En 2022, le solde commercial de la balance des biens a enregistré un déficit record de 164 milliards d'euros. Si l'accroissement de 78 milliards d'euros de ce déficit en 2022 s'explique à 86 % par l'augmentation du coût de l'énergie, il n'en demeure pas moins que la France est marquée par la lente et continuelle dégradation du déficit commercial de son industrie depuis le début des années 2000. Cette année encore, le solde commercial des produits manufacturés, hors énergies et hors produits agricoles, atteint -78,5 milliards d'euros. Le solde commercial de la balance des biens n'a jamais été positif depuis 2002 et reste au-delà de la barre des -40 milliards d'euros depuis 2006. C'est le résultat d'un processus de perte de compétitivité de la France vis-à-vis de nos concurrents européens. La part de marché des exportations françaises dans les exportations de la zone euro est passée de 17,9 % en 2000 à 12,4 % en 2022. La courbe de nos pertes de parts de marché épouse celle de notre désindustrialisation. La part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée industrielle de la zone euro est passée de 17,8 % en 2000 à 13,3 % en 2022. Les facteurs explicatifs de cette situation sont connus. La France garde un nombre insuffisant d'entreprises exportatrices (144 000 contre 261 000 en Allemagne et 191 000 en Italie) et d'entreprises de taille intermédiaire (5 600, contre 12 500 en Allemagne et 8 000 en Italie). Enfin, nos écarts de compétitivité ont conduit les entreprises multinationales à faire le choix de la délocalisation. Le poids des ventes de filiales industrielles françaises à l'étranger représente 2,5 à 3 fois la valeur ajoutée industrielle de la France, contre 1,3 fois en Allemagne. La France a engagé une politique de réduction du coût du travail depuis 2013 et, depuis peu, de réduction des impôts de production utiles au redressement de l'industrie française et de ses capacités d'exportation. Elle a notamment permis de redresser légèrement notre compétitivité prix et le taux de marge des entreprises industrielles.
Les années 2017-2019 laissaient entrevoir des raisons d'espérer. Durant cette période, la part de marché de la France dans les exportations de biens et de services en valeur de la zone euro s'était stabilisée. La France a par ailleurs connu en 2022 un pic du nombre d'entreprises exportatrices, qui a atteint 144 000. Le nombre d'entreprises industrielles se stabilise. Néanmoins, les années 2019-2022 ont mis un coup d'arrêt à cette dynamique positive. La part de la France dans les exportations de la zone euro a de nouveau reculé de 0,9 point depuis 2019, tandis que sa part dans la valeur ajoutée industrielle de la zone euro a diminué de 1,4 point.
Les travaux que j'ai conduits dans le cadre de ces auditions me conduisent à penser que la France garde un décalage de compétitivité par rapport à ses voisins européens. La part de ses impôts de production nets des subventions d'exploitation dans l'industrie manufacturière reste plus élevée qu'en Allemagne ou que dans le reste de la zone euro. Par ailleurs, les enquêtes réalisées auprès de 500 importateurs européens par l'institut Rexecode, que j'ai pu rencontrer, montrent que si la qualité des produits français est reconnue, le rapport qualité-prix reste défavorable par rapport à d'autres pays comme l'Espagne, en particulier dans l'automobile.
J'en viens maintenant aux dispositifs de soutien à l'export mobilisés par la Team France Export. Le bilan de cette réforme, qui a conduit à unifier les dispositifs de soutien à l'export, est largement positif. Les accords stratégiques signés entre Business France, Bpifrance Assurance Export et CCI France ont permis de mettre en place un point de contact commun pour les entreprises exportatrices, le réseau des conseillers internationaux et chargés d'affaires internationaux de la Team France Export installés au sein des CCI régionales et des directions régionales de Bpifrance. Elle offre un accompagnement à 360 degrés du diagnostic à la projection internationale, en passant par les financements et garanties publiques à l'export mobilisés par Bpifrance. Le plan de relance export a permis d'organiser la reprise des exportations en sortie de crise. 19 300 chèques relance export ont été distribués, au-delà de l'objectif initial des 15 000 chèques. 1 905 chèques VIE ont été déployés pour prendre en charge l'embauche d'un VIE à hauteur de 5 000 euros. Les dispositifs Cap Francexport et Cap Francexport plus ont permis de prendre le relais des assureurs-crédits privés à l'export qui se désengageaient. L'année 2022 marque ainsi un pic de prises en garantie au titre de l'assurance-crédit, à raison de 30 milliards d'euros en flux et 66 milliards d'euros en stock.
Au terme de ces travaux, j'aimerais partager avec vous quatre faiblesses de notre dispositif de soutien à l'export. D'abord, le portage budgétaire me paraît sous-dimensionné. La subvention pour charges de service public accordée à Business France atteint 93,4 millions d'euros en 2022, soit une baisse de 10 millions d'euros depuis 2018. Il est heureux qu'elle ait été augmentée à l'occasion du dernier PLF, à hauteur de 15,6 millions d'euros. Par ailleurs, l'agence est financée à moitié par des ressources propres, ce qui pose question quant à l'importance donnée par l'agence à la maximisation de ses ressources propres. En outre, la taxe pour frais de chambre, qui finance les CCI, est passée de 1,38 milliard d'euros en 2012 à 525 millions d'euros.
En second lieu, l'action de la Team France Export n'est pas assez articulée avec les investissements déployés dans le cadre de France 2030. En particulier, les 18 milliards d'euros gérés par Bpifrance doivent permettre d'améliorer la compétitivité hors prix de notre industrie en soutenant les écosystèmes d'innovation, en renforçant les fonds de la French Tech et en portant des stratégies d'accélération dans l'innovation qui permettront à l'industrie française d'être compétitive dans le cadre des révolutions numériques et écologiques. C'est un constat partagé par les acteurs institutionnels, par les entreprises et par les parlementaires d'un côté à l'autre de notre assemblée, puisqu'il a également été avancé par nos collègues Charles Rodwell et Sophia Chikirou dans le cadre du groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l'exportation et à l'attractivité des investissements étrangers en France. Aussi, il me paraît utile que la Team France Export et le secrétariat général pour l'investissement renforcent leurs liens opérationnels et partagent les dossiers des porteurs de projets des lauréats des investissements France 2030. En février dernier, le ministre Olivier Becht a indiqué qu'un plan de soutien à l'export serait annoncé dans les prochains mois. Dans le cadre de ce plan, il me semble pertinent de confier à la Team France Export le soin d'accompagner tout ou partie des bénéficiaires des crédits France 2030 dans leur stratégie export. Notre culture de l'export est moins partagée que dans d'autres pays européens. C'est une de nos faiblesses que de considérer que l'export est la dernière étape du développement d'un business model. Aussi, pour que le plan France 2030 puisse produire pleinement ses effets, il me paraît utile que les lauréats bénéficient d'un plan d'action personnalisé et de conseillers dédiés à la Team France Export. Un budget additionnel pourrait être envisagé au prochain PLF pour financer cet accompagnement.
En troisième lieu, les dispositifs de financement et de garanties publiques à l'export pourraient être renforcés, notamment pour ce qui concerne l'assurance prospection. C'est le produit phare à destination des PME, puisque Bpifrance accorde une avance sur les dépenses de prospection aux entreprises qui enregistrent moins de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires. L'objectif de 1 500 assurances prospection inscrit dans le cadre du plan de relance export a été atteint. Toutefois, en 2022, un plafond de 97,5 millions d'euros a été fixé pour le déficit de cette procédure. Pour encourager l'exportation des PME, il pourrait être envisagé d'augmenter ce plafond.
Enfin, c'est un constat partagé que l'insuffisante culture de la collaboration entre PME, ETI et grands groupes dans la conquête des parts de marché à l'export. Nos voisins transalpins ont réussi à déployer des réseaux d'entreprises qui construisent des stratégies de conquête de parts de marché en commun. Il me semble que nous devons pouvoir nous appuyer sur les contrats de filière pour construire avec les entreprises une culture de la collaboration à l'export entre les grands groupes et les sous-traitants français. La Team France Export pourrait avoir un rôle à jouer dans ce domaine.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les orientations et les grandes lignes du plan de soutien à l'export que vous préparez ? Comportera-t-il des mesures pour renforcer la collaboration entre le SGPI et la Team France Export ? Envisagez-vous de confier à la Team France Export une mission d'accompagnement à l'export des entreprises lauréates des investissements France 2030 ?