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Intervention de Benjamin Saint-Huile

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Saint-Huile, rapporteur :

Je vous propose une expérience nouvelle, malgré une ambiance qui n'y est pas propice : essayer de trouver un compromis. Je vous ai entendus, les uns et les autres. Il existe des différences, mais aussi des convergences. Ici, nous nous amusons souvent à regarder les différences, parfois même à les surjouer, les caméras et les micros aidant à la mise en scène.

S'agissant du vote blanc, des convergences sont possibles. On peut s'interroger sur le seuil de 50 % et voir si on peut procéder autrement. Pour ce qui est du vote obligatoire, je comprends que vous y êtes très majoritairement opposés. En revanche, vous êtes plutôt ouverts aux dispositions relatives à l'inscription sur les listes électorales, moyennant un peu de réécriture.

Je vais revenir sur les éléments développés par les uns et les autres, et j'essaierai de trouver une solution lorsque nous examinerons les amendements, afin que cette matinée soit réellement utile. Il faudrait qu'un texte ayant un sens parvienne en séance.

Madame Guévenoux, vous dites que comptabiliser les votes blancs aurait pour conséquence de nous priver durablement d'élus, mais cet argument ne s'applique pas à la proposition de loi puisque, si le premier scrutin est annulé en raison d'un taux de bulletins blancs supérieur à 50 % des suffrages exprimés, un deuxième devra être organisé dans les vingt à quarante jours, et il ne pourra pas être annulé.

Le Rassemblement national n'est pas convaincu par le seuil des 50 %, qui risquerait selon lui d'être une source de blocage. M. Fournier, de son côté, a déposé un amendement visant à relever le seuil à 60 %. Soyons clairs : à la dernière présidentielle, il y a eu 6 % de votes blancs et 2 % de bulletins nuls. Néanmoins je peux entendre vos craintes, et je donnerai un avis favorable à l'amendement de M. Fournier pour les évacuer.

Madame Garrido, si j'ai apprécié votre citation de Camus – avec lequel je suis d'accord –, nous n'avons pas tout à fait la même conception de notre avenir démocratique, car je ne suis pas de ceux qui défendent l'instauration d'une VIe République. À travers les propositions que vous formulez il y a néanmoins la recherche légitime d'une régénérescence de la démocratie que je peux soutenir, même si je n'utiliserais pas les mêmes termes que vous pour qualifier la Constitution actuelle, qui est notre repère à tous.

Monsieur Breton, n'auriez-vous pas subi un petit traumatisme quand s'est dessiné sur l'écran de télévision en 1981 un visage que vous ne souhaitiez pas voir apparaître ? Je vous taquine. La proposition de loi ne concerne pas l'élection présidentielle, précisément parce que nous sommes conscients de la difficulté que vous soulevez.

D'autre part, vous dites que le groupe Les Républicains est par principe plutôt hostile à la reconnaissance du vote blanc, mais une proposition de loi reprenant presque à l'identique notre texte vient d'être déposée par M. Viry et une partie de vos collègues… Je vous laisse le temps du cheminement mais je suis persuadé que, moyennant un certain nombre de précautions comme celle concernant le seuil, nous pouvons faire converger nos vues.

Madame Jacquier-Laforge, j'ai pris bonne note de votre opposition radicale au vote obligatoire mais je sais l'intérêt que le groupe Démocrate porte culturellement à la reconnaissance du vote blanc. Vous avez évoqué, à juste titre, la question de la proportionnelle – de même que M. Lemaire. Je l'ai dit dans mon propos liminaire : dans cette proposition de loi, il n'y a pas tout. Il s'agit d'une niche parlementaire, ce qui impose des choix. Si nous avions écrit noir sur blanc l'ensemble des règles qui devraient s'appliquer, le texte aurait compris vingt-cinq articles, nous aurions passé beaucoup de temps à l'examiner et il n'aurait pas abouti. Nous avons choisi un angle d'attaque, de manière à ouvrir le débat.

Il est évident que, pour la répartition des sièges à la proportionnelle, il ne faudrait pas prendre en compte le vote blanc. Si vous le souhaitez, nous pouvons rédiger un amendement dans ce sens d'ici à l'examen en séance. Et si, par chance, l'article 1er n'est pas totalement déshabillé en commission, nous pourrions, madame Jacquier-Laforge, envisager de déposer en séance un autre amendement relatif à l'expérimentation que vous appelez de vos vœux.

Madame Karamanli, je considère que la réforme de 2014 a été inopérante. Vous dites que le mécanisme d'annulation risquerait d'être sans fin – et les collègues du Rassemblement national craignent que son coût soit trop élevé. C'est précisément la raison pour laquelle la proposition de loi prévoit que, si un certain seuil de bulletins blancs est franchi, le scrutin est annulé et un nouveau organisé, mais que, ensuite, on s'arrête là.

Vous estimez, monsieur Lemaire, que cela remettrait en cause la légitimité d'une personne élue au terme d'un scrutin comportant 50 % ou plus de bulletins blancs, mais la situation est la même aujourd'hui : quand on est élu député, comme c'est mon cas, avec moins de 40 % de participation, peut-on considérer que notre légitimité est inébranlable ? Ce que nous proposons, ce sont des outils nouveaux.

Je suis moins d'accord avec l'idée que le vote obligatoire conduirait à un vote aléatoire. Les expérimentations menées dans d'autres pays montrent que lorsqu'on rend le vote obligatoire, on oblige les gens à s'intéresser à l'élection et qu'une acculturation politique se réalise progressivement.

Pour ce qui concerne la répartition des sièges, le seuil de remboursement des frais de campagne ou la fusion des listes, il faudrait que nous rédigions ensemble des amendements afin que les votes blancs ne soient pas comptabilisés, de sorte que les petites formations politiques ne soient pas pénalisées.

Monsieur Fournier, votre amendement relevant le seuil à 60 % permettrait peut-être une convergence de vues. Je considère que la question du vote à 16 ans est centrale. Cela n'est pas de mon ressort, mais peut-être que si votre amendement avait porté sur l'article 3 et l'inscription sur la liste électorale, il eût été jugé recevable. Quoi qu'il en soit, si demain il y a une volonté de reconnaissance du vote blanc et que la question du vote obligatoire est posée, il faudra bien renforcer l'éducation à la citoyenneté.

Monsieur Sansu, j'ai entendu votre message et votre réticence à l'égard du vote obligatoire. Je préférerais que nous n'adoptions pas d'amendement de suppression de l'article 2 car cela enverrait un mauvais signal, mais je ne crois pas que cet article sera adopté. Nous pourrions ainsi examiner en séance une proposition de loi comportant l'article 1er modifié et l'article 3 lui aussi modifié. Ce serait intéressant.

Monsieur Bernalicis, je ne prétends pas avoir tout examiné, mais, à ce stade – Mme Garrido pourra en témoigner –, aucun des chercheurs que nous avons rencontrés n'a mis en avant la question de l'incitation à voter. Le débat porte plutôt sur la sanction à appliquer si le vote devient obligatoire. On peut toujours imaginer que la promesse qu'on vous offrira un coup à boire si vous allez voter peut jouer, mais je pense que la question est plus complexe que cela.

Monsieur Gosselin, je ne crois pas que la responsabilisation de l'électeur et la reconnaissance du vote blanc soient contradictoires. On peut même considérer que cette reconnaissance provoquerait une augmentation du nombre de votants, ce qui renforcerait la légitimité de l'élection.

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