La « crise démocratique » : nous lisons régulièrement ces mots dans la presse et nous les entendons au quotidien à la radio et à la télévision. Nous traversons une crise qui voit trois Français sur quatre estimer que notre démocratie va mal. Le fondement de cette crise est dans l'affaiblissement du lien, on pourrait même dire le fossé – j'espère que ce n'est pas encore un gouffre –, entre les citoyens et les élus. Le principal indicateur en est l'abstention généralisée.
Quelles suites a-t-on données à ce constat ? On n'a pas fait grand-chose : on a parlé de la reconnaissance du vote blanc sous la présidence de François Hollande, et on a fait un petit pas en la matière. N'aurait-on pas dû faire de cette question une priorité ? En dehors d'un cycle encore limité de réunions au sujet des institutions, à l'instigation de la présidente de l'Assemblée, notre ordre du jour n'a pas répondu aux attentes des citoyens. C'est cette atonie qui nous a poussés à inscrire dans notre niche cette proposition de loi : il n'est pas acceptable de ne pas apporter une réponse à une telle situation. Les citoyens, notamment les jeunes, souhaitent faire entendre leur voix. Notre groupe souhaite, par ce texte, renforcer la participation des électeurs et notre vie démocratique.
La première mesure, soutenue par plus de 80 % des Français est une reconnaissance réelle du vote blanc. Lorsqu'un électeur se déplace pour mettre un bulletin blanc dans l'urne, il remplit son devoir de citoyen. Cet acte ne devrait pas être traité sur le même plan qu'un bulletin nul. Si les bulletins blancs sont décomptés séparément, force est de constater qu'ils n'ont pas de réelle valeur. Le Président de la République considère que le vote blanc est celui de la facilité. Cette vision ne correspond pas à l'esprit du suffrage universel tel qu'il a été pensé à partir de 1792. Chaque citoyen a une entière liberté en ce qui concerne son bulletin de vote. Cela implique le droit de choisir un candidat ou de ne pas en choisir. Ce texte permettra une prise en compte réelle des bulletins blancs dans les suffrages exprimés. Une telle avancée devrait faire l'unanimité compte tenu de la demande citoyenne.
J'en viens à la deuxième mesure. Il nous semble que la participation obligatoire aux élections devrait être un corollaire de la reconnaissance du vote blanc, en vue de renforcer la mobilisation citoyenne. Lorsque l'abstention au second tour des élections législatives dépasse 53 %, une évolution du droit électoral est nécessaire. Exprimer sa voix en tant qu'électeur est non seulement un droit, mais également un devoir, qui vous oblige. En réponse aux critiques ou aux craintes exprimées par certains, non, l'objet de cette proposition de loi n'est en aucun cas de blâmer ou de punir les électeurs. Il ne s'agit pas davantage d'adopter une logique de contrainte ; au contraire, ce texte vise à mobiliser les citoyens et à faire appel à leur sens civique. La réaffirmation du devoir de participation électorale conjuguée à la pleine reconnaissance du droit à l'expression d'un désaccord sur l'offre politique est une solution d'équilibre face à l'abstention.
Afin d'assurer la mise en œuvre de ces évolutions, le texte prévoit des mesures permettant de veiller à l'inscription automatique sur les listes électorales. Il y aura notamment une inscription d'office sur les listes électorales lorsqu'un citoyen atteint l'âge légal pour voter, lorsqu'une personne vient d'acquérir la nationalité française ou encore lorsqu'on signale un déménagement.
C'est dans un esprit de refondation, de confiance retrouvée, de reconnaissance mutuelle et de responsabilité partagée que la présente proposition de loi a été construite. Plusieurs amendements de suppression ont été déposés. Vous exercez votre droit d'amendement, chers collègues, je le comprends et je l'accepte, mais je vous demande de laisser une chance à cette proposition de loi, au lieu de la vider de sa substance. La question posée mérite un vrai débat.