France 2030. En février dernier, le ministre Olivier Becht a indiqué qu'un plan de soutien à l'export serait annoncé dans les prochains mois. Dans le cadre de ce plan, il me semble pertinent de confier à la Team France Export le soin d'accompagner tout ou partie des bénéficiaires des crédits France 2030 dans leur stratégie export. Notre culture de l'export est moins partagée que dans d'autres pays européens. C'est une de nos faiblesses que de considérer que l'export est la dernière étape du développement d'un business model. Aussi, pour que le plan France 2030 puisse produire pleinement ses effets, il me paraît utile que les lauréats bénéficient d'un plan d'action personnalisé et de conseillers dédiés à la Team France Export. Un budget additionnel pourrait être envisagé au prochain PLF pour financer cet accompagnement.
En troisième lieu, les dispositifs de financement et de garanties publiques à l'export pourraient être renforcés, notamment pour ce qui concerne l'assurance prospection. C'est le produit phare à destination des PME, puisque Bpifrance accorde une avance sur les dépenses de prospection aux entreprises qui enregistrent moins de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires. L'objectif de 1 500 assurances prospection inscrit dans le cadre du plan de relance export a été atteint. Toutefois, en 2022, un plafond de 97,5 millions d'euros a été fixé pour le déficit de cette procédure. Pour encourager l'exportation des PME, il pourrait être envisagé d'augmenter ce plafond.
Enfin, c'est un constat partagé que l'insuffisante culture de la collaboration entre PME, ETI et grands groupes dans la conquête des parts de marché à l'export. Nos voisins transalpins ont réussi à déployer des réseaux d'entreprises qui construisent des stratégies de conquête de parts de marché en commun. Il me semble que nous devons pouvoir nous appuyer sur les contrats de filière pour construire avec les entreprises une culture de la collaboration à l'export entre les grands groupes et les sous-traitants français. La Team France Export pourrait avoir un rôle à jouer dans ce domaine.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les orientations et les grandes lignes du plan de soutien à l'export que vous préparez ? Comportera-t-il des mesures pour renforcer la collaboration entre le SGPI et la Team France Export ? Envisagez-vous de confier à la Team France Export une mission d'accompagnement à l'export des entreprises lauréates des investissements France 2030 ?
Monsieur le rapporteur, ma réponse vos questions pourrait être courte : non. Nous finalisons actuellement ce plan, dont la Première ministre elle-même annoncera les contours très rapidement. Je préférerais lui laisser la primeur de ces annonces, avec mon collègue Olivier Becht, mais je vais répondre à un certain nombre de vos préoccupations qui, pour certaines d'entre elles, rejoignent les nôtres.
Le déficit commercial de la France est trop important, en dépit de quelques améliorations début 2023 liées notamment à la baisse des prix de l'énergie. Je tiens à préciser que l'essentiel du déficit de la France est intracommunautaire, à raison de 150 milliards d'euros sur 164 milliards d'euros. Il met en exergue un défi de compétitivité ainsi que le fonctionnement même du commerce extérieur intraeuropéen. Du fait de la circulation des matières premières et des biens intermédiaires au sein de l'Union européenne dans un système industriel extrêmement intégré, les déficits intra-Union européenne ne reflètent pas toujours des exportations et des importations au sens habituel du terme. Pour autant, vous avez raison, c'est un défi majeur. La meilleure façon de régler les enjeux de déficit commercial consiste à réindustrialiser. Plutôt que de fermer les frontières et de protéger, nous devons être forts sur nos bases pour mieux conquérir le monde. Les exportations ont redémarré ces dernières années dans un certain nombre de secteurs. Les excédents historiques dans l'aéronautique, l'agroalimentaire ou l'agriculture se sont améliorés, liés à la hausse des cours mondiaux du prix du blé. Les points forts historiques le restent, mais les points faibles historiques, malheureusement, tendent à s'aggraver, par exemple dans l'automobile, le textile ou la métallurgie. Les grands producteurs automobiles se sont engagés à assembler plus d'un million de véhicules électriques d'ici 2030, lors du dernier Mondial de l'automobile. Nous visons désormais deux millions. Je vous rappelle que dans le cadre du projet de loi industrie verte, nous avons décidé de réserver le bonus automobile aux véhicules produits en Europe. C'est une avancée exceptionnelle, voire révolutionnaire, qui fera en sorte de rendre de la compétitivité à nos véhicules fabriqués en Europe face à d'autres zones où les subventions sont bien plus importantes.
J'ai entendu, monsieur le rapporteur, que vous jugiez utile la chute continue des impôts de production. J'espère que vous voterez le budget 2024 qui vise à parfaire et conclure la suppression de la CVAE. Nous avons beaucoup amélioré la compétitivité de la France ces dernières années par l'ensemble des mesures que vous connaissez : réforme du marché du travail, baisse des impôts de production, amélioration du fonctionnement des allégements de charges, etc. Je pense que la France est plus compétitive qu'elle ne l'a été, mais nous devons parfaire le sujet. Je pense que la suppression définitive de la CVAE y contribuera.
Vous avez mentionné les ressources propres de Business France comme un éventuel handicap. Je suis tout à fait favorable, au contraire, à ce que les opérateurs publics puissent bénéficier de subventions, votées ici, mais qu'ils puissent aussi tarifer un certain nombre de services auprès des entreprises. C'est le cas de Business France ou des chambres de commerce et d'industrie, ce qui explique en grande partie la baisse de la taxe affectée que vous avez mentionnée dans votre introduction.
Le défi majeur est celui de la coordination. Depuis la mise en place d'une Team France Export en 2018, nous avons un véritable guichet unique à l'export, qui met en collaboration les conseillers internationaux des chambres de commerce, les chargés d'affaires de Business France qui sont positionnés chez Bpifrance et peuvent travailler en étroite collaboration avec ces équipes dans l'accompagnement des PME et des ETI à l'export. Tout ceci se fait en lien avec les régions. L'efficacité du plan de relance à l'export, en 2020 et 2021, s'est traduite par la mise en place de 19 300 chèques relance export, de 1 905 chèques relance VIE, d'un abondement exceptionnel au fonds d'études et d'aide au secteur privé, de l'assurance prospection, de l'assurance prospection accompagnement et des dispositifs de réassurance publique Cap Francexport.
En ce qui concerne le recours aux divers dispositifs d'accompagnement, de financement et de garanties publiques à l'export, Bpifrance est impliqué dans la garantie de projets stratégiques, des crédits export octroyés par Bpifrance SA sur son propre bilan, en sollicitant l'assurance-crédit de l'État, le prêt croissance internationale, qui s'est traduit en 2022 par 788 millions d'euros de prêts contexte internationalisation qui ont été engagés et les garanties de projet international, avec 186 dossiers qui ont été traités en 2022, pour un montant de 38 millions d'euros. Nous aurons l'occasion de discuter à l'occasion du PLF d'un soutien budgétaire éventuel supplémentaire. Je considère que nous avons déjà beaucoup de dispositifs de soutien efficaces et que la coordination s'améliore.
Vous avez également évoqué les stratégies de filières. Je suis impliqué, en tant que ministre de l'industrie, dans la quasi-totalité des comités stratégiques de filières, souvent en collaboration avec certains de mes collègues. Les filières qui sont les plus efficaces à l'international, comme l'aéronautique, sont souvent celles qui s'organisent en filières dans lesquelles les grands donneurs d'ordre sont proches de leur tissu de sous-traitants et prêts à travailler avec eux pour développer des stratégies cohérentes à l'international. Certains de nos partenaires, mais aussi concurrents et amis comme l'Italie, le font très bien, par exemple dans l'agroalimentaire. L'aéronautique, le textile et la mode, dans le cadre de leurs contrats stratégiques de filière, intègrent des enjeux de décarbonation, mais aussi des enjeux stratégiques à l'export. L'ensemble des objectifs des contrats de filières qui sont renouvelés ou en cours de renouvellement pour les années 2023-2027 auront une dimension internationale afin d'intégrer ce véritable défi de la conquête du monde qui s'impose à toutes les filières industrielles de France.
Merci. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la question de la balance commerciale doit d'abord s'apprécier au regard du grand volume d'importations par rapport aux exportations. L'exportation des biens a crû de 18 % en 2022, mais les importations explosent. C'est en particulier sur ce sujet que nous devons nous interroger. S'il n'est pas question de fermer les frontières ou d'interdire les échanges, le « grand déménagement du monde » sur certains produits doit s'arrêter, car nous n'en avons tout simplement plus les moyens d'un point de vue écologique. Il s'agit d'abord de savoir comment reconquérir notre marché intérieur. Par ailleurs, je ne crois pas que la faiblesse de la production industrielle s'explique avant tout par la détérioration de sa compétitivité, à moins de considérer que pour faire face à un libre-échange généralisé, il faille produire avec un moins-disant écologique et social pour s'aligner sur les pays qui opèrent de cette manière. Ce n'est pas le modèle que je souhaite. D'autres options peuvent être envisagées, notamment le fait de revenir d'une idéologie, dont le président d'Alcatel Serge Tchuruk était l'émanation la plus importante, qui consistait à rêver d'une entreprise sans usine. Malheureusement, cela a été une des marques de fabrique du capitalisme français par rapport au capitalisme allemand. Ensuite, nous devons nous interroger sur nos rapports avec nos concurrents, notamment l'Allemagne. La raison pour laquelle la valeur ajoutée industrielle de l'Allemagne et l'exportation sont plus fortes tient d'abord au fait que le marché unique, et notamment l'alignement sur une monnaie forte telle que l'a voulu l'Allemagne au départ, l'avantage considérablement. De plus, l'Allemagne a transformé une partie des pays de l'ancien bloc soviétique en préparation préindustrielle d'un certain nombre de produits manufacturés. Je rappelle qu'en termes de commerce extérieur, l'Allemagne est en dehors des traités. J'entends le fait de vanter le regain industriel en France, mais dans une économie qui vante le libre-échange généralisé, si l'on ne revient pas à une politique de protectionnisme sur des critères sociaux et écologiques, je crains qu'il s'agisse de mots plutôt qu'un espoir pour l'avenir en termes de réalisation. Enfin, de façon à éviter les délocalisations et même pour permettre des relocalisations, nous devrions cibler davantage les aides très larges et sans condition de l'État, afin de les diriger en faveur des entreprises qui souhaitent relocaliser ou empêcher la délocalisation.
Merci pour ce rapport d'information qui porte sur le déficit commercial de l'industrie et merci à vous, monsieur le ministre, pour vos éléments de réponse. Je souhaite revenir sur la Team France Export, dont il est important de souligner l'intérêt, puisque sous une seule et même bannière, il s'agit d'un guichet unique vers l'export qui regroupe des structures publiques d'aide aux entreprises, qui a été créé dès 2018. Une réponse à l'amélioration du solde commercial de notre industrie avait donc bien été engagée très tôt par la majorité présidentielle, avant la crise sanitaire et les autres crises depuis. C'est pour cela que Bpifrance s'est vu confier près de 18 milliards d'euros du plan d'investissement France 2030. C'est donc un enjeu de premier ordre pour l'innovation dans les secteurs stratégiques de demain de notre économie et pour notre rayonnement à l'international. Comment faire remonter en puissance l'action de la Team France Export, notamment par une stratégie mieux croisée avec le plan d'investissement en France 2030, permettant d'améliorer au plus vite notre balance commerciale en matière d'industrie ? Je vous remercie.
Tout d'abord, je suis toujours ravi de parler de commerce extérieur parce qu'il y a encore dix mois, j'étais au sein de la Team France Export. J'ai passé quarante ans de ma vie à aider le commerce extérieur et nous observons un grand changement depuis la création de Team France Export, que nous pourrions d'ailleurs nommer TFE.
Vous avez commenté le sujet de la dépendance de l'Europe. En 2022, beaucoup de nos réacteurs nucléaires ont été arrêtés. Nous avons connu une importante crise de l'énergie. Je pense que nous avons touché le fond de notre déficit. Vous êtes tous les deux d'accord sur les objectifs : plus nous aurons d'industries en France, plus nous consommerons des produits que nous produisons et plus nous pourrons exporter.
Je souhaitais en outre souligner des signaux très encourageants. Nous devons continuer sur la trajectoire de réindustrialisation amorcée depuis 2017. Depuis 2021, il s'ouvre plus d'usines en France qu'il n'en ferme. L'inflexion est donc majeure. Je l'ai ressentie dans mon dernier poste à Istanbul, à la suite de la loi Pénicaud et de la baisse du taux d'impôt sur les sociétés de 33 à 25 %. Les investisseurs étrangers regardent la France. 24 % du capital de CMA-CGM appartient à un industriel turc. Une partie importante de notre industrie est exportatrice et est étrangère en France. Enfin, nous devons encourager nos PME à se tourner vers l'export et surtout à y rester. C'est le travail de la Team France Export. Nous en sommes à 145 000 exportateurs contre 129 000 avant la crise. Leur nombre a donc augmenté de 10 % en trois ans. Or le rapport reste le même, les 1 000 plus grands réalisant 80 % des exports.
Mon interrogation fait suite à l'audition récente de Team France Export, dans le cadre du groupe export à l'Assemblée. Monsieur le ministre, comment s'assurer que ces synergies puissent être améliorées afin que l'innovation, la décarbonation de nos industries et la compétitivité soient un levier d'amélioration de la balance commerciale ?
Enfin, je souhaite vous interroger sur la date de la présentation du nouveau plan export qui avait été annoncée par la Première ministre pour avril 2023 et que les acteurs du commerce extérieur attendent avec impatience.
J'ai été déçu pour un angle mort de ce rapport : les hommes et les femmes qui font l'industrie. La formation des professionnels de l'industrie constitue un atout compétitif majeur sur le marché extérieur et malheureusement, ceci semble finalement relégué au second plan. L'industrie est avant tout composée de femmes et d'hommes qui effectuent des tâches parfois pénibles, pas assez correctement rémunérées et qui se verront demander de travailler deux ans de plus du fait de votre réforme des retraites. En lisant votre rapport, j'ai regretté de peu trouver sur celles et ceux qui font fonctionner notre industrie. Ne s'agit-il pas ici aussi avant tout de retrouver la valeur ajoutée créée par les travailleuses et les travailleurs ? La qualification et les nouveaux métiers que la réindustrialisation va nécessiter d'inventer auront pour conséquence, si rien n'est mis en place au point de vue de la formation, de précariser plus encore celles et ceux dont les emplois vont de fait se transformer. Leur savoir-faire et leur expertise sont notre chance. À nous de savoir les mettre à profit pour les transformations qui nous attendent. Il existe à mon sens un décalage entre tous les dispositifs à l'export que vous avez énumérés dans ce rapport et le besoin de faire vivre notre économie par des métiers qui ont du sens. Quelles sont les incitations ou les programmes de formation à l'intention des hommes et des femmes qui feront le succès de notre industrie ?
Je suis d'accord avec Pascal Lecamp au sujet de l'anglicisme que nous utilisons systématiquement au sujet de l'exportation. Nous pourrions parler de TFE, ou bien de l'équipe de l'exportation française.
Je l'entends. Vous connaissez le dispositif EatAly, qui est un dispositif de présence l'agroalimentaire italien dans le monde entier et qui est un terme anglophone, qui permet de mettre l'Italie sur la carte mondiale. Je ne suis pas sûr que TFE suffise à mettre la France sur la carte mondiale. Je vous rejoins toutefois sur le fait qu'il se pose un sujet de marque. Je reconnais l'inconvénient que présente une marque anglophone. Si nous pouvons trouver une marque France francophone mais reconnue dans le monde entier, faisons-le. Team France Export a prouvé son succès. Nous comptons 50 % d'entreprises en plus qui sont issues directement de l'action de ces équipes. Je félicite donc toutes les équipes. Nous devrons aller plus loin, notamment via des objectifs communs aux différents opérateurs. En ce qui concerne la date, cela fait partie de la feuille de route de la Première ministre sur les 100 jours.
Les préoccupations que vous soulevez, Monsieur le président, sont intéressantes. Personne ne vise ici le moins-disant écologique et social. Si nous souhaitons être compétitifs par rapport à des pays dans lesquels les coûts du travail sont extrêmement faibles, nous devons d'une part nous mettre à niveau et nous assurer que la compétition soit juste sur les enjeux environnementaux, comme nous l'avons fait avec la taxation carbone aux frontières et le bonus automobile qui, à partir de l'année prochaine, sera réservé aux véhicules produits dans des pays dans lesquels le mix énergétique est vertueux, et d'autre part, développer l'innovation. Nous devons nous battre avec nos propres armes, par exemple avec le rapatriement des principes actifs du paracétamol via le développement d'un produit extrêmement innovant qui va permettre de développer du paracétamol fabriqué en France, mais qui sera beaucoup plus technologiquement avancé que celui qui a été développé et produit en Inde et en Chine.
Les vingt-cinq dernières années, jusqu'à il y a cinq ans, ont été un désastre pour l'industrie française. Nous aurions pu faire ce que d'autres ont accompli, y compris l'Allemagne : préserver l'industrie à un niveau qu'elle n'aurait jamais dû quitter, y compris en utilisant les armes de l'élargissement. Je trouve très positif que les pays de l'Est aient pu rattraper les pays de l'Ouest dans le cadre de l'intégration à l'Union européenne. Je pense que nous nous différencierons par les lettres « ISME ». Le protectionnisme contre la protection. Nous souhaitons une protection qui permette aux entreprises industrielles françaises et européennes de se retrouver avec des armes égales quand elles concurrencent d'autres acteurs dans le monde, mais nous souhaitons rester ouverts. Je souhaite que les champions européens et français puissent continuer à exporter. Si nous empêchons un certain nombre d'acteurs d'importer en Europe, malheureusement, les mesures de rétorsion seront telles que nous aurons également des défis d'exportation. L'Europe a fait beaucoup pour s'assurer que cette compétition soit plus juste et équitable entre les producteurs européens et les producteurs non européens. Le Président de la République a été très clair : dans tous les traités en cours de négociation, des clauses de réciprocité seront intégrées de façon à ce que les normes environnementales et sanitaires des produits qui entrent en Europe soient au niveau de ceux qui sont produits ici. Par ailleurs, nous n'avons pas signé de traité de libre-échange depuis six ans. Le CETA a été signé avant l'élection du Président de la République. Je suis très fier de l'avoir approuvé. Il a conduit la France à avoir une amélioration notable de ses exportations à destination du Canada, sans invasion de bœuf canadien craint par des membres de votre groupe.
Monsieur le député Bouloux, vous parlez des hommes et des femmes. Vous dites que les métiers industriels sont souvent plus pénibles que les autres, ce qui est vrai. Vous affirmez en revanche qu'ils ne sont pas assez rémunérés. Or l'industrie est rémunératrice. Nous avons des défis de rémunération en France, mais en moyenne, l'industrie paie mieux que les services et a connu des augmentations de salaire ces derniers mois, en partie du fait d'un marché du travail assez tendu. Nous devons donc éviter des images un peu trop traditionnelles de l'industrie. L'industrie est de moins en moins pénible, elle est rémunératrice et décarbone. L'image de l'industrie polluante est en passe d'être transformée. Nous avons une politique industrielle de développement innovant de la décarbonation qui vise à former de plus en plus de jeunes et de les attirer vers l'industrie. Je ne serai pas plus précis sur le plan, vous m'en excuserez, mais je laisserai à la Première ministre la primauté de ces annonces.
L'anglicisme est effectivement un vieux débat. Il conviendrait de trouver des expressions françaises, qui parlent à tout le monde dans un monde économique qui malheureusement parle en grande partie anglais.
Sur la compétitivité, je continue de penser que nos entreprises se porteraient mieux si elles étaient plus compétitives. Cette compétitivité passe aussi par la baisse des impôts de production. Nous ne souhaitons pas les baisser de la même manière ou diminuer les mêmes, mais nous considérons que cette baisse va dans le bon sens, y compris pour notre commerce extérieur.
Sur les hommes et les femmes, bien évidemment, quand on parle de nos exportations, il n'est de richesses que d'hommes.
Enfin, s'agissant du repli sur soi, je persiste à penser que le patriotisme économique, qu'une forme de protectionnisme intelligent est tout à fait compatible avec une volonté exportatrice et avec une balance exportatrice positive. Au-delà de la Suisse, nous pourrions citer d'autres exemples de pays qui protègent raisonnablement leur marché intérieur, tout en étant des champions de l'exportation. L'IRA américaine assure du protectionnisme, sans que le pays ait abandonné l'idée de continuer à exporter des produits américains. Je vous remercie.
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Franck Allisio, rapporteur spécial.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 8 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, M. Luc Geismar, M. David Guiraud, M. Pascal Lecamp, M. Philippe Lottiaux, M. Damien Maudet, M. Michel Sala
Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon
Assistait également à la réunion. - M. Alexis Izard