Cette proposition de loi a un objectif louable, que nous partageons : renforcer l'engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique. Votre constat est celui d'un désintérêt croissant des Français pour les élections, d'une abstention qui s'aggrave. Cela conduit jour après jour à un procès en illégitimité ou en absence de représentativité des élus de la République, ce qui met profondément en danger nos institutions.
Pour résorber au moins en partie cette crise démocratique, vous proposez trois solutions intéressantes : rendre le vote obligatoire, annuler les élections lorsque le vote blanc représente plus de 50 % des suffrages, à part l'élection présidentielle, et rendre automatique l'inscription sur les listes électorales.
La question du vote obligatoire nous renvoie à la conception que chacun a du vote. Est-il un devoir envers la société ou un droit individuel dont chacun use librement ? Dans un pays libéral, au sens noble du terme, où la liberté doit primer, il ne nous semble pas pertinent d'imposer à nos concitoyens de voter. Nous considérons que tout citoyen jouit, en même temps que du droit de vote, du droit de ne pas en user : il est libre de donner son avis pour la gestion des affaires publiques, de ne pas l'exprimer ou même de pas en avoir.
La question de la prise en compte des votes blancs en tant que suffrages valablement exprimés est épineuse. On ne saurait mettre sur le même plan l'électeur qui se déplace dans un bureau de vote pour faire savoir que l'offre politique ne lui convient pas et celui qui ne s'y rend pas. Pour rappel, la loi du 21 février 2014 a engagé un début de reconnaissance du vote blanc en le distinguant du vote nul. Désormais, les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés aux procès-verbaux des élections. Cette reconnaissance juridique, bien que constituant un premier pas, demeure symbolique puisqu'elle est sans incidence réelle sur le scrutin.
Reconnaître pleinement le vote blanc supposerait de lui donner une certaine force, et c'est ce que cette proposition de loi tend à faire en annulant les élections, une seule fois, lorsque plus de 50 % des suffrages exprimés sont des votes blancs. Je me suis véritablement posé la question : n'est-il pas effectivement légitime de réorganiser une élection lorsque plus de la moitié des votants ne se sont pas rendus dans les bureaux de vote, afin d'exprimer leur insatisfaction à l'égard de l'offre politique ? À ce stade, si les arguments relatifs à la légitimité des représentants me séduisent, d'autres, notamment ceux qui concernent la stabilité de nos institutions, me font douter.
Afin d'éviter tout blocage, vous proposez de n'annuler qu'une seule fois les élections. La suivante ne subirait pas le même sort, quand bien même plus de 50 % des suffrages exprimés seraient des votes blancs. Des garde-fous doivent bien sûr être mis en place pour éviter tout blocage institutionnel ; mais quelle serait la légitimité de celui qui serait élu dans un second temps avec un tel taux de votes blancs ?
Par ailleurs, il me semble nécessaire de préciser que dans le cadre d'un scrutin proportionnel, par exemple lors des élections européennes, lesquelles approchent, les sièges doivent être répartis sans tenir compte des votes blancs, afin de s'assurer que l'ensemble des sièges sont pourvus. Peut-être faudrait-il aussi réfléchir à l'application du principe du décompte des votes blancs au seul premier tour, afin d'éviter toute fragilisation de la légitimité des représentants élus au second tour.
Si le groupe Horizons et apparentés est absolument convaincu du bien-fondé de l'inscription automatique sur les listes électorales, nous proposerons un amendement visant à préserver le pouvoir du maire en la matière et à s'assurer des modalités pratiques du dispositif.
Bien que cette proposition de loi ne modifie pas notre Constitution, elle bouscule bon nombre d'équilibres institutionnels. Notre groupe est plus que réservé sur ce texte, à l'exception de l'article 3.