Merci monsieur le rapporteur et bravo pour votre intérêt pour cette belle institution qui fait à la fois la fierté des Françaises et des Français, mais aussi la fierté de la France à l'international. Votre rapport spécifique permet de mettre la lumière sur cette institution, dont j'ai été membre quelques années et qui a été particulièrement visible par nos concitoyens dans le cadre de la crise sanitaire. Nous avons pu découvrir que nous étions capables, avec de la créativité, de mesurer en France mieux qu'ailleurs l'activité économique quasiment au quotidien, grâce aux données de cartes bancaires auxquelles l'Insee a eu accès et, vous l'avez dit aussi, aux données de téléphonie mobile. Merci aux employés de l'Insee qui ont accompli un travail particulièrement créatif et utile dans le cadre de la crise sanitaire, mais qui, au jour le jour et depuis des années, nous aident à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.
L'Insee, comme tous les instituts de statistiques, fait face à un défi majeur : la numérisation croissante de l'économie et de la société. C'est à la fois une opportunité pour l'Institut et un défi. Cette opportunité est de compléter les exploitations habituelles qui sont aujourd'hui fondées sur des enquêtes statistiques, téléphoniques, internet, etc., des fichiers administratifs détenus par les administrations et, depuis la loi pour une République numérique de 2016, la communication par des personnes morales de droit privé de données. Nous avons ainsi ajouté un article 3 bis dans la loi de 1951 à laquelle vous avez fait référence. Nous avons également accès à des données privées dans le cadre de conventions de gré à gré, ce qui permet à l'Insee d'avoir accès à des transactions bancaires, mais aussi à des données ouvertes, notamment les images satellitaires. Toutes ces exploitations sont complétées par l'Insee, par des méthodes développées ces dernières années, en matière d'intelligence artificielle, de data science, de nowcasting qui permet d'analyser la situation plutôt que de la prévoir, des extractions d'informations issues duweb, etc. Ces nouvelles méthodes permettent, en complément des anciennes, de produire des indicateurs à des niveaux géographiques extrêmement fins.
Le défi est clair : de nouveaux organismes et des opérateurs privés se mettent à produire des informations qui se veulent statistiques qui, pour certaines, sont d'une rigueur et d'une qualité exemplaires et qui, pour d'autres, laissent à désirer. Tout cela est disponible en temps réel, difficile à évaluer et à utiliser. Les chiffres peuvent être repris par des médias et par le grand public et sont parfois relayés de manière amplifiée et détournée sur les réseaux sociaux, là où l'Insee, par sa rigueur, a parfois besoin d'un peu de temps pour produire de la donnée. Nous devons conserver, vous l'avez dit, la robustesse de l'encadrement de la statistique publique, issue de la loi de statistiques de 1951. Nous pouvons pour autant élargir l'accès par l'Insee et les services statistiques à des données privées. Au-delà des conventions dont j'ai parlé, nous pourrions envisager un partenariat plus structurel avec les opérateurs de téléphonie. Ce partenariat avait été très utile pendant la Covid. Il a été interrompu. Je sais que des discussions sont en cours entre l'Insee et les opérateurs téléphoniques. Il se pose un sujet de prix, mais aussi de qualité de la donnée. L'Insee a besoin, pour réaliser un travail exemplaire, de la donnée brute. Or les opérateurs proposent aujourd'hui des données d'ores et déjà traitées.
Nous pourrions envisager de faire évoluer la loi statistique de 1951 pour élargir l'accès aux données privées, uniquement afin d'avoir accès à l'élaboration de statistiques. Aujourd'hui, ce qui est permis est le remplacement d'enquêtes statistiques d'ores et déjà obligatoires. Nous devons pouvoir identifier de nouveaux champs dans lesquels l'Insee pourrait avoir accès à des données privées, à condition évidemment d'assurer quelques garanties et d'expliquer pourquoi ces données sont nécessaires et d'avoir une finalité bien spécifique. Ces données n'ont pas vocation à nourrir les autorités de régulation ou la recherche, mais uniquement l'appareil statistique. Elles doivent être, de ce fait, inscrites dans un programme statistique et proportionnées au strict besoin. Afin de maintenir la confiance du public, il s'agit également de poursuivre les concertations sous l'égide du conseil national de l'information statistique, un organisme important qui permet d'assurer la concertation entre les utilisateurs et les producteurs de statistiques et de communiquer en toute transparence sur les données utilisées pour la production statistique.
Merci pour ce rapport. Nous sommes évidemment prêts à travailler sur les suites avec vous et avec d'autres députés. La statistique n'appartient à personne. Elle appartient à tout le monde. C'est l'estimation de la vérité qui mobilise et motive l'ensemble des agents de l'Insee et si nous pouvons améliorer leur travail, nous devrions le faire.