L'abstention progresse partout en France. Lors de l'élection présidentielle de 2022, elle a atteint un niveau record : 28,0 %. Aux législatives qui ont suivi, elle s'est hissée à des sommets inédits : 53,7 %, contre 51,3 % en 2017. Le renforcement de l'engagement et de la participation des Français aux scrutins, que vous proposez à travers ce texte, apparaît donc comme une nécessité. De cette participation dépend la représentativité réelle des élus. C'est pourquoi les députés du Rassemblement national approuvent en partie cette proposition de loi.
Le taux de participation aux élections est symptomatique d'une crise de nos institutions et, comme vous le soulignez, d'une méfiance évidente des Français à l'égard du personnel politique, notamment au niveau national. Une étude réalisée au début de l'année 2022 pour le Cevipof – Centre de recherches politiques de Sciences Po – indiquait ainsi que 37 % des personnes interrogées éprouvaient de la méfiance à l'encontre du personnel politique et 40 % de la lassitude.
L'instauration d'un nouveau régime applicable au vote blanc, que vous proposez à l'article 1er, contribue, à cet égard, à faire entendre la voix des électeurs qui ne s'estimeraient pas représentés. Faire apparaître le vote blanc dans le résultat d'un scrutin nous semble donc crucial : cela permettra d'assurer une meilleure représentation de ces Français silencieux.
Toutefois, la prise en compte du vote blanc ne doit pas être synonyme de paralysie. De ce point de vue, la proposition tendant à prononcer l'annulation d'un scrutin lorsque les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés ne nous semble pas opportune : elle risque de figer trop longtemps les institutions. Par ailleurs, cette procédure entraînerait d'importantes charges financières. Or celles-ci incombent à l'État, donc aux contribuables.
Nous vous soumettrons donc des amendements visant à soutenir la reconnaissance du vote blanc sans pour autant le hisser au même rang que les votes exprimés en faveur des prétendants en lice.
En ce qui concerne l'article 2, nous doutons que la menace brandie à l'encontre des personnes qui ne souhaiteraient pas participer aux scrutins constitue un encouragement à le faire. Renforcer l'engagement et la participation des Français aux élections doit passer non par une contrainte mais par une incitation.
Vous nous objecterez sans doute, en vous référant aux exemples belge et australien, que le vote obligatoire assorti de sanctions a fait éclore de beaux fruits si l'on en juge d'après le taux de participation dans les pays ayant fait ce choix. Il n'en demeure pas moins que voter est un droit et que les Français ne doivent pas y être contraints par la menace d'une sanction, car ils risqueraient alors de devenir parfaitement hostiles aux processus électoraux. Les politiques punitives, en toute matière, contribuent – à juste titre – à la lassitude de nos compatriotes envers la politique.
Nous émettrons donc, par voie d'amendement, une réserve quant au fait d'infliger une amende aux Français qui n'iraient pas voter.
L'automatisation de l'inscription sur les listes électorales nous paraît, en revanche, de nature à faciliter la participation et à encourager les Français à retourner aux urnes. C'est une manière d'affranchir nos compatriotes d'une démarche administrative : cela ne pourra pas vous être reproché.
Ce texte a le mérite de nous rappeler les symptômes de la crise de la représentation que nous traversons. Faut-il croire, à l'instar de ce qu'expliquait Pierre Manent devant l'Académie des sciences morales et politiques, que « le gouvernement représentatif, invention de l'État moderne et de son prolongement américain », soit « une élaboration politique complexe que nous ne savons plus ni admirer, ni défendre, ni désirer » ? C'est parce que nous entendons défendre cette forme politique que nous voterons en faveur de l'article 1er. En revanche, nous sommes réservés à l'égard des mesures punitives prévues à l'article 2. Nous nous abstiendrons donc sur l'ensemble du texte.