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Intervention de Maryam Muradian

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Maryam Muradian, psychologue clinicienne, ancienne coach pour enfants et coordinatrice d'intimité :

J'ai personnellement suivi une formation auprès de coachs d'acteurs professionnels. J'ai ainsi pu mobiliser mes compétences de comédienne et acquérir diverses méthodes et approches. Cela m'a été très bénéfique, car il ne s'agissait plus simplement d'être comédien dans un rapport de séduction. En réalité, nous sommes des instruments, comme des instruments de musique, et cela nécessite un travail rigoureux et des méthodes spécifiques. En parallèle, j'ai suivi une formation traditionnelle de coaching en entreprise. Le coaching a émergé en France dans les années 1980 et la question de la certification a été largement explorée. Il existe des organismes de formation très reconnus dans le coaching traditionnel qui pourraient prendre en charge une partie de la formation des coachs d'acteurs. Cela permettrait de réglementer et de structurer les pratiques.

Je pense notamment à la question du contrat tripartite. Le coach intervient pour permettre à la personne coachée d'optimiser ses capacités afin de remplir une mission qui lui est confiée. Cela concerne tous les types de coaching. Parfois, des conflits peuvent survenir avec l'employeur ou le supérieur, entravant le développement des compétences de la personne coachée. Cet employeur est souvent celui qui rémunère le coach pour débloquer la situation. Ce contrat tripartite peut s'avérer complexe. En tant que coach d'enfants, nous pouvons nous retrouver dans une situation similaire. Nous sommes rémunérés par l'employeur, qui, consciemment ou non, ne favorise pas nécessairement l'intérêt de l'enfant. Dans notre formation de coaching, nous apprenons à clarifier nos besoins et notre capacité à dire non à un employeur, même s'il nous rémunère. Nous apprenons également à l'enfant, voire aux parents, à dire non.

Ces compétences sont abordées dans les formations de coaching en entreprise que j'ai suivies et adaptées aux enfants. Cette méthode permet de faire émerger la demande du sujet coaché. Les certificateurs et formateurs en coaching actuels doivent être sollicités. Les coachs présents ce jour, ainsi que d'autres, peuvent animer un module ou participer à un jury composé de plusieurs personnes.

En tout état de cause, il est essentiel de maintenir cette idée de seconde instance, car les coachs ayant effectué une première partie de carrière dans le monde de l'audiovisuel comprennent mieux les enjeux auxquels sont confrontées les personnes qu'ils accompagnent.

Pour ce qui est de la rémunération, ma référence était les assistants-réalisateurs puisque, comme eux, nous collaborons avec le réalisateur sur la partie direction d'acteur. Lorsque j'étais plus jeune, ma référence était le poste de second assistant-réalisateur. Avec l'expérience, c'est devenu premier assistant-réalisateur. Je vous parle toutefois de ma propre perception. Il est important de légiférer sur ce point, afin de ne plus avoir à systématiquement négocier et justifier nos compétences, notre expérience. Combien de fois ai-je du revenir sur mon parcours : « Cela fait 15 ans que je fais ce métier, j'ai réalisé telle et telle activité, je paie des superviseurs, je suis une psychothérapie, je suis des formations en permanence, etc. » Lorsque j'interviens auprès de plusieurs enfants, en tant que coach, j'ai pu être rémunérée comme première assistante-réalisatrice et mon assistant comme second assistant-réalisateur. Nous définissons le nombre d'assistants nécessaires, afin que l'enfant soit en permanence accompagné. C'est fondamental. Si nous ne sommes pas présents, il est essentiel de lui indiquer avec qui il doit être, à qui il doit s'adresser et à qui se référer. Je me rappelle de journées interminables où mon travail n'était pas terminé tant que l'enfant n'était pas rentré chez lui avec son parent. Notre responsabilité s'étend du départ du domicile jusqu'au retour.

Quand les enfants sont loin de chez eux, il est impératif de distinguer la vie quotidienne du travail. Nous jouons le rôle de coordinateur unique, ce qui est important pour l'enfant mais également facilitateur pour l'ensemble de l'équipe, qui sait à qui s'adresser. En l'occurrence, une personne choisie par le coach est dédiée à la vie quotidienne de l'enfant. Cet assistant-coach joue un rôle crucial, surtout quand l'enfant est fatigué ou démotivé. Pour éviter cela, nous commençons à travailler sur ces aspects deux mois à l'avance, en rappelant aux parents de rester dans leur rôle de parent, de veiller à ce que l'enfant mange et dorme bien, sans lui mettre de pression. Nous instaurons des relais pour que les repères de l'enfant ne changent pas trop, avec un tuteur ou quelques professeurs. Un nombre d'heures leur est attribué chaque semaine, en fonction du planning de travail, pour éviter qu'ils ne soient surchargés. Nous gérons cela en coordination avec les parents ou la personne responsable de leur vie quotidienne lorsque les enfants ne sont pas chez eux.

Je vais vous donner un exemple des micro-violences que nous évitons. J'accompagnais une petite fille de dix ans qui avait le premier rôle d'un téléfilm, nécessitant vingt et un jours de tournage dans une autre ville que celle où elle réside. Je m'enquiers de son logement auprès du directeur de production, qui me répond en toute naïveté qu'elle sera bien logée et qu'il sera dans la chambre voisine, de même que le réalisateur. Évidemment, j'ai refusé cette solution, en expliquant que deux options s'offraient à nous : la présence d'un membre de sa famille ou d'un assistant de vie quotidienne.

S'agissant du travail sur le scénario, nous sommes une sorte d'exosquelette pour les jeunes acteurs. Un acteur adulte lit le scénario, soit seul, soit en groupe, et pose des questions. La configuration idéale est un réalisateur qui prend le temps de lire le scénario avec nous, en reprenant toutes les scènes impliquant l'enfant. Nous analysons chaque scène en posant des questions sur le sens de chaque scène : « Souhaites-tu vraiment qu'il pleure ? », « Souhaites-tu vraiment qu'ils s'embrassent sur la bouche ? ». Ainsi, nous résolvons certains problèmes. Si le réalisateur est moins coopératif, cela se fait de manière plus improvisée, soit en amont, soit quelques jours avant une scène. Le coach doit s'adapter à l'espace qui lui est donné ou non.

La question de la lecture est essentielle. Nous avons évoqué tout à l'heure l'inclusion des coachs. Au niveau technique, c'est relativement simple, nous pouvons facilement nous adresser à n'importe quel membre de l'équipe, par exemple pour leur demander de s'adresser à nous plutôt qu'à l'enfant. C'est plus délicat avec les acteurs et les actrices, qui sont les partenaires de jeu privilégiés des enfants. Certains sont très connus et relativement inaccessibles. Nous ne rencontrons pas les acteurs et ne sommes pas perçus comme des collaborateurs à part entière.

S'agissant de la certification, il existe des intervisions, lors desquelles les coachs partagent leurs expériences et leurs questionnements. Cela contribue à l'intelligence collective de cette profession.

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