Nous partageons tous la même inquiétude face à la montée de l'abstention, scrutin après scrutin, devant ce fossé qui se creuse entre les citoyens et les élus. On parle parfois de fatigue démocratique ; le terme me paraît traduire avec justesse le sentiment collectif qui saisit notre pays.
Nous avons des raisons d'être inquiets, car la démocratie est fragile. Elle doit être constamment entretenue. Il ne faut pas avoir peur de l'interroger : toute réflexion est la bienvenue quand il s'agit de faire en sorte que la démocratie reste vivante. À cet égard, nous remercions le groupe LIOT et le rapporteur de nous inviter à cette réflexion.
Traditionnellement, mon groupe est réticent, voire opposé à la reconnaissance du vote blanc. Le fait de dépasser le seuil de 50 % des suffrages exprimés assoit la légitimité. On pense tous à l'apparition à la télévision du visage du vainqueur, à vingt heures, le soir du second tour de l'élection présidentielle, accompagné du pourcentage des suffrages exprimés. Si le chiffre devait être inférieur à 50 %, le symbole ne serait pas aussi puissant. C'est d'ailleurs ce qui se serait passé en 2012, lors de l'élection du président Hollande, si les votes blancs avaient été comptabilisés. Cela dit, le temps passe et les Français savent bien que ce n'est pas grâce à une majorité d'entre eux qu'un président est élu : le « mythe » des 50 % a été quelque peu écorné. Compte tenu du nombre élevé de bulletins blancs, notamment aux élections présidentielles – plus de 3 millions en 2017 et encore plus de 2,2 millions en 2022 –, la question de leur prise en compte se pose. Il faut donc ouvrir le débat.
Le vote obligatoire est une autre affaire. Ce n'est pas dans la culture de notre pays. Il y a un côté Janus dans le vote : c'est à la fois un droit et un devoir. On ne saurait le considérer uniquement sous l'angle du devoir. L'élément le plus problématique dans votre proposition, c'est la sanction prévue, quand bien même son montant – 11 euros – est minime, car elle visera pour l'essentiel les citoyens les plus défavorisés, qui sont également ceux qui s'abstiennent le plus. Nous sommes donc beaucoup plus réservés s'agissant de l'article 2.
Sous la précédente législature, Stéphane Travert et moi-même avions rédigé un rapport, dans le cadre des travaux d'une mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale. Nous avions constaté à quel point les chiffres étaient impressionnants : 3 millions de nos compatriotes ne sont pas inscrits sur les listes électorales et 7 millions environ sont mal inscrits, soit 10 millions au total. Une réflexion concernant les modalités d'inscription sur les listes électorales peut donc être engagée. À cet égard, vos propositions vont dans le bon sens. Certains des amendements déposés sont eux aussi intéressants.