La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 05.

Présidence de M. Sacha Houlié, président

La Commission examine la proposition de loi visant à renforcer l'engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique (n° 1157) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dIR782

Examen de la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique (n° 1157) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur)

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Nous examinons ce matin les trois propositions de loi relevant de la commission des lois inscrites à l'ordre du jour de la journée réservée du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), le jeudi 8 juin.

Nous commençons par la proposition de loi visant à renforcer l'engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique, dont M. Benjamin Saint-Huile a été désigné rapporteur. Ce texte est inscrit en troisième position de l'ordre du jour du 8 juin.

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Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler avec vous de démocratie, même si les regards sont plutôt tournés vers la commission des affaires sociales ce matin en raison de l'examen du texte portant sur la réforme des retraites.

Je dirai quelques mots, pour commencer, de la journée réservée à mon groupe. Si nous avons choisi d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi relative aux retraites dont tout le monde parle, c'est parce que nous considérons que l'utilisation de l'article 49 alinéa. 3 de la Constitution, alors même que le Gouvernement avait déclaré qu'il n'y aurait pas recours, a contribué à crisper le pays.

Nous avons également voulu démontrer qu'il était possible de trouver des recettes nouvelles en élargissant l'assiette de la taxe sur les transactions financières : c'est l'objet de la proposition de loi qui sera défendue par Christophe Naegelen.

Enfin, il nous a semblé important d'aborder la question de la démocratie. Selon nous il faut en effet interroger nos pratiques, voire régénérer notre démocratie. Tel est l'objet du présent texte.

Au-delà des propositions qu'il contient, beaucoup d'autres sujets auraient pu être abordés. Ainsi, certains des amendements déposés visaient à instaurer la proportionnelle, ou encore le vote à 16 ans. On pourrait parler aussi des référendums. Il fallait bien ouvrir le débat d'une manière ou d'une autre : nous avons donc choisi de travailler sur le vote blanc, sur le devoir de participer aux scrutins – sujet attendu – et sur l'inscription sur les listes électorales, question qui peut apparaître technique mais qui a des incidences directes sur la participation.

Nous partons d'un constat simple, que tout le monde peut partager : scrutin après scrutin, la participation diminue. Pour n'être désagréable avec personne d'autre que nous, je me référerai aux dernières élections législatives : la participation, lors du second tour, y était de 46 %, ce qui interroge quant à notre capacité à nous faire les porte-parole de tous nos électeurs. Mécaniquement, l'abstention est en augmentation constante, signe d'une défiance vis-à-vis des institutions et des élus. Je ne crois pas que certains élus sont plus disqualifiés que d'autres : toute la classe politique est concernée. Le Président de la République, dont il est souvent question ici, a reconnu « la forte abstention qui nous oblige tous à redonner davantage de sens à nos actions collectives, de lisibilité aux grands rendez-vous démocratiques ». Certains pourraient considérer la formule comme floue ; pour ma part, je considère qu'elle traduit clairement une volonté d'interroger nos institutions et notre fonctionnement démocratique.

Cette réflexion se construit dans un contexte particulier, marqué par des tensions sociales et politiques – certains parlent de « crise démocratique », expression qui, j'en suis sûr, reviendra au cours des débats. Nous faisons quelques propositions, tout en étant conscients que le sujet est plus large. Certains seront tentés de nous renvoyer à la grande concertation à venir sur les institutions, mais nous craignons que celle-ci apporte des réponses trop tardivement, alors qu'il est possible d'envoyer très rapidement certains signaux.

La question de fond, à nos yeux, réside dans le fait que certaines catégories de population sont quasiment exclues du vote car les expressions électorales de colère ou de rejet ne sont pas comptabilisées en tant que telles, au point que la légitimité des élus puisse être mise en question.

D'où le premier axe de la proposition de loi, qui consiste à renforcer la parole de l'électeur – formule poétique qui recouvre en fait la reconnaissance du vote blanc. Allons ensemble dans cette direction ! Il s'agit, en définitive, de reconnaître les expressions plurielles des électeurs, particulièrement lorsqu'elles manifestent un rejet. L'enjeu, derrière cette disposition, est de remédier à un problème plus large et complexe, qui mérite que nous engagions le débat : il s'agit de notre capacité à donner envie aux abstentionnistes de revenir vers les bureaux de vote.

Nous proposons de comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés, ce que n'a pas permis de faire l'évolution législative intervenue en 2014. Je sais que cette proposition donnera lieu à des discussions, comme en témoignent certains des amendements déposés. Un autre enjeu pèse également dans le débat, même s'il n'a pas fait l'objet d'amendements : le seuil de 5 % des suffrages exprimés, nécessaire pour obtenir le remboursement d'une campagne électorale et pouvoir fusionner des listes lors de certains scrutins. L'objectif de cette proposition de loi n'est pas de rendre ces opérations plus difficiles mais de renforcer la légitimité dont pourront se prévaloir les candidats élus.

Nous pourrions nous contenter de comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés, mais cela ne changerait pas grand-chose. Nous ajoutons donc une autre disposition, qui donnera lieu, elle aussi, à bien des commentaires, visant à annuler une élection au cours de laquelle les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés. On m'objectera que cela risque d'aggraver les dépenses publiques, puisqu'il faudra alors revoter. Certains me diront aussi que c'est un peu compliqué. À quoi je répondrai que, d'une part, le cas de figure ne se produira que rarement, et que, de l'autre, nous avons prévu un nouveau scrutin dans un délai relativement court : entre vingt et quarante jours. Cela permet d'éviter une vacance du pouvoir trop longue, qui fait peur à tout le monde – même si les Belges ont eu l'occasion de constater que ce n'était pas un problème en soi. Par ailleurs, lors de ce nouveau scrutin, ce mécanisme ne s'appliquerait plus, de manière à ne pas entraîner de nouveau l'invalidation, quand bien même le candidat élu le serait sur des bases fragiles.

La deuxième proposition consiste à instaurer le vote obligatoire. Certains considèrent cette mesure comme une provocation, une disposition irritante. Je le comprends. Nous nous sommes interrogés à ce propos lors de la rédaction du texte. Nous avons considéré qu'il fallait lier la question du vote blanc à celle du vote obligatoire, mais ce choix peut être discuté.

Je souhaitais que la représentation nationale ait l'occasion de s'exprimer sur le vote obligatoire. Certaines catégories d'électeurs se trouvent de fait dans l'impossibilité de s'exprimer : de manière générale, ce sont les jeunes qui sont les plus mal inscrits sur les listes, et les catégories sociales les plus fragiles sont aussi les plus éloignées du vote. Nous considérons qu'il faut les « raccrocher » à la vie démocratique du pays à travers le vote obligatoire. Cela forcerait – enfin – les candidats à parler à tout le monde. Si nous sommes ici, c'est parce que nous avons mené une campagne électorale. Pour cela, que vous le reconnaissiez ou non, nous avons choisi nos cibles, nous nous sommes adressés à certains segments de la population. Certains d'entre vous m'objecteront que la République est une et indivisible. Force est toutefois de constater que, lorsque l'on s'adresse aux retraités, on n'évoque pas tout à fait les mêmes sujets que lorsque l'on parle aux étudiants.

L'augmentation de la participation vise aussi à renforcer la légitimité des élus. En effet, moins il y a d'électeurs qui se déplacent pour aller voter, plus il est facile pour certaines personnes de dire que nous ne sommes pas représentatifs.

Je connais les difficultés que peut poser le vote obligatoire. D'une part, il s'agirait d'une nouvelle contrainte, et, d'autre part, on ferait peser de manière presque accusatoire sur les électeurs la responsabilité des difficultés que rencontre notre démocratie. Je comprends que certains d'entre vous ne soient pas prêts à contraindre les électeurs à aller voter parce que ce n'est pas leur philosophie. Tel n'est pas, selon moi, l'objet de la discussion : l'objectif est de renforcer la légitimité des élus et de raccrocher au système démocratique des catégories de population qui en sont éloignées. Il convient de le faire intelligemment, en permettant aux candidats de formuler des propositions qui s'adressent à ces personnes.

L'instauration du vote obligatoire suppose de s'interroger aussi sur la sanction. D'abord – et je le dis pour dépassionner le débat –, ceux d'entre vous qui ont participé aux auditions pourront en témoigner : dans tous les pays où le vote est obligatoire sans qu'une sanction soit prévue, il n'y a pas de modification substantielle de la participation. La vraie question est de savoir quelle sanction il convient d'instaurer. On peut faire preuve de beaucoup d'imagination en la matière : une sanction peut être « pédagogique » et revêtir – ou pas – un caractère dissuasif.

Pour en avoir discuté avec des universitaires, je considère, d'après l'exemple du Brésil, qu'une sanction dissuasive ou perçue comme telle amène les gens à se mobiliser davantage. Nous avons toutefois fait le choix d'une sanction correspondant à une contravention de première classe, d'un montant de 11 euros. Une telle sanction est symbolique. Il s'agit d'engager la discussion sur la possibilité d'assortir d'une sanction l'obligation de vote. Là encore, j'aimerais vous entendre sur le sujet, même si, après avoir lu certains amendements, j'ai mon idée sur ce que le groupe majoritaire pense du vote obligatoire.

Notre objectif est de créer une sorte de nouveau contrat entre les électeurs et ceux qui se présentent à leur suffrage.

La troisième proposition concerne un enjeu majeur : l'inscription sur les listes électorales. En effet, l'un des premiers freins à la participation est la non-inscription ou une mauvaise inscription sur les listes électorales. Environ 7 millions de personnes sont concernées. Les règles administratives sont très contraignantes, ce qui n'aide pas à « raccrocher » nos concitoyens. Certes, le répertoire électoral unique (REU) a été créé en 2016, et il conviendra d'en étudier les résultats dans la durée, mais nous considérons qu'il faut aller plus loin. Nous proposons donc une inscription automatique. Certains amendements visent à aller moins loin ; nous essaierons de trouver une solution intelligente.

Nous voulons engager le débat, en espérant qu'il ait lieu aussi en séance, de façon à retisser ensemble un lien de confiance entre les Français et ceux qui sollicitent leur suffrage, alors que nos concitoyens s'interrogent de plus en plus sur les institutions.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Scrutin après scrutin, nous constatons tous une augmentation de l'abstention et un désintérêt croissant de nos concitoyens pour ces moments pourtant cruciaux, qui sont au cœur de la démocratie.

Parmi les solutions proposées pour tenter de répondre à ce malaise démocratique, la reconnaissance du vote blanc revient régulièrement, en particulier devant notre commission : en mars 2021, sous la précédente législature, nous avions discuté de dispositions proches, même si elles ne concernaient que l'élection présidentielle.

Voter blanc n'est pas un acte anodin. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, depuis 2014, les votes blancs sont décomptés et mentionnés dans les résultats des scrutins. En partant de ce constat – que nous partageons –, les auteurs de la proposition de loi demandent que les votes blancs soient comptabilisés dans les suffrages exprimés. Nous nous y opposerons, pour plusieurs raisons.

Sur le fond, d'abord, l'article 1er ne nous semble pas opérant. Il fragilisera les collectivités et notre assemblée, qui pourraient se retrouver durablement privées d'élus.

Sur le plan de la méthode, ce qui nous gêne dans votre démarche, monsieur le rapporteur, c'est qu'un cycle de rencontres a débuté il y a deux semaines, autour de la présidente de l'Assemblée nationale et avec l'ensemble des présidents de groupe, dont l'objet est précisément de trouver un consensus autour d'une réforme institutionnelle plus large. Légiférer aujourd'hui, qui plus est au moyen d'un texte dont la rédaction est imprécise, ne nous paraît pas souhaitable. Nous nous opposerons donc à l'article 2. Du reste, nous y sommes également hostiles sur le fond, car nous sommes attachés à la liberté.

Enfin, les dispositions inscrites à l'article 3, si elles nous semblent intéressantes, posent problème car elles ôteraient au maire l'une de ses prérogatives, à savoir l'instruction des demandes d'inscription sur les listes électorales. Les groupes de la majorité vous soumettront donc des amendements identiques visant à réécrire l'article afin de faciliter l'inscription des électeurs tout en préservant les prérogatives du maire.

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L'abstention progresse partout en France. Lors de l'élection présidentielle de 2022, elle a atteint un niveau record : 28,0 %. Aux législatives qui ont suivi, elle s'est hissée à des sommets inédits : 53,7 %, contre 51,3 % en 2017. Le renforcement de l'engagement et de la participation des Français aux scrutins, que vous proposez à travers ce texte, apparaît donc comme une nécessité. De cette participation dépend la représentativité réelle des élus. C'est pourquoi les députés du Rassemblement national approuvent en partie cette proposition de loi.

Le taux de participation aux élections est symptomatique d'une crise de nos institutions et, comme vous le soulignez, d'une méfiance évidente des Français à l'égard du personnel politique, notamment au niveau national. Une étude réalisée au début de l'année 2022 pour le Cevipof – Centre de recherches politiques de Sciences Po – indiquait ainsi que 37 % des personnes interrogées éprouvaient de la méfiance à l'encontre du personnel politique et 40 % de la lassitude.

L'instauration d'un nouveau régime applicable au vote blanc, que vous proposez à l'article 1er, contribue, à cet égard, à faire entendre la voix des électeurs qui ne s'estimeraient pas représentés. Faire apparaître le vote blanc dans le résultat d'un scrutin nous semble donc crucial : cela permettra d'assurer une meilleure représentation de ces Français silencieux.

Toutefois, la prise en compte du vote blanc ne doit pas être synonyme de paralysie. De ce point de vue, la proposition tendant à prononcer l'annulation d'un scrutin lorsque les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés ne nous semble pas opportune : elle risque de figer trop longtemps les institutions. Par ailleurs, cette procédure entraînerait d'importantes charges financières. Or celles-ci incombent à l'État, donc aux contribuables.

Nous vous soumettrons donc des amendements visant à soutenir la reconnaissance du vote blanc sans pour autant le hisser au même rang que les votes exprimés en faveur des prétendants en lice.

En ce qui concerne l'article 2, nous doutons que la menace brandie à l'encontre des personnes qui ne souhaiteraient pas participer aux scrutins constitue un encouragement à le faire. Renforcer l'engagement et la participation des Français aux élections doit passer non par une contrainte mais par une incitation.

Vous nous objecterez sans doute, en vous référant aux exemples belge et australien, que le vote obligatoire assorti de sanctions a fait éclore de beaux fruits si l'on en juge d'après le taux de participation dans les pays ayant fait ce choix. Il n'en demeure pas moins que voter est un droit et que les Français ne doivent pas y être contraints par la menace d'une sanction, car ils risqueraient alors de devenir parfaitement hostiles aux processus électoraux. Les politiques punitives, en toute matière, contribuent – à juste titre – à la lassitude de nos compatriotes envers la politique.

Nous émettrons donc, par voie d'amendement, une réserve quant au fait d'infliger une amende aux Français qui n'iraient pas voter.

L'automatisation de l'inscription sur les listes électorales nous paraît, en revanche, de nature à faciliter la participation et à encourager les Français à retourner aux urnes. C'est une manière d'affranchir nos compatriotes d'une démarche administrative : cela ne pourra pas vous être reproché.

Ce texte a le mérite de nous rappeler les symptômes de la crise de la représentation que nous traversons. Faut-il croire, à l'instar de ce qu'expliquait Pierre Manent devant l'Académie des sciences morales et politiques, que « le gouvernement représentatif, invention de l'État moderne et de son prolongement américain », soit « une élaboration politique complexe que nous ne savons plus ni admirer, ni défendre, ni désirer » ? C'est parce que nous entendons défendre cette forme politique que nous voterons en faveur de l'article 1er. En revanche, nous sommes réservés à l'égard des mesures punitives prévues à l'article 2. Nous nous abstiendrons donc sur l'ensemble du texte.

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Albert Camus a écrit : « Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n'est pas pour prendre de ses nouvelles. » Nous parlons de démocratie ce matin, et nous le faisons dans un moment particulièrement dramatique. En effet, nous sommes dans le cadre d'une journée d'initiative parlementaire, alors même que la Constitution de la Ve République accorde très peu de droit d'initiative au pouvoir législatif ; or des manœuvres brutales sont en cours pour empêcher que soit examinée et votée la proposition de loi visant à abroger la mesure d'âge portant la retraite à 64 ans. C'est donc le moment adéquat pour parler de démocratie.

Si certains Français décident de voter et d'autres de ne pas le faire, alors il faut considérer qu'il y a des dégoûtés et des dégoûtants. Grâce au travail de Benjamin Saint-Huile, nous sommes appelés à nous interroger sur la légitimité qui est la nôtre pour ce qui est de représenter vraiment la nation dans l'hémicycle. Il nous revient de décider si nous voulons être une partie de la solution, ou bien au contraire une partie du problème. En effet, quiconque ne s'occupe pas de ceux qui ne sont pas inscrits, de ceux qui sont mal inscrits, de ceux qui votent blanc et de ceux qui votent nul, quiconque jette un regard froid sur les 10 à 15 millions de Français qui ont des rapports distants avec le système électoral, est en réalité une partie du problème.

Bien souvent, et à tort, les partis politiques ne s'intéressent qu'à celles et ceux qui votent. Or qu'est-ce que la souveraineté ? C'est la caractéristique de celui qui n'a pas de maître. Quand vous êtes en démocratie, lorsque vous regardez au-dessus de vous, il n'y a personne : cela signifie que le souverain, c'est vous. En République, le souverain, c'est le peuple. Si seule une partie du corps électoral chemine vers l'urne pour donner des consignes aux gouvernants, si au lieu d'un corps électoral complet il n'y a qu'une sorte de zombie auquel il manque un bras ou une jambe, alors nous ne sommes pas totalement souverains. Je ne parle pas là de souveraineté parmi les autres nations : je parle de nous, de la prise de décisions au sein de notre nation.

Être attaché à la notion de République est quelque chose de très concret dans la France des articles 40, 47-1 ou 49 alinéa 3, tous ces articles qui sont autant d'agressions contre la démocratie. Devenus familiers à nos compatriotes, ils les dégoûtent.

Nous devons considérer comme acquis qu'il existe encore une profonde aspiration à la démocratie dans ce pays, ce qui est positif. Avouons aussi, toutefois, que la concentration du pouvoir entre les mains du monarque qu'est le Président de la République pose problème. Ce n'est pas lié seulement au nom de la personne qui l'exerce, d'ailleurs : c'est la fonction elle-même qui doit être mise en question.

Oui, quand le Président de la République force notre présidente, Yaël Braun-Pivet, à se dédire à propos de la recevabilité d'une proposition de loi, nous vivons un moment très grave.

Merci au rapporteur de parler du vote blanc, du vote nul, du vote obligatoire et de l'inscription automatique sur les listes électorales. On pourrait ajouter à cela le droit de révoquer les élus et d'autres mesures. Quoi qu'il en soit, c'est une discussion importante que nous devons mener, particulièrement en ce jour.

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Nous partageons tous la même inquiétude face à la montée de l'abstention, scrutin après scrutin, devant ce fossé qui se creuse entre les citoyens et les élus. On parle parfois de fatigue démocratique ; le terme me paraît traduire avec justesse le sentiment collectif qui saisit notre pays.

Nous avons des raisons d'être inquiets, car la démocratie est fragile. Elle doit être constamment entretenue. Il ne faut pas avoir peur de l'interroger : toute réflexion est la bienvenue quand il s'agit de faire en sorte que la démocratie reste vivante. À cet égard, nous remercions le groupe LIOT et le rapporteur de nous inviter à cette réflexion.

Traditionnellement, mon groupe est réticent, voire opposé à la reconnaissance du vote blanc. Le fait de dépasser le seuil de 50 % des suffrages exprimés assoit la légitimité. On pense tous à l'apparition à la télévision du visage du vainqueur, à vingt heures, le soir du second tour de l'élection présidentielle, accompagné du pourcentage des suffrages exprimés. Si le chiffre devait être inférieur à 50 %, le symbole ne serait pas aussi puissant. C'est d'ailleurs ce qui se serait passé en 2012, lors de l'élection du président Hollande, si les votes blancs avaient été comptabilisés. Cela dit, le temps passe et les Français savent bien que ce n'est pas grâce à une majorité d'entre eux qu'un président est élu : le « mythe » des 50 % a été quelque peu écorné. Compte tenu du nombre élevé de bulletins blancs, notamment aux élections présidentielles – plus de 3 millions en 2017 et encore plus de 2,2 millions en 2022 –, la question de leur prise en compte se pose. Il faut donc ouvrir le débat.

Le vote obligatoire est une autre affaire. Ce n'est pas dans la culture de notre pays. Il y a un côté Janus dans le vote : c'est à la fois un droit et un devoir. On ne saurait le considérer uniquement sous l'angle du devoir. L'élément le plus problématique dans votre proposition, c'est la sanction prévue, quand bien même son montant – 11 euros – est minime, car elle visera pour l'essentiel les citoyens les plus défavorisés, qui sont également ceux qui s'abstiennent le plus. Nous sommes donc beaucoup plus réservés s'agissant de l'article 2.

Sous la précédente législature, Stéphane Travert et moi-même avions rédigé un rapport, dans le cadre des travaux d'une mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale. Nous avions constaté à quel point les chiffres étaient impressionnants : 3 millions de nos compatriotes ne sont pas inscrits sur les listes électorales et 7 millions environ sont mal inscrits, soit 10 millions au total. Une réflexion concernant les modalités d'inscription sur les listes électorales peut donc être engagée. À cet égard, vos propositions vont dans le bon sens. Certains des amendements déposés sont eux aussi intéressants.

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Pour mon groupe, ce texte est une nouvelle occasion d'alimenter la réflexion concernant l'abstention et la vie démocratique. Force est de reconnaître que des débats ont lieu au sein de mon groupe sur les sujets abordés dans la proposition de loi. L'éloignement de nos concitoyens des urnes est un problème sur lequel nous travaillons de façon continue ; nous avions d'ailleurs rendu, en janvier 2021, un Livre blanc consacré à cet enjeu.

En ce qui concerne, d'abord, la reconnaissance du vote blanc, le groupe Démocrate soutiendra toujours les propositions permettant aux électeurs de se prononcer sur l'offre politique et d'accomplir leur devoir de citoyens. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a identifié quelques fragilités qui compliquent les calculs finaux pour l'attribution des sièges dans le cadre de scrutins à la proportionnelle.

Cela dit, la demande de reconnaissance du vote blanc, qui émane des citoyens eux-mêmes, ne saurait être ignorée. Que l'on soit pour ou contre, c'est une question majeure. L'enjeu est de permettre l'expression de toutes les sensibilités existant dans la société. Dès 2021, nous avions lancé l'idée d'une expérimentation – méthode chère à notre groupe – pour les élections municipales.

S'agissant du vote obligatoire, nous souhaitons rappeler que le vote est à la fois un droit et un devoir civique fondamental – ce sont les deux faces d'une même pièce – et que c'est le citoyen qui décide d'exercer ou non ce droit. Il faudrait trouver la bonne formule pour aboutir à un système d'expression démocratique renouvelé et équilibré dans lequel le citoyen saura se retrouver et renouer avec le sentiment que son avis compte.

Le texte reste silencieux quant aux recours, aux modalités de contestation, à la sanction infligée en cas de non-respect de l'obligation de vote et de fraude sur les justificatifs. Vous n'êtes peut-être pas allés jusqu'au bout du dispositif.

Les chiffres montrent une hausse de l'abstention pour toutes les élections, vous l'avez rappelé : elle était de 53,7 % lors des dernières élections législatives. Les raisons sont multiples et les conséquences importantes. Nous plaidons plutôt pour une réforme globale : l'important est de revitaliser le pluralisme, et il faut pour cela débattre du système électoral dans son ensemble. Vous assumez, pour votre part, un prisme très réduit.

Je rappelle enfin que 7,5 millions d'électeurs étaient mal inscrits sur les listes en 2022. L'article 3 tend à corriger la situation en définissant les conditions d'une inscription automatique. Nous souhaitons, par nos amendements, refaire des maires des acteurs en la matière. Nous pensons qu'ils ne souhaitent pas être dépossédés de leurs prérogatives en ce qui concerne les listes électorales.

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Cette proposition de loi a le mérite de nous faire débattre d'un sujet intéressant. Elle suscite, néanmoins, des interrogations et présente certaines fragilités.

Le vote blanc consiste à déposer dans l'urne une enveloppe vide ou contenant un bulletin dépourvu de tout nom de candidat, ce qui indique une volonté de se démarquer du choix proposé. L'offre politique étant considérée par une partie croissante de nos concitoyens comme déficiente, la réforme proposée pourrait constituer une avancée. La loi du 21 février 2014 a déjà permis la reconnaissance du vote blanc en prévoyant que de tels bulletins sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal.

Il est possible que la prise en compte du vote blanc entraîne son succès électoral et fragilise in fine l'ensemble du système politique. Que se passera-t-il en cas de répétition d'une même élection, avec les mêmes candidats et le même taux d'abstention ? Quel sera le point de sortie ? Il manque une dimension essentielle, l'analyse qualitative de la désaffection électorale.

La participation baisse, globalement, en France et en Europe, mais les citoyens se déplacent pour voter malgré les changements de calendrier électoral et l'insuffisante institution de certaines modalités de vote, comme le vote par correspondance et le vote dématérialisé, auxquels le Conseil d'État fait désormais référence de manière claire pour les temps de pandémie. Nous regrettons que les articles 40 et 45 de la Constitution s'appliquent trop strictement et nous empêchent de débattre de ces questions.

Pour ce qui est du vote obligatoire, nous ferons trois observations.

Si plusieurs États imposent de voter, les conditions prévues concrètement varient. La loi est parfois symbolique et plutôt impuissante. Dans d'autres cas, un suivi systématique des non-votants est effectué et on applique des sanctions.

Une conséquence du vote obligatoire est que le nombre de votes aléatoires peut être très élevé. Les électeurs qui votent contre leur gré peuvent choisir un candidat au hasard, notamment en prenant le premier bulletin disponible. Ils satisfont à une obligation, mais les effets de celle-ci sont dès lors contestables.

Quant à la cause légitime susceptible de justifier le non-vote, je m'interroge à titre personnel : être exclu de la vie économique et sociale depuis fort longtemps, être devenu pauvre et désabusé ne constitue pas forcément un motif juridique recevable, mais peut être une raison psychologique pour laquelle on ne fait plus le lien entre le vote et sa situation personnelle. Il me semble que le débat n'est pas clos sur ce point.

Pour ce qui est de l'inscription automatique sur les listes électorales, les modalités pratiques devront être détaillées et il faudra, pour des raisons d'efficacité, augmenter les moyens mobilisés.

Le vote électronique à distance, qui modifierait fortement la donne, devrait faire l'objet d'une réflexion collégiale, publique et contradictoire dans le cadre du développement d'une véritable République numérique.

Si nous pouvons être sensibles à la cohérence de cette proposition de loi, ses effets risquent d'être limités et la confiance n'en sortira pas forcément renforcée. Le groupe Socialistes et apparentés attend des éclaircissements sur les amendements déposés et réserve donc son vote.

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Cette proposition de loi a un objectif louable, que nous partageons : renforcer l'engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique. Votre constat est celui d'un désintérêt croissant des Français pour les élections, d'une abstention qui s'aggrave. Cela conduit jour après jour à un procès en illégitimité ou en absence de représentativité des élus de la République, ce qui met profondément en danger nos institutions.

Pour résorber au moins en partie cette crise démocratique, vous proposez trois solutions intéressantes : rendre le vote obligatoire, annuler les élections lorsque le vote blanc représente plus de 50 % des suffrages, à part l'élection présidentielle, et rendre automatique l'inscription sur les listes électorales.

La question du vote obligatoire nous renvoie à la conception que chacun a du vote. Est-il un devoir envers la société ou un droit individuel dont chacun use librement ? Dans un pays libéral, au sens noble du terme, où la liberté doit primer, il ne nous semble pas pertinent d'imposer à nos concitoyens de voter. Nous considérons que tout citoyen jouit, en même temps que du droit de vote, du droit de ne pas en user : il est libre de donner son avis pour la gestion des affaires publiques, de ne pas l'exprimer ou même de pas en avoir.

La question de la prise en compte des votes blancs en tant que suffrages valablement exprimés est épineuse. On ne saurait mettre sur le même plan l'électeur qui se déplace dans un bureau de vote pour faire savoir que l'offre politique ne lui convient pas et celui qui ne s'y rend pas. Pour rappel, la loi du 21 février 2014 a engagé un début de reconnaissance du vote blanc en le distinguant du vote nul. Désormais, les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés aux procès-verbaux des élections. Cette reconnaissance juridique, bien que constituant un premier pas, demeure symbolique puisqu'elle est sans incidence réelle sur le scrutin.

Reconnaître pleinement le vote blanc supposerait de lui donner une certaine force, et c'est ce que cette proposition de loi tend à faire en annulant les élections, une seule fois, lorsque plus de 50 % des suffrages exprimés sont des votes blancs. Je me suis véritablement posé la question : n'est-il pas effectivement légitime de réorganiser une élection lorsque plus de la moitié des votants ne se sont pas rendus dans les bureaux de vote, afin d'exprimer leur insatisfaction à l'égard de l'offre politique ? À ce stade, si les arguments relatifs à la légitimité des représentants me séduisent, d'autres, notamment ceux qui concernent la stabilité de nos institutions, me font douter.

Afin d'éviter tout blocage, vous proposez de n'annuler qu'une seule fois les élections. La suivante ne subirait pas le même sort, quand bien même plus de 50 % des suffrages exprimés seraient des votes blancs. Des garde-fous doivent bien sûr être mis en place pour éviter tout blocage institutionnel ; mais quelle serait la légitimité de celui qui serait élu dans un second temps avec un tel taux de votes blancs ?

Par ailleurs, il me semble nécessaire de préciser que dans le cadre d'un scrutin proportionnel, par exemple lors des élections européennes, lesquelles approchent, les sièges doivent être répartis sans tenir compte des votes blancs, afin de s'assurer que l'ensemble des sièges sont pourvus. Peut-être faudrait-il aussi réfléchir à l'application du principe du décompte des votes blancs au seul premier tour, afin d'éviter toute fragilisation de la légitimité des représentants élus au second tour.

Si le groupe Horizons et apparentés est absolument convaincu du bien-fondé de l'inscription automatique sur les listes électorales, nous proposerons un amendement visant à préserver le pouvoir du maire en la matière et à s'assurer des modalités pratiques du dispositif.

Bien que cette proposition de loi ne modifie pas notre Constitution, elle bouscule bon nombre d'équilibres institutionnels. Notre groupe est plus que réservé sur ce texte, à l'exception de l'article 3.

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Je remercie le groupe LIOT d'avoir pris l'initiative de déposer la proposition de loi, même si son titre – j'y reviendrai – me semble un peu décalé par rapport à son contenu. Avoir déposé ce texte dans le contexte actuel, c'est-à-dire dans ce qu'on peut appeler la séquence des retraites, où tous les symptômes d'un affaiblissement, d'une crise démocratique sont présents est utile : cela permet d'ouvrir, en tout cas je l'espère, un débat et une séquence plus larges.

La démocratie est une matière vivante, précieuse et fragile. Nous devons la remettre sur l'établi de manière très régulière. Quand deux tiers des Français – soit dix points de plus qu'il y a dix ans – considèrent que notre démocratie ne fonctionne pas bien, il est urgent de s'attaquer à cette question.

La proposition de loi repose essentiellement sur des évolutions du code électoral. Vous proposez la reconnaissance du vote blanc, l'instauration du vote obligatoire et l'inscription automatique sur les listes électorales.

Nous assistons effectivement à un long processus de désaffection à l'égard des urnes, l'abstention étant galopante, mais interpréter ce phénomène comme étant seulement un désintérêt, un éloignement, serait une erreur profonde. Il y a aussi une signification politique, et d'autres formes de participation se développent. Faire du vote le symbole unique du fonctionnement démocratique serait une erreur. Il faut s'intéresser également à ce qui se passe entre deux élections, et ce n'est pas en changeant le thermomètre que nous réglerons le problème profond de notre démocratie.

J'appelle plutôt à travailler sur une démocratie continue, permanente, pour sortir de situation actuelle, qui est une forme de démocratie de délégation : « Élisez-moi et dormez tranquillement, je m'occupe de tout pendant cinq ans. » Ce qui se passe entre deux élections est extrêmement important. En la matière, pléthore de choses peuvent être imaginées : un RIP – référendum d'initiative partagée – digne de ce nom, un travail sur des conventions citoyennes qui ne soient pas de la démocratie événementielle mais qui permettent de structurer notre vie démocratique, des jurés citoyens, etc. J'espère que nous aurons l'occasion de débattre de tout cela.

La proposition de loi est centrée sur la question électorale, au sujet de laquelle vous faites trois propositions.

Les écologistes sont depuis longtemps favorables à la reconnaissance du vote blanc, même s'il faut raison garder. Toutes les abstentions ne se transformeraient pas forcément en votes blancs. Il faut regarder ce qui se passe ailleurs : on voit que l'efficacité de telles mesures est discutable, y compris en Belgique, où on ne recouvre même plus les amendes prévues. S'agissant du pouvoir que vous voulez, en fin de compte, redonner aux citoyens, nous proposons de modifier le seuil, pour le porter de 50 à 60 % à ce stade. Il nous semblerait risqué de provoquer une nouvelle élection qui pourrait produire le même résultat, ou en tout cas la même insatisfaction.

Vous proposez également de répondre à la mal-inscription électorale. Je ferai peu de commentaires sur ce point, car nous sommes là en plein accord avec vous. Actuellement, 10 % de l'électorat potentiel est mal inscrit, particulièrement dans les quartiers populaires et chez les plus jeunes. Il est urgent d'agir.

En revanche, nous sommes en désaccord, philosophiquement, avec l'idée du vote obligatoire. Cela nous semble contraire à l'esprit des Lumières, qui fait reposer le système du vote sur une implication volontaire des citoyens. Par ailleurs, le vote obligatoire nous paraît peu efficace : dans d'autres pays, cela ne règle pas le problème profond que connaît la démocratie. Il se situe ailleurs, je l'ai dit. Enfin, des risques existent, nous semble-t-il, sur le plan constitutionnel. Nous nous opposerons donc à l'article 2.

Je n'ai pas compris l'irrecevabilité, au titre de l'article 45 de la Constitution, d'un amendement concernant le vote à 16 ans. Je ne vois pas en quoi il n'y aurait aucun lien avec le texte. Il s'agit d'inscrire les gens sur les listes électorales et de lutter contre l'abstention.

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Le lien, s'il existe, est plus qu'indirect – trop pour que l'amendement puisse être considéré comme recevable. C'est la politique de la commission des lois, au sein de laquelle vous êtes le bienvenu.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de faire œuvre utile en ce qui concerne l'engagement démocratique. Il faut remettre l'ouvrage sur le métier. La crise de la démocratie représentative, c'est-à-dire l'abstention grandissante et la légitimité peut-être moindre d'un certain nombre d'élus, y compris nous-mêmes, fait tout simplement écho à une crise démocratique dont nous sommes non seulement les « victimes » mais aussi, souvent, les acteurs, par la façon dont nous pensons notre rôle ou dont certains nous l'imposent. Comme l'a dit ma collègue Raquel Garrido, quand on brutalise les élus à travers leurs droits, notamment le plus fondamental qui est celui de voter une proposition de loi qui a été déposée, on rabaisse la démocratie, et pour tout le monde.

Inscrire cette proposition de loi dans votre niche du 8 juin, en même temps qu'une autre qui est emblématique et qui résonne dans tout le pays, constitue une très belle initiative. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, il y aurait bien entendu d'autres mesures à prendre pour régler la crise démocratique et celle de la démocratie représentative – la proportionnelle, la parité réelle, d'autres formes de démocratie participative, de liens entre élus et citoyens et de démocratie citoyenne – mais vous faites le choix, que je trouve légitime, d'insister sur trois questions.

La reconnaissance du vote blanc inscrite dans la loi de 2014 montre ses limites, et il est donc utile d'aller dans le sens de votre texte. Même si notre groupe peut avoir quelques préventions, nous soutiendrons votre proposition de reconnaître le vote blanc comme un suffrage exprimé et d'annuler l'élection s'il y a 50 % de votes blancs.

S'agissant de l'article 2, qui concerne le vote obligatoire, nos arguments sont à peu près les mêmes que ceux du groupe écologiste. Une obligation n'est pas forcément la meilleure des choses : ce n'est pas, selon nous, opérant. Même si nous comprenons bien la volonté qui vous anime, nous sommes beaucoup plus réservés sur ce point.

Pour ce qui est de l'article 3, relatif aux mal inscrits et aux jeunes qui atteignent l'âge de voter, nous soutiendrons la proposition d'une automaticité.

Quant au vote final, nous verrons, mais naturellement il ne sera pas défavorable.

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La « crise démocratique » : nous lisons régulièrement ces mots dans la presse et nous les entendons au quotidien à la radio et à la télévision. Nous traversons une crise qui voit trois Français sur quatre estimer que notre démocratie va mal. Le fondement de cette crise est dans l'affaiblissement du lien, on pourrait même dire le fossé – j'espère que ce n'est pas encore un gouffre –, entre les citoyens et les élus. Le principal indicateur en est l'abstention généralisée.

Quelles suites a-t-on données à ce constat ? On n'a pas fait grand-chose : on a parlé de la reconnaissance du vote blanc sous la présidence de François Hollande, et on a fait un petit pas en la matière. N'aurait-on pas dû faire de cette question une priorité ? En dehors d'un cycle encore limité de réunions au sujet des institutions, à l'instigation de la présidente de l'Assemblée, notre ordre du jour n'a pas répondu aux attentes des citoyens. C'est cette atonie qui nous a poussés à inscrire dans notre niche cette proposition de loi : il n'est pas acceptable de ne pas apporter une réponse à une telle situation. Les citoyens, notamment les jeunes, souhaitent faire entendre leur voix. Notre groupe souhaite, par ce texte, renforcer la participation des électeurs et notre vie démocratique.

La première mesure, soutenue par plus de 80 % des Français est une reconnaissance réelle du vote blanc. Lorsqu'un électeur se déplace pour mettre un bulletin blanc dans l'urne, il remplit son devoir de citoyen. Cet acte ne devrait pas être traité sur le même plan qu'un bulletin nul. Si les bulletins blancs sont décomptés séparément, force est de constater qu'ils n'ont pas de réelle valeur. Le Président de la République considère que le vote blanc est celui de la facilité. Cette vision ne correspond pas à l'esprit du suffrage universel tel qu'il a été pensé à partir de 1792. Chaque citoyen a une entière liberté en ce qui concerne son bulletin de vote. Cela implique le droit de choisir un candidat ou de ne pas en choisir. Ce texte permettra une prise en compte réelle des bulletins blancs dans les suffrages exprimés. Une telle avancée devrait faire l'unanimité compte tenu de la demande citoyenne.

J'en viens à la deuxième mesure. Il nous semble que la participation obligatoire aux élections devrait être un corollaire de la reconnaissance du vote blanc, en vue de renforcer la mobilisation citoyenne. Lorsque l'abstention au second tour des élections législatives dépasse 53 %, une évolution du droit électoral est nécessaire. Exprimer sa voix en tant qu'électeur est non seulement un droit, mais également un devoir, qui vous oblige. En réponse aux critiques ou aux craintes exprimées par certains, non, l'objet de cette proposition de loi n'est en aucun cas de blâmer ou de punir les électeurs. Il ne s'agit pas davantage d'adopter une logique de contrainte ; au contraire, ce texte vise à mobiliser les citoyens et à faire appel à leur sens civique. La réaffirmation du devoir de participation électorale conjuguée à la pleine reconnaissance du droit à l'expression d'un désaccord sur l'offre politique est une solution d'équilibre face à l'abstention.

Afin d'assurer la mise en œuvre de ces évolutions, le texte prévoit des mesures permettant de veiller à l'inscription automatique sur les listes électorales. Il y aura notamment une inscription d'office sur les listes électorales lorsqu'un citoyen atteint l'âge légal pour voter, lorsqu'une personne vient d'acquérir la nationalité française ou encore lorsqu'on signale un déménagement.

C'est dans un esprit de refondation, de confiance retrouvée, de reconnaissance mutuelle et de responsabilité partagée que la présente proposition de loi a été construite. Plusieurs amendements de suppression ont été déposés. Vous exercez votre droit d'amendement, chers collègues, je le comprends et je l'accepte, mais je vous demande de laisser une chance à cette proposition de loi, au lieu de la vider de sa substance. La question posée mérite un vrai débat.

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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Ne nous racontons pas d'histoires. Si on comptabilise le vote blanc sans qu'il y ait la moindre conséquence, il ne sert à rien d'en discuter. Les soirs d'élections, sur les plateaux de télévision, tout le monde parle des 15 % de votes blancs et dit que cela oblige, mais on s'en fiche dès le lendemain. Il faut franchir le pas.

Ceux qui craignent qu'un même scrutin ait lieu deux fois de suite connaissent mal les électeurs et les électrices. Connaître les résultats antérieurs peut faire changer un peu d'opinion : on peut se dire qu'il manquait 5 % à tel candidat ou qu'un autre n'a vraiment pas fait un bon score. Revoter peut alors conduire à une concentration des comportements électoraux. Si ce n'est pas le cas, et alors ? Le souverain reste le peuple ; chaque fois que vous argumentez en sens contraire, vous acceptez que cela ne soit pas totalement vrai, ce qui n'est pas satisfaisant.

S'agissant du vote obligatoire, je me tourne vers le rapporteur, parce que je n'ai pas pu être présent lors des auditions. Des comparaisons internationales ont-elles été faites ? Existe-t-il des obligations assorties non de sanctions mais d'incitations ? Une ristourne d'impôt de 50 euros, un chocolat, un pin's, une petite effigie d'Emmanuel Macron, bref, quelque chose en plus si on participe !

J'ai écouté avec gourmandise le Rassemblement national dire qu'il n'aimait pas, de manière générale, les sanctions. Ce sera à retenir pour d'autres textes, notamment en matière de justice. Par ailleurs, la réunion relative aux institutions, tant vantée par les collègues de la majorité, a malheureusement été annulée cette semaine– on se demande bien pourquoi.

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La participation citoyenne, pas seulement lors des élections mais à la vie collective, est un sujet important. Je remercie nos collègues du groupe LIOT de l'avoir mis sur la table. Même si je pense qu'il faudrait une approche beaucoup plus large, qui pourrait entrer dans le cadre d'une réforme de nos institutions, les trois propositions de nos collègues méritent notre attention.

Je ne souhaite pas qu'on évacue d'un revers de la main la question du vote blanc. C'est un faux débat : beaucoup s'abritent derrière ce vote pour exprimer leur rejet de la classe politique. Ce terme repose d'ailleurs sur une distinction entre les citoyens et ceux qui constitueraient une forme d'élite et accapareraient le pouvoir. Le mal est plus profond que le vote blanc. Vous l'avez compris, je suis assez circonspect sur ce point, a fortiori si l'on prévoit une sanction allant jusqu'à invalider l'élection. Cela conduirait à un effet boule de neige et à une déresponsabilisation. En démocratie, il y a un moment où les citoyens doivent choisir. Voter est un droit, mais aussi un devoir. Je le rappelle, même si cela fait ringard.

En revanche le vote obligatoire, qui existe en Belgique et ailleurs, ne fait pas du tout partie de la tradition française. Infliger une amende de la première classe ne me paraît pas la meilleure solution pour ramener les électeurs aux urnes.

L'inscription automatique sur les listes électorales fonctionne déjà, parfois cahin-caha, pour ceux qui atteignent l'âge de 18 ans. Même s'il y a ici et là quelques difficultés, on en profite pour remettre aux jeunes, de façon symbolique, leur carte d'électeur. Peut-être faut-il creuser cette question en prévoyant une obligation de déclaration domiciliaire, dans les communes – cela s'est fait dans d'autres pays, sans contrevenir aux règles démocratiques.

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Je vous propose une expérience nouvelle, malgré une ambiance qui n'y est pas propice : essayer de trouver un compromis. Je vous ai entendus, les uns et les autres. Il existe des différences, mais aussi des convergences. Ici, nous nous amusons souvent à regarder les différences, parfois même à les surjouer, les caméras et les micros aidant à la mise en scène.

S'agissant du vote blanc, des convergences sont possibles. On peut s'interroger sur le seuil de 50 % et voir si on peut procéder autrement. Pour ce qui est du vote obligatoire, je comprends que vous y êtes très majoritairement opposés. En revanche, vous êtes plutôt ouverts aux dispositions relatives à l'inscription sur les listes électorales, moyennant un peu de réécriture.

Je vais revenir sur les éléments développés par les uns et les autres, et j'essaierai de trouver une solution lorsque nous examinerons les amendements, afin que cette matinée soit réellement utile. Il faudrait qu'un texte ayant un sens parvienne en séance.

Madame Guévenoux, vous dites que comptabiliser les votes blancs aurait pour conséquence de nous priver durablement d'élus, mais cet argument ne s'applique pas à la proposition de loi puisque, si le premier scrutin est annulé en raison d'un taux de bulletins blancs supérieur à 50 % des suffrages exprimés, un deuxième devra être organisé dans les vingt à quarante jours, et il ne pourra pas être annulé.

Le Rassemblement national n'est pas convaincu par le seuil des 50 %, qui risquerait selon lui d'être une source de blocage. M. Fournier, de son côté, a déposé un amendement visant à relever le seuil à 60 %. Soyons clairs : à la dernière présidentielle, il y a eu 6 % de votes blancs et 2 % de bulletins nuls. Néanmoins je peux entendre vos craintes, et je donnerai un avis favorable à l'amendement de M. Fournier pour les évacuer.

Madame Garrido, si j'ai apprécié votre citation de Camus – avec lequel je suis d'accord –, nous n'avons pas tout à fait la même conception de notre avenir démocratique, car je ne suis pas de ceux qui défendent l'instauration d'une VIe République. À travers les propositions que vous formulez il y a néanmoins la recherche légitime d'une régénérescence de la démocratie que je peux soutenir, même si je n'utiliserais pas les mêmes termes que vous pour qualifier la Constitution actuelle, qui est notre repère à tous.

Monsieur Breton, n'auriez-vous pas subi un petit traumatisme quand s'est dessiné sur l'écran de télévision en 1981 un visage que vous ne souhaitiez pas voir apparaître ? Je vous taquine. La proposition de loi ne concerne pas l'élection présidentielle, précisément parce que nous sommes conscients de la difficulté que vous soulevez.

D'autre part, vous dites que le groupe Les Républicains est par principe plutôt hostile à la reconnaissance du vote blanc, mais une proposition de loi reprenant presque à l'identique notre texte vient d'être déposée par M. Viry et une partie de vos collègues… Je vous laisse le temps du cheminement mais je suis persuadé que, moyennant un certain nombre de précautions comme celle concernant le seuil, nous pouvons faire converger nos vues.

Madame Jacquier-Laforge, j'ai pris bonne note de votre opposition radicale au vote obligatoire mais je sais l'intérêt que le groupe Démocrate porte culturellement à la reconnaissance du vote blanc. Vous avez évoqué, à juste titre, la question de la proportionnelle – de même que M. Lemaire. Je l'ai dit dans mon propos liminaire : dans cette proposition de loi, il n'y a pas tout. Il s'agit d'une niche parlementaire, ce qui impose des choix. Si nous avions écrit noir sur blanc l'ensemble des règles qui devraient s'appliquer, le texte aurait compris vingt-cinq articles, nous aurions passé beaucoup de temps à l'examiner et il n'aurait pas abouti. Nous avons choisi un angle d'attaque, de manière à ouvrir le débat.

Il est évident que, pour la répartition des sièges à la proportionnelle, il ne faudrait pas prendre en compte le vote blanc. Si vous le souhaitez, nous pouvons rédiger un amendement dans ce sens d'ici à l'examen en séance. Et si, par chance, l'article 1er n'est pas totalement déshabillé en commission, nous pourrions, madame Jacquier-Laforge, envisager de déposer en séance un autre amendement relatif à l'expérimentation que vous appelez de vos vœux.

Madame Karamanli, je considère que la réforme de 2014 a été inopérante. Vous dites que le mécanisme d'annulation risquerait d'être sans fin – et les collègues du Rassemblement national craignent que son coût soit trop élevé. C'est précisément la raison pour laquelle la proposition de loi prévoit que, si un certain seuil de bulletins blancs est franchi, le scrutin est annulé et un nouveau organisé, mais que, ensuite, on s'arrête là.

Vous estimez, monsieur Lemaire, que cela remettrait en cause la légitimité d'une personne élue au terme d'un scrutin comportant 50 % ou plus de bulletins blancs, mais la situation est la même aujourd'hui : quand on est élu député, comme c'est mon cas, avec moins de 40 % de participation, peut-on considérer que notre légitimité est inébranlable ? Ce que nous proposons, ce sont des outils nouveaux.

Je suis moins d'accord avec l'idée que le vote obligatoire conduirait à un vote aléatoire. Les expérimentations menées dans d'autres pays montrent que lorsqu'on rend le vote obligatoire, on oblige les gens à s'intéresser à l'élection et qu'une acculturation politique se réalise progressivement.

Pour ce qui concerne la répartition des sièges, le seuil de remboursement des frais de campagne ou la fusion des listes, il faudrait que nous rédigions ensemble des amendements afin que les votes blancs ne soient pas comptabilisés, de sorte que les petites formations politiques ne soient pas pénalisées.

Monsieur Fournier, votre amendement relevant le seuil à 60 % permettrait peut-être une convergence de vues. Je considère que la question du vote à 16 ans est centrale. Cela n'est pas de mon ressort, mais peut-être que si votre amendement avait porté sur l'article 3 et l'inscription sur la liste électorale, il eût été jugé recevable. Quoi qu'il en soit, si demain il y a une volonté de reconnaissance du vote blanc et que la question du vote obligatoire est posée, il faudra bien renforcer l'éducation à la citoyenneté.

Monsieur Sansu, j'ai entendu votre message et votre réticence à l'égard du vote obligatoire. Je préférerais que nous n'adoptions pas d'amendement de suppression de l'article 2 car cela enverrait un mauvais signal, mais je ne crois pas que cet article sera adopté. Nous pourrions ainsi examiner en séance une proposition de loi comportant l'article 1er modifié et l'article 3 lui aussi modifié. Ce serait intéressant.

Monsieur Bernalicis, je ne prétends pas avoir tout examiné, mais, à ce stade – Mme Garrido pourra en témoigner –, aucun des chercheurs que nous avons rencontrés n'a mis en avant la question de l'incitation à voter. Le débat porte plutôt sur la sanction à appliquer si le vote devient obligatoire. On peut toujours imaginer que la promesse qu'on vous offrira un coup à boire si vous allez voter peut jouer, mais je pense que la question est plus complexe que cela.

Monsieur Gosselin, je ne crois pas que la responsabilisation de l'électeur et la reconnaissance du vote blanc soient contradictoires. On peut même considérer que cette reconnaissance provoquerait une augmentation du nombre de votants, ce qui renforcerait la légitimité de l'élection.

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Le débat soulevé par cette proposition de loi est intéressant, même si la focale est réduite et que ce que vous proposez ne pourra résoudre le problème de l'abstentionnisme, qui nous préoccupe tous. Surtout, je regrette que le texte mette davantage l'accent sur la contrainte que sur l'ouverture, à l'exception de l'article 3 – il est essentiel que dans un pays comme la France, on parvienne enfin à l'inscription automatique sur les listes électorales.

Nous avons donc déposé des amendements visant précisément à accentuer cette ouverture, non pour disqualifier votre travail, mais pour nous saisir du débat que vous lancez. On ne convoque pas l'électeur à l'élection, on le prépare à y participer. La proposition de loi répond à cet objectif. Je regrette néanmoins que la réflexion sur le droit de vote à 16 ans ne puisse être engagée dans cette assemblée. Sur un sujet aussi important, qui a fait l'objet de dix propositions de loi, nous opposer l'article 40, ce n'est pas normal ! Nous manquons le coche. La jeunesse a besoin qu'on se préoccupe d'elle, et discuter du droit de vote à 16 ans aurait été un moment démocratique important.

Idem pour le vote par correspondance et les procurations facilitées : article 40 !

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J'assume toujours mes responsabilités, mais pour une fois que M. Coquerel applique l'article 40, je ne vais pas le cacher.

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Et voilà ! Pourtant, tout se passait bien, l'ambiance était détendue et constructive – trop, peut-être, puisqu'il faut que vous jetiez du sable dans les rouages. Je vais essayer de remettre un peu d'« huile ».

(Sourires.)

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Madame Untermaier, le droit de vote à 16 ans est un sujet de démocratie nouvelle. Il y en a d'autres, comme le vote par correspondance ou le vote électronique. Je le répète : dans le cadre de cette niche, qui ne dure qu'une journée et qui comprend d'autres textes inscrits à l'ordre du jour (Sourires), nous avons choisi un angle d'attaque. On trouvera peut-être qu'il n'est pas assez large, mais il nous était difficile d'aller au-delà.

Peut-être pourrons-nous faire des pas les uns vers les autres durant la discussion des amendements ?

Article 1er (art. L. 57, L. 58 et L. 65 du code électoral) : Prise en compte du vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés

Amendements identiques CL4 de Mme Marie-France Lorho et CL6 de Mme Pascale Bordes.

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Aux deux tours de l'élection présidentielle de 2017 et de 2022, le taux d'abstention a dépassé 50 %. Que les votes blancs soient pris en considération et leur nombre indiqué dans le résultat final à titre d'information est nécessaire : le choix de ces électeurs sera ainsi mis en valeur. Néanmoins, l'annulation de l'élection si l'abstention dépasse 50 % – situation qui, à en croire les précédents scrutins, risque d'advenir – paralyserait le pays et risquerait de bloquer les institutions pour un temps trop long. L'organisation répétée de tels scrutins constituerait par ailleurs une charge importante pour l'État. Notre amendement tend par conséquent à supprimer l'annulation de l'élection.

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L'article 1er prévoit d'annuler l'élection si les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés. Agir ainsi reviendrait à nier le fait que le vote blanc est un acte intentionnel et délibéré et qu'à partir du moment où l'électeur fait la démarche de se déplacer jusqu'aux urnes, ce qui peut être singulièrement compliqué en milieu rural, il est démocratiquement inconcevable d'affirmer qu'il s'agit là d'un acte inexistant. C'est assez choquant du point de vue philosophique.

Le vote blanc répond en effet à la volonté d'un certain nombre d'électeurs de remplir leur devoir de citoyen malgré une proposition électorale qui ne correspond pas à leurs attentes. Annuler une élection où les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés reviendrait à nier la volonté et le choix d'une partie des électeurs ; ce serait là un acte profondément antidémocratique. Nous demandons donc la suppression des alinéas 2 à 4.

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Nous considérons que si l'enregistrement et le décompte des votes blancs n'ont aucune conséquence, ils n'offrent guère d'intérêt. Il ne s'agit pas de nier la volonté des électeurs, bien au contraire : si plus de 50 % d'entre eux expriment par un vote blanc le rejet de la proposition qui leur est soumise et que vous n'en tenez pas compte, c'est la volonté de la majorité que vous niez.

Néanmoins, comme vous avez exprimé la crainte d'un blocage, je donnerai un avis favorable à l'amendement de M. Fournier visant à élever le seuil à 60 % – ce qui semble bien difficile à atteindre.

Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

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Le Rassemblement national est donc peuplophobe… En réalité, si vous êtes contre le fait qu'une forte majorité de votes blancs puisse entraîner l'annulation d'une élection, c'est parce que vous avez peur que cette mesure s'applique à vous : vous avez peur pour vos candidats aux élections territoriales. Vous pensez déjà à gouverner sans le peuple, en étant indifférents à qui est venu voter et comment. C'est au pied du mur qu'on voit le maçon ! Dans vos meetings, certains parlent de la reconnaissance du vote blanc, mais c'est à condition qu'aucun pouvoir ne lui soit associé.

Soyez cohérents : si vous croyez en la souveraineté du peuple, si vous pensez que c'est lui qui doit prendre les décisions politiques, vous ne pouvez pas balayer d'un revers de la main l'expression de 50 % à 60 % du corps électoral.

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Nous voterons contre ces amendements.

La première chose à faire pour éviter l'effondrement de la démocratie, c'est de la soutenir. Certaines formations politiques prétendent qu'en France, nous ne vivons plus en démocratie, alors que nous sommes l'un des rares pays au monde à la vivre au quotidien : ne nous étonnons pas que des gens se demandent à quoi sert de voter. La démocratie est un combat, elle se défend et elle se vit.

Je suis très sceptique concernant la reconnaissance du vote blanc, tout comme je le suis quant au recours systématique au référendum. Comment interpréter le vote blanc ? Autant on peut interpréter un vote pour tel candidat ou pour telle option, autant le vote blanc est difficilement interprétable. Idem pour le non au référendum, qui peut obéir à des raisons très différentes, notamment la volonté de sanctionner le Gouvernement.

Nous sommes, pour notre part, attachés à une démocratie positive, qui s'exprime par le vote et le choix entre plusieurs options – et Dieu sait qu'il y en a: douze candidats, dont trois d'extrême gauche et autant d'extrême droite au premier tour de la dernière présidentielle.

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Ce qui est bien, en commission des lois, c'est qu'on y apprend de nouveaux mots. Nous serions donc « peuplophobes » parce que nous nierions le vote de plus de 50 % des électeurs – mais c'est vous qui l'êtes, puisque vous niez le vote blanc tout en prétendant vouloir le reconnaître. Si 50 % des électeurs votent blanc, c'est un choix, et il mérite d'être respecté.

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Nous ne voterons pas ces amendements de suppression parce que nous souhaitons privilégier le débat.

Cher collègue Rebeyrotte, il ne faudrait pas non plus idéaliser la situation. Certes, nous avons la chance de vivre dans un pays démocratique, et il faut continuer à faire vivre cette démocratie, mais, d'un autre côté, nombreuses sont les libertés qui ont été mises en cause ou piétinées ces dernières années. Il a fallu les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État pour rappeler la liberté de manifestation, la liberté d'expression, la liberté de culte…

Vous parlez de démocratie positive, mais n'oublions pas que le résultat des élections présidentielles correspond pour, une bonne part, à un vote par défaut au deuxième tour. Il est donc difficile de faire vivre la démocratie uniquement de manière positive. Il faut aussi tenir compte de ceux qui ne se retrouvent pas dans l'offre et qui l'expriment.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL22 de Mme Raquel Garrido.

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Cet amendement s'inscrit dans la logique de la proposition de loi qui vise à donner un protagonisme civique à l'ensemble du corps électoral, en accordant du pouvoir, une efficacité et un effet au vote des personnes qui se rendent au bureau de vote pour insérer dans l'urne un bulletin blanc.

Je veux en effet plaider aussi pour les personnes dont le vote est dit nul. Comme le souligne le docteur en sciences politiques Jérémie Moualek, ce vote, loin d'être « nul », est très signifiant. Pour sa thèse, il a étudié les bulletins dépouillés dans plusieurs départements français et s'est aperçu que ceux dits nuls étaient souvent accompagnés d'un message alors que le vote blanc est beaucoup plus neutre : il est difficile de savoir ce qu'il exprime. « Je ne veux pas avoir d'effet politique » ? « Je ne veux pas choisir » ? « L'offre ne me convient pas » ? Nul ne le sait. Puisque nous souhaitons donner une valeur égale à chaque vote, allons jusqu'au bout et donnons du pouvoir au vote nul, et pas seulement au vote blanc.

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Je voulais émettre un avis défavorable sur cet amendement mais, après avoir regardé de près les travaux de l'universitaire que vous venez de citer, et parce que je serai favorable au relèvement du seuil à 60 %, je vais plutôt en appeler à la sagesse des commissaires.

Vous avez raison, monsieur Rebeyrotte, il est difficile d'analyser le vote blanc, mais on peut considérer qu'il existe une forme de consensus sur le fait que, dans tous les cas, la proposition électorale ne répond pas aux attentes de l'électeur.

À ceux qui souhaitent faire avancer la reconnaissance du vote blanc ou nul et aménager la proposition de loi, je suggère d'éviter de se lancer des anathèmes et de faire avancer le schmilblick ; sinon, le texte sera vidé de sa substance.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL14 de M. Charles Fournier.

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J'ai entendu dire non pas que nous n'étions pas en démocratie mais que notre démocratie ne fonctionnait pas bien – c'est d'ailleurs ce que pensent deux Français sur trois. Ne réduisons pas la démocratie à la possibilité de voter. On vote dans un nombre croissant de pays, mais on ne peut pas dire pour autant que, de manière globale, la démocratie a progressé.

Ce qui se passe entre deux élections me semble au moins aussi important pour la confiance des citoyens. Si l'on inscrit dans la loi la reconnaissance du vote blanc, cela permettrait, je l'espère, de ne pas avoir à annuler une élection, en incitant les électeurs à s'exprimer différemment – car il s'agit bien d'un acte politique.

Néanmoins il me semblerait plus raisonnable de fixer le seuil à 60 %. Il serait également intéressant d'utiliser la voie de l'expérimentation.

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Avis favorable : comme je l'ai dit, cela me semble une proposition équilibrée.

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Je profite de cet amendement pour préciser aussi notre position sur l'article.

D'abord, si l'on reconnaît le vote blanc, cela contraint soit à convoquer ad vitam aeternam des élections, soit à prévoir une clause dérogatoire pour le deuxième scrutin – ce qui, de notre point de vue, ne règle en rien le problème puisque les électeurs seront de nouveau soumis au choix du scrutin précédent.

Ensuite, pour certains scrutins majoritaires, il faut recueillir la majorité absolue pour être élu au premier tour. La reconnaissance du vote blanc fragiliserait cette possibilité.

Quant aux scrutins proportionnels, on risque vraiment de se priver durablement d'élus : en effet, soit on reconnaît le vote blanc, auquel cas des postes sont laissés vacants, soit on ne le reconnaît pas, auquel cas la proposition est nulle et non avenue.

Du fait de ces fragilités, nous ne pouvons vous suivre.

Nous parlons beaucoup des mécanismes législatifs – ce qui est bien normal, puisque nous sommes législateurs – mais la solution viendra aussi de la pratique institutionnelle : l'offre politique, le choix de candidats issus de la société civile, les projets proposés, tout cela permettra de réconcilier les Français avec leurs élus.

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Le débat est intéressant et révèle des conceptions diverses de la démocratie. Ce que j'aime dans votre proposition, monsieur le rapporteur, c'est l'idée que le bulletin blanc soit présent sur la table quand on va voter. C'est la première étape vers la reconnaissance du vote blanc : malgré une offre parfois pléthorique, on vous donne la possibilité de glisser dans l'urne un bulletin blanc pour dire que vous faites la démarche d'aller voter mais que, dans l'offre politique existante, aucune option ne répond à vos préoccupations. Certes, monsieur Rebeyrotte, l'offre est diverse, parfois pléthorique, et il faut s'en féliciter, mais le vote blanc peut exprimer un mal-être qui va au-delà de l'impossibilité de choisir.

Le vrai problème, c'est l'abstention. Or le dispositif proposé ne permet pas de lutter contre elle. Voter blanc, c'est déjà se déplacer. Nous devrions réfléchir à la prise en compte du vote blanc uniquement s'il représente une certaine proportion d'inscrits – de même qu'il faut, dans certains cas, réunir un nombre minimal d'électeurs inscrits pour être élu. Que les bulletins blancs représentent 60 % des suffrages exprimés, cela n'arrivera jamais : pourquoi adopter une mesure qui ne servira à rien ?

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En cas de nouvelle élection, madame Guévenoux, le casting ne sera pas forcément le même.

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris vos propos sur le scrutin proportionnel. Je vous l'ai dit, il me semble tout à fait possible de rédiger, d'ici à l'examen en séance et si l'article 1er survit au vote de la commission, un amendement précisant clairement que les bulletins blancs ne sont pas pris en compte au moment de la répartition des sièges : il ne s'agit pas de laisser, dans une assemblée de 100 membres, quinze sièges vides sous prétexte que nous reconnaîtrions le vote blanc.

Monsieur Balanant, je souscris en partie à votre argumentaire. Cependant, la lutte contre l'abstention fait l'objet de l'article 2. Ce dernier, qui constitue le pendant de l'article 1er relatif au vote blanc, est a priori très consensuel mais il semble que vous ayez l'intention de le rejeter. On peut contester cette mesure, mais on ne peut pas dire que nous n'avons pas cherché à répondre au phénomène de l'abstention. Quoi qu'il en soit, nous pourrons continuer à travailler et à faire des propositions sur ce sujet.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette l'article 1er.

Article 2 (art. L. 1 et L. 86-1 [nouveau] du code électoral) : Mise en place du vote obligatoire

Amendements de suppression CL5 de Mme Pascale Bordes et CL28 de Mme Gisèle Lelouis.

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Si la redynamisation de la participation à la vie démocratique est un objectif éminemment louable, la contrainte financière, qui se matérialiserait par une amende, ne peut être considérée comme un moyen de l'atteindre. Le droit de vote doit rester un droit, et non devenir une obligation – cela irait à l'encontre de la liberté de choix de chacun.

La raison principale pour laquelle vous envisagez de rendre le vote obligatoire est votre volonté d'augmenter le taux de participation aux élections. Cependant je doute fort que l'instauration d'une amende empêche réellement les électeurs de déposer des bulletins blancs ou nuls pour protester contre l'obligation de voter ou contre les choix qui leur sont offerts. Si l'on peut penser que la participation aux scrutins, dans le cadre d'une démocratie saine, constitue un devoir légitime qui découle de la citoyenneté, on ne peut pas pour autant ignorer le fait que le refus de voter est aussi une forme de discours politique, qui se veut un profond message de mécontentement envers le système politique ou ses acteurs. Au demeurant, même dans les démocraties qui ont rendu le vote obligatoire, on constate dans la population une désillusion comparable à celle qui existe actuellement en France à l'égard de la chose publique. Les partis politiques et leurs candidats doivent donner aux Français d'autres raisons de s'intéresser aux affaires publiques et d'aller voter. Il serait peut-être temps que nous nous livrions tous, autant que nous sommes, à une introspection en vue de donner ou plutôt de redonner à nos concitoyens l'envie de voter.

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Il faut encourager les citoyens à s'engager et à participer à la vie démocratique, mais vous ne pouvez pas les y contraindre. L'article 2 de cette proposition de loi est scandaleux, hallucinant : il vise à transformer le suffrage universel direct en suffrage universel obligatoire et à punir « tout électeur qui, sans cause légitime, s'est abstenu d'exercer son droit de vote » en lui infligeant l'amende prévue pour les contraventions de la première classe. Ne pas voter, ce n'est pas comme se faire flasher sur l'autoroute à 200 kilomètres à l'heure !

Vous ciblez les électeurs qui s'abstiennent « sans cause légitime ». Si je vais voir ma fille à l'hôpital au dernier moment, c'est légitime, mais si je suis retenue dans des bouchons et que j'arrive au bureau de vote cinq minutes après sa fermeture, je me prends une amende. Si je rate mon train pour aller voter, je suis punie. C'est délirant ! Par ailleurs, qui constatera l'infraction ? Vous allez surcharger les services chargés des amendes, qui devront déterminer à chaque fois si, oui ou non, l'empêchement invoqué est bien légitime. Où allons-nous ?

Quand bien même le vote est un droit inaliénable – un droit acquis, qui a mûri pendant des siècles –, notre démocratie, même imparfaite, ne peut contraindre un citoyen à l'exercer. Refuser l'exercice de son droit est aussi, pour lui, une manière de s'exprimer. Pour exercer son droit d'abstention, il faudra donc payer. Certes, je suis contre l'abstention – un phénomène que je déplore, de même que mes collègues du Rassemblement national et d'autres députés ici présents. Nous sommes favorables à des mesures incitant à la participation démocratique, mais pas à des sanctions. C'est pourquoi je demande la suppression de l'article 2.

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Madame Lelouis, l'originalité de votre argumentaire mérite d'être soulignée. Que vous contestiez en tout point la logique du vote obligatoire, je le comprends. Néanmoins, je vous le dis avec beaucoup de respect, quand vous déclarez « je suis contre l'abstention », cela ne veut rien dire. Vous pouvez, comme nous, regretter l'abstention. Vous avez défendu à l'instant la notion de liberté de vote, en soulignant qu'il fallait éviter la contrainte ; or, puisque vous dites « je suis contre l'abstention », cela signifie que vous avez envie d'y répondre, a priori par la contrainte !

Pourquoi avons-nous choisi d'inscrire, dans le triptyque présenté par cette proposition de loi, le recours au vote obligatoire ? D'abord parce que c'est un système qui fonctionne ailleurs : en Belgique, par exemple, la participation électorale est de 90 %. Nous aimons, les uns et les autres, nous draper dans la légitimité populaire, considérant que plus le corps électoral est représenté, plus la légitimité des élus est grande. Je comprends que, dans notre société fracturée, toute contrainte nouvelle suscite de l'inquiétude : il faut donc faire preuve de pédagogie ou de prudence.

J'invite ceux qui ont exprimé leur refus de notre proposition de vote obligatoire à ne pas voter ces amendements de suppression. Si nous, membres des groupes d'opposition, prenons l'habitude de supprimer les articles des textes présentés dans les niches de nos collègues, qu'ils soient ou non chers à nos cœurs, alors nous réduirons encore plus le débat. Le rendez-vous aura lieu au moment du vote de l'article lui-même. Avis défavorable.

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Il y a en France 50 millions de personnes en âge et en droit de voter, dont 2,5 millions qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales. Or, au second tour de la dernière élection présidentielle, 13 millions d'électeurs se sont abstenus. Quel aurait été le paysage politique si 50 millions de Français s'étaient rendus aux urnes ? Soit on se dit, en bon démocrate, que c'est précisément cela la démocratie, soit on panique à cette perspective, on refuse absolument de rendre le vote obligatoire et le vote blanc effectif, et on trouve un tas de prétextes pour que les gens restent chez eux – s'ils ne vont pas voter, ce n'est pas grave, ceux qui se déplaceront décideront pour eux.

Faut-il prévoir des sanctions, et, si oui, de quelle nature ? Nous, députés de La France insoumise, ne sommes pas très favorables aux sanctions financières. Nous nous interrogeons quant à l'opportunité d'instituer des sanctions d'ordre administratif : par exemple, un électeur ne s'étant pas présenté le jour du scrutin pourrait être prioritaire sur les listes où sont sélectionnées les personnes participant au dépouillement – autrement dit, aller voter préserverait d'un engagement plus contraignant.

En toute hypothèse, l'idée de la complétude du corps électoral nous semble essentielle, d'autant que ce sont aujourd'hui les électeurs populaires qui participent le moins aux scrutins – il suffit de regarder les salaires, les métiers et les niveaux de diplôme de ceux qui votent pour s'en apercevoir. Or l'abstention du peuple arrange bien l'oligarchie : le fait de dégoûter les gens de voter est, pour les puissants, un moyen de maintenir leur domination. Il faut donc tout faire pour que tout le monde participe aux scrutins !

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Parce que c'est une proposition de loi émanant de l'opposition, ce texte doit effectivement être débattu dans l'hémicycle. Nous voterons donc contre ces amendements de suppression et nous nous abstiendrons sur l'article 2.

Pour notre part, nous ne souscrivons pas à cette logique de contrainte. C'est dans un esprit d'ouverture que nous voulons favoriser, par divers moyens, une participation plus complète du corps électoral. Il convient de rappeler à nos concitoyens les droits et devoirs que l'on a quand on vit en démocratie.

Dans cette logique d'ouverture, j'aurais aimé que vous proposiez d'instaurer le droit de vote à 16 ans. Je regrette une nouvelle fois que l'article 45 de la Constitution ait été opposé à notre amendement allant dans ce sens ; il dispose pourtant que « sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Je trouve assez cocasse qu'un amendement instaurant le droit de vote à 16 ans ait été jugé irrecevable dans le cadre de l'examen de ce texte à dimension électorale alors qu'un amendement ayant le même objet a été retenu pour la discussion de la proposition de loi relative à la consultation des habitants d'un département sur le choix de leur région d'appartenance.

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L'amendement que vous évoquez concerne la participation à une consultation à partir de l'âge de 16 ans, cela n'a rien à voir avec le droit de voter à l'ensemble des élections.

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L'obligation de vote me pose un vrai problème. Ma position se situe dans la droite ligne de la pensée des personnalités qui ont construit le Mouvement démocrate – je pense en particulier à Marc Sangnier, qui voit dans la démocratie l'organisation sociale qui portera au plus haut la conscience et la responsabilité civique de chacun. C'est tout le travail de reconquête que nous devons mener aujourd'hui – je parlerais plutôt de « refondation », bien que l'opinion publique connaisse suffisamment ma position vis-à-vis de l'extrême droite pour que ma phrase ne puisse être détournée.

Ma vision du vote est quelque peu laïque. De même que nous avons la liberté de croire ou de ne pas croire, nous avons la liberté civique de voter ou de ne pas voter. Notre mission doit consister à donner un souffle nouveau à la pratique démocratique. Cela va dans le sens de l'intervention de Cécile Untermaier, avec qui je travaille très bien au sein du groupe d'études « Démocratie participative et e-démocratie » – je vous invite à nous y rejoindre. Nous devons être plus créatifs et expérimenter de nouveaux outils démocratiques. Le vote à 16 ans pourrait en être un, de même que le vote par correspondance. Ma collègue Élodie Jacquier-Laforge a rappelé tout à l'heure que nous dispositions des moyens de l'expérimentation dans le cadre de certaines élections ou consultations telles que celle dont nous parlerons tout à l'heure. Sortons de notre carcan et essayons d'inventer ces nouveaux outils démocratiques !

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Monsieur le rapporteur, nous répondrons à votre invitation en ne votant pas ces amendements de suppression. En revanche, nous voterons contre l'article 2 : comme je l'ai expliqué lors de la discussion générale, nous considérons que le droit de vote est un droit fondamental que chacun doit avoir la liberté d'exercer ou de ne pas exercer. À cette raison philosophique s'ajoute un élément plus pratique. Toute obligation nécessiterait la définition d'une sanction : certains trouveraient que cette dernière est trop lourde, ce qui nous amènerait à la rabaisser jusqu'à rendre l'obligation inopérante.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL11 de M. Romain Baubry et CL2 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).

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Cette obligation de voter, sous peine d'amende, ne peut être valablement acceptée par les Français. Il faudrait avant tout s'interroger sur les causes de l'abandon des urnes par nos compatriotes : je suis désolé de vous l'apprendre, mais bon nombre d'entre vous êtes à l'origine de ce comportement des électeurs. Quarante ans de trahison des Français, avec l'aide de vos appareils politiques, nous ont menés dans cette impasse. La réalité, c'est que nos concitoyens ne vous font plus confiance. Le référendum de 2005, les promesses de campagne non tenues, la multitude de 49.3 utilisés, vos appels au barrage républicain et l'injure perpétuelle à l'encontre d'une partie des électeurs ont conduit une majorité de Français à choisir la promenade plutôt que le bureau de vote. Au lieu de les culpabiliser et de vouloir les punir financièrement, donnez-leur envie de vous faire confiance ! Vous avez du chemin à faire…

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Les Français n'ont plus confiance en leurs édiles. En 2021, un sondage indiquait qu'ils n'étaient plus que 16 % à faire confiance aux partis politiques, tandis que 70 % des personnes interrogées estimaient que ces structures étaient déconnectées de la réalité. Cette perte de confiance explique en partie qu'aux deux tours des présidentielles de 2017 et de 2022, plus de 50 % des Français se soient abstenus de voter. Ainsi, le retour de l'engagement et de la participation des citoyens à la vie démocratique ne passera pas par la contrainte. Assortir l'obligation de vote d'une amende serait contre-productif : une telle mesure risquerait d'entériner la défiance des électeurs vis-à-vis des élus. Parce que le retour des Français aux urnes ne passera pas par la contrainte mais par une véritable incitation, je demande la suppression des alinéas prévoyant la sanction pécuniaire.

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Monsieur Baubry, votre argumentaire me laisse circonspect. Si vous considérez que l'abstention est le fruit de « quarante ans de trahison des Français », pour reprendre votre formule, j'imagine que, dans les communes que vous dirigez et les circonscriptions où vous êtes élus, la participation est bien plus importante.

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Laissez-moi terminer mon explication. Acceptez au moins le principe de la contradiction, nécessaire en démocratie ! Prenez donc les chiffres de la participation à Hénin-Beaumont, puisque c'est une commune que vous administrez.

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Madame Lechanteux, tout le monde a écouté les députés de votre groupe quand ils se sont exprimés : je vous invite donc à laisser parler le rapporteur.

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Vous m'accusez de mensonge : faites au moins preuve d'écoute !

À Hénin-Beaumont, donc, une commune administrée par Steeve Briois, qui appartient à votre famille politique, la participation aux dernières élections municipales s'est élevée à 55 %. Arrêtez donc de nous faire croire que, dans les communes que vous dirigez, la participation serait plus importante.

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Peut-on vous apporter une contradiction factuelle, ou est-ce quelque chose que vous refusez aussi ? Le débat, c'est le respect des avis contraires qui s'entrechoquent, avec la vérité comme chemin. Essayons de l'emprunter ! Prenez les chiffres, que vous trouverez sur Google ! Vous constaterez que votre argument est absolument inopérant : ce n'est pas parce que vous dirigez une commune que la participation y est redoutable.

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N'interpellez pas le rapporteur, s'il vous plaît ! Vous avez déposé des amendements, que vous avez défendus avec verve : écoutez maintenant les réponses.

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Vous me parlez de Fréjus : 61 % d'abstention aux dernières élections municipales. Ce n'est pas une participation de dingue !

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Elle était bien plus importante à la présidentielle !

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Vous avez le droit de faire du bruit, mais ce que vous dites est faux.

Je ne vous en veux pas de contester l'instauration d'une sanction pécuniaire – c'est tout à fait votre droit. D'autres l'ont fait, avec des arguments un peu plus solides que les vôtres. Pour notre part, nous avons constaté que les pays ayant instauré une obligation de vote sans l'assortir d'une sanction, quelle qu'elle soit, considèrent qu'elle est en réalité inopérante. Dans ces conditions, on peut légitimement s'interroger, comme M. Bernalicis l'a fait tout à l'heure, sur la nature de l'obligation et les moyens à mettre en œuvre pour qu'elle s'applique dans les faits. La réponse passe souvent par la contrainte ; quant à nous, nous avons choisi la contrainte la plus relative, à savoir l'amende sanctionnant les contraventions de première classe. Si nous avions voulu être vraiment dissuasifs, nous aurions pu prévoir vingt-cinq ans d'emprisonnement ! Nous avons souhaité permettre la discussion sur ce sujet, mais je note que l'obligation de vote est encore, pour certains, un sujet tabou. Avis défavorable.

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Je rappelle nos réticences à l'égard du vote obligatoire et, a fortiori, de l'instauration d'une amende qui viendrait pénaliser les catégories les plus défavorisées de la population. Cela dit, nous ne voterons pas les amendements de suppression afin que le débat puisse avoir lieu, ce qui nous semble essentiel en démocratie. Nous exprimerons plus avant notre position au moment du vote de l'article.

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Je défends le principe du vote obligatoire. Ce n'est pas de voter ou de ne pas voter qui exprime la liberté du citoyen : dans notre démocratie, cette liberté de choix individuelle n'existe pas sans les droits collectifs qui la créent et la garantissent. Je vous renvoie au contrat social de Jean-Jacques Rousseau : le citoyen ne récupère sa souveraineté individuelle, sa liberté individuelle, que parce qu'il existe des droits collectifs qui la garantissent. Imaginons que personne ne vote : nous ne serions pas en démocratie. A contrario, si tout le monde vote, la liberté est totale. Ainsi, l'obligation de vote est à la fois la condition et la conséquence de la liberté. On parle de crise démocratique et de la nécessaire lutte contre l'abstention : le vote obligatoire est certainement une solution démocratique, même si l'on peut s'interroger sur ses modalités d'application, notamment sur l'opportunité de prévoir des mesures d'incitation ou des sanctions pécuniaires.

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Monsieur le rapporteur, vous auriez pu évoquer votre cas personnel.

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En 2020, avec quelle participation avez-vous été réélu ? L'abstention était de 60 %. Ne mettez donc pas en avant les chiffres des communes dirigées par le Rassemblement national : au vu du taux de participation dans votre propre commune, vous devriez vous faire tout petit.

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Sans reconnaissance du vote blanc, le vote obligatoire poserait quelques difficultés : l'électeur pourrait être contraint de choisir un candidat au sein d'une offre politique dans laquelle il ne se reconnaît pas. La commission ayant rejeté l'article 1er, l'adoption de l'article 2 poserait un problème de cohérence.

J'ai quelques réticences à l'égard du vote obligatoire : une participation de l'ensemble des électeurs ne ferait que masquer la crise démocratique, qui est bien plus profonde et qui ne se manifeste pas que par l'abstention. La démocratie n'est pas que le vote : c'est ce qui se passe entre deux scrutins qui nourrit la défiance et abîme la démocratie. C'est à tout cela qu'il faut s'attaquer, et c'est pour cela qu'il faut faire preuve de créativité, pour reprendre un mot qui a été utilisé tout à l'heure.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle rejette l'article 2.

Article 3 (art. L. 9 et L. 11 du code électoral) : Extension de l'inscription automatique sur les listes électorales

Amendements identiques CL25 de Mme Marie Guévenoux, CL27 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL26 de M. Philippe Pradal.

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Notre amendement CL25 rejoint la volonté du rapporteur de faciliter l'inscription sur les listes électorales. Cependant, nous ne souhaitons pas la rendre automatique afin de préserver le pouvoir essentiel d'instruction des maires, à qui il revient de vérifier la réalité des attaches des électeurs dans leur commune. Aussi l'amendement prévoit-il que « la déclaration de changement de domicile réalisée au moyen d'une téléprocédure par un électeur auprès d'un organisme public vaut demande d'inscription sur la liste électorale de la commune du nouveau domicile, sauf opposition de la part de cet électeur », par exemple si ce dernier souhaite rester inscrit sur la liste d'une autre commune, comme l'y autorise la loi.

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Il s'agit de redonner au maire la « maîtrise » de ses listes électorales, puisqu'il est le seul qui connaisse réellement sa commune. Les élus locaux ne comprendraient pas que nous ne votions pas ce dispositif.

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Il serait paradoxal que cette proposition de loi visant à renforcer la démocratie prive le maire, qui est un maillon essentiel de la démocratie, d'un pouvoir important pour la vitalité démocratique de sa commune.

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Je conviens tout à fait que ces amendements vont dans le bon sens, même s'ils vont moins loin que la rédaction initiale de l'article 3 : j'émettrai donc un avis de sagesse.

Votre argumentaire est fragile. Vous mettez en avant le pouvoir des maires, mais ce dernier se limite à une appréciation quant à la résidence effective des électeurs dans la commune. L'inscription est automatique pour les jeunes, et tout le monde s'accorde à dire que c'est une bonne chose ; je m'étonne donc que vous vous opposiez à l'élargissement de cette mesure, au motif qu'il remettrait en cause la compétence des maires. Je connais la puissance du lobby des maires, mais je ne suis pas certain que ce soit sur ce sujet qu'ils nous attendent absolument.

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L'automaticité de l'inscription sur les listes électorales serait une avancée démocratique majeure : on considérerait enfin que l'État a le devoir de rendre le droit de vote effectif plutôt que de l'envisager exclusivement comme une liberté individuelle. Comme l'a expliqué Sébastien Rome, le droit de vote n'est pas qu'individuel : si les électeurs se déplacent pour voter les uns après les autres à des jours différents, à des heures différentes et sur des sujets différents, cela ne signifie rien. Il s'agit en réalité d'un droit fondamental collectif, d'une liberté qui ne peut être exercée que collectivement.

On l'a dit, l'inscription sur les listes électorales est déjà automatique pour les jeunes ayant satisfait à leur obligation de recensement et réalisé leur journée défense et citoyenneté. Le délai de deux ans entre le recensement à 16 ans et l'inscription sur les listes à 18 ans est d'ailleurs préjudiciable, car les jeunes peuvent avoir déménagé entre-temps. La mal-inscription qui résulte de ce décalage plaide pour une inscription automatique sur les listes électorales dès 16 ans – je retiens qu'il faudra déposer un amendement en ce sens pour la séance, où il ne sera peut-être pas frappé d'irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution.

Quoi qu'il en soit, cette inscription automatique est tout aussi nécessaire pour la population générale. Faut-il laisser aux maires la possibilité de vérifier systématiquement l'attache territoriale ? Ce n'est pas sûr car, pour les jeunes, l'information ne circule pas toujours très bien entre les armées et les mairies : il arrive ainsi que de jeunes électeurs, pensant avoir été inscrits automatiquement, se déplacent pour voter mais découvrent qu'ils ne figurent pas sur les listes. Il existe également des possibilités de double rattachement, pour les étudiants ou d'autres jeunes pour des raisons fiscales. Il faut donc faire preuve de plus d'ouverture et de souplesse.

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L'automaticité de la procédure d'inscription constituerait un pas en avant. Toutefois, il est important que le maire conserve un pouvoir de contrôle dans cette procédure, qui ne doit être ni désincarnée, ni déterritorialisée.

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C'est prévu : la règle est l'automaticité, toute dérogation étant laissée à l'appréciation du maire.

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Le texte prévoit de conserver un pouvoir d'instruction du maire a posteriori, avec une commission de radiation. Nous pensons que le pouvoir d'instruction a priori, qui consiste pour le maire à vérifier les deux conditions cumulatives – droit de vote et attache avec la commune –, doit pouvoir continuer à être exercé. Voilà pourquoi nous faisons cette proposition, qui répond à ce que le rapporteur estimait être une fragilité.

La commission adopte les amendements et l'article 3 est ainsi rédigé.

Après l'article 3

Amendement CL31 de M. Emmanuel Mandon.

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La mise en œuvre effective de l'inscription automatique sur les listes électorales dépend non seulement des modalités d'inscription, que les auteurs du texte entendent modifier, mais également des conditions matérielles dans lesquelles sont établies et révisées les listes électorales servant de base à la constitution du répertoire électoral unique, entré en vigueur il y a quatre ans. Il serait nécessaire de disposer d'une évaluation de ce nouveau service dématérialisé, largement déployé, et de la collaboration instaurée entre les communes, les consulats et l'Insee, parce qu'il semble y avoir de réelles difficultés dans la collecte et la transmission par les services communaux des données intégrées dans le REU.

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Dans la mesure où il y a déjà eu des études sur ce sujet, je pourrais émettre un avis défavorable à cette nouvelle demande de rapport. Je vous donnerai néanmoins un avis de sagesse puisque vous estimez que cela peut être utile aux travaux de votre groupe.

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Pour approfondir l'engagement des citoyens il faut se demander comment passer de la défiance au contrôle, en étudiant notamment le droit de révoquer les élus en cours de mandat, qui permettrait une montée en gamme de notre démocratie, et en réformant les modes de scrutin. Nous ne faisons qu'ouvrir ce débat – j'en remercie le rapporteur Saint-Huile – et j'espère que nous pourrons le poursuivre dans l'hémicycle. C'est bien de démocratie qu'il sera question, alors que l'on vient de nous dénier le droit d'examiner le texte abrogeant la réforme des retraites.

La commission adopte l'amendement.

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l'article 4 non modifié.

Titre

Amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.

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L'expression « vie démocratique » est approximative. Le présent amendement vise à préciser que le texte concerne la participation des Français aux élections.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

Puis, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau » et « Assainissement » (n° 954) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dIR782

Examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau » et « Assainissement » (n° 954) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur)

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Nous examinons, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi adoptée par le Sénat visant à permettre une gestion différenciée des compétences eau et assainissement. Ce texte est inscrit en cinquième position au cours de la journée du 8 juin et, sauf opposition d'un président de groupe dans les quarante-huit heures suivant la diffusion du texte de la commission, il sera directement mis aux voix en séance, sans amendement possible.

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Le présent texte a pour objet de revenir sur le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. C'est une disposition technique, créée par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Chaque année depuis son adoption, nous avons eu à connaître de demandes d'adaptation de cette loi. Il s'agit ici d'y revenir.

Je veux dire, parce que je sens parfois la caricature poindre dans nos débats, qu'il ne s'agit pas de remettre en cause le fait intercommunal, nécessaire à la dynamique territoriale et qu'il faut pouvoir renforcer dans certains domaines. En l'occurrence, il s'agit d'apporter de la souplesse et de l'agilité à une compétence extrêmement technique, qui complique la situation dans la ruralité. Cela ne concerne donc pas les métropoles et les communautés d'agglomération, pour lesquelles certains ont déposé des amendements.

Cette compétence technique soulève le problème de la caractéristique de la ressource elle-même, l'eau, de la répartition des populations et de ses conséquences sur le périmètre des infrastructures, de l'état de ces dernières et de la contrainte financière.

Le présent texte vise à renouveler notre confiance aux maires. Il repose sur trois dispositions principales. La première met fin au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, compétences qui deviendraient facultatives. La deuxième organise leur restitution aux communes qui, les ayant déjà transférées, souhaitent les récupérer. Enfin, la troisième vise à assouplir la délégation de compétence en cas de changement dans l'organisation.

La principale disposition consiste donc en la fin du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement au profit des communautés de communes, décidé par la loi NOTRe. Les réactions assez vives à cette obligation ont conduit à l'adoption de la loi du 3 août 2018 repoussant son entrée en vigueur au 1er janvier 2026, à condition qu'une minorité de blocage s'exprime en ce sens dans les intercommunalités.

Puis la loi « engagement et proximité » – loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique – a allégé les procédures de mise en œuvre de la minorité de blocage et, de manière très encadrée et très dérogatoire, a ouvert la possibilité d'une délégation des compétences eau et assainissement au profit d'une commune membre de la communauté de communes ou d'un syndicat infracommunautaire, à condition que celui-ci soit existant au 1er janvier 2019 et que les intercommunalités soient d'accord pour que ce syndicat subsiste.

L'étau a encore été desserré avec la loi « 3DS » – loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. Les syndicats d'eau infracommunautaires existant en 2019 sont maintenus après le 1er janvier 2026, sauf délibération contraire du conseil communautaire. À partir du 1er janvier 2026, les communautés de communes exercent les compétences même s'il y a une possibilité de délégation au profit d'une commune ou d'un syndicat infracommunautaire, créant ainsi une certaine confusion autour de la convention de délégation.

Si tant de reports ont été décidés et si nous en arrivons à cette proposition de loi, c'est en raison des difficultés techniques posées par cette disposition : le nombre élevé de services concernés ; le mode de gestion différent d'un territoire à l'autre ; la durée des contrats ; le risque que le transfert à la communauté de communes entraîne une augmentation tarifaire ; enfin, la qualité des infrastructures, puisque le niveau d'investissement n'a pas été le même dans tous les territoires – je précise qu'aucune étude ne démontre qu'une compétence intercommunale garantirait un meilleur état des réseaux.

Deuxième objectif de ce texte : la restitution des compétences eau et assainissement aux communes qui le souhaitent. Elle s'exerce à tout moment et se fait de manière automatique : si la moitié des conseils municipaux d'une intercommunalité se prononcent en faveur de la restitution, cela vaut pour toutes les communes. Pour celles qui voudraient rester dans le champ intercommunal, il existe une procédure simplifiée qui leur permet de retourner au niveau intercommunal. Si n'y a pas de majorité en faveur de la restitution, il demeure tout de même possible de sortir de l'intercommunalité, à la condition que le conseil communautaire l'autorise par une simple délibération.

Dernier objectif du texte : l'assouplissement des modalités de délégation de compétence à un syndicat infracommunautaire ou à une commune. Il sera possible de maintenir les conventions de délégation, même s'il y a un changement du titulaire de la compétence. Cela permet, avant la fin de la convention, de pouvoir se dessaisir si la commune le souhaite.

Je salue le travail de nos collègues sénateurs, qui ont adopté cette proposition de loi transpartisane en première lecture, le 16 mars. Je remercie l'auteur initial de la PPL, M. Jean-Yves Roux, et le rapporteur du texte, M. Alain Marc. Si des amendements de réécriture venaient à être adoptés, nous ne pourrions plus obtenir un vote conforme, ce qui relancerait la navette et prolongerait les débats. Nous souhaitons donc un vote conforme pour assurer aux maires d'avoir le pouvoir de choisir. Il ne s'agit pas d'exprimer de la défiance envers les intercommunalités mais de garantir aux territoires ruraux qu'ils pourront bénéficier d'une procédure dérogatoire pour exercer au mieux leurs compétences dans un domaine aussi technique et essentiel que la gestion de l'eau et de l'assainissement.

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Le texte qui nous est présenté propose une gestion différenciée des compétences eau et assainissement. Ce sujet fait l'objet d'un fort intérêt de la part des élus locaux. Il est très sensible dans nos territoires car l'eau est un bien commun dont nous avons tous besoin au quotidien.

Lors de la sécheresse de 2022, près de 700 communes ont subi des ruptures d'approvisionnement en eau, plus de 600 arrêtés de restriction ont été pris par les préfets et plus de 500 communes ont dû être alimentées par camions-citernes. Après la sécheresse hivernale, nombre de départements sont déjà classés en « vigilance », « alerte » ou « alerte renforcée » et certaines habitations manquent d'eau. Par ailleurs, les canalisations datent en moyenne des années 1970 et au moins 170 collectivités ont un réseau dont le rendement est inférieur à 50 %, c'est-à-dire que la moitié de l'eau prélevée se perd dans les canalisations.

S'agissant de la qualité de l'eau, 11 millions de Français ont été alimentés par une eau non conforme en 2021. Selon une étude de l'Office français de la biodiversité, les risques de non-conformité de la qualité des eaux distribuées sont plus élevés pour les réseaux desservant moins de 1 000 habitants. Il est évident que nous devons agir face à ces difficultés.

Une seule question se pose à nous : sommes-nous plus forts seuls ou à plusieurs ? L'état de nos réseaux, les maires le savent bien, nécessite de lourds investissements. La mutualisation des compétences eau et assainissement est une nécessité pour la préservation de l'environnement et pour l'intérêt général. À ce jour, 3 600 communes exercent encore la compétence eau sans aucune forme de mutualisation. Elles se sont saisies de la possibilité que leur offre la loi de reporter le transfert de la compétence à 2026. Cette question a fait l'objet de nombreux débats, des assouplissements ayant été apportés pour permettre aux collectivités d'adapter et de différencier les modalités de la gestion de l'eau en fonction des enjeux et des contraintes spécifiques de chaque territoire.

Vous avez déposé cette proposition de loi car vous estimez que ces assouplissements sont insuffisants. Parmi les amendements proposés, certains vont jusqu'à revenir sur le transfert de ces compétences pour tous les échelons de collectivités. Cela soulève plusieurs problèmes, le principal étant l'insécurité juridique pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui exercent cette compétence, parfois depuis 1999. Un autre est celui de l'évaluation de la valeur des charges transférées, ainsi que la façon de rétrocéder ces compétences. De plus, que deviendraient les communes qui ne souhaitent pas récupérer ces compétences, ou bien celles qui n'ont pas les moyens techniques et l'ingénierie nécessaires pour diagnostiquer les réseaux, les créer ou les entretenir ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance proposera d'amender le texte de manière à renforcer les possibilités en vigueur d'une gestion différenciée adaptée à chaque territoire, en étendant les possibilités de création et de maintien de syndicats infracommunautaires dans le périmètre des communautés de communes.

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Dans sa version initiale, le projet de loi NOTRe ne prévoyait aucunement le transfert automatique des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. Par des amendements adoptés sans étude d'impact ni concertation véritable, elle a instauré ce transfert obligatoire, finalement différé au 1er janvier 2026.

Ce procédé à marche forcée ne correspond pas à la vision que nous avons du rôle des maires et des communes dans l'organisation de notre pays. Nous considérons que les maires des villages ruraux ou en zone de montagne connaissent les problématiques de leur commune, notamment en matière d'eau et d'assainissement. La représentation nationale doit prêter une oreille attentive à leurs demandes. Ils gèrent la ressource depuis des décennies, en captation, en distribution, en assainissement ; ils maîtrisent les sources, les écosystèmes locaux, les besoins des agriculteurs. Surtout, ils assurent l'entretien des réseaux avec le personnel communal, contribuant à maintenir la qualité du service public à un coût modéré.

Si le transfert au profit des intercommunalités fut, dans certaines situations, une bonne chose, il s'est souvent accompagné d'incompréhensions, de bureaucratie accrue, de hausses du budget de fonctionnement et du prix de l'eau, de problèmes de gouvernance, d'inadéquation avec la réalité des territoires, particulièrement en période de raréfaction de la ressource et de restrictions. En un mot, les maires et les conseillers municipaux savent mieux que quiconque s'ils doivent ou non rejoindre les intercommunalités, ou même les quitter si ce schéma qu'ils n'ont pas souhaité ne donne pas satisfaction.

Ce texte a donc le plein soutien du groupe Rassemblement national car il consacre le caractère optionnel des transferts de compétences au profit des communautés de communes et permet une restitution lorsqu'elles ont déjà été transférées. Cette restitution sera possible si une majorité des communes se prononce favorablement ou, à défaut de majorité, en cas d'accord entre la commune sortante et la communauté de communes. Cette réversibilité des délégations consacre l'intelligence des territoires, à laquelle nous croyons et pour laquelle nous militons, ainsi que la mise en œuvre du principe de subsidiarité en matière de pilotage et de gestion des collectivités territoriales, qui est un principe constitutionnel.

En ma qualité d'élu du Var, je connais les communes confrontées à la sécheresse et aux restrictions. Leur laisser piloter elles-mêmes la gouvernance de leur eau permettra de prévenir les stress hydriques ou de mieux les accompagner. C'est pourquoi le groupe Rassemblement national soutiendra cette proposition de loi.

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La gestion de l'eau représente le défi de l'humanité pour le siècle à venir. En mars 2023, l'ONU nous alertait sur le risque imminent d'une crise mondiale, alors que les pénuries se généralisent de plus en plus tôt. Épisodes de sécheresse, diminution du niveau des nappes phréatiques superficielles ou profondes, changement du rythme des pluies, accélération du rythme de l'eau, les scientifiques sont unanimes : nous assistons depuis plusieurs années à un amoindrissement des ressources en eau, au détriment des citoyens. L'OMS – Organisation mondiale de la santé – a évalué à cinquante litres par jour et par personne le volume d'eau potable nécessaire pour vivre décemment. Or l'accès à l'eau n'est pas garanti à tous : 2,2 milliards de personnes n'ont pas accès à une eau saine et 144 millions de personnes boivent de l'eau non traitée.

Pourtant, la concentration de cette ressource nécessaire pour la survie de l'humanité ne fait que s'accélérer. La réflexion sur la gestion de l'eau doit devenir une urgence primordiale. Des mesures ambitieuses de préservation doivent être adoptées, en commençant par l'interdiction de toute activité à but lucratif entraînant l'exploitation de cette ressource à des fins capitalistiques. Les combats pour la défense de l'eau nous montrent que les citoyens s'inquiètent et se mobilisent pour la défense de ce bien commun, indispensable à la survie du vivant.

En 2017, le groupe La France insoumise a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi constitutionnelle visant à faire de l'accès à l'eau un droit inaliénable, rappelant à cette occasion que le droit à l'eau comprend plusieurs aspects : un accès sans entrave à la ressource, laquelle doit être disponible tant quantitativement que qualitativement – il convient donc d'encadrer les usages, y compris industriels et agricoles, qui pourraient restreindre ou limiter l'accès à l'eau potable –, ainsi qu'un accès matériel effectif des populations à la ressource.

L'approvisionnement en eau potable des habitants ainsi que son assainissement doivent être assurés par l'État ou les collectivités territoriales, directement et de façon non lucrative. Défendant une gestion exclusivement publique de l'eau, nous nous positionnons en faveur d'une adaptation du droit des collectivités territoriales, ce qui nécessite de revenir sur les dispositions de la loi NOTRe.

Notre groupe s'oppose à l'intercommunalisation à marche forcée qui a lieu depuis plusieurs décennies avec la multiplication des transferts de compétences. La loi NOTRe a constitué un pas de plus vers la dépossession des communes de leurs prérogatives, dans une logique de rationalisation et de remplacement du triptyque commune-département-région par le triptyque intercommunalité-région-Europe. Les intercommunalités ne sont plus consenties mais imposées aux communes. Nous souhaitons rendre à celles-ci leur liberté de coopération et mettre fin à la superposition des échelons technocratiques que sont les métropoles et les intercommunalités géantes, qui éloignent les citoyens des lieux de décision.

Pour toutes ces raisons, notre groupe soutient la proposition de loi visant à rétablir le caractère optionnel du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. J'espère que nos amendements élargissant ce texte à tous les EPCI sauront faire consensus.

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Nous nous réjouissons que le groupe LIOT ait inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour de sa journée réservée. Les Républicains n'ont cessé de relayer, au cours des dernières années, les attentes légitimes des élus des territoires ruraux et de montagne en la matière.

La loi du 7 août 2015 avait prévu de rendre obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération dès le 1er janvier 2020. Face aux difficultés réelles d'application rencontrées sur le terrain et mises en évidence par les responsables locaux, la loi du 3 août 2018 a reporté la date du transfert obligatoire au 1er janvier 2026 pour les communautés de communes. Par la suite, l'article 14 de la loi du 27 décembre 2019 a ouvert la possibilité de déléguer par convention tout ou partie de ces compétences à l'une de leurs communes membres. Enfin, la loi « 3DS » du 21 février 2022, a assoupli à nouveau les dispositions originelles.

Ces assouplissements s'avèrent encore insuffisants : dans certains territoires, le transfert obligatoire demeure préjudiciable. Il est vivement critiqué par les élus locaux et leurs associations, qui se sont vu retirer la gestion de ce domaine important, et ce sans motif réel. De nombreux élus locaux continuent à demander, avec raison, le rétablissement du caractère facultatif du transfert de ces compétences. En effet, les communautés de communes peuvent regrouper des communes n'ayant pas les mêmes bassins hydrauliques. De plus, ces compétences peuvent être exercées de façon très différente suivant les communes. La mutualisation forcée dans des périmètres inappropriés ne permettra pas forcément de réaliser des économies d'échelle. Ce constat se vérifie notamment dans les territoires de montagne, qui connaissent une qualité d'eau remarquable pour un coût modéré. Voilà déjà plusieurs décennies que des communes se sont organisées en syndicats, quand cela leur semblait pertinent, pour gérer au mieux la compétence eau. Souvent, le périmètre des syndicats ne respecte pas les frontières intercommunales, voire départementales.

Ainsi, il convient de préserver la liberté des communes pour ce qui est de déterminer l'échelon administratif le plus adapté, dans l'intérêt des citoyens. En effet, si l'on considère que la commune est un échelon central de la démocratie locale, elle devrait pouvoir décider de la pertinence d'un transfert de compétence à la communauté de communes. Il convient de permettre à chaque territoire de choisir, en fonction de ses spécificités géographiques.

L'eau est devenue une ressource précieuse. Elle représente un enjeu économique certain, qu'il convient de préserver et d'utiliser au mieux. Il s'agit aussi d'un enjeu sanitaire et environnemental.

Dès lors, nous ne pouvons que soutenir la fin du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, ainsi que le prévoit ce texte. Et pour cause : nous l'avions nous-mêmes proposé en juillet dernier. Néanmoins, il nous semble qu'en plusieurs points le texte demeure lacunaire et qu'il gagnerait à affirmer une vision plus explicite.

Premièrement, si le texte apporte des solutions à la situation des communautés de communes, il reste silencieux sur le cas des communautés d'agglomération. Or la loi de 2015 avait prévu de rendre obligatoire le transfert des compétences à ces deux catégories de collectivités. Dès lors, il nous apparaît légitime d'étendre la fin du transfert obligatoire aux communautés d'agglomération, dans la mesure où l'objet du texte est de revenir sur un transfert obligatoire jugé mauvais dans son principe même.

Deuxièmement, la proposition loi ne permet pas la restitution des compétences eau et assainissement à une commune qui serait la seule à en faire la demande au sein de la communauté de communes à laquelle elle appartient et qui n'arriverait pas à trouver un accord avec cette collectivité. Omettre de régler une telle situation revient à ne pas rendre pleinement aux communes leur liberté de décision et à conférer un pouvoir de blocage aux communautés de communes. Il convient donc de modifier le texte sur ce point.

Pour corriger ces faiblesses, et parce qu'il est essentiel de redonner réellement aux communes le pouvoir de choisir si elles souhaitent transférer ou non les compétences eau et assainissement, notre groupe vous soumettra deux amendements.

Sous ces réserves, nous soutenons pleinement la proposition de loi.

Présidence de M. Erwan Balanant, vice-président de la commission.

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Les récents épisodes de sécheresse nous imposent une meilleure gestion de l'eau afin d'anticiper les conséquences du réchauffement climatique et de nous y adapter au mieux.

Dans cette perspective, celle d'une gestion de l'eau mieux planifiée, le Gouvernement a présenté, le 30 mars, un plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau. Les cinquante-trois mesures qu'il contient visent à répondre aux trois enjeux majeurs que sont la sobriété des usages, la qualité de la ressource et sa disponibilité. Ce plan d'action prévoit également des objectifs déclinés par territoire. Ainsi, chaque grand bassin versant sera doté d'un plan d'adaptation au changement climatique.

Ces mesures doivent être associées à une plus grande flexibilité de la gestion de l'eau, afin que celle-ci s'ajuste à la fois aux besoins et à l'organisation du territoire. C'est dans cette perspective que s'inscrit le présent texte. De notre débat et des votes sur les amendements dépendront cette réussite potentielle.

Composée d'un article unique, la proposition de loi vise à modifier l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT) en vue de faire figurer à nouveau les compétences eau et assainissement dans la liste des compétences facultatives des communautés de communes. Pour mémoire, jusqu'en 2015, ces compétences étaient inscrites parmi les compétences obligatoires des communautés urbaines et des métropoles, mais demeuraient optionnelles pour les communautés de communes et d'agglomération. La loi du 7 août 2015 a souhaité clarifier l'organisation en prévoyant une unification progressive du régime, au profit d'une compétence obligatoire pour tous les EPCI.

Comme l'ont souligné les auteurs de la proposition de loi, l'échelon intercommunal n'est pas toujours le plus adapté pour l'exercice de ces compétences, en particulier pour les territoires ruraux, où les modalités de gestion d'un service public peuvent varier d'une commune à l'autre.

Je salue l'apport majeur de la loi du 3 août 2018, qui a permis aux communautés de communes de se substituer à leurs communes membres au sein d'un syndicat si au moins l'une des communes siégeant au sein de ce syndicat n'est pas membre de la communauté de communes. Il y eut également la loi « engagement et proximité » et la loi « 3DS », qui reconnaît le droit à la différenciation.

Force est toutefois de constater que depuis l'entrée en vigueur de la loi NOTRe, la question tarifaire est restée au cœur des préoccupations des élus locaux, et que le transfert de la compétence eau s'est traduit par une perte de connaissance des réseaux. En outre, le périmètre administratif des communautés de communes ne correspond pas toujours à la réalité géographique et hydrique des territoires concernés. On observe tout particulièrement cet état de fait dans les zones rurales et/ou de montagne. En somme, l'hétérogénéité des situations impose parfois de repenser l'action publique locale.

À la suite de mes échanges avec l'Association des maires ruraux de France et l'Association des maires de France, entre autres, il m'apparaît que les communes ont besoin de souplesse. Cela n'implique en aucun cas un retour en arrière : il faut continuer à se fixer pour objectifs de garantir la qualité de l'eau et une gestion quantitative, et de faciliter l'interconnexion.

À terme, l'orientation de notre société, contrainte par le changement climatique, nécessitera des investissements lourds pour les communes. Ainsi, plus de 40 % du réseau devra être renouvelé dans les trente ou quarante prochaines années. Évitons que cette charge ne devienne une vague submersive. Pour ce faire, les regroupements et les mutualisations sont nécessaires, voire obligatoires. C'est la structuration de ce regroupement qui doit bénéficier de souplesse, pour apporter une réponse différenciée en fonction des contraintes de chaque territoire. Cette souplesse obligeante induit une forme de stabilisation pour les organisations qui fonctionnent – je pense notamment au Syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable (Siaep) de Montrichard Val de Cher et au Syndicat intercommunal de l'assainissement de l'agglomération de Montrichard (Siaam), situés dans ma circonscription.

Cette souplesse, que je caractérise à dessein d'« obligeante », est une forme de protection pour nos communes : elle permet de garantir une certaine équité et un équilibre entre les territoires. L'accentuation des risques liés aux épisodes de sécheresse est une réalité ; donnons l'impulsion pour faire en sorte que la gestion de leurs conséquences en soit une elle aussi.

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Dans le monde journalistique on appelle cela un marronnier, c'est-à-dire un sujet qui revient chaque année : depuis 2015, chaque année ou presque, d'une manière ou d'une autre, des adaptations ont été opérées en ce qui concerne les compétences eau et assainissement.

L'enjeu premier n'est pas de faire plaisir à certaines communes ou à certains maires : il est de garantir l'accès à l'eau, en quantité et de qualité, partout sur le territoire national. Ce qui doit nous préoccuper, c'est de partager la ressource, de moderniser les réseaux, de repenser nos usages et de rattraper un retard que le réchauffement climatique aggrave chaque jour un peu plus.

Il importe d'abord de battre en brèche l'idée selon laquelle les élus locaux se désintéresseraient plus ou moins de la question. Après la terrible année 2022 que la France a vécue – et certains territoires plus encore –, plus aucun élu local n'ignore ces enjeux, et si certains étaient encore dans le doute, c'est terminé. Dans mon département, en Ardèche, le préfet, représentant de l'État, a décidé qu'il n'y avait plus lieu ne serait-ce que d'instruire les demandes de permis de construire dans vingt et une communes, en raison de la ressource en eau défaillante.

C'est déjà dans ce contexte que la loi NOTRe avait prévu de mutualiser la production et la distribution de l'eau. Faut-il aller jusqu'au bout de ce processus de mutualisation, de transfert obligatoire ? La réponse est oui – mais quand on le peut. Cela a été possible pour de nombreuses communes, mais il est probable que celles qui n'ont pas opéré le transfert ne le feront jamais, à moins que l'on ne recoure à la coercition.

Le Sénat fait montre, en la matière, d'une grande constance, qui se situe entre la ténacité et l'entêtement. Peut-être sa position s'explique-t-elle aussi par une certaine propension à considérer que les communes doivent forcément obtenir ce qu'elles veulent ? À cet égard, il convient de dénoncer le fait que certaines communes – peu nombreuses – ont très peu agi et refusent de le faire, car elles ont des prix très bas et c'est cet élément qui est devenu l'alpha et l'oméga de leur politique. Or c'est là une grave erreur, qui doit être dénoncée. Si le prix de l'eau est plus élevé dans certains endroits, c'est précisément parce que les élus ont pris leurs responsabilités.

Quoi qu'il en soit, la loi NOTRe a produit ses effets, puisque près de 80 % des Français sont concernés par une gestion de l'eau au niveau intercommunal, et plus encore pour l'assainissement. Les communes qui font de la résistance sont en réalité confrontées à des problèmes d'ordre technique plutôt que politique.

On touche là à ce qui fait la singularité de cette compétence : c'est la nature – en particulier le réseau hydrographique et le relief – qui dicte ses règles. L'Ardèche, par exemple, est coupée en deux par la ligne de partage des eaux : une partie de la ressource part vers l'océan via la Loire, et l'autre vers la Méditerranée via le Rhône. Je vous laisse imaginer la complexité que cela implique. Les bassins versants contredisent parfois la volonté des gouvernements ou du législateur, et il nous revient d'établir des règles conformes à la vérité de la nature, si je puis dire, mais aussi à l'histoire de certains territoires ayant construit des périmètres intercommunaux dont la pertinence, incontestable, ne s'articule pas toujours avec la réalité hydrique.

Cela suppose que l'on reconnaisse, après de nombreuses tergiversations, le besoin d'une gestion différenciée de cette compétence, et que l'on rende le transfert optionnel. Nous serons donc favorables à cette proposition de loi.

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Cette proposition de loi répond aux attentes de certains maires ; personne ne peut le nier.

J'ai eu l'occasion de travailler sur le sujet avec Catherine Couturier, dans le cadre d'une mission flash qui nous avait été confiée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nous avons appelé l'attention de nos collègues sur l'inflation normative, entre autres. Or la proposition de loi n'aborde pas cette question. Elle ne traite pas non plus de la nécessité de mieux construire les périmètres et les mutualisations. On n'y trouve rien à propos de la situation préoccupante de certains réseaux, responsable de fuites très importantes et entraînant un gaspillage terrible ; de la sécurité sanitaire ; de la diminution de la ressource, ou encore de l'accès à l'eau et de son prix.

S'il me semble tout à fait légitime que nous nous interrogions sur la pertinence qu'il y aurait à ce que la compétence soit exercée à l'échelle d'un département, d'un bassin versant ou d'un sous-bassin, il n'y a pas lieu, en revanche, de rendre cette compétence à certaines communes une fois qu'elle a été confiée à l'intercommunalité.

Je me suis demandé pourquoi certains maires s'opposaient au transfert. M. Saulignac a invoqué des raisons techniques et historiques. J'entends ces arguments. Cela dit les maires craignent aussi, parfois, de devoir imposer à leurs administrés une augmentation du prix de l'eau à l'occasion d'une mutualisation : si les investissements nécessaires ont été longtemps différés dans une commune alors qu'ils ont été réalisés dans la commune voisine, le nouveau maire élu se heurte à une difficulté. Nous devrions aussi sensibiliser les maires au risque pénal qu'ils encourent.

Pour ces raisons, j'ai le sentiment que la proposition de loi ne répond pas aux enjeux. En outre, le Président de la République a annoncé un projet de loi relatif à la question de l'eau. Je crains qu'en abordant le problème de la manière que vous proposez, nous ne laissions accroire qu'il serait facile de le régler, que l'on pourrait reprendre la compétence sans difficulté et qu'il ne serait pas nécessaire d'augmenter le prix de l'eau dans les années à venir.

Le groupe Horizons et apparentés a choisi de laisser à ses membres la liberté de vote sur ce texte.

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La proposition de loi pose une question difficile : faut-il revenir sur le transfert de la compétence eau prévu par la loi NOTRe ? Chez les écologistes, les avis sont nuancés, pour ne pas dire pluriels. La question met en tension deux logiques : d'une part, la nécessité d'assurer une meilleure gestion de la ressource en eau, et, de l'autre, le respect du libre choix des communes. Il faut être pragmatique et se garder des affirmations idéologiques.

On a longtemps cru, en France, que l'accès à l'eau serait garanti pour tous les usages. Cette croyance ne tient plus : nous avons traversé et traverserons encore de douloureux épisodes de sécheresse. La ressource en eau se raréfie. Nous serons contraints de l'économiser et de préserver sa qualité. Or nos réseaux d'eau et d'assainissement sont vieillissants ; il est urgent de les rénover. En effet, 20 % de l'eau se perd et le taux de conformité sanitaire des stations d'épuration est très loin d'être satisfaisant. Tôt ou tard, ce sous-investissement dans les infrastructures fera grimper le prix de l'eau, quels que soient le mode de gestion et le niveau où la compétence est exercée.

De manière générale, mutualiser les moyens permet d'accroître les capacités d'investissement des collectivités et favorise, à terme, une meilleure gestion de la ressource. Les oppositions, il est vrai, sont nombreuses, alors même que le cadre législatif a été assoupli. De nombreux élus estiment que l'échelon intercommunal éloigne les décideurs du public qu'ils sont censés servir. Or, depuis 2019, les communes ont la possibilité de se voir déléguer par convention l'exercice des compétences eau et assainissement : c'est un moyen de retrouver une gestion de proximité.

Selon certains élus, le transfert de la compétence favorise l'augmentation du prix de l'eau. Nous sommes sensibles à l'argument, surtout en pleine période d'inflation. En principe, ce sont les usagers qui financent les services d'eau et d'assainissement, mais la loi a été ajustée l'an dernier : les intercommunalités ont désormais la possibilité de mobiliser plus facilement leur budget principal pour faire face à des investissements importants, ce qui permet d'éviter les augmentations de tarif excessives. Sans doute faut-il attendre un peu avant que les effets du dispositif soient visibles.

Je n'oublie pas non plus l'argument selon lequel les élus n'auraient pas attendu la loi NOTRe pour mettre en commun leurs ressources. Il est vrai qu'ils se sont regroupés au sein de syndicats d'eau et d'assainissement dont le périmètre correspond à une logique de gestion de proximité. Là encore, toutefois, des outils existent pour maintenir ces structures, par la voie de la délégation de compétence. Il ne faut pas confondre le niveau où la compétence est exercée et celui où elle est gérée.

Nous devons écouter les acteurs, faire confiance à l'intelligence des élus, entendre leurs inquiétudes, identifier ce qui ne fonctionne pas, proposer des ajustements et, si besoin, inventer de nouveaux mécanismes, sans pour autant perdre de vue les intérêts de long terme. Or nous ne saurions faire abstraction de la question écologique.

Je crois en la solidarité des communes, et la loi me paraît suffisamment souple pour s'adapter à des configurations très diverses et permettre la gestion locale de la ressource en eau. Cela dit, la mutualisation n'est pas la seule réponse : l'État doit apporter son soutien. Il faut maintenir les moyens financiers des collectivités et des agences de l'eau. Il convient également d'accompagner les maires. En outre, la sobriété doit être encouragée. Enfin, la tarification progressive de l'eau est un enjeu très important : il faut réfléchir à l'instauration de la gratuité pour les premiers mètres cubes d'eau.

Pour ma part, je m'abstiendrai sur ce texte.

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Aux yeux de nombreux élus la loi NOTRe était plutôt une loi « leure » : elle ne traduisait nullement la confiance que l'on peut avoir dans l'intelligence des collectivités territoriales. Au sein de chacune d'elles les grands services publics de l'environnement s'organisaient déjà, en pratique, depuis des décennies, tout particulièrement en matière d'eau et d'assainissement.

Le législateur a cru avoir trouvé la martingale en imposant l'exercice de ces compétences à l'échelon intercommunal. Il semble qu'il se soit trompé. L'organisation s'était faite à des échelons différents : tantôt celui de la commune, tantôt celui de l'EPCI, parfois encore dans le cadre de syndicats créés ex nihilo, en respectant la logique du service rendu et, bien souvent, celle de la géographie hydrique. On pourrait envisager une maille plus large pour sécuriser le système et assurer les interconnexions, par exemple à travers des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), y compris à l'échelon départemental – cela s'est fait dans certains départements –, avec la volonté de créer un service public national.

Tel n'est pas l'objet de la proposition de loi : il s'agit de rendre aux élus locaux la possibilité de choisir la solution la plus efficace et efficiente. De fait, la maille intercommunale n'est pas toujours pertinente. Dans un territoire que je connais bien, plusieurs communes qui n'appartiennent pas à l'EPCI sont pourtant reliées à la ville centre dans le cadre du service d'eau et d'assainissement ; au sein du même EPCI, il existe des modes de gestion très différents, notamment la régie et la délégation de service public (DSP).

Même si certaines des règles très strictes issues de la loi de 2015 ont déjà été assouplies, le groupe GDR-NUPES, qui avait inscrit au programme de l'une de ses niches parlementaires, en décembre 2021, une proposition de loi similaire à celle que nous examinons, accueille favorablement ce texte.

Enfin, que ce soit l'EPCI, la commune ou un syndicat qui investisse, l'eau paie l'eau, et celle-ci n'est pas moins chère quand la compétence est exercée à l'échelon intercommunal. Pour employer une expression chère à la majorité, il n'y a pas d'argent magique. Chacun sait que le problème tient au financement. Les règlements des agences de l'eau, d'ailleurs différents selon les bassins, ne sont pas toujours pertinents. Il faut faire confiance aux élus locaux, à leur capacité à inventer, à répondre à la crise climatique et à s'adosser à la réalité géographique et aux territoires.

Au-delà de cette proposition de loi, il faudra avancer en ce qui concerne la conception de l'eau comme bien commun, pour assurer sa pérennité et sa qualité.

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Je suis très heureux que mon groupe ait accepté d'inscrire cette proposition de loi au programme de son ordre du jour réservé, et je salue le travail de Benjamin Saint-Huile, qui a essayé de tenir compte de certains souhaits de nos collègues. Plusieurs débats et plusieurs votes sur la question sont déjà intervenus à l'Assemblée : c'est donc un sujet ancien que nous espérons clore en adoptant ce texte. Ce faisant, nous montrerions aux maires, aux élus municipaux et aux présidents de communautés de communes que nous leur faisons confiance.

Sous ses apparences techniques, cette proposition de loi traite en réalité de questions du quotidien, pour les élus comme pour les citoyens. Je pense notamment à l'efficacité de la gestion de l'eau, à la prise en compte des besoins de chaque commune et au maintien d'une tarification acceptable.

En vertu de la loi NOTRe, les communes sont contraintes de céder les compétences eau et assainissement aux communautés de communes. La date limite pour se conformer à cette obligation a été repoussée à 2026. Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), au 1er octobre 2022, 33 % seulement des communautés de communes exerçaient la compétence eau et 42 % la compétence assainissement collectif. Ces chiffres sont trompeurs, car c'est en réalité plus de 80 % de la population qui sont concernés par ces transferts. Si le principe du transfert obligatoire est loin de faire l'unanimité dans les communes, celles qui sont réticentes ne rassemblent qu'une toute petite partie de nos concitoyens.

Pourquoi un tel entêtement à refuser de faire du sur-mesure et de la différenciation ? À plusieurs reprises, les parlementaires ont tenté de revenir sur la contrainte : ils ont repoussé la date butoir prévue pour le transfert et ont apporté plus de souplesse au dispositif pour les communes. L'article 1er de la loi « 3DS », soutenu par le gouvernement de l'époque, a créé un nouvel article L. 1111-3-1 du CGCT, qui dispose : « Dans le respect du principe d'égalité, les règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte de différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. » Conformément à l'esprit de cet article, trois objectifs justifient l'adoption de la proposition de loi.

Le premier tient à la préservation du principe de libre administration des collectivités. L'Association des maires de France soutient pleinement ce texte, car elle a toujours été opposée aux transferts obligatoires. Notre groupe considère que le consentement plein et entier des élus municipaux est nécessaire pour qu'une intercommunalité réussisse. La proposition de loi, en replaçant au niveau des transferts optionnels les compétences eau et assainissement, permettra de garantir cette liberté de choix.

Le deuxième objectif est celui d'une gestion efficace de l'eau et de l'assainissement. Les maires connaissent leur territoire ; ils sont en mesure de faire un choix qui répondra à l'intérêt des citoyens. L'erreur de la loi NOTRe est d'avoir voulu classer les compétences eau et assainissement parmi les compétences obligatoires des communautés de communes, dans la même logique que ce qui avait été prévu pour les métropoles et les communautés urbaines. Aligner les communautés de communes sur le système des autres EPCI à fiscalité propre, c'est méconnaître leur caractère rural et les difficultés qui en découlent. Les communautés de communes n'ont pas toutes été pensées en fonction des bassins ou des relations historiques existant entre certaines collectivités. Le territoire qu'elles couvrent est marqué par une grande diversité en ce qui concerne les modalités de gestion. Or, pour assurer une gestion efficace, il est nécessaire de proposer des solutions adaptées. À cet égard, notre groupe salue les amendements adoptés par le Sénat : le transfert à la carte répond à la demande de souplesse et de proximité formulée par les élus.

Enfin, on ne saurait faire abstraction de la question des tarifs liés à la gestion de l'eau. Pendant longtemps, les gouvernements ont laissé entendre que les transferts contraints étaient un gage d'économies. La réalité est tout autre : dans plusieurs communes rurales, ils ont entraîné une hausse du coût en raison de l'hétérogénéité des modalités de gestion. La proposition de loi prévoit, quant à elle, un dispositif opérationnel qui permettra aux élus municipaux de faire un choix, en responsabilité, en fonction du rapport coût-efficacité.

Nous vous proposons donc une solution équilibrée, en réponse à une situation de blocage que le législateur de 2015 n'avait pas envisagée. Cette proposition de loi traduit la confiance et la souplesse que les élus des territoires sont en droit d'attendre du Parlement.

Présidence de M. Sacha Houlié, président de la commission.

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Je le dis clairement et avec une certaine solennité : il ne s'agit pas d'entrer dans une opposition stérile entre communes et intercommunalités. Je suis attaché au fait intercommunal. La question posée est celle de l'adaptation et de la souplesse, s'agissant d'une compétence très spécifique et pour des territoires qui le sont eux aussi – à savoir les territoires ruraux.

J'ai entendu avec plaisir les propos de M. Bazin, même s'il semble souhaiter que les communes puissent décider toutes seules de sortir des mécanismes communs. Cela fragiliserait un peu trop la construction territoriale partagée. Il n'en demeure pas moins que cela témoigne d'une certaine cohérence intellectuelle.

J'approuve les propos de M. Saulignac, en particulier ceux qui concernent les tarifs de l'eau et la volonté de certains élus de se contenter d'une forme de pis-aller et de remettre à plus tard la question centrale qu'est la rénovation des réseaux, afin d'éviter les fuites, et celle du tarif.

Nous souhaitons que l'Assemblée adopte conforme le texte du Sénat. Vous devinez donc quel sera mon avis sur les amendements… Toutefois, j'essaierai de faire en sorte qu'il s'accompagne de propos constructifs.

Article unique (procédure de législation en commission) (art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 1er [abrogé] de la loi no 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, art. 14 de la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, art. 30 de la loi no 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale) : Rétablir le caractère facultatif du transfert des compétences eaux et assainissement aux communautés de communes

Amendement CL5 de Mme Laurence Heydel Grillere.

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La proposition de loi tend à remettre en cause le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, échelon choisi par le législateur pour remédier aux difficultés liées à l'émiettement des services d'eau et d'assainissement sur l'ensemble du territoire. Afin de ne pas déstabiliser les organisations existantes et de prendre en compte les préoccupations exprimées par les élus, ainsi que les difficultés rencontrées dans certains territoires, le cadre de l'exercice de ces compétences a été assoupli à plusieurs reprises.

À travers cet amendement, nous proposons d'aller encore plus loin dans l'assouplissement en ce qui concerne les modalités de mutualisation. Il vise à permettre la création de nouveaux syndicats infracommunautaires dans le périmètre des communautés de communes. Lorsque les compétences eau et assainissement seront transférées aux communautés de communes, au plus tard le 1er janvier 2026, ils pourront être maintenus, par délégation.

Nous souhaitions défendre d'autres amendements. L'un d'entre eux, notamment, visait à permettre la création de syndicats ouverts. Malheureusement, il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

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Votre proposition de réécriture va dans le bon sens, mais elle ne correspond pas à la logique que nous souhaitons voir adoptée. Ainsi, nous remettons en cause le caractère obligatoire du transfert, quand vous proposez l'inverse : il s'agirait de maintenir l'obligation tout en prévoyant de nouvelles dérogations. La rédaction issue du Sénat est donc plus large. En outre, comme je le disais, nous souhaitons un vote conforme. Je suis donc défavorable à cet amendement.

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Je retire l'amendement CL8 au profit de celui que nous sommes en train d'examiner.

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En réécrivant cet article, les collègues de la majorité veulent vider de sa substance la possibilité de rétablir le caractère facultatif du transfert de compétences.

Il faut distinguer deux cas. Certaines communautés de communes ont effectué un transfert, et on voit bien que des difficultés concrètes existent. Il faut donc assouplir et améliorer les possibilités de délégation – certaines mesures ont d'ailleurs été prises en la matière. Dans d'autres cas, il n'y a pas eu de transfert. Des études montrent en effet que le prix peut augmenter, que la qualité ne sera pas forcément améliorée et qu'on risque d'aboutir à des superpositions de structures ne correspondant pas aux bassins hydrauliques.

Alors que la date butoir du 1er janvier 2026 se rapproche, vous n'apportez pas de réponse. Ce que les acteurs concernés demandent, c'est qu'on les laisse libres : si un transfert n'est pas pertinent, ne les contraignons pas. Ils sont les premiers garants de la qualité du service rendu aux habitants.

C'est une vraie préoccupation : je le constate bien dans une trentaine de villages de ma circonscription. Il est urgent d'adopter la proposition de loi afin d'annuler l'obligation de transférer cette compétence, là où cela n'a pas été fait. Ce n'est pas ce que prévoit cet amendement, et c'est pour cette raison qu'il faut s'y opposer.

L'amendement CL8 de Mme Mathilde Desjonquères est retiré.

La commission adopte l'amendement CL5 et l'article unique est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL1, CL2 et CL3 tombent.

L'ensemble de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Puis, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi relative à la consultation des habitants d'un département sur le choix de leur région d'appartenance (n° 1163) (MM. Paul Molac et Erwan Balanant, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dIR782

Examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance (n° 1163) (MM. Paul Molac et Erwan Balanant, rapporteurs)

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Je précise que nous examinons cette troisième proposition de loi du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) selon la procédure de législation en commission.

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Le présent texte, que je rapporte avec Erwan Balanant, tend à permettre l'application d'une disposition inscrite depuis 2003 à l'article 72-1 de la Constitution : « La modification des limites des collectivités territoriales peut […] donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. » Cette disposition ne se traduit, à ce jour, par aucune disposition législative, ce qui est tout à fait regrettable.

D'une manière générale, la révision constitutionnelle de 2003, dont nous venons de célébrer, un peu en catimini, les vingt ans, s'est arrêtée au milieu du gué. Alors qu'elle entendait favoriser l'expression de la démocratie locale, par le droit de pétition, le référendum ou les consultations locales, son bilan reste, somme toute, modeste et trop limité. L'expression démocratique locale est réduite par un cadre général excessivement contraignant, et la confusion règne en ce qui concerne les outils disponibles et leur portée. Nous pouvons tous convenir que cette situation n'est pas satisfaisante et qu'il convient d'y remédier.

Il existe en Loire-Atlantique une demande citoyenne et politique forte de permettre aux habitants de s'exprimer sur le choix de leur région d'appartenance. L'outil constitutionnel de l'article 72-1 permettrait de donner à cette demande un débouché démocratique et civique qui nous paraît tout à fait adapté.

Cette demande des habitants de la Loire-Atlantique est exprimée avec constance et détermination par divers canaux – les manifestations organisées depuis 1976 ou encore les sondages d'opinion. Ainsi, dans le cadre des quinze enquêtes réalisées depuis 1982, le statu quo n'a jamais été de mise, et la réunification de la Bretagne a toujours été soutenue par une majorité, allant de 58 à 75 % d'opinions favorables. Le dernier sondage, en mai 2021, a montré que 63 % des habitants de la Loire-Atlantique étaient favorables à la réunification et que 80 % approuvaient un vote sur cette question.

En 2018, à l'initiative de l'association Bretagne réunie, plus de 100 000 personnes ont signé une pétition, finalement vaine, demandant que la question du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne fasse l'objet d'une consultation. Les signataires représentaient plus de 10 % du corps électoral : je n'ai jamais rien vu de tel dans d'autres départements.

Le dépôt de cette pétition a conduit le conseil départemental de la Loire-Atlantique à inscrire la question à son ordre du jour de décembre 2018. Les élus ont alors adopté un vœu demandant à l'État d'organiser un référendum. Malheureusement, celui-ci ne dispose d'aucune base légale à cet effet, et cette procédure n'avait donc aucune chance d'aboutir.

Dès le lendemain de la session du conseil départemental, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a ainsi indiqué que « toute consultation portant sur un objet qui n'est pas une compétence de la collectivité concernée serait nécessairement illégale » et que « l'État n'est pas non plus en mesure d'organiser une consultation sur le sujet évoqué et sur une seule partie du territoire national ».

L'insertion d'un nouveau vecteur législatif dans le code général des collectivités territoriales n'a pour objet que de permettre l'organisation de cette consultation par l'État.

La demande est relayée avec constance et détermination par les élus locaux, les collectivités territoriales et les élus nationaux. Cela se traduit par des vœux adoptés récemment au sein du conseil régional de Bretagne, des conseils départementaux de la Loire-Atlantique, du Morbihan et du Finistère, de grandes communes telles que Nantes, Rennes, Saint-Brieuc, Vannes, Lorient, Brest et Quimper, et de nombreuses autres communes dont il serait un peu long de dresser la liste. Par ailleurs, cette proposition de loi est signée par vingt-cinq députés de la Bretagne historique, à cinq départements, qui représentent une large majorité, y compris en Loire-Atlantique, et la quasi-totalité des groupes parlementaires – huit au total, c'est-à-dire tous ceux comptant un représentant dans ces départements – sont représentés parmi les signataires – à cet égard, je souligne en particulier qu'il n'y a pas de député du Rassemblement national en Bretagne historique. Enfin, la proposition de loi est rapportée par un député de la majorité et un autre de l'opposition, ce qui témoigne du caractère transpartisan, collectif et dépassionné de cette démarche.

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La démarche se veut en effet dépassionnée. Elle s'appuie sur une procédure prévue par notre Constitution, et sa portée est plutôt raisonnable. Il s'agit de mettre démocratiquement un terme à une vieille arlésienne du débat politique du Grand Ouest.

En introduisant dans le code général des collectivités territoriales une procédure de consultation des électeurs d'un département sur un projet de modification des limites régionales, ce texte tend à permettre l'expression de la démocratie locale sans provoquer de déstabilisation massive de la carte territoriale.

Il y aurait beaucoup à dire, aussi bien en ce qui concerne la région Bretagne, qui, depuis 1941, va de déception en déception, que d'une manière plus générale au sujet du piètre bilan de la réforme imposée à marche forcée par la loi du 16 janvier 2015.

Cette proposition de loi tend à permettre d'acter une première étape, consistant à solliciter l'avis des habitants de la Loire-Atlantique sur leur région de rattachement, sans présager, de manière présomptueuse, verticale ou divinatoire, ce que sera l'après, puisqu'il reviendra à la loi d'en décider, en temps voulu et selon les modalités qu'elle déterminera.

Il nous est apparu important de commencer le processus par une consultation des habitants de la Loire-Atlantique pour deux raisons. D'abord, c'est dans ce territoire que s'exprime une forte demande citoyenne de consultation. Ensuite, ce sont les habitants de ce département qui seront les premiers – et les seuls – concernés par un éventuel changement de situation administrative et territoriale, c'est-à-dire un changement de région.

Il faut également avoir en tête qu'il ne s'agit que d'une consultation et que celle-ci porte sur un projet de modification : la consultation n'emportera pas d'effet décisionnel.

Un droit d'option des départements limitrophes existait jusqu'en 2019, preuve qu'il ne s'agit pas d'une idée saugrenue ou particulièrement dangereuse de notre part. Cette disposition, certes inapplicable dans les faits, a été abrogée par la réforme malheureuse de 2015, ce que nous ne pouvons que regretter.

J'en viens au cœur du texte. L'article 1er introduit une procédure de consultation des électeurs d'un département sur un projet de modification des limites régionales.

Cet article pose le principe de la consultation et définit ses conditions d'organisation. Il appartiendra à l'État d'en assurer la mise en œuvre : nous estimons que lui seul dispose des capacités matérielles pour le faire.

Nous souhaitons insister sur le fait que cette consultation ne constituera que la première étape, non décisionnaire, du processus de modification des limites territoriales des régions concernées.

À cet égard nous avons déposé un amendement qui permettra de préciser à l'article 1er qu'il reviendra à la loi, à l'issue de la consultation, de décider aussi bien de la modification des limites territoriales que des modalités selon lesquelles ces limites pourront être modifiées. Cette rédaction permettra d'envisager, à l'issue de la première consultation, toute autre modalité de consultation ultérieure.

Nous vous proposons ainsi de procéder étape par étape, sans nous tromper sur celle qui nous occupe aujourd'hui.

La première étape a pour vocation d'offrir un vecteur civique et démocratique à une demande locale, venant de la population et relayée par les élus. C'est le seul moyen constitutionnel et raisonnable de sortir par le haut d'une situation qui, bloquée depuis plusieurs décennies, crée une frustration territoriale où se mêlent la déception et l'espoir : il nous revient de l'entendre et de la prendre en compte. Dans les faits, la réalité culturelle, économique et historique de la Bretagne à cinq départements n'a jamais cessé d'exister.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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J'ai pris la responsabilité de ce texte, pour mon groupe, en tant que francilien, afin de pouvoir porter un regard neutre. Néanmoins, c'est peut-être un des sujets les plus explosifs au sein de ma famille, attachée à la région de la Bretagne, et au sein de mon couple – je vous remercie pour les discussions que vous avez ravivées le week-end dernier… En effet, vous avez omis de mentionner, dans l'exposé des motifs, les tensions qui peuvent exister au sein même de la Bretagne à ce sujet. Pour le groupe Renaissance, cette proposition de loi souffre aussi de plusieurs biais.

Le premier est territorial : vous ne voulez légiférer que pour une partie du territoire national, celle qui vous concerne, c'est-à-dire un seul département. Vous excluez donc d'autres cas qui peuvent exister. Nous ne pensons pas qu'il soit ainsi possible de construire le cadre territorial et administratif à la carte.

Votre réflexion comporte également un biais citoyen. Vous excluez les solidarités citoyennes, sociales, économiques et budgétaires qui participent à la vie et à la construction de nos régions. Cette vie ne peut être, pour les départements et les communes, à la carte.

Il y a aussi un biais politique au sens où vous vous appuyez sur des sondages, des vœux, des pétitions, mais point sur les engagements politiques qui peuvent exister ni, de manière plus problématique, sur les travaux préparatoires de la loi de 2015, à savoir les débats qui ont eu lieu ici même sur la délimitation des régions. Ces débats ont été particulièrement âpres, et la région de la Bretagne a finalement gardé son périmètre, alors que d'autres avaient dû y renoncer. Votre proposition de loi peut relancer les débats et les difficultés d'alors.

L'ensemble de ces biais nous amène à porter un regard a priori négatif à l'égard de votre proposition de loi. Nous nuançons ce regard, toutefois, du fait de notre attachement à l'association de nos concitoyens à la construction de la décision publique. Est-il utile de permettre à l'État de consulter nos concitoyens sur les projets de réorganisation territoriale ? Oui. L'outil que vous proposez est-il, en revanche, le bon ? Selon nous, non. Il est capital que l'ensemble des habitants des deux régions concernées par le changement d'affectation d'un département soient consultés, compte tenu de l'impact sur les politiques publiques et l'organisation administrative et territoriale, qui concerne l'ensemble des habitants de ces régions.

J'avais proposé un amendement en ce sens, mais il a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution – j'ai dû jouer « petit bras » à propos du nombre de milliards d'euros… Sans une telle évolution, notre groupe ne pourra pas voter ce texte, mais je reste ouvert aux propositions des rapporteurs d'ici à la séance. J'espère que vous saurez entendre notre demande : il ne faut pas créer un dispositif qui, s'il restait en l'état, refléterait une vision que nous ne partageons pas, celle d'une République se construisant à la carte.

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Cette proposition de loi vise en particulier la problématique bretonne et tend à répondre à la demande, forte, des habitants de la Loire-Atlantique, dont l'historique a été rappelé. S'il est vrai que la question des limites régionales est longtemps sortie des débats et qu'elle est restée circonscrite à quelques territoires pendant plusieurs décennies, elle est réapparue au grand jour à la suite de la fusion brutale – avec des arrière-pensées électoralistes de la part de la gauche et surtout sans consultation citoyenne – qui est intervenue en 2015.

Les habitants de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais se sont alors retrouvés fondus dans les Hauts-de-France, ceux de nos belles Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne dans un Grand Est sans âme et sans histoire régionale commune, ou encore ceux de l'Aquitaine, du Limousin et du Poitou-Charentes dans une immense Nouvelle-Aquitaine. En Alsace, les sondages n'ont jamais varié depuis huit ans sur la volonté de ne pas être fusionné et, désormais, de ne pas rester au sein du Grand Est. Le dernier sondage, réalisé en mai 2022 par l'Ifop, montre qu'une grande majorité se dégage toujours en faveur d'une dissolution de cette région, jugée trop grande, trop coûteuse et sans identité. Ce jugement populaire est très juste, comme toujours, et applicable à toutes les régions fusionnées.

L'argument officiel de la réforme était de faire des économies, mais ce pari est raté. Dans la plupart des cas, le mariage forcé n'a jamais été accepté. Pire, ces grandes régions ont aggravé la métropolisation du fait de l'aspiration des activités politiques, économiques, culturelles et de santé dans les grandes métropoles, lesquelles désorganisent un peu plus un maillage territorial qui permettait de maintenir la vie dans nos campagnes. Il faudra à l'évidence revenir en arrière, en redonnant une existence à nos anciennes régions. C'est d'ailleurs l'objet de plusieurs propositions de loi déposées par notre groupe. Une consultation des habitants dès le début du processus, avant les fusions de 2015, aurait très certainement permis d'éviter les errements et la contestation que nous avons connus.

Oui, nos régions ont leur propre identité, leurs propres traditions : c'est ce qui fait la richesse de la France, et ce sont les habitants qui connaissent le mieux les spécificités et les délimitations géographiques. C'est pourquoi nous profiterons de ce débat pour étendre, par amendement, la portée de la proposition de loi, qui manque d'ambition. Il ne faut pas se limiter au changement de région d'un département limitrophe, et une consultation citoyenne doit s'imposer à l'État avant toute tentative de redécoupage.

En résumé, le Rassemblement national soutiendra cette proposition de loi, car nous considérerons toujours que les consultations et les référendums doivent primer les décisions administratives, éloignées des besoins et, souvent, de la volonté de nos concitoyens. Faisons confiance aux Français et donnons-leur plus souvent la parole. C'est l'objet de cette proposition de loi, telle que nous voulons l'amender.

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Je tiens à saluer le travail rigoureux de Paul Molac et d'Erwan Balanant, qui se sont employés à proposer un texte consensuel et transpartisan. Je les remercie pour leur écoute et leur confiance. Il est question de la possibilité réelle, pour des citoyens de nos départements, de décider de rejoindre une région limitrophe avec laquelle ils considèrent qu'ils partagent une économie, une histoire, une culture. C'est donc une proposition réellement intéressante qui redonne enfin du poids aux citoyens dans le cadre d'une consultation.

La pétition de 2018 pour la réunification de la Bretagne avait réuni plus de 105 000 citoyennes et citoyens en Loire-Atlantique, soit plus de 10 % du corps électoral. Partisans d'une VIe République, nous ne pouvons pas nous opposer à la possibilité qui serait donnée au peuple de s'emparer des questions le concernant. Il est évident que c'est le refus d'écouter et de consulter qui a abouti au mouvement des gilets jaunes. Celui-ci a fait entendre, comme à de nombreuses reprises dans le passé, le sentiment de subir une verticalité qui ne fait qu'étouffer le dissensus, sans laisser la moindre place au débat, à un espace de discussion démocratique. Le malaise est profond et diffus : la défiance a gagné tout le pays. Dans ce contexte, tout outil visant à une réappropriation des enjeux locaux, régionaux et nationaux par le peuple répond à une véritable exigence et joue un rôle salutaire.

Cessons de parler de consultation sans prévoir les moyens qui vont avec, car cela alimente la défiance envers les institutions. Considérons que la pétition de 2018 était un galop d'essai et prenons au sérieux le signal fort qui nous a été envoyé. Nous souhaitons que la consultation soit la plus démocratique et la plus représentative possible, pour qu'elle ait une véritable légitimité. Nous avons vu apparaître des méga-régions depuis la loi du 16 janvier 2015 – leur nombre est ainsi passé de vingt-deux à treize, leur taille est très inégale, et elles sont très hétérogènes culturellement, économiquement et politiquement. Le but était de créer des régions dites européennes et surtout de favoriser l'efficacité et la rationalisation des coûts, mais certaines compétences des communes et des départements ont été atrophiées. Le redécoupage de 2015, qui s'est imposé aux élus locaux, tout comme aux citoyens, a abouti à un millefeuille territorial qui a affaibli les échelons de proximité que sont les communes et les départements, au profit des métropoles et des intercommunalités. Nous ne pouvons que rejoindre les auteurs de cette proposition de loi dans leur critique du dernier découpage des régions et de ses conséquences néfastes pour la démocratie locale, en particulier la perte d'intérêt des citoyens pour les élections – le taux de participation n'a été que de 35 % aux dernières élections départementales et régionales –, et la perte de pouvoir des départements au profit des grandes régions.

Vous voulez réviser les limites de ces dernières, pour qu'elles recouvrent davantage les territoires vécus, en permettant le rattachement d'un département dans une région limitrophe. Si la consultation du département visé est légitime – il s'agit d'un impératif démocratique –, cela exclut une partie des acteurs concernés dans les deux régions. Il faut permettre un vote éclairé par une étude d'impact réalisée à cette échelle, sur la base de quoi toutes les parties pourront voter en leur âme et conscience.

Afin de ne pas prendre le risque d'un nouveau découpage anarchique, entre des régions plus attractives et d'autres plus en difficulté, nous proposons une consultation non seulement des départements concernés mais aussi des régions. Les multiples histoires et cultures qui enrichissent notre République, et sont donc à valoriser par la langue et les fêtes, ne se limitent pas aux frontières administratives.

Quitte à repenser le découpage des régions, nous proposons de nous appuyer sur des éléments plus structurels, comme la réalité écologique des sous-bassins versants, ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le proposer, pour structurer la politique publique de plus en plus complexe qu'est la gestion de l'eau.

Nous sommes sans nul doute, nous autres Insoumis, de tradition jacobine. Nous défendrons jusqu'au bout l'unité et l'indivisibilité de la République, qui figure à l'article 1er de la Constitution de 1958. Résolument habités par le respect de la volonté générale et populaire, qui est au fondement de nos engagements, nous soutenons ce texte, auquel nous voulons ajouter, par nos amendements, quelques règles élémentaires – nous souhaitons une participation plus large, un quorum pour légitimer le vote et un droit d'initiative citoyenne.

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Je n'ai pas l'expertise de Marc Le Fur, le Breton de notre groupe, qui partage votre combat, messieurs les rapporteurs. Vous connaissez son attachement à la réunion au sein de région de la Bretagne de tous les territoires qui le souhaitent.

Cette proposition de loi vise à inscrire dans le code général des collectivités territoriales la possibilité, pour l'État, de consulter les électeurs d'un département afin de recueillir leur avis sur tout projet relatif à la modification des limites régionales en vue d'intégrer ce département dans une région limitrophe. On peut s'étonner que cela ne soit pas déjà prévu et regretter que la réforme de 2015 ait imposé un découpage des régions. Nous avons ainsi perdu la Lorraine.

Vous proposez une mesure intéressante eu égard à la demande, maintes fois exprimée en Bretagne, de l'intégration de la Loire-Atlantique à sa région originelle. La première étape est de demander aux habitants ce qu'ils souhaitent. La possibilité que vous prévoyez va donc dans le bon sens. On pourrait néanmoins aller plus loin en prévoyant que l'État respecte la volonté ainsi exprimée.

Vous voulez permettre à la population de la Loire-Atlantique de se prononcer sur sa propre situation territoriale. Si la consultation demandée n'a pas de valeur contraignante ni obligatoire pour l'État, elle est nécessaire du point de vue démocratique. La question à laquelle les électeurs de la Loire-Atlantique devront répondre, si la proposition de loi est adoptée, permettra une clarification de la volonté des citoyens.

Étant Lorrain, je ne peux pas me prononcer sur l'histoire de la Bretagne, mais je la respecte profondément. Il me semble nécessaire de prendre en compte les aspirations de ses habitants, la réalité de leur vécu, de ce qu'ils veulent vivre et de ce qu'ils partagent. C'est aussi cela, la France : respecter les identités régionales, qui font partie de notre patrimoine

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La région à laquelle doit appartenir la Loire-Atlantique est un vieux débat. Selon un sondage de l'Ifop, 66 % des habitants de ce département estiment qu'il serait légitime de les consulter par voie de référendum, 51 % seraient disposés à se rendre aux urnes, et 63 % se déclarent favorables à un rattachement à la Bretagne. Cette proposition de loi a le mérite de faire office de courroie de transmission d'une demande émanant d'une partie de nos concitoyens. Toute initiative parlementaire tendant à trouver des leviers efficients pour favoriser la participation des Français est tout à fait louable, et je ne peux donc que vous féliciter à cet égard.

La proposition de loi, outre un article relatif au gage, introduit une procédure de consultation des électeurs d'un département au sujet d'un projet de modification des limites régionales visant à inclure ce département dans le territoire d'une région limitrophe. L'objectif est de permettre le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, étant entendu que la consultation ne concernerait que les électeurs du département dont le changement de région est envisagé, et non ceux des autres départements des deux régions.

Il convient de s'interroger sur la portée de ce dispositif. Certains risques juridiques méritent d'être discutés et éventuellement traités.

Une interprétation stricte de la Constitution pourrait conduire à penser que le présent texte ne saurait contraindre le législateur à soumettre à consultation une modification des limites régionales. De fait, le législateur, souverain, peut s'affranchir d'une telle consultation, et le pourrait d'autant plus que, aux termes mêmes du texte, elle n'est qu'une faculté.

Du reste, l'objet de la proposition de loi n'est pas tant de prévoir une consultation que de définir le corps électoral pouvant y participer. Bien que notre office ne nous destine pas à procéder à un contrôle a priori en lieu et place du Conseil constitutionnel, seul organe institutionnel dédié à cette tâche, nous pourrions déduire de l'article 72-1 de la Constitution que la modification des limites territoriales d'une collectivité peut donner lieu à la consultation des électeurs des collectivités intéressées.

Les modalités de consultation prévues par la proposition de loi, visiblement erronées, paraissent nécessiter des ajustements rédactionnels, notamment au sujet des références au code électoral. Vos amendements à portée légistique tendent à y remédier.

Au-delà des questions juridiques, il convient de s'intéresser aux risques organisationnels et économiques, notamment en ce qui concerne la détermination des nouveaux chefs-lieux de région et le déséquilibre qui affecterait la région Pays de la Loire.

En définitive, nous pouvons nous accorder sur l'objectif : la consultation des électeurs est, par principe, une bonne chose. Toutefois, le problème que soulève cette proposition de loi est la conséquence du redécoupage territorial effectué par le gouvernement socialiste dans le cadre de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Les choix ont vraisemblablement reposé sur des critères strictement économiques et administratifs, sans prendre en considération les dimensions culturelles.

Différentes sensibilités s'exprimant sur le sujet, le groupe Démocrate ne donnera aucune consigne de vote.

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Chers collègues de la majorité, vous maltraitez beaucoup la loi NOTRe, dont, je me permets de le rappeler, le rapporteur s'appelait Olivier Dussopt… Pour rendre hommage à son travail, j'en prendrai donc la défense.

(Sourires.)

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Nous examinons une proposition de loi transpartisane, qui implique vingt-cinq députés issus de huit groupes, dont trois du groupe socialiste, soit 10 % de ses effectifs. Elle se fonde néanmoins sur un cas particulier, celui du rattachement du département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne. Or, si j'aime beaucoup la Bretagne, j'aime aussi quand notre assemblée légifère pour la nation dans son ensemble – mais gageons que la Bretagne incarne mieux que toute autre les débats autour de l'identité régionale.

La proposition de loi aurait pu élargir le débat aux périmètres des régions, qui n'est pas une question taboue. Elle aurait pu questionner les carences démocratiques des procédures de modification des limites administratives. Elle vise en réalité à donner une traduction à la démarche citoyenne de l'association Bretagne réunie, qui a rassemblé plus de 100 000 signatures. Il est évidemment tout à fait légitime de considérer qu'à ce niveau de mobilisation, la parole du peuple doit être entendue.

La proposition de loi aurait pu énoncer que, lorsque 10 % du corps électoral se mobilise, le département a la possibilité d'organiser un vote par une forme d'autosaisine ou l'État l'obligation d'engager une consultation. Elle se contente de prévoir que l'État peut recueillir un avis sur un projet de modification des limites régionales. Cela suppose qu'il veuille modifier ces limites et qu'il accepte de consulter le département concerné. Si l'on crée un véhicule législatif, celui-ci n'est assorti d'aucune garantie ni obligation. Or imagine-t-on l'État consulter tel département et pas tel autre ? Ce serait une différence de traitement inacceptable.

Nous avions déposé des amendements visant à introduire des obligations. Ils ont été déclarés irrecevable au titre de l'article 40. Pourtant, ce même article n'a pas été invoqué pour le seul amendement de notre groupe qui ait été retenu et qui vise à abaisser à 16 ans l'âge de participation à la consultation, alors même qu'il crée incontestablement une charge.

En conclusion, une grande majorité des membres du groupe Socialistes et apparentés partage l'objectif de la proposition de loi, à savoir introduire plus de démocratie dans les décisions qui engagent l'avenir de tout un territoire. Il ne serait pas opportun de s'opposer à l'expression d'un avis, mais le caractère facultatif, pour ne pas dire hypothétique de la mesure nous étonne un peu. En outre, les avis des habitants de la région d'origine ou de l'éventuelle région de rattachement sont ignorés, alors qu'ils subiront les conséquences de la décision.

Néanmoins, nous ne nous opposerons pas à une proposition de loi dont les objectifs sont louables. Ses signataires voteront évidemment en sa faveur. Quant aux autres, ils réserveront leur vote dans l'attente d'éventuelles évolutions.

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J'observe non sans malice que je ne suis pas le seul à m'interroger sur l'application de l'article 40…

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La proposition de loi que nous examinons ce matin, présentée par nos collègues Paul Molac et Erwan Balanant et cosignée par presque tous les députés bretons, vise à créer la possibilité d'une consultation des électeurs d'un département pour le choix de la région à laquelle ils souhaiteraient administrativement appartenir. Si le dispositif est écrit en termes généraux et pourrait donc s'appliquer à l'ensemble des départements métropolitains, il répond en réalité à une demande spécifique et maintes fois exprimée ces dernières années, à savoir le rattachement du département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne, ce que d'aucuns nomment « réunification de la Bretagne ».

La question n'est pas nouvelle, puisqu'elle soulève des débats depuis la création des régions administratives, en 1956. Détachée de la Bretagne par le décret du 30 juin 1941 signé par le maréchal Pétain, la Loire-Atlantique n'en a plus jamais fait partie administrativement. Historiquement, elle était pourtant incluse, depuis le traité d'Angers en 851, dans le royaume puis le duché de Bretagne. La résidence principale des ducs de Bretagne était même située à Nantes.

La loi du 16 janvier 2015, dont est issu le découpage territorial actuel, a suivi une logique de réduction du nombre de régions, sans redécoupage à l'échelon départemental et sans concertation avec les collectivités locales, ni avec les habitants. Elle prévoyait toutefois un droit d'option permettant aux départements qui le souhaiteraient de changer de région dans un délai de trois ans. Ce droit n'a jamais été utilisé, faute d'être applicable, les départements souhaitant quitter une région pour une autre devant obtenir l'accord de la région de départ.

De nombreux sondages réalisés depuis les années 1980 montrent une réelle volonté populaire de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Plus récemment, en 2018, une pétition appelant le département de la Loire-Atlantique à organiser une consultation populaire sur la question a réuni 105 000 signatures, soit 10 % du corps électoral. Les collectivités locales se sont également saisies de la question, relayant l'attente des habitants. Depuis 2020, les villes de Nantes, Rennes, Brest, Vannes, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire et plus de vingt autres ont adopté des vœux demandant à l'État d'engager le processus permettant de donner suite à cette demande citoyenne. Le conseil régional de Bretagne a adopté à l'unanimité le même vœu en octobre 2021.

S'il revient au législateur de déterminer les limites territoriales des régions, il nous paraît important qu'une véritable consultation des habitants de Loire-Atlantique ait lieu afin qu'ils puissent s'exprimer et choisir eux-mêmes la région à laquelle ils souhaitent appartenir. Dans l'hypothèse d'un résultat favorable, il reviendra au législateur de se prononcer sur cette demande.

Le présent texte résulte d'une démarche collective et transpartisane. J'entends néanmoins les interrogations et les inquiétudes qu'il peut susciter, y compris au sein de mon groupe, sur le plan constitutionnel, ainsi que concernant la pertinence d'inscrire dans la loi un dispositif général pour régler une situation particulière. C'est cependant le moyen que les cosignataires de la proposition de loi ont trouvé pour permettre la consultation des habitants de Loire-Atlantique. Jean-Charles Larsonneur, Thierry Benoit et moi-même y sommes favorables. Nous laisserons les autres membres du groupe décider en leur âme et conscience si la Bretagne peut retrouver la Loire-Atlantique.

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Je remercie le groupe LIOT d'avoir placé sa journée réservée sous le signe de l'expression démocratique et MM. Molac et Balanant pour leur travail transpartisan. Le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne est une véritable arlésienne. Les écologistes ont toujours été de fervents défenseurs du régionalisme et du fédéralisme, pour plus de démocratie, le régionalisme étant le meilleur rempart contre le repli nationaliste et contre l'individualisme libéral.

La proposition de loi vise à consulter les habitants d'un département sur le choix de leur région d'appartenance et à intégrer dans le code général des collectivités territoriales la possibilité, pour l'État, de consulter les électeurs d'un département donné, afin de recueillir leur avis sur tout projet portant sur les modifications de limites territoriales régionales en vue d'intégrer ce même département dans une région qui lui est limitrophe. Je m'exprime ici aussi en tant que députée de la Loire-Atlantique, et il importe de préciser qu'il s'agit, à travers cette proposition de loi, non de trancher la question du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, mais de relayer une demande citoyenne sur le sujet.

Ce texte répond donc à un besoin démocratique. Nos concitoyens désirent être partie prenante du processus de décision conduisant à remodeler la carte des collectivités territoriales. Cela a été dit : en 2018, plus de 10 % du corps électoral a signé une pétition en ce sens. En tant que conseillère municipale de Nantes, j'ai moi-même signé en 2021 un vœu demandant à l'État d'organiser cette consultation. Une étude sur les conséquences d'un tel remodelage de la carte administrative française a été commandée conjointement par le département de Loire-Atlantique et la région Bretagne, afin d'éclairer l'éventuel vote.

La proposition de loi répond ainsi à la demande maintes fois exprimée en Bretagne d'un rattachement de la Loire-Atlantique à sa région originelle. Cette demande s'est exprimée de plusieurs manières : manifestations populaires à Nantes et dans d'autres villes de Loire-Atlantique, sondages d'opinion, vœux d'une trentaine de collectivités territoriales dans l'ensemble de la Bretagne. Si le texte est adopté, il permettra à la population de Loire-Atlantique de se prononcer sur sa propre situation territoriale. Si la consultation demandée n'a pas de valeur contraignante ni de caractère obligatoire, elle est nécessaire du point de vue civique, le besoin d'une démocratie plus participative étant clairement exprimé par nos concitoyens, qui souhaitent prendre davantage part aux processus de décision. Faudrait-il bouder cette demande dans la période actuelle ? Je ne le pense pas. Le groupe Écologiste votera résolument en faveur de la proposition de loi.

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Nous avons souhaité, dans cette journée réservée, soulever le problème de la respiration démocratique, à travers des sujets que nous pourrions traiter immédiatement de manière à envoyer des signaux clairs à nos concitoyens, qui nous interrogent régulièrement sur ces questions. Nous devons, je crois, accroître notre capacité d'entendre la volonté de nos concitoyens.

La proposition de loi crée un dispositif non contraignant de consultation de nos concitoyens. Je ne vois rien en elle qui puisse inciter à la prudence. J'espère plutôt que la Bretagne deviendra grâce à elle une terre d'expérimentation qui nous permettra de distinguer ce qui est difficilement faisable et ce qui est objectivable. Le groupe LIOT l'accompagnera avec force et vigueur.

Nous considérons que, dans l'attente d'une réforme des institutions – qui viendra ou non –, il faut envoyer des signaux à nos concitoyens. Offrir aux habitants du département de Loire-Atlantique la possibilité de se prononcer sur le rattachement de leur département à la région Bretagne nous semble utile pour le débat public et pour la régénération de la relation entre les électeurs et les institutions.

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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C'est en tant que députée de la septième circonscription de Loire-Atlantique – voisine de celle de Paul Molac – que j'interviens.

Vous avez, chers collègues de tous bords, dit des choses très pertinentes sur le souhait exprimé de manière récurrente par les habitants de Loire-Atlantique d'être consultés. J'ai soutenu cette demande lors de mon premier mandat et la soutiens encore. Je remercie Paul Molac pour cette proposition de loi qui permettra, je l'espère, de trancher une fois pour toutes la question, en permettant aux habitants de se prononcer de manière démocratique. Ce qu'a dit notre collègue Saint-Huile est très pertinent : il serait intéressant d'en faire une expérimentation.

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Je salue la constance des deux rapporteurs, puisque nous avons eu ce débat dès 2014.

La réforme de 2014, qui a donné la loi du 16 janvier 2015, avait concilié efficacité et équité en prenant en considération les solidarités historiques, non celles fondées sur le passé révolu mais celles construites au cours des précédentes décennies, qui traduisent une volonté de vivre et de partager ensemble. Je défends pour ma part l'idée que l'histoire est celle que les femmes et les hommes font en prenant des décisions qui dépassent leurs intérêts à court terme, mais dont les effets sont globaux et peuvent être systémiques. Le maintien ou non d'un département dans une région doit tenir compte d'un certain nombre de critères qui avaient été définis à l'époque dans l'étude d'impact. Que se passe-t-il par exemple si un département qui représente près de 40 % du PIB d'une région la quitte ? C'est le cas de la Loire-Atlantique au sein de la région Pays de la Loire. Que deviendront les autres départements de la région : le Maine-et-Loire, la Sarthe, la Mayenne, la Vendée ? Les citoyens qui ont contribué eux aussi à la richesse de la région risquent de se trouver sans solution.

La démarche démocratique est essentielle, nous en sommes d'accord – mais elle doit s'appliquer à l'ensemble des habitants des régions d'origine et de rattachement.

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Je répondrai sur un plan général, et Paul Molac point par point.

Madame Karamanli, vous notez notre constance, mais c'est la détermination des Bretons et des habitants de la Loire-Atlantique qui nous y oblige. Elle remonte au moment de la séparation. C'est pourquoi nous nous mobilisons sur ce dossier.

On nous reproche de légiférer pour un département, mais je ferais remarquer à M. Gouffier Valente, qui est le premier à avoir émis cette critique, qu'il a cosigné une proposition de loi visant à supprimer la métropole du Grand Paris. N'est-ce pas un texte qui ne regarde que Paris et les Parisiens ? De même, monsieur Saulignac, la loi « montagne » concerne l'Ardèche, mais pas la Bretagne. Elle traite des spécificités de certaines parties du territoire. L'obligation d'équiper son véhicule de pneus hiver n'est pas vraiment utile en Bretagne… Il arrive donc que le législateur adopte des textes qui ne s'appliquent qu'à un seul département.

Le présent texte permettra de trancher démocratiquement une question qui est une véritable arlésienne. Il ne se passe pas une élection en Bretagne ou en Loire-Atlantique sans que les électeurs interrogent les impétrants pour leur demander quelle sera leur position sur le sujet. Il faut avancer et finir par trancher. Si on veut le faire de manière raisonnable, il convient de savoir ce que veulent les habitants de la Loire-Atlantique. C'est ce que nous proposons. Si les Ligériens déclarent vouloir être rattachés à la Bretagne, nous continuerons – et comptez sur Paul Molac et tous les élus bretons pour le faire de manière démocratique. S'ils le refusent, le débat sera clos et nous pourrons passer sereinement à autre chose.

Je passe maintenant la parole à Paul Molac, que je remercie de m'avoir associé à ce dossier sur lequel il est engagé depuis longtemps.

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Certains indices nous font penser que les habitants de Loire-Atlantique souhaitent le rattachement de leur département à la Bretagne mais, tant qu'une vraie consultation n'a pas été organisée, on ne peut en être certain. Vous voulez que l'on demande immédiatement l'avis de tous les départements concernés, mais si la Loire-Atlantique refuse le rattachement, que fait-on ?

Notre texte vise à mettre en évidence un problème. Pour le résoudre, la loi ne suffira pas. Il faudra dans un second temps engager des consultations et des discussions entre les élus des deux régions, voire avec ceux du Centre-Val de Loire. Ce n'est pas à moi, Breton, de dire aux autres comment ils doivent s'organiser ! J'en discuterai avec eux, puisqu'en tant que député, je serai appelé à participer au processus, mais ma volonté n'est pas d'imposer quoi que ce soit.

On se focalise sur la Loire-Atlantique parce qu'une demande s'exprime tant par la population que par le conseil départemental et qu'il n'y a pas, à ma connaissance, d'autres départements en France qui se trouvent dans cette situation ; mais la proposition de loi s'adresse à tous les départements limitrophes d'une autre région, et pas à la seule Loire-Atlantique.

Nombre d'entre vous ont évoqué la loi de 2015. À l'époque, j'avais voté contre et j'avais même fait l'explication de vote au nom du groupe Écologiste. Je pense qu'elle n'a réglé aucun problème, bien au contraire, elle en a ajouté, en créant de grandes régions que les citoyens ne réussissent pas à s'approprier. S'ils ne se sentent pas concernés, il ne faut pas s'étonner que les régions marchent mal – puisqu'on me dit qu'il n'y a qu'en Bretagne que cela fonctionne !

L'application de l'article 40 a en effet empêché l'examen des amendements visant à prévoir l'organisation d'une telle consultation dans d'autres départements. Toutefois, avec le texte que nous vous soumettons et compte tenu de l'état du droit, rien n'empêche d'autres présidents de départements de demander une modification des limites territoriales des régions ou de consulter les électeurs sur celle-ci.

Certes, notre rédaction n'est pas très prescriptive. On pourrait imaginer, sous réserve de sa recevabilité financière, de la compléter en prévoyant qu'en cas de demande issue du terrain, provenant soit de la population soit du conseil départemental, l'État organise une consultation – en lui laissant décider du périmètre de celle-ci. Il me semble, monsieur Pfeffer, que ce serait préférable à votre amendement qui supprime une possibilité et ajoute une condition.

Attention à ne pas retenir des critères qui empêcheraient le processus d'aboutir. Par exemple, le droit d'option imposait que toutes les collectivités prennent des décisions concordantes à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, qu'une consultation locale aille dans le même sens et que dans chacun des départements des régions concernées des consultations aboutissent au même résultat. De surcroît, on exigeait, me semble-t-il, une participation minimale ! Quand on met de telles conditions, il est clair qu'on veut que rien ne change. C'est un peu comme pour le référendum d'initiative partagée : j'avais dit aux collègues socialistes qu'avec toutes les conditions exigées, aucun ne pourrait avoir lieu. Jusqu'à présent, je n'ai pas été démenti.

Nous votons parfois des dispositions que nous savons inapplicables. Mais il faut aussi que nous tenions compte des demandes du terrain. Or il existe un certain consensus entre les élus bretons sur ce point. Un très grand nombre de communes de la Bretagne historique demandent le rattachement. La question est donc à peu près tranchée chez nous. Néanmoins, il ne s'agit pas d'obliger quiconque à s'engager dans cette voie. Nous ne voulons pas imposer un redécoupage des régions. Ce que nous disons, c'est que la question se pose, et qu'il faut essayer de la trancher démocratiquement, et de trouver ensuite, par une réflexion collective, une issue qui satisfasse le plus grand nombre.

Je remercie Mme Laernoes, Mme Le Hénanff, M. Saint-Huile et Mme Josso pour leur soutien à cette proposition de loi. J'ai pris bonne note des interrogations de Mme Karamanli. Serons-nous capables de construire quelque chose ensemble dans un second temps ? Je le répète : ce texte n'est qu'un commencement. Il faudra ensuite discuter. La loi de modification des régions est entièrement à construire – mais c'est une autre affaire.

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La suite de la discussion est renvoyée à cet après-midi, dix-sept heures trente.

La séance est levée à 13 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Mickaël Bouloux, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, M. Charles Fournier, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, Mme Sandrine Le Feur, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Julie Lechanteux, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Aurélien Pradié, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Benjamin Saint-Huile, M. Nicolas Sansu, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Sabine Thillaye, Mme Cécile Untermaier, M. Christopher Weissberg

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Thomas Portes, M. Davy Rimane, M. Thomas Rudigoz

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sandrine Josso, Mme Julie Laernoes, Mme Anne Le Hénanff, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, M. Kévin Pfeffer, M. Sébastien Rome, M. Philippe Schreck, M. Jean-Luc Warsmann