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Intervention de Charles Fournier

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles Fournier :

Je remercie le groupe LIOT d'avoir pris l'initiative de déposer la proposition de loi, même si son titre – j'y reviendrai – me semble un peu décalé par rapport à son contenu. Avoir déposé ce texte dans le contexte actuel, c'est-à-dire dans ce qu'on peut appeler la séquence des retraites, où tous les symptômes d'un affaiblissement, d'une crise démocratique sont présents est utile : cela permet d'ouvrir, en tout cas je l'espère, un débat et une séquence plus larges.

La démocratie est une matière vivante, précieuse et fragile. Nous devons la remettre sur l'établi de manière très régulière. Quand deux tiers des Français – soit dix points de plus qu'il y a dix ans – considèrent que notre démocratie ne fonctionne pas bien, il est urgent de s'attaquer à cette question.

La proposition de loi repose essentiellement sur des évolutions du code électoral. Vous proposez la reconnaissance du vote blanc, l'instauration du vote obligatoire et l'inscription automatique sur les listes électorales.

Nous assistons effectivement à un long processus de désaffection à l'égard des urnes, l'abstention étant galopante, mais interpréter ce phénomène comme étant seulement un désintérêt, un éloignement, serait une erreur profonde. Il y a aussi une signification politique, et d'autres formes de participation se développent. Faire du vote le symbole unique du fonctionnement démocratique serait une erreur. Il faut s'intéresser également à ce qui se passe entre deux élections, et ce n'est pas en changeant le thermomètre que nous réglerons le problème profond de notre démocratie.

J'appelle plutôt à travailler sur une démocratie continue, permanente, pour sortir de situation actuelle, qui est une forme de démocratie de délégation : « Élisez-moi et dormez tranquillement, je m'occupe de tout pendant cinq ans. » Ce qui se passe entre deux élections est extrêmement important. En la matière, pléthore de choses peuvent être imaginées : un RIP – référendum d'initiative partagée – digne de ce nom, un travail sur des conventions citoyennes qui ne soient pas de la démocratie événementielle mais qui permettent de structurer notre vie démocratique, des jurés citoyens, etc. J'espère que nous aurons l'occasion de débattre de tout cela.

La proposition de loi est centrée sur la question électorale, au sujet de laquelle vous faites trois propositions.

Les écologistes sont depuis longtemps favorables à la reconnaissance du vote blanc, même s'il faut raison garder. Toutes les abstentions ne se transformeraient pas forcément en votes blancs. Il faut regarder ce qui se passe ailleurs : on voit que l'efficacité de telles mesures est discutable, y compris en Belgique, où on ne recouvre même plus les amendes prévues. S'agissant du pouvoir que vous voulez, en fin de compte, redonner aux citoyens, nous proposons de modifier le seuil, pour le porter de 50 à 60 % à ce stade. Il nous semblerait risqué de provoquer une nouvelle élection qui pourrait produire le même résultat, ou en tout cas la même insatisfaction.

Vous proposez également de répondre à la mal-inscription électorale. Je ferai peu de commentaires sur ce point, car nous sommes là en plein accord avec vous. Actuellement, 10 % de l'électorat potentiel est mal inscrit, particulièrement dans les quartiers populaires et chez les plus jeunes. Il est urgent d'agir.

En revanche, nous sommes en désaccord, philosophiquement, avec l'idée du vote obligatoire. Cela nous semble contraire à l'esprit des Lumières, qui fait reposer le système du vote sur une implication volontaire des citoyens. Par ailleurs, le vote obligatoire nous paraît peu efficace : dans d'autres pays, cela ne règle pas le problème profond que connaît la démocratie. Il se situe ailleurs, je l'ai dit. Enfin, des risques existent, nous semble-t-il, sur le plan constitutionnel. Nous nous opposerons donc à l'article 2.

Je n'ai pas compris l'irrecevabilité, au titre de l'article 45 de la Constitution, d'un amendement concernant le vote à 16 ans. Je ne vois pas en quoi il n'y aurait aucun lien avec le texte. Il s'agit d'inscrire les gens sur les listes électorales et de lutter contre l'abstention.

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