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Intervention de Maryam Muradian

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Maryam Muradian, psychologue clinicienne, ancienne coach pour enfants et coordinatrice d'intimité :

Je suis psychologue clinicienne depuis deux ans, après avoir exercé le métier de coach de 2004 à 2022 de coordinatrice d'intimité à la fin de cette période.

Le métier de coach se présente souvent en deuxième partie de carrière. Nous ne devenons pas coachs immédiatement ; nous devons d'abord découvrir le métier d'acteur, les plateaux de théâtre ou de cinéma par d'autres biais. Pour ma part, j'ai passé un baccalauréat en théâtre et je souhaitais devenir comédienne. Cependant, une expérience m'a fait sentir que je risquais d'être manipulée, et j'ai préféré me tourner vers l'écriture et la direction d'acteur. Cela m'a conduit à débuter comme assistante-réalisatrice dans le cinéma. Par hasard, on m'a proposé de coacher un adolescent sur un téléfilm. Cette expérience a été déterminante. Les conditions étaient optimales puisque le réalisateur souhaitait la présence d'un coach, l'adolescent avait 14 ans et avait déjà tourné auparavant. Cela a facilité une collaboration immédiate avec l'équipe, le réalisateur et les parents, qui étaient eux-mêmes techniciens du cinéma. Cette première expérience s'est déroulée très naturellement et a suscité en moi le désir de mieux comprendre et définir cette profession. Ce métier requiert une réflexion permanente, une formation continue, et une adaptation constante aux besoins spécifiques des enfants. Il s'agit de les faire exister en tant que sujets dans cette expérience, pour laquelle ils sont rémunérés, avec une obligation de résultat non négligeable. Nous faisons notre possible pour que cette expérience soit agréable et enrichissante, mais il ne faut pas oublier que cela reste un travail.

Les difficultés sont nombreuses. J'évoquerai tout d'abord la question des parents. Au début, j'étais assez critique, considérant qu'ils exploitaient leurs enfants. Finalement, avec le temps, j'ai compris que les parents ne sont pas mal intentionnés, mais souhaitent offrir à leurs enfants une expérience exceptionnelle, une manière unique d'apprendre la vie et de déployer leurs talents, encadrés par des professionnels compétents. J'en suis arrivée à la conclusion que la relation avec les parents était également une collaboration, sur le modèle de l'école. Les parents confient leurs enfants aux professeurs, formés et reconnus pour cette tâche.

Le coach sert de vecteur entre le foyer et l'espace de travail. Symboliquement, nous accompagnons les enfants sur les plateaux, les suivant de leur loge jusqu'au plateau, avant de nous mettre en retrait, une fois toutes les protections en place, afin de laisser place à leur créativité, à leur liberté et à une collaboration saine avec les réalisateurs, chefs opérateurs, etc. Nous catalysons de nombreuses demandes, car les acteurs sont très sollicités. Les enfants veulent tout comprendre et voir, nous nous efforçons de canaliser cette excitation pour permettre à leurs talents naturels et à leur créativité de s'exprimer pleinement.

Nous devons également expliquer aux parents chaque étape du processus et leur permettre de rester parents, ce qui est essentiel pour les enfants. Lorsqu'ils rentrent chez eux, les enfants peuvent avoir besoin de se décharger, de raconter un événement. Si les parents sont absorbés par l'enjeu professionnel, ils peuvent avoir tendance à dire à leurs enfants de bien obéir et de rester sages, tandis que de notre côté, nous passons notre temps à leur dire d'être libres et de faire ce qu'ils veulent, tant que cela se passe bien. Notre objectif commun est que lorsque l'enfant regardera ce film dans dix, vingt ou trente ans, il soit fier de son travail. Il se souviendra des bons moments et sera fier du résultat, sans en avoir honte.

Concernant l'employeur, une des grandes difficultés pour les enfants acteurs est qu'ils se retrouvent à travailler dans une entreprise où chaque minute de tournage a un coût. Or les enfants sont des êtres très vivants, parfois incontrôlables. L'enfant ne doit pas faire perdre de temps et savoir se soumettre au désir d'un ou de plusieurs adultes inconnus. Tous les enfants ne possèdent pas cette capacité, souvent filtrée lors des castings. C'est un métier, et ce n'est précisément pas un jeu d'enfant. Ce prérequis peut ouvrir la porte à des violences et maltraitances, souvent non nommées. Notre présence empêche les violences flagrantes, car nous protégeons l'enfant, en lien avec les parents, le réalisateur, la production et l'équipe en général. Ces alliances interdisent le jeu de la séduction ou de la tendresse. Nous représentons la valeur travail des enfants à ce moment-là.

Une des lacunes réside dans la question du statut. Le rôle de responsable d'enfant ne figure pas dans la grille de salaire. Nous sommes qualifiées de « répétitrices », terme féminisé. Cela introduit un aspect sexiste, car nous devons souvent faire comprendre que nous ne sommes pas des nounous, malgré tout le respect que j'ai pour cette profession. Très souvent, nous sommes secondées par une autre personne pour la partie hors plateau. Autour du plateau gravitent de nombreuses personnes qui participent à la création et à la recherche, ainsi que toutes les activités périphériques (préparation, loge, etc.). Nous sommes les vecteurs, les accompagnateurs, les guides. Nous discutons avec les enfants des sujets qui les préoccupent : comment pleurer pour une scène, l'endroit où ils vont dormir ce soir, etc. Nous essayons de répondre à leurs questions, parfois inattendues de notre point de vue d'adulte. Cette lacune juridique mérite vraiment d'être travaillée.

Nous sommes qualifiées de répétitrices, mais l'apprentissage arrive généralement en tout dernier lieu. Nous travaillons d'abord sur la posture, les enjeux du métier d'acteur, les difficultés, les besoins. Les enfants ressentent une pression énorme, nous devons la faire redescendre. Nous valorisons leurs compétences et leur intégrité. Cette reconnaissance narcissique contribue à réduire les risques d'abus de confiance, car les enfants s'interrogeront davantage avant de se conformer à des demandes douteuses sous prétexte que cela leur est demandé par une figure d'autorité. Imaginez qu'un acteur ou une actrice célèbre, déjà vue dans de nombreux films, se comporte de manière étrange ; cela pourrait les inciter à imiter ces comportements, pensant que c'est acceptable. Ce sont des enfants que je risque de retrouver quelques années plus tard dans mon cabinet de psychologue, complètement effondrés ou atteints narcissiquement. Je digresse, mais il est indéniable qu'il existe des lacunes juridiques. Le terme de « responsable enfant » ne signifie pas la même chose que « coach ». « Coach » est un anglicisme que je trouve particulièrement laid, mais il englobe la notion d'accompagnement. Être « responsable enfant » ne se limite pas à veiller à ce que les enfants dorment bien et mangent correctement, même si c'est la base et qu'il n'est pas toujours nécessaire d'aller plus loin, lorsque tout se passe bien.

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