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Intervention de Maryam Muradian

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Maryam Muradian, psychologue clinicienne, ancienne coach pour enfants et coordinatrice d'intimité :

Je n'ai jamais été confrontée à une telle situation. Les productions et réalisateurs qui nous emploient ou nous sollicitent ont globalement conscience de leurs responsabilités vis-à-vis des enfants. Une situation exceptionnelle pourrait survenir si un membre de l'équipe avait des tendances pédophiles, par exemple. Cependant, notre présence constante, que ce soit celle des assistants ou d'autres membres de l'équipe, réduit considérablement les risques de telles occurrences.

En tout état de cause, nous ne permettons pas l'existence de situations mettant en danger la santé de l'enfant, c'est le premier enjeu de notre fonction, avant même de considérer les aspects de comédie. Cette protection est essentielle pour faciliter ses capacités de création et de collaboration. Si nous constatons un enchaînement de jours ou d'heures de tournage, de scènes trop intenses ou très choquantes, nous intervenons. Je me souviens d'une petite fille de quatre ans que je coachais. Elle devait jouer une scène où elle était mise dans les bras de son père pour laisser sa mère partir, ce qui la faisait entrer dans une crise de nerfs. Avant d'accepter des postes de coach sur ce genre de tournage, nous discutons longuement avec le réalisateur pour nous assurer qu'il respectera notre approche du « comme si », qui est fondamental à mes yeux. Nous jouons la scène en imaginant les événements, et commençons par la répéter tranquillement, hors du plateau. Nous abordons également la question du contact physique, puisque la petite fille en question passera potentiellement vingt fois de suite de bras en bras, avec des personnes qu'elle ne connaît pas, pour simuler que sa maman la quitte. Nous essayons de minimiser l'événement et de collaborer avec le réalisateur et le chef opérateur. Si nous y parvenons, l'enfant aura simplement trouvé un bon moment pour se défouler, et l'aura bien vécu. Cela nécessite toutefois une réflexion approfondie, et beaucoup de travail et de répétition. En effet, nous évoluons dans une culture où le talent est souvent perçu comme un don sacré. Les réalisateurs rechignent souvent à engager des coachs, par crainte de dénaturer le talent et la spontanéité de l'enfance, refusant de parler de travail. Je ne critique pas ces réalisateurs ou réalisatrices, car la direction d'acteurs, même adultes, peut être intimidante. Personnellement, j'ai déjà rencontré un réalisateur qui m'a avoué prendre des coachs parce qu'il ne savait pas diriger les acteurs.

Un tournage ne repose jamais sur des prises uniques miraculeusement réussies. Cela peut arriver, mais pas sur 42 jours de tournage. En réalité, il faut répéter et travailler en amont, ce qui réduit significativement les risques de voir un enfant refuser de tourner. J'ai déjà été appelée en urgence parce qu'un enfant de 5 ans refusait de coopérer. Cinquante adultes étaient bloqués face à ce refus. Ils avaient tenté de jouer à cache-cache pour distraire l'enfant, fait venir sa mère pour le rassurer, ce qui faisait que l'enfant ne voulait plus la quitter. Il a fallu déguiser la mère en figurante pour qu'elle reste près de l'enfant et que celui-ci termine la journée. Le directeur de production m'a appelée en attendant un miracle de ma part. J'ai tout repris depuis le début : je suis allée observer sur le plateau pour comprendre la situation. Je me suis présentée à la petite fille, j'ai joué avec elle, je l'ai accompagnée sur le plateau, j'ai demandé à la mère et à l'enfant s'ils étaient d'accord pour que je vienne chez eux. J'ai tout repris depuis le départ, en lui expliquant qu'elle avait le choix d'abandonner le tournage si cela ne lui convenait plus, ou qu'elle pouvait décider de continuer, mais que cela imposait un engagement de sa part. Les enfants comprennent très bien, ce n'est pas une violence mais un choix de s'engager, comme lorsque l'on s'inscrit à un cours de danse. C'est l'enfant, acteur, qui décide.

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