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Intervention de Anouk Lavaure

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Anouk Lavaure, directrice adjointe au directeur général du travail, ministère du travail, de la santé et des solidarités :

Le domicile privé, en tant qu'espace habité, ne peut être investi qu'avec l'autorisation de l'occupant des lieux, nous n'avons pas la possibilité d'intervenir systématiquement.

La question de l'habitation est déterminante. Si le domicile est transformé en lieu de tournage, il devient un lieu de travail. Jusqu'à présent, cette question ne s'est pas posée. Dans le cadre d'un chantier de rénovation chez un propriétaire privé, si nous constatons une situation de travail depuis la rue, nous devons obtenir l'autorisation de l'occupant des lieux pour pénétrer dans le domicile privé.

L'inspection du travail peut intervenir de sa propre initiative, mais aussi en réponse à des situations signalées, notamment en ce qui concerne les violences. L'inspection du travail agit dans le cadre du plan national d'action pluriannuel du système d'inspection du travail. Ce plan vise à mobiliser de manière coordonnée l'ensemble des services et agents sur des actions prioritaires, afin de faire évoluer significativement les conditions de travail et de garantir les droits fondamentaux des travailleurs sur des sujets identifiés comme incontournables. Le plan national d'action 2023-2025 identifie quatre sujets nécessitant la mobilisation de l'inspection du travail.

Le premier concerne la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, impliquant une forte présence sur les lieux de travail et les chantiers, afin d'intervenir sur toutes les expositions à des risques physiques, chimiques et biologiques. Le deuxième axe est la lutte contre les fraudes, prenant en compte les enjeux liés à l'irrégularité de certaines situations de travail, notamment la lutte contre le travail illégal, la traite des êtres humains, l'emploi d'étrangers sans titre de séjour ou les manquements aux obligations de détachement de travailleurs. Un troisième axe porte sur la réduction des inégalités, avec une attention particulière à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cela inclut également, les questions de harcèlement sexuel et moral au travail. Enfin, un dernier axe concerne la protection des travailleurs les plus vulnérables, en particulier les travailleurs précaires et les jeunes travailleurs, notamment les apprentis.

Pour répondre à votre question, en dehors du cadre précis de pilotage des actions de l'inspection du travail sur ces priorités, il n'existe pas aujourd'hui d'axe dédié à la prévention des violences dans le secteur du spectacle. La question de la présence sur les lieux de travail se heurte en effet à l'absence d'établissements fixes, puisque les activités sont souvent itinérantes, ponctuelles, avec un collectif de travail composé principalement d'intermittents. Nous ne connaissons pas l'ensemble des lieux où se déroulent ces activités, notamment les lieux de tournage. L'essentiel de notre activité consiste à intervenir sur signalement et, le cas échéant, sur plainte, dans le cadre de situations de harcèlement sexuel ou moral au travail. Les inspecteurs du travail disposent d'un droit de communication étendu pour constater ces faits à travers tout document ou élément d'information dont ils disposent. Ils ont compétence pour constater ces infractions par procès-verbal. Ils peuvent également être saisis de faits relevant d'incriminations du code pénal et, à ce titre, intervenir sous la forme d'un signalement au procureur de la République, permettant à ce dernier de diligenter l'enquête nécessaire.

L'inspection du travail peut également être alertée sur une situation dangereuse en vertu des principes généraux de prévention que l'employeur doit respecter pour assurer la sécurité physique et mentale des travailleurs. À ce titre, elle peut solliciter le directeur régional de la Dreets pour une mise en demeure visant à faire cesser cette situation dangereuse. Cela est possible lorsqu'une situation de souffrance au travail ne peut pas être qualifiée pénalement de harcèlement moral ou sexuel.

S'agissant de la sécurité des mineurs, l'agent de contrôle de l'inspection du travail constatant un risque sérieux pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique ou morale d'un travailleur de moins de 16 ans peut demander au directeur régional la suspension de son contrat de travail. Le directeur régional dispose alors de quinze jours à compter des constatations pour autoriser ou refuser la reprise de la relation de travail. Il importe de rappeler que le code du travail interdit de confier à des mineurs de moins de 16 ans des activités dangereuses, notamment pour leur moralité. En cas de violation des dispositions relatives à l'emploi des enfants, ou d'emploi d'un enfant sans autorisation de la commission des enfants du spectacle des sanctions pénales sont prévues dans le code du travail.

Il existe certaines limites à l'intervention des agents dans ce secteur. Les faits relatifs à un éventuel harcèlement sexuel sont souvent portés à la connaissance des agents par le biais de plaintes ou d'alertes émanant d'autres acteurs institutionnels. Dans le cadre d'une plainte, le principe de confidentialité absolue impose à l'agent de contrôle d'obtenir la levée de cette confidentialité avant de pouvoir engager une démarche qui n'expose pas la victime ou l'auteur du signalement. Nous rencontrons souvent des difficultés à établir des constats spécifiques de la situation individuelle lors des contrôles. L'enquête repose principalement sur la démonstration d'éléments matériels de l'infraction et se base souvent sur le recueil de témoignages et, éventuellement, de faits matériels complémentaires, tels que des écrits. Ces éléments sont ensuite transmis au procureur de la République par procès-verbal ou, lorsque la matérialité de l'infraction ne peut être démontrée, par un signalement en vertu de l'article 40. Ces procédures sont généralement longues et complexes et il est parfois impossible de produire tout témoignage.

L'inspecteur du travail est également chargé de contrôler l'application des dispositions conventionnelles, mais peut se heurter à l'impossibilité de sanctionner des manquements, faute de sanctions pénales ou administratives autres que celles prévues par le code du travail. Face à cette situation, les services déconcentrés ont engagé et développé, notamment depuis le lancement du quatrième plan santé au travail (PST4) en 2023, des actions visant à la prévention et à la sensibilisation des acteurs en matière de violences sexistes et sexuelles au travail. Ces actions ne visent pas toujours spécifiquement un secteur d'activité donné, mais il nous sera possible de rappeler les initiatives prises par la région Auvergne-Rhône-Alpes, notamment pour le secteur du spectacle.

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