La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La présidente de l'Assemblée nationale a reçu le 17 avril 2023, du ministre de l'intérieur et des outre-mer, une communication l'informant de la réélection : le samedi 15 avril 2023, de Mme Eléonore Caroit, députée de la deuxième circonscription des Français établis hors de France ; le dimanche 16 avril 2023, de M. Meyer Habib, député de la huitième circonscription des Français établis hors de France, et de M. Karim Ben Cheikh, député de la neuvième circonscription des Français établis hors de France.
La parole est à M. Paul Vannier, pour exposer sa question, n° 304, relative au projet Cap Héloïse à Argenteuil.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Dans son sixième rapport, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) dresse une nouvelle fois un état des lieux accablant des conséquences du productivisme sur le climat et nos écosystèmes. Les scientifiques ne cessent de le répéter : il est encore temps de transformer nos modes de consommation et de production pour éviter d'atteindre le seuil critique des 2 degrés de réchauffement d'ici à 2050.
C'est au regard de cette urgence vitale que j'interroge le ministre de la transition écologique sur le projet dit des promenades d'Argenteuil, conçu par le promoteur Fiminco. Ce projet vise en effet à construire, dans ma circonscription, un multiplexe de plus de 40 mètres de hauteur, trois tours de 30 mètres de hauteur et un centre commercial. Cet ensemble de béton doit être coulé sur l'île Héloïse, à proximité immédiate de la Seine, en pleine zone inondable.
II aurait pour conséquences la disparition de la salle Jean-Vilar, haut lieu de la vie associative locale, l'étouffement du petit commerce du centre-ville et du cinéma indépendant d'Argenteuil, la privatisation d'un espace public et l'accroissement des pollutions. Il s'accompagnerait en outre de l'abattage de quatre-vingts arbres, dont certains sont centenaires, et provoquerait donc la disparition des paysages peints par Monet et les impressionnistes.
Le projet dit des promenades d'Argenteuil est tout aussi inutile qu'imposé.
L'enquête publique s'est conclue par un avis défavorable, fondé sur la loi de 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ainsi que sur le code de l'environnement. Près de 10 000 habitants ont exprimé leur opposition dans une pétition lancée par un collectif citoyen, le comité Jean Vilar. Des recours en justice ont été formés pour obtenir l'annulation du permis de construire, dont certains sont toujours en cours.
Quelle que soit l'issue de ces procédures judiciaires, c'est la responsabilité politique du Gouvernement, directement engagée, que je souhaite interroger. En 2021, la loi « climat et résilience » fixait l'objectif de zéro artificialisation nette à l'horizon 2050. Le 14 juin dernier, le Gouvernement annonçait un plan de 500 millions d'euros pour développer des îlots de fraîcheur dans les villes.
Le projet dit des promenades d'Argenteuil est manifestement incompatible avec ces deux objectifs, puisqu'il consiste à artificialiser des sols en pleine terre et à détruire un îlot de fraîcheur naturel pour le remplacer par un cube de béton.
Monsieur le ministre délégué, êtes-vous prêt à faire passer la défense des biens communs avant l'intérêt des promoteurs ? Quelles actions comptez-vous engager pour protéger de la bétonisation l'île Héloïse d'Argenteuil et, plus largement, les berges de la Seine et de nos fleuves ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Vous m'interrogez sur un projet très local qui anime la ville d'Argenteuil depuis plusieurs années. Il n'est pas de tradition qu'un ministre prenne position sur des instructions locales, mais je vais vous livrer ma compréhension du dossier, de sa procédure et de son impact.
Le projet dit des promenades d'Argenteuil, conçu par la société Fiminco, prévoit la construction d'un centre commercial, de logements et d'un cinéma multiplexe sur le site de l'île Héloïse d'Argenteuil. Une concertation a été menée avec l'ensemble des habitants de la commune pour modifier et préciser le projet de la société Fiminco.
Cette méthode est celle que le Gouvernement soutient auprès des porteurs de projets : une concertation bien faite, à l'écoute des autorités et des riverains, est le gage d'un projet et d'une étude d'impact de qualité. Les autorisations sont alors toujours plus solides et le projet s'intègre généralement mieux dans le cadre de vie.
Je remarque d'ailleurs que ce projet permet d'augmenter les espaces de nature, ce qui va dans le sens d'une meilleure adaptation au changement climatique et d'une meilleure protection de la biodiversité. Il a suivi toutes les étapes administratives d'autorisation requises, tant au niveau de la collectivité qu'au niveau des services de l'État, et a ainsi bénéficié d'une autorisation environnementale délivrée par le préfet en 2019.
Un collectif d'opposants a déposé une requête devant la justice administrative pour interdire le projet. La procédure contentieuse est toujours en cours, et vous comprendrez que je ne prenne pas position sur cette affaire tant qu'une décision au fond n'aura pas été rendue.
Même si la procédure a été respectée, des interrogations légitimes se sont exprimées, comme c'est le cas pour chaque projet ayant un impact sur l'environnement. Les services de l'État ont entendu ces oppositions et ont réalisé une analyse fine de tous les impacts du projet sur l'environnement.
S'agissant de son impact sur la nature et la biodiversité, je relève qu'il prévoit l'implantation de 224 arbres pour compenser les abattages prévus. Quant au risque élevé d'inondation, les services me confirment qu'il respecte la réglementation applicable aux zones inondables.
Je remercie les services de l'État pour le suivi régulier et technique qu'ils ont assuré de ce projet très local afin d'accompagner les porteurs du projet, les collectivités et les riverains. Ce suivi se poursuit et le sous-préfet d'Argenteuil recevra très prochainement les opposants au projet.
La parole est à M. Yannick Haury, pour exposer sa question, n° 317, relative à l'objectif zéro artificialisation nette et aux serres agricoles.
Dans ma circonscription, la conférence organisée au début de l'année par le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du pays de Retz, responsable du schéma de cohérence territoriale (Scot), a mis en évidence des discordances entre les données de l'agence d'urbanisme, qui l'accompagne dans la mise en œuvre de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN), et celles issues de la base de l'Observatoire national de l'artificialisation des sols (Onas), produites par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui sert d'outil national de référence.
Pourtant, la question des données de départ est primordiale, car elles servent de référence et doivent traduire fidèlement les consommations passées. À titre d'exemple, pour la commune de Machecoul-Saint-Même, un pic de consommation de plus de 200 hectares apparaît en 2019, car le Cerema a pris en compte dans son calcul les serres maraîchères, qui ont une vocation agricole. Or, la lutte contre l'artificialisation vise notamment la préservation de la capacité des terres à nous nourrir.
En outre, à la différence de ce qui est prévu pour les locaux d'exploitation agricole, les maires ne délivrent pas de permis de construire pour l'installation de serres dites multichapelles. Ils verraient ainsi une partie des terrains de leurs communes s'artificialiser sans qu'il leur soit permis de maîtriser ce phénomène. Dans ces conditions, les élus seraient dans l'impossibilité de planifier et de gérer la consommation du foncier dans leur commune.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre délégué, les modalités de calcul retenues pour arrêter le point de départ, donnée essentielle pour apprécier la trajectoire foncière des communes ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Chaque année, 21 000 hectares d'espaces agricoles, naturels et forestiers sont consommés en moyenne en France, soit près de cinq terrains de football par heure. Ce phénomène a des conséquences non seulement écologiques – érosion de la biodiversité, aggravation du risque de ruissellement, limitation du stockage du carbone –, mais aussi socio-économiques – coût des équipements publics, augmentation des temps de déplacement et de la facture énergétique des ménages, dévitalisation des territoires en déprise, diminution du potentiel de production agricole, etc.
La France s'est donc fixé l'objectif d'atteindre zéro artificialisation nette des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2030. Pour la première décennie, l'objectif est de réduire la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, définie comme « la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés ».
En tout état de cause, l'objectif zéro artificialisation nette n'emporte pas l'arrêt de toute construction. Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d'urbanisme.
Vous m'interrogez sur le cas spécifique des nouvelles serres qu'un agriculteur pourrait vouloir installer. Vous le savez, seuls les châssis et serres dépassant 2 000 mètres carrés de surface et une hauteur de 1,80 mètre sont soumis à un permis de construire. En dessous de ces seuils, les serres de moins de 1,80 mètre ne sont soumises à aucune procédure et les serres de moins de 2 000 mètres carrés et de plus de 1,80 mètre sont soumises à une simple déclaration préalable.
Les serres agricoles ne seront donc pas considérées comme emportant une consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers, sauf si elles sont intégrées dans un espace urbanisé, et ce jusqu'en 2031. En revanche, à compter de 2031, tout bâti sera considéré comme une surface artificialisée au-delà d'un seuil réglementaire. Les serres ne devraient représenter qu'un flux très modeste à l'échelle d'une commune.
Enfin, au-delà des jalons fixés pour l'application de cette grande ambition collective et de la comptabilisation des surfaces, le Gouvernement a proposé à plusieurs reprises de garantir que toutes les communes rurales bénéficient d'une possibilité de construction, en particulier lorsqu'elles ont peu construit par le passé. Des propositions de loi sont en cours de discussion sur ce sujet au Parlement.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour exposer sa question, n° 310, relative à la classification des organismes nuisibles.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique, dont je regrette l'absence dans notre hémicycle au début de cette semaine de contrôle.
Les nuisibles – plus prudemment appelés espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (Esod) – créent de véritables difficultés, pour ne pas dire qu'ils sont de véritables fléaux, dans nos territoires. Qu'il s'agisse d'oiseaux, de mammifères, d'insectes ou de plantes, un certain nombre d'espèces végétales ou animales menacent les activités humaines, et même la biodiversité.
Au moment où les agriculteurs commencent leurs semis, la présence importante, à certains endroits, de choucas des tours, de corneilles ou de corbeaux freux peut provoquer d'importants dégâts dans les champs.
Si des arrêtés préfectoraux permettent de réguler un peu les populations, ils sont très souvent attaqués en référé, laissant à chaque fois planer le doute sur les possibilités de lutter contre ces espèces envahissantes.
Très concrètement, les dégâts occasionnés ne sont pas hypothétiques : ces espèces anéantissent en effet bon nombre de cultures. L'impact financier n'en est pas anodin, puisqu'il représente des milliers d'euros de pertes pour certaines exploitations – sans omettre le fait qu'aucune indemnisation n'est prévue pour les agriculteurs faisant face à ces attaques incessantes, si l'on excepte le cas des chasseurs pour les sangliers.
Au-delà des corvidés, la prolifération d'autres espèces est également préoccupante : celle du datura – sur lequel j'ai posé une question écrite au Gouvernement restée sans réponse –, du frelon asiatique, des chenilles processionnaires ou encore des fourmis. De prime abord, parler des fourmis pourrait sembler anecdotique pour beaucoup, mais pas à Saumur. Les fourmis Tapinoma Magnum – très présentes à Saumur, mais aussi dans le Sud-Ouest – ont littéralement envahi des quartiers entiers, créant de nombreux préjudices pour les habitants.
Si les collectivités et les particuliers agissent du mieux qu'ils peuvent, il n'existe aujourd'hui pas de protocole national prenant en considération les risques occasionnés par ces espèces. La gestion des nuisibles est non seulement une question de santé publique, mais aussi une question de souveraineté nationale. Nous devons nous donner les moyens de lutter contre toutes les espèces envahissantes, sous peine d'un véritable déclassement pour la France.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre délégué, la manière dont le Gouvernement – en particulier votre collègue Christophe Béchu – envisage cette question et quels moyens il emploie pour soutenir les acteurs de nos territoires face à l'aggravation des invasions ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Certaines espèces d'animaux chassables peuvent porter atteinte aux intérêts énumérés au II de l'article R. 427-6 du code de l'environnement, notamment ceux relatifs à la santé publique, aux activités agricoles ou encore à la faune et à la flore. À ce titre, et par un classement en tant qu'espèce susceptible d'occasionner des dégâts, elles peuvent faire l'objet d'une régulation complémentaire à celle de la chasse.
Le classement en Esod n'a pas pour but d'éradiquer les espèces concernées, qui jouent par ailleurs un rôle souvent important pour la biodiversité. Il vise en revanche à réguler les espèces concernées afin de limiter les perturbations et les dégâts qu'elles peuvent provoquer.
Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires procède actuellement à l'analyse des propositions de classement départementales adressées par les préfets afin d'établir le prochain arrêté de classement triennal des Esod de groupe 2. Le travail en cours porte sur l'étude détaillée des demandes et motifs de classement éclairés des dernières décisions jurisprudentielles. Il tient compte des caractéristiques géographiques, économiques et humaines propres à chaque territoire. Ainsi, les données concernant l'abondance, qui varie sensiblement d'un territoire à l'autre et d'une espèce à l'autre, sont soigneusement prises en compte pour décider de classer ou non l'espèce. L'arrêté 2023-2026, en préparation, paraîtra après consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, ainsi que du public, pour une entrée en vigueur en juillet prochain.
Je vous remercie pour ce rappel des faits, mais malheureusement, vous n'abordez pas le cœur du sujet. Les Esod sont une vraie préoccupation en milieu rural.
Plutôt que de parler d'Esod, on devrait d'ailleurs employer le vrai terme : il s'agit de nuisibles,…
…puisqu'ils nuisent à nos agriculteurs comme aux territoires ruraux. Les cultures étant en danger, la réponse que vous apportez n'est vraiment pas à la hauteur des enjeux.
Je regrette par ailleurs que vous n'ayez pas répondu sur la fourmi Tapinoma Magnum, dont les destructions sont connues depuis cinq ans et pour laquelle il n'existe aucun protocole, d'autant que l'on interdit de nombreuses molécules qui permettraient d'attaquer les espèces nuisibles. Il faut aller au-delà du politiquement correct imposé par les animalistes, qui souhaitent réduire toujours un peu plus la liste des nuisibles. Le Gouvernement doit donc absolument se saisir de cette question.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 311, relative aux emprunts toxiques.
Je regrette, tout comme notre collègue Blin, l'absence du ministre Béchu. C'est dommage.
Nous abordons une semaine de contrôle du Gouvernement et dès les premières minutes, le ministre concerné n'est pas là… Vous êtes naturellement le bienvenu, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, mais tout de même ! Bref, passons.
Dans le Centre Manche, le Point fort environnement est un syndicat mixte qui traite les déchets de 120 000 habitants, cela grâce à un réseau de déchetteries, un centre d'enfouissement, une usine de méthanisation – d'ailleurs à l'arrêt pour malfaçons – et un centre de tri. Depuis des années, il souffre d'une dette abyssale de plusieurs dizaines de millions d'euros, liée à des emprunts toxiques alors bien vendus par des établissements bancaires, il faut le rappeler.
En effet, la dette a doublé après la crise financière de 2008 et l'explosion de la parité euro-franc suisse. Malgré une renégociation, malgré les efforts du syndicat lui-même – et je salue la volonté, le travail de ses élus, je reconnais l'aide importante de l'État –, la situation reste délicate. Les collectivités adhérentes ont dû augmenter leur contribution et cela s'est répercuté en grande partie sur les contribuables et sur les usagers.
Sans cette dette toxique, le syndicat mixte se porterait bien. Plusieurs options sont possibles pour l'aider ainsi que les collectivités concernées.
Ce peut être la prolongation de l'aide de l'État au-delà de 2028, afin de préserver les budgets nécessaires aux investissements, encore très difficiles à financer, et ainsi maintenir voire développer le Point fort environnement – autrement dit, une sorte de mesure conservatoire.
Ce peut être la mise à contribution solidaire des banques afin de solder les emprunts toxiques, car elles continuent de s'enrichir de façon scandaleuse. Le cadre juridique de la loi de finances pour 2014 – qui, étonnamment, vise à réduire la responsabilité de ces établissements – pourrait être utilement modifié dans ce sens.
Ce peut enfin être un cantonnement des dettes, à prévoir dans un prochain texte de loi – ne parle-t-on pas beaucoup de décentralisation ?
Malgré plusieurs alertes, malgré un travail important des élus, je le redis, des collectivités, et même d'un collectif citoyen qui s'est constitué il y a peu, de nombreuses questions restent en suspens. Je souhaite donc savoir sous quelles formes le Gouvernement entend prolonger l'accompagnement des collectivités qui demeurent en difficulté – le Point fort environnement en particulier.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Comme vous l'indiquez, la crise des emprunts à risque souscrits par les collectivités locales et leurs établissements publics a conduit l'État à mettre en place un fonds de soutien par la loi de finances initiale pour 2014. Celle-ci permet de prendre en charge une partie des indemnités de remboursement anticipé de leurs encours les plus risqués. Le dispositif de soutien a été abondé à la fois par l'État et par le secteur financier, par le moyen d'une contribution spécifique, à hauteur de 11,5 millions d'euros par an, et d'une contribution additionnelle à la taxe de risque systémique.
Les banques ont également été mises à contribution, puisque 66 % de la charge du financement du fonds de soutien leur incombe et qu'elles ont pris en charge, au 31 décembre 2017, 36 % du montant des indemnités de remboursement anticipé des collectivités bénéficiaires du fonds. Au 31 décembre 2019, sur les 677 collectivités et établissements publics locaux ayant déposé un dossier au titre du fonds de soutien, 580 entités ont signé une convention pour 998 prêts et pour un montant d'aide total de 2,6 milliards d'euros. Fin 2019, le montant total des aides effectivement décaissées s'élève à 810 millions d'euros et 87 % des prêts toxiques ont été remboursés de manière anticipée. C'est pourquoi il ne s'agit plus de revoir les équilibres et les conditions de ce fonds.
Néanmoins, comme vous le soulignez à travers le cas du syndicat mixte le Point fort environnement, il existe des cas ponctuels plus complexes. Ces situations relèvent désormais du droit commun de l'accompagnement par l'État, en particulier avec les dispositifs de soutien financier ou avec le travail sur les grands équilibres de ces structures. À ce titre, des points réguliers sont faits entre la préfecture et le Point fort environnement, qui s'est réorganisé et a mis en place la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.
J'ai déjà posé cette question à Jacqueline Gourault il y a deux ans et elle m'avait donné, à l'époque, les mêmes chiffres que ceux que vous venez de me citer, ceux de 2017 et ceux de 2019. C'est très bien, mais nous sommes en mai 2023. Je trouve étonnant que le Gouvernement n'ait pas de chiffres plus à jour. De plus, la réponse est la même. Il est vrai que l'État a agi il y a quelques années. Cependant, la question n'est pas de savoir ce qu'il a fait hier mais comment aujourd'hui, demain, il peut accompagner des collectivités telles que le Point fort environnement.
Encore une fois, les banques se sont gavées et l'État ne s'est pas montré vigilant en conseillant les collectivités comme il aurait dû le faire. Vous le savez très bien et c'est ce qui explique les dispositions que j'évoquais de la loi de finances pour 2014. Je trouve par conséquent votre réponse quelque peu indigente et, pour tout dire, décevante.
La parole est à M. David Valence, pour exposer sa question, n° 314, relative aux lignes de desserte fine du territoire.
Ma question concerne les lignes de desserte fine du territoire, à savoir les petites lignes ferroviaires sur lesquelles je travaille depuis de nombreuses années et dont je me suis fait un défenseur.
Pendant des décennies, ces lignes ont souffert d'un sous-investissement plus chronique et massif encore que le reste du réseau ferroviaire. Ce sous-investissement n'était pas toujours explicitement assumé, mais il a conduit à la multiplication des ralentissements, à la dégradation des temps de parcours, et donc de l'attractivité du train pour les voyageurs, voire à des fermetures de lignes.
À la suite du rapport du préfet François Philizot, le Premier ministre d'alors, Édouard Philippe, et son ministre délégué chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, ont engagé, sous l'autorité du Président de la République, un premier plan d'action dans les Vosges, à Girancourt, en février 2020, afin de définir une stratégie, pour ces lignes de desserte fine du territoire, avec la région Grand Est, première région à signer un accord avec l'État en la matière.
Cet accord a été suivi de nombreux autres avec la plupart des régions françaises, entérinant des financements publics en forte croissance pour la régénération de voies ferrées trop négligées jusque-là.
Il est notamment prévu, dans la région Grand Est, que la régénération de trois lignes classées dans les catégories UIC 7 à 9 de l'Union internationale des chemins de fer soit financée à 100 % par SNCF Réseau à compter du 1er janvier 2024. Il s'agit des lignes Épinal-Nancy et Épinal-Remiremont et de la section Raon-l'Étape-Saint-Dié-des-Vosges de la ligne Nancy-Saint-Dié-des-Vosges.
Ma question concerne ces trois lignes des Vosges et de Meurthe-et-Moselle. Plusieurs incidents récents – notamment des bris de voies le 21 avril dernier – ont hélas illustré la vétusté d'infrastructures pourtant électrifiées, en particulier des coupons de rail fondus à la fin du XIX
L'urgence qui s'attache à engager des travaux de régénération importants sur ces lignes est certes reconnue par SNCF Réseau, mais aucun calendrier n'est présenté par cette entreprise publique. Pouvez-vous par conséquent, monsieur le ministre délégué, nous assurer qu'elle se prépare réellement à engager des travaux d'importance sur les lignes Saint-Dié-des-Vosges-Nancy, Remiremont-Épinal et Épinal-Nancy, au plus vite à compter de 2024, comme elle s'y est engagée dans l'accord signé à Girancourt en février 2020 ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
En l'absence de mon collègue chargé des transports, Clément Beaune,…
…permettez-moi tout d'abord de saluer devant la représentation nationale l'engagement que nous partageons en faveur du développement des services ferroviaires pour votre territoire, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens.
Vous le savez, le protocole d'accord sur l'avenir des lignes ferroviaires de desserte fine, signé le 20 février 2020 entre l'État et la région Grand Est, en présence de SNCF Réseau, définit les modalités de prise en charge pour la prochaine décennie des dix-sept petites lignes identifiées dans ce cadre.
Deux d'entre elles sont prises en charge à 100 % par SNCF Réseau après épuisement des moyens mis en place dans le cadre du contrat de plan État-région (CPER) 2015-2022 : Nancy-Remiremont, pour les sections Blainville-Épinal et Épinal-Remiremont, et Nancy-Saint-Dié-des-Vosges, section Raon-l'Étape-Saint-Dié-des-Vosges.
Les financements nécessaires ont été fournis par l'État et la région pour la période 2020-2022, tandis que l'État a alloué à titre exceptionnel une enveloppe de 12,8 millions d'euros pour financer à 100 %, avec le concours de SNCF Réseau, les travaux de régénération de la ligne Nancy-Épinal en 2023.
Je vous confirme qu'en s'appuyant sur les ressources qui lui sont allouées par son contrat de performance, SNCF Réseau déploiera les moyens nécessaires au maintien de la qualité de service des lignes. La régénération est à sa charge, afin d'éviter tout risque de ralentissement, voire de suspension des circulations, et de limiter au maximum la gêne occasionnée aux usagers pendant la période des travaux.
Dans cet objectif, SNCF Réseau a confirmé la régénération programmée de 14 kilomètres de voies en 2024 et 2025 sur la section Raon-l'Étape-Saint-Dié-des-Vosges, ainsi que le remplacement, en 2024, de 37 kilomètres de rails sur la ligne Nancy-Épinal et de 17 kilomètres de rails sur la ligne Épinal-Remiremont, et ce afin d'éviter toute dégradation de performance sur ces lignes.
La parole est à M. Frank Giletti, pour exposer sa question, n° 323, relative à la ligne Carnoules-Gardanne.
Je souhaite vous interroger sur la réhabilitation de la ligne de chemin de fer reliant Carnoules et Gardanne.
En effet, semaine après semaine, le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale des projets de loi de plus en plus restrictifs envers les motards et les automobilistes, à l'instar des textes relatifs aux ZFE – zones à faibles émissions – ou au contrôle technique pour les deux-roues, au nom de l'incidence de la circulation routière sur l'environnement. Or si les grandes agglomérations concentrent les emplois, elles ont un effet d'éviction des classes populaires qui doivent y travailler en raison des prix du logement. Le Centre Var, et notamment l'agglomération Provence Verte, en constituent le parfait exemple. Le territoire est en effet concerné à la fois par la suppression des lignes de bus régionales, l'augmentation du trafic automobile moyen journalier, l'absence totale de lignes ferroviaires et la concentration des emplois sur les métropoles de Toulon Provence Méditerranée et d'Aix-Marseille-Provence.
Il existe pourtant une ancienne voie ferrée reliant Carnoules, Brignoles, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et Gardanne, ouvrant des possibilités de connexion vers Marseille et Aix-en-Provence ainsi que vers Toulon et Nice. De plus, la remise en état et la sécurisation de la ligne permettraient de se doter d'un axe de secours et ainsi de doubler la ligne existante liant Aix-en-Provence, Marseille et Toulon.
En 2019, sur proposition du ministère des armées, la ligne Carnoules-Gardanne a été retirée de l'inventaire du réseau stratégique de défense, mais elle n'a depuis fait l'objet d'aucune avancée majeure. Nous ne pouvons en outre pas compter sur l'exécutif de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui préfère investir 25 milliards d'euros dans un projet de ligne nouvelle, destructrice de l'environnement et endettant les Varois pour de très nombreuses années, avec une augmentation considérable des impôts, afin d'encore une fois desservir le littoral.
Ma question est donc la suivante : pourriez-vous porter une attention toute particulière à la réhabilitation de la ligne de chemin de fer entre Carnoules et Gardanne, laquelle permettrait un désenclavement du Centre Var et, par surcroît, une redynamisation économique de nos communes ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Le Gouvernement a fait le choix d'investir en priorité dans les infrastructures qui nous permettront de réussir la transition écologique, à commencer par les infrastructures ferroviaires. La Première ministre a ainsi annoncé un plan de 100 milliards d'euros d'ici à 2040, afin de mettre un terme au vieillissement du réseau et de le moderniser.
Nous sommes particulièrement soucieux de la sauvegarde des petites lignes ferroviaires actuellement exploitées et soutenons les travaux les concernant, dans le cadre de protocoles conclus avec les régions. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, la ligne de la Côte Bleue, celle de l'étoile de Veynes, ou encore celle de la Roya ont bénéficié de cet engagement.
La ligne Carnoules-Brignoles-Gardanne que vous évoquez est actuellement fermée et n'a plus été empruntée que par des convois militaires depuis les années 1980. Elle a néanmoins fait l'objet d'études en 2014, afin d'estimer le montant des investissements nécessaires pour la rouvrir au trafic de voyageurs et d'évaluer sa fréquentation potentielle. Eu égard aux résultats de cette étude, l'État et les collectivités concernées ont renoncé à poursuivre l'opération, le coût de l'investissement étant élevé et le potentiel de fréquentation limité.
Les discussions relatives à l'élaboration du volet mobilité 2023-2027 des contrats de plan État-régions, qui s'engageront prochainement, pourront être l'occasion d'aborder à nouveau la question de la réouverture de cette ligne si la région qui, comme vous le savez, est l'autorité organisatrice compétente pour les trains régionaux, le souhaite.
S'agissant enfin de la ligne nouvelle Provence Côte d'Azur, que vous avez également évoquée, il me semble important de souligner que les deux premières phases de ce projet déclaré d'utilité publique en octobre dernier sont principalement dédiées à l'amélioration du réseau existant, au profit des transports du quotidien entre Marseille, Toulon et Nice. Les habitants du Var en seront donc pleinement bénéficiaires.
Votre réponse n'est pas totalement satisfaisante, vous vous en doutez, alors qu'elle est très attendue par la population concernée, en l'occurrence un bassin de plus de 100 000 personnes.
Vous faites référence à une étude de 2014, conduite donc il y a près de dix ans et à un moment où la ligne était d'ailleurs encore réservée à l'armée – qui l'a exploitée jusqu'en 2019. Je vous prie donc de faire en sorte que vos services réétudient la question.
Il est possible d'imaginer de nombreux modes de déplacement doux, décarbonés, ce qui va tout à fait dans le sens de votre politique. Tout le monde sait que le secteur du Centre Var est embouteillé, congestionné, et qu'une ligne ferroviaire permettrait à des milliers d'habitants de se rendre de manière écologique sur leur lieu de travail et de rentrer ensuite à leur domicile.
La parole est à M. Frédéric Zgainski, pour exposer sa question, n° 328, relative à la réouverture de gares à Cestas.
Alors que le Président de la République a annoncé vouloir développer dix RER métropolitains sur le sol français et que la Première ministre a lancé un vaste plan d'investissement dans le ferroviaire, je souhaite évoquer la situation de ma ville de Cestas, en Gironde.
Cestas est mal reliée par le train, le mode de déplacement prioritaire étant la voiture. Cela s'explique par la fermeture de deux de ses trois gares : celle de Toctoucau, que la commune partage avec Pessac, et celle de Pierroton, fermées respectivement en 1987 et 2008. Ce manque de transports collectifs propres entraîne de nombreux problèmes, seule la gare de Gazinet restant fonctionnelle.
Sur le plan économique, les quartiers précédemment desservis par ces gares ne sont plus accessibles qu'en voiture. De nombreuses entreprises y sont pourtant présentes, constituant de forts bassins d'emplois. Malheureusement, les possibilités de recrutement sont limitées aux seuls détenteurs du permis B, excluant ainsi toute une partie de salariés potentiels et freinant le développement économique du territoire.
Sur le plan écologique et sanitaire, l'utilisation de la voiture comme seul moyen de transport génère un trafic routier important, engendrant une hausse des taux de particules fines dans l'air et des gaz à effet de serre.
La population locale, les salariés et les dirigeants m'alertent sur ce problème et plaident pour que les deux gares de Toctoucau et de Pierroton, qui n'auraient jamais dû être fermées, rouvrent afin d'améliorer l'offre de mobilité propre, de désengorger le secteur et de favoriser le développement de la zone. La réouverture de ces gares doit être une priorité dans l'optique d'adapter nos mobilités au changement climatique.
Au travers du financement des RER métropolitains, le Gouvernement pourrait-il soutenir et favoriser la réouverture des gares de Cestas ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Le service express régional métropolitain de Bordeaux, que vous évoquez, s'inscrit dans une démarche de développement et d'amélioration des transports urbains décarbonés, en vue d'offrir un meilleur accès aux centres urbains depuis les zones périurbaines. Ces transports du quotidien s'appuient notamment sur des dessertes ferroviaires plus fréquentes, cadencées, et sur des plages horaires élargies, afin de permettre un report modal du véhicule individuel vers les transports collectifs.
La démarche de développement de services express régionaux métropolitains est, vous l'avez souligné, fortement soutenue par l'État. Ce soutien s'est traduit par le cofinancement d'études de conception dans le cadre du plan de relance et se poursuivra dans les prochaines années, en cohérence avec les orientations annoncées par la Première ministre lors de la remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), le 24 février dernier.
La réouverture des haltes de Toctoucau et de Pierroton ne fait pas partie de la feuille de route du projet définie par les acteurs locaux. Je vous invite donc, ainsi que les collectivités intéressées par ces réouvertures, à vous rapprocher des collectivités partenaires, à savoir la région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux Métropole et le département de Gironde, afin d'envisager d'éventuelles études d'opportunité visant à évaluer la pertinence de réouvertures. Il convient de concilier le souci d'assurer un accès le plus simple et le plus large possible à ces nouveaux services et le coût, l'augmentation du temps de trajet et les contraintes techniques qu'ils pourraient induire.
Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour cette réponse. Pour compléter ma question, je souhaitais savoir si, à Cestas comme ailleurs en France, le versement des subventions de l'État dans le cadre des projets de RER métropolitains sera conditionné, entre autres, à la réouverture de gares.
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour exposer sa question, n° 312, relative aux charges sur le logement.
Vous le savez, la crise du logement est la prochaine bombe sociale. Il est déjà le premier poste de dépense des ménages et son coût n'est pas près de diminuer, notamment dans les zones en tension telles que les agglomérations ou, comme chez moi, le littoral.
Les causes sont nombreuses, mais l'une de celles dont on parle trop peu est le maquis des prélèvements et des normes pesant sur l'habitat, et plus particulièrement sur l'habitat locatif. Impôt sur le revenu, contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), taxe foncière, impôt sur la fortune immobilière (IFI), contribution sociale généralisée (CSG), contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ou encore droits de mutation : toutes ces charges se cumulent et peuvent porter le taux réel d'imposition des investisseurs locatifs à plus de 70 %.
À ces prélèvements directs, il faut ajouter les charges indirectes que sont l'audit énergétique obligatoire et l'interdiction des passoires énergétiques, sans oublier le plafonnement des loyers, qui s'applique à ce jour dans vingt-quatre communes. Enfin, le zéro artificialisation nette et la disparition du dispositif Pinel viennent compléter le tableau.
Le but de mon propos n'est pas de critiquer ces contraintes en tant que telles. Nous le savons, elles financent les services publics et le modèle social français auquel nous tenons, et contribuent à la transition environnementale, qui est impérative. Mais la priorité des Français, avant de se loger vert ou de se loger vertueux, est de se loger tout simplement.
Quand on veut lutter contre le tabac, on crée des taxes sur le tabac. En ce qui concerne le logement, l'accumulation des prélèvements obligatoires envoie le même message aux investisseurs : surtout, n'investissez pas dans le logement, ne rénovez pas, ne faites pas de locatif, car en France, vous serez taxés comme nulle part ailleurs ! Si l'on continue comme cela, la pénurie de logements s'accélérera et, avec elle, l'inflation déjà amorcée du coût du logement et donc des loyers.
Alors que vous prévoyez, sauf erreur de ma part, d'annoncer des mesures pour le logement mardi prochain, allez-vous fusionner, exonérer, alléger, bref simplifier ce maquis qui entraîne actuellement une grave crise du logement dans notre pays ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Vous avez raison, c'est moi-même qui ai employé cette expression, le logement risque d'être une bombe sociale dès le mois de novembre et nous travaillons d'arrache-pied pour éviter cette crise.
Les prélèvements obligatoires liés au logement se sont élevés à 88 milliards d'euros en 2021, près d'un tiers de cette somme étant des dépenses de TVA portant sur les charges liées à l'occupation ou aux investissements en logement.
La politique du logement bénéficie néanmoins d'un soutien spécifique et les aides fiscales demeurent très importantes. Avec plus de 14 milliards de dépenses fiscales en 2023, il s'agit même d'une politique particulièrement redistributive. Ces dépenses soutiennent une grande variété d'agents économiques, qu'il s'agisse des professionnels de la construction et de l'immobilier, des acteurs du logement social ou des particuliers.
La stratégie nationale est désormais orientée vers la conciliation des objectifs de sobriété foncière et de décarbonation, tout en répondant au besoin évident de logement de nos concitoyens. Elle se concrétise par des dispositifs soutenant la rénovation, comme l'éco-PTZ – éco-prêt à taux zéro – ou le mécanisme de déficit foncier, dont je rappelle que le plafond est doublé jusqu'en 2025 pour les propriétaires bailleurs qui entreprennent des travaux de rénovation énergétique de leur logement mis en location.
Les locataires bénéficient également d'un soutien massif grâce au dispositif des aides personnalisées au logement (APL), avec plus de 15,4 milliards d'euros de prestations versées en 2022 à plus de 5,8 millions de ménages – les APL ayant d'ailleurs été revalorisées de manière anticipée le 1er juillet dernier.
L'impératif de rénovation s'applique à l'ensemble du parc de logements, privé ou social. C'est bien sûr un enjeu de lutte contre le changement climatique, mais également d'amélioration de la qualité des conditions de vie de nos concitoyens et de protection de leur pouvoir d'achat.
Le Gouvernement est au rendez-vous de cette ambition, avec des niveaux de soutien financier sans précédent. Ainsi, pour 2022, 4,6 milliards de subventions directes ont été distribuées aux particuliers pour la rénovation énergétique de leurs logements, à travers les dispositifs MaPrimeRénov' – plus de 3 milliards au total – et les certificats d'économie d'énergie – 1,5 milliard. Les travaux de rénovation énergétique bénéficient également d'une TVA réduite à 5,5 %, qui a représenté en 2022 un soutien additionnel de près de 2 milliards.
Enfin, les travaux du Conseil national de la refondation, qui ont notamment pour objectif d'orienter au mieux le soutien au logement dans ses trois dimensions économique, sociale et environnementale, donneront lieu à une restitution le 9 mai prochain.
Je vous remercie d'avoir rappelé ces éléments, qui ne m'avaient pas échappé. Nous sommes d'accord, les revenus locatifs doivent, comme tout revenu, participer au financement de notre pays et de son modèle social ; mais nous ne pouvons pas continuer indéfiniment à prendre d'une main ce que nous redistribuons de l'autre. Au-delà d'un certain taux d'imposition, la base se trouve asphyxiée et les recettes fiscales finissent par décroître. C'est d'ailleurs le président Macron qui, dans un but de modération fiscale, a créé la flat tax sur les revenus du patrimoine pour booster les recettes. À quand une flat tax immobilière ?
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour exposer sa question, n° 326, relative à l'hébergement d'urgence.
En octobre dernier, je vous avais interrogé sur la dramatique situation des enfants à la rue et sur la nécessité de rétablir les 14 000 places d'hébergement d'urgence que vous aviez voulu supprimer dans le projet de loi de finances pour 2023. En Ille-et-Vilaine, département de ma circonscription, le nombre de places d'hébergement d'urgence a augmenté depuis le début de l'année. À la suite de vos engagements, monsieur le ministre délégué, il faut le souligner, il y a eu de nouvelles prises en charge à l'hôtel et dans les centres d'hébergement d'urgence pour les familles. Une cellule de veille pour mettre à l'abri les familles et les enfants laissés à la rue a aussi été mise en place.
La fin de la trêve hivernale est toutefois source d'inquiétudes. Des familles pourraient être contraintes de retourner dormir dans la rue ou dans des abris de fortune. À Rennes, 300 personnes, dont près de 200 enfants, seraient concernées. Nul besoin d'expliciter qu'un retour à la rue aurait inévitablement des conséquences dramatiques. À la fin de la trêve hivernale s'ajoute le commencement du desserrement parisien en prévision des Jeux olympiques et paralympiques. Le corollaire de cette décision du Gouvernement est la hausse des besoins d'hébergement d'urgence en dehors de Paris, notamment en Bretagne.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger l'ensemble des enfants et leurs familles en été comme en hiver ? Plus concrètement, allez-vous attribuer les nécessaires crédits complémentaires pour l'hébergement d'urgence ? Ils sont attendus. Une cohérence de vos engagements est indispensable face à l'urgence humanitaire que connaît la France. La remise à la rue des enfants serait une véritable honte !
Il m'est impossible d'évoquer les problématiques relatives à l'hébergement d'urgence sans mentionner les valeurs de solidarité et d'humanité que défend le tissu associatif. En plus de contribuer au développement solidaire des territoires, les associations concourent à garantir le principe de dignité humaine. Que serait la France sans ses associations ? Alors que toute personne a droit à des conditions d'accueil décentes et à un hébergement digne, ce sont les associations qui, le plus souvent, pallient les manquements de l'État en remplissant des obligations qui relèvent pourtant de sa compétence.
Face à une telle implication du monde associatif, il importe que le Gouvernement s'interroge sur la pertinence du régime fiscal qu'il fait peser sur les associations, en particulier dans un contexte de saturation de l'hébergement d'urgence. La fragilité financière des associations pourrait en effet mettre en péril leurs actions, voire leur existence. Envisagez-vous de faire évoluer le régime subventionnel et fiscal applicable à ces associations ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
L'hiver 2022-2023, caractérisé par des périodes de grand froid, a conduit, sous mon impulsion ainsi que celle d'autres personnes, dont vous-même, monsieur le député, le ministère de la ville et du logement à se mobiliser fortement pour assurer la mise à l'abri du plus grand nombre et éviter que des enfants ou des ménages particulièrement vulnérables se retrouvent sans solution d'hébergement. Les situations que vous évoquez existent et, je le redis avec force, elles sont insupportables. Nous avons donc agi avec détermination.
Au plus fort de l'hiver, ce sont ainsi près de 250 000 places qui ont été ouvertes pour permettre l'accueil des plus démunis. J'ai demandé aux préfets de faire preuve de la plus grande vigilance à l'égard des enfants en bas âge, des personnes âgées ainsi que des personnes souffrant de maladies chroniques. Je veux rappeler l'effort fait par le Gouvernement, qui a réinscrit à cet effet un budget supplémentaire de 40 millions au programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables. Avant la fin de la trêve hivernale, j'ai convoqué les préfets pour leur demander de faire preuve de vigilance dans le traitement des situations afin que les plus précaires ne voient pas leur situation s'aggraver avec la perte de leur logement.
Au-delà de la réponse immédiate, et pour éviter les ruptures de parcours, nous déployons, dans le cadre du plan Logement d'abord, un ensemble de mesures qui ont permis, en l'espace de cinq ans, d'accompagner 440 000 personnes vers le logement et d'offrir des solutions durables à celles et ceux qui sont dans le besoin.
Par ailleurs, je lancerai le 16 mai prochain un observatoire du sans-abrisme avec les associations – dont je salue à mon tour le travail remarquable, notamment dans le cadre du partenariat avec le Gouvernement –, les services de l'État et des représentants des élus, afin d'œuvrer collectivement, sur la base de données chiffrées et objectivées, à améliorer encore davantage la qualité de la réponse apportée aux plus démunis.
Nous poursuivrons par ailleurs notre travail avec les associations sur la question de leur régime fiscal, question qui relève de la vie associative en général, puisqu'elle concerne toutes les associations.
Notre objectif est clair : nous souhaitons en finir avec la gestion au thermomètre et garantir un véritable accompagnement social. Nous le ferons notamment dans le cadre du plan Logement d'abord 2, qui prévoit la création de nouvelles places dans les pensions de famille ainsi que la poursuite du déploiement de l'intermédiation locative.
La parole est à M. Nicolas Pacquot, pour exposer sa question, n° 320, relative à MaPrimeRénov'.
Le dispositif MaPrimeRénov' connaît un véritable succès. Depuis sa création en 2020, en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique, il a permis aux propriétaires de logements de réaliser des travaux d'économie d'énergie. Ainsi, 1,25 million de foyers ont pu bénéficier de cette aide. Entre 2020 et 2021, le nombre de demandes a explosé : il a augmenté de 300 % ! En 2022, ce sont près de 700 000 logements qui ont bénéficié d'une rénovation énergétique grâce à MaPrimeRénov'. À l'heure où nous parlons de sobriété énergétique, je salue cette mesure, ainsi que la volonté du Gouvernement de rénover 700 000 logements par an.
Cependant, ce dispositif connaît aujourd'hui d'importants dysfonctionnements. Les retards dans les versements ou l'octroi de primes bien inférieures aux estimations réalisées avant les travaux plongent de nombreux foyers, parfois modestes, dans le désarroi et des artisans dans la difficulté, du fait du non-paiement des factures. C'est le cas pour un artisan de ma circonscription, chauffagiste à Montenois et spécialisé dans les installations de chaudières à granulés, qui se retrouve avec plus de 600 000 euros de factures impayées et la crainte de devoir mettre la clé sous la porte. Par ailleurs, des ménages sont dans l'obligation de contracter des prêts pour honorer leurs traites dans l'attente du versement de leur subvention.
Ces défaillances ne sont pas nouvelles. Déjà, en octobre dernier, la Défenseure des droits nous avait alertés sur la complexité à laquelle se heurtaient certains de nos concitoyens pour bénéficier de ce dispositif, sur l'absence d'interlocuteur susceptible d'accompagner les demandeurs en cas de difficultés et sur les retards dans l'instruction des dossiers. Ces anomalies ne sont pas incitatives. Elles sont même de nature à fragiliser l'attractivité de ce dispositif auprès de potentiels demandeurs. J'aimerais donc savoir quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre pour corriger au plus vite cette situation qui pèse sur certains de nos concitoyens et de nos artisans.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Je vous remercie pour votre question et vous prie d'excuser l'absence de Mme la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avec qui je partage la responsabilité de ce dossier.
Dans un contexte de forte demande et d'évolution de la plateforme informatique pour s'adapter à l'ambition accrue du dispositif MaPrimeRénov', certaines demandes ont pu en effet rencontrer des difficultés à aboutir dans les délais habituels. Le flux de dossiers en difficulté représente environ 2 % des quelques 700 000 dossiers déposés par an.
Pour y répondre, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a été fortement mobilisée au cours de la période 2021-2022 pour fluidifier le parcours usager, tout en maintenant un dispositif de contrôle interne efficace. L'Anah a ainsi mis en œuvre, depuis 2021, un ensemble de parcours et processus spécifiques pour traiter les dossiers en difficulté. Ils comprennent notamment une analyse permanente des remontées ; la sécurisation globale de la plateforme, pour limiter au maximum la survenance d'anomalies informatiques ; l'information et l'accompagnement systématiques des usagers en difficulté, afin de les rassurer sur le statut de leurs demandes et de les accompagner dans la résolution de leurs difficultés.
Fin 2022, il a été procédé à une nouvelle revue approfondie du processus de traitement des dossiers en difficulté pour continuer à les prendre en charge le plus rapidement possible. Plus récemment, certaines organisations professionnelles et patronales comme la Capeb – Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment – ont proposé de renforcer leur collaboration avec l'Anah afin de fluidifier le rythme des paiements.
Le Gouvernement reste toutefois pleinement conscient des difficultés que représentent les dossiers – certes minoritaires, mais toujours trop nombreux – pour lesquels les délais moyens d'instruction sont nettement dépassés. Sur les quelque 600 dossiers signalés par la Défenseure des droits en octobre 2022, 91 % ont déjà pu être accompagnés dans leurs démarches, les autres sont en cours de résolution. Nous continuons à travailler d'arrache-pied pour régler ces différents problèmes. Je souligne enfin que certaines des entreprises faisant actuellement état de leurs problèmes dans la presse ne sont pas exemptes de défauts.
La parole est à Mme Olga Givernet, pour exposer sa question, n° 316, relative à l'actualisation des zones d'indemnités de résidence dans les territoires frontaliers.
Dans nos territoires frontaliers avec la Suisse, on manque de professeurs. Nous manquons aussi de postiers, d'agents publics, de commerçants, de soignants et de personnels en général. La vie y est chère et les loyers sont inaccessibles pour une partie de la population si l'on veut se loger dignement. Nous souffrons d'un problème d'attractivité. L'État a du mal à recruter et à retenir les agents. Ceux qui s'installent voient leur niveau de vie chuter et beaucoup se retrouvent mal logés, trop riches pour le logement social, pas assez pour un parc privé sous tension.
Pourtant, il existe un outil pour compenser les différences de niveaux de loyer : les indemnités de résidence. Cet instrument ne fonctionne pas aujourd'hui. Les zones d'indemnités de résidence n'ont pas été actualisées depuis plus de vingt ans. Il en résulte une divergence entre l'évolution du coût de la vie et l'indemnité de résidence. Un exemple : dans ma circonscription de l'Ain, la commune de Ferney-Voltaire affiche des loyers proches de 20 euros le mètre carré, contre 13 à Toulon. Pourtant, les fonctionnaires affectés à Toulon touchent une indemnité au niveau maximal, alors que ceux affectés à Ferney-Voltaire ne touchent rien.
Par deux fois, sous la précédente législature, j'ai demandé la révision des indemnités de résidence. Par deux fois, on m'a répondu que la refonte du système devait s'inscrire dans une réforme globale de la politique de rémunération de l'État. Plusieurs rapports publics soulignent les fortes disparités territoriales en matière d'attractivité. Ainsi, en mars 2022, les travaux de la conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique ont cité explicitement le territoire du Genevois français de l'Ain et la Haute-Savoie.
Dès le début de la législature, nous avons alerté M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques. Il m'a reçue avec mes collègues haut-savoyards et il nous a écoutés. Je remercie le Gouvernement. Pouvez-vous nous exposer les pistes retenues par celui-ci pour améliorer l'attractivité de nos territoires frontaliers avec la Suisse et aider nos fonctionnaires face à la vie chère ? Une réforme du système des indemnités de résidence est-elle prévue et à quelle échéance ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de la transformation de la fonction publiques, Stanislas Guerini, avec qui nous travaillons sur ces questions et qui m'a chargé de répondre en notre nom à tous deux. Vous soulevez la question cruciale du déficit d'attractivité qui affecte les trois versants de la fonction publique dans tous les territoires, mais particulièrement dans le pays de Gex, que vous représentez, en raison de sa proximité avec la Suisse. En effet, le coût prohibitif des loyers et la concurrence créée par les salaires plus élevés de l'autre côté de la frontière y empêchent certains services publics, pourtant essentiels à nos concitoyens, de recruter et de fidéliser des agents.
Stanislas Guerini est particulièrement attentif à cette question et a d'ailleurs eu l'occasion d'échanger avec vous-même et les autres parlementaires élus dans cette zone frontalière. Il a ainsi annoncé une concertation dans les territoires avec l'ensemble des acteurs concernés pour trouver des solutions concrètes ; elle se tiendra d'ici à l'été. Nos services travaillent déjà sur deux axes : le zonage des indemnités de résidence, selon une logique de différenciation territoriale que M. Guerini promeut dans le cadre du chantier de refonte de l'accès aux carrières, des parcours professionnels et de la rémunération dans la fonction publique ; la facilitation de l'accès des agents publics à un logement proche de leur lieu d'exercice, qui sera particulièrement utile dans le pays de Gex compte tenu du montant des loyers.
M. Guerini et moi-même défendons ensemble ce projet, qui implique la mobilisation de tous les ministères et des collectivités territoriales. Nous investiguons plusieurs outils relatifs aux baux, à la construction de nouveaux logements ou encore au bon partage de l'information. Le Gouvernement est donc au travail pour rendre la fonction publique plus forte, plus attractive, et promouvoir un service public ambitieux, au service de nos concitoyens dans tous les territoires.
Je remercie le Gouvernement pour l'attention qu'il porte aux problèmes auxquels sont confrontées les zones frontalières. Même si, effectivement, les acteurs du territoire – élus locaux et services de l'État – sont mobilisés pour trouver des solutions de logement, un outil supplémentaire est nécessaire pour affirmer cette volonté politique.
La parole est à M. Victor Catteau, pour exposer sa question, n° 324, relative au calcul de l'indemnité de résidence des agents pénitentiaires.
Comme vous le savez, les agents pénitentiaires perçoivent une indemnité de résidence, soit une aide financière destinée à tenir compte des variations du coût de la vie selon les zones géographiques, qui fait partie intégrante de leur rémunération et est calculée en fonction de la commune d'affectation.
Or dans certaines communes, comme celle d'Annœullin, dans ma circonscription, les agents pénitentiaires n'en bénéficient pas, alors qu'ils y ont droit. Alors que cette commune a rejoint la métropole européenne de Lille en 2020, le montant de l'indemnité de résidence des agents de son centre pénitentiaire est maintenu à 0 %, alors qu'il devrait être revu à la hausse. Outre qu'elle est profondément injuste, une telle situation contrevient au décret du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des fonctionnaires qui dispose que « les agents affectés dans une commune faisant partie d'une même agglomération urbaine multicommunale délimitée lors du dernier recensement de population effectué par l'Institut national de la statistique et des études économiques bénéficient du taux le plus élevé applicable au sein de ladite agglomération ». Il n'est pas normal que ces agents pénitentiaires qui, je le rappelle, accomplissent une mission essentielle pour la société, en veillant à la bonne exécution des peines prononcées par la justice, ne perçoivent pas une rémunération juste et équitable.
Pour mettre fin à cette terrible injustice, je demande au ministre délégué chargé des comptes publics, M. Attal, si une actualisation prochaine des bases de données de l'Insee est prévue. Celle-ci, espère-t-on, mettra un terme à ce retard plus que dommageable pour les agents pénitentiaires d'Annœullin ; elle mettra peut-être en lumière un problème similaire dans d'autres communes qui n'aurait pas été signalé.
Je vous prie d'excuser l'absence de M. Attal, qui m'a chargé de répondre à votre question importante sur les conditions de versement de l'indemnité de résidence – lesquelles sont, vous l'avez dit, définies par décret. Cette aide, destinée à compenser les différences de coût de la vie selon les lieux d'exercice des agents publics, est attribuée en fonction d'un zonage déterminé selon des critères établis par l'Insee, qui sont communs à l'ensemble de la fonction publique ; il ne peut donc y être dérogé pour tenir compte de la situation particulière d'un établissement pénitentiaire, comme celui d'Annœullin auquel vous faites référence. En toute hypothèse, l'augmentation que vous demandez appellerait une actualisation de la base de l'Insee, dans la mesure où depuis 2001, la possibilité pour les communes d'être périodiquement reclassées n'existe plus et où la prise en compte des modifications de la composition des agglomérations urbaines existantes et de la création de nouvelles agglomérations n'est prévue qu'après chaque recensement général de la population effectué par l'Insee. L'administration n'a donc plus, malheureusement, la possibilité matérielle d'actualiser le classement des communes dans les trois zones d'indemnités de résidence, ce qui peut, je le reconnais, paraître incongru. Conscients du problème, nous engageons des travaux en lien avec ceux, plus généraux, portant sur l'attractivité de la fonction publique. Ils donneront lieu à la concertation nécessaire avec les organisations syndicales et les employeurs publics, pour remettre à plat ce zonage.
Pouvez-vous avancer une date pour le début de ces travaux, afin d'apporter une réponse aux agents pénitentiaires concernés, qui attendent cette augmentation de leur rémunération ?
Je n'ai pas de date précise ; je m'assurerai qu'une réponse sur ce point vous soit communiquée par écrit.
La parole est à M. Bruno Bilde, pour exposer sa question, n° 325, relative au site industriel de Maxam Tan à Mazingarbe.
Il y a presque deux ans, le 17 mai 2021, une page s'est tournée pour les soixante-douze salariés du site industriel classé Seveso seuil haut de Mazingarbe dans le Pas-de-Calais. Le Gouvernement aura été totalement absent et inutile dans ce dossier, incapable de relancer l'activité et d'exiger d'un patron voyou, contrôlé par un fonds d'investissement américain, qu'il prenne ses responsabilités.
Je vous rappelle les belles paroles prononcées par votre ex-collègue Alain Griset, lorsqu'il répondait en tant que ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises à une question que je posais ici même en décembre 2020 : « Il ne serait […] pas acceptable que la fermeture de Mazingarbe soit organisée froidement pour augmenter le pouvoir de marché de certains acteurs, au détriment de ses clients industriels. […] Nous sommes ouverts à l'idée d'explorer toutes les voies possibles et de mobiliser tous les leviers, y compris celui du plan de relance, qui prévoit 35 milliards d'euros pour l'industrie française. Cela pourrait se faire, par exemple, sous la forme d'avances remboursables ou d'une aide directe si un projet correspondant à l'un des appels à projets du plan de relance est proposé, une fois les autres conditions confortées. » Votre plan de relance n'aura servi à rien, si ce n'est à faire espérer vainement les soixante-douze salariés du site de Mazingarbe. Dans un silence écœurant et inhumain, des salariés courageux ont été livrés à eux-mêmes et contraints de sécuriser au péril de leur vie un site extrêmement dangereux, qui aurait sinon menacé des milliers d'autres vies. Les salariés de Maxam Tan ont été abandonnés aux mains des administrateurs et des liquidateurs incompétents qui ont lamentablement géré un pseudo-PSE – plan de sauvegarde de l'emploi.
Alors que le groupe espagnol MaxamCorp doit encore des millions d'euros à l'usine française Maxam Tan de Mazingarbe, le tribunal de commerce de Lille a tout de même validé la liquidation – c'est un comble. En toute impunité, MaxamCorp n'aura donc pas honoré les engagements de ce maigre PSE et aura une fois de plus lésé les salariés de ce site. Je réitère donc mes nombreuses questions restées sans réponse. Que deviendra ce site industriel pollué ? Quel est son impact sur la santé des habitants ? Qu'est-il prévu pour sa réhabilitation ? Notre région n'est pas une poubelle et les pollueurs doivent payer. Mme Pannier-Runacher s'était ici même engagée à ce que les pratiques comptables du groupe MaxamCorp, ainsi que la régularité des conditions dans lesquelles le site fut placé en cessation de paiement, fassent l'objet d'une information spécifique au procureur. Où en sont les poursuites judiciaires promises ? Dans les territoires, les plus modestes, comme les salariés de Maxam Tan, sont sacrifiés.
Je ne vous laisserai pas dire que nous n'accompagnons pas les salariés dans les territoires industriels difficiles,…
…dont le vôtre fait partie, ni mettre en cause les valeurs de la démocratie :…
…le pouvoir judiciaire est séparé du pouvoir exécutif.
Soyez rassuré, nous avons fait tout ce qui devait l'être pour alerter la justice sur la situation de cette entreprise, que nous suivons de très près. Le 16 juillet 2021, Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l'industrie, vous l'avait précisé par courrier, vous confirmant toute l'attention que les services du ministère, ainsi que ceux de la préfecture du Pas-de-Calais, continuaient à porter aux suites judiciaires susceptibles d'être réservées au dossier de la société Maxam Tan, située à Mazingarbe. L'État n'entend aucunement dédouaner l'ancien actionnaire et exploitant du site, le groupe espagnol MaxamCorp, de ses responsabilités dans la liquidation judiciaire, le 13 janvier 2021, de sa filiale française et son arrêt définitif d'exploitation le 17 mai de la même année. À ce titre, comme vous le savez, le préfet du Pas-de-Calais avait anticipé cette situation en saisissant dès le 21 décembre 2020 le procureur de la République du tribunal judiciaire de Béthune, selon la procédure dite de l'article 40, en référence à l'article 40 du code de procédure pénale, relatif notamment à des pratiques d'optimisation fiscale et de non-respect des règles de sécurité d'un site par la maison mère. Cette dernière a également fait l'objet d'un signalement sur le fondement de l'article L. 512-17 du code de l'environnement, au regard de différents manquements du groupe MaxamCorp, qui a brutalement cessé de passer commande à sa filiale Maxam Tan, alors même que celle-ci se trouvait en situation de dépendance économique avérée vis-à-vis de la société mère. Ces instances sont toujours pendantes ; je continue de veiller, en lien avec le garde des sceaux, à ce que la lumière soit faite sur les agissements de ce groupe, qui ne compte plus aucune implantation en France. J'ajoute que les mandataires judiciaires ont également assumé leur rôle, en sollicitant auprès du tribunal de commerce de Lille la reconnaissance de la responsabilité du groupe dans l'organisation de la mise en faillite de la société Maxam Tan.
Vous m'interrogez par ailleurs sur les impacts environnementaux de la fermeture. Les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) continuent de porter une vigilance particulière aux modalités de dépollution du site qui, après avoir été sécurisé, vous l'avez dit, en partie grâce aux efforts des salariés, ne présente pas pour l'heure de danger particulier pour la population. Ce travail est conduit en liaison étroite avec la société Retia, filiale de TotalEnergies, qui a repris la jouissance du site à l'expiration du bail conclu précédemment avec le groupe MaxamCorp. Vous l'avez vu, nous faisons tout pour accompagner le site, ses salariés et nous assurer que les procédures judiciaires arrivent à échéance.
Puisque nous avons pris quelques minutes d'avance, je vous propose de suspendre la séance en attendant l'arrivée de Mme la ministre de la culture.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour exposer sa question, n° 319, relative à la Cité du théâtre.
Je souhaite appeler votre attention sur le projet de création de la Cité du théâtre dans le 17
Ce projet s'annonce comme l'un des investissements les plus ambitieux de la législature en matière culturelle. C'est donc une opportunité à saisir : tout en répondant aux besoins exprimés de longue date par les institutions concernées, il permettra d'aménager le site, d'enrichir l'offre culturelle pour de nouveaux publics, dans une zone en pleine mutation, et d'accroître le rayonnement international du théâtre français.
Ce n'est donc pas sur l'opportunité du projet que je souhaite vous interroger, mais sur sa concrétisation. Confirmé en 2017 par Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, ce projet peine encore à voir le jour malgré la création d'un groupement d'intérêt public pour assurer la maîtrise d'œuvre. En outre, un expert indépendant a été missionné pour résoudre le problème du dépassement du budget de 55 millions d'euros ; il devait présenter quatre scénarios, en lien avec les institutions concernées. Madame la ministre, avez-vous arrêté un scénario qui permettrait d'avancer ?
Le projet de Cité du théâtre est effectivement en cours de définition depuis 2017 et son ambition fédère trois de nos plus importantes institutions : le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, la Comédie-Française et le théâtre de l'Odéon. Il s'agit de regrouper leurs forces au service de la jeunesse et d'une nouvelle ambition théâtrale pour Paris, l'Île-de-France, mais également toute la France, puisque la Comédie-Française diffuse partout en France, que l'Odéon réalise des coproductions avec différents théâtres sur le territoire et que le Conservatoire accueille des jeunes de l'ensemble du pays. Ce n'est donc pas qu'un projet parisien. J'en parle régulièrement avec mon collègue Stanislas Guerini, qui y est très attaché.
Vous avez tout dit : la clé n'est pas l'ambition, la difficulté n'est pas liée à la programmation culturelle ; elle est purement et simplement financière, puisque l'avant-projet architectural soumis en 2020 comportait un énorme dépassement par rapport à la trajectoire initialement arbitrée. C'est pourquoi un expert indépendant a été missionné. Plusieurs scénarios ont été mis sur la table ; nous en avons éliminé trois et travaillons désormais sur un quatrième qui permettrait de tenir – espérons-le – dans l'enveloppe budgétaire. Nous n'y sommes pas encore : des expertises sont toujours en cours, le dépassement demeurant malheureusement important.
J'espère que dans les prochaines semaines, nous arriverons à finaliser le montant de l'enveloppe budgétaire nécessaire pour répondre à l'ambition du projet dans un cadre architectural qui permette de tenir les coûts et le calendrier. Nous y travaillons.
La parole est à M. Maxime Laisney, pour exposer sa question, n° 303, relative aux écoles nationales supérieures d'architecture.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Comme j'ai pu le constater dans ma circonscription, sur le campus de l'université Gustave-Eiffel de Champs-sur-Marne, les directeurs, enseignants et étudiants des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa) sont en lutte depuis plusieurs mois. Ils dénoncent un personnel en sous-effectifs, débordé et mal rémunéré. Ils déplorent des moyens financiers insuffisants et des locaux dans un état d'insalubrité avancé, certaines écoles ne disposant que de 3 mètres carrés par étudiant.
Face à leurs exigences, madame la ministre de la culture, vous avez écrit aux étudiants le 21 avril dernier et fait une série d'annonces – largement surjouées puisqu'il s'agit soit de décisions déjà prises, soit d'annonces très insuffisantes. Avec une hausse moyenne de 113 euros de la rémunération des contractuels, on reste par exemple bien loin de l'engagement du Gouvernement – 2 000 euros pour tous.
La réforme de 2018, rapprochant le fonctionnement des Ensa de celui de l'université, a justifié la cotutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur ces écoles. Celle-ci devait s'accompagner de la création de 150 postes. Pourtant, en cinq ans, seuls quatre-vingt-cinq ont été créés. Selon le courrier du 21 avril, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche prévoit la création immédiate de cinq postes, mais cela ne ferait que quarante postes sur les soixante-quinze promis, ces postes étant en outre déjà ouverts au concours.
Enfin, le rapprochement avec le mode de fonctionnement des universités aurait dû permettre l'installation de centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) dans ces établissements excentrés, ce qui n'est toujours pas le cas, contraignant les étudiants à d'importantes dépenses. Nos futurs architectes restent ainsi moins bien dotés que les étudiants ingénieurs ou ceux des classes préparatoires, subissant une forme de numerus clausus incompréhensible puisque selon vos propres mots, madame la ministre, nous n'en avons jamais eu autant besoin.
La présidence des conseils d'administration, ainsi que les vice-présidences des conseils pédagogiques et scientifiques, ont écrit au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche le 31 mars dernier, évoquant la faiblesse de la cotutelle. Malgré les demandes du collectif regroupant toutes les écoles, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ne les a toujours pas rencontrées. Les acteurs souhaitent participer, avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, aux états généraux de l'enseignement de l'architecture, qui se tiendront la semaine du 22 mai. La ministre va-t-elle enfin leur répondre et assumer cette cotutelle ?
Je vais répondre en tant que ministre de la culture, et non au nom de ma collègue ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Sylvie Retailleau. J'ai fait de l'enseignement de l'architecture une des priorités de mon action depuis mon arrivée à la tête du ministère. Cela a permis une hausse de 20 % du budget des écoles d'architecture en 2023, ce qui est inédit.
Vous avez raison de le rappeler, je suis convaincue que nous n'avons jamais eu autant besoin d'architectes. Ce sont les bâtisseurs de demain : ce sont eux qui vont penser concrètement la transition écologique de nos espaces de vie, de travail, et de nos paysages. Ce vivier de 20 000 étudiants est celui qui nous donne le plus d'espoir pour l'avenir.
Depuis la mobilisation, j'ai réuni toutes les communautés – enseignants, directeurs, étudiants. Mon équipe a reçu le collectif des Ensa en lutte et les intersyndicales du ministère. J'ai débloqué une aide immédiate de 3 millions d'euros, qui va financer la vie étudiante, et j'ai négocié vingt-cinq nouveaux postes pour 2022-2023 afin de répondre aux besoins urgents exprimés par les acteurs de terrain. En outre, j'ai annoncé l'alignement des rémunérations des enseignants-chercheurs et des doctorants sur celles de leurs homologues de l'université.
Enfin, nous nous attelons aux chantiers de long terme. J'ai demandé à la nouvelle directrice chargée de l'architecture de repenser et d'actualiser la stratégie nationale de l'architecture, qui date de 2015, en tenant compte, notamment, de la transition écologique. J'ai annoncé un nouveau palmarès Réséda – pour résidence étudiante pour la durabilité en architecture – afin de mettre en valeur les projets de fin d'études en faveur de la transition écologique.
Dans votre circonscription, j'ai visité l'école d'architecture de la ville & des territoires Paris-Est afin de constater les évolutions des conditions de vie étudiante au quotidien. Je reste donc pleinement mobilisée et je soutiendrai de nouvelles mesures dans le cadre des négociations pour le budget 2024, en espérant les obtenir.
Vous évoquez la création de vingt-cinq postes mais, si je ne m'abuse, trente-cinq étaient nécessaires, et initialement promis. Certes, vous consacrez 3 millions d'euros à la vie étudiante, mais cela correspond à 150 000 euros par Ensa, soit une moyenne de 150 euros par étudiant, donc à peine les frais de maquette, que les étudiants en architecture se paient… Cela correspond également à peu près à la différence de frais d'inscription avec l'université.
S'agissant de l'alignement des rémunérations des étudiants doctorants en architecture avec celles des universités, il semble y avoir encore un flou, y compris sur l'alignement des heures d'enseignement exigées. Les laboratoires de recherche ont encore des difficultés à accueillir de nouveaux doctorants et nous nous inquiétons d'un financement accru par le secteur privé.
Certes, les bourses ont été revalorisées de 37 euros par étudiant et 35 000 étudiants supplémentaires vont être éligibles mais, dans le même temps, 60 000 ont été éjectés du système entre 2021 et 2023. Le compte n'y est donc pas.
Enfin, il faut repenser et renforcer la formation des architectes. C'est le sens du dernier courrier du Conseil national de l'ordre des architectes. Pour répondre à ces défis, il faut des moyens et il n'est pas sûr que nous les ayons…
La parole est à Mme Émilie Chandler, pour exposer sa question, n° 315, relative à la formation aux soins à Cergy Paris Université.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. La France est depuis longtemps reconnue pour le professionnalisme et l'excellence de son système de soins. Ce système s'appuie sur des médecins et des soignants formés au sein de nos universités. La loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a conduit à la suppression du numerus clausus. Cette avancée était nécessaire pour répondre à l'évolution de la démographie médicale, considérée de manière incompréhensible pendant tant d'années comme un sujet secondaire.
Cependant, le numerus clausus a conditionné les formations universitaires. Pour répondre aux besoins de nos concitoyens, il faut que nous puissions proposer plus de formations, au plus près des besoins. Pour un meilleur accès aux soins, par irrigation du territoire, et pour une meilleure égalité des chances de nos jeunes, dans mon territoire, Cergy Paris Université, établissement reconnu, serait heureux d'accueillir des étudiants en médecine.
La demande émane de l'université, des élus, mais surtout des habitants. Tous sont mobilisés et ont déjà pris contact avec les différents ministères afin de mettre en place une filière de formation aux soins au sein de l'université. Pouvez-vous nous indiquer où en sont les réflexions pour ouvrir cette filière, et quelles sont les prochaines étapes du projet ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Pour répondre au mieux aux besoins de nos territoires, il est essentiel de mener une nouvelle concertation au cours des prochains mois, afin de fixer les objectifs pour la période 2026-2030. En outre, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à ses équipes d'examiner avec beaucoup d'attention plusieurs demandes d'ouverture de filières, notamment celle de Cergy Paris Université. Pourquoi ? La suppression du numerus clausus, décidée par le Président de la République en 2019, a permis une augmentation extrêmement significative du nombre de médecins formés dans nos territoires.
La loi a mis en place une planification pluriannuelle et nationale, précieuse, sur cinq ans – de 2021 à 2025 – pour répondre aux besoins de notre système de santé, réduire les inégalités d'accès aux soins et permettre l'insertion professionnelle des étudiants. Les objectifs ont été arrêtés après un travail important avec le ministère de la santé, après les concertations menées par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé avant la conférence nationale du 26 mars 2021 visant à déterminer les besoins des territoires, et, enfin, grâce aux retours et remontées des agences régionales de santé (ARS) car les enjeux démographiques, épidémiologiques et organisationnels sont essentiels.
Une bonne politique de formation, c'est aussi une politique qui s'appuie sur les remontées des habitants et la mobilisation des élus. Un projet n'a pas les mêmes chances de réussite selon qu'il est soutenu, ou pas, par les élus nationaux et particulièrement ceux qui, comme vous, s'engagent pour leur territoire.
À l'issue de la conférence nationale, il a été décidé de former 18 % de médecins supplémentaires entre 2021 et 2025 par rapport aux cinq années antérieures. Et, puisque les pourcentages veulent tout dire mais ne veulent rien dire, on parle de plus de 8 000 médecins supplémentaires sur les 51 000 formés en cinq ans.
Pour aller encore plus loin et répondre aux besoins, la meilleure des solutions reste une concertation élargie et une analyse plus approfondie dans les territoires où les élus nationaux s'investissent aux côtés des présidents d'université.
La parole est à M. Philippe Pradal, pour exposer sa question, n° 301, relative au modèle économique de l'institut 3IA Côte d'Azur.
Dans le cadre de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle annoncée par le Président de la République en 2018, un ambitieux programme national dédié à la recherche a été lancé le 28 novembre 2018 par votre prédécesseur et le secrétaire d'État chargé du numérique. À cette occasion, le chef de l'État a présenté une stratégie volontariste en faveur de l'intelligence artificielle, inspirée du rapport rédigé par le mathématicien et ancien député Cédric Villani, qui formule des propositions visant à permettre à la France de devenir un leader mondial de l'intelligence artificielle.
Après examen par un jury international, le projet d'institut interdisciplinaire d'intelligence artificielle (3IA) Côte d'Azur a été sélectionné. Il a débuté le 1er septembre 2019, sous la coordination de l'université Côte d'Azur, aux côtés du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et d'Eurecom. En 2021, les discussions avec Skema Business School, qui avait manifesté son intérêt pour rejoindre le consortium 3IA, ont abouti. Le budget prévisionnel total de l'institut a donc évolué, passant fin 2021 de 50 à 51,5 millions d'euros, Skema apportant pour sa part l'expertise et les moyens de son école dédiée à l'intelligence artificielle. Par ailleurs, les contrats avec les industriels prévoient un engagement d'investissement qui s'élève à 14,52 millions.
En effet, comme pour tous les 3IA, le budget de l'institut Côte d'Azur est prévisionnel, puisqu'il dépend pour un tiers de l'apport des entreprises partenaires. La part d'abondement attendue chaque année peut varier considérablement en fonction des apports des entreprises, que l'Agence nationale de la recherche (ANR) retient et valide. Il s'agit d'une contrainte forte que 3IA Côte d'Azur a su jusqu'ici intégrer à sa stratégie. Ses activités se répartissent entre la recherche, la formation et l'innovation ; les partenariats avec des entreprises aboutissent à des transferts technologiques, avec d'excellents résultats.
Au printemps 2022, c'est-à-dire à mi-parcours, un jury international a évalué le travail accompli et a salué l'ensemble des réalisations des 3IA et leurs effets aux niveaux régional, national et international. Il a émis un avis très positif et a recommandé d'augmenter leur budget. À l'été 2022, l'ANR a même notifié à 3IA Côte d'Azur une augmentation budgétaire de 3 millions d'euros.
Afin de garantir la continuité des partenariats et des financements privés associés, 3IA Côte d'Azur a lancé dès le premier trimestre de 2023 un programme visant à créer de nouvelles chaires et à renouveler une partie des chaires existantes, anticipant ainsi la pérennisation du budget. En effet, les partenaires académiques et privés ne peuvent s'engager sans garantie sur une stratégie et un soutien pluriannuels, en particulier en matière de recrutements et de budget. Il est donc impératif que le devenir des 3IA après décembre 2023 soit connu le plus rapidement possible, de façon non seulement à poursuivre les efforts engagés, mais aussi à développer à court terme de nouvelles collaborations, au niveau français, dans le domaine de l'intelligence artificielle car le sujet est primordial pour notre souveraineté.
Étant donné les résultats de 3IA Côte d'Azur, conformes aux objectifs de sa feuille de route, et la dynamique créée avec le secteur industriel, quelle suite connaîtra-t-il, avec quel budget, et surtout selon quel modèle économique ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
J'irai droit au but, afin de vous rassurer dès à présent : le financement des quatre 3IA – vous me permettrez d'élargir ma réponse à l'ensemble des instituts concernés – sera évidemment prolongé, sans aucune rupture fin 2023. Les modalités de financement seront précisées au cours des prochaines semaines. Je sais que votre question concerne cette continuité, et que des industriels, des universitaires, des chercheurs et des élus sont mobilisés pour la réussite de ce projet ; pour eux tous, ce message du Gouvernement est essentiel. Le Président de la République lui-même soutient cette stratégie et suit de près ses développements, menés par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
L'intelligence artificielle constitue le plus grand défi de notre siècle, en particulier dans le domaine de l'éducation : si nous ne démocratisons pas son apprentissage et l'appropriation de ses outils, nous risquons une perte de souveraineté. À mes yeux, ce défi est aussi important que celui que nous devons relever en matière de démocratie. L'intelligence artificielle fera partie de notre quotidien et de celui de nos enfants : nous devons agir en pionniers si nous voulons éviter que demain elle soit réservée à une élite, que nos entreprises soient dépassées, et si nous voulons prendre l'ascendant sur cette technologie qui offre autant de promesses qu'elle suscite de peurs – bien compréhensibles – et provoque, malheureusement, de caricatures. Nous savons faire : cela s'appelle le génie français, et chaque fois que nous avons investi pour le conforter, nous sommes devenus les meilleurs. Or j'aime quand nous sommes sur le podium, que ce soit dans le domaine du sport ou de la recherche.
La stratégie nationale pour l'intelligence artificielle a été lancée en 2018, conformément aux recommandations du rapport de M. Cédric Villani, que le Premier ministre avait commandé. Elle est désormais renforcée par une deuxième étape, définie dans le cadre du plan France 2030, qui prévoit 1,5 milliard d'euros pour en diffuser les usages et pour former les futurs talents et les futurs dirigeants.
L'intelligence artificielle est devenue omniprésente dans le débat public, comme l'illustre le cas de ChatGPT – qui ne doit pas occulter les très nombreux autres éléments. Je ne veux pas que demain, nos enfants portent sur l'IA un regard circonspect : il faut au contraire qu'ils sachent l'utiliser et poser les bonnes questions, afin qu'elle fasse gagner du temps à l'intelligence humaine et lui permette d'aller plus loin. Il faut que nos enfants sachent manier ce nouvel outil qui entre dans nos vies, parfois dans nos vies de citoyens, afin d'en faire un accélérateur d'apprentissage et de création – peut-être même de création d'entreprises.
Je suis sûre que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications seront au rendez-vous pour relever ce défi de notre siècle.
La parole est à Mme Françoise Buffet, pour exposer sa question, n° 313, relative aux alternatives publiques aux cursus internationaux.
J'ai récemment visité le site de production du laboratoire pharmaceutique Lilly France situé à Fegersheim, dans le Bas-Rhin. Il rassemble plus de 1 000 salariés, qui produisent des médicaments exportés dans le monde entier. À l'occasion de cette visite, le directeur du site m'a interpellée sur les difficultés liées à l'éducation des enfants des dirigeants étrangers.
Comme vous vous en doutez, ces entreprises sont pilotées par des dirigeants mobiles dans le monde. Le directeur qui m'a accueillie, natif d'Italie, a ainsi géré le site de production de Suzhou, en Chine, après plusieurs missions en Italie et aux États-Unis. Cette mobilité est un défi pour les familles, en particulier pour les enfants dont la scolarité est morcelée, par la force des choses, aux quatre coins du globe.
Jusqu'à présent, le gymnase Jean-Sturm, un établissement privé strasbourgeois, proposait un cursus international. Les chefs d'entreprise le plébiscitaient car il leur garantissait la continuité du parcours scolaire de leurs enfants. Cela participait à rendre l'écosystème alsacien accueillant pour les talents étrangers. Malheureusement, le gymnase a décidé de fermer cette section.
Faute d'autre solution, les dirigeants s'inquiètent et les décideurs publics locaux craignent qu'ils rechignent désormais à s'installer dans le territoire. Outre la dégradation de la continuité pédagogique pour les élèves, cette fermeture diminue l'attractivité du territoire, menaçant l'implantation industrielle des grands groupes transnationaux et, in fine, le nombre d'emplois et la compétitivité de notre région.
Par quelles solutions alternatives locales l'éducation nationale compte-t-elle assurer à ces élèves une scolarité à vocation internationale ? Soucieuse de préserver l'attractivité de la métropole strasbourgeoise, je souhaite vivement que les offres de cette nature soient renforcées, afin que les industries de pointe ne soient pas découragées de s'installer en Alsace.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Je vous réponds au nom du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je vous assure que des cursus internationaux sont présents dans tout le territoire. Je comprends votre crainte : chaque évolution suscite des inquiétudes, qui doivent trouver des réponses. Nous n'avons rien de plus précieux que les enfants ; les préoccupations qui les concernent peuvent légitimement influencer des décisions en matière de mobilité ou d'investissement professionnel.
Depuis 1981, les sections internationales s'inscrivent plus spécifiquement dans le cadre de partenariats bilatéraux, de l'école au lycée. Vous évoquez l'International Baccalaureate, diplôme privé, délivré par l'Organisation du baccalauréat international. Bien que reconnu au niveau international, il n'est délivré que dans trois langues : l'anglais, l'espagnol et le français. Il n'ouvre pas l'accès de droit aux universités françaises.
Pour votre territoire, madame la députée, les solutions se trouvent évidemment dans les sections internationales du système éducatif français, qui réunissent de nombreux atouts : elles concernent dix-huit langues, nourrissent la double ambition de faciliter l'accueil et l'intégration des élèves étrangers, même allophones, dans le système éducatif français, et de former les élèves français à la pratique approfondie des langues étrangères. Les sections binationales offrent même la possibilité d'obtenir la double délivrance du baccalauréat français et du baccalauréat d'un pays partenaire, ce qui représente une chance considérable : les parents y accordent parfois beaucoup d'importance.
De surcroît, les sections internationales ont été enrichies avec la création du baccalauréat français international (BFI), qui remplacera l'option internationale du baccalauréat dès la session 2024. Le BFI constitue un parcours d'excellence linguistique, avec des classes bilingues ou trilingues, renforcée par une ouverture culturelle. Au-delà même de la maîtrise des langues, le niveau y est très élevé ; il répond ainsi à une forte demande des familles.
Enfin, le baccalauréat français international est reconnu par les universités les plus prestigieuses, avec le système du high level, ou niveau supérieur, dans le cadre des sections britanniques ou américaines – les parents très mobiles à l'échelle internationale y sont particulièrement sensibles. Cela se traduit par l'attribution de crédits universitaires quand les élèves le souhaitent.
Ainsi, la souplesse et l'ouverture du baccalauréat français international répondent précisément à une demande de cette nature, là où elle s'exprime, comme c'est le cas dans le Bas-Rhin. Il s'agit d'une solution académique attractive pour les hommes et les femmes qui alimentent le dynamisme de votre territoire.
À partir de la rentrée 2023, trois nouvelles sections viendront s'ajouter à l'offre déjà présente : une à Mulhouse, en langue anglaise, et deux à Strasbourg, en arabe et en portugais. Ainsi, il existe localement des possibilités de scolarité internationale à même de compenser la fermeture que vous avez mentionnée. Évidemment, nous restons à vos côtés pour apporter les réponses les plus précises, les plus fines et les plus judicieuses dans votre territoire.
Votre réponse est complète, madame la secrétaire d'État, mais elle est d'ordre général. Or il est question de familles américaines, notamment, souvent présentes pour un ou deux ans en France : la section internationale qui propose un enseignement délivré pour moitié en français et pour moitié en anglais est insuffisante pour satisfaire à leur demande. Ils souhaitent un enseignement en anglais, tel que cela existait jusqu'à présent dans le Bas-Rhin. J'ai cité Lilly France, leader mondial des traitements contre le diabète, mais ce n'est pas la seule entreprise concernée ; je me fais la porte-parole de plusieurs d'entre elles. En effet, Strasbourg accueille de nombreuses entreprises internationales américaines. Une réponse plus concrète est nécessaire.
La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour exposer sa question, n° 302, relative aux remplacements dans les établissements scolaires.
Ma question concerne la situation éminemment complexe qui résulte des difficultés à assurer le remplacement des enseignants et des assistants d'éducation dans de nombreux établissements du Val-d'Oise.
En dépit des engagements pris et des efforts consentis, les vacances de poste ne s'amenuisent pas depuis la rentrée scolaire. J'ai encore fait le point récemment avec tous les élus locaux et les acteurs concernés : dans ma circonscription, les problèmes d'effectifs sont ainsi récurrents. J'en citerai deux exemples.
Au collège Saint-Exupéry d'Ermont, il manque des enseignants, ce qui provoque une rupture d'égalité entre les enfants qui ont cours et ceux qui doivent parfois attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour avoir un remplaçant ; il manque également des surveillants, ce qui pose un problème d'encadrement et de sécurité des élèves, dans un établissement qui a déjà connu des incidents violents.
À l'école élémentaire Victor-Hugo d'Ermont, beaucoup trop d'élèves ont déjà connu des remplacements depuis le mois de septembre, avec parfois un remplaçant par jour. On est loin de la stabilité et de la pérennité indispensables au bon déroulement des cours et à une scolarité de qualité. Pour preuve, on a constaté que plus de la moitié des élèves d'une classe de CE1 ne savaient ni lire, ni écrire, en fin d'année. Il y aurait malheureusement bien d'autres exemples à citer, avec à chaque fois des conséquences catastrophiques. Pour les uns, qui pourtant ont le potentiel pour réussir, l'échec ; pour ceux qui peuvent, la fuite dans l'enseignement privé.
En vous faisant part de ces remontées de terrain, madame la secrétaire d'État, je ne veux évidemment stigmatiser personne. Les parents d'élèves, quoiqu'inquiets ; les enseignants et le personnel éducatif, quoiqu'épuisés et démotivés par les conditions d'exercice ; les enfants eux-mêmes : tous ne demandent qu'à endiguer le phénomène, pour que l'éducation soit véritablement l'un des piliers de la République.
À court terme, quelles mesures d'urgence pouvez-vous appliquer dans les établissements concernés ? À plus long terme et plus généralement, quelles solutions, en matière de formation et de rémunération, envisagez-vous pour redonner de l'attractivité aux métiers de l'instruction ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Madame la députée, je rends hommage à votre engagement en faveur des écoles du Val-d'Oise ; outre cette question posée dans l'hémicycle, je sais votre mobilisation auprès des différents cabinets pour assurer quotidiennement le suivi des remplacements et garantir la qualité de l'éducation dispensée dans les établissements.
S'agissant plus particulièrement du collège Antoine-de-Saint-Exupéry d'Ermont, les 592 élèves, auxquels s'ajoutent 53 élèves en section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa), sont encadrés par 47 enseignants – trois de plus qu'en 2020. Le nombre d'élèves par classe y est légèrement plus favorable qu'au niveau national.
Je le dis comme je le pense : les absences des enseignants sont un fléau. Elles représentent la plus forte rupture d'égalité que l'on puisse connaître, brisant les promesses républicaines de l'école en matière de mérite, d'accompagnement et d'élévation sociale et intellectuelle.
Certaines familles, disposant d'un capital social plus élevé, peuvent accompagner leurs enfants, payer des cours supplémentaires ou s'appuyer sur le tissu associatif, afin de réduire l'impact de ces absences non remplacées dans le parcours scolaire. Notre responsabilité consiste à être présents aux côtés de toutes les autres familles, qui n'ont pas cette chance ou cette capacité.
À cet égard, le Président de la République a récemment pris un engagement très fort : au-delà de la rentrée 2023, une série de mesures complémentaires et particulièrement ambitieuses permettront à l'éducation nationale d'être à la hauteur en matière de remplacements. Grâce aux rémunérations supplémentaires, grâce à une revalorisation des rémunérations des missions elles-mêmes – à hauteur de 69 euros par heure – et grâce à l'amélioration de la qualité du climat scolaire, dont on parle beaucoup, plus d'enseignants seront volontaires pour effectuer des remplacements, même de très courte durée. Les élèves pourront ainsi bénéficier des heures d'enseignement prévues dans leur emploi du temps.
Ce combat est l'un des plus justes : permettre à un enfant d'apprendre à lire, à écrire et à compter sans prendre de retard, c'est lui permettre de s'inscrire dans un parcours de citoyenneté. Plus encore, c'est lui permettre de continuer à avoir confiance en l'école, une institution qui incarne, à mes yeux, une certaine sacralité républicaine. Cette confiance des jeunes ne doit pas connaître de rupture, sous peine de devoir être rétablie plus tard.
L'académie de Versailles a bénéficié de la création de nouveaux équivalents temps plein (ETP), en particulier dans le premier degré. Mais au-delà des dotations et du taux d'encadrement – dont je pourrais naturellement citer les chiffres –, il est essentiel de mobiliser les élus locaux et nationaux, dont vous faites partie, ainsi que les services de l'État, afin de répondre aux besoins de remplacement, là où se situent les promesses d'égalité et de mérite.
Madame la secrétaire d'État, je vous sais attachée comme moi à l'idée de faire tenir à l'école sa promesse républicaine. Je suis néanmoins très inquiète, parce que les difficultés ne datent pas d'aujourd'hui : elles étaient là déjà il y a quelques années. Il y a une urgence particulière à faire de l'école une grande priorité et à s'en donner les moyens. Je serai très vigilante quant aux annonces faites par le Président de la République. Je veux dire à nouveau combien les écoles et les enfants qu'elles accueillent ont justement besoin que nous tenions les promesses qui ont été faites ; il faudra certainement agir beaucoup plus vite et plus fort.
La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault, pour exposer sa question, n° 322, relative à la pénurie d'aides à domicile.
Pour répondre à la demande de près de neuf Français sur dix de vivre chez eux aussi longtemps que possible, les mesures proposées par le président Macron lors de son premier quinquennat ne suffisent pas. La Fédération des services à la personne et de proximité estime qu'environ 25 000 aides à domicile viendront à manquer. Les conséquences sont dramatiques : les 7 200 services d'aide et d'accompagnement à domicile doivent renoncer à répondre à des demandes d'intervention, faute de personnel. Comme d'habitude, les territoires ruraux payent le prix fort de l'incapacité chronique des dirigeants à anticiper les besoins en soins et en accompagnement social.
Dans mon département de Haute-Marne, le taux de nouveaux dossiers refusés frôle les 30 %. Face à cette situation, le tissu associatif fait des choix : prioriser les demandes d'actes essentiels de la vie quotidienne et grappiller du temps sur le ménage, par exemple. Ainsi, au lieu de deux heures de service, les aides à domicile n'interviennent plus qu'une heure trente, voire seulement une heure dans certains cas. C'est autant de temps de lien social perdu pour les personnes âgées qui subissent alors une double peine, cette disparition s'ajoutant à leur perte d'autonomie.
Ces métiers n'attirent plus les étudiants ; les raisons en sont connues depuis longtemps. Depuis plusieurs années, le Rassemblement national donne l'alerte sur la nécessité d'adopter une réforme volontariste du système éducatif, qui pousse bien trop de jeunes à s'engouffrer dans des filières universitaires complètement bouchées, alors qu'en parallèle, des métiers essentiels souffrent d'une pénurie de salariés. Je pense évidemment au secteur du soin et de l'aide à domicile, mais aussi à ceux du BTP – bâtiment et travaux publics – ou de l'agriculture. Qu'attend le Gouvernement pour adopter une politique réellement ambitieuse visant à redonner l'envie aux jeunes d'embrasser ces métiers essentiels, plutôt que de créer une énième filière d'immigration massive, comme le prévoit le prochain projet de loi sur l'immigration ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Vous avez parlé des aides à domicile : nous en avons besoin et nous sommes conscients des difficultés de recrutement dans les métiers du soin et de l'accompagnement à domicile, qui existent depuis de nombreuses années. Dans le cadre d'une stratégie globale, le Gouvernement a pris des engagements forts pour développer l'attractivité de ces métiers. Rappelons ainsi l'augmentation massive des financements de la branche autonomie en faveur de l'aide à domicile, avec l'augmentation du tarif plancher de l'allocation personnalisée d'autonomie – APA – et de la prestation de compensation du handicap – PCH – à 23 euros par heure ; la création d'une dotation complémentaire pour financer les actions auprès des publics spécifiques, le soutien aux aidants ou encore la qualité de vie au travail ; l'instauration de deux heures de convivialité supplémentaires pour tous les plans d'aide à l'APA dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale ; le soutien aux revalorisations salariales. Toutes ces mesures, qui représentent 1 milliard d'euros, permettront de mieux financer l'aide à domicile et de redonner du temps, afin de retrouver le sens de ces métiers – car c'est là tout l'enjeu.
Le Gouvernement et le Parlement travaillent ensemble à d'autres mesures, par exemple celles prévues dans la proposition de loi relative au bien vieillir, dont l'examen a débuté à l'Assemblée. Dans son article 6 voté à l'unanimité, elle prévoit la création d'une carte professionnelle pour les aides à domicile. Il s'agissait d'une demande essentielle et de longue date des professionnels ; c'est une mesure cruciale pour la reconnaissance des spécificités de ces métiers.
Les articles de la proposition de loi restant à examiner comportent en outre d'autres dispositions très concrètes : les aides à la mobilité, afin que les employeurs mettent à disposition des professionnels des flottes de véhicules, par exemple, tant les déplacements sont un important frein au recrutement ; le financement d'heures d'échanges de pratiques entre professionnels ; le financement d'heures de formation, qui font aujourd'hui défaut dans de trop nombreuses organisations. Le volet « bien vieillir » du Conseil national de la refondation, au sein duquel une réflexion a été dédiée à l'attractivité des métiers du soin, notamment à domicile, a fait émerger d'autres questions structurantes, auxquelles des réponses seront apportées.
Nous savons combien ces sujets sont d'actualité et mobilisent un grand nombre d'entre vous. Vous avez également parlé d'autres métiers, ainsi que de la formation. Une bonne orientation des élèves est nécessaire, dès le collège. Elle doit permettre de montrer l'attractivité de ces métiers ; l'accès aux formations correspondantes doit être facilité, pour ceux qui en ont l'appétence.
Le Gouvernement travaille et continuera de travailler à l'amélioration de cette attractivité, qu'il s'agisse des métiers du soin, concernant les personnes âgées et le handicap, ou qu'il s'agisse des autres métiers que vous avez évoqués, comme ceux du bâtiment. J'ai visité il n'y a pas si longtemps un centre de formation d'apprentis – CFA – des métiers du bâtiment : les jeunes qui y suivaient une formation étaient parfaitement motivés, mobilisés et très heureux de pratiquer ces professions. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.
La Haute-Marne est un département très vaste, qui compte 174 000 habitants ; les problèmes de mobilité y sont importants. On ne règle pas les problèmes de la même façon à la campagne et en ville.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour exposer sa question, n° 309, relative aux droits d'exploitation des Ehpad privés.
De petits épargnants ont placé leurs économies dans l'achat de places en Ehpad, en signant un bail commercial d'une durée de neuf ou dix ans, à un prix supérieur à celui du marché immobilier. Si l'exploitation des activités médico-sociales est soumise à un dispositif juridique unique, les structures juridiques qui exploitent de telles activités relèvent en revanche de statuts très divers, allant du public au privé à but lucratif en passant par le secteur associatif.
Les difficultés, de plus en plus fréquentes, surgissent lorsque de telles structures envisagent entre elles le transfert de leurs activités médico-sociales et des moyens qui les sous-tendent. En cas de transfert, seule l'activité est transférée et non le bien immobilier. Les particuliers qui ont investi dans les Ehpad se trouvent alors totalement spoliés : leur bien peut perdre jusqu'à 90 % de sa valeur après le congé de l'exploitant, puisqu'il devient inutilisable sans autorisation d'exploitation ; le bien a été formaté, si vous me permettez l'expression, pour une exploitation en Ehpad. Cette spoliation peut avoir des conséquences dramatiques, notamment pour ceux des petits épargnants qui comptaient sur ces revenus pour assurer le financement de leur retraite.
Certains groupes privés lucratifs se sont livrés à de telles manœuvres, souvent avec l'accord des agences régionales de santé (ARS), laissant sans recours les petits épargnants. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, un amendement permettant aux autorités compétentes de bloquer un transfert d'activité en cas de préjudice pour les petits épargnants avait été adopté en commission. En séance, il a été rejeté au motif que le code de la consommation prévoit justement une obligation d'information sur les risques liés aux investissements locatifs. L'évolution des lois fiscales n'empêche pas les abus. Aussi, j'aimerais savoir comment le Gouvernement compte faire pour modifier la législation et construire enfin un modèle avec des acteurs respectueux des règles, pour éviter des montages immobiliers donnant lieu à des fraudes et pour que les transferts d'autorisations accordés à des promoteurs exploitants ne pénalisent pas les épargnants.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Dans le cadre du choc de transparence qu'il a engagé pour restaurer la confiance entre les citoyens et le secteur des Ehpad, le Gouvernement est particulièrement attentif aux pratiques des gestionnaires d'établissements. Le contrôle de la bonne utilisation des financements publics est une priorité. Les obligations de transparence qui s'imposent aux établissements et aux groupes ont été nettement renforcées, notamment dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le cadre juridique des mises en réserve et des reports de bénéfices a ainsi été renforcé, afin d'empêcher la création de mécanismes de détournement. Le champ des contrôles a été étendu pour inclure l'organisation financière des groupes. La plus grande latitude donnée aux instances de contrôle vise à obtenir la communication des informations nécessaires. Enfin, des sanctions spécifiques ont été introduites pour les établissements et les groupes fautifs.
En ce qui concerne les enjeux immobiliers, il est certain que les opérations de vente et de location de chambres, voire de bâtiments entiers, constituent un aspect essentiel du modèle économique des Ehpad. Ces activités sont encadrées ; le premier critère concerne les conditions d'hébergement et de prise en charge des résidents. De plus, des mesures ont été prises afin de limiter les risques pour les petits épargnants investissant dans les établissements. La loi de finances pour 2023 n'a pas prolongé le dispositif Censi-Bouvard qui permettait aux investisseurs dans les chambres d'Ehpad de bénéficier d'une réduction d'impôt. En effet, ce dispositif pouvait laisser espérer aux potentiels investisseurs des rendements bien supérieurs à ceux observés.
Par ailleurs, la proposition de loi relative au bien vieillir, en cours d'examen, précisera les actions qui représentent des changements importants devant faire l'objet d'une information préalable à l'ARS : les déménagements imprévus y seront intégrés. Néanmoins, le rôle des ARS consiste principalement à réglementer et à contrôler la qualité de la prise en charge des résidents.
Ainsi, les mesures visant à protéger les petits épargnants impliquent surtout d'autres autorités. Le Gouvernement a pleinement conscience de la nécessité d'améliorer l'information des particuliers souhaitant investir dans des chambres d'Ehpad. C'est ce type d'action qui est le plus sécurisant pour les petits épargnants, car ils pourront ainsi investir en toute connaissance de cause.
J'entends vos arguments, madame la ministre déléguée, et je pense que le Gouvernement a bien conscience du problème. J'aimerais néanmoins insister sur le fait que l'État engage selon moi sa responsabilité. Vous avez raison de souligner que la mission des ARS concerne l'aspect sanitaire, mais vous conviendrez qu'une autorisation de transfert délivrée par l'une d'entre elles a ipso facto des conséquences, et que celles-ci peuvent toucher les petits épargnants. Les ARS représentant l'État, c'est bien la responsabilité de ce dernier qui est engagée. J'insiste donc sur le fait qu'il doit assurer un rôle de contrôle afin d'éviter les dérives qui ont pu être observées par le passé.
La parole est à M. Julien Odoul, pour exposer sa question, n° 321, relative à la désertification médicale dans l'Yonne.
Le manque de médecins est en train de tuer le département de l'Yonne : il en reste 706 pour plus de 334 000 habitants. En vingt ans, la densité de généralistes a subi une baisse de 33 % – la plus forte de l'Hexagone ! En dix ans, le département a aussi accusé la perte d'une quarantaine de pharmaciens. Il ne reste plus que treize ophtalmologistes. Dans ma circonscription du nord de l'Yonne, il n'y a qu'un gynécologue pour 32 000 habitants et plus qu'un seul pédiatre ! Dans l'ensemble du département, il manque soixante-dix-sept généralistes et des dizaines de spécialistes pour atteindre la moyenne nationale.
La situation s'aggrave sur tout le territoire, de Villeneuve-la-Guyard à Villeneuve-l'Archevêque et jusqu'en Puisaye : les habitants n'ont plus accès aux soins et beaucoup renoncent à se faire soigner. À Sens, cela fait vingt ans que le service d'urgence attend de nouveaux locaux, davantage de moyens humains et financiers et une diversification accrue des soins, qui pourrait contribuer à attirer de nouveaux médecins. À Villeneuve-sur-Yonne, l'un des deux médecins que compte encore la commune partira à la retraite en fin d'année.
L'Yonne est un véritable désert médical et les habitants ne peuvent plus attendre que le Gouvernement se décide à agir. Les conséquences sont dramatiques : hausse de la surmortalité, mortalité infantile élevée et espérance de vie au plus bas, parmi les plus faibles de France. Qu'attendez-vous ? Tous les voyants sont au rouge ! Les personnes âgées sont en détresse et doivent parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un médecin, après avoir attendu plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous ; les enfants et les femmes enceintes ne peuvent plus se faire soigner. Qu'attendez-vous pour augmenter enfin les capacités de formation en médecine ? Qu'attendez-vous pour engager enfin une politique d'incitation forte à l'installation de médecins dans l'Yonne et dans nos territoires ruraux ? Qu'attendez-vous pour doter de plus de moyens les petits services d'urgence ? Quand allez-vous enfin garantir le droit à la santé pour tous les Français ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Je vous prie, monsieur le député, d'excuser le ministre de la santé et de la prévention François Braun. Regrettant de ne pouvoir être présent ce matin, il m'a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants.
L'Yonne fait effectivement face à des difficultés d'attractivité médicale. Institutions et collectivités locales se mobilisent, il faut le souligner, de manière coordonnée et dans une véritable démarche partenariale. Cette dynamique a conduit à la création il y a deux ans d'une cellule départementale d'aide à l'installation, réunissant l'agence régionale de santé (ARS), le conseil départemental, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), les ordres et les collectivités. Elle vise à apporter un accompagnement personnalisé à chaque professionnel de santé envisageant de s'installer dans l'Yonne et à lui offrir les meilleures conditions d'accueil et d'installation, ainsi qu'un soutien financier. En 2022, vingt-quatre médecins généralistes et spécialistes se sont installés, ce qui représente 5,6 % de l'effectif total. Il s'agit d'un inversement de tendance progressif et salutaire. S'agissant des chirurgiens-dentistes, leur nombre a augmenté de 2 % au cours de cette même année.
Outre le soutien à l'installation, le territoire a considérablement investi dans l'accueil des internes, avec le développement des terrains de stage et la création de plusieurs maisons des internes, comme celle de Joigny. La télémédecine est également une solution en pleine expansion, au travers notamment du maillage du territoire par plus de trente bornes de téléconsultation implantées au sein de maisons France Services, de mairies ou d'officines de pharmacie.
Parmi les initiatives des acteurs locaux couronnées de succès, il faut également souligner la constitution par le conseil départemental, avec le soutien de l'ARS, du centre de santé départemental. Celui-ci a permis de salarier des médecins généralistes pour les implanter dans des territoires particulièrement déficitaires, comme à Villeneuve-sur-Yonne en 2022 ou à Migennes début 2023.
En ce qui concerne les urgences de Sens, 31,6 millions d'euros ont été alloués, au titre du Ségur de la santé, à la construction d'un nouveau bâtiment dont la livraison est prévue début 2024. Le centre hospitalier de Joigny, au sein du même groupement hospitalier de territoire Nord-Yonne, a également bénéficié d'une enveloppe au titre du Ségur de la santé. D'un montant de 26 millions d'euros, elle contribuera à la reconstruction complète de l'hôpital sur un nouveau site ainsi qu'à la rénovation du site gériatrique, dans le but d'améliorer l'accueil et la prise en charge des personnes âgées.
Enfin, dans la lignée de notre effort national d'augmentation des capacités de formation médicale et paramédicale dans les territoires, une première année d'études de santé à Auxerre accueillera dès septembre 2023 sa première promotion d'une trentaine d'étudiants.
L'ensemble de ces initiatives et projets illustre qu'il n'est pas de fatalité dans la lutte contre la désertification médicale, et que la mobilisation des acteurs continue avec le soutien entier des pouvoirs publics. Il faudra bien sûr que ces actions se poursuivent avec force, en attendant que la suppression du numerus clausus ne se traduise par l'entrée massive d'étudiants dans les formations en médecine. Comme vous le savez, cela prendra un certain nombre d'années et, en attendant, les mesures que nous avons prises permettront d'améliorer la présence médicale dans l'Yonne ; ce ne sera peut-être pas tout à fait suffisant, mais cette action est importante, je crois, pour les habitants.
La parole est à M. David Taupiac, pour exposer sa question, n° 308, relative à l'accès aux soins des patients gersois.
Plusieurs cas de déconventionnement de médecins libéraux sont annoncés dans le département du Gers, notamment dans ma circonscription. Cela signifie que le tarif des consultations sera libre et non remboursé par la sécurité sociale, y compris pour les patients en affection de longue durée (ALD) et pour ceux bénéficiant du tiers payant, de la couverture maladie universelle ou de la complémentaire santé solidaire. Les patients gersois me font part de leur inquiétude extrême face aux conséquences concrètes que cela implique pour eux.
Les premières remontées qui m'ont été signalées font état de consultations à 50 euros en cabinet et de visites à domicile à 70 euros, avec des indemnités kilométriques de 1 euro par kilomètre. Ces consultations, remboursées par la sécurité sociale à hauteur de 61 centimes, vont représenter une charge trop lourde pour une grande majorité des patients, notamment pour les plus modestes et pour ceux qui ont besoin d'un suivi régulier, qui se retrouveront de fait dans une situation contrainte dont ils ne sont pas responsables, faute de pouvoir changer de médecin – car il n'y en a pas assez sur le territoire – ou de pouvoir se retourner vers l'hôpital public, déjà exsangue.
Vous le savez, et la cour régionale des comptes l'a de nouveau souligné dans son étude du mois de février, le Gers fait face à un risque important de désertification médicale. Le nombre de médecins généralistes y a diminué de 24 % entre 2010 et 2021, malgré les efforts entrepris par le conseil départemental. Les inégalités territoriales sont marquées, avec notamment une faible densité de médecins généralistes à l'est du département.
Avec ces déconventionnements, nous nous dirigeons tout droit vers une médecine à deux vitesses, dans laquelle seules les personnes ayant une surcomplémentaire continueront de pouvoir se soigner, ce qui est inacceptable. Selon l'Union française pour une médecine libre (UFML), 1 717 médecins auraient à ce jour franchi le pas dans l'ensemble du territoire. Cette dynamique soulève un risque de remise en cause des notions de santé publique et de solidarité nées avec l'assurance maladie en 1945, censées garantir à chacun une prise en charge sanitaire et sociale.
Les patients gersois n'ont pas à être les victimes indirectes des difficultés rencontrées lors des négociations entre les médecins, la Caisse nationale de l'assurance maladie et le Gouvernement. Quant aux médecins, ils méritent une revalorisation de leurs honoraires plus importante que celle qui leur a été proposée jusqu'à maintenant. À l'heure où l'inflation alimentaire oblige les foyers aux revenus modestes à faire des arbitrages, en sautant des repas ou en réduisant les portions, que pensez-vous, madame la ministre déléguée, de la dégradation de l'accès aux soins et du recul de la prévention – dont le Gouvernement est le garant – qui découleront de cette situation ? Qu'envisagez-vous de faire pour permettre que l'accès aux soins dans notre département demeure égalitaire ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Je sais les problèmes de densité médicale dans votre département du Gers que je connais bien. Il est vrai que la négociation d'une nouvelle convention entre l'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives des médecins libéraux n'ayant pu aboutir à un accord, c'est un règlement arbitral qui a été élaboré dans l'attente d'une prochaine négociation.
Dans ce contexte, on a pu observer, dans certains territoires, la remise en cause par certains médecins de leur conventionnement avec l'assurance maladie. Le Gouvernement, et le ministre François Braun en particulier, sont très attentifs à ce phénomène, même s'il reste très minoritaire. À moyen terme, il ne fera qu'isoler les professionnels qui font le choix de se mettre en marge du système de santé.
Le Gouvernement a indiqué son intention d'approuver le règlement arbitral car il contient justement plusieurs dispositions qui faciliteront l'accès aux soins. D'abord, il conforte la volonté de libérer du temps médical en simplifiant les modalités de recrutement des assistants médicaux, partiellement financés par l'assurance maladie, et en ouvrant les critères d'éligibilité à davantage de professionnels. Ce règlement propose par ailleurs de valoriser à 60 euros, au lieu de 25, la première consultation réalisée par un médecin acceptant de devenir le médecin traitant d'un patient en ALD. Cette mesure vise à soutenir l'engagement des médecins au bénéfice des patients qui ont besoin d'un suivi régulier.
Le règlement permet aussi de pérenniser les dispositions mises en place durant l'été 2022 dans le cadre de la mission flash sur les urgences et les soins non programmés : la majoration de 15 euros pour les soins non programmés adressés par le Samu et la rémunération au taux horaire de 100 euros des médecins libéraux régulateurs. Il permettra en outre de conforter la prise en charge des personnes fragiles, en prévoyant une revalorisation du forfait patientèle médecin traitant pour les patients en ALD et ceux âgés de plus de 80 ans. Enfin, une revalorisation de 1,5 euro du tarif de consultation est prévue, ce qui représente une hausse de 6 %.
Toutes ces mesures ont vocation à permettre la continuité d'un accès égalitaire aux soins. Elles viennent compléter les actions déjà engagées par ailleurs par le Gouvernement. Le ministre François Braun sera aussi attentif à ce que les partenaires conventionnels puissent, dans les prochaines semaines, échanger sur les modalités, le calendrier et les axes d'une possible reprise des négociations, pour apporter aux professionnels et à nos concitoyens des réponses qui aillent au-delà du règlement arbitral. Le Gouvernement réaffirme son attachement au système conventionnel et au dialogue avec les partenaires sociaux.
La parole est à M. Bastien Marchive, pour exposer sa question, n° 318, relative à l'accès aux soins.
Je sais, madame la ministre déléguée, votre attachement à l'accès aux soins pour tous, plus particulièrement dans la région Nouvelle-Aquitaine que vous connaissez bien.
« Recherche médecin et dentistes pour le pôle santé » : voilà ce qu'indique actuellement une pancarte à Mazières-en-Gâtine, dans les Deux-Sèvres. En effet, les professionnels qui y exerçaient depuis plusieurs années vont prochainement partir à la retraite et personne n'est là pour les remplacer. Ce scénario, pourtant écrit d'avance et annoncé depuis plusieurs décennies, n'a malheureusement de cesse de se répéter. On estime aujourd'hui à 6 millions le nombre de nos concitoyens qui n'ont pas de médecin traitant, et la situation n'est pas plus réjouissante concernant les spécialistes, les hôpitaux ou encore les Ehpad.
Nous manquons donc de professionnels de santé et le phénomène s'accentue, alors qu'il faut du temps pour les former et que des réformes sont nécessaires pour assurer un bon maillage territorial. Face au défi de l'accès aux soins pour tous et partout, des mesures fortes et attendues ont déjà été prises, comme la suppression symbolique du numerus clausus, des revalorisations salariales ou des aides à la création de maisons de santé – pour n'en citer que quelques-unes. Les dernières annonces vont également dans le bon sens, avec en particulier l'engagement que tout patient en affection longue durée disposera d'un médecin traitant d'ici à la fin de l'année.
Peu à peu, c'est tout un dispositif de gestion de la pénurie qui se déploie, mais pour être à la hauteur des enjeux, nous devons continuer et aller plus loin. C'est avec cet objectif, madame la ministre déléguée, que je tenais à vous interpeller sur trois points.
D'abord, peut-on envisager une nouvelle répartition des compétences entre les professionnels médicaux et paramédicaux, dans le but de libérer du temps en faveur des médecins généralistes ? Je pense à ce qu'on appelle la « bobologie » ou aux renouvellements d'ordonnances – des sujets qui reviennent régulièrement.
Ensuite, dans le prolongement de la loi Rist, vous semblerait-il opportun de généraliser l'accès direct à certains spécialistes ?
Enfin, sans aller jusqu'à l'obligation d'installation, qui me semblerait une fausse bonne idée, que pensez-vous de la possibilité de compléter les incitations à s'implanter dans les déserts médicaux par des mécanismes dissuasifs pour les médecins qui veulent s'installer dans les zones déjà suffisamment dotées, voire surdotées ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, est très attentif aux évolutions de la présence médicale dans les territoires. Le chantier du décloisonnement et de la refondation de notre système de santé nous permet de définir le cadre d'une collaboration entre tous les professionnels de santé, où chacun, à sa juste place, aura les capacités de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de lutter contre les inégalités d'accès à la santé.
La loi défendue par Stéphanie Rist, qui sera prochainement adoptée, comporte d'importantes dispositions en ce sens. Grâce aux mesures d'accès direct, nous donnons la possibilité aux Français de se rendre directement chez un pharmacien, un kinésithérapeute ou un infirmier, pour une prise en charge rapide des urgences bénignes du quotidien. De nouveaux partages de compétences permettront à chacun de plus vite et mieux se faire soigner, au sein d'équipes traitantes pluriprofessionnelles autour d'un médecin. Nous concrétisons également l'ambition présidentielle de développer la pratique avancée infirmière, élargissant son périmètre avec l'accès direct et la primo-prescription.
Pour libérer toujours plus de précieux temps médical au service des patients, le ministre François Braun a annoncé en février quinze mesures visant à réduire les tâches administratives des médecins. Il s'agit notamment de limiter drastiquement les demandes de certificats médicaux, qui, je le rappelle, ne sont plus obligatoires dans la majorité des situations usuelles. Le déploiement des assistants médicaux est également un axe prioritaire du Gouvernement, avec un objectif fixé à 10 000 assistants médicaux d'ici à fin 2024.
Nous facilitons aussi l'accès aux actes de prévention, pour une meilleure santé individuelle et collective. Ainsi, nous multiplions les possibilités offertes aux Français de se faire vacciner en ouvrant la prescription et l'administration de vaccins aux pharmaciens, sages-femmes et infirmiers. Une grande campagne de vaccination contre le HPV, le papillomavirus humain, est lancée dans les établissements scolaires pour tous les élèves de cinquième. Nous avons élargi l'accès au dépistage gratuit des infections sexuellement transmissibles jusqu'à 26 ans. Pour toutes les femmes, la contraception d'urgence est désormais prise en charge à 100 %, sans ordonnance.
Il ne suffit pas de gérer la pénurie ; il faut aussi organiser les systèmes de soin afin de les rendre pertinents, pour que chacun, à sa place et avec ses compétences, puisse rendre le meilleur service possible, adapté aux besoins de la population. Telle est la volonté qui nous anime.
Merci, madame la ministre déléguée, pour ces éléments éclairants. On voit que la mobilisation est totale. Sachez que nous sommes à vos côtés pour faire face à ces grands défis. Si le département des Deux-Sèvres peut contribuer au succès des expérimentations qui seront lancées dans les territoires, c'est avec plaisir que j'accompagnerai l'action gouvernementale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n° 327, relative à l'état d'avancement et à la mise en œuvre du plan Avenir montagnes.
Ma question s'adresse à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, et porte sur l'état d'avancement et les perspectives du plan Avenir montagnes.
Fin 2020, le Gouvernement a lancé ce plan de 331 millions d'euros, avec un financement paritaire entre l'État et les régions. Au sortir de la crise sanitaire, il s'agissait d'un effort commun considérable, dont l'objectif était double : conforter et diversifier l'économie touristique des territoires de montagne pour la rendre plus résiliente face aux changements structurels ; accélérer la transition écologique des activités touristiques. Lors de la dernière session du Conseil national de la montagne, en février 2023, à Bagnères-de-Luchon, le Gouvernement a présenté un premier bilan de ce plan.
Selon les chiffres du ministère, 669 territoires et projets sont concernés par un futur financement. Cependant, la guerre en Ukraine et l'inflation qui en découle changent la donne, notamment pour les collectivités les plus fragiles. Face à la flambée du coût des travaux et des matières premières, certaines communes revoient leurs projets à la baisse, voire les abandonnent car elles n'ont plus la capacité de les assumer financièrement.
Quel est l'état réel de consommation du plan Avenir montagnes à l'aune de ces nouvelles considérations conjoncturelles ? Quel est le montant du solde et comment le Gouvernement envisage-t-il d'utiliser ce reliquat ? Les éventuels excédents financiers du plan Avenir montagnes pourront-ils être réaffectés aux projets « destinations montagnes », prêts à démarrer et en attente de financement de la part de l'État ?
Madame Battistel, nous partageons bien des souvenirs anciens !
Le volet de soutien à l'investissement du plan Avenir montagnes – 300 millions d'euros au total – est financé à parts égales par l'État et les régions. Le volet d'ingénierie du plan consiste en une enveloppe additionnelle de 31 millions, entièrement financée par l'État, avec le concours de l'ANCT – Agence nationale de la cohésion des territoires –, d'Atout France et de la Banque des territoires.
Malgré les crises que vous avez évoquées, le Gouvernement a tenu ses engagements en déployant l'intégralité des crédits prévus en faveur des territoires de montagne, soit 150 millions d'investissements en faveur de projets locaux, le financement de soixante-deux chefs de projet dédiés et 10 millions alloués aux mobilités innovantes et de proximité en montagne.
Dans la perspective du dernier Conseil national de la montagne, réuni en février 2023, le Gouvernement a sollicité les régions afin qu'elles fassent connaître l'état de leurs contributions au plan Avenir montagnes, eu égard à leurs engagements. En effet, contrairement au Gouvernement, les régions n'étaient pas tenues par une obligation de décaissement des crédits au 31 décembre 2023. Au 28 avril 2023, nous estimons que 77 des 150 millions prévus par les régions ont été effectivement engagés. Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, qui m'a demandé de la représenter, a donc saisi Carole Delga, présidente de Régions de France, ainsi que l'ensemble des présidents de région, afin que les engagements financiers soient tenus et que les crédits soient engagés dans les prochains mois.
Toutefois, sans attendre la réalisation intégrale du plan, la Première ministre a chargé votre collègue Joël Giraud, ancien ministre et député des Hautes-Alpes, d'une mission ayant pour objet les nouveaux enjeux du développement des territoires de montagne. Il s'agit de définir les conditions et les possibilités du développement économique des territoires et de faire des propositions nouvelles pour que les territoires de montagne parviennent à mieux mobiliser les outils d'aménagement du territoire et les fonds de cohésion. Sur la base de cette mission et d'une évaluation plus large du plan Avenir montagnes, le Gouvernement se posera la question d'une prolongation de ce dispositif de soutien.
Pour ce qui est de la réaffectation des crédits non consommés, l'honnêteté m'oblige à dire que je n'ai pas la réponse dans le papier qu'on m'a transmis, mais je vous la communiquerai dans la semaine à venir.
Merci, monsieur le ministre délégué, pour votre réponse. Je comprends que vous n'ayez pas l'ensemble des éléments puisque vous n'êtes pas chargé de ces dossiers. Je souhaiterais néanmoins insister : dans ma circonscription, il y a des projets prêts à démarrer, avec des promesses de financement à la fois du département, de la région et de la communauté de communes concernée, mais qui attendent le financement de l'État. Je trouverais vraiment dommage qu'on les bloque jusqu'à l'éventuel plan Avenir montagnes 2 – qui serait au demeurant une très bonne chose. Je sais que mon collègue Joël Giraud mettra toute son ardeur à poursuivre ces plans de financement qui sont nécessaires pour assurer la transition énergétique et écologique ; mais il faudrait rapidement réaffecter le reliquat des crédits du plan Avenir montagnes aux projets d'ores et déjà prêts à être lancés, pour qu'ils deviennent immédiatement opérationnels.
La parole est à M. Davy Rimane, pour exposer sa question, n° 299, relative à la continuité territoriale.
Vous savez, monsieur le ministre délégué, qu'une commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer est en cours. La Guyane subit une triple peine en matière de continuité territoriale : rupture avec l'Hexagone, avec les autres territoires ultramarins et entre le littoral guyanais et l'intérieur du territoire. Les conséquences sur le pouvoir de vivre sont terribles – voyez le prix des billets d'avion pour l'Hexagone comme pour les Antilles, mais aussi pour les communes situées à l'intérieur des terres, sachant qu'aucune route ne les relie au littoral, ou encore le prix des matières premières et des produits de première nécessité. À titre d'exemple, une bouteille de gaz coûte aux alentours de 25 euros sur le littoral guyanais, mais son prix peut atteindre une centaine d'euros à Maripasoula. Il arrive par ailleurs fréquemment – ce fut notamment le cas durant la crise sanitaire – que les habitants de Guyane ne soient en mesure de subsister qu'en se fournissant en denrées alimentaires dans les pays voisins, le Brésil à l'est, le Suriname à l'ouest.
Les dispositifs étatiques pour accompagner, aider, soulager partiellement ces situations assimilables à des pertes de chance de vivre, de travailler et de s'émanciper existent, mais restent insuffisants, de sorte que la rupture d'égalité dénoncée depuis des décennies est toujours bien présente. Cela se vérifie ne serait-ce qu'au regard des financements, pourtant nerf de la guerre, que le Gouvernement a jusqu'ici jugé utile d'injecter aussi bien directement, grâce à des bons, qu'indirectement, grâce à la réalisation ou l'entretien d'infrastructures permettant aux populations ultramarines de se déplacer à des prix raisonnables. Depuis 2003, l'effort budgétaire annuel de l'État est demeuré compris entre 35 et 52 millions d'euros et le délai entre deux demandes d'aide à la continuité territoriale est passé d'un à trois ans. Face à ce qui pourrait être assimilé à un statu quo en matière financière, les conditions d'accès aux différentes aides ont quant à elles été durcies, aboutissant à réduire le nombre de bénéficiaires, voire à décourager certains de se saisir de dispositifs auxquels ils pourraient pourtant prétendre.
Devons-nous nous résigner à continuellement laisser une partie de la population être assignée à résidence ? À quand une réelle volonté politique de l'État de prendre les décisions qui permettront aux Guyanaises et aux Guyanais de se rendre dans l'Hexagone, dans d'autres territoires d'outre-mer et dans les communes enclavées de Guyane à des prix raisonnables ? De se rendre dans les autres villes de Guyane par voie terrestre ? De se nourrir, pour celles et ceux qui évoluent au quotidien dans des communes enclavées, à des prix identiques à ceux pratiqués sur le littoral ?
Merci, monsieur Rimane, pour cette question qui me permettra de clarifier la situation.
Avant d'aborder le problème de la double voire de la triple insularité de la Guyane, je commencerai – pardonnez-moi ce détour – par la question globale de la desserte aérienne des territoires d'outre-mer. Avant tout, il faut se battre pour sauver les compagnies. On travaille ainsi pour secourir Air Austral ; j'appelle souvent les services et la présidente du conseil régional de La Réunion à ce propos. Nous sommes également en passe de sauver Corsair, d'une manière honnête et responsable. En effet, je le dis comme je le pense : je ne veux pas d'investisseurs qui fassent l'objet d'une attention de Tracfin.
Pour les dessertes de longue distance, se pose le problème de la fréquence des vols, notamment pour Saint-Martin – je me suis entretenu ce matin avec Louis Mussington –, pour Saint-Barthélemy et pour Saint-Pierre-et-Miquelon où je me rendrai cette semaine – il est insupportable qu'un aller-retour entre cet archipel et l'Hexagone prenne six jours. La desserte de ces territoires est sans nul doute un sujet fort.
Il faut aussi évoquer l'enjeu de la double insularité qui concerne Futuna, certaines îles de la Polynésie française et Marie-Galante pour la Guadeloupe. Les dessertes ne sont pas satisfaisantes non plus.
Pour la Guyane, les vols long-courrier, que nous essayons de développer, sont assurés par Air Caraïbes, Corsair et Air France. S'agissant des liaisons intérieures, il est clair qu'il existe une double peine pour les habitants. J'ai évoqué, il y a quelques jours, la situation de l'aéroport de Maripasoula avec le directeur général de l'aviation civile : je souhaite que la réfection et l'allongement de la piste soient inscrits dans le contrat de plan afin que les avions puissent désormais l'emprunter tous les jours. Nous veillons à ce qu'Air Guyane soit une entreprise qui marche. Il importe que son capital soit restructuré et je souligne qu'elle a, à ma demande, saisi le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri). En outre, l'État travaille avec la collectivité territoriale, qui a parmi ses compétences le développement des liaisons aériennes. Je confirme devant la représentation nationale qu'il consacrera les moyens qu'il faut pour parvenir à une délégation de service public idéale. Il contribue financièrement aux liaisons intérieures et j'ai déjà indiqué que nous étions prêts à ajouter les fonds nécessaires pour améliorer ces dessertes. Mon déplacement en Guyane me permettra, je l'espère, d'avancer sur ce point.
La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, n° 300, relative à la lutte contre l'errance animale à La Réunion.
En 2020, la préfecture de La Réunion a recensé plus de 73 000 chiens de rue, dont 42 000 errants et 31 000 divagants. Ils font partie des 80 000 animaux abandonnés chaque année en France. Selon la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Daaf), 80 % de ces animaux sont abandonnés au moment de départs en vacances, spécialement vers l'Hexagone.
Alors même que notre continuité territoriale est mise à mal, voilà qu'Air France, société dans laquelle l'État investit massivement, a décidé d'établir une nouvelle tarification pour le transport des animaux de compagnie : 200 euros contre 75 euros auparavant pour un voyage en soute et 125 euros contre 55 euros en cabine. Lorsque les associations et les clients interrogent la compagnie à ce sujet, sa réponse est la suivante : les autres compagnies internationales pratiquent des prix plus élevés et nous appliquons aux outre-mer les mêmes tarifs que pour les vols vers l'Afrique du Nord et l'Europe. Notre appartenance à la communauté nationale se fait-elle donc au gré des intérêts capitalistes des grandes entreprises ?
Cette augmentation de prix aura un impact désastreux, d'autant qu'elle a fait des émules : d'autres compagnies vont l'appliquer. Les associations qui jouent un rôle majeur dans la lutte contre l'errance en envoyant des animaux par avion en vue d'une adoption dans l'Hexagone pour désengorger notre île vont être mises en difficulté. Ce seront autant d'animaux en plus qui erreront sur nos routes et dans nos villes.
Monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, mettre à mal le portefeuille des familles et des associations, c'est aggraver la situation sociale et sanitaire déjà tendue sur l'île. « J'entendais mes poules crier, je suis sorti et j'ai vu les chiens leur courir après, ils en avaient déjà tué une dizaine » témoignait un éleveur local après une attaque survenue en avril dernier. Au mois d'avril, une dizaine d'animaux ont été tués, en février, une douzaine et au cours de l'année précédente, une centaine dans une seule et même exploitation. En l'espace d'une semaine, un agriculteur de l'ouest de l'île a perdu cinq cabris nains destinés à sa ferme pédagogique et une quinzaine d'oies. Au choc moral – car il aime ses animaux – s'ajoute pour lui une perte financière de 4 000 euros.
Les chiens livrés à eux-mêmes forment des meutes pour survivre et finissent par entrer chez les particuliers et s'en prendre aux exploitations agricoles pour se nourrir. Les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) investissent déjà beaucoup pour lutter contre ce phénomène mais les obstacles sont nombreux : fourrières non adaptées aux besoins de l'île, manque de sensibilisation à l'échelle du territoire tout entier, pénurie de moyens pour les personnels de la police municipale. Il n'existe, par exemple, que quatorze capteurs d'animaux errants dans mon intercommunalité du Territoire de la côte ouest (TCO) qui couvre une superficie de 53 000 hectares. Le manque de moyens est réel.
Cette situation appelle une intervention claire de la part du Gouvernement. Il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique, d'un enjeu majeur pour le bien-être animal, d'un enjeu majeur pour notre île.
Monsieur le ministre délégué, que peut faire le Gouvernement face à cette augmentation injuste des tarifs qui va à l'encontre du principe de continuité territoriale ? Quelles mesures est-il prêt à prendre pour endiguer une bonne fois pour toutes le problème de l'errance animale dans notre île ?
Que le ministre de l'outre-mer s'occupe des animaux, c'est plutôt sympa.
Sourires.
Lors du déplacement que j'effectuerai prochainement à La Réunion avec la Première ministre, je ne manquerai pas d'évoquer ce sujet.
Je tiens à rappeler que cette question relève des collectivités locales, qui souffrent d'un manque global de moyens. Doivent-elles affecter plus de moyens à cette lutte ? Leur faut-il prendre des mesures plus radicales ? C'est un premier aspect.
Vous venez de m'apprendre, madame la députée, – et c'est l'une des vertus de ces questions orales sans débat – qu'Air France a décidé d'augmenter ses tarifs pour le transport des animaux, en invoquant un alignement sur les prix pratiqués pour les liaisons vers l'Afrique du Nord. Sur l'augmentation des prix en elle-même, je suis prêt à intervenir mais sur la justification avancée par la compagnie, je suis prêt à gueuler, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Rappelons que l'État a consacré 4 millions d'euros à la lutte locale contre la divagation des animaux, dont 600 000 au titre du plan France relance, en venant en appui aux collectivités locales – notre système administratif rend les choses compliquées –, notamment au titre des actions centrales de stérilisation et de communication préventive. La gestion de ce phénomène relève aussi de la responsabilité des maires et nous souhaitons nous engager avec les élus locaux. Lors du voyage de Mme la Première ministre, je m'attacherai à évoquer cette situation. Il importe de créer une nouvelle dynamique avec la population, avec les communes, avec les associations. Une mission spécifique a été confiée au sous-préfet de Saint-Pierre – je ne me suis pas préoccupé de savoir comment il agissait mais nous pouvons nous réjouir de vivre dans un pays qui confie à un sous-préfet une mission pour lutter contre les chiens errants – et une réunion a déjà eu lieu le 21 mars dernier.
Toujours est-il que je n'admets pas le traitement spécifique qu'applique Air France à La Réunion pour le transport des animaux. Ce n'est pas notre politique.
La question ne se résume pas à l'errance des animaux. Il faut aussi prendre en compte les risques que leur présence fait peser sur la sécurité des habitants.
La parole est à M. Guy Bricout, pour exposer sa question, n° 307, relative à l'installation d'une nouvelle brigade de gendarmerie à Caudry.
Depuis quelques mois, M. le ministre de l'intérieur a rencontré de nombreux élus afin de leur exposer sa volonté d'installer 200 nouvelles brigades de gendarmerie, conformément à l'engagement que le Président de la République a pris pour l'ensemble du territoire. J'étais moi-même présent avec les élus concernés lors de la réunion de présentation et de concertation organisée le 7 novembre dernier à Solesmes en vue de déterminer les modalités de création de ces nouvelles brigades.
Sur un territoire comme le Caudrésis, le renforcement des moyens humains, logistiques et financiers est vital. À Caudry, la délinquance s'accroît. Elle a connu en l'espace d'un an une augmentation de 25,6 % – 56 % pour les coups et blessures volontaires ainsi que pour les violences intrafamiliales, 136 % pour les violences sexuelles – alors que la consommation de stupéfiants a progressé de plus de 30 points. Dans ma circonscription, affectée par un taux de chômage de plus de 25 % et une réduction des services publics de proximité, il me semble plus que nécessaire de renforcer la présence de ceux qui assurent notre sécurité, que je tiens d'ailleurs à saluer.
Nous savons que les gendarmes sensibilisent les collectivités et l'ensemble des élus, ce qui permet de créer une dynamique commune dans la lutte contre la délinquance. Cependant, cette volonté se heurte à la réalité du terrain. Seule la présence d'effectifs supplémentaires serait de nature à répondre à un enjeu dont l'importance va croissant pour nos concitoyens.
J'ai eu l'occasion d'échanger sur ce sujet à de nombreuses reprises avec le ministre de l'intérieur. Il connaît les problématiques attachées à ce territoire situé à un carrefour entre Paris, Lille, la Belgique et les Pays-Bas. Nous ne pouvons que constater l'urgent besoin de renforcement des effectifs de gendarmerie dans le Caudrésis. Lors de la réunion du 7 novembre à Solesmes, M. le ministre a évoqué l'installation de la nouvelle brigade à Caudry. Qu'en est-il exactement ? Je souhaiterais connaître les motivations du Gouvernement s'agissant de l'implantation d'une nouvelle brigade de gendarmerie dans ma circonscription.
La lutte contre la délinquance est une priorité du Gouvernement, qu'on accuse en ce domaine d'en faire trop ou pas assez. Pour accroître la présence des forces de l'ordre sur la voie publique, des efforts importants ont été consentis depuis six ans. Ainsi, les effectifs de la brigade de Caudry s'élèvent à ce jour à trente-trois personnels contre vingt-sept en 2017, soit six postes supplémentaires, ce qui correspond un taux d'augmentation élevé. Par ailleurs, cette brigade peut compter sur le concours de vingt militaires du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie de Caudry dont les onze postes de gendarmes adjoints volontaires ont été transformés en postes de sous-officiers statutaires en janvier 2022. Cet effort sera poursuivi dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) qui prévoit également la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie.
Dans cette perspective, une large concertation a été conduite par le préfet de région et le préfet du Nord avec les élus du département, en lien avec la gendarmerie, pour déterminer les modalités de création de ces unités et leur localisation. La décision doit tenir compte à la fois des besoins opérationnels, de l'offre immobilière, des conditions de travail et de vie proposées ainsi que de la mobilisation locale autour du projet.
Pour m'en être personnellement entretenu avec le ministre de l'intérieur, je puis vous dire que les propositions qui ont émergé sont actuellement étudiées au niveau central afin de s'assurer de la viabilité technique des projets. Je vous indique que les premières décisions seront rendues avant l'été. Chacun sera bien sûr tenu informé. Caudry fait partie de la réflexion globale sur les 200 brigades qu'il faut parvenir à implanter de manière optimale.
J'avais cru comprendre, lors de l'intervention de M. Darmanin à Solesmes, que les effectifs seraient augmentés de manière plus importante que ce que vous avez indiqué.
S'agissant des effectifs, j'ai parlé des augmentations déjà faites et non pas de celles qui seront éventuellement décidées.
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour exposer sa question, n° 305, relative à la recrudescence des actions violentes des groupuscules d'extrême droite.
À Callac, dans ma circonscription, parce qu'ils défendaient un projet pour l'accueil de réfugiés, des élus mais aussi des habitants ont été menacés jusqu'à leur domicile par des militants d'extrême droite. Plus d'une dizaine de plaintes ont été déposées par les élus locaux, qui subissaient le harcèlement continu de ces organisations. Le site internet Riposte laïque a fait de l'une des élues de cette commune sa cible, allant jusqu'à diffuser des informations sur sa vie privée. L'équipe du journal Le Poher, basé à Carhaix, a fait l'objet de plusieurs menaces parce qu'il couvrait les manifestations de l'extrême droite contre ce projet d'accueil de migrants : menaces de mort proférées au téléphone, diffamation et même alerte à la bombe dans les locaux de la rédaction. Une journaliste de France 3 Bretagne a été, quant à elle, victime de cyberharcèlement.
Face à ces menaces et intimidations, la municipalité de Callac a dû mettre un terme à son projet, constatant l'inaction de l'État malgré les alertes répétées qu'elle a adressées au préfet des Côtes-d'Armor et au ministre de l'intérieur.
Le 22 mars dernier, le maire de la commune de Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlantique, a vu ses voitures incendiées ainsi qu'une partie de sa maison. Depuis plusieurs mois, il subissait des menaces concernant le projet d'implantation d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile soutenu par l'État. Il s'est exprimé dans la presse sur l'absence de condamnation officielle de la part de la préfecture ainsi que sur la minimisation des menaces par le sous-préfet et le commandant de gendarmerie.
À Bordeaux, en l'espace de trois semaines, les locaux du planning familial ont été vandalisés trois fois par un groupuscule d'extrême droite pourtant déjà identifié. À Poitiers, le syndicat étudiant d'extrême droite La Cocarde a attaqué des étudiants et l'un d'entre eux a été contraint à cinq jours d'incapacité totale de travail (ITT). Dans une autre université, un nouveau groupe élégamment dénommé Waffen Assas a attaqué des manifestants à coups de barre de fer.
L'État est pourtant conscient des menaces qui pèsent sur nos concitoyens, le rapport d'Europol en la matière étant sans appel : la menace terroriste d'extrême droite s'accentue et est désormais tout aussi grave que la menace djihadiste. Les attaques récentes l'ont démontré. Il y a bien longtemps que les digues de la liberté d'expression ont été franchies et que ces groupuscules sont tombés dans la délinquance.
Quelles mesures concrètes sont prises afin de lutter contre les violences de l'extrême droite ?
Aucun gouvernement n'avait fait autant que celui-ci pour lutter contre les extrêmes, notamment l'extrême droite. Certes, les circonstances ont évolué et l'y obligent : la menace et l'expression des violences racistes émanant de mouvements d'extrême droite se multiplient. Ainsi, jamais autant d'associations nationalistes, racistes, antisémites et antirépublicaines n'avaient été dissoutes. Depuis l'arrivée du ministre de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin, onze associations et groupuscules d'extrême droite ont été dissous en Conseil des ministres et je vous invite à le rappeler vous aussi : Bordeaux nationaliste, Zouaves Paris, Alvarium ou encore Génération identitaire.
Les faits inacceptables qui se sont déroulés à Callac ont été signalés à l'autorité judiciaire et plusieurs enquêtes sont ouvertes ; il n'appartient donc pas au ministre de l'intérieur, mais au procureur de la République, de communiquer sur des enquêtes en cours – en tout cas, nous ne le ferons pas.
Le Gouvernement, vous le savez, est pleinement mobilisé face à ces extrêmes et ces violences racistes inacceptables, qui détruisent la République – c'est parfois aussi ce que cherchent certains anarchistes. À Poitiers ou à Clermont-Ferrand, comme dans de nombreuses villes en France, des étudiants militants des deux extrêmes s'affrontent régulièrement et seule l'intervention des forces de sécurité intérieure évite que ces affrontements ne dégénèrent. Le 22 avril, à Clermont-Ferrand, devant un débit de boissons, une vingtaine d'antifascistes a ainsi attaqué une vingtaine de militants d'ultradroite avant que les policiers ne rétablissent l'ordre.
J'en viens à Saint-Brevin-les-Pins. Les faits qui y sont survenus ne concernent pas que cette commune. En raison de mon expérience personnelle, j'ai pu constater que dès que vous voulez implanter un centre d'accueil et d'examen des situations (CAES), un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) ou un hébergement pour personnes à la rue, qu'elles soient étrangères ou non, il se produit une levée de boucliers. La France est malheureusement devenue comme cela. Nous devons lutter contre ce phénomène ensemble et combattre le fond de cette pensée – certes avec les moyens du maintien de l'ordre et la dissolution des groupuscules concernés. Je le dis en tant qu'ancien président de Coalia : je n'arrivais à implanter qu'une structure sur deux. Soyons donc unis face au racisme et au rejet permanent de l'autre.
Sur le plan de l'ordre public, la création prochaine d'une direction nationale du renseignement territorial permettra de mieux étudier les agissements de ces extrêmes, de mieux en anticiper la violence et d'éviter les rixes avec une intervention encore plus rapide des forces de sécurité intérieure. C'est notre société qui va mal, madame la députée.
En ce qui concerne Saint-Brevin-les-Pins, je viens de parler avec mon collègue Andy Kerbrat qui participait à la contre-manifestation organisée samedi dernier : il m'a fait part d'une répression policière très sévère vis-à-vis des contre-manifestants. Il y a, à cet égard, de quoi être fortement préoccupé par l'orientation politique actuelle du Gouvernement qui laisse certaines personnes créer, sans être inquiétées, une coordination « Partout Callac » dont l'objectif est d'empêcher les communes de mener à bien leurs projets d'accueil de réfugiés, tandis que, dans le même temps, la Ligue des droits de l'homme se voit menacer d'une suspension de ses aides publiques par le ministre Darmanin !
Les orientations politiques ne sont pas en cause puisque jamais autant d'argent n'avait été dépensé pour l'accueil des sans-abri ou des étrangers, même si cela ne suffit pas : des milliers de chambres d'hôtel sont prises en charge pour un coût de plusieurs milliards. L'orientation du Gouvernement est donc, sur le plan financier, très claire : elle vise à favoriser l'ouverture de centres et à développer le nombre de places d'hébergement. C'est par exemple ce que nous ferons à Cayenne – le député Rimane est malheureusement parti – en faveur de cette nouvelle immigration qui se voit rejetée par des gens qui étaient auparavant de bonne volonté et accueillaient tout le monde. Ils ne veulent plus le faire. Nous devons examiner ce problème global ensemble. Néanmoins, le Gouvernement est véritablement mobilisé en faveur de l'accueil des sans-abri ; regardez ce qu'il fait.
La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour exposer sa question, n° 306, relative à la lutte contre le trafic de drogue.
Depuis plusieurs mois, je suis interpellé par des habitants de ma circonscription, à Rennes – place du Banat, place de Serbie, square de Sarah Bernhardt pour ne citer que ces sites –, concernant le problème de l'occupation de l'espace public liée au trafic de drogue. Depuis la crise du covid-19, le trafic a explosé dans certains quartiers, opérant un glissement du cannabis vers les drogues dures. Nuisances sonores incessantes, installation d'entraves sur la voie publique, squares et parcs pour enfants désertés, caves visitées, portes d'immeubles forcées, interphones rendus inutilisables, contrôle des allées et venues des habitants, voire contrôles d'identité : voilà le quotidien d'un trop grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens.
Le passage régulier des forces de police ne permet pas d'améliorer la situation, celle-ci se dégradant de mois en mois. L'appropriation de l'espace public et des lieux de vie par les trafiquants est insupportable et mine la vie au quotidien. La seule répression ne suffit pas ; pire, elle conduit à donner des habitants de ces quartiers une image de trafiquants alors qu'ils en sont les premières victimes.
Pouvez-vous me préciser quelles politiques interministérielles – dans les domaines de l'intérieur, de la justice, de la santé, de l'éducation ou autres – le Gouvernement envisage-t-il d'engager, associant les collectivités locales et les bailleurs concernés, afin de permettre aux concitoyennes et aux concitoyens de récupérer l'espace public et l'usage des parties communes qui leur sont inaccessibles actuellement à cause de ces trafics ?
Avant de répondre à vos interrogations en matière de sécurité, je veux dire que les premiers coupables sont les consommateurs : s'il n'y avait pas de demande, il n'y aurait pas de trafic. Nous devons, tous ensemble, condamner fermement ces consommateurs qui sont, dans mon esprit, les premiers responsables. C'est clair et je l'affirmerai désormais partout. Nous ne pourrons lutter contre ce phénomène si nous laissons la liberté de consommer ; nous devons nous y opposer. Il faut montrer du doigt ceux qui rendent le trafic possible.
Nous luttons contre les trafics en tous genres, en particulier les trafics de stupéfiants qui génèrent des nuisances au quotidien et un sentiment d'insécurité très fort chez nos concitoyens et mobilisent, beaucoup trop, l'ensemble des forces de sécurité intérieure. En Bretagne comme dans l'ensemble du territoire national, les policiers et les gendarmes effectuent un travail remarquable pour fermer les points de deal et assécher les réseaux.
La physionomie de la délinquance a fortement évolué dans l'agglomération rennaise depuis une dizaine d'années : développement d'une économie souterraine et arrivée de populations délinquantes qui n'ont que ce moyen pour vivre – même si, parfois, elles aiment aussi se situer en dehors de la loi. Sans vouloir les montrer du doigt, la présence de mineurs étrangers non accompagnés et non pris en charge entraîne une recrudescence de ces phénomènes : je l'ai constaté non seulement en outre-mer, mais aussi dans tous les territoires – à Rennes, comme en Guyane ou en Guadeloupe. Nous sommes à l'ère de la circulation absolue des personnes ; il est possible de se déplacer partout, tout le temps. Au-delà des voyous ou des chefs de bande, ces trafiquants, en provenance de pays exportateurs de drogue, y trouvent bien souvent une manière de vivre et viennent précisément là où sont les consommateurs.
Un effort appuyé des services de la police nationale a néanmoins permis une forte hausse des interpellations de mineurs non accompagnés depuis fin 2021 dans la circonscription de sécurité publique de Rennes, avec une hausse de plus de 21 % des étrangers mis en cause en 2022 par rapport à 2021. Le succès du travail effectué par la police nationale a conduit une partie de ces populations, qui vivaient de rapines et du désordre, à se tourner vers le trafic de stupéfiants. Quatre quartiers à Rennes concentrent ces trafics : Villejean, Cleunay, Le Blosne et Maurepas. Ils ont été désignés comme quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce qui leur permettra de bénéficier d'une mobilisation accrue des forces de la police nationale ainsi que d'une priorité dans un grand nombre de politiques visant à lutter à la racine contre les trafics : logement, insertion, emploi, éducation. L'agglomération rennaise, qui réalise une partie du travail, fait donc l'objet d'une attention particulière des services de police judiciaire dans la lutte contre les stupéfiants. Elle bénéficie d'une antenne de l'office antistupéfiants, appuyée par une cellule permanente de renseignement opérationnel sur les stupéfiants, composée à la fois de policiers et de gendarmes.
Ce travail produit des résultats : en 2022, 605 opérations de démantèlement des points de deal ont conduit à 436 gardes à vue ; 1 880 amendes forfaitaires délictuelles (AFD) ont été dressées pour usage de stupéfiants dans l'ensemble du département de l'Ille-et-Vilaine. Au premier trimestre 2023, ces efforts ont été intensifiés, avec 185 opérations ayant abouti à 133 gardes à vue. L'effort de la police est maximal et a permis de régler des problèmes de désordre ; malheureusement, je crains que cela ne suffise pas car le monde, et pas seulement notre société, est consommateur de drogues. C'est cela que je veux dénoncer. Si je n'avais qu'une réponse à vous apporter, ce serait celle-ci : condamnons les consommateurs !
Je suis en total désaccord avec votre approche de condamnation des consommateurs : affirmer qu'il n'y aurait pas de trafic s'il n'y avait pas de consommateurs est aussi vain que de chercher qui de la poule ou de l'œuf est arrivé en premier. D'ailleurs, cette politique ne fonctionne pas : dans mon département, comme peut-être dans d'autres, le logiciel de l'AFD ne marche pas. Infliger une amende à des personnes qui risquent leur vie à chaque prise d'héroïne ou de crack ne fonctionne pas. Il faudrait, à mon avis, prendre de la hauteur sur cette question et arrêter de criminaliser les consommateurs, ce qui constitue, d'ailleurs, une régression en matière de santé publique. Car il s'agit d'un problème de santé publique. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) le répète depuis longtemps : les addictions sont une maladie, non un délit.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Débat sur le rapport d'information du 15 février 2023 sur le bilan de la loi de programmation militaire 2019-2025.
La séance est levée.
La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra