La séance est ouverte à seize heures quarante.
La commission procède à l'audition de Mme Anouk Lavaure, directrice adjointe au directeur général du travail, ministère du travail, de la santé et des solidarités, et Mme Christelle Chambarlhac, cheffe du bureau du pilotage du système d'inspection du travail.
Les travaux de notre commission s'articulent autour de plusieurs axes et d'une ambition. Les axes, que vous connaissez déjà, sont les suivants : l'évaluation de la situation des mineurs et des majeurs dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité ; l'identification des mécanismes et des défaillances permettant des violences dans ces secteurs ; et la définition des responsabilités de chacun. Notre ambition est de formuler des recommandations pour améliorer ces situations.
Les questions relatives au droit du travail, à sa mise en œuvre effective et au contrôle de son respect, notamment sur les plateaux de tournage, sont cruciales pour notre commission d'enquête. Dans un premier temps, nous souhaiterions que vous présentiez, dans un court propos introductif, la manière dont est élaborée la programmation en matière de contrôle des entreprises dans les secteurs qui intéressent la commission d'enquête, en précisant si ces secteurs présentent des spécificités du point de vue de la Direction générale du travail. Dans un second temps, la rapporteure et mes collègues vous poseront des questions plus précises. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mmes Anouk Lavaure, Sophie Fleurance et Christelle Chambarlhac prêtent successivement serment.)
À titre liminaire, rappelons que la direction générale du travail, dans le cadre de ses différentes fonctions, prépare, anime et coordonne la politique du travail. Elle élabore également les textes législatifs et réglementaires relatifs aux relations individuelles et collectives de travail, aux conditions de travail, ainsi qu'à la protection de la santé et de la sécurité au travail. Elle développe des actions visant à encourager le dialogue social et assure le rôle d'autorité centrale du système d'inspection du travail. À ce titre, elle pilote et anime les services déconcentrés dans la mise en œuvre de la politique du travail, fournissant une expertise et un appui juridique et méthodologique aux services déconcentrés. La direction générale du travail détermine le cadre d'exercice des missions du système d'inspection du travail et est chargée de l'application de la convention internationale n° 81 de l'OIT.
Cette convention définit les prérogatives et le cadre spécifique d'intervention de l'inspection du travail. Conformément à ses dispositions, le système d'inspection du travail veille principalement à l'application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs. Il fournit également des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs. Les agents du système d'inspection du travail peuvent décider de donner des avertissements ou des conseils plutôt que d'engager des poursuites, ce qui se traduit en droit interne par le principe de libre décision.
Le système d'inspection du travail se compose de la direction générale du travail et des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Ces directions régionales accueillent un pôle travail pilotant la politique du travail et l'action d'inspection du travail dans l'ensemble de la région. Elles disposent également de services spécialisés de contrôle, notamment en matière de travail illégal. Le niveau départemental accueille la majorité des agents de contrôle, au sein des unités de contrôle des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets), et, le cas échéant, de la protection des populations.
La compétence du système d'inspection du travail s'étend à environ deux millions d'établissements de toutes tailles et de tous secteurs d'activité, employant environ 20 millions de travailleurs. Le principal secteur en termes d'emploi est le secteur tertiaire. Le service de l'inspection du travail est compétent pour l'ensemble des établissements du secteur privé, à l'exception de l'administration publique. Hormis quelques secteurs spécialisés, pour lesquels l'inspection est confiée à d'autres ministères ou autorités de tutelle, l'inspection du travail est responsable de l'application de la réglementation du travail dans l'ensemble des secteurs d'activité.
Il est également important de souligner que, en raison de ce périmètre étendu, mais également parce qu'elle est compétente sur l'ensemble des normes juridiques d'ordre législatif, réglementaire et conventionnel, sans nécessairement disposer d'un pouvoir de sanction, l'inspection du travail intervient sur l'ensemble des relations de travail, qu'elles soient individuelles ou collectives, ainsi que sur les conditions de travail, d'emploi, de santé et de sécurité au travail. L'inspection du travail dispose d'une compétence d'investigation pour toutes les situations de relations de travail afin de garantir l'application des textes.
En termes d'organisation, la compétence de l'agent de contrôle est principalement géographique, dans le cadre de sections d'inspection du travail, et s'étend à tous les établissements situés dans ce périmètre. Nous comptons environ 2 000 sections d'inspection du travail à l'échelle nationale et un peu moins de 1 800 agents de contrôle présents dans ces sections. À cela s'ajoutent environ 450 agents des services de renseignement, qui fournissent information et conseil aux usagers.
L'inspection du travail dispose d'un droit d'entrée dans tous les établissements où s'appliquent ces règles, à l'exception notable des domiciles privés des personnes.
La direction du travail ne peut-elle donc pas intervenir lorsqu'un tournage se déroule dans un domicile privé, ou bien le lieu perd-il, dans ce cas, son caractère privé ? En effet, des appartements, des maisons, voire des terrains privés sont fréquemment loués pour les tournages. Cette situation limite-t-elle votre champ d'action ?
Le domicile privé, en tant qu'espace habité, ne peut être investi qu'avec l'autorisation de l'occupant des lieux, nous n'avons pas la possibilité d'intervenir systématiquement.
La question de l'habitation est déterminante. Si le domicile est transformé en lieu de tournage, il devient un lieu de travail. Jusqu'à présent, cette question ne s'est pas posée. Dans le cadre d'un chantier de rénovation chez un propriétaire privé, si nous constatons une situation de travail depuis la rue, nous devons obtenir l'autorisation de l'occupant des lieux pour pénétrer dans le domicile privé.
L'inspection du travail peut intervenir de sa propre initiative, mais aussi en réponse à des situations signalées, notamment en ce qui concerne les violences. L'inspection du travail agit dans le cadre du plan national d'action pluriannuel du système d'inspection du travail. Ce plan vise à mobiliser de manière coordonnée l'ensemble des services et agents sur des actions prioritaires, afin de faire évoluer significativement les conditions de travail et de garantir les droits fondamentaux des travailleurs sur des sujets identifiés comme incontournables. Le plan national d'action 2023-2025 identifie quatre sujets nécessitant la mobilisation de l'inspection du travail.
Le premier concerne la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, impliquant une forte présence sur les lieux de travail et les chantiers, afin d'intervenir sur toutes les expositions à des risques physiques, chimiques et biologiques. Le deuxième axe est la lutte contre les fraudes, prenant en compte les enjeux liés à l'irrégularité de certaines situations de travail, notamment la lutte contre le travail illégal, la traite des êtres humains, l'emploi d'étrangers sans titre de séjour ou les manquements aux obligations de détachement de travailleurs. Un troisième axe porte sur la réduction des inégalités, avec une attention particulière à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cela inclut également, les questions de harcèlement sexuel et moral au travail. Enfin, un dernier axe concerne la protection des travailleurs les plus vulnérables, en particulier les travailleurs précaires et les jeunes travailleurs, notamment les apprentis.
Pour répondre à votre question, en dehors du cadre précis de pilotage des actions de l'inspection du travail sur ces priorités, il n'existe pas aujourd'hui d'axe dédié à la prévention des violences dans le secteur du spectacle. La question de la présence sur les lieux de travail se heurte en effet à l'absence d'établissements fixes, puisque les activités sont souvent itinérantes, ponctuelles, avec un collectif de travail composé principalement d'intermittents. Nous ne connaissons pas l'ensemble des lieux où se déroulent ces activités, notamment les lieux de tournage. L'essentiel de notre activité consiste à intervenir sur signalement et, le cas échéant, sur plainte, dans le cadre de situations de harcèlement sexuel ou moral au travail. Les inspecteurs du travail disposent d'un droit de communication étendu pour constater ces faits à travers tout document ou élément d'information dont ils disposent. Ils ont compétence pour constater ces infractions par procès-verbal. Ils peuvent également être saisis de faits relevant d'incriminations du code pénal et, à ce titre, intervenir sous la forme d'un signalement au procureur de la République, permettant à ce dernier de diligenter l'enquête nécessaire.
L'inspection du travail peut également être alertée sur une situation dangereuse en vertu des principes généraux de prévention que l'employeur doit respecter pour assurer la sécurité physique et mentale des travailleurs. À ce titre, elle peut solliciter le directeur régional de la Dreets pour une mise en demeure visant à faire cesser cette situation dangereuse. Cela est possible lorsqu'une situation de souffrance au travail ne peut pas être qualifiée pénalement de harcèlement moral ou sexuel.
S'agissant de la sécurité des mineurs, l'agent de contrôle de l'inspection du travail constatant un risque sérieux pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique ou morale d'un travailleur de moins de 16 ans peut demander au directeur régional la suspension de son contrat de travail. Le directeur régional dispose alors de quinze jours à compter des constatations pour autoriser ou refuser la reprise de la relation de travail. Il importe de rappeler que le code du travail interdit de confier à des mineurs de moins de 16 ans des activités dangereuses, notamment pour leur moralité. En cas de violation des dispositions relatives à l'emploi des enfants, ou d'emploi d'un enfant sans autorisation de la commission des enfants du spectacle des sanctions pénales sont prévues dans le code du travail.
Il existe certaines limites à l'intervention des agents dans ce secteur. Les faits relatifs à un éventuel harcèlement sexuel sont souvent portés à la connaissance des agents par le biais de plaintes ou d'alertes émanant d'autres acteurs institutionnels. Dans le cadre d'une plainte, le principe de confidentialité absolue impose à l'agent de contrôle d'obtenir la levée de cette confidentialité avant de pouvoir engager une démarche qui n'expose pas la victime ou l'auteur du signalement. Nous rencontrons souvent des difficultés à établir des constats spécifiques de la situation individuelle lors des contrôles. L'enquête repose principalement sur la démonstration d'éléments matériels de l'infraction et se base souvent sur le recueil de témoignages et, éventuellement, de faits matériels complémentaires, tels que des écrits. Ces éléments sont ensuite transmis au procureur de la République par procès-verbal ou, lorsque la matérialité de l'infraction ne peut être démontrée, par un signalement en vertu de l'article 40. Ces procédures sont généralement longues et complexes et il est parfois impossible de produire tout témoignage.
L'inspecteur du travail est également chargé de contrôler l'application des dispositions conventionnelles, mais peut se heurter à l'impossibilité de sanctionner des manquements, faute de sanctions pénales ou administratives autres que celles prévues par le code du travail. Face à cette situation, les services déconcentrés ont engagé et développé, notamment depuis le lancement du quatrième plan santé au travail (PST4) en 2023, des actions visant à la prévention et à la sensibilisation des acteurs en matière de violences sexistes et sexuelles au travail. Ces actions ne visent pas toujours spécifiquement un secteur d'activité donné, mais il nous sera possible de rappeler les initiatives prises par la région Auvergne-Rhône-Alpes, notamment pour le secteur du spectacle.
Dans vos propos liminaires, madame, vous évoquez des procédures d'enquête longues et complexes, applicables dans tous les milieux où l'inspection du travail peut être sollicitée. Cette commission d'enquête possède un périmètre particulier, celui du monde du spectacle et de la culture, qui présente des contraintes et des temporalités spécifiques. Comment organisez-vous vos enquêtes pour les tournages ne durant que quelques mois, imposant d'agir rapidement en cas de signalements ? De plus, comment intervenez-vous dans le cadre de spectacles itinérants ? Quelle branche de votre service est compétente dans ces situations ? Existe-t-il une transmission centralisée des informations, notamment pour les tournées d'acteurs ? Je voudrais également comprendre le cadre applicable lors des castings, où aucun contrat de travail n'est encore signé
Vous avez évoqué des statistiques concernant les cas de violences sexistes, sexuelles et psychologiques, tant pour les majeurs que pour les mineurs. Ces statistiques sont-elles disponibles secteur par secteur, et observez-vous une augmentation d'une année sur l'autre ?
Pourriez-vous nous fournir un exemple concret de signalement de dysfonctionnement sur un plateau de tournage ? Comment se déroule votre intervention sur place et quels sont les délais d'intervention ?
Par ailleurs, avez-vous identifié des améliorations qui pourraient être apportées au cadre législatif actuel ?
Enfin, lors de ces auditions, il a été beaucoup question des événements se déroulant lors des tournages. Quid des faits survenant en dehors des heures de travail, lors des soirées où circulent alcool et substances illicites, rendant les acteurs et techniciens plus vulnérables à d'éventuelles violences ? Ces situations relèvent-elles également de votre contrôle ?
Nous ne disposons pas, au sein des services d'inspection du travail, d'informations relatives aux lieux, périodes, dates et horaires de tournage. Nous pouvons en être informés de manière incidente, notamment lorsque l'inspection du travail est saisie de demandes de dérogation au titre, par exemple, de la durée du travail pour un mineur ou de dérogations en matière de repos. Cependant, ces informations ne nous sont pas systématiquement communiquées. Comme je l'ai mentionné précédemment, l'inspection du travail intervient sur l'ensemble des lieux de travail, sans cibler particulièrement le secteur des tournages par rapport aux autres secteurs d'activité. De plus, une venue aléatoire ne nous permettrait pas nécessairement de constater des manquements. C'est principalement en cas de signalement que nous intervenons, à condition que l'activité de travail soit encore en cours, ce qui nous permet alors d'entendre les personnes présentes et les éventuels témoins.
Un employeur possédant une usine ou des locaux doit déclarer ces installations et l'inspection du travail connaît les emplacements ainsi que les normes de repos et de sécurité applicables. Lorsqu'un film se prépare, le producteur est-il tenu de vous fournir la liste des lieux de tournage et leurs spécificités ? Dans ce cas, autorisez-vous des inspections spontanées, ou annoncées mais de manière aléatoire ?
Pourriez-vous également nous fournir des statistiques précises sur le nombre d'inspections du travail effectuées dans les milieux qui nous préoccupent ?
La problématique des interventions dans des lieux non fixes n'est pas propre au seul secteur du spectacle. S'agissant des obligations de l'employeur, une entreprise de cinématographie ne se doit de fournir à l'inspection du travail les informations sur le tournage que si l'inspecteur le demande. Cela n'est pas systématique, mais si l'inspecteur suspecte un problème, l'inspecteur du travail du siège de l'entreprise peut demander à l'employeur des détails sur les lieux de tournage, le film, et les conditions de réalisation. Dans le cadre d'une dérogation pour le travail de nuit des mineurs, par exemple, l'inspecteur du travail, saisi d'une demande, peut exiger de l'employeur des informations sur le lieu et les conditions du tournage avant de rendre sa décision. Il peut ensuite communiquer ces informations aux inspecteurs du travail compétents pour les différents lieux de tournage, qui peuvent être répartis sur plusieurs régions ou départements. En cas de doute, l'inspecteur compétent territorialement peut être sollicité pour effectuer une inspection. Nos interventions sont toutefois nécessairement priorisées, et les inspections ne sont pas systématiques en l'absence de plainte ou suspicion. Les moyens existent pour l'inspecteur du travail d'obtenir ces informations, mais il faut les solliciter.
Concernant les statistiques, nous n'avons pas de données exhaustives de tous les incidents. Comme l'a souligné madame Lavaure, les violences ne surviennent pas nécessairement lors des contrôles. Sans information préalable sur des dysfonctionnements, un contrôle ne sera donc pas utile, car rien ne sera constaté. Nous disposons de moyens d'action, mais pour cela, il est impératif que nous obtenions des informations, afin de poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Il est également essentiel que les victimes, d'une manière générale, se sentent en confiance pour se tourner vers l'inspection du travail afin de dénoncer des faits, ce qui nous permet de déclencher des enquêtes. Il n'existe aucune réticence de notre part et la direction générale du travail n'a pas besoin d'autoriser des contrôles pour ce type d'événement, puisque les inspecteurs du travail peuvent s'autosaisir pour effectuer des contrôles de manière inopinée. Cependant, pour cela, il est indispensable que nous disposions d'éléments de plainte.
Les signalements effectués par un acteur ou une actrice auprès de la cellule mise en place par le ministère de la culture vous sont-ils transmis ?
Je n'ai pas connaissance de cet élément à ce stade.
C'est bien ce qu'il me semblait. C'est une lacune : une connexion semble nécessaire, ce sera peut-être l'une de nos préconisations.
Pour revenir sur l'une de mes questions initiales, quel est le délai de réponse en cas de signalement ? Lorsqu'un acteur ou un technicien vous adresse un signalement, sous combien de temps est-il pris en compte ? Imaginons qu'un tournage dure un mois, avez-vous la capacité d'intervenir durant cette période ? Si l'alerte est urgente, compromettant l'intégrité et la santé des travailleurs sur une période déterminée et courte, avez-vous le temps de réagir ? Vous est-il possible de suspendre le tournage le temps nécessaire à une enquête ou à une action corrective, ou le tournage risque-t-il de se poursuivre, faute de mesure prise à temps ?
Nous n'avons pas le pouvoir de suspendre un tournage. Nous pouvons suspendre le contrat de travail d'un mineur si nous constatons un danger, afin d'extraire le mineur de cette situation dangereuse. En revanche, nous n'avons pas l'autorité pour arrêter un tournage.
Concernant le temps de réaction, il s'agit véritablement d'une question de diligence de l'inspecteur. Le code du travail et le code de déontologie des inspecteurs du travail stipulent qu'ils doivent agir avec la diligence normale attendue de tout fonctionnaire. Si une situation grave mettant en cause la santé physique ou mentale d'un salarié est signalée, et si cela est matériellement possible, une intervention peut être organisée dans un délai d'un mois. En revanche, si le tournage a lieu le lendemain et que le signalement intervient à 17 heures, il n'est pas forcément possible d'intervenir matériellement. En tout état de cause, il n'existe pas de délai minimum en dessous duquel nous n'interviendrions pas. Les inspecteurs du travail priorisent les demandes en fonction des personnes présentes et des obligations de chacun, sachant qu'une situation de danger d'un salarié constitue une priorité. Il est donc possible d'intervenir, en rappelant toutefois que le lieu de tournage n'est pas forcément celui de l'entreprise, ce qui nécessite de mettre en relation des inspecteurs du travail sur l'ensemble du territoire français.
Nous disposons d'un système d'information dans lequel les agents en charge des services de renseignement en droit du travail renseignent de manière non nominative la typologie des questions et des sujets dont ils sont saisis. Pour les années 2023 et 2024, environ 400 sollicitations concernent l'item violence au travail. Nous en comptons 6 (4 pour le spectacle vivant et 2 pour les entreprises artistiques et culturelles) pour les secteurs d'activités qui vous intéressent.
Tous secteurs confondus, nous enregistrons environ un million d'interventions de l'inspection du travail de 2020 à 2024. Pour les secteurs de la production de films, nous comptons 1 793 interventions sur la période concernée. Pour la programmation et la diffusion, ce chiffre s'élève à 588. Les activités créatives, artistiques et de spectacles enregistrent 3 458 interventions. En ce qui concerne la publicité et les études de marché, nous en dénombrons 3 209. Les autres interventions concernent principalement les activités liées à l'emploi et aux agences de travail temporaire, ce qui rend difficile une sectorisation précise. Ces interventions représentent entre 0,2 % et 0,3 % du total des interventions de l'inspection du travail, en ligne avec le poids de ces secteurs (entre 0,1 % et 0,6 %).
En ce qui concerne les suites données par les agents de contrôle en matière de harcèlement moral et sexuel, il est essentiel de préciser que notre système d'information se base sur le nombre de fois où l'article traitant du harcèlement a été invoqué dans les interventions de l'inspection du travail. Nous avons recensé 4 288 interventions tous secteurs confondus, toujours sur la période 2020-2024, en lien avec la réglementation sur le harcèlement : 6 dans le secteur de la production de films ou de programmes de télévision, 4 dans la programmation et la diffusion, 9 dans les activités créatives, artistiques et de spectacles, et 19 dans la publicité et l'étude de marché. Enfin, nous recensons un total de 157 décisions entre 2020 et 2024 en lien avec les dispositions permettant de retirer un jeune d'une situation de travail dangereuse. Parmi ces 157 décisions, une seule, en 2021, concerne les secteurs visés par votre enquête.
Je reviens sur la question concernant le statut juridique des castings. Comment ces derniers s'inscrivent-ils dans le droit du travail, sachant que les participants ne sont pas encore employés ? Quel dispositif légal encadre les castings ? Sont-ils assimilables à un entretien d'embauche ? Par ailleurs, pourriez-vous préciser les règles régissant la relation entre un futur employeur et un futur salarié lors d'un entretien d'embauche ?
Les castings sortent effectivement du cadre d'une relation de travail. Ils peuvent être assimilés à un entretien d'embauche, mais avec des spécificités propres, ce qui complexifie la comparaison. L'entretien d'embauche est régi par certaines règles de droit commun, notamment relatives au principe de non-discrimination. Cependant, pour un casting, des critères déterminants tels que l'âge peuvent entrer en jeu, très spécifiques à ce domaine. En tout état de cause, les castings ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une relation de travail. À titre d'exemple, les enfants ne sont pas soumis aux autorisations de la commission des enfants du spectacle.
Ne conviendrait-il pas, selon vous, de faire évoluer cette situation, surtout pour les mineurs, puisque le casting reste un moment flou où ils ne sont pas protégés ?
Dès lors que nous ne sommes pas dans le cadre du travail, cela n'a pas vocation à relever de la compétence de l'inspection du travail. En revanche, il nous semble important d'encourager des dispositions conventionnelles permettant aux acteurs du secteur et aux employeurs de définir un cadre d'organisation du travail et des relations, afin d'approfondir la question de la prévention. De ce point de vue, toutes les démarches visant à rendre systématique la présence d'un référent pour les enfants, y compris pendant les périodes de casting, peuvent s'avérer pertinentes. Cependant, la présence systématique et préventive de l'inspection du travail lors des castings est difficile à envisager.
Madame la rapporteure, vous avez souhaité que nous exposions plusieurs illustrations de cas. Nous pouvons vous en fournir quelques-uns, bien que notre système de remontée ne nous fournisse pas des informations exhaustives et précises. Si vous souhaitez davantage de détails, nous pourrons compléter ces premières réponses dans le cadre du questionnaire que vous nous avez transmis.
Comme nous vous l'avons indiqué, nous recevons peu de signalements. À titre d'exemple, nous pouvons mentionner un cas en région parisienne dans le secteur de la mode et du spectacle. Le signalement a été reçu par le service dédié de la Ddets, concernant une agression sexuelle envers une comédienne de 15 ans engagée pour le tournage d'un film. Une scène à connotation sexuelle a été tournée sous la contrainte, qui ne correspondait pas à la version initiale du scénario et n'avait pas été présentée dans le cadre de la demande d'autorisation de travail pour mineurs de moins de 16 ans. Après vérification des informations, le service a établi un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale à destination du parquet de Paris.
Un deuxième exemple, toujours en région parisienne, concerne une décision d'opposition à l'engagement d'un apprenti prise à l'encontre d'une société de production. Cette décision a été motivée par l'absence de maître d'apprentissage, l'absence de formations pratiques permettant d'exécuter des opérations conformes à une progression dans le cadre de l'apprentissage, ainsi que par un signalement de propos et de comportements à connotation sexuelle à l'égard d'une apprentie.
Le troisième exemple vise le secteur du divertissement et de la mode à la Réunion, autour de l'organisation d'un concours de beauté avec des miss. L'agence faisait défiler des enfants de moins de 16 ans lors du show, en l'absence de toute autorisation administrative préalable, l'emploi de ces derniers n'étant pas déclaré au motif qu'il s'agissait de bénévoles. La clé d'entrée a été le contrôle de la réalité du statut et de la relation de travail entre ces jeunes et l'employeur.
Nous constatons que peu de signalements vous parviennent. Pourtant, l'existence même de cette commission d'enquête témoigne de l'ampleur et de la gravité du phénomène, parfois inquiétant. La conclusion est claire, vous n'êtes pas le canal privilégié pour les signalements et les démarches habituelles des responsables de tournage, souvent les producteurs.
Le droit du travail est clair, l'employeur doit assurer la sécurité et la santé du travailleur. Cela leur est-il suffisamment signifié ? Des formations obligatoires sur les violences sexistes et sexuelles sont délivrées par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Cependant, les règles du code du travail sont-elles également rappelées ? Si ce n'est pas le cas, serait-ce souhaitable ? Il est en effet surprenant que vous receviez si peu de signalements. Il ne s'agit pas de vous mettre en cause, mais peut-être de mieux articuler les responsabilités et les procédures en place.
Comme l'a indiqué madame Christelle Chambarlhac, il est pertinent de réfléchir aux modalités permettant de sensibiliser les professionnels du secteur, les témoins ou les victimes potentielles au rôle de l'inspection du travail. Cette sensibilisation vise à développer la confiance envers nos services, afin de faciliter les signalements. Nous avons élaboré plusieurs guides destinés au grand public, mais également aux représentants du personnel et aux employeurs. Ces guides rappellent les obligations de prévention incombant à l'employeur dans l'évaluation des risques, ainsi que les démarches d'alerte disponibles pour les représentants du personnel. Ces actions de prévention s'inspirent de l'accord national interprofessionnel, qui propose des mesures d'organisation concrètes pour prévenir de telles situations. Il s'avère donc nécessaire de poursuivre les efforts de sensibilisation et de communication autour de ces enjeux.
Je m'interroge quant à l'adaptation du cadre législatif concernant les mineurs. Concrètement, lorsqu'un mineur travaille sur un tournage de cinéma, une autorisation individuelle et nominative est requise. En revanche, dans le domaine du mannequinat et de la mode, qui relève également de cette commission d'enquête, il est possible de solliciter soit une autorisation individuelle et nominative, soit un agrément annuel renouvelable délivré aux agences titulaires d'une licence, leur permettant d'embaucher des mineurs. Pourquoi cette disparité ? Est-elle justifiée ? Le cadre législatif applicable aux mineurs est-il, selon vous, adapté et suffisant pour assurer leur sécurité dans le cadre du travail ?
La période de pré-tournage, notamment celle des castings, n'est pas couverte par ces dispositions. Un référent est prévu, mais il n'est pas présent pas durant les castings. Par la suite, un référent est présent durant le tournage, mais uniquement pour cette période, et non pour celle qui suit. Quel regard portez-vous sur cette situation, en particulier concernant les mineurs ? Pensez-vous que cela soit adapté ? Existe-t-il d'autres disparités selon les différents périmètres de notre commission d'enquête ?
Ne faudrait-il pas davantage d'égalité dans le cadre légal appliqué aux mineurs, ainsi qu'un contrôle accru des personnes chargées de les protéger, notamment en ce qui concerne leur formation pour assister les enfants dans le cadre de cette activité professionnelle ?
Ma première question concerne le lien de subordination. Comment envisagez-vous l'amélioration de la notion de lien de subordination lorsqu'il s'agit d'un mineur dans le cadre des missions que vous avez décrites ? Comment peut-on affiner les contours de ce lien de subordination pour éviter les dysfonctionnements observés ? Mon second point, plus spécifique, tient à la notion de contrôle coercitif. Ce concept se rapproche de l'emprise, mais il change de paradigme en se focalisant sur l'auteur. Il s'intéresse à la stratégie de l'auteur qui, tout en mettant la victime en confiance, l'isole progressivement, socialement et mentalement, que ce soit une personne majeure ou mineure. Auriez-vous des éclairages concernant cette notion ?
La première question porte sur la distinction entre l'attribution des autorisations individuelles ou générales dans le domaine du mannequinat. Cette distinction dépend de la détention d'une licence par l'agence de mannequins. La commission peut émettre un avis défavorable et le préfet retirer l'agrément dès lors que des signalements remettent en cause les conditions de sécurité, notamment morale, du jeune.
En ce qui concerne la formation du référent enfant, il ne s'agit pas d'une disposition relevant du code du travail. À ce titre, nous n'avons pas de responsabilité sur la qualité et les compétences de ce référent. Cependant, dans le cadre d'une évolution réglementaire, la commission des enfants du spectacle pourrait se pencher sur la compétence, le diplôme ou l'expérience de ce référent, ainsi que sur sa présence systématique, ce qui n'est prévu actuellement ni par la commission des enfants du spectacle ni par les conventions collectives, sauf exception.
L'agrément annuel correspond à la structure, mais pas à la jeune femme de 14 ans à qui l'on donne l'autorisation de travailler en photo durant un an.
Il s'agit d'un agrément annuel non nominatif, renouvelable sur demande. Cet agrément est attribué à l'agence de mannequins, laquelle doit justifier d'une licence et démontrer des conditions spécifiques. Cet agrément concerne l'emploi direct de l'enfant en tant que mannequin. Les agences de mannequins doivent effectuer une demande de renouvellement, qui peut être acceptée ou non. En cas de signalements concernant l'agence et son activité, il reste possible de suspendre cet agrément ultérieurement.
En résumé, une agence de mannequins agréée peut constituer un catalogue de mannequins mineurs, sans aucun contrôle individuel alors que lors de la délivrance d'un agrément pour un enfant dans le domaine du cinéma, le rôle, les situations de tournage, les horaires et peut-être même la personnalité de l'enfant, sont évalués.
En effet, la situation est différente pour les agréments de mannequin.
Cet agrément annuel permet à une agence de mannequinat agréée de réaliser des photographies sans spécifier si elles sont prises de jour ou de nuit, ni dans quels lieux ou espaces. En conséquence, vous n'avez pas la possibilité d'exercer un quelconque contrôle, ou du moins une idée générale de l'activité.
En cas d'urgence, lorsqu'un signalement met en cause la santé ou la moralité de l'enfant, l'autorité administrative, représentée par le préfet, intervient sur délégation de la commission. Le préfet détient alors la compétence pour retirer l'agrément, permettant ainsi de suspendre l'activité concernée.
Il n'existe pas d'agrément pour les agences de casting pour les enfants dans le cinéma et l'audiovisuel, ce qui signifie que tout à chacun peut décider de devenir directeur de casting du jour au lendemain.
La réglementation du travail ne prévoit pas de cadre particulier d'exercice de cette profession.
Nous apporterons des précisions dans le cadre des réponses écrites, car la question du lien de subordination renvoie à une définition précise, placée sous le contrôle du juge dans le cadre de la jurisprudence.
S'agissant de la question de Mme Chandler, la notion de contrôle coercitif ne m'est pas familière mais elle peut probablement se rattacher, dans certaines circonstances, à la question du harcèlement, surtout lorsque les contraintes et les intimidations sont exercées par une personne en position d'autorité.
Nous vous remercions pour ces éléments. Dès lundi, nous auditionnerons la commission des enfants du spectacle, ce qui nous permettra d'obtenir des informations plus précises. Nous vous remercions sincèrement pour ces éclairages. Pourriez-vous nous transmettre les statistiques que vous avez évoquées lors de votre intervention ainsi que tout élément que vous jugerez utile ?
La commission procède à l'audition de coachs pour enfants : Mme Claire Chauchat, coach pour enfants et coordinatrice d'intimité ; Mme Delphine Labey, coach pour enfants et Mme Maryam Muradian, psychologue clinicienne, ancienne coach pour enfants et coordinatrice d'intimité.
Les travaux de notre commission d'enquête visent à évaluer la situation des mineurs dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Une question primordiale dans ce contexte est l'accompagnement des enfants sur les tournages. À cet égard, nous saluons l'annonce de la ministre de la culture, madame Rachida Dati, rendant obligatoire la présence d'un responsable d'enfants pour chaque tournage employant des mineurs, condition nécessaire pour être éligible aux aides publiques. Il restera à mettre en place et à définir les modalités de cette mesure, ce qui nécessitera un travail conséquent.
Dans un premier temps, nous souhaiterions que chacune d'entre vous nous présente rapidement les contours du métier de coach pour enfants et les difficultés que vous rencontrez, dans vos relations avec les parents et les employeurs, ainsi que des problèmes potentiels d'ordre juridique liés à des lacunes ou des vides juridiques. Ensuite, madame la rapporteure Francesca Pasquini vous posera une série de questions plus précises.
Avant de vous laisser la parole, je rappelle que ces auditions sont diffusées sur le site de l'Assemblée nationale et qu'elles sont ouvertes à la presse.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mmes Claire Chauchat, Delphine Labey et Maryam Muradian prêtent successivement serment.)
J'ai 39 ans et je suis coach pour acteurs enfants et adultes. J'exerce ce métier depuis dix ans. Mon parcours a débuté en tant que comédienne, après une école de théâtre. En parallèle, j'ai obtenu une licence de psychologie, ainsi que le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa), ce qui m'a permis d'accompagner des enfants et d'animer des ateliers de jeux en milieu scolaire, hospitalier ou associatif. Il y a neuf ans, j'ai commencé le coaching pour enfants avec Maryam Muradian, qui m'a formée. Depuis deux ans, j'encadre également des acteurs adultes sur des tournages, notamment en coordination d'intimité.
Le rôle d'un coach est fondamental à nos yeux. Le travail d'un coach pour enfants consiste à collaborer avec les réalisateurs, l'équipe de mise en scène, la production et les familles afin de fournir aux enfants acteurs les outils nécessaires pour interpréter des rôles.
Le travail préparatoire est primordial, car la protection des enfants sur les tournages nécessite de leur fournir les outils adéquats et de mettre en place de nombreuses mesures en amont des tournages. Il est délicat d'arriver directement sur le tournage sans connaître l'enfant ni le scénario ou le rôle qu'il doit interpréter. Lorsque le cadre est posé et que l'on a pris le temps de se préparer en amont, l'enfant est mieux protégé. Celui-ci peut alors être autonome et comprendre ce qu'il va faire. Ainsi, nous le protégeons des violences qu'il pourrait subir.
Je travaille en coaching avec des enfants et des adolescents depuis près de vingt ans. J'ai été comédienne pendant quinze ans avant de me diriger vers d'autres domaines de création artistique, mais j'ai toujours apprécié le travail de construction d'histoires, les processus créatifs et le jeu. Parallèlement, j'ai travaillé avec des enfants, principalement en petite enfance. J'ai suivi des entraînements réguliers, notamment la méthode Meisner avec Pico Berkowitch, qui met l'accent sur le plaisir du jeu par l'autonomie et la proposition. Bien que ces entraînements visaient principalement les comédiens adultes, j'y ai trouvé de nombreux outils et ressources pour travailler avec les enfants et les adolescents. En parallèle, j'ai suivi une formation en médiation artistique et en art-thérapie, utile pour comprendre différents aspects du jeu et des émotions. Le travail avec les enfants, surtout les plus jeunes, peut se faire par la parole, mais aussi par le corps et d'autres moyens d'expression.
Un plateau est un univers particulier, les enfants n'étant en principe pas habilités à travailler. Ils y sont autorisés par dérogation dans les domaines du cinéma, de la publicité, du théâtre et de la télévision, mais ne possèdent pas les codes que les adultes maîtrisent. Il est donc crucial de les accompagner, pour qu'ils puissent vivre cette expérience de tournage de manière sereine et plaisante. Ils doivent apprendre les règles, explorer et s'amuser. C'est là que l'accompagnement professionnel devient indispensable pour eux sur un plateau de tournage.
Les parents ont beaucoup à apporter à leurs enfants et les accompagnent dans la vie. Cependant, à l'école, ce ne sont pas eux qui les mettent en apprentissage, mais les instituteurs, les professeurs. Chacun a son rôle auprès de l'enfant. Il en va de même sur un tournage, ce qui nécessite de prévoir une personne dédiée à l'accompagnement de l'enfant sur le plateau. Nous travaillons tous de concert. Le coach pour enfants est le référent principal sur le plateau. Il prépare l'enfant et met en place un cadre de travail adapté à l'enfant, en collaboration avec les équipes, le réalisateur, les parents, et la production.
Tout cela se met en place autour de l'enfant, car cette expérience est avant tout pour l'enfant. En tant qu'adultes, nous sommes là pour les accompagner : c'est à nous de nous adapter. Être sur un plateau expose les enfants à certains dangers, c'est aux adultes de les protéger et c'est aussi le rôle du coach pour enfants.
Ce métier, en pleine expansion, n'est pas encore vraiment reconnu. Nous sommes de plus en plus sollicités, sans pour autant être obligatoires. Nous pouvons sembler accessoires, mais notre présence est appréciée. Il semble donc nécessaire d'officialiser et de professionnaliser ce métier. Cela rejoint les propos de madame la ministre concernant la présence obligatoire de responsable des enfants sur chaque tournage. Quel sera leur rôle exact, combien seront-ils ? Pour conclure, notre métier implique un peu de tout cela. Il sera donc nécessaire de clarifier ces aspects.
Je suis psychologue clinicienne depuis deux ans, après avoir exercé le métier de coach de 2004 à 2022 de coordinatrice d'intimité à la fin de cette période.
Le métier de coach se présente souvent en deuxième partie de carrière. Nous ne devenons pas coachs immédiatement ; nous devons d'abord découvrir le métier d'acteur, les plateaux de théâtre ou de cinéma par d'autres biais. Pour ma part, j'ai passé un baccalauréat en théâtre et je souhaitais devenir comédienne. Cependant, une expérience m'a fait sentir que je risquais d'être manipulée, et j'ai préféré me tourner vers l'écriture et la direction d'acteur. Cela m'a conduit à débuter comme assistante-réalisatrice dans le cinéma. Par hasard, on m'a proposé de coacher un adolescent sur un téléfilm. Cette expérience a été déterminante. Les conditions étaient optimales puisque le réalisateur souhaitait la présence d'un coach, l'adolescent avait 14 ans et avait déjà tourné auparavant. Cela a facilité une collaboration immédiate avec l'équipe, le réalisateur et les parents, qui étaient eux-mêmes techniciens du cinéma. Cette première expérience s'est déroulée très naturellement et a suscité en moi le désir de mieux comprendre et définir cette profession. Ce métier requiert une réflexion permanente, une formation continue, et une adaptation constante aux besoins spécifiques des enfants. Il s'agit de les faire exister en tant que sujets dans cette expérience, pour laquelle ils sont rémunérés, avec une obligation de résultat non négligeable. Nous faisons notre possible pour que cette expérience soit agréable et enrichissante, mais il ne faut pas oublier que cela reste un travail.
Les difficultés sont nombreuses. J'évoquerai tout d'abord la question des parents. Au début, j'étais assez critique, considérant qu'ils exploitaient leurs enfants. Finalement, avec le temps, j'ai compris que les parents ne sont pas mal intentionnés, mais souhaitent offrir à leurs enfants une expérience exceptionnelle, une manière unique d'apprendre la vie et de déployer leurs talents, encadrés par des professionnels compétents. J'en suis arrivée à la conclusion que la relation avec les parents était également une collaboration, sur le modèle de l'école. Les parents confient leurs enfants aux professeurs, formés et reconnus pour cette tâche.
Le coach sert de vecteur entre le foyer et l'espace de travail. Symboliquement, nous accompagnons les enfants sur les plateaux, les suivant de leur loge jusqu'au plateau, avant de nous mettre en retrait, une fois toutes les protections en place, afin de laisser place à leur créativité, à leur liberté et à une collaboration saine avec les réalisateurs, chefs opérateurs, etc. Nous catalysons de nombreuses demandes, car les acteurs sont très sollicités. Les enfants veulent tout comprendre et voir, nous nous efforçons de canaliser cette excitation pour permettre à leurs talents naturels et à leur créativité de s'exprimer pleinement.
Nous devons également expliquer aux parents chaque étape du processus et leur permettre de rester parents, ce qui est essentiel pour les enfants. Lorsqu'ils rentrent chez eux, les enfants peuvent avoir besoin de se décharger, de raconter un événement. Si les parents sont absorbés par l'enjeu professionnel, ils peuvent avoir tendance à dire à leurs enfants de bien obéir et de rester sages, tandis que de notre côté, nous passons notre temps à leur dire d'être libres et de faire ce qu'ils veulent, tant que cela se passe bien. Notre objectif commun est que lorsque l'enfant regardera ce film dans dix, vingt ou trente ans, il soit fier de son travail. Il se souviendra des bons moments et sera fier du résultat, sans en avoir honte.
Concernant l'employeur, une des grandes difficultés pour les enfants acteurs est qu'ils se retrouvent à travailler dans une entreprise où chaque minute de tournage a un coût. Or les enfants sont des êtres très vivants, parfois incontrôlables. L'enfant ne doit pas faire perdre de temps et savoir se soumettre au désir d'un ou de plusieurs adultes inconnus. Tous les enfants ne possèdent pas cette capacité, souvent filtrée lors des castings. C'est un métier, et ce n'est précisément pas un jeu d'enfant. Ce prérequis peut ouvrir la porte à des violences et maltraitances, souvent non nommées. Notre présence empêche les violences flagrantes, car nous protégeons l'enfant, en lien avec les parents, le réalisateur, la production et l'équipe en général. Ces alliances interdisent le jeu de la séduction ou de la tendresse. Nous représentons la valeur travail des enfants à ce moment-là.
Une des lacunes réside dans la question du statut. Le rôle de responsable d'enfant ne figure pas dans la grille de salaire. Nous sommes qualifiées de « répétitrices », terme féminisé. Cela introduit un aspect sexiste, car nous devons souvent faire comprendre que nous ne sommes pas des nounous, malgré tout le respect que j'ai pour cette profession. Très souvent, nous sommes secondées par une autre personne pour la partie hors plateau. Autour du plateau gravitent de nombreuses personnes qui participent à la création et à la recherche, ainsi que toutes les activités périphériques (préparation, loge, etc.). Nous sommes les vecteurs, les accompagnateurs, les guides. Nous discutons avec les enfants des sujets qui les préoccupent : comment pleurer pour une scène, l'endroit où ils vont dormir ce soir, etc. Nous essayons de répondre à leurs questions, parfois inattendues de notre point de vue d'adulte. Cette lacune juridique mérite vraiment d'être travaillée.
Nous sommes qualifiées de répétitrices, mais l'apprentissage arrive généralement en tout dernier lieu. Nous travaillons d'abord sur la posture, les enjeux du métier d'acteur, les difficultés, les besoins. Les enfants ressentent une pression énorme, nous devons la faire redescendre. Nous valorisons leurs compétences et leur intégrité. Cette reconnaissance narcissique contribue à réduire les risques d'abus de confiance, car les enfants s'interrogeront davantage avant de se conformer à des demandes douteuses sous prétexte que cela leur est demandé par une figure d'autorité. Imaginez qu'un acteur ou une actrice célèbre, déjà vue dans de nombreux films, se comporte de manière étrange ; cela pourrait les inciter à imiter ces comportements, pensant que c'est acceptable. Ce sont des enfants que je risque de retrouver quelques années plus tard dans mon cabinet de psychologue, complètement effondrés ou atteints narcissiquement. Je digresse, mais il est indéniable qu'il existe des lacunes juridiques. Le terme de « responsable enfant » ne signifie pas la même chose que « coach ». « Coach » est un anglicisme que je trouve particulièrement laid, mais il englobe la notion d'accompagnement. Être « responsable enfant » ne se limite pas à veiller à ce que les enfants dorment bien et mangent correctement, même si c'est la base et qu'il n'est pas toujours nécessaire d'aller plus loin, lorsque tout se passe bien.
Je comprends qu'il existe un socle de formation commun, mais que la formation peut ensuite varier selon les coachs. Vous avez ajouté que les méthodes de travail pouvaient différer. Pensez-vous que la profession soit suffisamment encadrée ou jugez-vous nécessaire une reconnaissance officielle de ce métier ?
Vous avez indiqué être rémunérées par la production. Pourriez-vous nous préciser le coût de l'accompagnement d'un coach pour enfants ? Vous avez également mentionné une augmentation des sollicitations. Pouvez-vous nous communiquer une estimation du nombre de coachs en France et une idée du nombre de tournages impliquant des enfants, car cette information est souvent difficile à obtenir ?
Ma troisième question concerne les référents enfants. Si j'ai bien compris, vous êtes présentes avant le tournage pour faire connaissance avec l'enfant et sa famille. Peut-être les accompagnez-vous également au casting. Vous êtes donc présentes avant, pendant et après le tournage, lorsque le tournage se termine et que l'enfant doit revenir à une vie normale. Pouvez-vous confirmer ce point ? Dans le cadre de la future présence obligatoire des responsables enfants, j'imagine que certains coachs pourront endosser ce rôle. A-t-on sollicité votre avis en tant que coach d'enfant, au vu de votre expérience de plus de dix ans sur les tournages ? Il serait peut-être pertinent de considérer que cette présence obligatoire auprès des enfants ne se limite pas au tournage, puisqu'il existe des besoins avant et après celui-ci.
Il est essentiel de définir clairement les responsabilités de chacun, en distinguant les personnes s'occupant du jeu de l'enfant de celles en charge de sa sécurité, tant affective que physique. Est-ce le même poste pour ces deux aspects ? Par ailleurs, comment gérez-vous les tournages impliquant plusieurs enfants ? Enfin, quid de la scolarité des enfants lors des tournages prolongés. En avez-vous la charge ?
Avez-vous toujours un contact visuel avec l'enfant ou êtes-vous exclues du cœur du plateau ?
Actuellement, il n'existe pas de reconnaissance officielle du métier de coach pour enfants acteurs. Je juge primordial d'agir en ce sens, afin de légitimer la place des coachs. L'exercice de ce métier requiert des compétences variées et solides, car nous sommes constamment en interaction avec l'enfant sur le plateau. Il est essentiel d'être suffisamment expérimenté pour savoir dire stop lorsque cela ne va pas. Le plateau de tournage est souvent très exigu, mais le coach doit savoir s'imposer, car il est évident qu'il faut être constamment aux côtés de l'enfant sur le tournage. À ce titre, il est pertinent de se questionner sur la formation des coachs, car de nombreux enfants tournent et les coachs correctement formés ne sont peut-être pas suffisants. De notre côté, mes collègues et moi possédons des notions de psychologie et comprenons le fonctionnement des enfants. Il est également très important de posséder des connaissances artistiques pour fournir à l'enfant des outils et des références cinématographiques. Par exemple, pour une scène violente, au lieu de filmer directement, il est envisageable de filmer en contrechamp afin que l'enfant ne voie rien de choquant. Il s'agit de réfléchir en amont à différents subterfuges techniques pour garantir que tout reste fictif, car c'est là que cela peut devenir dangereux. Il est inapproprié de demander à un enfant de penser à un parent décédé pour faire semblant de pleurer. Or, ce type de méthode est trop souvent employé. Il est pourtant possible de proposer des moyens ludiques, que nous connaissons en tant que metteurs en scène d'acteurs, pour les préserver et leur permettre de tenir durant un tournage, parfois très long et éprouvant.
Il est donc essentiel de posséder ces connaissances. Une formation est probablement nécessaire, mais comment la concevoir ? Et quels en seraient les prérequis ?
Vaste programme. La lacune juridique est indéniable et la profession n'est effectivement pas suffisamment encadrée.
Pour répondre à votre demande de données chiffrées concernant les enfants impliqués dans les tournages, j'ai cherché des éléments, mais n'ai rien trouvé, à l'exception d'un article d'Alexandre Bouyé paru dans le journal Libération en avril dernier. Cet article révèle que 4 000 enfants et adolescents travaillent chaque année sur les tournages de cinéma ou de télévision.
S'agissant du nombre de coachs, nous commençons à nous rassembler et à prendre contact les uns avec les autres. D'après mon expérience, j'estime que nous sommes entre vingt et trente personnes, réparties partout en France.
Par ailleurs, le coût d'un coach dépend de la nature de la mission, de la durée du tournage et du nombre d'enfants impliqués. Nous n'avons pas de grille tarifaire attribuée et devons négocier avec la production.
Le référent enfant est présent avant, pendant et après le tournage. Les frontières sur un tournage, qu'il s'agisse d'un film, d'une série ou d'une fiction, sont très ténues. En tant que coach, nous pouvons accompagner les comédiens adultes, mais ces derniers possèdent des armes pour se protéger que les enfants n'ont pas. Un coach pour enfants ne se contente pas de travailler sur le jeu, l'histoire ou les émotions, il aborde également la manière dont se déroule un tournage, les personnes avec qui l'enfant va collaborer, la relation avec les adultes. L'objectif est de le mettre en confiance et de créer un lien avec lui. Il est essentiel que l'enfant comprenne son rôle et ne soit pas surpris par ce qu'il va découvrir.
L'enfant doit comprendre qu'il est un sujet actif, capable de faire des propositions aux réalisateurs et réalisatrices. Il fait partie intégrante de l'équipe et n'est pas simplement un enfant talentueux qui exécute des tâches. Il a besoin d'être préparé et protégé, c'est le rôle du coach. Lorsque plusieurs enfants sont accompagnés, les coachs ont besoin d'une assistance, car il est impossible d'être à la fois en loge et sur le plateau. Ce relais est toutefois coordonné par le coach.
Par ailleurs, le suivi scolaire est indispensable et obligatoire, comme stipulé dans le guide de la commission des enfants du spectacle de la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Drieets). Nous ne pouvons pas assumer cette responsabilité seuls. L'enfant a besoin d'un suivi scolaire approprié lors des tournages supérieurs à trois ou quatre jours pendant les périodes scolaires. Il est impératif de collaborer avec le chef d'établissement, les parents et les enfants pour garantir ce suivi, qui est non négociable. Nous coordonnons cet aspect, mais ne le menons pas directement puisqu'il est assuré par des instituteurs ou des précepteurs.
L'accompagnement obligatoire des enfants devra répondre à un certain nombre de règles. Vous êtes actuellement formées sur le terrain, en l'absence de certification. Selon vous, comment pourrait s'organiser la validation des acquis et de l'expérience dans votre domaine ? Quelles formations pourraient être proposées et par quel type d'organisme ? Si nous légiférons en imposant cette obligation et en imposant des critères précis, il faudra que les diplômes, les compétences et les capacités soient en adéquation.
J'ai constaté que certaines d'entre vous occupaient également le rôle de coordinatrices d'intimité en parallèle. Intervenez-vous aussi sur les scénarios, comme le font certaines coordinatrices d'intimité, en adaptant l'écriture aux rôles impliquant des enfants ? Cela nécessite de commencer à travailler bien en amont de l'arrivée de l'enfant sur le tournage.
Par ailleurs, existe-t-il une charte ou un outil similaire décrivant la marche à suivre en cas d'incident? Si vous constatez des infractions sur un tournage, chacun d'entre vous peut-il réagir différemment ou existe-t-il un processus concerté auquel vous vous conformez ?
Vous avez indiqué être rémunérées par les productions. J'ai une question simple mais importante. Imaginons une journée de tournage significative, avec un déplacement et des enjeux économiques considérables, lié à la présence de nombreuses personnes. Supposons que ce jour-là, l'enfant que vous suivez vous informe qu'il est fatigué et qu'il ne souhaite pas tourner. Comment gérez-vous cette situation ?
J'ai personnellement suivi une formation auprès de coachs d'acteurs professionnels. J'ai ainsi pu mobiliser mes compétences de comédienne et acquérir diverses méthodes et approches. Cela m'a été très bénéfique, car il ne s'agissait plus simplement d'être comédien dans un rapport de séduction. En réalité, nous sommes des instruments, comme des instruments de musique, et cela nécessite un travail rigoureux et des méthodes spécifiques. En parallèle, j'ai suivi une formation traditionnelle de coaching en entreprise. Le coaching a émergé en France dans les années 1980 et la question de la certification a été largement explorée. Il existe des organismes de formation très reconnus dans le coaching traditionnel qui pourraient prendre en charge une partie de la formation des coachs d'acteurs. Cela permettrait de réglementer et de structurer les pratiques.
Je pense notamment à la question du contrat tripartite. Le coach intervient pour permettre à la personne coachée d'optimiser ses capacités afin de remplir une mission qui lui est confiée. Cela concerne tous les types de coaching. Parfois, des conflits peuvent survenir avec l'employeur ou le supérieur, entravant le développement des compétences de la personne coachée. Cet employeur est souvent celui qui rémunère le coach pour débloquer la situation. Ce contrat tripartite peut s'avérer complexe. En tant que coach d'enfants, nous pouvons nous retrouver dans une situation similaire. Nous sommes rémunérés par l'employeur, qui, consciemment ou non, ne favorise pas nécessairement l'intérêt de l'enfant. Dans notre formation de coaching, nous apprenons à clarifier nos besoins et notre capacité à dire non à un employeur, même s'il nous rémunère. Nous apprenons également à l'enfant, voire aux parents, à dire non.
Ces compétences sont abordées dans les formations de coaching en entreprise que j'ai suivies et adaptées aux enfants. Cette méthode permet de faire émerger la demande du sujet coaché. Les certificateurs et formateurs en coaching actuels doivent être sollicités. Les coachs présents ce jour, ainsi que d'autres, peuvent animer un module ou participer à un jury composé de plusieurs personnes.
En tout état de cause, il est essentiel de maintenir cette idée de seconde instance, car les coachs ayant effectué une première partie de carrière dans le monde de l'audiovisuel comprennent mieux les enjeux auxquels sont confrontées les personnes qu'ils accompagnent.
Pour ce qui est de la rémunération, ma référence était les assistants-réalisateurs puisque, comme eux, nous collaborons avec le réalisateur sur la partie direction d'acteur. Lorsque j'étais plus jeune, ma référence était le poste de second assistant-réalisateur. Avec l'expérience, c'est devenu premier assistant-réalisateur. Je vous parle toutefois de ma propre perception. Il est important de légiférer sur ce point, afin de ne plus avoir à systématiquement négocier et justifier nos compétences, notre expérience. Combien de fois ai-je du revenir sur mon parcours : « Cela fait 15 ans que je fais ce métier, j'ai réalisé telle et telle activité, je paie des superviseurs, je suis une psychothérapie, je suis des formations en permanence, etc. » Lorsque j'interviens auprès de plusieurs enfants, en tant que coach, j'ai pu être rémunérée comme première assistante-réalisatrice et mon assistant comme second assistant-réalisateur. Nous définissons le nombre d'assistants nécessaires, afin que l'enfant soit en permanence accompagné. C'est fondamental. Si nous ne sommes pas présents, il est essentiel de lui indiquer avec qui il doit être, à qui il doit s'adresser et à qui se référer. Je me rappelle de journées interminables où mon travail n'était pas terminé tant que l'enfant n'était pas rentré chez lui avec son parent. Notre responsabilité s'étend du départ du domicile jusqu'au retour.
Quand les enfants sont loin de chez eux, il est impératif de distinguer la vie quotidienne du travail. Nous jouons le rôle de coordinateur unique, ce qui est important pour l'enfant mais également facilitateur pour l'ensemble de l'équipe, qui sait à qui s'adresser. En l'occurrence, une personne choisie par le coach est dédiée à la vie quotidienne de l'enfant. Cet assistant-coach joue un rôle crucial, surtout quand l'enfant est fatigué ou démotivé. Pour éviter cela, nous commençons à travailler sur ces aspects deux mois à l'avance, en rappelant aux parents de rester dans leur rôle de parent, de veiller à ce que l'enfant mange et dorme bien, sans lui mettre de pression. Nous instaurons des relais pour que les repères de l'enfant ne changent pas trop, avec un tuteur ou quelques professeurs. Un nombre d'heures leur est attribué chaque semaine, en fonction du planning de travail, pour éviter qu'ils ne soient surchargés. Nous gérons cela en coordination avec les parents ou la personne responsable de leur vie quotidienne lorsque les enfants ne sont pas chez eux.
Je vais vous donner un exemple des micro-violences que nous évitons. J'accompagnais une petite fille de dix ans qui avait le premier rôle d'un téléfilm, nécessitant vingt et un jours de tournage dans une autre ville que celle où elle réside. Je m'enquiers de son logement auprès du directeur de production, qui me répond en toute naïveté qu'elle sera bien logée et qu'il sera dans la chambre voisine, de même que le réalisateur. Évidemment, j'ai refusé cette solution, en expliquant que deux options s'offraient à nous : la présence d'un membre de sa famille ou d'un assistant de vie quotidienne.
S'agissant du travail sur le scénario, nous sommes une sorte d'exosquelette pour les jeunes acteurs. Un acteur adulte lit le scénario, soit seul, soit en groupe, et pose des questions. La configuration idéale est un réalisateur qui prend le temps de lire le scénario avec nous, en reprenant toutes les scènes impliquant l'enfant. Nous analysons chaque scène en posant des questions sur le sens de chaque scène : « Souhaites-tu vraiment qu'il pleure ? », « Souhaites-tu vraiment qu'ils s'embrassent sur la bouche ? ». Ainsi, nous résolvons certains problèmes. Si le réalisateur est moins coopératif, cela se fait de manière plus improvisée, soit en amont, soit quelques jours avant une scène. Le coach doit s'adapter à l'espace qui lui est donné ou non.
La question de la lecture est essentielle. Nous avons évoqué tout à l'heure l'inclusion des coachs. Au niveau technique, c'est relativement simple, nous pouvons facilement nous adresser à n'importe quel membre de l'équipe, par exemple pour leur demander de s'adresser à nous plutôt qu'à l'enfant. C'est plus délicat avec les acteurs et les actrices, qui sont les partenaires de jeu privilégiés des enfants. Certains sont très connus et relativement inaccessibles. Nous ne rencontrons pas les acteurs et ne sommes pas perçus comme des collaborateurs à part entière.
S'agissant de la certification, il existe des intervisions, lors desquelles les coachs partagent leurs expériences et leurs questionnements. Cela contribue à l'intelligence collective de cette profession.
Vous nous expliquez que vous préparez tout en amont, en veillant au planning de l'enfant et en maintenant un cadre de vie sain. C'est la préoccupation de tous les parents. Cependant, malgré la préparation, il peut arriver qu'un enfant soit fatigué ou qu'il n'ait pas envie de tourner. C'est un problème majeur auquel il faut faire face. Dans ce cas, vous devez trouver des stratégies pour convaincre l'enfant de tourner la scène prévue. N'est-ce pas une forme de violence ? Vous le comprenez et lui promettez qu'il se reposera plus tard, mais cherchez tout de même à lui faire accepter de travailler. Disposez-vous d'un moyen pour gérer une situation où un enfant refuse catégoriquement de participer à une scène ?
Par ailleurs, les moments de casting sont des étapes cruciales. J'imagine que vous avez un point de vue sur ces moments non encadrés, auxquels vous ne participez pas et qui ne sont pas régis par le droit du travail. Selon vous, quelles mesures devraient être mises en place pour garantir la sécurité de l'enfant durant ces phases de casting ?
Il s'agit d'un sujet que nous abordons en amont. Nous examinons le plan de travail, nous expliquons à l'enfant ce qui l'attend et évoquons la durée du tournage. Nous discutons ouvertement du fait que certains jours, il n'aura pas envie de tourner, qu'il sera fatigué et qu'il préférera rejoindre ses amis. Nous expliquons à l'enfant qu'il sera comme un sportif de haut niveau courant un marathon, que ce sera long et parfois difficile. Nous vérifions avec lui sa motivation et lui rappelons qu'il aura le droit de dire non, ce qui est très important. Si un jour, un enfant déclare ne pas vouloir tourner, nous en informons la mise en scène et ne le forçons pas à tourner. Ces situations sont anticipées, nous en discutons. En général, un enfant s'amuse les dix premiers jours, puis souhaite faire autre chose. C'est la réalité, il ne faut pas se leurrer. Nous en parlons avec lui, il en est conscient, il sait que c'est ainsi dans la vie, même chez les adultes. C'est un sujet abordé librement et assumé pleinement.
J'ai eu l'occasion de travailler avec une petite fille de six ans. À un certain moment, j'ai perçu qu'elle commençait à se lasser. J'ai alors pris l'initiative de solliciter l'équipe de mise en scène pour leur demander de réduire le temps de tournage, d'introduire davantage de pauses et de réfléchir à diverses solutions pour la laisser davantage respirer et passer plus de temps avec sa famille. La production a mis un certain temps à s'adapter, car il est toujours délicat de réorganiser le planning. Je leur ai toutefois expliqué qu'ils perdraient moins de temps avec une enfant motivée qu'avec une enfant fatiguée ou définitivement bloquée. Nous avons également discuté avec les parents et la production, en soulignant que l'enfant ne serait jamais contrainte de se rendre sur le plateau contre son gré.
Il est essentiel de ne pas dramatiser et de reconnaître l'état de l'enfant. Il peut exprimer son mécontentement en pensant à ses copains en vacances, il peut être fatigué, peut-être appréhende-t-il certaines choses. Il faut prendre le temps de comprendre la cause de cette baisse de motivation, pour mieux l'accompagner.
La question du casting est importante, car se déploient des dynamiques de « séduction », pour reprendre les termes de l'ancienne école, entre le réalisateur tout-puissant et l'actrice ou l'acteur. Estimez-vous nécessaire la présence d'un responsable enfant lors du casting ? Devrait-on la rendre obligatoire ?
Par ailleurs, avez-vous déjà été confrontées, au cours de vos carrières, à une situation où vous rencontrez un enfant et comprenez tout de suite que cet enfant ne pourra pas supporter le tournage, pour diverses raisons ? Cette situation vous est-elle déjà arrivée et comment cela se passe-t-il avec l'équipe de production dans ces cas-là ?
Nous vous serions reconnaissants de répondre précisément sur la question du casting, car il s'agit pour nous d'une préoccupation majeure.
Nous intervenons, au mieux, au moment du call-back, lorsqu'il reste deux enfants en lice et que le réalisateur ou la production hésitent. Nous sommes alors sollicités pour donner notre avis. Nous pouvons être appelés à jouer un rôle d'observateur, ou parfois à mener des séances de travail individuelles, à l'issue desquelles nous livrons nos impressions. Nous constatons parfois que certains enfants, bien que talentueux, ne sont pas capables de tenir la longueur sur un film. Tous les enfants ne peuvent pas devenir acteurs, il n'est pas acquis de parvenir à s'amuser tout en s'adaptant aux demandes du réalisateur. Parfois, cette capacité est mal évaluée lors du casting initial.
Concernant la nécessité de la présence d'un responsable enfant lors des castings, je ne trouverais pas cela déraisonnable, peut-être pas dès le début, mais en cours du processus. Je précise qu'il existe des directrices et directeurs de casting spécialisés dans le travail avec les enfants.
La présence d'un tiers dans un casting vous semblerait légitime, afin que le réalisateur ne soit pas seul avec un enfant ?
Cette fonction est remplie par le directeur ou la directrice de casting, souvent accompagné d'un assistant ou d'une assistante. Ces deux personnes sont normalement présentes avec le réalisateur.
Pourrait-on imaginer la présence d'un tiers de confiance, choisi par la famille par exemple ?
Il faut maintenir la dynamique de la production, avec un coach professionnel, de préférence le même que sur le tournage, mais ce n'est pas obligatoire. En revanche, il serait délicat de solliciter la famille dans ce contexte, car cela peut créer de la confusion. Le parent ou référent familial peut se trouver de l'autre côté de la porte, mais il faut que l'espace de travail reste professionnel afin que l'enfant puisse donner le meilleur de lui-même.
Le problème est qu'il n'existe aucun lien de subordination avant la signature du contrat. Le code du travail, qui assure ensuite la protection du travailleur, n'est pas applicable tant que le contrat n'est pas signé. Durant la période de casting, tout se déroule de manière informelle.
Je comprends mieux votre métier grâce à vos explications. Les coachs ne sont donc pas les personnes à mobiliser dès le début du processus, qui peut être long, mais il est essentiel de prévoir la présence d'un tiers. Nous réfléchissons à la possibilité que seuls les directeurs ou directrices de casting agréés pour travailler avec des enfants puissent organiser les castings d'enfants. C'est une proposition.
Avant de conclure, j'aimerais savoir si beaucoup de films sont encore tournés sans la présence de responsables d'enfants.
Oui.
Pouvez-vous fournir des exemples de films où des responsables d'enfants étaient présents et où des problèmes ont été rencontrés ? Cet encadrement permet-il d'éviter toute violence ?
Je n'ai pas connaissance de problèmes majeurs en termes de violences et harcèlement sexistes et sexuels (VHSS) impliquant des enfants. Notre présence agit comme un garde-fou, modifiant ainsi certaines expressions de violence.
Cependant, au-delà des VHSS, il existe des situations potentiellement violentes pour les enfants, car ce milieu n'est pas adapté pour eux. Ils sont confrontés à des scènes délicates. Par exemple, un petit garçon de 9 ans assiste à une séquence où sa sœur se noie. La comédienne jouant la mère arrive, repêche sa fille, morte, et explose en larmes. Le garçon est témoin de cette scène terrifiante. De la même manière, il se peut qu'une enfant de trois ans doive assister à une fusillade. Ces situations peuvent avoir un impact violent et fort sur les enfants. Pour y remédier, nous collaborons avec les réalisateurs afin que les enfants ne soient pas exposés directement à ces scènes, grâce à divers subterfuges et techniques. Cependant, même avec ces précautions, l'enfant qui joue le garçon de neuf ans voyant sa sœur se noyer et la réaction terrifiante de la mère, peut être profondément affecté. Malgré toutes les préparations en amont du tournage, nous ne pouvons pas prédire la réaction de l'enfant lors de la scène. Les jeunes comédiens, notamment la petite fille jouant le rôle de la noyée, ou son frère, s'investissent pleinement dans leurs rôles et sont totalement immergés dans l'action. Nous pouvons alors assister à l'émergence d'une émotion très intense, comme ce fut le cas pour le petit garçon. Si personne n'est présent pour le contenir, l'apaiser et le ramener au caractère fictif de la scène qu'il vient de jouer, il risque de perdre pied. La petite fille inanimée dans les bras de l'actrice donnait l'illusion d'être décédée. Si nous ne ramenons pas l'enfant au contexte ludique, il peut se détacher de la réalité.
Il est également possible que l'enfant, par désir de plaire au réalisateur et à l'équipe, n'ose pas exprimer son malaise ou son refus. Nous veillons constamment à repositionner les choses, mais certaines séquences peuvent s'avérer très éprouvantes. Nous prenons toutes les précautions nécessaires, en posant un cadre clair et en prévenant des difficultés potentielles.
Nous avons abordé les phases de pré-tournage et de casting, mais il serait pertinent de réfléchir à l'après-tournage.
C'était ma dernière question. Je voulais savoir comment vous accompagnez les jeunes comédiens après un tournage. Un film comprend plusieurs étapes. J'imagine que les enfants sont moins impliqués dans le montage, mais il faut penser à la promotion, ainsi qu'au retour à la vraie vie, avec des interactions réelles. Proposez-vous un accompagnement ?
Prenons l'exemple d'un enfant de 7 ans ayant participé à un film comportant des scènes de violence. Vous réussissez, grâce à des techniques de champs et contre-champs, à éviter que l'enfant soit témoin de cette violence. Lorsqu'il visionnera le film à 9 ans, cela peut s'avérer assez violent pour lui. Comment gérez-vous cet accompagnement, notamment la reprise de la scolarité et le retour à une certaine normalité ? J'imagine que ces enfants peuvent parfois prendre la grosse tête lorsqu'un film a du succès, ce qui est compréhensible. Comment accompagnez-vous ces jeunes dans ces situations, car cela peut représenter des violences particulières ?
Concernant les subterfuges, nous réfléchissons en amont avec les familles. Lorsque le scénario comporte des scènes de violence, un suicide, une maladie ou la mort, les sujets sont abordés avec leurs enfants et ce sont les parents qui décident de la manière dont ils souhaitent en parler. Si une situation est cachée à l'enfant, c'est le choix de la famille, qui abordera le sujet lorsque l'enfant grandira. Ce n'est pas une décision que nous prenons. De mon point de vue, les enfants peuvent comprendre beaucoup plus de choses qu'on ne le pense et il est toujours préférable de les informer plutôt que de leur cacher des éléments.
En ce qui concerne la suite du tournage, une fois celui-ci terminé, je ne suis plus employée. Un lien se crée toutefois avec l'enfant et les familles, qui savent qu'elles peuvent me contacter. Nous nous revoyons lors de la projection, mais en réalité, nous n'avons plus de contrôle et la distance rend parfois difficile toute intervention. C'est un axe de réflexion.
Récemment, j'ai eu l'impression que certains enfants tournaient sans grande envie. Ce sont des aspects difficiles à identifier lors du casting, mais pendant le tournage, il devient parfois évident que l'enfant est surtout là pour faire plaisir à ses parents. Il serait pertinent de créer un lien entre les coachs et la Drieets pour communiquer et réaliser un bilan après chaque tournage. Cela permettrait de réagir si, après un, deux ou trois tournages, les coachs signalent systématiquement un manque d'envie de la part de l'enfant. Il serait vraiment intéressant de créer une connexion.
Concernant le casting, il me semble pertinent de désigner une personne référente pour établir un lien, anticiper certaines situations et dialoguer avec les parents ou la personne accompagnant les enfants. Elle pourrait évaluer les envies des enfants et détecter des signaux éventuels pouvant être révélateurs d'une absence de motivation personnelle.
S'agissant de l'accompagnement après le tournage, il est essentiel de maintenir un ancrage constant dans la réalité, après la journée de travail, même s'il vit une expérience extraordinaire. Le retour à la maison et à la vie quotidienne ne doit pas être négligé. Il est donc important de préserver ses rituels du soir de l'enfant, qu'il soit chez lui ou ailleurs : devoirs, douche, dîner, histoire et coucher. Il est impératif que l'enfant ne reste pas mentalement dans son film après le tournage, mais qu'il retrouve ses repères habituels, pour maintenir un équilibre.
Après le tournage, j'assure un suivi. Cette démarche est fondamentale, car les enfants ont vécu une expérience intense au sein d'une équipe où ils étaient au centre de l'attention. Une fois le tournage terminé, les adultes passent à autre chose, même si l'expérience a été formidable, mais les enfants peuvent subir un contrecoup bien plus sévère. Certains peuvent décompenser, imploser, perdre leurs repères, malgré toute l'attention qui leur est portée. Cela est inacceptable. Je ne suis plus engagée par la production, mais je m'organise en incluant ce suivi dans mon forfait de jours de préparation. Il est impératif de prévoir ce temps pour les enfants et leurs parents, jusqu'à la promotion du film. Il faut cadrer cet accompagnement, qui est indispensable.
La découverte de ce nouveau métier de coach et de votre engagement est très intéressante. Lorsque vous constatez de véritables dysfonctionnements, susceptibles de compromettre la santé et l'épanouissement de l'enfant, les avez-vous signalés, au-delà de votre employeur, en saisissant un juge ?
Je n'ai jamais été confrontée à une telle situation. Les productions et réalisateurs qui nous emploient ou nous sollicitent ont globalement conscience de leurs responsabilités vis-à-vis des enfants. Une situation exceptionnelle pourrait survenir si un membre de l'équipe avait des tendances pédophiles, par exemple. Cependant, notre présence constante, que ce soit celle des assistants ou d'autres membres de l'équipe, réduit considérablement les risques de telles occurrences.
En tout état de cause, nous ne permettons pas l'existence de situations mettant en danger la santé de l'enfant, c'est le premier enjeu de notre fonction, avant même de considérer les aspects de comédie. Cette protection est essentielle pour faciliter ses capacités de création et de collaboration. Si nous constatons un enchaînement de jours ou d'heures de tournage, de scènes trop intenses ou très choquantes, nous intervenons. Je me souviens d'une petite fille de quatre ans que je coachais. Elle devait jouer une scène où elle était mise dans les bras de son père pour laisser sa mère partir, ce qui la faisait entrer dans une crise de nerfs. Avant d'accepter des postes de coach sur ce genre de tournage, nous discutons longuement avec le réalisateur pour nous assurer qu'il respectera notre approche du « comme si », qui est fondamental à mes yeux. Nous jouons la scène en imaginant les événements, et commençons par la répéter tranquillement, hors du plateau. Nous abordons également la question du contact physique, puisque la petite fille en question passera potentiellement vingt fois de suite de bras en bras, avec des personnes qu'elle ne connaît pas, pour simuler que sa maman la quitte. Nous essayons de minimiser l'événement et de collaborer avec le réalisateur et le chef opérateur. Si nous y parvenons, l'enfant aura simplement trouvé un bon moment pour se défouler, et l'aura bien vécu. Cela nécessite toutefois une réflexion approfondie, et beaucoup de travail et de répétition. En effet, nous évoluons dans une culture où le talent est souvent perçu comme un don sacré. Les réalisateurs rechignent souvent à engager des coachs, par crainte de dénaturer le talent et la spontanéité de l'enfance, refusant de parler de travail. Je ne critique pas ces réalisateurs ou réalisatrices, car la direction d'acteurs, même adultes, peut être intimidante. Personnellement, j'ai déjà rencontré un réalisateur qui m'a avoué prendre des coachs parce qu'il ne savait pas diriger les acteurs.
Un tournage ne repose jamais sur des prises uniques miraculeusement réussies. Cela peut arriver, mais pas sur 42 jours de tournage. En réalité, il faut répéter et travailler en amont, ce qui réduit significativement les risques de voir un enfant refuser de tourner. J'ai déjà été appelée en urgence parce qu'un enfant de 5 ans refusait de coopérer. Cinquante adultes étaient bloqués face à ce refus. Ils avaient tenté de jouer à cache-cache pour distraire l'enfant, fait venir sa mère pour le rassurer, ce qui faisait que l'enfant ne voulait plus la quitter. Il a fallu déguiser la mère en figurante pour qu'elle reste près de l'enfant et que celui-ci termine la journée. Le directeur de production m'a appelée en attendant un miracle de ma part. J'ai tout repris depuis le début : je suis allée observer sur le plateau pour comprendre la situation. Je me suis présentée à la petite fille, j'ai joué avec elle, je l'ai accompagnée sur le plateau, j'ai demandé à la mère et à l'enfant s'ils étaient d'accord pour que je vienne chez eux. J'ai tout repris depuis le départ, en lui expliquant qu'elle avait le choix d'abandonner le tournage si cela ne lui convenait plus, ou qu'elle pouvait décider de continuer, mais que cela imposait un engagement de sa part. Les enfants comprennent très bien, ce n'est pas une violence mais un choix de s'engager, comme lorsque l'on s'inscrit à un cours de danse. C'est l'enfant, acteur, qui décide.
Jusqu'à quel âge estimez-vous qu'un enfant doive être sous la responsabilité d'un adulte ? Pour moi, l'enfance s'étend jusqu'à la majorité. Cependant, votre travail diffère considérablement selon qu'il s'agit d'une petite fille de 4 ans ou d'un adolescent de 17 ans. Dans le cadre de la future obligation d'accompagnement, quelle limite pensez-vous que nous devrions fixer ?
Pensez-vous que votre profession pourrait s'étendre à d'autres secteurs relevant de notre commission d'enquête, tels que la mode ? Par ailleurs, estimez-vous qu'il existe des scènes qu'il ne faudrait jamais faire jouer à des enfants, par exemple des scènes d'intimité particulière ? L'intimité peut revêtir un caractère assez large et personnel. Avez-vous des exemples de scènes qu'il serait impératif d'éviter, ou bien cela dépend-il des enfants et de l'accompagnement ?
Je vais répondre à la première question. J'exerce en tant que coach pour enfants de 0 à 18 ans. Récemment, j'ai également coaché une comédienne de 20 ans pour des séquences intimes, mais elle aurait vraiment eu besoin d'un accompagnement approfondi, car son rôle était très complexe. En effet, certains adultes nécessitent un soutien pour certaines séquences, pas uniquement intimes.
À l'inverse, j'ai coaché des adolescents de 17 ans qui avaient déjà beaucoup d'expérience et pouvaient travailler de manière autonome. Notre présence était surtout préventive. Il est donc difficile de dire qu'à partir de 18 ans, l'accompagnement n'est plus nécessaire.
Il est essentiel de distinguer notre fonction d'accompagnement, qui inclut une dimension de protection, et la présence d'un référent. Ce référent peut être suffisant pour certains grands adolescents, s'il est bien informé. Il veillera à l'intégrité de cet adolescent, comme il pourrait le faire pour d'autres acteurs. Néanmoins, il serait pertinent de rendre obligatoire la proposition d'un accompagnement jusqu'à 20 ans, 22 ans, voire 25 ans. C'est peut-être ambitieux, mais il devrait y avoir une proposition systématique au moins jusqu'à 18 ans. La tranche d'âge de 15 à 18 ans est délicate : une présence est-elle toujours nécessaire ? Certains peuvent la considérer humiliante ou superflue. Il serait donc préférable de le concevoir comme une proposition.
En ce qui concerne les scènes interdites, je voudrais partager une expérience personnelle. Lors du tournage impliquant la petite fille de quatre ans, la première lecture du scénario m'avait fait hésiter. Cependant, après avoir rencontré le réalisateur, j'ai découvert qu'il souhaitait aborder le sujet comme un conte, avec des références au méchant loup, etc. Il s'agissait de créer une narration pour l'enfant, de jouer et de collaborer étroitement avec le réalisateur et le chef opérateur.
Je pense au film « Les Chatouilles », qui aborde de manière significative la question de l'intimité jouée par un enfant. J'ai participé à une projection du film en présence d'Andréa Bescon et d'Éric Métayer, où ils ont indiqué n'avoir pas fait appel à un coach, bien qu'ils aient travaillé en duo. Ce tandem est bien connu des enfants, avec une dynamique de « good cop, bad cop ». Un spectateur les a interrogés sur leur méthode de travail, et ils ont expliqué qu'ils avaient fait du cinéma. Une scène marquante du film est un gros plan sur Andréa Bescon, suggérant que l'agresseur est en train de commettre des attouchements. Cette scène, bien que délicate, a été filmée avec une grande précision. Ils ont énormément travaillé en amont avec la jeune actrice, choisie en pleine conscience de l'importance de ce qu'elle allait interpréter.
Ils ont insisté sur l'importance de cette préparation, surtout avec des enfants plus jeunes, qui pourraient ne pas être pleinement conscients des enjeux. Rien n'est interdit, mais il existe de nombreuses astuces pour aborder ces sujets sensibles. Avec un réalisateur et une production prêts à investir du temps et des moyens, il est possible de mettre en scène ces situations de manière appropriée.
Il est également toujours possible de remettre en question certaines scènes. J'ai moi-même travaillé sur la coordination d'intimité et dû intervenir sur des scènes mal écrites, qui s'apparentaient à un viol alors que ce n'était pas la volonté du réalisateur.
Je reviens sur la question relative aux autres métiers. Serait-il envisageable de décliner vos compétences dans d'autres domaines ?
À partir du moment où un enfant doit comprendre son rôle, se préparer et réfléchir à ses actions, cela devient utile, offre un gain de temps et permet de protéger l'enfant. Ainsi, d'autres secteurs pourraient effectivement bénéficier de cette approche.
Une personne dédiée aux enfants sur les plateaux de shooting photo, de publicité ou autres apporterait un cadre structurant au travail. Les enfants sont souvent sur-stimulés pour poser de manière idéale, mais on ne se demande pas pourquoi ils le font. Un accompagnement leur apporte la conscience de leur travail, et leur permet de comprendre qu'ils ne sont pas obligés de participer s'ils ne le souhaitent pas.
En tant que psychologue, je pense que l'accompagnement post-événement pourrait être assuré par un psychologue indépendant de la production. Il serait pertinent de prévoir, dès la négociation du contrat, un budget dédié à cet accompagnement, éventuellement mis à disposition des parents, afin de garantir un suivi psychologique à la demande, avec un minimum de trois à cinq séances. Le psychologue pourrait à l'issue de ces quelques séances se prononcer sur l'opportunité ou non de poursuivre l'accompagnement.
Merci pour votre éclairage précieux. Vos interventions nous ont inspiré quelques idées pour formuler des préconisations et nous seront utiles pour les auditions à venir.
La séance s'achève à dix-neuf heures trente.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Erwan Balanant, Mme Émilie Chandler, Mme Edwige Diaz, M. Michel Herbillon, Mme Pascale Martin, Mme Graziella Melchior, Mme Francesca Pasquini
Excusé. – M. François Cormier-Bouligeon