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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Cette proposition de loi a le mérite de nous faire débattre d'un sujet intéressant. Elle suscite, néanmoins, des interrogations et présente certaines fragilités.

Le vote blanc consiste à déposer dans l'urne une enveloppe vide ou contenant un bulletin dépourvu de tout nom de candidat, ce qui indique une volonté de se démarquer du choix proposé. L'offre politique étant considérée par une partie croissante de nos concitoyens comme déficiente, la réforme proposée pourrait constituer une avancée. La loi du 21 février 2014 a déjà permis la reconnaissance du vote blanc en prévoyant que de tels bulletins sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal.

Il est possible que la prise en compte du vote blanc entraîne son succès électoral et fragilise in fine l'ensemble du système politique. Que se passera-t-il en cas de répétition d'une même élection, avec les mêmes candidats et le même taux d'abstention ? Quel sera le point de sortie ? Il manque une dimension essentielle, l'analyse qualitative de la désaffection électorale.

La participation baisse, globalement, en France et en Europe, mais les citoyens se déplacent pour voter malgré les changements de calendrier électoral et l'insuffisante institution de certaines modalités de vote, comme le vote par correspondance et le vote dématérialisé, auxquels le Conseil d'État fait désormais référence de manière claire pour les temps de pandémie. Nous regrettons que les articles 40 et 45 de la Constitution s'appliquent trop strictement et nous empêchent de débattre de ces questions.

Pour ce qui est du vote obligatoire, nous ferons trois observations.

Si plusieurs États imposent de voter, les conditions prévues concrètement varient. La loi est parfois symbolique et plutôt impuissante. Dans d'autres cas, un suivi systématique des non-votants est effectué et on applique des sanctions.

Une conséquence du vote obligatoire est que le nombre de votes aléatoires peut être très élevé. Les électeurs qui votent contre leur gré peuvent choisir un candidat au hasard, notamment en prenant le premier bulletin disponible. Ils satisfont à une obligation, mais les effets de celle-ci sont dès lors contestables.

Quant à la cause légitime susceptible de justifier le non-vote, je m'interroge à titre personnel : être exclu de la vie économique et sociale depuis fort longtemps, être devenu pauvre et désabusé ne constitue pas forcément un motif juridique recevable, mais peut être une raison psychologique pour laquelle on ne fait plus le lien entre le vote et sa situation personnelle. Il me semble que le débat n'est pas clos sur ce point.

Pour ce qui est de l'inscription automatique sur les listes électorales, les modalités pratiques devront être détaillées et il faudra, pour des raisons d'efficacité, augmenter les moyens mobilisés.

Le vote électronique à distance, qui modifierait fortement la donne, devrait faire l'objet d'une réflexion collégiale, publique et contradictoire dans le cadre du développement d'une véritable République numérique.

Si nous pouvons être sensibles à la cohérence de cette proposition de loi, ses effets risquent d'être limités et la confiance n'en sortira pas forcément renforcée. Le groupe Socialistes et apparentés attend des éclaircissements sur les amendements déposés et réserve donc son vote.

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